You have to be at your strongest when you're feeling at your weakest.
Ma mère a toujours été une belle femme. Nous étions pauvres mais ça ne l’empêchait pas d’être très coquette. Il était hors de question de quitter la maison sans se refaire une beauté. Elle avait conscience que ses traits enfantin ne laissait aucun hommes différents. Et Dieu sait qu’il y en a eu des amoureux, mais si l’extérieur était agréable à voir, au fond c’était une vraie bonne salope. J’aurais voulu pouvoir dire que je l’aime, mais elle a fait de mon enfance un enfer. Lorsque mon père biologique l’a quitté, elle s’est retrouvée seule avec le vide aussi gros qu’un ballon de basket. Pas de travail et plus de mec. N’ayant elle même pas de bonne relation avec ses géniteurs, elle s’est débrouillée seule. De ce que je sais, elle a dans un premier temps arnaqué un pauvre couple qui ne pouvait avoir d’enfants. Ils l’ont pris sous son toit, l’ont nourri, l’ont logé pour que le jour de ma naissance, elle décide en fait de me garder. A cette époque, les lois n’étaient pas aussi strict aujourd’hui et elle eut facilement gain de cause.
Adolescente, elle ne supportait plus que je sois à la maison en même temps que l’un de ses copains. Elle était jalouse et me soupçonnait de vouloir les lui piquer. En ce temps là, ma seule motivation était de pouvoir me barrer de chez elle au plus vite. J’ai été placé en foyer quelques temps plus jeune, mais ses droits de parents ont eu raison de moi. Elle trainait toujours avec des types louches et c’est d’ailleurs l’un d’entre eux qui m’a soufflé l’idée de dealer contre quelques billets. Avec du recul, je me rend bien compte que j’étais stupide et trop influençable. Mineure, je n’avais que 16 ans la première fois que je me suis fait choper au coin d’une ruelle à essayer de refiler de la poudre à un policier en civil…
Été 1995,
« Je sors » dis-je avant de claquer la porte. De toute manière qu’est ce que ça peut bien lui faire que je sois là. Je l’entend ricaner avec son amie dans le salon. Toutes deux jouent les commères du quartier et complote à longueur de journée. D’ailleurs, c’est elle qui lui a mis dans la tête que je chauffais ses gars en son absence. Elle m’a giflé la nuit d’avant, tiré les cheveux me traitant de tout les noms. J’aurais voulu pouvoir réagir mais il valait mieux pour moi d’encaisser, le temps qu’elle se calme. L’alcool la mettait parfois dans un état de paranoïa extrême et pourtant ces derniers temps j’étais plus apaisé. Peut être parce que je savais que Dieu avait mis sur mon chemin un ange gardien. Si ma mère et lui n’avaient pas fait long ménage, Kyte avait été une épaule solide pour moi. Je l’aimais et je savais que si j’avais une emmerde je pouvais compter sur lui. De ma vie, je ne m’était jamais senti aussi en sécurité. Et c’est peut être ce sentiment d’invulnérabilité qui m’a parfois laissé faire des choses complètement inconsciente.
Comme à mon habitude, je me suis rendu dans le quartier le plus fréquenté d’Oslo, à l’entrée des boites de nuit. N’ayant pas l’âge légal pour pouvoir y enter, je me démenais toujours pour m’incruster soit avec un groupe plus âgée que moi, soit avec de fausses cartes d’identité. Quelques vigiles avaient remarqué mon ménage et m'avait menacé de prévenir la police s’il me revoyait dans le coin.
Ce soir là, mon chiffre d’affaire a doublé avec un groupe de touriste américain qui n’ont pas hésité à acheter une grande partie de la marchandise. J’ai tapé dans l’oeil de l’un de leur ami, alors forcément j’ai pu facilement intégrer le groupe. Seulement je ne suis pas la seule dans le marché et mes concurrents n’apprécie pas forcément mon mode de fonctionnement. Je les agaces d’autant plus par mon jeune âge et parce que je suis une fille. Certaines fois, ils ont tenté de m’arnaquer ou de me conseiller gentiment (mais fermement) de retourner chez ma mère, que cela n’était pas un endroit pour les gens comme moi.
Il est plus de deux heures passés quand je décide de m’éclipser pour rentrer chez moi. A vrai dire l’américain se montre de plus en plus insistant pour que je rentre avec lui et je ne suis pas vraiment venue pour chercher les problèmes. Mes talons me font horriblement mal et je titube difficilement vers la sortie quand je me sens violemment arrachée par une main. Je n’ai pas le temps de voir de qui s’agit-il qu’un violent coup m’est donné à l’estomac. « Salope de pute. » me fait-je injurier pendant que mon agresseur essaye de me voler mon sac. Je me protège du mieux que je peux : « On t’a déjà dit plusieurs fois d’aller voir ailleurs. Ici c’est notre coin. Tu nous voles notre blen. » Je plisse les yeux pour essayer de dévisager mon agresseur et je finis par le reconnaitre. Je voudrais me défendre, essayer de trouver un arrangement mais un second coup me vient au visage cette fois. Je manque de tomber...
Vendredi soir. La fête bat son plein, comme tous les weekends au club. Un peu à l’écart, Kyte se descend une bouteille de whisky. Y’a des gonzesses qui pullulent de partout. Grandes, avec leurs longs cheveux entre le blond et le roux. Leurs yeux soulignés de noir et leurs jolies lèvres d’une teinte rouge sang. Des filles comme il les aime. Sauf qu’il a pas envie d’aller fricoter ce soir-là. La seule qu’il veut, c’est Lenore. Mais vu la baigne qu’elle lui a collé quelques heures plus tôt, il est pas certain que ce soit réciproque. Tabernak, qu’il jure mentalement en se passant une main sur le front. Il sait jamais où il en est avec elle. Un jour elle est douce et tendre. Le lendemain elle lui balance un grille-pain à la gueule en hurlant qu’elle veut le divorce. Alors il signe les papiers, le cœur lourd comme du plomb. Il s’assomme à la gnôle, se distrait avec une belle femme totalement cinglée mais inventive au pieux. Jusqu’à ce que Lenore le découvre et joue les épouses bafouées. Chiale qu’elle a pas arrêté de penser à lui mais qu’elle aurait dû savoir que c’était qu’un pauvre con. C’est à ce moment-là que son poing avait allègrement embrassé le pif de Kyte. Pendant qu’elle criait qu’elle le laisserait jamais revoir sa fille, ou un truc du genre. Les femmes… il les comprendra jamais. « Hey bro’, » lui lance un de ses frères motard en s’installant à table à côté de lui. « T’en tire une de ces tronches. » Puis il désigne son visage d’un coup de menton. « La régulière voulait pas que tu sortes pour t’arranger le portrait à ce point ? » Il sait qu’Adolf veut parler de Gudbjörn, la fameuse cinglée sexy avec qui il s’est oublié ces derniers jours, alors il secoue la tête.
- C’est pas ma régulière mec. Juste une distraction. Puis il repose sa bouteille sur le bois vieilli et collant de la table et désigne ses bleus d’un geste de la main. Ça, c’est l’ex-femme qui s’est déchaînée.
« Oh merde, » ricane l’autre en lui foutant une tape dans le dos. Pour le soutenir, probablement. « On peut dire qu’elle t’a pas raté. » Kyte sait pas trop s’il a envie de lui éclater la tête contre la table ou de rigoler de bon cœur à sa blague, alors il esquisse un demi sourire entre la haine et l’amusement. Une expression bizarre, en somme. Mais Adolf ne se formalise pas. Depuis le temps qu’ils partagent la même Kutte, ils se connaissent comme s’ils partageaient le même sang. « Régulière ou pas, je sais que tu tiens à sa môme, alors… » Adolf s’arrête, mal à l’aise, et Kyte se redresse, les sourcils légèrement froncés.
- Alors quoi, mec ? Alors quoi ?
Il demande, sortant de ses pensées pour la première fois de la soirée. Une pause pas forcément agréable, parce qu’un pressentiment merdique commence à lui bouffer les tripes. Adolf pousse un soupir, gratouille quelques échardes de ses doigts épais. « J’reviens du centre d’Oslo, je faisais une sécurité avec Emelie. J’l’ai vue rentrer dans une boite avec quelques autres lascars. Plus vieux, du genre fouille merde croisé avec p’tit bourgeois amerloque. » Kyte laisse échapper un petit rire moqueur. Il imagine trop bien le spécimen. Touriste sans street cred’ qui profite d’un voyage à l’étrange pour quitter les jupes de sa mère et tenter d’impressionner les gonzesses (et lui-même) en s’encanaillant un coup.
- Bah. Elle est jeune. Elle va vite se lasser de ce genre de mecs, va.
Il répond avec un haussement d’épaules. Le fait qu’elle ait que 16 piges et qu’elle aille traîner avec des lourdauds dans un club interdit aux mineurs l’inquiète pas plus que ça. Il sait Ida débrouillarde, et il pense que les expériences, bonnes comme mauvaises, ça forge le caractère. « Y’a pas que ça, mec. » Reprend Adolf. Et le sentiment désagréable revient insidieusement. « Je t’en aurais pas parlé sinon. Ce club - le Harper, j’y fais souvent la sécu. Et j’peux te dire que c’est celui où on choppe le plus de merdeux qu’essaient de refourguer de la drogue. Et Ida… » Son pote à l’air de vraiment galérer à pondre la suite. Il cherche ses mots, hésite.
- Accouche, putain.
Adolf grogne un coup. « Ida, j’crois que j’l’ai vue dealer. Voilà. » Il sort tout dans un souffle. « C’est son problème, on a tous fait des conneries. Sauf qu’elle est pas la seule qu’essaie de s’en mettre plein les poches ce soir. Et les autres loupiots qui dealent, y font pas dans la dentelle. Si tu vois c'que j'veux dire. » Il se trouve que ouai, Kyte voit très bien. Il prend une dernière gorgée de sa bouteille, saute sur ses pieds, et tapote l’épaule de son pote pour le remercier. Sans un mot de plus, il enfonce son casque sur sa tête et enfourche sa bécane. Quand il arrive, il est pas loin de deux heures du matin. Il galère à trouver une place alors il finit par se garer sur un trottoir en se disant que les képis auront mieux à faire que de l’emmerder avec un PV. De toute façon, il le payerait pas, alors il s’en branle un peu. Les mains dans les poches, il prend la direction du Harper. Le trouver lui prend pas trop de temps. Une grimace étire ses lèvres quand il entend la musique de merde qui sort par les doubles portes alors que le club gerbe quelques milléniaux bourrés comme des coins. « Allez les jeunes, il est temps de dégager, la soirée est terminée, » gueule un vigile, dont le job de merde est de faire comprendre à ces jeunes zouaves qu’ils doivent rapidement trouver où faire l’after party. Kyte le plaindrait bien une seconde, mais il a d’autres affaires à régler. Genre retrouver Ida. Comme il la voit toujours pas, il approche du gars de la sécurité.
- Hey mec, je cherche ma gosse et j’la trouve pas. Y’a une autre sortie ?
Le type hésite un instant, et quand il voit sa Kutte, il finit par hocher la tête. Le club est connu des services de sécurité en ville pour leur filer des coups de main quelques soirs. « Ouai, y’a une porte qui donne sur une arrière-cour par là. Pas toujours bien famée. » Kyte lui donne une petite tape sur l’épaule et s’élance. Il a pas encore vue sur la cour qu’il entend déjà les voix. « Salope de pute. On t’a déjà dit plusieurs fois d’aller voir ailleurs. Ici c’est notre coin. Tu nous voles notre blen. » Merde ! Kyte sait que c’est Ida. Et ça lui plait pas trop, alors il accélère. Quand il débarque dans la cour, il voit un grand type éclater son poing dans la gueule de la jolie blonde qui manque de valser. A côté d’eux, un autre gars lui arrache son sac en balançant de nouvelles insultes. Alors Kyte sent son sang bouillir de rage. Sans réfléchir, il avance rapidement vers le mec, l’attrape par la nuque et referme fermement ses dents autour de son oreille. Une prise efficace, qui ne manque jamais de surprendre ses adversaires. Le gars se met à hurler de douleur et ses jambes fléchissent alors qu’il essaie de se dégager. La mâchoire de Kyte claque et il recrache le bout de peau au visage du gars. Ensuite, il se redresse vers le type au sac, qui recule lentement, sa gueule aussi pâle que s’il avait trempé dans de l’eau de javel. Quand leurs regards se croisent, il prend ses jambes à son cou. Alors Kyte sort son arme de sa veste et tire juste à côté de ses pieds.
- Je f’rais pas ça si j’étais toi. Tu poses le sac à tes pieds, et tu fous l’camp. C’est compris ?
Le dealer ne se le fait pas dire deux fois. Alors Kyte relève brutalement son pote à l’oreille en sang et le plaque contre le mur, une lueur de folie dans le regard. Il colle le canon brûlant de son flingue juste sous sa mâchoire, pendant qu’il lui fait les poches pour sortir sa carte d’identité.
- Pieter Blomsberg, il dit de sa voix morne et monotone. Tu tiens à la vie ?
Comme l’autre couine un oui merdique, Kyte hoche la tête et tend la pièce d’identité à Ida. Il en profite pour vérifier qu’elle se porte bien. A part quelques bleus et une grosse peur, il se dit que ça pourrait être pire. Alors il reporte son attention sur Van Gogh junior qui pisse toujours le sang sur ses doigts.
- Bien. Je vais t’expliquer ce qu’il va se passer. Je sais où t’habites, et je sais où tu traînes. Si jamais toi où tes potes levez la main sur Ida où essayez encore de l’intimider, je vais pas chercher à savoir qui est responsable. Je te trouve, et je te crève. C’est clair ?
Kyte plaisante pas, et le type le voit. Alors encore une fois, il hoche la tête. Le biker lâche alors son cou et lui tapote la joue avant de s’écarter. Ensuite, il désigne le sol du canon de son arme.
- Maintenant, tu te mets à genoux et tu lui présentes tes excuses.
Le gars fait mine de protester, pour la forme. Mais quand le flingue se pointe à nouveau vers sa tempe, il réfléchit plus trop longtemps et fait comme on lui a demandé. Kyte se tourne vers Ida avec un grand sourire.
- Ça va ma belle ? Si t’as envie de te défouler, fous lui donc une belle baigne avant qu’il déguerpisse.
Qu’il propose joyeusement. C’est toujours mieux de s’entraîner sur des modèles vivants plutôt que sur des punching ball, il trouve. Ça aide à mieux ressentir les os qui pètent de ceux qui résistent.
Codage par Emi Burton
Dernière édition par Kyte Savard le Jeu 15 Sep 2016 - 20:44, édité 1 fois
You have to be at your strongest when you're feeling at your weakest.
Je prend peur et malgré que j’aime jouer les dur à cuire, je me met à sangloter. Le dernier coup était d’une telle violence que j’ai bien cru que c’était la fin. Je me suis mise à prier intérieurement, aussi fort que je le pouvais. Les yeux fermés, j’attend qu’un autre coup vienne m’achever. De toute façon, personne ne viendra me chercher dans cette ruelle, on finira peut-être par me trouver demain ou après demain lorsque mon corps aura commencé à pourrir et que ça sentira mauvais dans tout le quartier. Ma mère sera enfin débarassée de moi, on m’enterrera seule peut être deux copines et Kyte me pleureront mais pas plus. Je suis encore trop jeune pour mourir. Pourtant le coup ne vient pas, j’avais par réflexe protégé mon crâne, m’enroulant en boule pour pouvoir mieux encaisser la douleur. Je me force à ouvrir l’oeil encore sain pour voir ce qui se tramait autour de moi. Je crois rêver en voyant mon beau père entrain de… de mordre l’oreille d’un des type? Encore sonnée par ce qui vient de m’arriver je ne branche même pas, je reste juste spectatrice du massacre des deux zigotos peinant à me relever contre le mur.
Je ne réagis qu’au coup de feu de Kyte, lance un hurlement de peur. Je crois que je suis à deux doigts de la crise cardiaque. J’aime Kyte comme si c’était mon propre père, même plus. Mais il faut dire qu’il ne fait pas dans la dentelle et que parfois je m’abstiens de lui parler de mes problèmes au cas où il voudrait intervenir. Disant qu’il est assez radical dans son procédé ce qui d’ailleurs lui a surement valu quelques déboires avec les autorités. Je suis toute aussi effrayée que mon agresseur et pourtant je sais au fond de moi que je suis en sécurité. Kyte l’oblige à me rendre mon sac qu’il jette à mes pieds puis me tend sa pièce d’identité. Tremblante j’y jette un coup d’oeil. Mon beau père m’inspecte mais j’avoue être un peu ailleurs pour m’en rendre compte. Je voudrais pouvoir parler, lui dire de laisser tomber, qu’on aura des problémes si les flics passaient par là, mais ma voix est complètement éteinte. Je pense même m’être fait pipi dessus.
J’ai presque de la peine pour ce Peter que j’avais déjà croisé et qui n’avait pas non plus été sympa la dernière fois. Son ami, lui, gémit au sol à cause de son oreille en sang. Putain, faut dire qu’il ne l’a pas épargné. Voila ce que c’est de s’en prendre aux gosses d’un motard fou. Lorsque la situation devient moins dangereuse, je me jette dans les bras de mon sauveur que je sers tellement fort que j’ai l’impression de lui craquer la cage thoracique. Et lorsque ce fameux Peter se met à genoux pour s’excuser, je sens une vague de colère monter en moi. Comme si c’était l’élément déclencheur qui me sortait de ma bulle de protection. Celui qui venait de me faire une belle frayeur implorant mon pardon. Je hoche la tête lorsque Kyte me demande comment je me porte, puis, aussi fort que j’y arrive je fou un énorme coup de pied à ce salaud qui, si l’avait pu, m’aurait laissé mourante dans cette ruelle sans scrupule.
Aussi fort que j’ai pu le donner dans le ventre. Il hurle et manque de s’étouffer. Pourtant je ne me sens pas entièrement défoulée. J’en veux plus, je ne contrôle plus mes coups. Un second, un troisième, un huitième? Je ne sais plus combien, j’ai arrêté de compter lorsque Kyte me tira en arrière. Mes poings sont rouges de sang et le mec est à moitié inconscient. Son visage ne ressemble plus au gars fier qu’il était quelques minutes auparavant. Je recule quelques pas en arrière, effrayée par mon oeuvre d’art. « Oh mon Dieu! » dis-je voyant l’état dans lequel j’avais laissé ce gars. Mon regard croise celui de Kyte. Je ne sais pas quoi dire. Puis je regarde le gars à l’oreille arrachée qui avait assisté à toute la scène. Dans ses yeux je lisais de la peur envers moi. Et pourtant je ne me sentais pas fière, au contraire, j’avais honte de moi, honte de ne pas avoir su me contrôler. Et surtout je venais de découvrir une face cachée que je n’avais pas imaginé avoir.
Je ne sais pourquoi, ni comment Kyte avait su où me trouver mais il l’avait fait. Cette soirée avait pourtant bien commencé avant que tout cela ne se passe. Je venais de mettre un homme à terre pour le punir du mal qu’il avait causé et pourtant je n’avais pas mieux agit. Il fallait que l’on déguerpisse avant que quelqu’un ne prévienne la police. J’aurais voulu moi même appeler l’ambulance pour sauver ce gars mais comment, pourquoi et quoi leur dire? Je me laisse embarquer par Kyte à bord de sa bécane. En temps normal, je savoure le temps passé sur le dos de cette moto de collection et pourtant cette fois le trajet me parait long….
Ida sort de sa torpeur, et ça rassure un peu Kyte, qui lui rend son étreinte. Elle a pas encore repris toutes ses couleurs, mais elle est plus dans un monde parallèle, au moins. D’ailleurs, y’a même une lueur qui s’est rallumée dans le fond de ses yeux d’eau, et Kyte la connait que trop bien. La colère. La rage. Et une certaine soif de vengeance. C’est pour ça qu’il lui propose de se défouler sur le type à genoux. Un petit exercice pour extérioriser. Pour sortir de cette allée avec un badge de survivor et pas celui d’une victime. La violence, Kyte, il connait que ça. C’est sa pénitence comme sa salvation. Il bronche même pas quand Ida balance un coup de pied dans le ventre du blaireau. Il se contente de hocher la tête, un sourire appréciateur aux lèvres. Bien vu. Ça coupe la respiration et ça l’empêche de gueuler. Facultatif mais utile pour rester discrets, comme dirait son pote Chacal. Encore un biker en or. Français celui-là. Passons. La gamine passe aux poings, elle cogne sans relâche. Et ça fait marrer Kyte, de la voir aussi féroce. Elle frappe toute sa peur, toute sa haine. L’asphalte se tâche du sang qui goutte. Y’a un plus un bruit dans la rue. Que les gémissements du dealer et les phalanges qui cognent contre son crâne. Ils ont de jolies couleurs, tous les deux. L’un rouge sombre, et l’autre pâle comme un linge. Il est sûr qu’aucun d’eux osera plus emmerder Ida maintenant. Il espère un peu qu’ils passeront le mot, pour qu’elle soit tranquille. Mais il se fait pas trop de bile. C’est comme ça que ça marche en dehors de la loi et elle vient de gagner en street cred. Après un moment, le môme tombe par terre dans un râle et Kyte croit que la blonde en furie va s’arrêter mais pas du tout. Alors il l’attrape par le bras et la tire en arrière.
- Hey, hey, hey, hey, qu’il lance de sa voix traînante. Ça suffit. On s’casse.
Ida sort de son état second – encore un, les yeux rivés sur la pâte à modeler qui agonise sur le sol. Kyte trouve qu’il y a de quoi être fière, mais elle a pas l’air totalement en phase avec sa création. Il comprend pas sa réaction. Pourquoi elle a l’air flippée tout d’un coup. Il fronce les sourcils et pose sa main sur son épaule. La broie un peu, cherche son regard.
- Hey. Il le mérite. Tous les deux. Ils l’ont cherché. Alors ils t’ont trouvée. Hum ?
Il hoche la tête, lui colle une claque dans le dos. Maintenant il faut se tirer. Une sirène de police fend le silence de la nuit. Kyte attrape Ida par la main et part en courant. Il sait que les deux ploucs vont pas tarder à se relever pour foutre le camp à leur tour. Avec leurs gueules de détraqués et la poudreuse qu’ils ont sur eux, ils ont pas plus intérêt à ce que les képis leur mettent la main dessus. Tabasser du hors la loi, c’est jamais trop risqué, parce que personne a envie de se faire gauler. Il fait grimper Ida sur une poubelle, la rejoint en haut du mur et ils passent par les toits. Redescendent de l’autre côté, dans une autre rue, déserte elle aussi. Depuis le temps qu’il sévit dans le coin et traîne dans les affaires pas très nettes, il connait la ville et ses astuces. Kyte enfourche sa bécane, file son blouson et son casque à Ida. Une fois qu’elle est bien accrochée à sa taille, il mets les gaz et sa meule arrache le bitume dans un grondement caractéristique.
Se tirer de la ville. Il aime pas la capitale. Préfère son village qu’il occupe. Un instant, il hésite bien à ramener Ida chez elle, mais il sait que sa daronne gueulera. Quelle que soit la raison, elle gueule toujours. Et là, y’avait que trop d’option à choisir : qu’Ida soit seule avec Kyte. Qu’elle ait la gueule en sang. Qu’elle rentre tard. Que Kyte débarque sans prévenir. Que lui aussi ait la gueule en sang. Il sait que les excuses seront trop compliquées à trouver, et qu’elle voudra pas les écouter. Et lui, il aura juste envie de la cogner pour la faire taire, et il aime pas ça, cogner les femmes. Tant qu’il peut, il évite. Alors il embarque Ida avec lui hors d’Oslo, jusqu’à chez sa piaule. Du moins celle qu’il habite depuis le divorce, à la clubhouse. C’est qu’une chambre merdique au-dessus du bar, qui sent les vieux draps et l’alcool d’en bas. Mais il l’aime bien, s’y sent chez lui. Et puis comme y’a une fête ce soir, l’ambiance est plutôt chaleureuse. Il gare sa bécane à côté des autres customs de son club et tend sa main à Ida pour l’aider à descendre.
- Ça va ton nez ? Qu’il demande en désignant son visage d’un signe de tête. Viens, y’a peut-être un truc pour te débarbouiller à l’intérieur.
Il passe un bras autour de ses épaules et l’entraîne dans la taverne sans poser de question. Salue quelques frangins au passage. En pousse d’autres pour se tourner vers le bar. Là, il siffle entre ses doigts pour attirer l’attention d’une jeune femme qui porte un blouson du club avec le badge de « prospect ». Il se souvient plus son nom mais il l’appelle Betty, parce qu’elle a toujours les lèvres rouges et les cheveux courts et noirs.
- Hey Betty ! Lâche le bar et vient donc jouer les infirmières pour la petite.
Lui, il est trop nul pour ça. Il serait bien capable de lui nettoyer la peau avec du dissolvant. C’est même pour ça qu’il se soigne jamais. En général c’est Emelie qui s’en charge. La prez. C’est important, qu’elle dit. Et quand elle vous attrape la tête pour inspecter vos plaies, y’a pas intérêt à rechigner, sinon elle en rajoute. Il se tourne vers Ida avec un sourire et lui tapote le dos en désignant la brune qui s’éloigne vers la partie privée du bar.
- Va avec Bets, elle va t'arranger ça. Ok ? Quand tu r’viendras, y’aura d’la bonne bière pour toi.
Il s'en branle un peu qu'elle soit trop jeune pour en boire. Pas son problème. Il regarde Ida s’éloigner puis pose son cul sur un siège du bar avec un soupir. Il fait craquer sa nuque, se dit qu’il commencerait bien à tiser en attendant le retour de l’adolescente. Sauf que maintenant qu’il a envoyé la barmaid en mission, y’a plus personne pour le servir. Et merde ! Il grogne, s'apprête à se servir tout seul mais se ravise. Ses yeux se posent sur un petit blond qu’à l’air de s’emmerder sévère dans son coin. Un môme de huit ans à tout péter. Meilleur pote de sa fille, il croit bien. Le fils d’un frangin.
- Hey Siggy ! Il l’appelle dans son norvégien pourri teinté de canadien. Viens donc te faire la main derrière le bar. Sers moi deux roteuses et prend un gaz pour toi. Puis, devant l’air interloqué du gamin, il ajoute : t’entraves pas l’argot, mon loupiot ? Ça veut dire deux bières et un soda.
Ses yeux s’éclairent de compréhension et il courre faire ce qu’on lui demande. Hyperactif et sociable, ce gosse. Kyte l’aime bien. Même s'il sait que dans quelques années il devra lui coller des baignes pour lui rappeler qu’on doit pas approcher sa fille. Alors il profite tant qu’il peut encore fraterniser avec lui.
Codage par Emi Burton
Dernière édition par Kyte Savard le Jeu 15 Sep 2016 - 20:44, édité 1 fois
You have to be at your strongest when you're feeling at your weakest.
Je suis toute sonnée, Kyte essaye de me sortir de mon état second. Je sais que dans ses fréquentations, ils ont l’habitude de se faire justice eux même, et pourtant moi je n’arrive pas à me sentir bien. Je regarde le type entrain d’agoniser un moment. Et s’il mourrait? Et s’il lui arrivait quelque chose. Je ne pouvais m’arrêter de me poser des questions. Accrochée à Kyte derrière la moto, je continue à me poser des centaines de questions. D’ailleurs ma mère ne sera surement pas contente de nous voir arriver dans cet état. Je ne veux pas qu’elle me voit comme ça, elle accusera mon beau-père et les connaissant ça peut finir en bagarre. Je l’aime bien Kyte. C’est le seul qui m’aime vraiment et qui me protège. Je sais que dans le fond, c’est pas un enfant de choeur, mais qu’importe il joue bien son rôle de père avec moi et me considère comme sa fille de sang. Pourtant Ma mère et lui ça ne durera surement pas une éternité et paradoxalement il m’arrive d’avoir peur pour elle quand elle est avec lui. Je sais que pour lui, ce n’est qu’une affaire de cul et je peux le comprendre, ma mère est une belle femme et qui n’a rien d’autre que sa beauté. Elle ne sait pas aimer autre chose qu’elle m’aime et accuse le coup à chaque fois qu’elle se fait quitter. Mon père biologique l’avait quitté alors qu’elle était enceinte de moi, alors qu’il lui avait promis monts et merveilles. Je peux comprendre sa frustration et son manque de confiance envers les hommes. Pourtant, elle continue de faire d’eux sa priorité. Et si j’avais été assez proche d’elle, je lui aurait conseillé de s’éloigner de Kyte, ce n’est pas un homme pour elle, mais qu’importe. J’ai bien compris que sa vie ne regarde qu’elle et puis avec le temps j’ai appris à le connaitre et à réellement l’aimer. Il est différent des autres hommes que ma mère a fréquenté et malgré qu’il puisse être dangereux, je l’aime comme j’aurais aimé mon vrai papa s’il était resté.
Alors que je pensais qu’on allait à la maison et que je me préparais à recevoir un amas d’insultes et de questions, Kyte quitte la ville pour se rendre à un petit village à une dizaine de kilomètre de la capitale. Je sais qu’il traine par là, mais je n’avais encore jamais mis les pieds dans son bar. Il se gare, tandis que j’enlève mon casque. - Ça va ton nez ?Viens, y’a peut-être un truc pour te débarbouiller à l’intérieur. demanda t-il en me dévisageant un instant. A vrai dire, la douleur est assez forte mais je m’efforce de chouiner, histoire de rester forte devant lui. Il passe son bras autour de moi puis m’entraine dans sa taverne comme il dit. Je suis assez impressionnée par le lieu, pourtant je n’en profites pas vraiment, ranger par les remords d’avoir laisser l’autre imbécile à terre. Ma tenue n’est pas trop en adéquation avec le lieu, et si je n’étais pas la protégée de Kyte, je mettrais ma main au feu que j’aurais surement eux plus d’une main au cul. Va avec Bets, elle va t'arranger ça. Ok ? Quand tu r’viendras, y’aura d’la bonne bière pour toi. j’obéis, me laissant emporter par l’aprentit-infirmière à l’arrière. C’est une jolie femme. Une dizaine d’année de plus que moi. Je ne sais pas si Betty est son vrai prénom, mais elle a justement des airs de Betty Boops. Je parie que Kyte lui a surement passé dessus, c’est un homme qui aime les jolies choses. Je ne connais pas grand chose de lui et de toute façon ça ne me regarde pas, mais dés qu’il partage quelque chose avec moi, je prend. La jeune femme grimace en regardant l’état de mon nez. Ma mère va surement me tuer en rentrant. Je n’ai pas intérêt à lui dire la vérité, sinon ça pourrait vraiment chauffer. Faut dire que ma génitrice c’est pas le genre de maman qui vous prendra dans ses bras si vous vous faites mal, au contraire, elle serait capable de me mettre une gifle pour me punir de mettre fait mal. Je grimace et sert les dents lorsqu’elle me désinfecte. Elle oublie peut être que je suis différentes des gars costauds qu’elle a l’habitude de soigner. Elle semble hésitante, comme si elle voulait me dire quelque chose mais qu’elle n’ose pas. Après, un long silence coupé par quelques uns de mes gémissements, elle me lance : « Tu ne devrais pas être là. C’est pas un lieu pour les mineures. » . Je ne répondit pas, de toute façon je le sais très bien que cet endroit n’est pas adapté pour les jeunes filles de mon âge. Maman s’aventure parfois par là, mais je sais que depuis qu’elle se tape Kyte, elle n’a plus trop intérêt à pointer son nez dans cet endroit.
Lorsque je reviens, Kyte est déjà au bar. Je lui adresse un grand sourire et m’approche de lui. Pourtant au fond de moi, je ne suis toujours pas bien. Je m’installe à ses côtés et m’empare de ma boisson fraiche. Mes yeux se posent sur un enfant, qui n’a pas plus sa place que moi et qui du coin de l’oeil observe Kyte assez admiratif. Je me sens presque rassurer de ne pas être la plus jeune ici. Je ne veux pas passer pour une fragile mais les petites voix moralisatrices ne veulent pas me laisser tranquille. Je finis par lui demander un brin hésitante, de peur de le fâcher : « Tu crois pas qu’on devrais aller faire un tour, voir si le type s’est barré ou s’il est mort dans la ruelle? » Et puis sans oublier qu’il est déjà très tard et que si je traine encore trop longtemps tard ma mère serait capable de me mettre à la porte pour un petit moment. Kyte connaissait mes problèmes avec elle, il ne pouvait pourtant pas faire grand chose. Il avait deux, trois fois essayait de me défendre, mais rien n’y fait, cela aggravé toujours mon cas. Le mieux pour moi, c'était de pouvoir m'émanciper et de m'éloigner le plus possible de son environnement toxique.
Kyte regarde le gosse s’agiter derrière le bar. Il est tellement concentré qu’on dirait qu’il est en mission avec le club. Et ça le fait marrer, parce que ça lui donne comme un aperçu du futur. Quand le blondinet sera ado et qu’il décidera de prospecter. Il est quasiment sûr que ce sera le cas. Tous les gosses de bikers rêvent de rejoindre le club de leurs parents. Le môme revient, avec les boissons dans les bras et un grand sourire sur ses lèvres fines. Il lui gueule un truc, probablement en suédois, et Kyte comprend rien alors il se contente de ricaner et de lui ébouriffer les cheveux.
- Merci Siggy. T'es un bon gars.
Il lui répond en norvégien. Tous les nordiques sont censés se comprendre, après tout, et lui il galère déjà avec la langue qu’on parle ici, il va pas se faire chier à apprendre les autres. Il regarde le gamin escalader une chaise haute pour s’y installer à ses côtés mais se désintéresse de lui pour reporter son attention sur Ida qui arrive. Betty a fait du bon boulot. Y’a plus de trace de sang sur sa face. Que des marques roses qui donneront des hématomes violacés d’ici quelques heures. Rien que d’y penser, Kyte serre les poings. Lutte contre l’envie de sauter sur sa moto et de retourner en ville pour finir le travail. Achever le mec qui a osé lui faire du mal. Mais Ida lui offre un grand sourire, alors ça l’apaise instantanément. Elle a cet effet, sur lui. Il sait pas trop pourquoi, ni comment. Juste que peu de gens en sont capables, mais que ça fait du bien. Alors il lui sourit à son tour et tapote le tabouret libre à ses côtés pour lui faire signe de s’installer. Elle prend sa boisson, mais elle la porte pas à ses lèvres. Alors Kyte fronce les sourcils, l’observe. Ida lui semble hésitante, mais il arrive pas trop à comprendre pourquoi. Il a envie de lui dire que c’est pas grave, il fera comme s’il savait pas qu’elle était mineure et qu’elle peut boire tranquillement. Sauf que quand elle ouvre la bouche, il comprend que ses craintes n’ont rien à voir avec l’alcool qu’elle a dans les mains. Elles concernent le mec qu’elle a passé à tabac dans la ruelle. Kyte la dévisage un instant, les sourcils légèrement froncés. Il comprend pas bien ce que ça peut lui foutre, à elle, l’état de santé du connard qui lui a ravagé la face.
- Nah. Il soupire après un moment. Parce que si on y retourne et qu'on retombe sur cette raclure, je peux t'assurer que cette fois on aura plus à douter de sa mort parce que je l'achèverai moi même. Puis, voyant que ça ne la rassure pas vraiment, il ajoute : Allons, allons. Je suis prêt à parier ma Kutte et ma bécane qu’en ce moment il est en train de chialer dans les bras de sa mère ou de sa nana.
Et comme c'est les deux trucs auxquels il tient le plus en dehors de sa fille biologique, y'a pas à douter de la véracité de ses paroles. Le coup de la mère ou de la nana, c'est un dicton que leur sort Emelie, la présidente du club, chaque fois qu'ils doivent mettre la main sur des fouilles merde un peu louches. "Souvenez vous, les gars. Un mec en cavale, y’a que deux endroits où tu peux le trouver : la chatte d’où il est sorti, et la dernière où il a été se réfugier". Et ça fait marrer Kyte, parce que dans le fond, c’est pas mal vrai. Il place une main rassurante dans le dos d’Ida et cherche son regard avant de lever son verre.
- C’était une belle raclée, que tu lui as flanqué. Mais pas assez pour le buter. Alors détends-toi et bois un coup, d’accord ? Skål !
Il cogne son verre contre celui de l’adolescente et le porte à ses lèvres. La bière fraiche fait du bien à son gosier. Alors il en reprend quelques gorgées. Puis il repose son verre, hésite. Foncer dans le tas et sauver une jeune fille des griffes d’un dealer, il sait faire. Mais lui parler de trucs sérieux, c’est plus dur. Il sait pas trop comment s’y prendre, ni comment faire passer les messages. Ça aide pas qu'il se sente comme un hypocrite. Comment lui dire qu’elle devrait pas faire un truc aussi dangereux alors que cet adjectif qualifie sa vie, à lui ? Il sait pas, mais il se lance. Parce qu’il tient à elle, après tout. Et qu’il est pas certain qu’elle sache exactement ce que ça veut dire, que d’être hors la loi.
- Les types, là, tout à l’heure. Ils te voulaient quoi au juste ? Ils sont pas contents parce que tu deales sur leur territoire ?
Il lui dit pas comment il le sait, qu'elle deale. Il lui dirait pas même si elle le lui demandait. Et il va pas tourner autour du pot non plus, c'est pas son genre. Alors il prend une nouvelle gorgée de sa boisson sans la lâcher des yeux, guettant sa réaction.
Codage par Emi Burton
Dernière édition par Kyte Savard le Jeu 15 Sep 2016 - 20:43, édité 1 fois
You have to be at your strongest when you're feeling at your weakest.
Avec un peu de chance lorsque je rentrerais ma mère sera ivre morte sur le canapé et ne se rendra même pas compte de mes blessures au visage. Il faut dire que ces derniers temps, elle s’est remise à boire comme un trou. Je voudrais bien pouvoir l’aider mais ça pourrais me retomber dessus, alors pour ne pas trop l’énerver je me fais toute petite. J’essaye donc de moins rester à la maison pour éviter les coups et les insultes gratuits.
À l’école, je suis plutôt bonne élève, j’essaye d’éviter au maximum les problèmes mais ce n’est pas toujours évident. Mes profs ont conscience de mes problèmes et se montrent compréhensifs. C’est plutôt avec les autres élèves que ça ne se passe pas bien. Ma mère est connue dans le secteur et s’est forgée une sale réputation mettant en péril plusieurs couple. Du coup on m’associe à sa folie, on me traite de fille de joie, de trainée et de sale droguée. Mais c’est vrai que depuis que Kyte et ma mère se fréquentent ça s’est calmée un peu. Je me sens invincible lorsqu'il est là. Bien que je sais que ma mère finira par gâcher cette relation et qu’à son tour il finira par m’abandonner. Alors tant qu’il est là, j’en profites.
Je voudrais bien être aussi zen que lui dans cette situation mais la culpabilité me ronge. Je repense au type et j’en ai des frissons. Kyte ne doit certainement pas trop comprendre pourquoi je me met dans tout mes états mais jamais je n’avais fait de mal à quelqu’un. Malgré que c’était largement mérité, je n’arrête pas de penser à ce type. Je voudrais aller voir s’il va mieux mais Kyte n’est pas de cet avis Nah...Parce que si on y retourne et qu'on retombe sur cette raclure, je peux t'assurer que cette fois on aura plus à douter de sa mort parce que je l'achèverai moi même. Puis, voyant que ça ne la rassure pas vraiment, il ajoute : Allons, allons. Je suis prêt à parier ma Kutte et ma bécane qu’en ce moment il est en train de chialer dans les bras de sa mère ou de sa nana. je ne dis rien. Cette fois-ci, je prend une grande gorgée de ma bière. Je n’aime pas trop le goût, ni l’odeur. Ca sent la pisse. Mais je m’avise de faire tout commentaire ou de laisser apparaître quoique ce soit. C’était une belle raclée, que tu lui as flanqué. Mais pas assez pour le buter. Alors détends-toi et bois un coup, d’accord ? Skål ! jCette fois-ci, il m’arrache un sourire. C’est sa prononciation merdique et assez approximative qui m’amuse, pour ne pas le vexer je ne le reprend pas et me contente de lever mon verre. « Skål!»
Lorsque j’étais bébé ma mère ajoutait un peu de vin dans mon biberon pour que je puisse dormir. Elle était plutôt fière de sa connerie et le conseillait à certaine de ses copines. Les types, là, tout à l’heure. Ils te voulaient quoi au juste ? Ils sont pas contents parce que tu deales sur leur territoire ? j’en perd le sourire et sens le rouge me monter aux joues. D’où il sait ça? J’évite son regard pour ne pas trop me trahir. « Je ne deale pas. » mentis-je. Depuis que ma mère avait arrêté de travailler on ne s’en sortait plus trop à la maison. Elle avait du mal à se faire embaucher à cause de son manque de sérieux et son alcoolisme. A son dernier taffe, elle avait été surprise entrain de voler dans les caisses. Depuis, on croirait qu’elle est marqué au fer rouge. Pourtant aucune de nous n'est prête à admettre que nous sommes au bout du rouleau et notre orgueil nous empêche de demander de l’aide aux proches.
« Je rendais juste service à un copain. » continuais-je sans jamais lever les yeux vers lui. Je n’ai pas envie que Kyte me réprimande ou me juge bien que ce ne soit pas trop son genre. Au fond de moi j’étais honteuse de ce que je faisais, ce n’était pas l’image que j’aimais donner de moi. Je touchais la moitié du gain, ce qui n’était pas mal puisque cela me permettait de payer le loyer et remplir un peu le frigo. C’est un gars du quartier qui m’a dégoté ce boulot, me mettant directement en relation avec des fournisseur. Le bon côté des choses c’est que ça ne me fatiguais pas beaucoup pour les cours. Je me retourne vers Kyte : « Mais s’il te plait, ne dit rien à Maman. En ce moment, c’est un peu la merde pour elle. Pas la peine de lui causer d’autre soucis. » Je ne sais pas vraiment comment elle le prendrait et ces derniers jours l’un de ses copains l’a quitté. Elle en a pleuré des jours et des jours. Je ne peux pas en parler à Kyte parce que je sais que sa situation avec ma mère est aussi compliquée.
La réaction d’Ida est instantanée. Alors qu’elle souriait deux secondes plus tôt, sa mâchoire se crispe et le rouge lui monte aux joues. Elle se détourne, fuis le regard de Kyte. Proteste. Mais il est pas dupe. Alors quand elle lui dit qu’elle ne deale pas, il répond rien. Il se contente de l’observer, jusqu’à ce qu’elle ajoute rendre service à un copain. Kyte soupire et secoue lentement la tête.
- Ouai. Appelles ça comme tu veux.
Qu’il lui répond avec un petit rire sans joie. Sauf que la gamine, ça la fait pas rire du tout. Il voit bien qu’elle évite son regard. Il se doute même que si ça ferait pas bizarre, elle aurait déjà glissé pour se planquer sous la table. Mais Kyte, il est pas là pour l’emmerder, et encore mois pour la juger. Et il sait pas trop quoi dire pour lui faire comprendre qu’il est de son côté, mais que ces conneries, faut qu’elle arrête tout de suite. Il sait pas, alors il reste un peu planté comme un con et s’enfile le reste de sa bière. Comme ça. Pour essayer de retrouver un peu de contenance. Au final, c’est elle qui reparle la première. Et pour la première fois depuis qu’il a abordé le sujet, elle cherche à nouveau son regard. Le supplie de ne rien dire à sa mère. Kyte fronce légèrement les sourcils. Il comprend pas pourquoi elle se sent obligée de préciser ça. La loyauté, c’est un des piliers de base de ses valeurs. Jamais il irait balancer la gamine à sa mère. Il sait bien que ça ferait du bien à personne. La confiance est pas au beau fixe entre les deux femmes, et le courant passe pas. Ça rajouterait juste de l’huile sur un feu qui brûle déjà. Alors il secoue la tête et met la main sur l’épaule d’Ida. Cherche son regard.
- Hey, qu’il dit d’une voix douce. J’vois pas ce que je pourrai lui dire, à ta mère. Puisque tu deales pas. Hein ?
Il ajoute avec un clin d’œil, et un petit rire. Comme ça. Pour lui faire comprendre qu’il a bien compris et qu’il est pas né de la dernière pluie. Il resserre un peu son étreinte sur l’épaule de l’adolescente puis lui donne un petit coup sur l’omoplate avant de faire signe à Betty de lui resservir la même chose. Ensuite, il frotte la barbe sur mon menton avec sa main, songeur.
- Mais si jamais y te prenait l’envie de te lancer là-dedans, y’a deux ou trois trucs qu’il faut que tu saches. Déjà, c’est pas un lieu pour une ado de quinze ans. Les mecs qui traînent dans ces affaires-là, ils traitent les gonzesses comme du bétail, et tu s’ras jamais en sécurité. Alors j’sais bien ce que tu vas m’dire. Que je suis pas net non plus et que je viens de t’amener dans un bar à bikers hors la loi. Il hausse les sourcils, amusé, et essuie la paume de ses mains sur ses genoux, puis désigne la pièce d’un doigt vengeur. Mais ici, y’a pas un mec qui oserait te manquer de respect. Parce qu’on sait qu’une femme, c'est l'égale d'un homme. Et, comme pour appuyer ses paroles, il se tourne vers le gosse blond qui traîne toujours à leurs côtés. Pas vrai Siggy ? Ton père il t’apprend ça, hein ?
Le môme hoche frénétiquement la tête, alors Kyte opine à son tour. Avec une femme présidente, y’a pas trop le choix de toutes les façons. Ce club-là, il rentre pas vraiment dans le cliché biker pour cette raison. Alors les mecs qui veulent les rejoindre, c’est tous des gros durs au cœur mou. Et Kyte fait pas exception. Il remercie Betty pour la bière, prend une longue gorgée, et se tourne à nouveau vers Ida.
- Tu sais, dans la vie y’a rien de facile. Il dit avec un soupir. Si un truc te permet de gagner plein de blé en peu de temps, c’est qu’y a une couille. Et dans ce milieu-là, elles vont s'entasser tellement rapidement que t’auras l’impression de pas pouvoir en sortir. Des conflits avec tes concurrents. Des dettes envers tes fournisseurs. Des clients qui te foutent un couteau sous la gorge, parce qu'ils en ont rien à foutre de te saigner dans la rue du moment qu'ils peuvent s’enfiler leur merde gratuitement. Il marque une pause, soutien son regard. Mais c’est pas vrai. Tu peux toujours en sortir. Et je peux t’aider.
Il soupire, finit sa bière d’une traite et détourne les yeux.
- Laisse-moi t’aider. Vous aider. Toutes les deux.
Il ajoute à voix basse. Parce qu’il oublie pas sa mère, dans l’histoire. Ça le fait chier d’apprendre qu’elle a des problèmes en ce moment. Mais ça pourrait expliquer pourquoi ils s’engueulent presque plus souvent qu’ils baisent. Et Kyte, c’est pas un héros. En général il arrive déjà pas à mettre de l’ordre dans sa vie alors il prétend pas pouvoir ranger celle des autres d’un coup de baguette. Mais apporter son soutien, il sait faire. Et parfois, les gens ont pas besoin de tellement plus.
Codage par Emi Burton
Dernière édition par Kyte Savard le Jeu 15 Sep 2016 - 20:43, édité 1 fois
You have to be at your strongest when you're feeling at your weakest.
Au fond, je n’ai pas vraiment mentie. J’ai juste un peu maquillé la vérité. Lorsque ma mère a perdu son job, nous avons eu besoin d’argents pour continuer à vivre. Mon jeune âge et mon manque d’expérience faisait que j’étais systématiquement recalée à chacune de mes demandes. Puis, Yan, un type plus vieux que moi qui vivait à deux maisons de la notre m’a proposé de l’aider dans ses affaires. Je n’ignorais pas le fait qu’il avait le nez dans des affaires louches mais jamais il ne m’aurait mis en danger. S’étant fait remarqué par les flics, il avait intérêt à se faire discret et c’est comme ça qu’il m’a demandé de bosser à sa place, tout le monde était gagnant. Je sais qu’au fond je n’aurais jamais du accepter mais je me sais suffisamment forte pour pouvoir vite sortir de ce monde, dès que l’on pourra retrouver un semblant de vie normal.
Je soupire lorsque Kyte me reprend. C’est vrai que ça pue la contradiction ce que j’ai dit, mais il y a tellement de choses qu’il ne sait pas. Ma mère n’est pas toujours très nette mais ça n’en reste pas moins ma mère. Et puis, il y a certaines choses qu’il vaut mieux qu’il ne sache pas. Leur histoire n’a rien de sérieux certes, cela n’empêche pas que Kyte se sent un minimum concernée par ses conneries. A mon tour je fronce les sourcils lorsqu’il se met à rire. Je ne veux pas qu’il sache parce que je sais qu’il mettra ses hommes sur mon dos, et puis si c’est pas lui qui le répète, quelqu’un d’autre finira par le faire. D’un ton un peu plus ferme je lui lance : « Je te l’ai déjà dit. Je ne deal pas, je rend service. ». Tout ce qu’il m’avait dit je le savais déjà, ou je l’avais déjà vécu. Entre les mains un peu trop baladeuse, les remarques malintentionnée et sexiste, j’avais déjà eu le droit à ma part de gâteau. Cela ne m’empêchait pas de continuer à faire ce que je pensais juste à ce moment. A 15 ans, on ne vous fait que rarement confiance mais au moins j’arrivais à prouver que je n’étais pas qu’une bonne à rien comme aimer le dire ma mère. Kyte pris en témoin le petit blond qui n’avait rien à faire là. Je lui ai jeté un regard noir, comme pour lui faire fermer sa gueule. De toute façon, on sait tous qu’il ferait n’importe quoi pour impressionner le biker, alors lui donner raison ce n’était rien. Même si je ne l'avouerai jamais, j'aimais bien le fait que Kyte me prennent la tête comme un "vrai papa", ce qui me disait m'agaçait mais ça montrait qu'il me portait de l'intérêt.
Et puis, je vois bien qu’au fond il aimerait bien savoir ce qui me tracasse même s’il adopte un peu cette attitude je-men-foutiste qui lui est propre. Kyte c’est un peu le papa qui ne veut pas trop assumer son rôle de papa et qui se comporte avec toi d’égal à égal pour que tu lui avoue tout tes secrets. Et même si je me crois toujours trop maligne pour ce genre d’approche, je me laisse avoir. Après tout c’est Kyte, je sais que je peux tout lui dire et que peut-être, il m’aidera à trouver une autre solution : « Maman a encore perdu son job. » Ce n’est pas la première fois qu’elle le perd, mais elle a de plus en plus de mal à se faire accepter. Je crois que si je n’étais pas là, il y a bien longtemps qu’elle ferait partie des marginaux. Même si elle dit ne pas m’aimer, que je ne suis qu’un amas de problèmes et toutes les insultes qui s’en suive, elle se sent obliger de se responsabiliser un minimum. Sa mère était elle-même très dure avec elle. Elle n’a pas attendu longtemps avant de la mettre dehors et c’est comme ça qu’elle a rencontré mon père et qu’elle en est à la vie qu’elle a aujourd’hui. Avec elle, je me suis toujours sentie de trop mais je n’ai jamais trop eu le choix que de la supporter.
Je finis ma bière. Du moins je me force car le gout ne me plait pas vraiment mais que j’ai soif. J’ai l’impression de boire de la pisse de clochard, c’est peut être l’odeur. Je sais que ça le tue de l’intérieur qu’on ne le laisse pas trop nous aider. En même temps nos relations sont assez conflictuel pour qu’on en mêle une tierce personne; Je hausse les épaules avant de dire : « Tu sais, pour le moment y a pas grand chose à faire. »; résignée j’avais vu ma mère se faire larguer des milliers de fois, et c’était toujours la même chose : « Ça finira par lui passer, et elle se remettra à chercher du travail. » lui dis-je avec un petit sourire triste. Je me sentais impuissante face à cette situation : « Faudrait juste qu’elle ne prenne pas trop son temps. Les cours reprennent bientôt. » dis-je me rappelant que la rentrée c’était dans moins d’un mois et que je ne pourrais plus la gérer aussi. De nouveau je soupire, une idée m’avait traversé l’esprit quelque temps auparavant mais que j’avais finalement du laisser tomber à l’eau. « Tu sais, j’ai essayé d’appeler mon géniteur y a quelques jours pour lui expliquer la situation. » de nouveau je lasse un petite rire faux, comme pour me détacher un peu de la situation qui au fond me faisait énormément mal : « je ne sais pas pourquoi, je me suis dit que peut être Samantha pourrait aller se reposer en psychiatrie et que moi j’aille m’installer chez lui un moment. Et quand je lui ai dit ça, il m’a demandé de ne plus l’appeler. » jamais il n’avait fait un pas vers moi. Il ne m’a jamais donné ma chance, savoir qui j’étais, comment j’étais. Il m’avait laissé à ma mère. Lui, sa vie était toute refaite. Il s’était mariée à une autre femme et avait eu d’autres enfants. Ils vivaient dans la banlieue sud d’Oslo et il travaillait pour une boite américaine. Ils avaient une voiture familiale, un jardin et un chien. De ce que Samantha m’avait raconté une fois. J’étais triste au fond de moi que même en faisant un pas vers lui et que la seule fois où je décide de mettre ma fierté de côté il me repousse. « J’ai vraiment des parents à chier, tu ne trouves pas? » dit-je en plongeant tristement mon regard dans le sien.
Ida essaie encore de broder autour de la réalité. D’affirmer qu’elle deale pas. Qu’elle fait que rendre service. Et ça l’énerve, Kyte, alors il balaie sa remarque de la main avec un grognement.
- Me prends pas pour un con, Ida. On sait tous les deux c’que tu fais.
Il assène entre ses dents. Il se passe une main sur le visage, soupire, et reprend une gorgée de bière. Kyte veut pas s’engueuler avec elle. Il voudrait juste qu’elle se cache pas derrière des fausses excuses. Qu’ils trouvent une meilleure solution à son problème de blé, ensemble. Une qui lui éviterait d’avoir à récupérer son cadavre dans un fossé d’ici quelques mois. Ou d’aller buter tout un tas de con si jamais elle se retrouve dans une tournante. Parce que c’est ça, la réalité du feu avec lequel elle joue. Un mec qui deale risque sa vie. Pour une nana c’est sa vie, et le viol en prime. Parce que dans ce monde de merde, y’a encore des cons qui s’imaginent que c’est cool et viril, de torturer les femmes de cette façon. Et Kyte, il veut surtout pas ça, pour elle. Il le supporterait pas. Surtout s’il sait qu’il aurait pu lui éviter. En les épaulant, sa mère et elle. Sauf qu’Ida, elle a l’air convaincue qu’il peut pas faire grand-chose pour elles. Et ça le frustre pas mal, qu’elle pense ça. Elle lui dit que Samantha a perdu son job, mais que ça va lui passer et qu’elle va en trouver un nouveau, de préférence avant la rentrée.
- Ça veut dire que quand tu r’prends les cours, t’arrêtes tes conneries avec la came ?
Il demande avec un sourire acide. Il aimerait bien que ce soit le cas. Comme ça même si elle refuse d’entendre raison, il aurait qu’à envoyer quelques prospects veiller discrètement sur elle jusqu’à la fin du mois d’aout. Après, elle serait bien forcée d’arrêter ce délire malsain et il pourrait dormir tranquille. Sauf qu’Ida, elle a pas l’air de trop avoir envie de parler de ça, alors elle change de sujet. Elle lui parle de son géniteur. Et Kyte sait pas grand-chose de ce type à part que c’est un connard qui s’est barré quand sa mère est tombée enceinte. Le genre de mec qui mérite qu’on lui lime les bourses jusqu’à ce qu’il puisse plus se reproduire. Un môme, c’est une responsabilité. Et Kyte aime pas les gens qui assument pas leurs responsabilités. Ça témoigne d’un manque d’honneur, il trouve. Ça impose pas le respect. Alors il est même pas surpris quand Ida lui dit que le faux-derche l’a rembarrée, qu’il lui a demandé de plus le contacter. Il secoue la tête et pousse un soupir. Repose sa main sur l’épaule de l’adolescente.
- Ouai gamine. J’adore ta mère, mais tu peux l’dire : t’as des parents à chier. Puis, il lève son doigt devant elle, et fronce les sourcils. Cherche son regard. Mais j’vais te dire un truc. C’est pas une excuse pour aller foutre ta vie en l’air avec des conneries. Les rêves, c’est pas que pour ceux qu’on une vie idyllique. En fait c’est surtout pour les gens comme toi, et moi. Alors faut pas qu’t’ai peur d’en avoir. Et faut pas qu’t’ai peur de les suivre. Chaque fois qu’tu fais un truc, demandes toi si c’est un pas dans la bonne direction ou dans la mauvaise.
Et vendre de la drogue, il est plutôt sûr que ça rapproche des rêves de personne. A part de connards narcissiques qu’aiment bien rendre les gens dépendant, il pense. Cette merde, Kyte en reste éloigné. Justement parce qu’il sait que c’est une pente glissante. Que s’il commençait, il pourrait pas s’arrêter. Y’a trop de bordel dans sa tête pour que ce soit pas une rencontre explosive. Qu’il saute pas sur une pseudo solution qui bouffera le peu de neurones qu'il lui reste encore. Et parlant de neurones, il peut pas s’empêcher de tourner en boucle un truc qu’Ida a dit plus tôt. Qu’il est pas certain de comprendre.
- Y’a un truc qui me turlupine, dans ton histoire. Il dit songeusement. Hésite. Pourquoi tu penses que ta mère devrait aller s’reposer en psychiatrie ? Y’a un truc que j’sais pas ?
Qu’elle soit tarée, il a aucun doute là-dessus. Mais lui aussi, il est un peu attaqué du ciboulot. Comme Lenore, et tout un tas d’autres mecs et de nanas en or avec qui il passe le plus clair de son temps. Mais pour autant y’en a aucun qu’est jamais allé en psychiatrie. Parce que ça, c’est plutôt pour ceux qui en souffrent, il pense. Et ça l’inquiète pas mal, d’imaginer ce qui se passe dans la tête de Samantha pour qu’elle ait à s’exiler quelques semaines dans un asile.
Codage par Emi Burton
Dernière édition par Kyte Savard le Jeu 15 Sep 2016 - 20:43, édité 1 fois
You have to be at your strongest when you're feeling at your weakest.
Kyte finit par s’énerver et c’est légitime. Je fronce les sourcils mais n’ose plus trop lui tenir tête, de toute façon on sait tout les deux qu’il a raison. Je reste un moment silencieuse, ça me fait vraiment chier qu’il insiste sur ça. Ce que je fais, je ne le fais pas forcément par gaité de coeur, le manque de fric et la démotivation de ma mère me force à prendre les choses en main. Comment expliquer ça à Kyte. Hello tonton, maman et moi sommes fauchées, du coup j’ai trouvé que ça pour réussir à payer le loyer. Dans le fond, parfois j’ai l’impression que tout ne tourne pas rond chez moi non plus. Je fais des choses contre mes principes, je refuse ensuite de les assumer pour pas que mon image se dégrade. Dans les yeux de Kyte, je vois de l’estime, du coup je n’ai pas forcément envie qu’il sache que je me comporte mal. Il s’est souvent moqué de moi, de ma morale bien que je vienne d’un milieu assez marginale. Pourtant vous avez beau vouloir respecter les lois, parfois vous vous trouvez en mauvaise situation et vous n’avez plus le choix que de faire entorse aux règles. Kyte c’est un peu mon papa, bien qu’il n’en est ni l’étoffe ni l’expérience. Je sais qu’il serait prêt à tout pour me sortir d’une mauvaise misère.
Je soupire sans trop regarder dans sa direction. Je me terre dans un silence qui ne me ressemble pas. Qu’est ce que je peux bien lui dire pour qu’il me laisse tranquille à propos de ce sujet. De toute façon ce n’est pas comme s’il n’y avait jamais touché, mais quand il s’agit de moi ça doit être différent. Et puis c’est pas comme si j’en prenais, c’est juste que j’en vend, à des touristes venu à Oslo pour faire la fête. Il n’y a pas vraiment de mal à ça. Chacun assume sa part de responsabilité, je donnes aux riches, contre quelques sous qui peuvent m’aider à manger, à acheter quelques fringues et basta. Kyte me pose une question. Encore une fois je prend du temps à répondre. D’ailleurs, je ne répond pas vraiment, je me contente d’hocher la tête de haut en bas. Je déteste devoir promettre quelque chose à quelqu’un, je me sens obligé de tenir ma parole. Pour m’échapper du sujet, je décide de parler de mon père. Mon vrai père. Kyte ne doit pas ignorer la relation que mon père biologique a avec maman et moi. Surement lui en a-t-elle déjà parlé entre deux séances de galipettes. Mon regard se plonge dans le sien. Je dois vraiment avoir l’air d’un chien battu, mais c’est vrai qu’à chaque fois qu’on parle de ce sujet, je me sens triste. Il me parle de rêve, de vie en général et qu’il ne faudrait pas que je laisse tomber mes projets. Des fois, j’ai juste envie de tout foutre en l’air. Me dire fuck et laisser tout derrière moi. Au pire, y a pas grand chose qui pourrait me retenir à Oslo, et d’ailleurs je ne manquerai pas à grand monde. Et puis, je me rappelle que pour le moment je suis encore mineure et que je ne peux pas faire grand chose à part attendre mes dix-huit ans avec impatience. Je ne sais pas pourquoi mais les larmes me montent aux yeux, et bien que je résiste fort pour ne pas pleurer devant Kyte, j’en laisse une s’échapper sur ma joue puis me jette dans ses bras pour le serrer très fort. Au fond faut pas oublier, je n’ai que quinze ans et j’ai parfois l’impression de porter sur mes épaules tout les malheurs du monde.
Je dois être resté un moment dans cette même position, mais j’ai besoin de réconfort. Et lorsque je finis par me délacer de lieu, il revient de nouveau sur ce que j’ai dit tantôt à propos de ma mère. C’est vrai que lui la vois d’un oeil amoureux, bien que je ne sois pas sure que ce soit de l’amour entre eux. D’ailleurs, je n’ai jamais pu saisir leur relation. Il arrivait à rendre ma mère plus heureuse, il l’écoutait et ne la considérait pas comme une folle. Et pourtant, des fois ça allait très mal entre eux, au point d’en arriver aux mains et aux insultes. Mais c’était comme s’il la traitait comme une personne raisonnable. Chose que peu de monde faisait avec elle, même pas moi. Faut dire qu’elle avait deux personnalités assez distinctes et parfois ses changement d’humeur me faisait peur. Je finis par dire : « Ben tu sais bien… » en fait, je n’ose pas trop descendre ma mère devant lui, surtout qu’il a l’air de nier l’évidence de son côté aussi : « Maman n’est pas tout a fait raisonnable. Elle peut être heureuse un matin et au bord du suicide quelques heures après. » dis-je, en espérant avoir été suffisamment clair pour ne pas avoir à utiliser les termes de skyzo ou de folle à lier. Je soupire une nouvelle fois : « Je t’avoue que c’est pas facile pour moi tout les jours. Elle peut être super sympa puis sans raison s’en prendre à moi et devenir complètement parano. » je ne sais pas trop ce que j’ai fais au bon Dieu pour m’avoir donné une mère aussi cinglé. Je sirote le fond de mon verre. Il faudrait vraiment que j’y aille si je ne veux pas finir la soirée sur le paillasson.
Kyte est un peu surpris de voir la larme salée rouler sur la joue de l’adolescente. Il pensait pas que ses dires la toucheraient autant. Alors il tend les bras vers elle et l’attire dans une étreinte qu’elle lui rend au centuple. Il sourit dans ses cheveux à l’odeur de shampoing et pose un baiser sur son crâne. Comme ça, parce qu’il sent bien que quelque part, elle en a besoin. D’un peu de tendresse. D’un semblant de présence paternelle. Et même si Kyte est bien mal placé pour remplir ce rôle, il reste plus apte que le géniteur de la môme ou encore sa mère. Monde de merde. Enfin, il sait que Samantha fait de son mieux avec ses propres limitations. Et il est lui-même loin d’être un père exemplaire, alors ça lui viendrait pas de la juger. Mais la remarque d’Ida sur l’asile, ça le travaille un peu, alors il peut pas s’empêcher de la question pour tenter d’en savoir plus. Et la blondinette, ça à l’air de la surprendre, alors elle le regarde, un peu perplexe. Hésite. Puis elle finit par lui expliquer d’une petite voix que sa mère est pas « tout à fait raisonnable » et que ses humeurs passent d’une brise joyeuse à une ravageuse tempête. Il hoche la tête avec un soupir.
- Ouai, j’sais bien. J’sais bien.
Il confirme simplement. A la base, Samantha, c’était juste une nana plutôt bien conservée dans laquelle il aimait trouver une sorte de refuge certaines nuits froides. Il avait jamais prévu de construire quoi que ce soit avec elle. Et peut-être bien que si elle était plus normale, il aurait tiré son coup sans jamais la rappeler. Mais elle a cette fougue dangereuse qui l’attire. Ce feu inquiétant dans son regard comme dans ses veines. Et Kyte croit même que c’est une des raisons pour lesquelles il se la tape toujours. Parce que quelque part, dans les méandres tordus de son bordel mental, elle lui fait penser à Lenore. Sa douce et féroce Lenore, atteinte d’un trouble borderline ou bipolaire. Il sait pas trop. Juste qu’il y a un truc dans son cerveau qui lui ronge les circuits et qui la pousse régulièrement à bout. Et Lenore, putain, comme il a pu l’aimer. Dans toute son intensité, tous ces excès. Sa passion mordante comme ses colères dévastatrices. Son rire et ses larmes. Son courage et ses peurs. Sa confiance et ses doutes. Comme il l’aime encore. Et puisqu’il peut plus l’avoir, puisqu’elle l’a foutu à la porte et lui a dénié son amour, il essaie de la retrouver dans une autre. Désespérément. Inlassablement. Jusqu’à en crever. Il ferme les yeux un bref instant, et prend une longue gorgée de sa bière. Puis tend la main vers le whisky et boit directement au goulot. Ça tire dans ses entrailles et il a pas envie de ressentir ça. Pas maintenant. Et en général, l’alcool, ça fait un bon pansement. Ida soupire et il reporte son attention sur elle alors qu’elle reprend la parole. Et il réalise que ça doit vraiment la bouffer d’avoir une mère pareille. De pas pouvoir se reposer sur une sorte de stabilité. Les parents de Kyte, ils étaient pas parfaits, mais au moins ils étaient cohérents dans leur connerie. Ça aide un peu l’air de rien. Il secoue la tête et pose sa main dans le dos d’Ida, et lui caresse paternellement avec un petit sourire.
- Tu sais ma grande, on choisit pas sa famille. On peut juste essayer d’en tirer le meilleur. Profite de ta mère quand elle est sympa. Tires toi de la baraque quand elle t’emmerde. Il hausse les épaules, boit un nouveau coup et laisse échapper un petit rire. Moi, en tout cas, c’est c’que j’fais avec elle. Il lui fait un clin d’œil et tape dans son dos avant de reposer sa main sur la table. Alors hésite pas à m’appeler, on se fera une petite virée le temps qu’elle descende en pression. D’accord ?
Parce qu’il a envie de l’aider, Ida. De la tirer des griffes parfois aiguisées de Samantha. Et de lui faire comprendre qu’elle doit pas forcément être l’adulte, tout le temps. Qu’elle a le droit de demander de l’aide. De pas tout prendre sur ses épaules comme si elle est la seule personne capable de le faire sur cette maudite planète terre.
You have to be at your strongest when you're feeling at your weakest.
Chez nous, l’amour est pudique. On montre très peu ses sentiments. Pourtant avec Kyte c’est différent, je n’ai pas peur de lui montrer ce que j’ai dans le coeur. Jusque là, je n’avais jamais eu l’impression d’être aimée de cette manière. Je me blottis un moment dans ses bras, son parfum est fort, une odeur un peu fruité, mélangé à celle du tabac froid et de la bière. C’est peut être moi qui suit trop exigeante, je n’ai pas l’impression de vivre mon adolescence comme toutes les autres filles de mon âge. Maman deviens de plus en plus incontrôlable. Je n’arrive plus trop à la suivre dans ses conneries et je ne sais pas si c’est parce que j’ai grandi ou qu’elle divague complètement. J’ai souvent honte d’elle, c’est malheureux de penser ça de ses parents mais il faut bien l’avouer, elle n’est pas tout à fait net et les gens s’en rendent compte rapidement. Les seuls personnes qui semblent encore l’apprécier et lui accorder du temps ce sont les hommes qu’elle côtoie. Il faut avouer qu’elle est jolie dans l’ensemble, si ce n’est ses dents qui ont noircit à force de prendre n’importe quoi. Je sais que dans le fond elle regrette un peu qu’on ait pas eu de relation mère-fille fusionnelle. Elle le voit bien dans ma façon de la garder, j’ai beau ne pas vouloir l’accabler, je lui en veux sur beaucoup de chose. Elle aurait dû avorter quand elle en avait l’occasion. C’était pas comme si elle n’avait pas penser à le faire, d’ailleurs elle ne s’en ai jamais caché que j’étais une erreur de parcours avec laquelle elle devait vivre.
Kyte se veut rassurant, certes ses mots me vont droit au coeur. C’est un peu le seul de mon entourage qui saisit un peu le mode d’emploi de Samantha. Je ne sais d’ailleurs même pas pourquoi il continue à la supporter. Elle se montre tout aussi violente et virulente avec lui, mais lui peut se défendre. Au pire, il ne risque rien et il peut très bien l’éviter quand elle le saoule. D’ailleurs, c’est ce qu’il me conseille de faire. Partir quand elle devient hystérique. C’était ce que je faisais parfois mais ce n’était pas forcément la solution. Ma mère était un cas, et il fallait bien l’avouer. Je hoche la tête poliment au conseil de Kyte, un petit sourire au lèvre bien que mon visage entier reste peu expressif. J’en oubliais presque mon agression qui m’avait fait atterrir dans ce bar.
« en tout cas, merci d’être toujours là pour moi. »
lui dis-je en attrapant sa main. A vrai dire, je ne sais pas vraiment s’il sera toujours là. Je ne sais pas pourquoi, mais dans mon fort intérieur, je sens qu’un jour, lui aussi partira. Personne ne veut s’occuper d’une ado à problème. Il sait avoir les mots justes, je sais qu’il m’aime très fort mais quand sera t-il le jour où ma mère lui mettra le bon coup d’adieu. Quand sera t-il s’il fini par rencontrer une autre femme, comment pourra-t-il lui expliquer la relation qu’il a avec la fille de son ex? Je ne me fais pas de fausses illusions, de toute manière tout le monde finit toujours par me laisser. Ca doit venir de moi le problème. Je finis presque cul sec le fond de mon verre de bière, tapant ce dernier sur le comptoir du bar.
« Je crois qu’il faut vraiment qu’on y aille. »
finis-je par dire plus fermement. Kyte avait enchainé les verres et je n’étais plus trop sur qu’il ait encore le droit de conduire avec tout ce qu’il avait avalé. Ou pire, si j’allais rentrer saine et sauve chez moi. Pourtant nous étions bien trop loin de chez moi pour que je ne prennes le risques de prendre les transports en communs désormais occupé par tout les clochards et les prostituées d’Oslo. Enfin, ce n’était pas comme si je ne l’avais jamais fait, mais ma dernière expérience a été tellement traumatisante que je préfère encore rentrer à pied.
Kyte ferme les yeux et hoche la tête, pour accepter les remerciements de la jeune fille. Dans le fond, il comprend pas trop pourquoi elle se sent obligée de le faire.
- C’est normal.
Qu’il lui assure avec un haussement d’épaules. Et il le pense. C’est ce que fait le club. Protéger ceux qui en ont besoin. Veiller sur eux. Animaux, femmes, enfants. Hommes aussi, parfois. Même si faut avouer que la plupart du temps c’est eux qui sont à l’origine de toutes les couilles que subissent les autres. Mais Pour Ida, ça signifie plus que ça. Il le voit bien à la façon dont elle attrape sa main. A la lueur de gratitude qui brille dans ses yeux d’eau. Alors il incline la tête et lui sourit avec tendresse. Et il comprend pas trop pourquoi, mais il lit dans son regard une certaine tristesse. Et ça lui donne envie de cogner quelque chose. Parce qu’elle est qu’une enfant, et que les enfants devraient pas avoir à traverser toutes ces merdes. A souffrir. Et pourtant, il sait qu’elle est costaude. Mais c’est pas une raison, il trouve. Il la regarde s’enfiler son verre de bière et opine à nouveau quand elle lui dit qu’il faut y aller. Dans le fond, lui, il est pas certain que ce soit une bonne idée. Elle ferait mieux de rester dormir ici. Parce qu’il sait trop bien comment Samantha va réagir en les voyant débarquer tous les deux. Cette grande tarée va encore se faire un délire tordu et se mettre à beugler. Surtout qu’il a pas voulu la voir ce soir, alors elle va pas comprendre ce qu’il peut foutre en compagnie de sa môme. Mais dans le fond, Kyte s’en fou pas mal, de ses émotions. C’est pas pour ça qu’il est avec Sammy. Il veut bien lui prêter ses bras pour la serrer et sa queue pour qu'elle joue avec. Mais pas son cœur. Ça, il a déjà donné. Et il peut pas encaisser aussi rapidement après Lenore. Il a toujours été honnête de ce côté-là, Kyte. Il a rien à cacher.
- Si tu le dis ma grande.
Il répond simplement. Il finit son whisky d’une traite et expire bruyamment en le reposant sur la table. Il vérifie qu’il a bien ses clefs dans sa Kutte en cuir végétal aux couleurs du club, puis il se lève de ton tabouret et marche droit vers le parking. En passant, il choppe un casque féminin à l’entrée du club et le tend à Ida. Il a pas l’intention de se planter, mais la sécurité, c’est important. Et un casque trop grand, ça sert à rien en cas de chute. Il enfile le sien, enfourche sa bécane, et met le contact.
- Y’a plus qu’à espérer que la gnôle ait déjà assommé ta mère.
Il plaisante d'une voix morne avant d’arracher le bitume. Ça pourrait pas mal l’arranger, qu’elle soit trop défoncée pour lui prendre la tête. Peut-être même que si elle pionce, il pourrait se glisser dans les draps à côté d’elle et la serrer contre lui. Comme une sorte de peluche chaude. Ouai, ça serait pas forcément une mauvaise idée. Mieux vaut ça que de retourner au bar et finir collé-serré avec le gros Bobby et une bouteille d’alcool bien entamée. L’image le fait rire tout seul, probablement parce que c’est déjà arrivé une ou deux fois au cours des derniers mois. Puis son sourire s’efface, et le sérieux revient. Mais plus léger, comme chaque fois qu’il conduit. L’air frais de cette nuit norvégienne lui fouette le visage et le cou. Une sorte de vent de liberté. Et ça lui fait du bien. Ça l’aide à dégriser un peu, aussi. Et c’est pas mal pour un mec censé conduire avec une gosse à l’arrière. Enfin, il arrive dans la rue où Ida vit avec sa mère. Il s’arrête une bonne centaine de mètres avant la baraque.
- On va essayer de pas la faire sauter de ses gonds, il explique en retirant son casque qu'il repose sur le guidon. Puis il descend de la moto et lui tend la main pour l’aider. J’te raccompagne quand même. Jusqu’à la porte, au moins.
You have to be at your strongest when you're feeling at your weakest.
Ma mère était une alcoolique finie, Kyte le savait. Elle ne pouvait pas passer une journée sans boire. Parfois, plus que d’autres. Ces derniers temps, rares étaient les fois où je la retrouvais sobre à la maison. Si elle ne s’en prenait pas à moi physiquement, c’était les paroles qui pouvaient blesser. Des insultes que j’avais appris à ignorer, ne prenant même plus en compte tout ce qui pouvait sortir de sa bouche. Je n’ai eu que très peu de bons souvenirs avec elle. J’avais trop tôt appris à me démerder seule. Mon visage lui rappelait l’homme qui l’avait abandonné. Pourtant, je lui ressemblais beaucoup plus qu’à lui. Il n’était pas prêt à avoir un bébé et était parti sans explication. Il m’arrive souvent de me demander ce que ça aurait pu être s’ils étaient restés ensemble et s’il avait assumé un enfant. Samantha n’aurait pas été aussi malheureuse. Peut être même qu’elle m’aurait aimé comme une maman normale. Elle ne boirait pas, n’aurait pas les dents aussi jaunis par l’alcool et la cigarette. Elle m’emmènerait à l’école, me préparera mon déjeuner. Et puis s’inquiéterait pour moi, lorsqu’à 15 ans je ne rentre pas de la nuit. Au lieu de ça, j’ai plus de chance d’être accueilli par une pluie d’insultes. Avec un peu de chance, comme Kyte l’a dit, elle sera trop saoule ou trop endormie pour se rendre compte de mon absence. D’ailleurs sa remarque m’arrache un petit sourire. Sa façon de parler me fait souvent rire, il m’arrive parfois de ne pas comprendre ce qu’il dit. Surement à cause de son accent trop prononcé et son envie d’utiliser des mots bizarres.
Sur sa moto, je suis assez silencieuse. J’enfile un casque parce que je n’oublis pas que Kyte a beau être un bon conducteur, il a tout de même enchainé quelques verres. Et puis j’ai toujours été comme ça, je ne joue pas avec la sécurité. J’ai connu un type au collège, qui voulait faire le grand en scooter et qui avait été emporté sur quelques mètres par un chauffard ivrogne. Résultat, une condamnation pour homicide involontaire et une mère trop dévastée par le chagrin qui a préféré rejoindre son fiston, laissant trois autres en bas âge avec un père incompétent. Lorsqu’on arrive devant la porte, je ne sais pas vraiment à quoi m’attendre. Peut être qu’en voyant Kyte, elle sera plus sympa. Je cherche ma clef en dessous du tapis d’entrée. Pas très fiable comme emplacement mais qui aurait l’idée de nous voler. Si un cambrioleur passait par là, je serais même prête à l’aider à chercher des objets de valeurs dans cette maison. Notre télé est tellement ancienne qu’elle serait invendable au marché noir. « Maman? » demandais-je en poussant la porte. Je suis hésitante, on ne sait jamais si elle décide de m’abattre avec un objet tranchant. Ce n’est pas comme si elle ne m’avait jamais envoyé une chaise en pleine tronche. Pendant des jours, j’ai été obligée de cacher mon bleue grossièrement sous une tonne de fond de teint. Visiblement, elle n’était pas dans les parages. Je laissais Kyte me suivre. Elle était dans le salon, avachie sur le canapé. Elle riait fort devant une émission de cuisine. « Oh vient voir la grosse vache… Et elle continue à se faire à bouffer. L’autre. Hahaha» me dit-elle en m’apercevant. A sa droite, sur une petite chaise, se trouvait une bouteille de Whisky a moitié pleine. « Maman? » répétais-je pour attirer son attention. Elle finit tout de même par me regarder, finissant par me lancer un « QUOI !!» glaçant, ne comprenant pas pourquoi je la dérangeait : « Y a Kyte. » lui dis-je. Elle resta un moment béa, le cherchant du regard jusqu’à finir par l’apercevoir. Au fond, elle doit m’en vouloir de l’avoir fait rentrer alors qu’elle n’était pas prête.
Elle avait beau être la plus grosse junkie du village, lorsqu’un homme lui accordait un peu d’importance, elle aimait se faire belle pour lui. Elle portait un vieux t-shirt imprimé des Rolling Stone, un legging noir et de grosses chaussettes sales et trouées qui n’étaient même pas à elle. Je soupirais. C’est plus fort que moi, je n’arrive pas à avoir une once de sympathie pour cette femme. Je me recule, préférant aller m’isoler dans ma chambre. Ce n’est pas comme si, ma présence importait encore. De toute façon, j’étais morte de fatigue et la frayeur que j’avais eu plus tôt n’avait pas complètement disparue malgré que je m’efforçais de montrer le contraire. Je me tournais vers Kyte une dernière fois et lui dis : « Bonne nuit. » j’aurais voulu ajouter un papa derrière ou quelque chose du genre, mais j’avais beaucoup trop montré mes sentiments aujourd’hui et ma mère risquait de se poser des questions.