Je devrais être habitué à mon quotidien, cette nouvelle vie en Australie, ma solitude, mon divorce, toutes ses choses que je ne saurais réellement qualifier, mais font ce que je suis aujourd'hui. Seulement je ne voulais pas ça, je n'imaginais pas finir seule dans une grande maison à trente-deux dans des remords pleins les bras, moi qui avais toujours rêvé de cette vie de famille parfaite que je n'avais pas eu la chance d'avoir en été enfant semblait s'envoler petit à petit et j'avais beau essayer de me rassurer, le temps me rattrape plus vite que je ne le pense et j'ai peur d'être prise au piège. Oui je suis de celle qui espère encore trouver un homme aimant, fidèle et qui partagera toutes ses années qui me restent à deux, comme un vrai couple solide, peut-être que je suis trop naïve ? Ou que je me mens à moi-même, car je n'ai jamais fréquenté personne depuis mon divorce, comme si je n'avais encore rien effacé. Je sais très bien que je ne peux pas l'oublier, qu'il fera toujours partie de moi mais j'aimerais aller de l'avant, pourtant ce n'est pas faute de rencontrer des hommes, entre mes quelques sorties dans des bars et mon travail malheureusement, même si ce détail ne se penche que sur une seule personne, Phoenix, il me semblerait qu'il soit lui aussi un problème, il hante bien trop souvent mes pensées et je sais pertinemment que ceci est une pente dangereuse.
Hormis le fait de pouvoir m’aérer la tête, L’Australie n'a pas supprimé ma détresse, bien sûr personne ne le voit, ne le sait, car j'essaye de faire bonne figure, je me le dois dans mon travail et je persiste dans ma vie personnelle. Les seuls instants où je me laisse aller, c'est une fois que je suis chez moi, vous dire que je déprime tous les soirs serait mentir, mais ça m'arrive bien trop souvent à mon goût, le pire dans cela c'est bien la mauvaise réaction que j'ai adoptée, me sortir de l'alcool, au début c'était un simple verre pour me faire décompresser, mais je suis vite passé au stade où je ne compte plus ce que je bois, du moment que j'oublie pour quelques instants. C'est triste et honteux, mais c'est mon refuge à moi... Et qui pourrait bien s'en rendre compte ? Je prends soin de faire ça quand je n'attends la visite de personne. Et aujourd'hui s'ajoute à cette liste qui grandit peu à peu, oui j'ai su faire mine que tout va bien, de répondre "ça va" à la moindre question et pourtant au fond de moi c'est le bordel, au travail j'avais qu'une envie c'est bien de rentrer chez moi. La surprise du jour ? Un appelle d'Enzo, je n'y croyais pas si tôt et j'avais l'impression que ceci apparaissait comme un petit signe pour me dire de me ressaisir, il voulait me revoir, mais j'avais bêtement prétexté avoir beaucoup de travail à la maison pour ne pas avoir une confrontation se soir, oui je dis confrontation, car je sais très bien qu'au moindre coup d’œil il verrait que quelque chose ne va pas.
Après ma journée de travail je me rendais donc chez moi directement, pour éviter de croiser la moindre personne, il faut dire que la raison de mon mal-être ses jours étaient fondés, ça faisait trois ans, trois années que j'avais perdu mon cœur, mon sang, ma fille que je venais de mettre au monde. Ceux qui ne l'ont pas vécu, ne peuvent le comprendre... C'est comme un trou immense dans mon cœur, qui ne se rebouchera jamais, j'aurais préféré offrir ma vie en échange, mais il semblerait que ma vie ne soit qu'une série d'épreuves... Je n'ai pas perdu de temps en arrivant à la maison, j'ai filé sous la douche et je me suis ensuite affalé sur mon canapé en allument la télé, ma seule compagnie . Un verre et une bouteille de vodka. Il était à peine vingt heures, désespérant vous avez dit . Je repensais soudainement à Enzo, peut-être que... J'aurais mieux fait d'accepter un rendez-vous, pour me changer la tête autrement, mais j'aurais encore dû porter un masque et ne pas laisser parler mes émotions, je ne pouvais pas l'inquiéter alors qu'on venait juste de se retrouver, je ne voulais pas tout gâcher et j'avais réellement besoin d'une amitié comme celle-ci pour avancer, même si ce soir je préférais mon éternelle solitude. Je me concentrais sur une série télé- pseudo romantique pour faire passer les minutes et j’enchaînais les gorgées de vodka, d'une facilité presque déconcertante.
S’il y a bien quelque chose que j’ai appris par le biais de mon travail, c’est de repérer les personnes qui me mentent ou qui manquent de sincérité. Hors, quand j’ai appelé Naïa pour savoir si on pouvait se voir ce soir, j’ai de suite senti que son excuse n’était pas la raison de son refus. Qu’ai-je donc fait pour qu’elle me rejette toutes ? Je n’avais rien à faire ce soir, Maxyn pouvait s’occuper de Zoey et j’avais envie de revoir Naïa. Mais apparemment c’était un crime, comme à chaque fois que je m’intéressais d’un peu trop près à une femme. Mais là, je n’avais même pas le temps de prévoir quelque chose qu’elle me rejetait déjà alors qu’on avait prévu de se revoir. Simplement se revoir. Donc forcément, j’en ai marre. Ma vie sociale n’a jamais réellement été d’une excellente vivacité et je commence à me rendre compte que le problème vient encore de moi, mais contre mon gré. Alors qu’à l’époque, c’est moi qui le voulait. Bien sûr, j’ai bien plus d’amis proche au jour d’aujourd’hui, mais je voulais retrouver ma Naïa, pas forcément en tant qu’amoureuse comme à l’époque. Mais elle me repoussait. Et j’étais sensé faire quoi au juste ? Attendre qu’elle me rappelle comme un clanpin et arriver direct vers elle comme un petit chien quand elle me rappellera ? En partant du principe bien sûr qu’elle me recontacte. Je n’avais pas envie de toute façon de trainer à la maison ce soir. J’avais donc filer à la salle de sport. Cependant je n’arrêtais pas de cogiter, de penser à elle. Elle m’avait menti, mais j’avais surtout senti une faiblesse. Peut-être n’allait-elle pas bien, tout simplement. Il n’y avait qu’une seule façon de le savoir. Je mis un bon quart d’heure à me décider. Je n’avais même pas pris le temps de prendre de quoi manger et j’avais filé jusqu’à chez elle. Parce que oui, je n’avais pas tardé après l’avoir retrouvé, à repérer où elle habitait. Déformation professionnelle, je sais, mais j’avais envie de pouvoir venir en toute urgence si jamais elle en avait besoin. Bien sûr, je n’avais pas prévu alors de débarquer ainsi chez elle à l’improviste. Mais c’est ce que j’ai finalement fait, sonnant à sa porte, attendant qu’elle vienne m’ouvrir.
Si vous m'auriez dit il y a de cela quelques années de cela que j'allais finir ainsi, seule et déprimée en Australie, je ne vous aurai jamais cru... Comment passer de la vie parfaite à ce que j’appelle une déchéance ? Les caprices bien trop violents du destin, voilà ce qui me rend ainsi, moi qui pensais être bien plus forte, que je réussirais à surmonter se divorce et la perte de ma fille, seulement ce n'est que pur illusion je me colle un masque que je me force moi-même à garder en permanence, tout ça pour quoi ? Finir comme ce soir à noyer ma tristesse dans l'alcool, moi l'assistante sociale qui essaie souvent de sortir des familles de ce genre de torpeur destructrice, c'est un comble et c'est certainement pour cela que je n'avouerais jamais que j'ai un problème naissant avec l'alcool, je sais me tenir et ne boire que quand je suis seule et vraiment au bout du rouleau, mais est-ce que ça fait de moi quelqu'un d'addicte ou non ? Je n'ose pas me poser la question, c'est préférable que je me voile la face pour ne pas me traîner un peu plus vers le bas. Et puis finalement c'est de ma faute aussi, si je ne m'enfermais pas dans cette bulle, cette solitude j'aurais quelqu'un à qui me confier, parler quand ça ne va pas, mais j'ai l'impression que ceci me fera encore plus mal, comme si au final aucune solution ne serait la bonne.
Mon erreur aujourd'hui ? Refuser la demande d'Enzo, oui peut-être j'aurais été d'une humeur maussade et sans grand intérêt, mais au moins j'aurais pu avoir quelqu'un à mes côtés et ne pas me lamenter sur mon sort et puis s'il y a bien quelqu'un à qui je pourrais-je me confier se serais bien lui, les années n'ont pas effacé cette confiance que j'avais en lui malgré la situation dans laquelle on s'est quitté et il en a traversé des moments difficiles, il pourrait tout à fait me comprendre, enfin je l'imagine, mais il faut croire que je suis parfois trop idiote et que j'entretiens involontairement tout ce qui me brise un peu plus. J'espère qu'il n'avait pas mal pris mon refus, il est certain que je voulais le revoir, le compter dans mes amis proches, mais ce soir c'était comme un peu trop tôt, ou pas le bon moment. C'est donc ma détestable bouteille de vodka qui allait me tenir compagnie, je l'avais décidé ainsi et ne comptais pas revenir là-dessus, au moins ça me permettait de penser à autre chose, d'oublier tout ce qui me fait mal, qu'y a-t-il de mal à vouloir se sentir simplement plus légère... Alors me voici devant la télé en sortant de ma douche, sur mon canapé un verre à la main comme si c'était tout à fait normal, ne réfléchissant qu'aux discours débiles qui se trament à l'écran, et soudainement une vague pensée pour Enzo, que j’essayais de renvoyer bien vite dans un coin de ma tête.
Je ne sais pas quelle heure il était, probablement vingt et une heures. J'entendis alors sonner dans l'entrée, surprise je faillis renverser mon verre. J'hésitais un instant avant de bouger, qui ça pouvait bien être ? Je me disais que se devait être une erreur, je m'étais pas levé depuis plusieurs minutes et j’avoue que d'un coup j'avais la tête qui tournait, j'attendais quelques secondes avant de marcher vers la porte, les esprits un peu plus clairs, je posais mon verre sur la tablette de l'entrée. Je ne prenais même pas le temps de regarder qui se pouvait être à travers ma petite lucarne en haut, j’entrouvrais doucement la porte en passant ma tête, le regard au sol et je remontais doucement jusqu'au ce que je reconnaisse Enzo, ce n'était pas une blague ? Je mettais quelques secondes à réaliser, sans prononcer un seul mot, le regard vide. Il avait dû se douter de quelque chose, mais je ne comprenais pas comment il avait pu oser venir jusque chez moi sans mon autorisation et je ne lui avais jamais donné mon adresse encore, j'avais du mal à comprendre, je fronçais légèrement les sourcils, je savais pas quelle tête j'avais mais ça ne devait pas être très joli.
- Pourquoi tu es venus ?
Pas de bonjour ou de politesse, je venais de parler d'un ton un peu accusateur, je n'avais pas envie qu'il soit là, par envie qu'il me voit ainsi ce n'était juste pas envisageable ! Et c'est bien ce qui m'énervait, même si au fond je me doute que c'est une bonne intention, mais je n'étais pas d'humeur à papoter bien gentiment. J'ouvrais un peu plus la porte en m'appuyant contre le mur en attendant sa réponse, ne me rendant même pas compte que je n'étais pas dans une tenue très présentable, je n'avais pas pris la peine de me rhabiller en sortant de la douche et j'avais enfilé mon peignoir.
La porte ne tarda pas à s’ouvrir et le regard de Naïa me fit presque froid dans le dos. Ca me faisait regretter d’être passé. Le temps d’une seconde, parce que j’analysais bien vite ce regard et cette odeur d’alcool. Elle était en train de boire, je pourrais mettre ma main à couper. Mais pourquoi faisait-elle ça ? J’avais cru comprendre qu’elle avait eu des déceptions amoureuses, un divorce pas très évident, mais de là à boire ? Je ne comprenais pas vraiment. Mais encore une fois, je voulais simplement être là pour elle, même si elle ne m’attendait pas et qu’elle se retrouvait en peignoir. Ce regard, je l’avais déjà vu, celui qui est malheureux, déstabilisé, même si c’est bien atténué grâce à l’alcool. Mon cœur se serra pour elle, et mes sourcils se fronçaient. Je ne faisais même pas attention à sa question rude et lui répondais J’ai senti que ça n’allait pas … Je laissais un blanc, pour bien lui faire comprendre ma compassion envers elle. Elle ne pouvait pas me contredire, même un aveugle pourrait le voir. Je ne demandais pas à ce qu’elle me laisse rentrer, je m’étais déjà imposé à trouver son adresse et à me pointer ici, c’est déjà assez malpoli de la sorte. Excuses-moi de débarquer à l’improviste, mais je suis inquiété. Je comprends que tu ne souhaites pas de compagnie, mais je peux t’assurer que je suis de bien meilleure compagnie qu’une bouteille d’alcool. Lui expliquais-je en arquant un sourcil avec un sourire en coin, espérant qu’elle ne le prenne pas mal et qu’elle me préfère à son verre. Après tout, on avait certainement traversé la pire des épreuves ensemble, un peu malgré nous, mais elle ne devait pas à avoir honte de demander un peu de compagnie, même si ce n’est que pour parler de la pluie et du beau temps. Je n’insisterais pas éternellement, mais sûrement bien plus qu’avec n’importe qui d’autre.
Est-ce que j'aurais dû me douter de ce que j'allais trouver derrière ma porte d'entrée ? Oui peut-être, mais pour le moment je me disais simplement que se dût être voisin, ou un livreur, bref quelque chose d'inutile qui ne me fera perdre que quelques secondes, j'aurais peut-être mieux fait de rester assise et de faire la morte sur mon canapé. Le départ de mon salon failli être catastrophique, un peu plus et j'aurais pu voir les étoiles, voyons le bon côté des choses j'aurais au moins pu être tranquille, sereine. Je déposais soigneusement mon verre avant d'ouvrir la porte, sans prendre la moindre précaution de qui j'allais pouvoir trouver en face de moi, surprise de taille, il s'agissait d'Enzo... J'étais soudainement partagé entre la surprise, l'incompréhension et la honte, il faut le dire ! Ce que je trouvais de mieux à faire . Me braquer soudainement en lui demandant sur un ton sec pourquoi il était venus me voir, tout ce don j'avais besoin, c'est d'être seule, du moins c'est ce que je me suis mis en tête comme à chaque fois que je vais mal. Je voyais bien qu'il me détaillait, il faudrait être aveugle pour ne pas voir que je ne suis pas réellement dans mon état normal, moi qui suis d'habitude un rayon de soleil, je penche plus vers les abysses de la nuit en ce moment. Son regard ne faisait que me brûler de l'intérieur, je n'aurais jamais voulu qu'il me voit ainsi, si faible et inconsciente.
Il semblait ne pas rentrer dans mon triste tourbillon et me répondait simplement qu'il avait senti que je n'allais pas bien, une partie de moi avait envie de le remercier pour cette bienveillance, mais il faut croire que l'alcool faisait dériver mon comportement habituel, j'étais en proie à mes plus mauvais côtés. Je baissais la tête, toujours adossé à l'encadrement de ma porte en expirant longuement, je ne savais pas comment réagir, je voulais le repousser pour qu'il n'assiste pas plus longtemps à cette déchéance, mais j'en étais comme incapable, tout ça deviens ridiculement gênant pour moi. Je ne trouvais rien à dire, le mensonge n'est pas dans mes cordes, alors le silence parlerait à ma place simplement. Il semblait décidé à m'aider et reprenait la parole, je l'écoutais attentivement, ma gorge se serrer soudainement à ses derniers mots, comme une accusation un peu trop directe, la vérité ça fait toujours mal et c'est bien la première fois qu'ont me lançait ça à la figure, je relevais la tête rapidement, je voyais bien dans son sourire en coin qu'il voulait m'aider, mais mon cerveau ne fit qu'un tour suite à ce qu'il venait de dire, je me redresse et me rapproche de lui le regard noir.
- Tu n'aurais pas dû t'inquiéter et je n'ai pas envie d'une autre compagnie pour ce soir.
J'aurais pu nier mon aversion pour l'alcool, seulement je ne serais absolument pas crédible, j'avais parlé sèchement, peu trop je suppose, je vais terriblement regretter mon comportement, mais je ne saurais faire autrement à l'heure actuelle, je le défis du regard quelques instants et me retourne brusquement avant qu'il n'est le temps de lancer une réponse cinglante, je rentre dans l'entrée et pousse la porte du bout des doigts sans même lui jeter un dernier regard.
Même si je n’avais pas aperçu son verre posait un peu plus loin chez elle, j’aurais facilement deviné que ça n’allait pas, qu’elle avait bu un peu trop d’alcool. Je suis né avec un radar pour ce genre d’addiction malsaine. Enfin, c’est l’impression que j’ai, c’est seulement ma mère qui me l’a fourni malgré elle. Par son erreur monumentale, j’avais reçu une compétence, un bien pour un mal, un mal dont je me serais bien passé, mais qui m’aurait privé de la rencontre avec Naïa. Alors oui parfois j’en veux à ma mère, mais au fond, elle m’a tout de même permis d’avancer dans la vie, de trouver ma voie, de trouver des amis, de trouver encore plus de personnes que je considère comme ma famille. De toute façon je ne peux rien y faire. Je n’en veux pas à ma mère, mais je ne peux pas non plus lui pardonner pour le mal qu’elle nous a fait et pour le manque de courage qu’elle a eu. Je me suis bien vite rendu compte que sombrer dans l’alcool est un acte de lâcheté. J’espérais alors vraiment que ce soit pas le cas de Naïa. Je m’étais préparé à l’éventualité qu’elle me rejette, qu’elle me demande de partir, mais quand elle le fit, je me suis senti me briser en deux, alors que ça ne m’étais jamais arrivé. J’avais juste envie de claquer la porte qu’elle n’avait pas claqué, et m’en allait. Mon manque de sang-froid n’est que rarement présent pourtant. A croire qu’elle commence déjà à me rendre chèvre. Ma volonté le remporta tout de même et j’ouvrais en grand la porte de chez elle avant de la claquer derrière moi. Oui tant qu’à faire, autant combiner les deux. Elle avait peut-être un peu claqué trop fort. Peu importe, j’étais assez remonté. Vraiment ? Je n’aurais pas du m’inquiéter alors qu’une amie chère est en train de se bourrer la gueule pour oublier ses malheurs ? Désolé mais je ne suis pas en position de te laisser seule, je n’y arriverais pas. Oui j’étais en colère, mais mes paroles étaient loin de ressembler à la colère. Je n’avais juste pas apprécié comment elle m’avait parlé, mais ce n’est pas pour autant que j’allais l’écarter de ma vie alors qu’on venait juste de se retrouver.
Est-ce que j'aurais imaginé me retrouver dans une telle situation un jour ? Oh que non, d'une je n'aurais certainement pas imaginé le moins du monde retomber sur Enzo tant d'années après et pouvoir le compter parmi mes proches, mes amis, car c'est un peu comme si rien n'avait bougé entre nous malgré le fait que nous sommes désormais deux adultes au passé bien difficile, on a changé, sans pour autant oublier cette partie de notre vie à l'orphelinat, oui il reste encore quelques petits vestiges de cette Naïa que j'étais à l'époque et j'ai l'impression que c'est aussi pareil pour Enzo, du moins il a gardé son côté protecteur, cet aspect du grand frère qu'il était pour tout le monde, bien que pour moi c'était plus que ça. Mais ce que j'aurais encore moins imaginé c'est bel et bien commencer à me détruire la santé avec l'alcool, je me rassure en me disant que ce n'est pas souvent, c'est occasionnel, quand je n'arrive pas à surmonter seule les erreurs de mon passé qui remontent brusquement à la surface, je sais bien que je suis loin d'être la plus malchanceuse, il y a des gens qui vivent un réel enfer au quotidien, je le vois bien dans mon travail, mais j'ai étais brisé de l'intérieur en perdant mon enfant et je crois bien que cette plaie ne se refermera jamais, espérons que l'alcool ne soit qu'une épreuve de plus que j'arriverais à surmonter, je le souhaite de tout mon cœur mais pour l'instant je suis encore trop faible, ce serait aussi beaucoup plus simple si j'arrivais à me confier de temps à autre mais je garde tout ça pour moi, comme un fardeau que ne veux en aucun cas partager.
Et voilà que pour la première fois quelqu'un se trouve face à moi pour m'aider, me soutenir, car Enzo à tout de suite remarquais que ça n'allait pas et que j'étais en train de faire une connerie en réglant mes problèmes ainsi et tout ce que je trouve à faire c'est le renvoyer sur les roses, je fais comme si je prenais mal cette initiative de venir jusque chez moi alors qu'au final c'est bien moi qui est honte et ceci me fait légèrement dérailler avec l'aide de l'alcool en plus. Je décidais d'être direct et de ne pas prendre de pincettes, une pointe de méchanceté histoire de le convaincre pour qu'il retourne sur ses pas et me laisse seul avec mon désespoir. Après un regard des plus glaciaux je ne prenais pas le temps d'attendre la moindre réponse et je me retournais pour rentrer chez moi, poussant légèrement la porte en espérant qu'elle se referme et que je retrouve ma solitude habituelle. Sans me préoccuper de ce qu'il pouvait y avoir derrière moi je marchais en direction de mon salon, enfin je n'ai le temps de faire que quelques pas et je sursautais brusquement en entendant la porte claquer, je me retournais immédiatement découvrant Enzo qui semblait clairement décidé à ne pas me laisser seul ce soir, une partie de moi était réellement touché seulement l'heure n'étais pas vraiment aux remerciements... Un seul coup d'œil me suffisait pour voir qu'il était énervé par cette situation et ses paroles qui suivirent me faisaient mal, oui mal car je ne savais comment accepter son aide et pourtant j'en avis réellement envie .
JJ'étais mise au pied du mur et je ne savais plus quelle attitude adopter, la colère , le déni ? Ce n'est pas moi ça. J'avais le regard qui devenait brouillé, je supposais alors avoir les larmes aux yeux mais j'étais trop concentré sur le visage d'Enzo pour m'en rendre compte et trop perdue pour savoir quoi répondre ... Un silence pesant s'installait, je gardais la distance entre nous comme si j'étais un déchet toxique, ne serait ce pas la vérité . Je vais fini par me le demander. Et finalement je sentais la tristesse m'envahir, c'était impossible de le repousser plus longtemps, mais si difficile d'accepter son aide, seulement il n'y a pas d'autres échappatoires, je ne vais pas l'ignorer pour le reste de la soirée.
- J'y arrive plus, je pensais réussir à tout surmonter, mais ça me bouffe, je n'en peux plus... J'ai trop honte que tu me vois ainsi.
Je m'appuyais le long du mur et je passais mes mains sur mon visage pour ne pas qu'il ne lise trop longtemps cette détresse dans mon regard, le pire c'est qu'il ne sait en aucun cas de quoi je parle et je ne sais pas vraiment si j'avais envie de m'étaler sur le sujet, ce serais probablement dure pour moi.
Mon intérêt pour les accros aux drogues dangereuses me tuera. Certes, l’alcool n’est pas une drogue, mais c’est addictif, il rentre dans les critères, du moins pour ma part. Sur le long terme, ça peut faire du mal, et je n’étais pas assez débile pour ne pas voir que Naïa n’allait pas bien. J’avais compris quand on s’était revu, que c’était à cause de son divorce. Ou tout du moins, qu’il y avait un rapport. Et même si ces paroles et son ton avait été dur, drôlement dur pour une fois, je n’ai pas baissé les bras. Même si je le voulais, je n’y arriverais certainement pas, pas avec elle. Parce que même si on s’était perdu de vue avec toutes ces années, je tiens bien trop à elle, comme si jamais on ne s’était séparé. En même temps, je me sens coupable, c’est moi qui suis parti, c’est moi qui ai eu besoin de partir loin de tout et de tout le monde. Et je voulais me racheter. Je disais donc des paroles un peu trop dures à l’encontre de mon amie, mais c’était pour son bien. Seulement je ne réussissais qu’à la faire pleurer et voir cette nouvelle détresse dans son regard, me brisa le cœur. Je m’en voulais, horriblement. J’avais juste envie de revenir en arrière et supprimer mes dures paroles. Je n’aurais peut-être pas réussi après tout à avoir des aveux de sa part. Peut-être cela faisait-il du mal, mais au moins, ça sortait. Surtout qu’elle se sentait seule, et elle avait honte. Je la regardais, avec un regard plein d’affection et de détresse envers elle. Je ne pensais pas la revoir un jour ainsi, comme lors de notre première rencontre. Je suis là Naïa, et pas pour te critiquer, je suis là pour toi, pour t’aider, t’épauler. J’ai été là quand on était gamin, je veux de nouveau être là aujourd’hui. Lui répondais-je tout en me rapprochant d’elle. Je tendais alors ma main vers elle, espérant qu’elle ne me rejette pas encore une fois et rajoutais S’il te plaît, laisse-moi t’aider. Je ne te jugerais pas. Lui disais-je simplement. Il fallait qu’elle le veuille, fallait qu’elle comprenne qu’elle n’avait pas besoin de me cacher ses faiblesses, je suis certainement l’un des mieux placé pour la comprendre.
Pourquoi ce soir ? Oui il y avait bien tous les autres jours de l'année où il aurait pu décider de prendre de mes nouvelles, enfin c'est sur qu'on se retrouve à peine, mais au moins tomber sur un autre jour où je suis un peu plus en forme, à croire que tout cela c'est fait exprès, je bois certains soirs quand mon moral est au plus bas, mais ce n'est pas quelque chose qu'on pourrait qualifier d'habituel, encore heureux... Et bien sûr ça tombait sur une de ses mauvaises soirées, je vais finir par croire que je suis vraiment maudite ! Un instant d'étonnement pour son passage impromptu, puis la colère de me retrouver, nous retrouver face à une telle situation et maintenant quoi ? La gêne, ou plutôt devrai-je dire la honte ! Il est tout de même bien placé pour savoir ce que les ravages de la vie peut vous affliger et j'ai bien compris que lui aussi avaient fait des erreurs, mais moi voyez-vous je n'aime pas ça, me retrouvait face à mes défauts, mes conneries et devoir assumer. Non j'aurais clairement préféré choisir le déni à l'heure actuelle, je venais bien de tenter de faire fuir Enzo mais c'était sans grand résultat, il voulait m'aider qu'il dît... En quel honneur ? Notre amitié, nos souvenirs d'avant et cette complicité, cette bonne entente qui semblait ne pas avoir disparu malgré notre perte de vue, je ne pouvais pas m'empêcher d'être touché par sa volonté, mais tout ça c'était dur à accepter, est-ce que j'étais prête à ce que quelqu'un m'aide ? Il faut croire que pour une fois j'apprenais à baisser la garde, à laisser une main se tendre en ma direction, qui sait peut-être qu'il saura panser mes blessures.
Je trouvais comme seul moyen de m'écarter un peu plus de lui, me planter contre le mur, mes yeux larmoyant, si je devais être ridicule, que oui... Mais je voyais dans le regard d'Enzo de l'empathie, de la tendresse et finalement comment je pourrais me forcer à le garder éloigner, ce serait certainement bien trop dur. Je passais mes mains sur mon visage après avoir avoué ma honte et mon désespoir, sans pour autant rentrer dans le vif du sujet, serait-ce judicieux de tout lui expliquer ? Je suppose que je vais devoir en arriver là, comment pourrait-il m'aider si je ne lui dis que quelques fragments pas très clairs sur ma situation, enfin j'aviserais. Je l'écoutais attentivement quand il prenait la parole, j'avais une larme qui coulait sur ma joue au même instant, tentant de l'essuyer rapidement en espérant qu'il ne le voit pas, enfin c'est perdus d'avance. Quand il se rapproche je n'ose pas encore le regarder dans les yeux, je reste bloqué contre mon mur l'espace de quelques secondes supplémentaires, mais je vois qu'il me tend soudainement la main et il ajoute qu'il ne me jugera pas, qu'il va m'aider... Ce serait pure folie de refuser une aide si généreuse, si bienveillante, surtout venant de lui, qui malgré tout à toujours une petite place dans un coin de mon cœur, nous les filles ont est bien trop sentimentale.
Alors je lève les yeux, ses paroles m'ont crevé l'âme et je reviens quelques années en arrière, oui des souvenirs de mon adolescence, il faisait partie des piliers de ma vie à cette époque, un peu le grand frère sur qui tout le monde pouvait compter, bien qu'entre nous la suite EST légèrement dérapé par la suite... Je dois avoir le regard triste, abîmé, pour ne pas dire brisé, une once d'espoir en moi et j’attrape délicatement sa main, je n'ai pas besoin d'ajouter autre chose pour dire que j'accepte son aide, même si je suis encore un peu sur la réserve. Je me rapproche à mon tour, je ne savais pas trop comment agir, j'avais envie de le remercier, de le prendre dans mes bras, mais j'avais encore trop honte de moi pour un geste si profond. Toutes ses émotions, mélangées à l'alcool qui commençait à faire son effet sur mon pauvre petit corps me faisaient presque tourner la tête, il valait mieux que je m'assois sans trop attendre, je m'avançais alors en le tirant par la main pour qu'il me suive dans le salon, je sentais mes jambes s’affaiblir et je n'attendais même pas de faire le tour du canapé, non je me balançais par-dessus le dossier lâchant par la même occasion la main d'Enzo sans trop m'en rendre compte. J'expirais longuement en fixant le plafond, j'étais allongé sur mon canapé, je me sentais faussement mieux, pourvu qu'il ne remarque pas trop la présence de la bouteille de vodka sur la table basse, enfin c'est un euphémisme...
- Tout ça c'est si compliqué, je pensais pas en arriver là un jour, je sais même pas comment tu peux vraiment m'aider, il n'y a que moi qui peut faire que les choses s'améliorent ou non ...
Ce n'était pas pour lui dire de partir ou quoi, non simplement la vérité est ce que je pense réellement au fond de moi ! À mon tour je tendais ma main vers lui, je voulais qu'il vienne auprès de moi.
Qui aurait pu la laisser dans une tristesse pareille sans rien faire ? Certainement pas moi, pas moi qui ait été là pour elle quand on était plus jeune, quand on n’avait aucun parent sur qui compter, quand personne ne voulait de nous. J’ai été là et je voulais être de nouveau là. Je ne pouvais pas dire si c’était ma simple amitié qui remontait ou si c’était les sentiments bien plus que j’avais développé pour elle par la suite qui parlait. Mais là n’était pas la question. Je ne pouvais pas la laisser seule dans cet état. Quitte à ce que, encore une fois, elle reste muette jusqu’à crever l’abcès. Je ne suis pas sûr que je pourrais réellement l’aider si elle ne me dit rien, mais ça valait le coup de tenter. C’est alors qu’elle tendait la main vers moi, après une énième larme qui me brisait le cœur, et sentir sa main si douce, si fine, sa chaleur, ça me rassurait. Même si au fond, ce n’est pas moi qui doit aller mieux. Bref. Elle finit par tirer légèrement dessus, pour que je la suive, et loin de moi l’idée de répliquer. Je me laisse faire. Et elle me donne un léger flip en se laissant choir de la sorte sur son canapé. Sa main avait glissé de la mienne, et je fis le tour pour aller m’installer moi aussi. Je soulevais ses jambes pour m’asseoir et les redéposaient sur les miennes. Je ne savais pas si elle les retirerait, mais au moins, je ne la dérange qu’à moitié. Mes yeux se posent alors inévitablement sur la bouteille de vodka qui trônait sur sa table basse et après mon léger soupir qui me fit m’installer confortablement sur le canapé, je la regardais me disant qu’elle n’était pas sûre que je puisse l’aider. Et je suppose que tu dois déjà savoir que l’alcool ne résout rien. Lui répondais-je avec un petit sourire en coin, me voulant plus bienveillant que moralisateur. Mais même si je ne sais pas pourquoi tu te sens si mal, je peux au moins te tenir compagnie et t’éviter la bouteille ? Tu me parleras quand tu t’en sentiras capable. Lui expliquais-je, bien conscient que se confier sur sa vie privée foirée n’est pas du tout facile. J’avais réussi pour ma part parce que j’en avais déjà parlé. Mais je peux totalement comprendre la honte qui se lit dans ses yeux. Même si elle sait qu’elle n’en a aucune à avoir avec moi. Elle n’a pas pu faire pire que moi, c’est évident.
Je suppose que finalement tout ça n'arrive pas pour rien, oui j'ai beau avoir honte et vouloir lui éviter cette vision de moi, il pourtant là à mes côtés me proposant si sincèrement son aide, peut-être qu'il pourrait vraiment m'aider et si le fait de me confier un peu, d'apprendre à parler de moi, de mon passé et de mon addiction actuelle pour l'alcool serait finalement une bonne chose ? Si seulement il pourrait me sortir de ce cercle vicieux dans lequel je m'enferme jour après jour, mais même si son soutien me serait indispensable, ça voudrait dire que je devrais compter sur lui, oui il deviendrait d'autant plus pour moi quelqu'un d'important dans la construction de cette nouvelle vie à Brisbane et suis-je réellement prête à laisser une personne devenir si précieuse à mes yeux ? Je sais très bien qu'en plus de mon aversion pour me confier, je barricade mon cœur, comme pour ne plus jamais y laisser une personne entrer, j'aime donner et offrir le plus de bonheur possible aux autres sans pour autant me permettre d'en avoir vraiment le retour, c'est bien trop risqué de s'attacher à quelqu'un et bien trop douloureux quand cette personne s'éloigne finalement, car toutes les bonnes choses ont une fin et je suis presque persuadé que je suis condamné à souffrir de cette solitude, pour me préserver en sorte, moi qui rêve pourtant de trouver l'amour une dernière fois, je ne sais pas si un jour je saurais me donner les moyens d’exaucer ce souhait. Mais qu'est-ce qu'une vie sans attache, sans amour ? Un monde froid dans lequel je m'enfonce.
Je ne le faisais attendre davantage et après avoir essuyé une larme j'attrapais sa main, il avait très bien compris ce que cela signifiait, je ne comptais plus essayer de le repousser, ce serait pure folie de ne pas accepter son secours, quel serait l'issue de ma soirée sinon . Finir cette bouteille de vodka en regrettant d'avoir rejeté Enzo ! Et je ne voulais pas de ça, après tout il ne le mérite pas et je ne saurais le remercier assez pour son empathie. Quelques pas en le guidant vers le salon et je m'affale sur mon canapé d'une élégance peu certaine, se devais être un bien piètre spectacle, il faut dire que l'alcool n'embellit pas mon état. Comme je l'espérais il ne perdait pas de temps à me rejoindre, je le laissais alors soulever mes jambes afin de s'installer sans trop y faire attention à vrai dire, me concentrant bien plus sûr que je m'apprêtais à dire, lui avouant que personne ne pouvait vraiment m'aider, vérité ou non c'est bien ce que je pense. Je posais mon regard sur le visage d'Enzo à sa réponse et je me permettais même de lui donner un léger coup de pied en voyant ce léger sourire sur ses lèvres, ne pouvant m'empêcher de faire de même l'espace de quelques secondes.
- Non mais ça me fait oublier, c'est déjà ça....
Forcément il préférait que se soit lui qui me tienne compagnie plutôt que cette fichue bouteille de vodka, c'est sûr dans un sens c'est bien plus agréable, mais ça me fait réaliser bien trop de choses et je ne sais pas si je suis encore vraiment prête... Nous verrons bien si sa présence ne m'enterre pas un peu plus avec mon humilité. Si je suis capable de me confier ? J'imagine que oui, mais la question est bel et bien suis-je prête ou non, oui peut-être que pour certaines personnes se serais bien plus simple et jugerais même que mon comportement est abusif, enfin qui pourrait vraiment vous me reprocher de ne pas se remettre de la perte d'un enfant et de la vie de couple brisé qui est survenue par la suite. Je me redressais furtivement et non sans mal afin de saisir sa main, me laissant retomber en arrière par la suite, j'entrelaçais nos doigts naturellement et détourné mon regard brièvement vers la bouteille qui orne cette table basse, trop peu courageuse pour le sortir de notre champ de vision.
- Oui reste, je ne t'ai pas bien accueilli, j'suis désolé mais j'étais un peu... Désorienté. Dans un soupir je regardais alors mon plafond. - Je pensais pas quand j'étais petite que j'allais vivre pire que la mort de ma mère un jour, pire que l'orphelinat, pourquoi on est destiné à souffrir autant ? J'ai l'impression d'être brisé de l'intérieur, que rien n'ira jamais mieux, je me demande bien ce qui m'attend, je me dis parfois que ma vie n'a pas de sens en dehors de mon travail.
Je ferme ensuite les yeux comme pour contenir toute cette peine qui m'envahit à nouveau, serrant un peu plus fort mon emprise sur la main d'Enzo.
C’était plus fort que moi, fallait que je rappelle à tous ceux qui avaient la bouteille facile, que ça ne résolvait rien, c’était devenu une phrase récurrente, tellement que parfois je n’y croyais plus moi-même tellement personne – ou très peu de personnes – prennent en compte mes dires. Mais je continuerais, quitte à me recevoir encore et toujours des petits coups de pied qui me font sourire. J’insistais par la suite avec ma présence, sentant qu’elle était plus en accord avec l’idée qu’il y a a quelques minutes. C’était grâce au fait qu’elle m’avait tendu la main que je pouvais deviner assez facilement qu’elle ne me rejetterait pas une énième fois. C’est alors qu’elle se redressait rapidement pour me prendre la main et nos doigts s’entrelacèrent automatiquement, comme si on avait fait ça des années durant. C’était vraiment agréable, tellement que je me devais de respirer un peu plus fort tout à coup. Mais je me focalisais sur ses paroles. Elle s’excusait même de m’avoir si mal accueilli. Mais je ne lui en voulais clairement pas, même si j’ai eu ce vieux doute qui faisait que je n’étais pas sûr qu’elle m’apprécie toujours, surtout après les retrouvailles et les révélations que je lui avais faite la dernière fois. Mais tout ça semblait parti à l’oubliette, du moins pour l’instant, et elle voulait que je reste. Je comprends. Je ne t’ai pas vraiment laissé le choix non plus … Oui je m’excusais à mon tour, parce que je m’étais imposé et peu importe qu’elle boive trop ou non, ce n’était pas dans mes droits de la forcer à me recevoir ou même à rentrer chez elle de la sorte. Je ne regrette pas pour autant, je suis même ravi d’avoir poussé cette porte, au moins elle ne fait que lorgner sur cette bouteille, sans y toucher. C’est alors qu’elle commença à me parler, vraiment, de ce qui n’allait pas. C’était encore bien trop vague, mais je comprenais bien qu’elle avait vécu quelque chose de douloureux encore une fois dans sa vie. Sa main se referma bien plus sur la mienne et senti sa douleur à travers cette étreinte. Je suppose que ça a un rapport avec ton divorce ? C’était une supposition, mais j’avais bien remarqué lors de notre café, qu’il y avait anguille sous roche et que ça n’avait pas été un divorce si simplement dit. Tourner la page, avancer, ça n’a jamais été la solution la plus facile, mais ça reste la plus saine et la meilleure. Lui expliquais-je alors, espérant bien qu’elle arrête pour de bon avec l’alcool. Après, elle reste adulte et libre de ses choix.
Je devais bien m'avouer que son aide, son soutien ne serait pas vraiment de refus se soir, oui même si son arrivée avait été un peu chaotique entre moi qui ne veux laisser personne entrer dans ma vie ainsi que mes problèmes personnels et lui qui comptait à l'inverse me tenir tête pour... Ne pas me laisser bouffer par cette bouteille, du moins pas pour ce soir ! Je suis un peu du genre à me dire que rien n'arrive par hasard, oui peut-être qu'il pourrait réussir à me faire passer cette addiction dangereuse, pour ne pas dire destructrice . Mais se serais bien trop naïf de m'attacher à cette idée et suis-je réellement prête à m'en sortir ? Du moins est-ce que je le veux... Après tout je n'ai pas grand-chose à perdre, mais je n'y vois rien à gagner non plus, ce n'est pas comme si un avenir fleurissant me tendait les bras, oui dans mon imagination je crois toujours que je vais finir par fonder cette famille parfaite dont j'ai toujours rêvé, mais pour le moment je suis bien seule dans ma grande maison et bien failli être saoule... Enfin il y a Enzo désormais, mais ce n'est que passager, il ne va pas veiller sur moi tout le reste de ma triste vie, non on est plus des adolescents et il faut que je me débrouille seule, telle une femme adulte digne de ce nom.
À peine installé sur ce pauvre canapé qui avait déjà subi bon nombre de choses, Enzo ne manquait pas de me faire comprendre une fois de plus que l'alcool n'allait en rien m'aider et moi bêtement je lui répondais ce qui me venait en tête sans trop réfléchir, la simple vérité à vrai dire, ça me fait oublier, oui j'ai l'impression d'être plus légère de réussir à me détacher un peu plus de tout se fichu passé qui me bouffent autant la vie... Je saisissais par la suite sa main, je ne saurais vous dire vraiment pourquoi, mais j'avais besoin d'être un peu plus proche de lui et puis c'est anodin ce genre de geste, pour ne pas dire enfantin. Je ne perdais pas de temps afin de m'excuser et lui faire comprendre que je voulais sincèrement qu'il reste auprès de moi maintenant, mais il m'avouait ensuite que je n'avais pas vraiment eux le choix non plus, je ne pouvais pas m'empêcher de sourire du coin des lèvres, après tout ça fait toujours plaisir de voir que quelqu'un a envie de veiller sur vous, qu'il ne veut pas vous voir toucher le fond. On pourrait presque dire que tout allait mieux, enfin c'était sans compter sur le taux d'alcool certain qui circule en moi et je me permets alors de me confier vaguement ce qui automatiquement me faits comme reculer, oui j'ai toutes ses pensées vagues et sombres qui m'encombrent soudainement, j'ai du mal à croire que parler de mon mal-être pourra m'aider, mais peut-être faut-il au moins essayer ... Les yeux fermés je pensais ainsi pouvoir me contenir plus facilement, mais les paroles d'Enzo étaient tout sauf en passe de me rendre plus sereine, après tout c'est bien de ma faute s'il en vient à me poser cette question, alors je prends une grande inspiration en gardant mon emprise certaine sur sa main.
- Faut croire que ça crève les yeux...
J'ouvrais mes paupières laissant un rire presque angoissant sortir d'entre mes lèvres, l'alcool me rend parfois étrange. Oui tout ça a bien un rapport avec mon divorce, c'est étroitement lié, je crois bien que j'aurais pu supporter un simple divorce hormis le fait d'avoir perdu celui que je considérais autrefois comme l'homme de ma vie, mais malheureusement la raison n'est pas si élémentaire que ça, ceci aurait été bien trop facile de me faire endurer une simple rupture, il fallait aussi m'attribuer la perte d'un enfant, pourquoi certaines personnes naissent avec une si mauvaise étoile au-dessus de leurs têtes ! Je repose mon regard sur Enzo, avec un peu de crainte de croiser le sien de nouveau, ma souffrance doit être bien trop lisible et je n'ai aucune envie de m'attirer de la pitié.
- J'ai réussi à tourner la page sur mon divorce, ce n'est pas exactement ça qui me....
Qui me brise ? J'avais soudainement l'impression bien trop amère que je n'étais absolument pas prête pour lâcher la bombe, à se demander si je le serais un jour... Je laisse mon regard glissé sur Enzo, puis sur mes jambes, me rendant vraiment compte que je suis loin d'être dans une tenue convenable vêtue de ce peignoir digne d'une vraie mamie, j'espère au moins avoir une tête un peu plus convenable et pas celle de la fille qui a trop abusé de la bouteille. Qu'est-ce que je pouvais faire de mieux pour rattraper la situation et ne pas avoir à continuer sur ma lancée fracassante en guise de confidence, oui c'est tellement facile de se cacher. Je me redresse de nouveau dans le canapé en lâchant subitement la main d'Enzo et retirant mes jambes de ses genoux, j'ai un mal de crâne qui vient m’envahir le cerveau et je grimace.
- Je vais prendre un médoc' je reviens, tu veux un truc à boire ?
C'était l'évasion parfaite pour ne pas revenir tout de suite sur le sujet, je me lève alors, un peu plus difficilement que prévu et je m'agrippe au canapé avant de m'élancer vers la cuisine non loin, se devait être un bien piètre spectacle ! Je croise alors mon reflet dans un miroir accroché devant la cuisine et merde c'est la chute, on dirait que je reviens d'un enterrement, je pose une main sur mon visage en soufflant longuement, un léger sentiment de honte m'envahit à nouveau, mais je baisse les yeux et me dirige vers le placard qui renferme un doliprane dont j'ai clairement besoin.
Fallait croire que ça crevait les yeux oui que son problème d'alcool découlait de son divorce. J'aurais pu le parier. Du moins, c'était ce que je croyais lorsque j'avais reparlé avec Naïa la dernière fois depuis des années. Ce soir, je n'en étais plus si certain. Certes, son divorce causait certainement quelque chose, mais était-ce vraiment aussi gros pour que ça la rende aussi souffrante ? Elle agissait comme si elle avait vraiment perdu un être cher. Et pour une fois, j'avais vraiment du mal à percer à jour une personne. Même si elle me donnait en quelque sorte raison une fois de plus. Ce n'était donc pas son divorce qui la faisait souffrir de la sorte. Non, et je n'étais pas foutu de savoir d'où ça pouvait sortir. Peut-être était-ce aussi du au fait que j'ai particulièrement bien connu Naïa quand on était jeune et que ça me brouille mon décodeur. Certainement. Et apparemment je l'avais déjà bien assez poussé à bout. Elle avait besoin d'un médoc. C'était peut-être pas une si bonne idée de mélanger ça avec de l'alcool. Mais bon, de toute façon, elle n'allait plus toucher à cette bouteille, j'allais m'en assurer, quitte à ce que je reste avec elle toute la nuit pour la faire décuver et attendre qu'elle s'endorme. Elle me demandait également si je voulais quelque chose à boire. Un verre d'eau s'il te plaît. Lui disais-je un peu ailleurs, bien trop préoccupé par elle et par son histoire. Mais il fallait d'abord que je vide cette bouteille pour être sur qu'elle n'en boira pas, quitte à ce qu'elle me fasse la misère, tant pis. Je la regardais se relever difficilement et elle me faisait autant mal au cœur, autant j'avais envie de rester avec elle. Trop d'émotions. J'imagine même pas ce que ça doit être avec l'alcool. Encore plus amplifié et plus maître de ses gestes. Non, je devais vider cette bouteille, alors qu'en soit, je ne suis pas tant que ça contre l'alcool, mais dans son cas, c'était indéniable. Je récupérais alors la bouteille et me dirigeais vers la salle de bain avant de vider son contenu dans le lavabo. En espérant qu'elle n'en est pas d'autre en stock. De toute façon, elle sera toujours à temps d'en racheter, mais au moins pour ce soir on était tranquille.
Je sentais bien qu'il voulait percer ce qui devait lui paraître comme un "mystère", oui pourquoi je semble si déprimée et abattue ? Il pourrait y avoir plein de choses, oui ça aurait pu être à cause de mon divorce comme il l'avait souligné, j'aurais préféré que ce ne soit que la seule est vraie raison ! Mais cela va bien plus loin et bien sûr que j'arriverais à surmonter tout ça, à ne plus trouver du réconfort dans quelques verres perdus le soir, mais quand ? Quand il sera trop tard et que j'aurais commencé à me détruire de l'intérieur ? Tout le monde sait qu'on ne se remet jamais de la mort d'un enfant, même si je n'ai pu le tenir que quelques secondes dans mes bras, je l'ai comme toutes les mères aimées inconditionnellement dès que je l'ai vu pour la première fois et il n'y a pas de remède pour vous aider à vivre avec ça, je suppose que je dois me forger toute seule, j'aimerais que la douleur soit moins présente, qu'elle me laisse vivre en paix... Un jour peut-être.
Risquer de m'étaler encore sur le sujet . Je n'étais pas prête, même si j'ai une confiance certaine en Enzo, je ne pouvais pas laisser ses mots sortir de ma bouche pour tout lui expliquer, il devra être patient, car je me doute qu'il cherchera à découvrir la raison de mon mal-être, après tout un ami digne de ce nom ne pourrait pas agir autrement, enfin si le mot "ami" me paraît bien peu qualificatif pour nous. Détournement d'attention et je décide de m’extirper tant bien que mal du canapé pour aller prendre un médicament, même avec l'alcool ça devrait fonctionner, je n'ai pas bu non plus toute la bouteille, je ne vais pas finir à l’hôpital pour un antidouleur et quelques verres en trop ! C'est avec un peu de peine que j'arrive face à mon petit placard mural, j'essaye de mettre la honte de côté car je ne suis vraiment pas fière qu'Enzo me voit ainsi et je risque d'être sacrément gêné la prochaine fois qu'on se verra, car c'est comme une certitude, j'ai le sentiment que nos chemins ne vont pas se séparer de si tôt et ça ne peut que me faire du bien de pouvoir compter sur quelqu'un comme lui et je sais bien qu'il ne me laissera pas tombez-me sachant dans cette situation délicate. J’attrape donc un doliprane, suivis d'un verre que je remplis d'eau et j'avale tout ça rapidement, j'en prends un deuxième pour Enzo, j'aurais presque failli oublier sa demande tellement je suis tourmenté par toutes mes pensées négatives.
C'est alors que j'entends comme un bruit un peu plus loin, je sors à pas chat -du moins j'essaye demandant bien ce qu'il trafique, voyant la porte de la salle de bain ouverte dans le fond du couloir, après tout je suis chez moi j'ai bien le droit d'aller voir ce qu'il fait. Toujours doucement j'avance et je passe la tête la première et je tombe presque nez à nez avec Enzo, la bouteille vide entre les mains, il ne me faut que peu de temps pour réaliser qu'il a dû la vider, pour mon bien et je reste comme bloquée l'espace de quelques secondes devant lui, oui histoire que je calme ce petit bout d'addiction en moi qui est strictement stupéfaite par ce qu'il vient de faire et ma conscience qui sait très bien que c'est la meilleure des choses à faire ! J’attrape la bouteille vide et lui tend son verre d'eau en échange, ne le regardant même pas dans les yeux, de si près j'ai bien trop peur d'y voir sa désolation pour moi et de me sentir un peu plus enfoncé.
- Je suppose que je dois te dire merci pour ça...
Non ce n'était pas une critique, ni ironique simplement la vérité, un sourire au coin de mes lèvres apparaissait, ça me fait si bizarre de voir quelqu'un tenter de veiller sur moi, je n'ai plus l'habitude de tout ça, j'ai dû rester seule et enfermé mon cœur bien trop longtemps, je sais aider les autres, mais pas moi-même, triste réalité. Me rendant compte que ma phrase était assez équivoque, je décide d'avoir un geste plus doux, plus expressif ? Je tends le cou et dépose un baiser sur sa joue, on aurait dit une gamine d'école primaire que cherche à se faire pardonner, je me recule ensuite lentement ne pouvant pas m'empêcher de croiser son regard et ça me trouble bien plus que je ne l'aurais imaginé, impossible de rester dans cette situation plus longtemps s'en est trop pour ma pauvre tête. Je prends délicatement sa main et me retourne ensuite, il faut que je retourne m'asseoir avant de sentir mon corps flancher de trop. Si mon comportement est étrange ? Peut-être, mais malgré tout ce bordel mental, une part de moi se sent un peu plus sereine près de lui, alors pourquoi m'en priver, je ne fais rien de mal.