Travail de jour et journée terminée. Lene est accoudée au bar qu’elle a l’habitude de fréquenter ces jours-là quand elle ne travaille pas la nuit, elle se dit toujours que c’est la bonne occasion de se rincer, et de se rincer, c’est aussi la raison qui la pousse à parfois, bosser de jour. Parce qu’elle aime ça. Et parce que c’est pas une vie non plus de vivre la nuit. Alors, dernier client parti, dernier pourboire encaissé, elle a filé vers la côte, vers le levant pour observer la mer un peu et s’programmer un prochain week-end de surf et elle a fait route vers sa taverne favorite, où la bière n’a pas trop l’goût d’pisse mélangée à de la flotte. Et puis, faut dire que l’ambiance est sympa dès qu’il y’a un peu d’musique qui retentit et des gens pas trop bourré pour danser un peu dessus. C’est le cas aujourd’hui, et ça occupe Lene un bon moment. De quoi se dire que d’avoir roulé une demi-heure pour venir là, ça peut valoir le coup. Mais d’avoir dansé la soirée, ça n’enlève pas le nombre de pinte qui s’sont enchainée dans son gosier et l’heure où, l’on retrouve Lene la tête sur le comptoir à regarder son verre encore trop plein à son goût, sonne. Y’a presque plus personne aussi. Mais le last call n’a pas retentit, et tant que y’a pas de last call, elle compte bien continuer à s’abreuver comme une pochtronne, ce qu’elle n’a pas honte d’être tant qu’elle est assez éloignée de Brisbane et dans un endroit assez sale pour ne pas y croiser quelqu’un que ça la ferait qui la voit dans cet état. Comme Eva, par exemple. Mais heureusement pour elle, l’aînée Adams est trop bien pour le bas peuple. Et Lene, elle se juge aussi trop bien pour qu’on sache qu’elle le fréquente. On ne se retire pas la fierté stupide des Adams de la tête comme ça. « Tommyyy ! Ressers-moi s’il te plait ! » Dit-elle en levant en l’air le verre vide et en levant la tête de sur le bar, histoire de paraître encore un minimum fraîche, ce qui bien évidemment ne fonctionne pas. « Et puis, sers-toi un verre aussi. C’est moi qui te l’offre ! » Ajoute-t-elle la mine réjouie d’offrir quelque chose à quelqu’un pour une fois. Ce qu’elle fait en grande partie parce que se refuse à boire seule et qu’à cette heure, offrir un verre à quelqu’un d’autre risquera de la foutre dans de beaux draps (quoique sales serait un adjectif plus opportun) « Tu sais que… » Elle déglutit un peu avant de poursuivre sa phrase. « Toi et moi, on a même pas trinqué ce soir. Faut remédier à ça ! » lâche t-elle avant de lever le bras en l’air, prête à énoncer une raison pour laquelle il faudrait qu’il lève le verre, sauf que rien ne va. Elle reste quelques secondes à y réfléchir sans que ça ne sorte, et finalement, elle repose le verre en disant « J’sais pas à quoi on pourrait trinquer. Mais je mangerais bien une pizza. » Rien à voir, mais c’est vrai qu’il commence à faire faim pour elle.
Ça n'avait rien à voir avec les samedis soirs, les soirs de semaine. Le samedi les gens n'avaient aucune retenue, aucune limite aussi, ils se pensaient tout permis sous prétexte que leur débauche pouvait perdurer jusqu'au bout de la nuit, comme on dit. C'était l'une des deux raisons qui poussait Tommy à préférer travailler les soirs de semaine, l'autre étant qu'il appréciait de pouvoir profiter de sa fille le week-end, grappillant autant que possible les moments où elle l'acceptait sans reproches. De temps à autres, comme ce soir, il faisait l'expérience de la laisser toute seule à l'appartement plutôt que de devoir sans cesse compter sur ses parents ou sur l'une de ses sœurs pour a garder ; Ils avaient bien répété ce qui devait être fait ou ne pas être faits tous les deux, elle savait qu'elle n'avait pas le droit de toucher au four, à la plaque de cuisson, ou d'ouvrir les fenêtres en son absence. Elle avait son numéro de téléphone, ceux de ses tantes et celui de ses grands-parents placardés sur le frigo, ainsi que celui de la vieille dame qui vivait au bout du couloir et chez qui elle avait ordre d'aller sonner si elle avait le moindre problème. Tommy s’angoissait beaucoup parce qu'à ses yeux Moïra était toujours un bébé, mais les deux ou trois expériences dans ce sens avaient jusqu'à présent été concluantes, et ce soir-là il était un peu plus détendu à l'idée de la laisser seule. Moïra avait son petit caractère et faisait assurément payer à son père tout en tas de choses qui n'étaient pas nécessairement de son ressort, mais c'était au demeurant une enfant obéissante et raisonnable. Deux traits qu'elle ne tenait assurément pas de son père, avait d'ailleurs fait remarquer Warren Senior sans la moindre gêne.
L'esprit accaparé parce qu'il faisait, voguant d'une table à l'autre sans voir le temps passer et récoltant parfois avec un chance un maigre pourboire, Tommy avait vu la fin de soirée arriver sans avoir le temps de dire ouf. Bon nombre de clients avaient quitté les lieux et ne subsistaient plus que les piliers de bar ainsi que ceux arrivés là tardivement. Avachie sur le comptoir, la tête y reposant faute de pouvoir tenir encore droite, Lene faisait assurément partie de la première catégorie, et lorsqu'elle avait alpagué le brun qui passait à sa portée pour lui lancer « Tommyyy ! Ressers-moi s'il te plait ! » il avait secoué doucement la tête en faisant remarquer d'un ton amusé « T'as encore de la place, après tout ce que tu as déjà bu ? » Faut dire que même sans avoir scrupuleusement surveillé sa montre, il savait qu'elle était là depuis un moment. Et depuis son arrivée il ne l'avait jamais vue autrement qu'avec un verre plein, ce qui sous-entendait qu'elle avait du le remplir souvent. « Et puis, sers-toi un verre aussi. C'est moi qui te l'offre ! » Il mentirait s'il disait que l'idée n'était pas tentante, qu'on se le dise, mais il doutait que cela fasse de lui l'employé du mois. Titre qui n'existait pas au McTavish, d'ailleurs, mais cela n'empêchait pas Tommy d'essayer d'être irréprochable. « T'as bien assez bu pour nous deux, Lene-jolie. » Et même peut-être plus encore, d'ailleurs. « Et bien assez bu aussi pour qu'on ne puisse pas te rendre les clefs de ton carrosse, j'en ai peur. » Depuis l'autre bout du comptoir Alvin, qui devait avoir écouté vaguement leur échange, avait acquiescé d'un signe de tête silencieux. Mais l'ignorant à moitié la jeune femme avait repris « Tu sais que … Toi et moi, on a même pas trinqué ce soir. Faut remédier à ça ! […] J'sais pas à quoi on pourrait trinquer. Mais je mangerais bien une pizza. » Passant un coup de chiffon sur le comptoir, Tommy avait éclaté de rire. « Boire, manger … un vrai ventre sur pattes. » Même ivre elle ne perdait pas le nord, ma foi.
Ignorant son verre vide il avait fait le tour du comptoir pour récupérer du produit ménager et une éponge propre, afin de nettoyer les quelques tables qui attendaient toujours de l'être. Mais avant de repartir et de laisser Lene à son ivresse passagère il avait repris « Tu me fais plaisir et tu laisses Alvin te servir un verre d'eau, et peut-être qu'ensuite je t’emmènerai manger une pizza. Deal ? » Parce que réalité il avait un peu faim lui aussi, il n'avait pas mangé ce soir, et l'un des avantages à vivre dans une grande ville comme Brisbane c'était que l'on pouvait y trouver un pizza ou n'importe quoi d'autre à toute heure du jour ou de la nuit. Tout le contraire de Kenora, où tout fermait à six ou sept heures le soir, et tant pis pour les retardataires. « Et c'est moi qui conduit, c'est non-négociable si tu ne veux pas laisser ton taxi ici jusqu'à demain. » Et qu'on ne s'y trompe pas, si Tommy disait que c'était non-négociable elle ne parviendrait pas à l faire flancher, peu importe la technique. Il était intransigeant concernant la prudence en voiture, il avait d'excellentes raisons de l'être.
Dernière édition par Tommy Warren le Ven 26 Aoû 2016 - 19:57, édité 1 fois
Avachie. C’est l’adjectif qui la définit le mieux sur le moment, et malgré son sens péjoratif, c’est fou ce qu’elle se sent bien dans cette position. Elle n’a à penser à rien, tout son corps est détendu et de temps à autre, un rire un peu nerveux lui échappe, signe que les godets qu’elle s’est enquillé ce soir ont bien l’effet escompté, voir même un peu trop. Ses dernières pensées vont à ne pas rire à la blague de la mauvaise personne, des fois qu’un des rats de comptoir le prenne comme une invitation à finir la soirée avec. Malgré son côté fortement alcoolisée et sa position qui laisse tout à fait penser que la soirée est terminée pour Lene, elle se sent encore en forme. D’ailleurs, elle peut l’montrer si Tommy lui ressers un verre à nouveau. « T'as encore de la place, après tout ce que tu as déjà bu ? » Rire nerveux. Elle hausse les épaules en se redressant un peu, histoire de paraître apte à boire encore sans paille. « Bwarf, si j’ai besoin de faire encore un peu de place, j’irais pisser. » répond t-elle sans aucune pointe d’élégance, ce qu’elle ne cherche pas à corriger. Au contraire, elle essaie un peu de l’encourager à lui en resservir un en l’invitant à lui payer un verre. Cependant, elle a connu barman moins scrupuleux. « T'as bien assez bu pour nous deux, Lene-jolie. » Comme si c’était écrit sur le front de Lene qu’un peu de flatterie et elle s’assagit. C’est qu’elle pourrait s’habituer à ce sobriquet. « Et bien assez bu aussi pour qu'on ne puisse pas te rendre les clefs de ton carrosse, j'en ai peur. » En revanche, ça elle aime moins. Le bar est loin de la maison, et elle va sûrement pas rentrer en taxi. Ce serait un comble. Pour toute réponse, elle se contente d’ignorer les dernières paroles de Tommy, et elle ajoute mine de rien que tous les deux devraient trinquer à quelque chose, mais c’était avant qu’elle pense à manger. Telle une girouette, elle conclue son discours par l’expression d’un besoin de solidité dans son estomac, ce qui ne manque pas de faire rire le barman. « Boire, manger … un vrai ventre sur pattes. » « Et encore, tu m’as jamais vu lors d’un concours de dégustation de rib, c’est le domaine dans lequel je m’illustre le mieux » annonce-t-elle assez fière d’elle alors que jamais sobre elle n’aurait clamé à haute voix cette intérêt pour les concours de beauferie. « Tu me fais plaisir et tu laisses Alvin te servir un verre d'eau, et peut-être qu'ensuite je t’emmènerai manger une pizza. Deal ? » dit-il alors qu’elle se retourne sur son siège pour l’observer en train de nettoyer les tables, c’est là qu’elle réalise pleinement que la soirée se termine. « Si ça te fait plaisir, je peux faire ça pour toi. Et puis, si y’a de la pizza » Et surtout si ça lui permet de récupérer ses clés. Oui, parce que dans sa tête, ça reste possible que Tommy change d’avis. « Bon, je vais quand même vidanger avant. » Elle se lève de son tabouret et commence à tituber vers la porte des wc. Avant qu’elle ne s’éloigne, il ajoute à son encontre. « Et c'est moi qui conduit, c'est non-négociable si tu ne veux pas laisser ton taxi ici jusqu'à demain. » Elle se retourne vers lui et annonce en riant « Pour ça, faudrait que tu trouves la technique pour réussir à le faire démarrer » Et elle part vers la porte des toilettes, en sautillant et en riant, c’est que son taxi, il n’obéit qu’à elle.
Elle avait toujours réponse à tout Lene, mais plus particulièrement lorsqu'elle avait un verre de trop dans le nez. Comme dans sa manière de lancer à Tommy « Bwarf, si j’ai besoin de faire encore un peu de place, j’irais pisser. » alors qu'il était endroit de douter qu'elle peinerait de toute manière à porter un verre de plus à ses lèvres sans en renverser les trois-quart à côté. Elle pouvait bien s'en aller vider sa vessie si cela lui chantait, son verre n'en serait pas moins vide lorsqu'elle reviendrait, pas tant qu'Alvin et Tommy se tenaient chacun d'un côté du bar ; Ils ne servaient plus à une heure pareille, de toute façon. Mais c'était à peu près tout ce qui intéressait Lene, s'imbiber et se remplir la panse, peu importe le jour et l'heure « Et encore, tu m’as jamais vu lors d’un concours de dégustation de rib, c’est le domaine dans lequel je m’illustre le mieux. » Sans doute était-ce la fierté avec laquelle elle avait annoncé cela qui avait arraché à Tommy un nouveau rire, elle lui rappelait un peu Moïra lorsqu'elle tentait de se prendre pour une adulte et annonçait fièrement quelque chose, poings sur ses hanches et air diablement sérieux sur le visage. « Et tu ne m'as jamais invité ? Là tu vois me déçois beaucoup. » Plus ou moins. En fait non, il s'en remettrait, mais il aurait été tout à fait capable d'accepter le cas échéant. Reste que pour ce qui était de remplir l'estomac de Lene, ce soir, il avait peut-être un deal à lui proposer, mais comme tous les deals il y avait une petite contrepartie.
L'attrait de la pizza semblait en effet avoir eu raison de la volonté de la jeune femme, et il fallait bien qu'elle soit passablement imbibée pour se laisser convaincre aussi facilement. Rapport aux femmes et à leur esprit de contradiction. « Si ça te fait plaisir, je peux faire ça pour toi. Et puis, si y’a de la pizza. » Fier de s'être montré persuasif, Tommy avait laissé à Alvin le soin de préparer le verre d'eau en question et jeté son torchon sur son épaule avant de rejoindre les tables du fond, Lene sautant maladroitement au bas de son tabouret en s'exclamant « Bon, je vais quand même vidanger avant. » avant de s'éloigner en zig-zag vers les toilettes, non sans ergoter « Pour ça, faudrait que tu trouves la technique pour réussir à le faire démarrer. Sourire narquois en prime, Tommy avait terminé d'essuyer les tables encore humides et raccroché le torchon derrière le bar. Fin de service, officiellement, et par conséquent ce geste quotidien de détacher l'élastique qui retenait ses cheveux lorsqu'il travaillait, pour les laisser à nouveau nager en bataille devant ses yeux. « J'embarque les clefs de la demoiselle, on va voir si j'réussi pas à le démarrer son tacot. » C'est qu'elle avait presque piqué son besoin d'avoir le dernier mot. Repassant rapidement par le vestiaire pour récupérer son blouson, il avait balancé un « A demain, Al' ! » à la cantonade et passé la porte en faisant tinter la clochette.
Le tacot en question était garé sur le bas côté, le long du trottoir, comme souvent. La vérité c'est qu'à chaque fois que Tommy passait devant il se demandait comment une telle épave pouvait encore démarrer ; Il comprenait la valeur sentimentale, tout ça ... Mais quand même, il fallait avoir envie de circuler dans un cercueil roulant. Glissant la clef dans la serrure de la portière, il avait du insister un peu pour réussir à ouvrir, mais s'était finalement glissé derrière le volant « A nous deux. » La clef dans le contact, maintenant, et un moteur qui bien évidemment n'avait pas démarré du premier coup. Roulant des yeux Tommy avait insisté, enfoncé la pédale, puis réessayé en appuyant dessus tout en douceur, tourné le volant dans un sens, dans l'autre ... « D'accord, d'accord ... je m'avoue vaincu. » Lene venait de débarquer, son sourire narquois sur le visage et cet air de "je te l'avais bien dit" pendu à ses lèvres. « Mais j'bougerai pas de ce fauteuil, alors soit tu me révèles ton secret ... soit je la démarre en mode gangter, ça me dérange pas de me faire mousser un peu aussi. Mais tu dois déjà passer chez le garagiste suffisamment souvent, à mon avis. T'as jamais peur que les freins lâchent en cours de route ou ... ce genre de choses ? » Le genre de chose qui faisait penser cette bagnole à une roulette russe perpétuelle.
On entend presque qu’elle dans tous le bar, et à l’occasion les réponses de Tommy quand elle le laisse en placer une. C’est que Lene débite déjà pas mal en temps normal, mais avec trop de coup dans le nez, elle serait capable de raconter chaque détail inutile ou non de son existence. Lene est une bonne vivante et partie comme elle est, elle pourrait très bien faire le pilier de bar toute la nuit et elle le fait remarquer, seule ombre au tableau, la conscience – professionnelle ou non – d’Alvin et Tommy, au service ce soir. Elle aurait juste aimé que la soirée dure un peu plus longtemps, pour s’imbiber plus, être dans une meilleure forme et ne pas retrouver de suite son chez elle. Finalement, c’est son estomac qui commence à réellement amorcer la fin de la soirée pour elle. Lene a faim. A partir de ce postulat, son corps n’acceptera va réclamer du solide. Cela fait d’ailleurs rire Tommy qui lui fait la remarque qu’elle peut bien tout engloutir, ce qu’elle confirme rapidement en parlant avec répartie de sa carrière de championne dans le monde des concours de dégustation. « Et tu ne m'as jamais invité ? Là tu vois me déçois beaucoup. » Elle hausse les épaules telle une enfant avant de lui rétorquer. « Je ne te pensais pas si sensible mon cher. » Elle se moque un peu de l’air probablement faussement outré de Tommy avant que ce dernier ne lui propose de troquer un verre d’eau et d’aller manger une pizza. Ce qu'elle accepte, étant donné qu’elle a bien compris qu’elle n’aura pas d’autres verres ce soir. C’est qu’elle a connu barman plus marrant. Elle se décide donc à se mettre sur le départ au fur et à mesure que Tommy termine de faire le ménage. Elle se dirige donc vers les toilettes, avant de se vanter qu’il ne réussit pas à la ramener car son taxi est capricieux avec tout autre conducteur qu’elle. Mais ça, elle préfère lui laisser le soin de le découvrir. Elle tourne alors le dos en riant pour s’en aller faire ses petites affaires. Dès qu’elle ressort pour revenir en salle, elle ne trouve qu’Alvin et son verre d’eau, posé sur le bar à n’attendre qu’elle. Boire de la flotte est sûrement la dernière chose dont elle a envie, mais elle est honnête et un deal est un deal c’est pourquoi elle se dirige tout droit vers son verre pour l’engloutir en moins de deux. Elle repart aussitôt, en lançant pleine de bonne humeur « Allez, bonne soirée ! » pour ensuite retrouver son taxi, à l’intérieur duquel, Tommy, comme elle l’avait prédit, en train de peiner à démarrer la bête. Evidemment, ça ne serait pas drôle si elle ne le laissait pas abandonner de lui-même l’idée de démarrer son précieux tacot, plutôt que de l’ouvrir de suite, elle préfère l’observer de loin un peu avant de se rapprocher avec un gros sourire aux lèvres, bien heureuse d’avoir eu raison. « D'accord, d'accord ... je m'avoue vaincu. » lui dit-il tandis qu’elle grimpe à l’arrière. Elle ne dit rien, ça ne servirait à rien. « Mais j'bougerai pas de ce fauteuil, alors soit tu me révèles ton secret ... soit je la démarre en mode gangter, ça me dérange pas de me faire mousser un peu aussi. Mais tu dois déjà passer chez le garagiste suffisamment souvent, à mon avis. T'as jamais peur que les freins lâchent en cours de route ou ... ce genre de choses ? » Elle se lève pour faire basculer la moitié de son corps à l’avant pour atteindre la clé sur le contact. « Non, du tout. On a essayé de me le voler plusieurs fois, et maintenant que ce truc est pété, j’suis assurée qu’il ne décollera pas mon taxi. » Sûr qu’elle devrait aller chez le garagiste, mai depuis le temps qu’elle a, elle a appris à le bricoler seul et puis, tant qu’il passe la visite. Ce n’est vraiment le genre de chose qui occupe l’esprit de Lene. « Appuie sur la pédale » lui ordonne t’elle tandis qu’elle fait tourner la clé et obtient un vrombissement du premier coup. « C’est juste un tour de main à choper. » donne t-elle pour toute réponse avant de se laisser retomber dans le siège arrière, ce qui lui vaut un haut le cœur bien placé. « Oumf, tu feras gaffe, si tu conduis trop vite, ça va vachement secouer à l’intérieur. » lui conseille t-elle tout en se retenant d’être malade. Quoique, pour une fois que ce serait son propre vomi qu’elle nettoierait la dedans. « Allez, avec un peu de chance, c’est pas aujourd’hui qu’on pètera dedans. » ajoute t-elle plus pour effrayer son chauffeur que sérieusement. Si elle est bien sûre d’une chose, c’est qu’il fera bien encore dix ans son tacot.
Bien forcé de s'avouer vaincu et d'admettre qu'il n'était pas capable de démarrer la voiture seul - et donc de faire le malin - Tommy avait attendu que Lene réapparaisse dans son champ de vision pour quémander la formule magique, ou peu importe ce dont ce tacot avait besoin pour bien vouloir se mettre en route. Prenant place à l'arrière, Tommy un poil dubitatif à ce sujet, elle avait argué à la mention du garagiste en répondant « Non, du tout. On a essayé de me le voler plusieurs fois, et maintenant que ce truc est pété, j’suis assurée qu’il ne décollera pas mon taxi. » et s'était penchée par dessus le siège passager pour faire fonctionner sa magie, et donc vrombir le moteur. N'osant pas faire remarquer qu'il se demandait bien qui pourrait vouloir voler cette voiture, mais n'en pensant pas moins, il s'était contenté de s'exécuter lorsqu'elle avait indiqué « Appuie sur la pédale. » avant d'afficher un regard surpris. Dompté par sa véritable propriétaire le véhicule avait cette fois-ci démarré du premier coup, Lene arguant que « C’est juste un tour de main à choper. » avant de s'affaler pour de bon sur la banquette arrière, avec le visible sentiment du travail bien fait. Jouant de l'accélérateur un instant, n'ayant pas mis les pieds derrière un volant depuis un moment maintenant, et encore plus longtemps pour une boite manuelle, il avait entendu encore la jeune femme ajouter « Oumf, tu feras gaffe, si tu conduis trop vite, ça va vachement secouer à l’intérieur. Allez, avec un peu de chance, c’est pas aujourd’hui qu’on pètera dedans. » Bien, elle semblait à deux doigts de lui rendre tout l'alcool avalé pendant la soirée, et elle souhaitait en plus de ça qu'ils s'en remettent à la chance concernant l'éventualité de rentrer en un seul morceau « J'vais te sembler un peu rabat-joie, mais j'ai une môme de sept ans qui attend à la maison, alors j'ose espérer que t'as d'autres arguments plus convaincants que la chance à me proposer. » Néanmoins cela ne l'avait pas empêcher de baisser le frein à main et de quitter le bord du trottoir pour rejoindre la route.
Roulant en tentant - autant que faire se peut - de ne pas trop secouer la carcasse de la voiture ainsi que son occupante, il observait Lene à intervalles réguliers dans le rétroviseur, tantôt pour vérifier qu'elle n'était pas malade tantôt pour vérifier qu'elle n'était pas tout bonnement en train de s'endormir ... Auquel cas il ne savait même pas ce qu'il ferait d'elle, il ne connaissait pas son adresse. Et n'avait que moyennement envie de ramener une inconnue - aux yeux de sa fille - imbibée à son appartement. « Alors, ça se passe comment dans ton taxi au juste ? T'es le genre à taper la conversation à tes clients ? J'suis censé en faire de même ? » S'arrêtant à un feu rouge, il avait ouvert - manuellement, rapport à l'âge vénérable du véhicule toujours - la fenêtre pour profiter d'un peu d'air, la proximité de la Marina permettant à l'air iodé de ne pas être aussi pollué que dans le reste de la ville « J'te dépose où, si tu t'endors comme une masse sur ta pizza ou avant même qu'on arrive jusque-là ? » Autant prendre le taureau par les cornes et palier tout de suite à cette éventualité. Feu vert, après quoi il avait pris la deuxième à droite et arrêté la voiture le long du trottoir, devant la devanture d'un boui-boui à peine plus grand qu'un vendeur de souvenirs mais où la mention "h24/7j" brillait en néon bleu à côté d'un nom vaguement italien, malgré que Tommy ait toujours été intimement persuadé qu'aucun des employés ne parlaient un seul mot d'italien. « J'peux te laisser là sans craindre que tu ne reprenne le volant pour m'abandonner sur le bord de la route, ou tu viens avec moi ? » Parce qu'inutile de dire qu'il comptait prendre les pizzas ici, lais certainement pas manger ici. Quel intérêt d'avoir la plage à portée de main, sinon.
Un sentiment de victoire l’envahie dès qu’elle aperçoit Tommy en plein galérage avec son taxi. Elle est contente d’avoir eu raison, et pendant un instant, elle hésite à profiter un peu de la situation pour re-négocier les termes du contrat de retour sur Brisbane. Elle irait presque à négocier pour pouvoir s’arsouiller un peu plus. Seulement, derrière elle, le bar est fermé et bon, elle est quand même encore un peu raisonnable et admet intérieurement que c’est mieux de suivre les plans de Tommy. Elle se satisfait en se disant que si elle l’avait vraiment voulu, elle aurait pu avoir le dernier mot. Toutefois, ça ne l’empêche pas de revenir avec un air victorieux sur les lèvres et sa fierté d’avoir eu raison et d’être un peu en position de force. Elle décide néanmoins de ne pas trop faire traîner le démarrage et de faire son intéressante une autre fois, elle lui explique qu’il s’agit juste d’un tour de main suite à l’échec du vol de son taxi. Elle l’entend bien penser à mal quand elle lui raconte ça. Tony n’aurait pas hésité à éclater de rire et de s’moquer. Elle apprécie que Tommy n’enchérisse pas. Aussitôt le moteur en route, elle se laisse tomber dans le fond du véhicule pour mourir un peu en lui conseillant de ne pas aller trop vite pour éviter qu’elle se sente malade, et en plaisantant sur leur chance de survie. « J'vais te sembler un peu rabat-joie, mais j'ai une môme de sept ans qui attend à la maison, alors j'ose espérer que t'as d'autres arguments plus convaincants que la chance à me proposer. » Elle rigole. Les gens ont tellement de mauvais préjugés quand ils voient débarquer son tacot, que ça l’amuse de faire travailler leur imagination. « Si ça peut t’rassurer, dis toi que mon taxi passe toujours la visiter au garagiste. Faut pas être négatif ! » lui conseille-t-elle alors que c’est elle la première à avoir insinuer qu’ils pourraient y rester. Et puis, ça ne l’empêcher de commencer à se mettre en route. Lene en profite pour se laisser bercer par le moteur de la voiture. C’est que, jamais auparavant elle n’avait eu l’occasion d’être ramenée à l’intérieur de son propre véhicule et elle se rend compte qu’en fait, on est vachement bien à l’arrière. Elle pourrait s’endormir, si seulement elle n’avait pas peur que son sommeil conduise Tommy à faire l’impasse sur la pizza pour la ramener chez elle. « Alors, ça se passe comment dans ton taxi au juste ? T'es le genre à taper la conversation à tes clients ? J'suis censé en faire de même ? » Elle sourit, et sort de sa somnolence pour lui répondre calmement. « ça dépend du client mais en général, oui. J’suis comme une psychanalyse à bas prix pour certain, du coup, je leur parle et ça fait monter mon pourboire. Autrement, comment je ferais pour t’offrir l’honneur de ma présence au bar une fois par semaine ? » dit-elle en riant avant d’ajouter. « Mais, ne te sens pas obligé si tu veux un peu de calme, j’ai pas l’intention de te donner un sous pour me ramener dans mon propre véhicule. » dit-elle un peu trop honnêtement, avant de refermer à nouveau les yeux. L’air frais s’échappant de la fenêtre de Tommy lui donnant encore plus envie de s’assoupir. « J'te dépose où, si tu t'endors comme une masse sur ta pizza ou avant même qu'on arrive jusque-là ? » « Toowong, numéro 15, au rez-de chaussée. Mais, je m’endormirais pas avant d’avoir englouti cette pizza, j’espère que tu t’en rend bien compte ? » Voyons, un diner gratuit. C’est pourtant ce qu’elle fait, l’espace d’un instant. Elle le sent quand l’actionnement du frein à main la réveiller. C’est pourquoi elle se redresse, de rester allongée, c’est pas une bonne idée. « J'peux te laisser là sans craindre que tu ne reprenne le volant pour m'abandonner sur le bord de la route, ou tu viens avec moi ? » Elle sourit. Est-ce qu’elle inspire vraiment aussi peu la confiance ? C’est que, c’est un peu blessant ce qu’il lui dit Tommy. « Tu penses vraiment que j’oserais te laisser là au beau milieu de la nuit ? » Réthorique. « Mais oui, vas-y sans moi. Je t’’attendrais ici. Tu en prend une avec de la viande ! » lui dit-elle avant de tourner vers les yeux la pizzeria devant laquelle ils sont arrêtés. Lene a envie de rire quand elle voit l’intérieur. Parce que, Tommy a peur de ne pas sortir vivant de son taxi, mais manger dans une pizzeria dont le contrôle sanitaire à l’air de ne plus être à jour, y’a pas de problème ? Elle observe l’extérieur et reprime un haut le cœur. « Je vais quand même en profiter pour prendre l’air. Toi ! T’en vas pas sans moi hein’ »
Lorsque Tommy était arrivé à Brisbane il s'était dit que racheter une voiture serait probablement en tête de liste des choses pour lesquelles il devrait tenter de mettre de l'argent de côté, mais les mois passants il se rendait compte qu'il n'en avait pas autant besoin qu'il le pensait. Il avait oublié ce que c'était que de vivre dans un endroit desservi par le bus, le tramway, le métro, et même dans un endroit au climat – normalement – suffisamment clément pour pouvoir y utiliser un vélo toute l'année. Kenora sans voiture ce n'était pas vivable, l'hiver la neige tombait plus vite que la capacité des déneigeuses à dégager les routes, et l'unique bus qui reliait le centre-ville aux quartiers d'habitations excentrés ne passait que deux fois le matin, et deux fois le soir. Et finalement, tandis qu'il se glissait derrière le volant du taxi de Lene, Tommy réalisait qu'il se débrouillait très bien sans véhicule, pour l'instant. Sans être lui-même certain qu'il ne s'agisse que d'une plaisanterie le brun avait néanmoins tenté de se rassurer quant à la fiabilité de ce véhicule, plus de première jeunesse « Si ça peut te rassurer, dis-toi que mon taxi passe toujours la visite au garagiste. Faut pas être négatif ! » Bon, il n'aurait pas craché sur un peu plus de conviction et des preuves un peu plus tangibles, mais il tâcherait de se contenter de cela. Après tout c'était lui qui conduisait, ils seraient toujours moins en danger que si Lene prenait le volant alcoolisée comme elle l'était. « Ça va, ça va … En route. » Ajustant le rétroviseur tout en écoutant le moteur crachoter de façon de moins en moins poussive, le brun avait quitté la place de parking sans résister à l'envie de se prendre pour un chauffeur de taxi digne de ce nom, autrement dit en faisant la conversation avec son passager. « Ça dépend du client mais en général, oui. J'suis un peu une psychanalyse à bas prix pour certains, je leur parle et ça fait monter mon pourboire. Autrement, comment je ferais pour t'offrir l'honneur de ma présence au bar une fois par semaine ? » Le brun avait laissé échapper un léger rire, non sans se retrouver un peu surpris d'avoir mis sans le savoir le doigt sur l'un des rares points communs que pouvaient avoir le métier de Lene et son propre emploi. « Mais, ne te sens pas obligé si tu veux un peu de calme, j'ai pas l'intention de te donner un sou pour me ramener dans mon propre véhicule. » Un fin sourire s'était étiré sur les lèvres du barbu tandis qu'il ouvrait la fenêtre pour leur offrir un peu d'air, probablement le bienvenu après une soirée entière à laisser l'air étouffant de monde et d'alcool qui emplissait le McTavish passé une certaine heure. « J'crois que je suis plus à l'aise pour écouter les misères du monde derrière un comptoir que derrière un volant. Mais c'est ce qui fait que je bosse dans un bar et toi dans un taxi. » Quoi qu'il n'ait pas réellement choisi de travailler au McTavish, bien qu'ayant déjà été barman par le passé, il avait perdu le luxe de choisir comment l voulait gagner sa vie et prenait surtout ce qu'on voulait bien lui proposer.
Par le rétroviseur il voyait la jeune femme somnoler à moitié, yeux clos et cheveux légèrement secoués par le vent qui s'engouffrait par la fenêtre. L'espace d'un instant il s'était même demandé si le sommeil n'avait pas eu raison d'elle, et avait posé sa question aussi pour vérifier qu'elle écoutait toujours. « Toowong, numéro 15, au rez-de-chaussée. Mais, je ne m'endormirais pas avant d'avoir englouti cette pizza, j'espère que tu t'en rends bien compte ? » Pour seule réponse il avait laissé échapper un léger rire, amusé de la manière dont l'estomac dirigeait une bonne majorité de personnes, et alors qu'ils arrivaient justement devant la pizzeria. Probablement pas connue pour faire les meilleures pizzas de la ville, pas dans ce quartier, mais connue en revanche pour en faire à toutes heures du jour et de la nuit, beaucoup plus intéressant pour lui qui sortait du McTavish aux heures où il n'y avait souvent plus âme qui vive dehors. A peine les carcasses alcoolisées des plus (ou moins) vaillants. « Tu penses vraiment que j'oserais te laisser au au beau milieu de la nuit ? » avait-elle alors demandé lorsqu'il avait hésité à la laisser là toute seule, sachant qu'elle n'était de base pas très encline à le laisser conduire son tacot « Mais oui, vas-y sans moi. Je t'attendrai ici. Tu en prends une avec de la viande ! Je vais quand même profiter pour prendre l'air. Toi ! T'en vas pas sans moi hein. » Lui adressant nonchalamment un signe d'acceptation, il s'était engouffré dans la pizzeria et avait serré la main du pseudo-pizzaiolo avec habitude, ce qui en disait long sur sa propre tendance à venir s'échouer ici après une soirée entière à travailler le ventre vide.
Lene avait effectivement pris l'air, ou du moins fallait-il en juger par la manière dont elle attendait appuyée contre le capot à son retour, yeux mi-clos et nez pointé légèrement en l'air. Arrivé à sa hauteur Tommy avait laissé l'odeur des pizzas monter quelques instants à ses narines avant d'asséner avec une pointe d'amusement « Ça ne paye pas de mine, mais tu ne peux pas nier que c'est d'une odeur à se rouler par terre. » Lui en tout cas mourrait encore plus de faim, désormais. « Allez grimpe, on va voir si j'ai appris de tes précieux conseils. » S'engouffrant à nouveau à la place du conducteur après avoir déposé les deux pizzas sur le fauteuil du passager, il avait tenté de reproduire à l'identique la technique de démarrage soufflée par Lene, ratant son coup la première fois mais affichant un sourire on ne peut plus satisfait en entendant le moteur vrombir à sa seconde tentative. « Ah, bah voilà ! » Ne boudant pas son plaisir, il av ait conservé son petit air satisfait tandis qu'il quittait à nouveau le trottoir pour reprendre la route. Pas pour aller très loin, mais il avait souvenir dans les environs d'une plage où personne ne viendrait les importuner sous prétexte qu'ils mangeaient sur le sable, et que ce n'était pas toujours autorisé. « Je crois que tu me l'as jamais dit, mais ça t'es venu comment, cette idée de racheter et de conduire un taxi ? C'est pas commun. » Ou plutôt disons que ce n'était pas vraiment la carrière à laquelle on pensait en priorité lorsque l'on réfléchissait au futur de sa carrière, aussi Tommy se demandait s'il s'agissait d'une question d'opportunité ou d'une réelle envie guidée par il ne savait trop quelles motivations sans doute propres à elle uniquement.
Au volant du taxi, Tommy fait un peu comme elle avec ses passagers, c’est-à-dire discuter pour rendre le trajet un peu plus agréable. Bon, pour la jeune femme, il s’agit plus de paraître sympa et s’enrichir et à cet instant, il est plutôt question de papoter pour qu’elle puisse s’empêcher de s’endormir. C’est comme ça avec Lene, si elle n’est pas active, c’est très vite le sommeil qui prend possession d’elle. Et puis, elle préfèrerait éviter de réellement s’endormir, juste pour éviter que Tommy lui ressorte la prochaine fois qu’elle ira boire au McTavish qu’il l’a sûrement sauvée d’un accident très dangereux et éviter de finir à la morgue, ou pire, dans un fauteuil roulant. « J'crois que je suis plus à l'aise pour écouter les misères du monde derrière un comptoir que derrière un volant. Mais c'est ce qui fait que je bosse dans un bar et toi dans un taxi. » Elle rit nerveusement avant d’ajouter avec ironie « Comme le monde est bien fait alors ! » Comme si tous les deux avaient rêvé d’en être là où ils sont. « Mais, on admettra que ma position a un sacré avantage. Si mon client me soule, moi, je peux monter le son de la radio. » Elle repart dans sa moquerie et en s’écoutant rire, elle se dit qu’elle a vraiment beaucoup trop bu ce soir. Heureusement, il y’a toujours l’air frais pour l’aider un peu à ne pas être malade et tenir le choc. Les yeux fermés, elle reste capable de tenir une conversation et lui fait remarquer qu’il ne se débarrassera pas d’elle aussi facilement. D’ailleurs l’inverse est aussi valable.
Arrivé devant la pizzeria et après un bref échange, Lene se décide à sortir du véhicule pour marcher un peu. Seulement, c’est bien compliqué et plutôt que de trop s’éloigner prendre le risque de tomber dans les pommes sur la chaussée, elle ne s’éloigne pas de sa voiture et prend appuie sur le capot pour profiter du frais et faire passer son mal. Elle le sait, il faut juste qu’elle encore un peu et la fatigue passera. C’est comme quand on prend du ritalin sans prescription qu’elle se dit. Il faut juste attendre encore un peu. Le temps de se chanter une chanson en regardant le ciel et Tommy est déjà de retour. Bon, sûrement qu’il aura mis plus de temps mais Lene n’est pas attentive et s’en moque un peu parce que l’odeur de bouffe occupe toute la place dans son esprit. . « Allez grimpe, on va voir si j'ai appris de tes précieux conseils. » lui dit-il avant qu’elle ne suive ses ordres et remonte à l’arrière du véhicule, cette fois-ci en position bien droit et bien assise pour pouvoir observer tous les faits et gestes de Tommy, et puis pour pouvoir réagir si le moteur ne s’allume pas. Elle ne peut s’empêcher de sourire et de ricaner un peu en l’observant se mettre un peu la pression pour démarrer, et aussi à sa tentative qui échoué, mais dès que le moteur vrombit, Lene applaudit quand même des deux mains. . « Ah, bah voilà ! » « Tu vois maintenant ? Si on me le vole, ça ne pourra que être toi. » dit-elle en ayant bien conscience de l’ais de Tommy sur son tacot. La voiture prend direction tout droit la plage et Lene observe la route, bien assise entre les deux sièges avant. « Je crois que tu me l'as jamais dit, mais ça t'es venu comment, cette idée de racheter et de conduire un taxi ? C'est pas commun. » La tête dans ses mains, elle hausse les épaules. C’est vrai que, c’est pas commun. Du moins, quand on la regard, on croit difficilement qu’elle fait un métier que l’on prendrait pour un métier d’homme. « Et bien, mes parents m’ont déshérité il y’a quelques années maintenant, et j’avais beaucoup de mal à me trouver du boulot. » explique t-elle en s’disant qu’elle ne veut pas non plus lui raconter une histoire trop longue. « Enfin, un jour mon voisin est tombé malade et vu que j’avais pas de boulot, il m’a demandé de le remplacer en moyennant une petite rémunération, et comme c’était un gentil papi, j’ai accepté. » Voilà, elle commence à trop détailler. « Bref, il est mort un mois plus tard et sa petite fille m’a laissé garder son taxi vu qu’à la revente il ne valait rien. » conclue t-elle en se reposant au fond de son siège. Cela faisait bien longtemps qu’elle n’y avait pas repensé à ça. Ce vieux monsieur grace auquel elle n’était pas en train de tapiner à ce moment même. « ça t’es déjà arrivé à toi, un truc comme ça ? Jor, un coup du destin qui te tire d’un mauvais pas ? » Elle est un peu curieuse, jamais elle ne pose trop de question à Tommy, qui lui parait presque trop renfermé. Mais comme il s’est permis de la faire, elle aussi. « Je serais probablement en train de tapiner sans ce type. Tu t’dis pas des fois que, les choses sont quand même bien faite ? »
Si comme souvent lorsqu'il faisait la fermeture Tommy avait un peu faim lorsqu'arrivait la fin de sa soirée de boulot, l'odeur de pizza qui se dégageait des deux cartons et qui embaumait désormais le taxi lui donnait littéralement l'impression d'être affamé. Une motivation supplémentaire pour réussir à démarrer cette voiture au plus vite, qu'on se le dise, le brun assez observateur pour avoir retenu la combine enseignée par Lene un peu plus tôt et finalement parvenir à la mettre en place au bout du deuxième essai sous les applaudissements amusés de cette dernière. « Tu vois maintenant ? Si on me le vole, ça ne pourra que être toi. » Laissant échapper un léger rire, se gardant bien de faire remarquer que même si elle le lui donnait il ne roulerait probablement pas dans cette voiture de son plein gré, il avait repris la route et suivi la sortie 104 en direction de la plage la plus proche. Il ne l'avouerait jamais mais à de rares occasions la plage lui avait manqué durant son exil canadien. Mais pas autant que ne lui manquait la neige désormais, cela dit. Dire qu'ici c'était l'été qui approchait. Remontant à moité la fenêtre pour atténuer le bruit que faisait le vent en s'y engouffrant quand il roulait, Tommy laissait son regard alterner entre la route devant lui et le reflet de Lene dans le rétroviseur, et s'était permis la curiosité de demander comment elle en était arrivée à cela. Acheter un tacot poussiéreux et exercer un métier où le brun ne doutait pas qu'elle devait croiser plus de personnes malpolies ou pleines d'ingratitudes que dans son métier à lui. Passé un certain degré d'alcool le péquenaud moyen savait comprendre qu'il lui valait mieux faire preuve de politesse pour espérer voir son verre rempli à nouveau. « Et bien, mes parents m’ont déshérité il y’a quelques années maintenant, et j’avais beaucoup de mal à me trouver du boulot. » Ce n'était sans doute pas le but recherché en premier lieu, mais ce simple fait venait de capter l'entièreté de l'attention de Tommy, au point que ses capacités de conducteur, elles, se soient provisoirement mis en pilotage automatique. « Enfin, un jour mon voisin est tombé malade et vu que j’avais pas de boulot, il m’a demandé de le remplacer en moyennant une petite rémunération, et comme c’était un gentil papi, j’ai accepté. Bref, il est mort un mois plus tard et sa petite fille m’a laissé garder son taxi vu qu’à la revente il ne valait rien. » Si la question n'avait de base été posée que par curiosité, la brun avait écouté la réponse de Lene avec une attention certaine, hésitant quant aux sentiments que ses confidences étaient supposées lui inspirer. Cela ressemblait à une certaine manifestation de chance, et d'un autre côté pouvait-on vraiment parler de chance quand la mort de quelqu'un était au cœur de la situation ? Sans doute parce qu'il s'était perdu dans ses questionnements intérieurs la jeune femme n'avait pas attendu après une réponse et préféré questionner à son tour « Ça t’es déjà arrivé à toi, un truc comme ça ? Jor, un coup du destin qui te tire d’un mauvais pas ? Je serais probablement en train de tapiner sans ce type. Tu t’dis pas des fois que, les choses sont quand même bien faite ? » Une partie de lui se demandait si elle exagérait, si sans ce boulot faire le trottoir aurait vraiment été la seule autre solution qu'elle aurait envisagé, mais elle ne semblait pas plaisanter. « J'sais pas trop. » avait-il finalement avoué d'un ton pensif, puisque sa question attendait à n'en pas douter une réponse. « J'suis plutôt du genre à saboter tout seul les trucs positifs que le destin a essayé de mettre sur mon chemin. » Bien qu'en réalité Tommy ne croit pas vraiment - pas du tout - au destin, mais la notion semblait tenir au cœur de Lene, alors autant faire avec. « Mais j'essaye de me soigner. » Souriant en ajoutant cela, comme pour chasser cette sale impression qu'il avait de s'apitoyer sur son propre sort, il avait refermé pour de bon la fenêtre de sa portière. « C'est sérieux, le fait que tes parents t'aient déshéritée ? » Non pas qu'il remette sa sincérité en cause, il se demandait plutôt s'il ne s'agissait pas d'une simple expression imagée, d'une exagération volontaire. « J'crois que si ce n'était pas aussi peu charitable et chrétien, mes parents se seraient penché sérieusement que la question. » Ouais, au fond il ne serait pas étonné d'apprendre que cette éventualité leur ait traversé l'esprit à un moment ou un autre, particulièrement si déshériter leurs deux plus jeunes enfants permettait de laisser une plus grosse part à leurs trois premiers rejetons, ceux dont ils n'avaient pas - trop - honte. « Ils te reprochent quoi ? » Garant la voiture sur le parking qui surplombait la plage, Tommy avait passé une main sur l'appuie-tête du siège passager et s'était tourné de manière à faire - plus ou moins - face à Lene. La question était indiscrète, mais il la posait quand même, sachant qu'elle l'enverrait se faire foutre sans hésitation s'il dépassait la ligne blanche.
L’histoire n’était pas joyeuse. En même temps, le récit de la manière dont une jeune fille de bonne famille prédestinée à vivre dans le rich & famous termine à travailler dans un tacot bruyant et crachotant de la fumée noire toute la journée ne peut être joyeux. Dit comme ça, on pourrait presque se croire dans la partie d’un conte de fée où tout va mal pour la jeune fille. Sauf que voilà, y’a pas de fin. Et Lene est tout sauf une héroïne de conte de fée, elle serait plutôt le sujet d’une mauvaise fable où la morale tourne autour du fait de ne pas être égoïste et pourrir la vie d’autres personnes. Une bien mauvaise fable en soi. Et pourtant, Lene en retire une leçon, et ce soir, dans son taxi, probablement bien aidée par la dose d’alcool ingurgitée, elle philosophe un peu sur comment le destin peut bien faire les choses malgré tout. Elle ne put s’empêcher de lui demander son avis, comme si débattre sur ce sujet, futile à souhait, l’intéressait à ce moment même alors qu’elle se doute bien que tant qu’on ne voit pas la porte de sortie, on a bien du mal à partager cet avis. « J'sais pas trop. » répond Tommy, sans en dire plus pendant un court instant, la laissant presque dans un suspense total. « J'suis plutôt du genre à saboter tout seul les trucs positifs que le destin a essayé de mettre sur mon chemin. » Elle l’écoute en s’disant que c’est presque un peu religieux ce qu’il raconte. Elle se réveille un peu en s’exclamant. « Oh ! Tu es de ceux-là ! Comme si une entité divine te faisait pourrir ta propre vie. Je vois. » « Mais j'essaye de me soigner. » dit-il, pour nuancer le propos, ce qui n’empêche pas Lene de commenter, de manière plutôt défaitiste. « Tu sais, je sais pas si y’a un remède. Y’a beaucoup de gens qui ne peuvent s’empêcher de détruire tout ce qu’ils ont construit. C’est la peur de l’ennui à ce qu’il parait. » A ce qu’il parait, elle ne sait pas où elle a péché ça. Sûrement dans une de ces émissions de psychologie qui passe à la radio. Enfin, ils ne tergiversent pas autant cent-sept ans sur le sujet. Il semblerait qu’un autre point du récit de Lene ait piqué la curiosité du jeune homme. « C'est sérieux, le fait que tes parents t'aient déshéritée ? » Elle ne répond rien. Personne ne rigole sur ce sujet nan ? « J'crois que si ce n'était pas aussi peu charitable et chrétien, mes parents se seraient penché sérieusement que la question. » Elle se marre en s’disant que ses parents, ils ont pas du tout pensé à la charité ou à Dieu ou à quoi que ce soit d’autres que leur fille aînée au moment où Lene a du prendre le large. « Oh, alors je crois comprendre que tes parents sont d’une grande piété parce que celle de mes parents n’était pas assez forte pour leur faire changer d’avis. Mais c’est pas grave, j’irais faire chier mon chien sur leur tombe quand ils seront mort. » balance t-elle le plus naturellement du monde. « Ils te reprochent quoi ? » demande t-il tandis qu’il gare la voiture et qu’il se tourne vers elle de façon à ce qu’elle ne puisse pas éviter son regard. De toute manière, elle se fout de ce qu’il penserait alors autant le dire. « D’avoir tué une fille au lycée. Indirectement. » Oui, parce que bien sûr, elle ne lui a pas donné la corde pour se pendre. « Et aussi, d’avoir brisé la vie de ma sœur en lui volant son fiancé avant le mariage. Mais je te rassure, elle va très bien. » assure t-elle, comme si ce deuxième aveux allait effacer le premier. « En plus, elle devrait me remercier, c’était un connard. » ajoute t-elle en se cherchant des excuses, parce que peut être que quelque part, l’opinion de Tommy importe. « Et les tiens ? » demande t-elle en souriant, après tout si elle fait des confidences, pourquoi pas lui ? « Me dis pas tu as tué quelqu’un. Deux assassins dans une voiture, c’est un peu gros tu sais ? » lâche en riant avant d’ouvrir la porte pour enfin descendre sur la plage. « Allez Alfred ! On va manger ! » L’air marin, ça lui donne comme un second souffle.
Tout était sans doute à revoir dans le comportement de Tommy, et dans sa manière d'envisager l'existence. Tout ne devait pas forcément être compromis ou truanderies passagères pour tenter de se frayer un chemin, certains s'en sortaient très bien sans cela, et Tommy ne comprenait pas pourquoi il ne parvenait pas à en faire autant ... pourquoi tout devait forcément être compliqué et approximatif, avec lui. « Oh ! Tu es de ceux-là ! Comme si une entité divine te faisait pourrir ta propre vie. Je vois. » Est-ce que savoir qu'il appartenait à une espèce répandue de galériens de la vie était supposé le faire se sentir mieux ? « Tu sais, je sais pas si y’a un remède. Y’a beaucoup de gens qui ne peuvent s’empêcher de détruire tout ce qu’ils ont construit. C’est la peur de l’ennui à ce qu’il parait. » avait même fini par lui asséner Lene comme pour enfoncer le clou définitivement. Heureusement qu'il n'avait pas répondu en espoir d'obtenir une quelconque parole réconfortante. Mais il n'y aurait pas cru, de toute façon, alors la parole mordante et sans filtre de la jeune femme le satisfaisait. Et puis elle avait peut-être raison ... la peur de l'ennui. La peur du vide que l'absence d'Alice avait créé.
Mais il était tard, bien trop tard pour que Tommy se laisse le loisir de réfléchir à tout cela de manière plus poussée, surtout avec une soirée de travail dans les pattes. Sans pour autant en perdre sa curiosité, le brun avait questionné un peu intrigué quant aux véritables intentions des géniteurs de Lene, incertain quant au sérieux de ce qu'elle avait avancé avec désinvolture. Dieu sait qu'il s'y connaissait en parents à la tolérance relative, mais les limites n'étaient probablement pas les mêmes dans tous les foyers « Oh, alors je crois comprendre que tes parents sont d’une grande piété parce que celle de mes parents n’était pas assez forte pour leur faire changer d’avis. Mais c’est pas grave, j’irais faire chier mon chien sur leur tombe quand ils seront mort. » Soit, Tommy s'en sentirait presque coupable de voir qu'il y avait des parents au comportement encore plus tranché que les siens. Presque, seulement. « D’avoir tué une fille au lycée. Indirectement. » avait-elle finalement repris, Tommy un peu pris au dépourvu par cet aveu, et s'attendant probablement à obtenir quelques détails supplémentaires pour étoffer le propos. Au lieu de ça Lene avait pointé un second argument « Et aussi, d’avoir brisé la vie de ma sœur en lui volant son fiancé avant le mariage. Mais je te rassure, elle va très bien. En plus, elle devrait me remercier, c’était un connard. » Troublé, forcément plus que de raison, Tommy n'en avait pas pour autant quitté son sourire narquois, et questionné de façon presque moqueuse « Brisé sa vie, rien que ça. » Elle devait être bien triste, la vie de la soeur en question, pour qu'elle se sente brisée par le fait d'avoir perdu queluqu'un qui ne l'aimait pas assez pour la choisir. « Laisse-moi deviner. Soeur aînée, et petite préférée de papa-maman ? » C'en était presque risible, à quel point le schéma était toujours le même.
Un temps déconcentré entre ses propres pensées et l'odeur de pizza qui continuait de lui chatouiller les narines, Tommy était revenu à la réalité lorsque, ouvrant la portière arrière pour s'extirper de la voiture de sa démarche chancelante et alcoolisée, Lene avait questionné à son tour « Et les tiens ? Me dis pas tu as tué quelqu’un. Deux assassins dans une voiture, c’est un peu gros tu sais ? » avant d'engloutir une grande bouffée d'air frais « Deux assassins dans une voiture. Ça fait titre de roman policier. » Ironisant avec amusement, il avait récupéré les pizzas sur le siège passager avant de sortir à son tour « J'ai fui le continent avec la copine de mon frère. » Elle la voyait, là, l'ironie de la situation ? « Mais je l'ai épousée, alors j'suppose que le plus dur à digérer pour eux ça a été que je fasse mieux l'affaire que lui sur quelque chose. Le fils prodigue n'a pas été le premier à se marier et faire un mouflet, sacrilège. » Si la situation paraissait déjà risible, énoncée à voix haute elle l'était encore plus. « Et puis, un fils qui gagne sa vie en servant de l'alcool ? Hon-teux. » Bon, et son séjour en prison n'avait pas du arranger les affaires des Warren, un fils repris de justice ça faisait un peu tâche sur leur CV de bon paroissien ... mais finir en taule, ce n'était pas quelque chose dont il souhaitait se vanter, même auprès d'une Lene alcoolisée et s'auto-qualifiant d'assassin. En était-elle vraiment une, d'ailleurs ? « Allez Alfred ! On va manger ! » Laissant ses pieds s'enfoncer dans le sable, mais sans prendre le risque de se mettre à courir sous peine que les pizzas s'écrabouillent minablement sur le sol, le brun était parti à la suite de la jeune femme et l'avait laissé choisir le spot de son choix pour la dégustation de leur repas nocturne. « Y'a qu'à une heure comme celle-ci que j'apprécie la plage ... » À une heure où elle était vide, et où ni le soleil ni les gens ne lui agressaient les oreilles. Laissant échapper un soupir d'aise lorsqu'enfin ils s'étaient assis sur le sable, il avait ouvert l'une des deux boites de pizzas pour vérifier à qui elle était destinée « Chicago avec supplément viande, pour mademoiselle. » Quant à lui, il avait opté pour une quatre saisons, la pizza officielle des gens qui ne savaient pas se décider, paraît-il. « Si après tout ça l'alcool et la bouffe ne te font pas tomber comme une masse, j'te tire mon chapeau. Ou j'te mets au défi du bain de minuit, faut voir. » Sourire gentiment moqueur aux lèvres, il avait attrapé une part de sa pizza sans plus tarder, histoire de calmer les protestations de son estomac.
Elle lui livre sa propre analyse de son comportement. Ou plutôt, elle dit sans filtre ce qui lui passe par la tête, quand bien même que ce soit juste ou non, elle s’en fiche un peu vu qu’elle ne s’en rappellera pas le lendemain. Toutefois, le fait que l’ennui soit la source de l’autodestruction est vraiment une idée qu’elle souhaiterait débattre, quand elle n’aura pas dans le corps l’équivalent en bière d’une tournée de camionneur. Quand elle se remet en question – parce que oui, ça arrive – c’est toujours l’explication qu’elle trouve à son comportement : elle a besoin de sentir que sa vie est pourrie pour se sentir vivante. C’est ridicule dis comme ça, mais on ne lui fera pas croire que c’est ainsi qu’agit l’entièreté de la génération Y. On a besoin de se sentir dans la merde pour mieux vivre, et en écoutant Tommy, elle se dit que c’est probablement la même chose pour lui. Le seul truc, c’est que trois secondes après sa remarque, elle oubli déjà de quoi elle parle. L’heure tourne, et Lene commence à être de moins en moins dans le contrôle de ce qu’elle dit, elle parle, de tout et de rien. Elle en vient même à répondre à Tommy quand celui-ci lui demande les raisons qui ont poussé ses parents à la déshériter, elle raconte l’histoire sans mettre de forme. Après tout, c’est arrivé, il y’a bien longtemps. Pourquoi s’entêter à garder ces choses secrète alors qu’elles importent peu ? Elle explique les choses un peu trop simplement, notamment la partie où elle annonce être responsable de la mort de quelqu’un. Lene le dit comme elle annoncerait une liste de course, sans aucun remord et sans même laisser planer le doute que celui puisse être faux en ne se justifiant pas sur le sujet et en passant à autre chose. « Brisé sa vie, rien que ça. » fait-il remarquer, provoquant un rire chez Lene. Oui, rien que ça. C’est vrai que dit comme ça, c’est vraiment pitoyable. En même temps, la vie d’Eva n’a jamais semblé enviable. « Laisse-moi deviner. Soeur aînée, et petite préférée de papa-maman ? » Elle tourne les yeux vers lui, un peu surprise qu’il ait autant deviné juste puis elle rit, de plus belle. « C’est exactement ça ! Madame est la huitième merveille et gare à celui des enfants qui lui prendrait sa place. » commente t-elle, plus pour exprimer tout le ressentiment qu’elle a à l’égard d’Eva que pour vraiment expliquer la situation à Tommy, il semble être déjà bien assez en phase avec ce qu’elle raconte, d’ailleurs elle lui retourne ses questions. « Deux assassins dans une voiture. Ça fait titre de roman policier. » dit-il en plaisantant tandis qu’ils essaient de rejoindre la plage. Le froid et le vent agresse Lene, pourtant, c’est le coup de fouet dont elle a besoin pour se tenir éveillée encore un peu. « J'ai fui le continent avec la copine de mon frère. » explique tandis qu’elle attend qu’il s’empare du repas. Cette histoire, elle a comme un goût de déjà-vu. « Mais je l'ai épousée, alors j'suppose que le plus dur à digérer pour eux ça a été que je fasse mieux l'affaire que lui sur quelque chose. Le fils prodigue n'a pas été le premier à se marier et faire un mouflet, sacrilège. » God, elle n’aurait certainement pas pu se marier, même si ça avait été pour faire chier Eva. Ce détail semble faire toute la différence. « Et puis, un fils qui gagne sa vie en servant de l'alcool ? Hon-teux. » Elle ricane, en pensant à ce que dirait les parents s’ils savaient qu’elle gagne la sienne en amenant des gens d’un point A à un point B. C’est un emploi de domestique ça. « Je vois, c’est ridicule dis comme ça, mais au moins toi, t’avais une bonne raison d’agir comme tu l’as fait. » dit-elle sans pour autant penser que sa raison à elle de gâcher la vie d’Eva n’était pas plus mauvaise pour autant. Ils arrivent enfin sur la plage, ce qui ne manque pas e réjouir la jeune femme, même en hiver, la mer lui apporte un certain réconfort. Affamée, elle ne cherche pas à attendre à ce qu’ils trouvent un spot pour s’installer, elle se met juste là et demande à manger. « Y'a qu'à une heure comme celle-ci que j'apprécie la plage ... » Elle se tourne vers lui, l’air interrogateur. Il n’ajoute rien. « Chicago avec supplément viande, pour mademoiselle. » Elle ne le remercie pas. Elle s’empare de la boite et commence à manger comme si elle n’avait rien eu depuis trois semaines, ce n’est qu’après trois bouchée et la bouche pleine qu’elle sont à le remercier. « Merci beaucoup Tommy ! » Totalement morfale, elle n’attend pas pour passer à la deuxième part, quand bien même que ça ne se fasse pas pour une femme de manger en public avec autant de gloutonnerie, elle s’en fiche. « Si après tout ça l'alcool et la bouffe ne te font pas tomber comme une masse, j'te tire mon chapeau. Ou j'te mets au défi du bain de minuit, faut voir. » Ou lààà, peut être qu’il est un peu trop aventurier sur ce coup là. « Tu sais ? Tu devrais faire gaffe à ce genre de défi parce que je passe ma vie là, la nuit, c’est le seul moment pour surfer tranquillement. » explique t-elle entre deux bouchées. « En plus, c’est l’hiver et c’est le moment où c’est le plus fun de nager, parce que y’a du vent, et des vagues. » Néanmoins, la vantardise de Lene ne peut pas aller contre les lois de la nature, et après s’être empiffrer comme elle vient de le faire, cette baignade sonne de plus en plus comme une mauvaise idée. Elle s’allonge dans le sol, aucunement préoccupée par la chiantise du sable et continue de manger, à un rythme différent. « Si je pouvais, j’atterrirais là tous les soirs après le boulot. Je pourrais y dormir sans problème. » lâche t-elle convaincue de ce qu’elle avance.
Peut-être était-ce un truc inhérent aux fratries, cette compétition instaurée volontairement ou non entre les enfants par des parents qui se souciaient bien peu – ou n'y pensait pas – des répercussions que cela pourrait avoir ensuite. Tommy se demandait si le phénomène était inévitable … Il s'était promis lorsqu'Alice était enceinte de Moïra de ne pas reproduire les erreurs de ses parents avec lui, et à l'époque cette promesse abstraite lui avait semblé couler de source. Depuis, sa volonté de tout faire pour que sa petite ne manque de rien l'avait mené jusqu'en prison, le reste des Warren s'était fait un plaisir de lui rappeler à quel point Marius aurait fait un bien meilleur job que lui, et le brun se retrouvait malgré lui à couver suffisamment sa fille pour croiser parfois son regard lassé, celui qui criait « papa, tu m'étouffes. » et qu'il avait lui-même du arborer des dizaines voir des centaines de fois au même âge, et bien plus tard. Est-ce que si d'aventure il se retrouvait père à nouveau sa préférence pour Moïra serait marquée au point de faire des dégâts irrémédiables ? Il ne s'imaginait même pas capable de pouvoir aimer quelqu'un d'autre autant qu'il aimait sa fille, au fond, alors la question pouvait légitimement se poser. « C'est exactement ça ! Madame est la huitième merveille et gare à celui des enfants qui lui prendrait sa place. » s'était en tout cas exclamée Lene à propos de sa propre aînée, semblant confirmer le fait qu'il s'agisse d'une règle quasi-systématique, et donc probablement inébranlable. « Et personne ne l'a encore jamais fait descendre de son piédestal ? » Dieu sait que lui avait accueilli avec une certaine satisfaction – sans doute un peu malsaine, mais soit – le moment où le vernis s'était craquelé autour de Marius et que ce dernier avait bien été obligé d'admettre les manigances dont il s'était rendu coupable auprès de Moïra pour essayer de la monter contre son père. Seul moment de gloire de Tommy face à son aîné, en vérité. Puisque l'un et l'autre en étaient à traîner leurs casseroles le brun n'avait pas manqué d'écouter avec attention les confidences de Lene quant aux raisons qui faisaient désormais d'elle la paria de sa famille. Il était à peu près certain qu'entièrement sobre il ne pourrait plus espérer obtenir aussi facilement de quoi satisfaire sa curiosité, aussi il ne s'était pas gêné pour en profiter, malgré tour assez bon joueur pour accepter de jouer le jeu en retour. Qui sait, peut-être qu'elle aurait tout oublié le lendemain, avec un peu de chance. « Je vois, c'est ridicule dis comme ça, mais au moins toi, t'avais une bonne raison d'agir comme tu l'as fait. » avait alors argué la jeune femme, laissant Tommy pensif un instant. Elle lui donnait probablement un peu plus de crédit qu'il n'en méritait, si l'alchimie avait fait le reste autant ne pas se leurrer : s'il avait abordé Alice en premier lieu c'était uniquement dans l'optique de mettre le bazar dans les affaires de son frère. « Et donc … » avait-il à son tour repris, bien plu à son aise pour tirer les vers du nez d'autrui « Tu vas m'expliquer pourquoi le Don Juan de ta sœur était un connard, ou je vais devoir deviner ? » Il manquait un bout à cette histoire, de toute évidence, sans quoi elle se serait terminée de la même manière qu'elle l'avait été pour Tommy.
Se laissant tomber sans aucune grâce dans le sable – moins fin mais beaucoup plus authentique que celui de la plage artificielle de Logan City – il s'était occupé de la distribution des pizzas, observant avec amusement l'empressement que Lene avait eu à se jeter sur la sienne comme si elle n'avait rien avalé depuis trois jours. C'est qu'elle était suffisamment maigrichonne pour qu'il soit tenté de penser qu'il s'agissait peut-être de la vérité. « Merci beaucoup Tommy ! » s'était-elle enfin exclamée entre deux bouchées, une fois sa faim un peu étanchée, et avant de reprendre sa dégustation. « A vot' service ma brave dame. » Tirant sur un chapeau imaginaire pour se donner un air – ridiculement – distingué, il s'était jeté à son tour sur sa pizza sans plus de cérémonie ; A défaut de trois jours, lui n'avait rien avalé depuis la veille, en dehors des deux canettes de RedBull du milieu de la journée. Bouger d'ici ensuite ne serait peut-être pas une mince affaire, ni pour elle ni pour lui « Tu sais ? Tu devrais faire gaffe à ce genre de défi parce que je passe ma vie là, la nuit, c'est le seul moment pour surfer tranquillement. » Surfer ? L'espace d'un instant Tommy avait presque oublié que c'était un loisir prisé à Brisbane, et en Australie plus généralement. Naître ici ne lui avait assurément pas donné le goût de l'océan. « En plus, c'est l'hiver et c'est le moment où c'est le plus fun de nager, parce que y'a du vent et des vagues. » Malgré lui, le brun avait laissé échapper un léger rire, amusé et presque attendri tant à cet instant précis Lene l'avait fait penser à Moïra, dans cette façon enfantine de plaider la cause de la plage et de ses avantages. « Si je pouvais, j'atterrirais là tous les soirs après le boulot. Je pourrais y dormir sans problème. » avait-elle terminé de confesser, d'un ton franchement convaincu. « T'es le genre de voisine dont tous les voisins rêvent, toi. » Si elle passait ses nuits ici au lieu d'être chez elle potentiellement à faire du bruit. Un voisin idéal était un voisin absent, après tout. « Si je n'avais pas peur que l'alcool te noie après trois brasses, je me laisserai peut-être tenter. » avait-il alors fait remarquer d'un ton narquois – mais pas totalement dénué de sérieux – tout en mordant dans sa pizza. « Alors c'est ton truc, le surf ? J'aurai pas cru. » Il ne savait pas trop pourquoi, Lene ne collait probablement juste pas au cliché qu'il se faisait des surfeuses, riant comme des dindes en agitant leur chevelure dont l'entretien coûtait plus cher que son salaire de barman. « La mer c'est pas trop mon truc … Je sais, c'est bizarre pour quelqu'un qui est né ici. Mais les touristes, le sable qui vole dans les cheveux, l'eau qui pique les yeux ? Hm. » Il fallait aimer, quoi. « Tu me fais goûter ? » La viande de sa pizza lui faisait un peu envie, mais pas suffisamment pour qu'il n'ait envisagé sacrifier sa quatre saisons. « J'aurais du prendre des bières. » Totalement contreproductif face au fait qu'il avait décollé Lene du McTavish parce qu'il estimait qu'elle avait suffisamment bu, certes, mais Tommy était d'une logique implacable.
Parler de sa famille n’est pas une habitude de la jeune femme. Il arrive que parfois, brièvement, elle raconte une anecdote sur l’un de ses frères et sœurs – en général Tony – mais ça ne va jamais au-delà de ça. Devant la plupart du monde, elle agit comme si elle avait été fille unique, et techniquement, elle se considère comme telle désormais. Mais ce soir, elle est d’humeur bavarde, et Tommy dégage cette aura qui lui donne envie de tout lui livrer sans utiliser de filtre ou d’omettre des informations, comme s’il n’allait pas la juger et cela met Lene à l’aise. « Et personne ne l'a encore jamais fait descendre de son piédestal ? » demande-t-il comme s’il comprenait parfaitement ce qu’elle lui raconte, toujours amusée de sa remarque sur l’exagération des conséquences des actes de Lene sur la vie de sa sœur. Elle répond en haussant les épaules. « Non, mon frère aîné est aussi soumis à elle que mes parents, et moi, elle m’a toujours réprimé et harcelé. Puis mon petit frère, je ne sais pas, je ne le connais pas. » avoue-t-elle en s’disant que la situation était assez foutu au sein de cette famille et qu’au final, de ne plus en faire partie est vraiment une bonne chose. « Mais c’est pas grave. Un jour, nos parents seront morts. Mes frères auront leur vie, et vu son caractère, elle sera seule. Ça me suffit amplement d’imaginer ce jour-là » Bon, elle aimerait bien le constater de ses vrais yeux, mais elle ne rêve pas trop non plus. Lene sait être raisonnable. En retour de ses confessions, Tommy se dévoile un peu plus sur lui, et elle comprend mieux pourquoi il semble si bien la comprendre. Peut-être à l’exception qu’il n’est pas pourri jusqu’à la moelle comme elle. « Et donc … » conclue-t-il attirant son attention. « Tu vas m'expliquer pourquoi le Don Juan de ta sœur était un connard, ou je vais devoir deviner ? » « Et bien, faut être un sacré connard pour te tirer avec la sœur de ta fiancée à quinze minutes de passer devant l’autel non ? » répond t-elle simplement et avec réthorique. « C’était pas le genre de mec avec lequel tu construis quelque chose. Tu sais quand j’y pense, je n’aurais pas du intervenir là-dedans parce qu’Eva aurait été aussi malheureuse mariée à ce type que larguée devant l’autel. » Admet-elle, un peu déçue de la tournure des choses. C’est que la vision d’une Eva cocue, mère de cinq gosses et incapable de divorcer parce que ça fera mauvais genre pour les parents, c’est presque mieux que la solitude.
« A vot' service ma brave dame. » dit-il aussitôt qu’elle eut pris le temps de le remercier pour son invitation à manger et la pizza entre deux pleines bouchées de ce met exquis. Quand ils n’ont pas la bouche pleine, ils observent la mer et s’échange des confidences sur leur rapport à la plage. Lene admet adorer y aller et sûr et certain que si elle n’était pas à une concentration d’alcool élevée dans son organisme, elle sera déjà en train de s’empiffrer en quatrième vitesse pour aller se baigner le plus rapidement possible. (Oui, elle a jamais entendu parler que c’était mauvais de nager après manger) « T'es le genre de voisine dont tous les voisins rêvent, toi. » lui dit-il après qu’elle eut parlé de son rapport au surf, sur le moment elle ne voit pas trop d’où sort cette remarque, ni ce qu’elle a à voir avec ce qu’elle fait de son temps libre. « Parce que je passe ma vie à poil c’est ça ? » demande t-elle en s’demandant sérieusement comment il sait ça et si c’est vraiment de ça qu’il parle. « OH ! » dit-elle, un éclair la traverse. « Parce que je ne suis jamais là c’est ça ? Je suppose, même si j’dois pas être la voisine idéale quand j’suis chez moi. » Quoique. En y réfléchissant, elle ne laisse jamais rien traîner dehors et ne fait pas tant de bruit, elle espère bien être déjà une voisine idéale. « Si je n'avais pas peur que l'alcool te noie après trois brasses, je me laisserai peut-être tenter. » Il revient sur l’idée d’une baignade, c’est peut être la fatigue qui parle mais, en haussant les épaules, elle admet qu’il n’a pas tort sur ce point. « Alors c'est ton truc, le surf ? J'aurai pas cru. » ajoute t-il, surpris. Elle est toute aussi étonnée parce qu’il lui semblait que c’était vraiment un trait qui ressortait d’elle. Mon dieu, il ne pense tout d’même pas qu’elle ne fait rien d’autres que de conduire un taxi et se biturer la gueule. « Et pourtant, si j’avais pas été envoyé à l’autre bout du monde après l’histoire de la fille qui est morte – elle fait des guillemets avec ses doigts, manière de se décharger de sa responsabilité – j’aurais pu faire des compétitions ici, devenir une championne, tout ça. » Elle parle de plus en plus bas, en parler plus, ce serait tout remettre sur le dos d’Eva encore, elle ne veut pas parler plus d’elle. « Toi, t’en fais pas ? » retourne t’elle, pour elle, le surf c’est dans le sang de tous les australiens. « La mer c'est pas trop mon truc … Je sais, c'est bizarre pour quelqu'un qui est né ici. Mais les touristes, le sable qui vole dans les cheveux, l'eau qui pique les yeux ? Hm. » « Bwaah, pour éviter ça faut savoir où aller. » justifie t-elle, en parlant des touristes et s’évitant de dire que pour le reste, suffit d’être un peu malin. Pour elle, y’a rien de mieux que de se rouler dans le sable en sortant de l’eau. « Tu me fais goûter ? » Il désigne sa pizza. Depuis quelques minutes, Lene a cessé d’y toucher. Il semble évident que la nature prend le pas sur ses désirs. Elle n’a plus faim. Juste très envie de dormir. « Je t’en prie, tu peux la finir si tu veux. » « J'aurais du prendre des bières. » ajoute t-il, ce qui ne manque pas de la faire réagir. « Oh pas de ça ! On aurait pu manger au McTavish si tu n’avais pas voulu la jouer papa poule avec moi. » L’alcoolisme parle, elle aurait pu être encore en train de picoler là. « Tommy ? Tu veux pas qu’on remette cet hypothétique bain de minuit à un autre soir, j’suis vraiment en train de m’endormir là. » dit-elle, d’une voix plus douce, recroquevillée sur elle-même, très certainement capable de s’endormir sur place.