Après tout ce que Joanne a dit, étrangement, je ne doute pas d'elle lorsqu'elle dit qu'elle m'aime. Parce que pour elle et moi la jalousie est une preuve d'amour, et c'est bien la jalousie le fond du problème concernant Hannah. Ce qu'elle ne comprend pas, c'est que sacrifier mon amitié et mon affection pour la comédienne est ma propre preuve d'amour pour elle. J'ai blessé ma meilleure amie pour elle, j'ai brisé son coeur, et parce qu'elle la déteste elle ne parvient pas à voir l'importance du geste. La liste des ''incapacités'' de la jeune femme est ben longue. Mais je sais qu'elle est comme ça. Même si ça me rend fou, même si parfois je n'en peux plus et qu'elle m'exaspère. Aujourd'hui, elle admet que les épreuves qu'elle nous fait subir ne sont pas nécessaires. Peut-être qu'un jour elle saura s'abstenir. Visiblement, dans le fond, nous sommes tous les deux revenus pour Daniel. Pour que notre fils ait deux parents. Deux parents qui s'aiment, mais dont l'amour est complexe. Mais deux parents quand même, et qui auraient toujours été unis et dévoués pour lui. Et parce que c'était ainsi. Parce qu'il y a une force qui nous dépasse et nous force à dire que la personne que nous avons sous les yeux est la seule avec qui nous pouvons faire notre vie. Même si elle nous fait souffrir. C'est ainsi. « On ne dirait pas que tu t'en fiche. » je fais remarquer d'une voix grave. On dirait plutôt qu'elle me reproche sa propre culpabilité. Qu'elle m'en veut de devoir assumer ses actes. Et que tout ce qu'il y a à côté importe vraiment peu. Je ne veux pas qu'elle se sente obligée de se taire, même si je l'ai dit sur le coup de la colère. J'aimerais juste qu'elle apprenne à laisser le passé au passé. Qu'elle croit en moi. Mon regard se pose aussi sur sa bague. « Je n'ai pas envie que tu l'enlèves. » je murmure avec un sourire triste. Dans le fond, je sais bien que la jalousie me rendrait incontrôlable. Je n'ai jamais dit que j'étais de parfaite bonne foi. La voir embrasser quelque d'autre, ou juste avoir autant de tendresse pour un homme dans le regard me rendrait assez fou de rage pour trouver cette personne et le laisser pour mort dans le caniveau. J'aurais tout détruit sur mon passage, et surtout, le minois de celui qui ose me prendre un peu de Joanne. La jalousie, même par amour, reste toxique. Ce n'est pas que Joanne. C'est toute l'intensité de ces émotions qui nous tue à chaque fois. « Non… Je suis surtout… malade à l'idée de ne pas réussir à faire quoi que ce soit pour t'arracher à toutes ces pensées. Je me sens tellement incapable. Tellement… inutile et insignifiant. Je n'arrive à rien. Ni à te faire passer l'éponge, à te changer les idées, encore moins à te rendre heureuse. Je n'y arrive pas. » Et à force d'essayer, d'échouer, d'essayer encore, et d'échouer à nouveau, mes yeux rougissent d'une sorte de désespoir à l'idée que celle que j'aime et la mère de mon fils soit toujours malheureuse à mes côtés, mais forcée par le destin à y rester. Je ne veux pas d'une prisonnière. Cela me fait tant souffrir. « Et je ne comprends pas comment tu peux dire que tu m'aimes après tout ça. » Pas après tout ce qu'elle a dit. J'ai bien compris le fond de sa pensée. Et entre la peur de se prendre un coup et celle de parler, sa vie ressemble à celle d'une captive. Je ne comprends pas comment elle peut vouloir de ça. « Que je t'ai choisie… ça ne suffit même pas. » Pourtant, je pensais naïvement qu'une fois fiancés, Joanne tirerait un trait sur tout. Elle comprendrait que je suis à elle, Hannah ou pas, qu'elle gagnera toujours et que tout mon être ne peut pas faire autrement que d'être auprès d'elle. C'est plus fort que moi. Mon regard se baisse aussi. Je n'arrive à rien. Tout ceci me semble tellement vain. « Est-ce que je n'ai pas assez prouvé que je t'aime ? » Par les mots, par les actes, à force de décisions, de paroles, de promesses. Cela ne semble être que du vent pour elle. Ou du moins, avec bien trop peu de valeur pour changer la donne.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Jamie lui avait demandé pourquoi, et elle lui avait répondu. Ses paroles étaient brutes, venant tout droit de son coeur, n'ayant plus vraiment de ce qui pouvait advenir d'elle. Il est le premier à savoir qu'elle le placera toujours devant elle, avec Daniel. Elle aurait pu s'attendre à ce qu'il trouve sa réponse ridicule et vide de sens. Mais il l'écoutait avec une attention qu'elle ne méritait pas. Joanne haussa les épaules à sa remarque. Cela n'avait aucune importance, qu'elle s'en fiche ou non. Elle ferait avec, ça ne le gênerait pas de se murer dans ses silences. En y repensant, cette dispute n'allait absolument pas être bénéfique pour les conversations à venir - si conversation il y a. Le regard bien bas, les yeux rivés sur sa bague, la jeune femme s'attendait à ce qu'il lui demande de la retirer, de mettre fin à cette relation qui n'aboutirait à rien. Qu'il dise qu'il veuille qu'elle la garde, la toucha profondément. Ce n'était pas qu'un simple soulagement, c'était un avenir à deux qui se traçait devant elle. Avant qu'il ne le dise, Joanne se voyait déjà plier bagage et ne plus jamais le revoir. S'il n'y avait pas Daniel, ça aurait été très certainement le cas. A sa phrase, ses iris bleus se bordèrent de grosses larmes, pas encore tout à fait prêtes à former un sillon sur ses joues. Elle était prête à attendre sa sentence, et tout ce qu'elle entendit de Jamie était sa propre culpabilité. Il s'en voulait terriblement de ne rien pouvoir faire pour l'aider, ce qui, sur le coup, n'avait plus aucun sens, surtout suite à une dispute pareille. L'amour avait fini s'infiltrer dans cette colère, et ajouter son grain de sel là où il le fallait. "Ne culpabilise pas parce que tu n'arrives à ne rien faire de moi." lui chuchota-t-elle. Elle-même savait que changer était presque une cause perdue. Joanne faisait ton son possible pour être une meilleure personne, mais il y avait de nombreux points où elle était très mauvaise élève. "Je n'ai à en vouloir qu'à moi-même." admit-elle, refusant d'entendre encore une seule phrase de culpabilité venant de son fiancé. Celui-ci ne comprenait pourquoi elle l'aimait toujours. "Je le dis parce que c'est le cas. Que c'est ce sentiment là qui fait tout briser, tout autant qu'il parvient à nous unir. Il y en a trop, beaucoup trop, pour savoir quoi en faire. Alors ça devient des jalousies incandescentes, des disputes insupportables..." Leur amour se déclinait étrangement lorsqu'ils ne pouvaient pas le gérer par la tendresse et le sexe. Mais rien, jamais rien n'était assez dans leur couple. Ils étaient en constante quête du plus. Comment lui faire comprendre encore plus à quel point on lui appartient, à quel point on aime, à quel point on lui est dévoué. Etre enfermé dans cette enveloppe de chair les limitait dans beaucoup de choses. Il fallait constamment se prouver, aller au delà de toutes les limites et de toutes les conventions existantes. Tout était une parfaite démesure entre eux. Il y avait des hauts, des bas, et tout concordait. "Tu viens de le prouver une nouvelle fois." dit-elle tout bas, la voix tremblante. "En me disant que tu n'aies pas envie que je retire la bague, en ne me demandait pas de l'enlever." Ses iris bleus fixiaient le même bijou, elle ne le quittait pas des yeux. "Je veux devenir ta femme, Jamie, être à toi. Agrandir notre famille si j'y arrive. Ce n'est pas une dispute comme celle-ci qui va m'en dissuader." lui avoua-t-elle. "Parce que c'est la seule chose que je désire plus que tout. La plus belle preuve d'amour serait que tu sois là, devant l'autel, et que tu me mettes l'alliance sur l'annulaire gauche." Et à partir de là, leur amour serait scellé. Joanne avait une vision beaucoup trop sacré pour un mariage, mais Jamie pouvait l'utiliser et l’interprétant comme étant la garantie d'une promesse. Qu'à partir de là, Joanne ne doutera de rien et elle endossera avec perfection son rôle d'épouse. "Ce n'est pas un hasard si tu es l'unique personne qui a su m'offrir un bébé en bonne santé." C'était un signe parmi tant d'autres, pour elle. Même si l'atmosphère et la discussion s'étaient largement apaisées, Joanne n'osait toujours relever les yeux, être confrontée à son regard. Dieu sait ce qu'elle pourrait y voir. Pour elle, elle restait encore celle qui était punie, celle qui devait se taire.
Lâchant un soupir, je laisse mon regard lourdement posé sur Joanne. Je ne veux pas croire qu'elle soit un cas désespéré. Je crois surtout que malgré tout ce qu'elle dit, elle ne cherche pas vraiment à changer cette partie sombre de sa personnalité, à la canaliser, et qu'elle se complaît dans cette perpétuelle noyade en refusant toutes les bouées de sauvetage qui lui sont lancées. Elle reste là, à jouer entre la vie et la mort, pendant que je me mords les doigts à l'idée de ne rien pouvoir faire pour la sauver. Pourtant, il suffirait qu'elle attrape une seule des aides que je lui envoie et qu'elle me laisse la tracter vers le rivage. Mais elle ne s'accroche jamais assez fortement. Elle finit toujours par lâcher. Par me laisser tomber, dans un certain sens, moi qui mets tout en œuvre pour qu'elle soit près de moi et qui se confronte depuis des mois à une forme de mauvaise foi. Si son amour était aussi grand qu'elle le prétend, elle ferait tout pour me rejoindre dans ce lieu sûr que je lui propose. Comme elle l'a dit, Joanne nous met face à des épreuves qui ne sont pas nécessaires. Et elle nous fait souffrir tous les deux. Mes preuves d'amour auront-elle la moindre importance demain ? Le mois prochain ? A la prochaine dispute, elle aura encore tout oublié. Tout sera passé à la trappe, enterré sous une montagne de pensées noires. J'ai de plus en plus de mal à croire que le mariage sera la solution miracle au problème. « Je le savais… Tant qu'il n'y aura pas de mariage, on tournera en rond. » Et nous vivrons comme ça pendant des mois parce que la jeune femme n'est pas fichue d'être heureuse malgré tout ce qu'elle a la chance d'avoir. Il faut toujours qu'elle ternisse la brillance de notre histoire en ne se tournant que vers les temps plus sombres du passé. Et rien ne nous assure qu'une fois la bague au doigt, elle ira mieux. Il n'y a pas de raison qu'elle aille soudainement mieux. « Je t'en veux beaucoup de n'accorder aucune importance au choix que j'ai fait. J'ai cette bague, mais j'ai l'impression qu'elle ne représente rien à tes yeux. » dis-je en tripotant ma propre alliance. Pour moi, elle représente beaucoup. C'est la seconde chance -disons seconde, parce que j'ai perdu le véritable compte- que je nous donne plutôt que de me tourner vers la facilité d'une vie avec Hannah. C'est le coeur brisé de mon amie, c'est la lâcheté et l'ingratitude dont j'ai fait preuve en l'abandonnant pour Joanne. C'est mon amour pour notre fils. Il y a tant de choses que ses œillères ne lui permettent pas de voir. « T'en vouloir à toi-même de ne pas réussir à te faire une raison ne résout rien. Il faut agir. Tu as eu beau dire que tu allais faire des efforts pour avoir moins de pensées noires, rien n'a vraiment changé, elles continuent d'obscurcir tout ton jugement. On le voit bien ce soir. » La jeune femme ne va pas aimer ce que je vais dire. Peut-être qu'elle hurlera ou pleurera de plus belle, à moins qu'elle ne se résigne sans rien dire, puisqu'elle a décidé qu'elle ne dirait plus rien. Mais je lui ai dit que je n'hésiterais pas une seconde à la faire enfermer si j'estime que c'est pour son bien. Je n'irai pas jusque là. « J'aimerais que tu ailles parler à quelqu'un qui pourra t'aider, parce que ça n'est certainement pas moi. » Voir un psy, en somme. Celui de son choix, celui qui lui conviendra le mieux et lui inspirera confiance. Moi, je n'arrive à rien. Même par amour, une partie d'elle refuse d'être dans la lumière avec moi. Je ne doute pas de la grandeur de son amour. Je pense qu'il y a une force plus grande que cet amour en elle qui l'éloigne de moi. Cette force qui la tire vers le fond. « J'ai fait, et je fais toujours ma part d'efforts. Même à contrecœur, et pendant des mois, quitte à m'éteindre lentement. » Après tout, le traitement, les médicaments, la thérapie, c'était pour elle. Pour que notre maison soit harmonieuse et qu'elle n'ait plus peur de moi. Elle peut bien me rendre la pareille. Au moins essayer. « C'est ton tour maintenant. »
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Joanne commençait sérieusement à se demander si leur couple avait un sens quelconque, si ça allait aboutir à quelque chose. A s'entendre avouer toutes les vérités, il semblerait qu'ils foncent tout droit dans un mur. Elle se disait qu'elle était l'unique source de leur problème, et que ses idées noires finiraient par tout ravager, qu'importe les sentiments, qu'importe la force de leur amour. Ils tournaient en rond déjà depuis très longtemps, et elle étai un peu trop rêveuse en se disant que leur mariage allait tout résoudre. Néanmoins, c'était ce qu'elle croyait, et même cette réponse là décevait Jamie. Si l'on savait à quel point son coeur lui faisait énormément mal. Comme s'il était compressé de plus belle dans un étau, prêt à exploser à n'importe quel moment. Jamie n'hésita pas à lui dire combien il lui en voulait d'avoir une pensée aussi dérisoire face au choix auquel il avait été confronté lorsqu'elle avait fait sa demande. Tout allait bien mieux lorsque rien n'avait à dire. Le bel homme finit par demander à sa fiancée qu'elle fasse aussi sa part d'efforts de l'histoire, en exigeant d'elle qu'elle aille voir un professionnel pour se faire aider. Il connaissait son aversion pour les psychologues, mais cela ne semblait pas l'influençait dans son voeu. C'était particulièrement dur à entendre pour la jeune femme. Ca lui rappelait leur lourde dispute à la salle de bain, lorsqu'il avait dit que s'il le fallait véritablement, il n'hésiterait pas à la faire interner. Elle s'y voyait déjà. La douleur dans sa poitrine était telle qu'elle déposa sa main dessus, surprise qu'elle ne manque pas encore d'air, alors qu'elle n'avait absolument pas anticipé leur dispute en n'ayant pas pris son traitement. Il estimait qu'il avait rempli sa part du marché pour faire en sorte que leur couple aille, que Daniel puisse vivre dans une maisonnée pleine d'amour et de bonheur. Les larmes de soulagement qui avaient bordé un peu plus tôt ses yeux devinrent des larmes d'une profonde tristesse. Tout, absolument tout était particulièrement douloureux, épuisant. Même le fait de devoir tenir debout sur ses jambes. Non, dans le fond, leur couple n'allait pas mieux. Loin de là. Joanne se retint de sangloter devant lui, pas même de renifler un petit peu. Muette, elle restait longuement là, tête baissée, à réfléchir. Mais sur le coup, toutes ses idées étaient biaisées, déformées, pour finir par être faussé, la conduisant vers de mauvais jugements. Au point de se dire qu'elle n'était que la cause de la ruine de leur propre couple. "J'aimerais être un petit peu seul, s'il te plaît." demanda-t-elle tout bas, toujours les yeux baissés. Vraisemblablement, sa longue promenade n'avait pas été suffisante, elle ne l'avait pas préparé à ça. Et, au point où ils en étaient, il était inconcevable pour la jeune femme qu'ils puissent dormir dans le même lit. Même si les nuits avaient toujours été de leur côté, même durant les périodes les plus difficiles. Là, tout était différent pour elle, ce n'était plus pareil. Ce n'était pas une nuit passée ensemble, à faire comme si de rien n'était, qui allait l'apaiser. Ce ne serait que des nuits de mensonges, une chimère idéaliste qui faisait croire que tout allait bien. Joanne avait à nouveau besoin d'un temps pour elle, déjà, pour se calmer, pour que cette douleur qui l'empêchait de réfléchir passe. Ensuite, peut-être qu'elle parviendra à mettre ses idées en place, peut-être qu'elle admettra que Jamie a raison, ou tout le contraire. Elle lui adressa un bref regard, mais c'était bien trop dur pour elle de le soutenir, même si ce n'était que pour quelques secondes. Bien que d'un côté, elle se fichait de ce qu'il pouvait penser, mais elle espérait tout de même qu'il comprenne qu'elle ait besoin d'un temps de réflexion. "Bonne nuit, Jamie." dit-elle avec une voix à peine audible avant de se retourner et de s'allonger sur la couverture du lit de la chambre d'amis, dos à lui. Il y avait peu de chance qu'elle ne s'endorme.
Pas une réponse. Joanne se contente de me congédier et d'aller se coucher, mettant arbitrairement bien à la conversation et à la nuit. Elle me fait bien comprendre qu'elle ne veut pas de moi auprès d'elle, et se fiche bien que je reste planté là comme un idiot sur le pas de la porte. Je me passe bien de lui répondre, puisque c'est ainsi. Je me contente de refermer la porte, la gorge serrée et le coeur gros. Pendant un instant, la main sur la poignée, je ne sais pas vraiment quoi faire. Je n'ai pas sommeil. Je n'ai pas envie d'aller dans notre chambre, je m'y sentirai bien trop seul et abandonné. Je pourrais aller dormir dans l'atelier, mais je saurai que la jeune femme est juste en dessous de moi, et cela ne me reposera pas plus. Je pourrais aller m'épuiser dans la piscine, faire des longueurs pendant des heures jusqu'à ce que je ne puisse plus réfléchir à l'endroit où je vais dormir. Etrangement, je n'ai pas envie de blesser qui que ce soit, pas même moi, ou de briser quelque chose. Je crois que cela m'arrive surtout lorsque je suis en colère contre moi-même, et à cet instant, toute ma rancoeur et ma déception sont tournés vers Joanne. Je fais de mon mieux pour elle. Je lui donne tout. J'ai passé des mois à encaisser chaque coup dans ma fierté que représentait la prise des médicaments. Et quand je lui demande de me rendre -de nous rendre- la pareille, elle me tourne le dos et pense qu'elle peut se permettre de réfléchir. Comme si refuser était une option. Ce serait tellement insultant. Mais je ne suis plus à une insulte près sur tout ce que j'ai pu faire. Tous ces efforts rabaissés et piétinés. Je lâche enfin la poignée, je sais quoi faire pour trouver un peu de tranquillité. Je n'ai besoin que de mes clés de voiture. Mais au rez-de-chaussée, les chiens m'interpellent. Avec tout ça, personne n'a remarqué que leurs gamelles sont vides. Je leur demande pardon avec quelques caresses et m'occupe de les renflouer en eau et en nourriture. Je les prendrais bien avec moi si je le pouvais. J'étais toutes les lumières et ne laisse d'une lampe allumée dans le petit salon. La porte de la maison fermée derrière moi, je monte dans ma voiture et prend la route. Je fais quelques détours pour allonger le chemin, et me contenter du seul plaisir de conduire dans Brisbane de nuit. L'hôtel de ville est particulièrement beau, éclairé par quelques projecteurs dans le sol de la grande place. Les tours sombres se devinent grâce à la brillance des lampadaires qui se reflètent sur leurs vitres, ais tout en haut, leur sommet se perd et se fond dans l'obscurité du ciel. J'arrive en bas de l'immeuble que je cherche, là où l'allure de ma voiture détonne particulièrement. J'ai un peu honte de chercher refuge ici, et de frapper à la porte à cette heure, mais j'espère qu'on me laissera entrer sans poser de questions. Il faut de longues minutes avant que Martin m'ouvre, emmitouflé dans un peignoir. « Vous avez une chambre d'amis ? » Sans rien dire, il me laisse entrer. Il m'indique brièvement la chambre et je le remercie avant qu'il ne retourne se coucher auprès de son épouse. Je trouve d'abord Daniel dans l'appartement, profondément endormi. Assez pour que je puisse le prendre dans mes bras sans que cela ne le perturbe de trop. Il couine un peu, mais lorsqu'il reconnaît ma présence et ma voix, il se rendort. Je l'installe dans le grand lit de la chambre, calé entre les deux oreillers, tout près de moi. Et, ainsi allongé, somnolant, j'admire le petit pendant de longues minutes, peut-être même des heures. Son adorable petite tête, ses joues dodues. Il est si paisible. A voir ses doigts qui s'agitent, il rêve sûrement. Il attrape des choses et joue avec des objets invisibles. C'est un si beau bébé. Un bébé heureux. Au moins ça. Le matin commence à éclaircir le ciel quand je m'endors, apaisé par la présence de mon fils, bercé par sa respiration.
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La solitude n'avait jamais été bénéfique pour la jeune femme. Pourtant, elle était toujours persuadée que ça lui ferait du bien, que ça lui appoterait quelque chose. Mais il n'y avait rien, que du néant. Un très lourd silence s'imposa dans toute la maisonnée, calme au possible. Comme on pouvait s'y attendre, elle ne ferma pas l'oeil de la nuit. Il n'y avait que la sonnette de la porte d'entrée qui retentit soudainement qui la sortit de sa somnolence délétère. On sonna encore une fois, et encore une fois. La jeune femme finit par s'extirper de son lit, le coeur lourd, exténuée, et descendit à l'étage pour aller ouvrir. Elle s'attendait à ce que Jamie parte, ce n'était qu'un nouveau signe de séparation à ses yeux. C'est d'un regard paniqué qu'elle croisa celui de son père qui était devant la porte, le visage grave. Joanne avait peur qu'il se soit passé quelque chose de grave avec Daniel. Il devança sa pensée. "Daniel va très bien, je t'assure." dit-il de son ton éternellement calme. Il se permit de rentrer et Joanne ferma la porte derrière lui. Martin la regarda d'un air désolé. "Regarde-toi, ma chérie..." Sa fille était pâle au possible, avec de larges cernes sous ses yeux. Il l'embrassa sur le front. "Jamie est à la maison." Ses yeux s'écarquillèrent. "Quoi ?" Tous les scénarios possibles et imaginables passaient dans sa tête, et aucun d'entre eux n'était particulièrement positif. Elle fit quelques pas dans le séjour, les yeux dans le vide. "Il vous a tourné contre moi, c'est ça ?" s'écria-t-elle soudainement, en le pointant du doigts. "Mais qu'est-ce que tu..." Martin avait loupé un épisode, bien qu'il était suffisamment intelligent pour comprendre que rien de bon s'est passé la veille pour que son gendre vienne à demande refuge chez eux. "Il vous a parlé de tout ce qui s'est passé hier et vous êtes d'accord avec lui, n'est-ce pas ? Et il sait très bien, il sait très bien que je vous écouterai..." paniqua-t-elle. "Joanne, je n'ai aucune idée de ce qui s'est passé hier soir." rétorqua-t-il fermement. "Je suppose juste que ce n'était rien de bon, pour qu'il veuille finir sa nuit à la maison. Il se repose avec Daniel." Perturbée par la fermeté de son père, Joanne baissa les yeux et croisa les bras. Un silence lourd s'imposa dans la salle. Martin connaissait par coeur sa fille et il savait que la force et la fermeté étaient deux chose à ne pas utiliser pour discuter avec elle. Il reprit son calme, comme si de rien n'était. "Pourquoi nous aurait-il tourné contre toi ?" demanda-t-il en reprenant ses termes. Joanne soupira. "Il veut que j'aille consulter un psy." Martin savait pourquoi Jamie le demandait, et pourquoi. "Ce n'est pas quelque chose qu'il avait pour vous, pour Daniel ?" "Il a tout arrêté il y a un mois et c'est le Dr. Winters qui a jugé bon de me prévenir." La situation n'était pas simple. "Malgré tout ça, Joanne, ne penses-tu pas que ça peut valoir le coup d'essayer ? Jamie, il s'y est plié. Certes à contre-coeur, mais pour garantir un avenir meilleur à votre famille, à Daniel. Ce ne serait pas injuste que tu t'essaies à ton tour." Son père reconnaissait que Jamie gagnait un point. Il se fichait bien savoir l'origine de leur dispute, il pensait à son petit-fils. "Je sais que tu l'aimes, et je sais qu'il t'aime, sinon, il n'aurait jamais demandé cette faveur." Martin essayait d'être le plus plat possible, sachant très bien que la petite blonde ne supporterait pas ce sentiment que tout le monde se ligue contre elle. Ce sentiment de solitude ne faisait que s'accroître. Tout père a horreur d'être l'un des contributeurs des larmes de sa propre fille. Ca lui déchirait le coeur de la voir ainsi tourmentée. D'autant plus blessant lorsqu'elle refusa un geste d'affection de son prorpe père. Les bras croisés, Joanne se referma totalement sur elle-même. "Viens chez nous, ta mère est en train de préparer un petit-déjeuner des plus copieux." finit-il par dire, calmement. Joanne le voyait venir, se faire sermonner par toute sa famille. Le regard bas, elle hocha négativement la tête. "Si c'est pour que le repas finisse par une décision d'internement..." Martin la dévisagea. "Ca n'arrivera jamais, Joanne, voyons." "Ah bon ? Pourtant, il me l'a dit. Que si c'était à faire, il n'hésiterait pas." "Il n'ira pas jusque là." "Qu'est-ce que tu en sais ?" "Parce que je ne le laisserai pas embarquer ma chair et mon sang dans un endroit qui ne lui apporterait rien de bon." rétorqua-t-il sans mâcher ses mots. Il savait que ce n'était pas ce qui allait convaincre sa fille. "Viens chez nous, Joanne." "Je n'ai pas faim." "Alors viens au moins voir ton fils." Il savait qu'il touchait un point, et que c'était le seul argument qui fonctionnerait chez elle. Ce n'était pas facile pour Martin de voir le regard méfiant de la jeune femme se river sur lui. Il comprenait qu'elle se se sente très seule sur le moment. Il lui fit enfiler une veste et ils finirent par sortir et entrer dans la voiture du père Prescott. Le voyage était long, et lourdement silencieux. Ils finirent par arriver. Martin tentait de lui sourire parfois un peu, mais rien n'y faisait, elle ne lui adressait pas un seul regard. Elle salua tout de même brièvement sa mère avant de se tourner vers Daniel, fièrement installé dans sa chaise haute, et on ne peut plus ravi de voir ce visage familier. Jamie était dans la salle de bain, prenant une bonne douche. Pendant que la jeune maman étreignait et embrassait son bébé, Martin expliqua à voix basse la situation plus que complexe à Jane, qui s'inquiétait immédiatement pour elle - mais qui se rangea au même avis que la majorité. Joanne avait fini par s'isoler dans la chambre de Daniel, souhaitant de passer un peu de temps avec son fils. Installée dans un fauteuil, elle ne lui glissait que des mots d'amour et des baisers, comme si c'était la dernière fois qu'elle le voyait. Daniel se blottit volontiers contre elle, n'ayant pas la moindre idée de tout ce qu'il se passait.
Daniel, comme son père, n'est pas le plus matinal qui soit. Nous dormons tous les deux de longues heures, et le simple fait de savoir que mon fils est près de moi me permet de connaître un peu de repos. Sa présence, sa chaleur et son amour sont purs. Il émane de lui quelque chose de si apaisant. Quand je me réveille, à cause de la lumière du jour qui passe au travers de la fenêtre et inonde la chambre, mon regard se pose sur sa bouille ; il est tout concentré, en train d'essayer d'attraper ses petits pieds pour les porter à sa bouche. Sûrement doit-il se sentir observer, parce qu'au bout de quelques secondes, il lève ses immenses yeux bleus vers moi. Et quand nos regards se croisent, il m'adresse le plus beau sourire qui soit, le meilleur des « bonjour ». Je lui souris en retour et dépose un baiser sur une de ses grosses joues roses. Le temps d'émerger, je reste allongé près de lui, à le regarder et jouer. Il commence à y avoir du mouvement de l'autre côté de la porte de la chambre. Les Prescott sont réveillés, ce qui signifie qu'il est temps pour moi de sortir de ma bulle. A contrecoeur, je me lève et tente d'arranger rapidement les vêtements avec lesquels j'ai dormi. J'ose à peine me regarder dans le miroir. Je sais que je n'y verrai qu'un homme au bout du rouleau, dans un piteux état, et qui n'inspire que de la peine. Je force un sourire en arrivant dans le salon où je fais la bise à la mère de Joanne et échangeons quelques banalités pour faire comme si de rien n'était. La vie continue. Le père s'est absenté, peut-être est-il allé faire quelques achats à la boulangerie, ou avait-il un engagement, je n'en sais rien. Nous n'évoquons pas ma venue au milieu de la nuit, nous aurons tout loisir d'en parler -ou d'éviter d'en parler- plus tard. Pour ma part, je prendrais volontiers une douche avant le petit-déjeuner, alors Jane m'indique la salle de bains et y dépose une serviette propre. Le jet d'eau est tiède, même assez froid. J'ai besoin de me réveiller, me remettre les idées en place. A vrai dire, la balle est dans le camp de Joanne. Mais je suis persuadé qu'elle refusera d'y mettre du sien. Elle qui se plaint toujours de ne pas faire assez, elle qui était sûrement bien contente que je me soumette à mon traitement pour vivre dans un climat plus calme. Elle a l'occasion de rendre la pareille, de rendre service à notre famille, juste en essayant. Mais cette fois, en essayant vraiment. Elle refusera, je le sais. Il est plus facile de s'obstiner à croire qu'on peut vivre avec le problème ou l'étouffer en soi plutôt que d'accepter de l'aide et de prendre sur soi. Je suis passé par là. Je l'ai fait pour elle. Elle ne le fera pas pour moi. Je n'ai aucun espoir à ce sujet. A cet instant, je ne sais pas quoi penser. Je ne sais pas ce que je ferai si j'ai raison et qu'elle s'entête à refuser de l'aide. Je n'ai pas envie de la quitter, mais est-ce qu'elle me laissera le choix ? Après tout ce qui a été dit, je crois que non. Je crois que si elle d’exempt d'efforts considérables, je ne pourrai pas faire autrement. Malgré tout l'amour que nous avons l'un pour l'autre, nous ne pouvons pas vivre comme ça. Petit à petit, les rouages de mes pensées s'imbriquent et la machine repart. Quand je me sens de nouveau d'aplomb, je sors de la douche. Je remets les vêtements de la veille à contrecoeur. « Joanne est dans la chambre avec Daniel. » m'annonce Martin en me voyant arriver dans le salon. C'est étrange, pendant une minute je suis pétrifié à l'idée de la voir. Mais je finis par me diriger vers la chambre, et ouvre très délicatement la porte. Je les observe quelques secondes, jusqu'à ce que la jeune femme remarque ma présence. « Qu'est-ce que tu as décidé ? » je demande de but en blanc. Nous avons bien assez tourné autour du pot hier soir.
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L'insouciance de Daniel le sauvait de tous les problèmes que rencontraient ses parents. Il ne se doutait pas que leur relation ne tenait qu'à un fil, qu'il ne fallait pas grand chose pourq u'une monde qui lui semblait si parfait s'effondre en quelques mots. Joanne faisait en sorte qu'il y reste, qu'il continue à baigner dans ce bain d'amour, à l'écart de tout conflit. C'était ce qu'il y avait de mieux. Elle aurait adoré resté ainsi avec son enfant pendant un bout de temps, le reste de la journée si cela lui était permis. Mais elle savait qui d'autre se trouvait dans l'appartement, et qu'il fallait bien qu'ils se voient à un moment ou à un autre. Mais pas aussi rapidement. Jamie ouvrit doucement la porte, histoire de ne brusquer personne. Joanne préféra ne porter que son attention sur leur fils, avant de daigner lever très légèrement les yeux. Lassé de tourner autour du pot, de ne pas dire les choses franchement, Jamie posa la bonne question pour aller droit au but. Est-ce qu'elle avait décidé... Avait-elle vraiment droit à une décision là-dedans. Si elle refusait, leur relation arriverait à son terme, si elle acceptait, rien ne garantissait que l'échange des alliances ne se fasse en fin d'année. Joanne ne voyait pas en quoi un psy parviendrait à la changer. Encore fallait-il trouver le bon, quelqu'un qui corresponde à sa personnalité et qui ne la braquer pas dès la première consultation. Le ton qu'il avait employé était assez agressif pour elle. Daniel vint chercher les yeux de sa mère. Il y eut ce bref échange de regard entre elle et lui. C'était un bébé heureux, parce que ses deux parents sont là. Il doit se dire que tout va bien, si toute la famille est au complet. Il serait bien moins heureux s'il ne voyait plus qu'un seul de ses parents. Cette simple idée fit monter les larmes. Elle ne voulait pas que Daniel soit malheureux, triste. Elle l'embrassa sur le front et le serra contre elle. "C'est d'accord." dit-elle tout bas. Elle ne pensait qu'à Daniel, sur le coup. Elle ne pensait qu'à sa famille, celle qu'elle ruinait à chaque fois. Elle ne donnait pas ses raisons, il ne devait certainement pas s'en soucier. Mais il fallait certainement du temps avant que Joanne ne trouve chaussure à son pied, et le seul moyen de trouver un psy qui pourrait lui correspondre, c'était d'essayer. On aurait pu mettre au défi tous ces professionnels, à celui qui arrivera à en tirer quelque chose, à faire en sorte qu'elle voit un peu plus de lumière. Mais la première personne qui avait réussi à la tirer vers la meilleure décision, était certainement son père. Il avait, malgré tout, encore beaucoup d'influence sur Joanne, et il avait un esprit bien plus posé pour savoir ce qui était le mieux pour sa vie. Il savait que ses idées noires la bouffaient, elle en avait toujours un peu eu. "Le petit déjeuner est prêt." dit Martin, qui apparut au pas de la porte quelques minutes après. "Et Joanne, tu viens manger un bout." dit-il d'un ton non pas ferme, mais qui faisait clairement comprendre à sa fille qu'il ne lui laissait pas vraiment le choix. La belle blonde finit par se lever, passant devant tout le monde avec Daniel dans les bras. Martin sourit amicalement, en faisant une très légère tape d'encouragement sur son épaule. Installée à table, Joanne gardait Daniel sur ses genoux, sous l'oeil de son père, qui n'allait pas la lâcher tant qu'elle n'aura pas manger quelque chose. Le bébé, dans toute son innocence, jouait silencieusement avec sa peluche, bien content de pouvoir profiter de la chaleur de sa mère. Jane aurait adoré trouver les mots pour encourager sa fille dans sa décision, mais rien ne lui venait à l'esprit. Elle savait qu'elle était à un stade où une simple phrase mal formulée pouvait la froisser. Oui, elle allait voir un psychologue, elle allait appliquer ses conseils du mieux qu'elle le pourrait. Elle espérait pour Jamie qu'il avait raison, que c'était bien ce qui allait permettre de sauver leur couple. Martin s'installa à côté de Joanne, et l'embrassa sur la tempe. "On va t'aider à en trouver un, d'accord ?" lui dit-il tout bas dans l'oreille, doucement. Sa main caresait les cheveux blonds de la jeune femme, faisant son possible pour l'apaiser, ne serait-ce que quelques secondes. Joanne acquiesça silencieusement d'un signe de tête, les larmes se déversant toutes seules. C'était dur, d'accepter sa condition. "Tu n'es pas seule, Joanne, tu n'es pas seule." Elle le contredit par un hochement négatif de la tête. Martin passa un bras sur son épaule pour la serrer contre lui. "Non, tu n'es pas seule." répéta-t-il tout bas, déposant de temps en temps un baiser sur ses cheveux. "Tu t'efforces à le croire parce que tout se tourne vers cette idée là, mais tu n'es pas seule." Jane se permit de récupérer Daniel le temps du dialogue. "Ne lui en veut pas, tu sais qu'il ne souhaite que le meilleur pour toi." Il parlait le plus bas possible. "Pense à lui, pense à Daniel." ajouta-t-il alors qu'il l'étreignait un peu plus contre elle, dans l'espoir d'apaiser momentanément son chagrin. Il savait qu'elle commençait à accepter qu'elle n'allait pas bien, et qu'elle avait besoin d'aide. Sinon, elle n'aurait jamais accepté que ses parents l'aident à trouver un psychologue convenable. Ce n'était peut-être qu'un petit bas, mais ça signait au moins le début de quelque chose. Joanne blottie contre son propre père, celui-ci lança un regard serein à Jamie, quoi qu'avec un sourire très triste, triste de voir son propre enfant se laisser bouffer toute seule, sans que l'on ne puisse faire quelque chose. Le regard d'un père qui faisait absolument tout son possible pour éviter de se sentir impuissant.
Elle accepte. Joanne n'en dira pas plus, si ce n'est qu'elle verra un professionnel pour avoir l'aide que je ne peux pas lui fournir. L'aide qui sera susceptible de sauver la jeune femme, et nous sauver nous. Je sais à quel point il n'est difficile ne serais-ce que d'articuler ces quelques mots qui sont une résignation. Il faut accepter de poser les armes à terre et avouer toute sa vulnérabilité. Je me souviens encore du soir où j'avais longuement parlé avec Winters. Le médecin avait sondé ma vie en long et en large pour en venir à la conclusion que si je n'acceptais pas son aide, ma vie et mon couple allaient droit dans le mur. Et je n'ai rien dit à ce moment là, parce que je n'avais même pas le courage de dire « d'accord ». J'ai pris les cachets qu'il me tendait, j'ai accepté ma condition, et j'ai commencé le traitement. Mais sans un mot. Je ne réponds rien à Joanne sur le moment. Le moindre mot pourrait être perçu comme une agression, une manière de la narguer ou de l'écraser. Même si je lui dis que c'est bien, ou si je la remercie, il sera facile pour elle d'avoir l'illusion d'entendre du sarcasme ou la fierté du vainqueur. Je reste bras croisés. C'est son père qui met fin au silence ; le petit-déjeuner est prêt. La jeune femme ne mange jamais rien quand elle va mal, pour ma part, l'épuisement à cause des émotions me creuse l'appétit. Elle accepte, sans trop avoir le choix, de venir à table. Je ne les suit pas tout de suite. L'air est tellement lourd et oppressant quand Joanne et moi sommes dans la même pièce que son absence dans la chambre me permet de prendre assez d'oxygène avant de retourner en apnée. Chaque minute de cette journée m'effraie. Je retourne dans le salon d'un pas lent, écoutant de loin la voix de Martin qui tente de rassurer sa fille. C'est si dur de constater qu'elle est atrocement embourbée dans ses idées noires. Qu'à ses yeux, le monde entier est sombre. Je n'aime pas la manière dont elle s'accroche à Daniel comme s'il était le dernier espoir sur terre. Il ne doit pas être utilité comme canalisateur de la noirceur de sa mère. Jane finit par le prendre, et j'approche d'elle pour demander à récupérer le petit. « T'as faim, bonhomme ? » je lui demande avec un petit sourire, tout bas, comme pour ne pas perturber la conversation père-fille à quelques mètres de nous. Jane a déjà préparé le biberon, il trône sur la table à côté de la chaise haute. Alors je m'installe à table, Daniel dans les bras, et le laisser téter son lait, ses petites mains essayant d'empoigner le biberon pour gérer lui-même son repas. Je ne dis rien de tout le petit-déjeuner, j'échange à peine un regard avec Joanne. La jeune femme n'a pas besoin d'y être exposé à cet instant, même si elle n'y verrait rien de négatif. Je lui laisse ce moment de répits avec ses parents ou elle ferait mieux de se forcer à manger quelque chose. Je reste parfaitement effacé. Il n'y a qu'à la fin du repas que j'ose m'imposer dans la cuisine pour aider à tout ranger. Un peu ma manière de remercier d'avoir accepté de m'accueillir cette nuit. Quand Jane et moi sommes de retour dans le salon, Joanne n'y est pas. Elle est retournée dans la chambre. Je l'y trouve allongée sur le lit, somnolant sûrement à cause du manque de sommeil. D'un pas feutré, je m'avance, puis je m'allonge derrière elle doucement, et passe un bras autour de sa taille pour l'enlacer. « Je sais ce que tu ressens. » je lui murmure non loin de l'oreille. On ne fait pas mieux placé pour comprendre très exactement ce qu'elle vit. Ce sentiment d'être toxique pour soi et pour ceux qu'on aime. D'être moins que rien. « Je sais que c'est difficile. » L'admettre, vivre avec, travailler dessus. C'est un processus de longue haleine, épuisant. Sur le moment, l'estime de soi est au plus bas qu'il n'a jamais été. Et avec le temps, elle remonte. « Je serai là pour toi. Comme tu l'as été pour moi. » Après tout, s'il est bien une chose qu'on ne peut pas lui reprocher, c'est bien de m'avoir toujours soutenu. A ce niveau là, elle n'a jamais failli. « Merci d'accepter de le faire. » Je sais bien à quel point elle hait tout ce qui ressemble de près ou de loin à une thérapie. Je sais qu'elle le fait plus pour Daniel que pour moi, comme elle a avant tout pensé à lui en me demandant de l'épouser. Je ne me suis jamais fait d'illusions à ce sujet, j'ai toujours su que je passerai après. « Je t'aime. » je susurre en déposant un baiser au creux de son cou. Même si elle doit me détester pour lui demander une chose pareille, même si c'est pour son bien.
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Tant bien que mal, Martin finit par apaiser un tant soit peu sa fille. C'était bien la seule chose dont il se sentait capable de faire sur le moment, même si ses parents n'allaient jamais abandonné leur fille. Celle-ci restait longuement blottie contre son père, ses yeux embrumés, ne voyaient plus rien de ce qui était vrai. Tout ce qu'elle voyait, c'était un champ de gris. Une image en noir et blanc, n'aspirant à aucune gaieté. Il la savait fragile, mais elle ne l'avait jamais été à ce point. Complètement défaite, elle ne voyait aucun moyen de se reconstruire elle-même. Elle en venait à se demander si son mariage avait un sens. Si d'ici là, cette poignée de mois -une période bien trop courte- lui allait être bénéfique. Martin lui caressait doucement le visage, se rendant bien compte qu'il ne tenait qu'une coquille vide dans ses bras. Cela rendait Jane particulièrement triste. Ils restaient ainsi pendant de longues minutes avant que le père Prescott ne l'invite à se redresser pour manger un bout. Il savait ce qui allait lui donner un tout petit d'appêtit, Joanne adorant tout particulièrement les viennoiseries du matin. Il surveilla de près ce qu'elle mangeait, et ne se fit plus aussi insistant une fois qu'il estimait que c'était suffisant. Cela lui faisait tellement mal au coeur de ne voir aucune lueur dans les si beaux yeux de fille. Jamie s'empressa d'aider à débarrasser la table avec Jane. La jeune femme ne savait même plus ce qu'elle devait faire de ses dix doigts. Martin la tira afin qu'elle se lève, ayant ainsi plus de facilités à la prendre dans ses bras. Il aurait aimé savoir faire plus pour elle. Il n'allait pas lui demander d'arrêter de gérer la fondation pour un moment, il savait que c'était une fausse bonne idée, qu'elle en avait besoin pour se décrocher un peu de son état. Si le psy estime que c'était mieux pour elle qu'elle fasse une petite pause, il rejoindrait peut-être son avis. Il embrassa le front de sa fille de temps en temps, lui répétant de temps en temps qu'elle n'était pas seule, sachant très bien que c'était le premier sentiment qui régnait dans l'esprit de la jeune femme. Ce sentiment de solitude, horriblement destructeur. Malheureusement, il savait que ses paroles ne suffiraient jamais. "Va aller t'allonger un petit peu. Tu as besoin de repos." lui chuchota-t-elle avant de la laisser se diriger vers la chambre d'amis. Elle s'allongea sur le lit, sur le côté, toute recroquevillée sur elle-même. Elle était épuisée, autant physiquement que mentalement, mais ses yeux se fermaient à peine. Il y avait toujours quelque chose, un sentiment, une sensation négative qui la maintenait éveillée et qui arrachait ses tripes. Elle se sentait terriblement seule, mais c'était dans sa solitude qu'elle se sentait le mieux, si on pouvait dire qu'il y avait du mieux. Elle sentit soudainement une chaleur derrière elle, une chaleur qu'elle connaissait par coeur. Jamie glissa son bras autour de sa taille dans l'espoir de l'enlacer. Oui, il savait ce que c'était, il était bien placé pour connaître ce qu'elle pouvait ressentir sur le moment. Mais le bras qu'il avait passé par dessus sa taille s'assimilait comme un coup de poignard pour elle, elle ne croyait pas en cette affection si soudaine. Il disait qu'il serait là, alors que la veille, il lui avait recommandé de se taire. Joanne était dans un tel état de fragilité qu'elle ne parvenait plus à discerner ce qui était vrai ou ce qui avait été dit sous le coup de la colère. Elle se demandait comment est-ce qu'il comptait faire. Mais elle était plutôt partie pour s'en tenir à ce qui avait été dit la veille. Sous le coup de la colère, on dit toujours ce qu'on pense vraiment. Que le fait de se taire serait mieux pour tout le monde. Il n'y avait plus grand chose dans la tête de Joanne, mais ces mots là avaient été marqués au fer rouge. Qu'il l'embrasse, qu'il lui glisse des mots d'amour étaient tout aussi douloureux que tout le reste. Oui, à ce moment là, Joanne le détestait autant qu'elle pouvait l'aimer. Et répondre à ces mots lui était impossible. Elle ne ressentait qu'un vide en elle, et elle ne voyait plus rien. Sans pour autant le repousser, Joanne se mit à sangloter de plus belle, plaçant ses mains devant sa bouche et fermant les yeux du plus fort qu'elle pouvait dans l'espoir de se réveiller de cet affreux cauchemar. Admettre que l'on était au plus mal, accepter de se faire aider, sa vulnérabilité, sa fragilité, son incapacité. Une multitude de qualificatifs péjoratifs qui lui sautaient au visage sans qu'elle ne puisse éviter quoi que ce soit. Si elle était aussi toxique, pourquoi se risquait-il à rester ainsi collé à elle ? Tout ce qu'il pouvait dire, les remerciements, ces phrases de compréhension, tout sonnait faux. Comme des mensonges, ou une vague tentative de l'apaiser. Jane et Martin entendaient très bien Joanne pleurer de leur salon, et ce chagrin là leur déchira le coeur au possible, il aurait pris aux tripes n'importe qui. Sa mère en avait les larmes aux yeux, le plus dur pour elle était de savoir qu'elle ne pouvait rien faire pour elle, pour lui extirper un peu de cette si grande peine qui s'était emparée de sa propre fine. Alors que Joanne se recroquivillait de plus en plus sur elle-même, Jamie ne bougeait pas d'un pouce. Elle aurait pu s'attendre à ce qu'il parte, à ce qu'il abandonne déjà. Et de longues minutes passaient ainsi. "Je pense que Daniel veut un peu profiter de son père." dit-elle la voix tremblante, complètement affaiblie par le tout, entre deux hoquets, pendant la minuscule intervalle où elle parvint à se calmer. Parce que le lendemain, la vie devait reprendre son cours, malgré tout. Et Daniel n'aura pas l'occasion de passer une journée entière avec son géniteur avant le weekend suivant.
Les sanglots de Joanne me brisent le coeur en tant de morceaux que je sais d'avance qu'il en manquera une pièce lorsqu'il faudra le reconstituer. Il n'y a rien de pire que de se sentir complètement impuissant face à pareil chagrin. J'ai vu ma fiancée pleurer plus d'une fois, de tristesse, de joie, de colère même. Mais je crois que jamais je ne l'ai vue être dans pareille détresse. Ce ne sont plus des larmes, ce sont des torrents qui se déversent sur ses joues pâlies par la fatigue. Ils inondent complètement son regard bleu, caché derrière ses paupières closes qui refusent d'admettre la réalité, de s'y confronter. Qui le voudrait ? Nous aimerions tous nous échapper. Surtout ma fragile Joanne. Recroquevillée, tous les muscles crispés, tant et si bien qu'ils tremblent, elle pourrait s’annihiler elle-même jusqu'à complètement disparaître, jusqu'à ce qu'il ne reste pas un seul atome de son être, si elle le pouvait. Et je sais que ma présence, ma tendresse, mon amour n'y changent absolument rien. Ce n'est qu'une plume dans la balance. Pourtant, quand elle se recourbe un peu plus, je la serre aussi un peu plus fort. Je garde mon visage près du sien et l'embrasse quand même ponctuellement dans le cou. Je caresse parfois ses cheveux et dégage les mèches blondes trempés par les larmes qui collent à son visage déformé par la peine. Cela dure de longues minutes, peut-être même plusieurs heures, sans que les hoquets ne se calment. Mais elle finit parme congédier à nouveau. « Non, je reste là. » dis-je tout bas, la voix douce. Ayant nullement conscience de faire partie du mal. « Je resterai jusqu'à ce que tu t'endormes, pour veiller sur toi. Tu as besoin de dormir. Tu es épuisée. » Nerveusement et physiquement, la petite poupée ne tient qu'à un fil. Elle finira forcément par s'endormir. Les pleurs emportent avec eux toute énergie, et vu tout ce qu'elle a déversé, il ne doit plus rien rester. Cela ne sert rien de lutter. « Lâches prise. Ca ira mieux si tu reprends un peu de forces. » je continue de murmurer en caressant ses cheveux. Finalement, je joue la seule carte qui lui fasse entendre raison ; « Et Daniel a aussi besoin d'une maman reposée. » Alors elle se calme petit à petit. Le processus est lent. Elle hoquette toujours un peu, de plus en plus ponctuellement. Son corps est brûlant à force de consumer toutes ses forces. Enfin, ses muscles commencent à se détendre. Il doit se passer encore une heure avant que tous ses membres soient détendus, sa respiration tranquille, et ses paupières closes délicatement. Lorsqu'elle dort profondément, je quitte le lit tout en douceur, faisant tout pour ne pas la réveiller. Je ferme la porte de la chambre derrière moi, et à peine le loquet verrouillé, mes yeux se bordent de larmes à mon tour. Je pose une main sur ma bouche pour contenir mon propre chagrin, je respire profondément pour ravaler cette envie de craquer et me laisser tomber comme une ruine au pied de la porte. Alors que j'essaye de retrouver mes esprits, Martin passe dans le couloir. Il pose une main sur mon épaule, mais je finis par l'en déloger. L'homme qui est incapable de rendre heureux sa fille ne mérite pas de compassion de sa part. « Je suis tellement navré. » Qu'il est misérable, ce fiancé. Je prends une grande inspiration, puis m'esquive sans un regard vers le salon. J'y retrouve mon fils qui tend les bras immédiatement pour réclamer un câlin. Papa en a aussi bien besoin. Nous nous installons dans le canapé pour la prochaine heure, jouant ensemble pour me changer les idées. La majeure partir du temps, je suis allongé, un coussin positionné sous mes jambes repliées. Je cale Daniel entre mes cuisses, puis les ouvre soudainement, le faisant tomber en arrière sur l'oreiller. Cela le fait éclater de rire à chaque fois, il ne s'en lasse absolument pas. Au bout d'un moment, je me dis qu'il est temps d'arrêter de jouer les intrus. J'ai bien assez abusé de l'hospitalité de mes beaux-parents. Je récupère les affaires de Daniel, et fais comprendre que je vais retourner à la maison. « Je pense qu'elle a besoin de rester avec vous ce soir. Qu'elle prenne du temps pour elle. Qu'elle décroche. » Joanne ne doit pas penser à moi, ni à Daniel, encore moins à la fondation. Elle a besoin de ses parents, de temps pour elle. De sommeil, d'un bain, de bons repas. D'un amour dans lequel elle croit. « Je crois que ma présence n'est en rien bénéfique pour elle à l'heure actuelle. » Je mets le sac sur mon épaule, et prend le cosy dans lequel le petit est bien installé. Je n'ose pas faire de bise, je préfère être parti le plus vite possible. « Merci encore de m'avoir accueilli cette nuit. » j'ajoute, le regard bas, juste avant de filer. Inutile de me retenir, d'essayer de me dire que ce n'est pas de ma faute. Je ne veux rien entendre de tout cela. Tout ce que je veux, c'est récupérer l'amour de ma vie. La femme qui sait me faire sourire instantanément. Celle que j'ai hâte d'épouser, et qui n'est pas celle que j'ai vu aujourd'hui ou hier soir. Je reprends la voiture et rentre à la maison. Là où les chiens sont toujours ravis d'accueillir leurs maîtres, même le modèle réduit. Tout me semble tellement vide sans elle, pourtant, je pense que je vais devoir me débrouiller seul ici un ou deux jours.
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Impossible pour Joanne de contenir ce désespoir, ce chagrin d'une intensité peu commune. Tout se déchirait en petit morceau en elle, alors que son coeur et son esprit ne devenaient que poussière. Elle se sentait incapable de faire face à cette réalité, elle préférerait se désincarner plutôt que de devoir vivre cette sensation d'être une personne pitoyable et inutile, délétère pour tous ceux qu'elle touchait ou approchait. Elle préférait ne plus exister, sur le coup. Joanne se sentait incapable de faire face à ses problèmes. Elle les reconnaissa déjà, c'était un début, dira-t-on, mais elle savait que le pire était à venir. C'était comme si un trou noir se créait peu à peu en elle, et l'aspirait, la dépersonalisant complètement, la vidant de son âme et de ses raions de vivre. Plus aucun intérêt, à ses yeux, elle avait l'impression d'avoir tout perdu. Elle ne voyait plus rien autour d'elle mis à part un chaos innomable, un désert de cendres et de feu où elle allait se perdre durant les jours qui suivaient. Et ces petites lumières, dont tout le monde parlait, où étaient-elles ? Elle ne voyait qu'une nuit noire, sans étoiles. Cette vision là était particulièrement angoissante, en plus de tout le reste, pour la belle blonde. Elle suggéra au bel homme, pour le petit laps de temps où elle était capable de prononcer quelques mots, de revenir auprès de leur fils, certaine qu'il en avait bien plus besoin qu'elle. Mais Jamie savait se faire particulièrement persévérant, et semblait bien déterminé à rester auprès d'elle, bien qu'elle ne faisait que se renfermer de en plus en plus. Elle hocha négativement la tête lorsqu'il lui suggéra de dormir. Elle ne voulait pas fermer les yeux, cela n'annonçait que d'affreux cauchemars. Joanne se voyait perdre la tête, oublier le sens de sa propre existence, au point d'oublier son propre nom. En plus de tout le reste, l'angoisse de s'endormir s'ajoutait à toutes les raisons de son chagrin. Elle hocha négativement la tête, lorsqu'il disait qu'elle était épuisée, exténuée - ce qui tait on ne peut plus vrai. Mais Jamie continue de lui faire comprendre ce qui était peut-être le mieux pour elle, mettant en jeu l'argument de leur fils. Elle aimait toujours Jamie, mais à ce moment là, peut-être qu'elle le détestait toujours autant. Littéralement à bout de force, Joanne finit tout de même par se calmer, mais très lentement. Les doigts délicats du bel homme dégageaient régulièrement des mèches blondes qui étaient venues se coller à sa peau humide et brûlante, et lui caressait les cheveux. Persévérant, il restait bien collé contre elle, attendant patiemment qu'elle se calme, ce qui prit un temps considérable. Joanne finit par s'assoupir, se plongeant dans un sommeil des plus profonds, sans le moindre rêve - ce qui était aussi quelque chose d'angoissant, au fond, de ne pas rêver. Elle s'était endormie pour plusieurs heures. Mais au réveil, les paupières à peine ouvertes, elle se souvenait de tout, et le même chagrin qu'avant venait lui serrer la gorge. Martin était assis à côté du lit, répétant depuis des dizaines de minutes le même geste de caresse sur ses cheveux. "Jamie est parti avec Daniel. Il pense que ce serait peut-être mieux pour toi que tu restes quelques jours avec nous." expliqua-t-il tout bas, d'une voix posé. Et voilà que les deux amours de sa vie s'était éloigné. Pour Joanne, ce n'était plus que le processus d'une longue et lourde séparation. Ils ne voulaient plus d'elle, aucun des deux. Elle se laissait facilement ronger par le peu d'esprit qui lui restait, ne faisant d'elle qu'une coquille vide. Martin était plus qu'inquiet que de ne voir plus aucune lueur de le regard d'habitude si pétillant de sa fille. "Tu veux manger quelque chose peut-être ?" demanda-t-il posément, même s'il se doutait que la réponse serait négative. Il n'y avait aucune réponse, juste le visage vide de la jeune femme. "Prendre un bon bain ? Je pense que tu vas particulièrement apprécier notre baignoire." lui assura-t-il avec un sourire, ne perdant pas espoir. Jane, adossée au pied de porter, observait tristement cette scène, toute retournée de voir le plus jeune de ses enfants dans un pareil état. Les yeux de Joanne ne bougeaient, elle clignait à peine des yeux. "Ne doute pas de leur amour, Joanne. Ni celui de Daniel, encore moins celui de Jamie. Il ne souhaite que le meilleur plus tard." dit-elle en embrassant son front. "Je repasserai plus tard ce soir, tu as peut-être un peu besoin de temps avant de faire quelque chose. Te rafraîchir un peu te ferait du bien." Martin se leva, invitant sa femme de laisser leur fille un peu seule. Il reviendra la voir plusieurs fois, constatant qu'elle n'aura pas bouger d'un pouce du reste de la journée. C'est qu'en fin de soirée qu'il prit l'initiative de lui faire couler un bain et qu'il parvint à l'extirper de son lit pour qu'elle détende ses muscles plus qu'endoloris. Même si pour le moment, l'âme n'y était plus, il fallait entretenir ce qu'il pouvait rester de sa fille.