Cette petite appréhension était bien présente. Surtout quand je veux aider des personnes chères à mon cœur, j’ai toujours peur que ce genre de geste qui est pour leur bien, ne soit mal interprété. Un cas sur dix, ça se passe bien, mais la plupart du temps, ils me virent un temps de leur vie. Heureusement, ça n’a pas du m’arriver trop souvent. Je sais bien que parfois je peux être bien trop vindicatif, mais c’est que je ne peux pas m’en empêcher, je me sens obligé de les aider par la force, parce que les paroles ne suffisent pas toujours. Comme dans le cas présent avec Naïa. Aussi, quand elle débarqua dans la salle de bain, bouteille vide dans ma main, je me suis senti me décomposer. J’aurais préféré qu’elle ne me voit pas en pleine action, ça aurait été moins terrible comme réaction. Et je m’attendais au moins à une claque. Mais non, j’avais droit à des remerciements. Elle m’avait retiré la bouteille vide des mains pour me donner mon verre d’eau. Je parus forcément surpris, muet de surprise également, je ne savais même pas quoi dire tellement elle réagissait bien. J’eus même droit à un baisé sur la joue. Et je ne sais pas comment elle s’était débrouillée, mais même avec l’alcool ingurgité, elle sentait encore bon. Je fermais les yeux un instant, et sentis sa main dans la mienne qui m’entraîner en dehors de la salle de bain pour revenir dans le salon. Je ne savais vraiment pas à quoi elle jouait, ce qu’elle attendait de moi au final. Sûrement que je reste à ses côtés, alors qu’au début, elle ne voulait vraiment pas. Une fois de nouveau installé dans le canapé, je commençais à boire mon verre d’eau. Je suis content que tu n’aies pas mal pris mon geste. Lui avouais-je alors en finissant par la regarder, sourire aux lèvres. Maintenant il ne restait plus qu’à savoir ce qu’elle voulait faire le temps qu’elle décuve un peu. Tu sais ce que tu veux faire maintenant ? Lui demandais-je alors plutôt que de lui proposer direct une quelconque activité.
Si seulement ce médicament que je venais d'avaler pouvait m’enlever ce mal de tête et par la même occasion de me rendre complètement clean, seulement un simple doliprane n'a bien sûr pas ce pouvoir ! Et je vais devoir affronter encore durant plusieurs minutes les effets néfastes de l'alcool sur mon corps, enfin après tout c'est ce que je recherche en général, mais là, face à Enzo je souhaiterais simplement être "normale" qu'il ne me prenne pas pour une de ces demoiselles en détresses, ou encore une femme qui ne fais que se détruire de l'intérieur, même s'il y a une certaine vérité là-dedans. J'arrive alors à porter mon attention sur autre chose en entendant des bruits un peu plus loin provenant du couloir, j'étais loin de m'imaginer ce que j'allais découvrir, rien de grave, ni de révoltant, simplement Enzo qui a pris l’initiative de vider ma bouteille dans l'évier, je ne suis étonnée et comme incapable d'exprimer le moindre sentiment, car dans mon cerveau c'est le bordel et quelle réaction serait la plus appropriée ? J'arrive par je ne sais quelle force à mettre ma "dépendance" de côté et cautionne son geste, en tant qu'adulte responsable, c'est la meilleure solution je suppose.
Un remerciement, un geste tendre envers Enzo et je pense qu'il est aussi surpris que moi, je suis imprévisible et mes réactions se soir ne sont absolument pas cohérentes, la faute à l'alcool et cette part de déstabilisation face à Enzo, je ne saurais trop vous expliquer pourquoi. En arrivant dans le salon je me débarrasse de la bouteille en la posant sur un meuble, on verra demain pour le ménage, on retourne vers le canapé où je m'assois en tailleur et finit par lâcher la main d'Enzo, cette situation pourrait bien être ridicule sinon, moi qui voulais le flanquer dehors un peu plus tôt, je reste maintenant agripper à lui ? Je crois bien qu'il ne va rien comprendre à tout ce cinéma, moi-même je ne saurais vous expliquer mon comportement. Il brise le silence en me disant qu'il était satisfait par ma réaction, il me regarde en souriant et je ne trouve rien d'autre à faire que baisser le regard, un sourire discret sur mes lèvres, après tout on en serait pas là si je n'avais pas voulu me saouler et je ne peux pas m'empêcher d'être un minimum gêné face à ça.
- Je sais bien que c'est pour mon bien, je ne peux pas t'en vouloir...
Je me m'imaginais pas rester sur ce sujet plus longtemps, oui c'est une bonne action, mais non je n'ai pas envie d'en parler spécialement, par chance Enzo prenait de nouveau la parole et propose de plus de faire quelque chose, bonne idée, mais... Quoi ? J'écarquille les yeux en faisant la moue, je n'ai pas franchement le cerveau qui fonctionne à plein régime et je reste durant quelques secondes à me demander comment on va bien pouvoir s'occuper, tant que ce n'est pas moi le centre de l'intérêt, sauf que je repense à quelque chose, je ne saurais vous expliquer pourquoi maintenant, je me lève subitement, enfin du mieux que je peux ! - Je reviens ! Et je file jusqu'à mon escalier, que je regarde deux trois fois franchement avant de gravir les marches, je décide de prendre mon temps, il ne manquerait plus que je finisse à l’hôpital se soir ! Un petit tour dans ma chambre et j’attrape, une boîte en carton rangé sous mon lit, je descends dans l'excitation un peu trop rapidement l'escalier, manquant de louper une marche, mais plus de peur que de mal. Je trottine - sans brio- jusqu'au canapé un grand sourire sur les lèvres, on aurait probablement dit une gamine. Je m'assois avec peu de délicatesse aux côtés d'Enzo, et déposa la boîte sur ma table basse.
- Quand j'ai déménagé pour venir ici, j'ai retrouvé ça enfouis dans de vieux cartons !
J'ouvre délicatement la boîte, en regardant Enzo, souriant à pleine dent, cette boîte elle renferme pleins de souvenirs de mon enfance, des photos avec ma mère et de l'orphelinat, c'est surtout pour ça que je tenais à lui montrer, se rappeler des bons souvenirs c'est toujours appréciable, car oui malgré tout ce malheur qui est tombé sur nous étant gosse, on avait su se faire une sorte de nouvelle famille et ça c'est quelque chose que je n'oublierais jamais.
Passer du temps improvisé avec Naïa me faisait plaisir, surtout avec cet état-là. Je ne sais toujours pas pourquoi elle en arrive à cet extrême-là, pourquoi elle a besoin d’oublier, et je me dis, heureusement encore que les douleurs de l’enfance ont pu s’effacer un peu avec le temps. Même si les cicatrices restent encore toujours et très présentes. Mais on n’avait plus tant de raison pour boire de l’alcool afin d’oublier un tant soit peu notre souffrance. Celle qu’avait vécu Naïa en étant adulte, est, j’en suis sûr, bien plus douloureuse que celle de perdre les parents. Enfin, non, rien n’est aussi douloureux que de grandir sans ses parents, c’est le début de la vie, et s’il est foiré, c’est assez compliqué de s’en sortir. Mais pas impossible. Ce que semble m’annoncer mon amie d’enfance, c’est qu’elle n’arrivera jamais à se remettre de cet événement qui l’a brisé. Je ne veux pas me faire trop d’hypothèse, bien trop d’éléments pourraient le faire, tout dépend après du vécu de la personne. Tout dépend de ses réactions et de son ressenti. Toujours est-il qu’elle savait pertinemment que la bouteille n’était pas la solution. Heureusement pour moi, parce que sinon j’aurais été à la porte bien rapidement et j’aurais pu dire adieu à ces retrouvailles agréables que j’avais eu avec elle. Même si au fond, lui avouer mes fautes n’a pas été très ingénieux. Peu importe, l’eau avait coulé sous les ponts. Je lui demandais alors comment elle souhaitait s’occuper, pour justement éviter de parler de ces sujets délicats qui rendent tristes. On a toujours su se divertir, penser un maximum un peu à tout pour penser à autre chose qu’à nos malheurs. Elle semblait alors avoir une idée. Elle s’absenta quelques petits instants avant de revenir avec une assez grande boîte. Je soupçonnais de vieilles photos ainsi de quelques souvenirs. Je le sentais haut comme une maison et disais Noooon t’as pas osé ! T’as pas osé garder toutes ces vieilleries ! Je me suis mis à rire, trouvant tout de même de la curiosité, me disant qu’en fin de compte, malgré mes dires, j’avais bien envie de voir ce qui s’y trouvait dedans. J’espère rien de bien compromettant, même si à l’époque, ma coupe de cheveux était … très particulière.
Si j'avais honte ? A vrai dire cette honte la porte tous les jours, oui quand je décide le soir de me rabattre sur cette bouteille, quand je suis seule face à mon désespoir et que cette action me semble la seule apaisante, prenant soin de ne pas le faire que quand je sais ne pas être dérangé, que je compte avoir aucune visite et pouvoir me laisser aller sans risquer le moindre jugement, seulement ce soir c'est différent... J'affronte le regard d'Enzo et mes erreurs par la même occasion, ça fait mal, mais c'est aussi terriblement touchant de voir quelqu'un qui veut votre bien, moi qui ne cesse de vouloir faire le bonheur des autres, je ne sais plus ce que c'est de s'occuper de ma propre vie. Alors je dois profiter de cet instant, j’acquiesce, j'accepte ce qu'il me dit et je reconnais mes torts, seulement dans un coin de ma tête je sais bien que tout cela n'est qu'illusion, après quelques jours emplis de bonne volonté je vais sentir cette solitude me happer de nouveau, me remettre face à mon désespoir et n'avoir comme échappatoire que l'alcool, car bien trop bête je n'oserais certainement pas lui demander de l'aide, trop honteuse, même si je sais très bien qu'il sera toujours là pour me soutenir. Mais qu'ai-je donc moi pour me motiver ? Me dire que cette vie ne doit pas être dédié uniquement à mon travail et que j'ai aussi le droit au bonheur et qu'il faut que j'avance ? Enzo lui a la chance d'avoir sa fille, moi je n'ai plus rien.
Alors comme je sais très bien le faire, même avec de l'alcool dans le sang, je m'échappe de la conversation, je ne divulgue pas ce qui me brûle le cœur et je garde toutes ses émotions que j'étouffe en moi, si c'est mauvais ? On connais tous la réponse, seulement je suis incapable d'autre chose pour le moment et le plus important pour l'instant c'est qu'Enzo semble s'être accommodé de cela, tant mieux je détesterais subir un interrogatoire et voir l'état quelque peu second dans lequel je suis, pas sûr que se soit très concluant. Une fois installé sur le canapé j'étais un peu perplexe à sa question, je n'avais pas spécialement d'idées jusqu'à me souvenir d'une chose qu'il faut absolument que je lui montre ! Nous allons éviter de parler de ce passage quelque peu déstabilisant où je monte et descend mes marches d'une difficulté déconcertante... On aurait réellement dit une gamine quand je posais en face d'Enzo cette vieille boîte et il semblerait qu'il instantanément comprit de quoi il s'agissait, ce qui me faisait sourire davantage.
Je prenais place à ses côtés, me collant presque à lui en retirant le couvercle de cette boîte, tombant sur une lettre que j'avais écrite, ça devait sacrément être vieux et je ne préférais pas qu'Enzo puisse lire ce petit bijou, ne sachant même plus quel était le contenu, je l’attrapais rapidement pour la placer un peu plus loin sur le canapé, laissant alors apparaître une ravissante photo avec tous nos anciens "camarades", le genre de photos de famille. Remarquant instantanément ou j'étais placé, je souriais pleinement en redécouvrant notre allure de l'époque, c'est bien quelque chose que me je permettrais uniquement de partager avec lui... Trop ridicule sans doute.
- Alors là, c'est juste magnifique ! Qu'elle équipe de choc on faisait, malgré tout...
Malgré toute cette misère qui nous étaient tombé dessus ? Nous pauvres gosses, on rêvait simplement d'être dans une famille heureuse et unie, mais pour ma part je n'ai jamais su m'adapter ailleurs. Ça me faisait soudainement comme un pincement au cœur de me souvenir de tout ça, je fouillais ensuite histoire de trouver une photo un peu plus amusante, je me souviens très bien qu'Enzo à cette époque avait des goûts un peu douteux, quoi de plus comiques ? Il me semblait enfin avoir trouvé la perle rare, une photo de nous deux, que j'attrapais furtivement en éclatant de rire, contemplant se clicher je la posais ensuite contre moi, comme pour l'empêcher de voir cette oeuvre d'art.
Séance photo souvenir. Je n’aurais jamais pensé à ça, n’ayant pas vraiment gardé beaucoup de souvenir matériel de cette époque. Fallait croire que c’était Naïa qui avait tout récupéré en partant de l’orphelinat. Faut dire aussi que lorsque j’étais parti, c’était comme un voleur. J’avais à peine dit au revoir à tout le monde, principalement à Naïa, et n’ayant surtout jamais eu la force de la recontacter. Les années avaient défilé et ce sentiment d’amertume avait toujours été présent. Je le redécouvrais encore une fois avec ces photos où on était vraiment jeunes avec un look très adapté au années 90. Horrible en soit. Mais assez drôle. Oui, on faisait une sacrée équipe. Un peu comme une famille, mais surtout comme des meilleurs amis, toujours présents les uns pour les autres. Seulement on avait tous nos problèmes, et je n’ai pas su être assez fort. Je fus égoïste un temps et j’en ai profité pour prendre le large. Oui, j’avais été faible aussi avec Maxyn. La fuite, c’est terminé, ça me fait bien plus de mal par la suite, que sur le moment. Je lui souriais alors, regardant cette photo qu’on pouvait appeler de famille, quand elle sortit une photo pour me la cacher. D’abord une lettre qu’elle ne voulait pas lire en ma présence, et ensuite une photo ? C’est qu’elle était terriblement cachotière, et au fond, je retrouvais la Naïa que j’avais connu à l’époque, taquine et secrète en même temps. Et toujours ce petit pincement au cœur. Je tendais alors ma main vers elle et lui disais Allez, fais voir cette horreur ! Je me suis mis à rire et rajoutais Même si, je te rassure, l’horreur c’est moi, tu as toujours été sublime. Ok, j’avais parlé un peu vite, surtout sans réfléchir. Parce que oui je le pensais réellement, mais c’est bien le genre de chose que je n’ai pas l’habitude de dire. Je me suis senti d’un coup rougir, et comme parade, je décidais de me lever. Il me fallait un verre d’eau. Peut-être même une douche froide j’en sais trop rien. Il fallait vraiment que je m’arrête là. J’allais à la cuisine pour remplir mon verre d’eau et je me sentais bien moins rouge et chaud. J’allais pouvoir, je l’espère, redécouvrir cette photo que je ne pouvais pas louper. Mais la connaissant, elle n’allait pas céder si facilement, alors je me dépêchais de récupérer la lettre plus loin sur le canapé et me pavanais avec Si non … Je la lis à voix haute.
Je ne savais pas vraiment si mon idée était un choix idéal en tant que distraction, mais ça m'était venu à l'esprit comme un coup de soleil et malgré beaucoup de souvenirs négatifs à l'orphelinat, il y avait aussi les bons, les souvenirs inoubliables qui nous ont forgés malgré tout et ce soir je ne comptais pas tomber dans le dramatique en ressortant les vieux dossiers, mais bien en espérant retrouver le sourire, quoi de plus amusant que de redécouvrir nos têtes de l'époque, heureusement ont à bien changer, mais le passé à toujours son charme il faut l'avouer. Je préférais mettre de côté cette fin d'aventure brusque et inattendue, oui celle où Enzo avait mit un point final en décidant de s'échapper, de m'abandonner en quelque sorte, avec le temps et la maturité certaines choses nous paraissant moins amères et on arrive à n'en sortir que le meilleur... Ou alors c'était simplement l'alcool qui me donnait ce petit coup de pep's ? Je ne saurais vraiment vous le dire, car en temps normal je suis plus du genre à ruminer sur ses quelques souvenirs, moi la fille qui perd petit à petit cette joie de vivre qui me qualifiait autrefois. Je cachais comme un petit trésor ma dernière trouvaille, une photo de nous, ce duo improbable qu'on était et je comptais bien faire durer un peu plus le plaisir en ne lui dévoilant pas tout de suite, ne sachant pas ce qui était le pire, la coupe de cheveux ou l'habillement ? Il me demandait forcément de lui montrer et moi je contentais de rire à pleine voix, j'ai l'impression que ça ne m'était pas arrivé depuis un siècle.
-Il faut le mériter tu sais !
Et là entre deux éclats il me glissait un compliment, le genre de compliment qui fait chavirer mon petit cœur et dont je n'ai plus du tout l'habitude et tout ce que je trouvais de mieux s'est resté bloqué sur lui, un sourire béat figé sur mes lèvres, j'aurais peut-être même pu lui faire une réponse digne de ce nom s'il n'avait pas décidé de se dérober... Et j'attendais patiemment qu'il revienne en le voyant s'éloigner dans la cuisine, me mordant la lèvre inférieure, j'avais loupé un épisode ? Je n'étais pas vraiment apte à réfléchir clairement, même si j'essayais ridiculement ! Si bien que mon attention réduite, je me fis avoir en beauté par Enzo qui s'empara de la lettre que je comptais bien garder "secrète", la déclaration inavouée d'une adolescente, pas sûre que ça fasse un carton plein ce soir. Alors on partait sur du chantage . Je souriais, un peu mal à l'aise tout de même à l'idée qu'il puisse lire ses quelques lignes.
- Tu n'auras pas le temps !
En un sursaut j'étais debout et faisais face à Enzo, je planquais la photo dans une poche de mon charmant peignoir et attrapais un coussin, quoi de mieux pour obtenir ce qu'on veut . Je donnais un coup sur la tête d'Enzo et je partais en courant de l'autre côté du canapé, une gamine vous avez dit ? Clairement... Sauf que si on réfléchit bien ça ne va pas l'empêcher de lire, alors j’attrape un deuxième coussin et je retourne à l'assaut rapidement, essayant de le déconcentrer histoire de récupérer cette lettre et entre deux mouvements d'attaque de coussins et des rires je glisse, par chance le canapé se trouve derrière moi, mais par simple réaction logique je m’accroche subitement au bras d'Enzo, l'entraînant involontairement avec moi dans cette chute.
Bien sûr que Naïa avait toujours été sublime, elle avait toujours été la plus jolie des filles du lycée, et la plus jolie des filles que je n’avais jamais rencontrées. Même encore aujourd’hui je pouvais le dire. Même si à l’époque, j’étais totalement ébloui par Maxyn. Mais là, passer de nouveau du temps avec mon amie d’enfance, parler du passé ensemble, faire resurgir certains de ces souvenirs, ça me rappelait à quel point j’avais aimé sa présence, passer du temps avec elle, et les raisons qui m’avaient fait tomber amoureux d’elle. Aujourd’hui elle est différente, mais pas totalement, parce qu’elle souffre encore et que son regard est toujours d’une douceur extrême qui fait que j’ai encore envie de la prendre dans mes bras. Mais ce temps-là est révolu et je l’ai abandonné alors que je n’avais que 16 ans. Aujourd’hui, tout est différent. Quelque chose s’est cassé, et même si tout paraît bien se passer, je sens que les blessures ne sont pas refermées. Je préfère alors rester distant. Même si je me mets à lui faire des compliments et que je me sens relativement très mal à l’aise. Il fallait que je retourne la situation et m’étais mis à récupérer la lettre pour la lire. Sauf que ma menace se résulta par une bataille de coussin. Je ne l’avais pas vu venir, alors que j’étais en train déplier le bout de papier à lettre. Heeey ! Avais-je dis alors qu’elle essayait de s’enfuir avec son coussin, mais je comptais tout de même essayer de lire. Mais voilà qu’un deuxième coussin fit son entrée. Je me relevais rapidement, sachant qu’elle voulait récupérer cette lettre. Je faisais alors mon possible pour la tenir éloignée d’elle, mais son rire ne m’aidait guère à me concentrer pour ne pas rire à mon tour et pour garder cette lettre loin de tout accident. Je ne contrôlais pas non plus notre chute. Elle m’avait attiré et je me retrouvais sur elle, sur le canapé, en ayant réussi à ne pas l’écraser sous mon grand poids. La lettre se retrouvait totalement froissée, juste à côté de son visage, visage sur lequel je me perdis quelques instants, tellement on se retrouvait proche. Je lui souriais, ne sentant plus le besoin de rougir. Je sentais juste l’envie irrésistible de l’embrasser, mais je me contenais, parce que c’était stupide. Certes, j’aurais toujours cette attirance envers elle, mais à quoi bon, je lui avais déjà brisé le cœur, elle ne comptait certainement pas à ce que je revienne vers elle. Peut-être que je n’aurais pas le temps de lire cette lettre mais … Chuchotais-je alors que ma main s’infiltrait délicatement dans la poche de son peignoir pour retirer la photo. Mais je peux voir enfin cette photo ! Mon sourire vainqueur s’afficha sur mon visage, mais restais à savoir comment me relever sans la blesser et sans me rétamer.
Si je comptais me laisser faire si facilement et lui laisser le plaisir de découvrir ce petit bijou de lettre ? Bien sûr que non, partagé entre la simple envie de ne pas lâcher le morceau et ma fierté qui en prendrait probablement un coup si jamais il découvre ses quelques mots, il doit bien se douter que pour moi il était plus qu'une simple amourette d'adolescence, je m'étais désespérément accroché à lui-même si je ne lui avais jamais vraiment fait part de tous mes sentiments à son égard, je suppose qu'il n'y a que les jeunes filles bien trop naïve qui peuvent ressentir ce genre de chose, même si je sais que j'avais dû compter pour lui, je ne peux m'enlever de la tête que ce n'était pas suffisant pour qu'il est eut l’audace de m'abandonner du jour au lendemain. Alors me faire à l'idée qu'il découvre cette petite déclaration même s'il y a comme prescription tant d'années après ne pourrait que me rappeler de mauvais souvenirs, que je préfère sans aucun doute laissé dans un coin de mon cœur brisé. Par chance il était surpris et déconcentré par ma vivace attaque de coussins et après un premier assaut je ne lâchais pas l'affaire en y retournant de plus belle voyant qu'il était déterminé à lire se bouillent de papiers, pour le moment ça reste amusant...
Et c'est avec ma chance légendaire que je perds malencontreusement l’équilibre dans cette bagarre enfantine, si j'aurais pu me laisser simplement tomber dans le canapé oui, mais une partie de moi, ou plutôt un reflex m'accroché au bras d'Enzo et il avait beau être bien plus imposant que moi, dans la surprise et la rapidité il n'avait pas le temps de réagir, enfin il réussissait tout de même à contrôler l’atterrissage, m’épargnant de ne pas finir écrasé sous lui ! Ma victoire ? La lettre n'était plus en sa possession, j'aurais dû m'en emparer rapidement, mais j'étais comme en impesanteur l'espace de quelques secondes, ce rapprochement soudain ne me laissait pas indifférente et j'avais l'impression de faire un bon dans le passé en retrouvant si... Fragile face à lui. Son sourire me remettait sur le chemin de cette bonne humeur passagère même si je me perdais toujours dans son regard, si bien que je ne remarquais pas sa main glisser dans ma poche et s'emparer de la magnifique photo qui ne le mettait pas en valeur il faut dire, je n'aurais plus de monnaie d'échange, c'est bien dommage !
- C'est dommage pour toi, tu vas en faire des cauchemars !
Ne perdant pas le nord j'arrive à attraper du bout des doigts cette lettre près de mon visage et la chiffonne clairement en la balançant par-dessus le canapé, pour être sûre qu'il ne pourra pas l'atteindre trop facilement si jamais il lui prend encore l'idée de la lire ! Et je sens Enzo qui essaye de s'extirper de cette position, pour mieux observer le chef-d'oeuvre graphique de notre adolescence qu'il tient dans une main, j'aurais pu tenter de lui reprendre, mais je trouve bien mieux pour le déconcentrer. Posant subitement ma main sur sa nuque pour le garder proche de moi et je l'attire pour lui faire un baiser, sur la joue je vous rassure...
- Ce n'est pas mieux de contempler mon visage ?
Et j'éclate de nouveau de rire, c'est l'alcool ça ? Remarquant que j'ai réussi mon coup et ça m'amuse beaucoup sur le moment. Seulement je me rends aussi vite compte que cette situation est quelque peu tentatrice pour ma faible volonté, alors je relâche mon emprise et pose mes mains sur son torse comme pour lui conseiller de se relever du mieux que possible, car ce n'est peut-être pas une mince affaire.
Voilà que je me retrouvais tout proche d’elle, comme lorsqu’on était gamin, et qu’elle ne me laissait clairement pas indifférent, mais pas comme à l’époque, vu que j’étais vraiment dingue d’elle quand j’étais ado. Aujourd’hui, bien des années plus tard, l’eau avait coulé sous les ponts, mais il restait bien inévitablement de cet amour que j’avais ressenti pour elle. C’était inévitable, et me retrouvais aussi proche de ce visage que j’avais tant désiré et admiré ne pouvait pas me laisser de marbre. Mais je ne me laissais pas avoir si facilement. J’en profitais pour récupérer la photo. Je me suis mis à rire quand la brune me prévenait pour les éventuels cauchemars que je pourrais faire. Je n’étais pas si horrible que ça quand même non ? Lui demandais-je avant de reposer mon regard sur elle, à peine j’eus le temps d’apercevoir cette photo où j’avais une dégaine assez étrange, je dois bien l’avouer. Mais elle avait déjà attrapé la lettre et me déstabilisa de nouveau. Encore plus lorsqu’elle me demandait si ce n’était pas mieux de contempler son visage. Merde. J’étais sensé répondre quoi là ? La vérité, ou éviter la remarquer ? Bien trop de questions, bien trop de doute que je devais déjà être plus rouge qu’une tomate. J’avais intérêt à me relever et à avoir une distance correcte avec elle. Mais elle m’avait déjà embrassé sur la joue et mes bras devenaient fébriles. Je la fixais, incapable de bouger Si bien sûr. Commençais-je à lui répondre. Surtout que tu es devenue encore plus belle. Voilà, c’était dit, balancé, mais en même temps elle m’avait cherché, elle avait cherché à ce que je lui fasse ce genre de compliment n’est-ce pas ? Je gardais en main la photo alors que la lettre se retrouvait chiffonner quelque part dans l’appartement et que je me décidais à me redresser enfin. Je n’osais même plus la regarder tellement la gêne était présente. J’avais autant envie de fuir cette situation que de continuer à discuter de façon aussi rapprochée avec elle. Mais je ne bougeais pas pour autant, étant totalement perdu. Mon regard préféra alors se perdre sur cette photo qui me replongeait dans de nombreux souvenirs bien agréables, malgré les tristes circonstances qui nous avaient rapprochés.
Je ne saurais vous dire pourquoi le voir rire ainsi me faisait du bien, partagé entre la bonne humeur est une part de sérénité, oui comme si tout ne pouvait qu'aller bien quand il était si proche de moi et que j'avais le plaisir de redécouvrir ses éclats de rires, comme dans notre enfance. J'arrivais soudainement à n'extraire que les bons souvenirs de cette ancienne époque, ne souhaitant pas vraiment que cet instant s'arrête, mais toutes les bonnes choses ont une fin paraît-il ? Essayant de ne pas être complètement déstabilisé par ce rapprochement je ne perdais pas la face en me débarrassant de cette fameuse lettre que je considérais comme un secret défense, ne manquant pas de prévenir auparavant que la tête d'Enzo sur la photo qu'il venait de dérober laissait à désirer... La mode de l'époque est un vrai crime pour notre rétine, mais je surjouais bien sûr, ne trouvant absolument pas Enzo digne d'un cauchemar même en ce temps, bien au contraire ! Et il ne tardait pas à me poser la question, est-ce que je continus dans mon petit jeu histoire de le faire mariner un peu ?
- Ça dépend du point de vue on va dire !
J’essayais de garder mon sérieux pour faire valoir ses quelques mots, mais je ne tenais pas plus de quelques secondes et éclatais de rire à nouveau, on aurait probablement dit une vraie gamine. Je réussissais à garder le dessus, décidant de semer le trouble dans l'esprit d'Enzo lui posant une question qui je suis sûre allait le mettre mal à l'aise, sans la moindre réponse sur le moment je le voyais rougir peu à peu et je crois bien que je souriais bêtement en ne le quittant pas des yeux, la cerise sur le gâteau ? Je lui avais offert un tendre baiser sur la joue, me persuadent que ce n'était que pour pousser l'amusement un peu plus loin, seulement je me rendais rapidement compte que c'était aussi déstabilisant pour lui que pour moi ! Et cette réponse... Faisait chavirer mon triste cœur, je gardais les yeux écarquillaient, comme si j'étais choqué, ou simplement surprise, un affreux mélange de sentiments m'envahissait et je restais sans réagir, jusqu'à ce qu'il se relève. Je suppose que c'était mieux ainsi, rompre cette dangereuse distance et pourtant je me sentais soudainement vide, désemparé.
- Je crois que...
Allez Naïa, vas-y, rajoute cette goutte qui va tout faire foirer comme tu sais si bien le faire, tout ça pour mettre fin à cette atmosphère tendue qui règne désormais, un peu par ta faute il faut l'avouer, comment peut on si rapidement passait des rires au silence ? Alors je me redresse à mon tour, me frottant le visage comme pour m'aider à mieux réfléchir et prendre la bonne tournure pour cette soirée. Je me dis que la meilleure idée c'est d'arrêter là, que je le fasse sortir de chez moi que je monte ses escaliers pour foncer dans mon lit et peut-être qu'avant j'inspecte ma maison dans le but de me trouver une bouteille, pour mieux dormir... C'est fou comme mes idées sombres prennent si subitement le dessus, j'en perds presque mon sourire.
- Que je vais aller me coucher, tu peux partir serein, je ne vais pas faire de conneries ....
Si j'ai le besoin de me justifier ? Oui clairement et j'essaye de dire ceci avec du sérieux, posant mon regard devenue bien moins chaleureux dans celui d'Enzo, me demandant bien s'il va décider de me laisser seule ou non, alors qu'au fond de moi je n'ai qu'une seule envie c'est de m'endormir près de lui, que ce soit sur ce canapé ou ailleurs, savoir que quelqu'un veille sur moi au moins une fois depuis si longtemps, m'épargner cette solitude dévastatrice une seule fois ! Mais j'ai encore plus peur de m'accrocher à lui, de me sentir dans ce flou total en étant si proche et d'avoir le retour à la réalité qui fait si mal, alors le rejeter me paraît l'option la plus judicieuse.
Naïa a toujours été une jeune fille et femme à présent très charmante, voire même envoutante, surtout pour moi. Et cette attirance ne pourra jamais s’effacer, c’est certain. Et comme notre histoire n’a jamais pu se terminer correctement va-t-on dire, j’aurais davantage cette attirance. A croire que c’était la même chose pour elle, je le voyais bien dans son regard, dans ce baisé même sur la joue qu’elle m’avait donné. Elle me fit douter cependant quant à mon charme de l’époque, je ne m’étais jamais posé la question, je n’ai d’ailleurs jamais compris ce qu’elle m’avait bien trouvé. Mais voilà, ce baisé laissa planer un énorme malaise, parce qu’elle est joviale grâce ou à cause de l’alcool, je ne saurais dire, et elle est encore plus attirante. Mais apparemment je l’attire aussi, et ça, non pas que ça soit un problème, mais si c’est seulement parce qu’elle a un peu trop bu qu’elle veut ce rapprochement, oui, ça me pose problème. Alors je préfère me relever plutôt que de profiter de son état alcoolisé. Ce n’est clairement pas mon but, et je ne suis pas non plus venu la voir dans ce but là. Je sentais tout de même qu’elle allait vouloir en terminer avec cette soirée improvisé. En même temps, oui, elle avait besoin de sommeil et de repos. Je ne sais toujours pas pourquoi elle se sent si mal, mais une chose est sûre, elle ne mérite pas cet état et j’aimerais faire bien plus pour l’aider. Tu ne veux pas que je dorme sur le canapé, au cas où ? Ouais je m’inquiétais un peu trop, c’est sûr, mais au moins je n’aurais pas de regret à partir d’ici, et je pourrais partir, mais pas forcément serein. Savoir que mon premier amour est addict à l’alcool, non, ça n’a rien de rassurant, au contraire.
Est-ce que je devrais déjà regretter ce simple baiser sur la joue que je lui avais donné ? Je n'en avais pas vraiment envie, seulement j'étais maintenant dans l'embarras d'un simple regard, comme si en quelques secondes tout redevenait si compliqué et je perdais l’insouciance qui avait pris possession de moi peu de temps auparavant, à savoir si ça avait été trop long ou trop court, je dirais juste que c'était finalement presque déplacé de ma part. À quoi bon me sentir encore si fragile face à lui, si sensible face à son charme ? Je peux bien sûr mettre cette situation sur le dos de l'alcool, mais se serais se mentir à soi-même simplement ! À croire qu'être devenue adulte ne m'a pas apporté cette barrière que j'aurais dû placer directement en revoyant Enzo, comme si la Naïa adolescente essayait de refaire surface doucement... Et c'est pour le moins déstabilisant. Alors après qu'il est pris soin de s'écarter, je ne supportais pas de laisser ce malaise planer encore longtemps, à savoir si j'avais peur d'agir bêtement une seconde fois ou bien que mon cerveau soit assailli par un tas de remords ou de questions, je préférais alors couper court à la situation et lui proposais de rentrer chez lui, assurant bien sûr que j'allais désormais me tenir en adulte responsable !
Est-ce que j'aurais dû m'attendre au fait qu'Enzo puisse insister ? Tout à fait, au fond de moi je l’espérais un minimum, comme une autre preuve qu'il tenait à moi car j'en avais réellement besoin, mais je me devais aussi de résister pour mon bien-être, pour me protéger . Alors je baissais le regard durant un court instant après sa réponse, en expirant doucement, je ne voulais pas qu'il prenne mal mon refus.
- Non c'est bon, je suis une grande fille ne t'inquiète pas, je ne veux pas que tu te sentes obligé de veiller sur moi, je veux juste me reposer.
Et je me levais en posant mon regard dans le sien, comme pour faire passer un peu plus clairement le message et ma sincérité. Je tendais la main pour attraper la sienne et une fois qu'il était aussi debout je marchais devant lui en direction de ma porte d'entrée sans lâcher sa main pour le moment. Une fois dans l'entrée je me retournais vers lui et me permettais un dernier contact, comme si je ne pouvais plus m'en passer et je le serrais brièvement dans mes bras l'espace de quelques secondes, je me recule doucement en souriant et le lâche enfin mon emprise.
- Merci.
Simple et efficace, c'est ce qu'on dit ? Alors je suppose que c'était assez clair, et le son de ma voix fébrile ne faisait que rendre ceci plus poignant, j'ouvrais ma porte, ne préférant pas ajouter autre chose, j'avais bien qu'on allait se revoir, qu'il ne se permettrait pas de m'abandonner une autrefois, alors ce n'étais pas la peine de discuter de la prochaine fois. Je le regardais s'éloigner après m'avoir salué à son tour et même si j'avais le cœur serré, je savais que c'était l'option la plus sage de le laisser partir maintenant, puis je fermais la porte en espérant laisser dehors la pénibilité de ses derniers instants.