« Oui. Si tu veux. »

Je lui souriais. C'était toujours un plaisir de partager mon travail avec d'autres personnes. Chaque personne avait un regard différent et j'aimais avoir les avis des professionnels, comme des amateurs. Après tout, je ne faisais pas mes photos pour les garder pour moi ou ne faire que de les vendre. Je voulais qu'elles parlent a un maximum de personnes. Alors, si Martin voulait les voir, je me ferais un plaisir de lui en présenter quelques unes. D'autant plus qu'il disait être un amateur de photo. Il avait même acheté un petit reflex. C'était déjà bien ! La plupart des gens utilisent leur portable ou de petits compacts. Au fil des années la résolution des photos sur ces appareils a augmenté, mais ça ne vaudra jamais un reflex.

« Il faudra que tu me donnes tes coordonnées pour que je puisse te contacter et de les montrer. »

Notre conversation fût interrompue par l'arrivée du vétérinaire. Je lisais l'air grave sur son visage et cela ne présageait rien de bon. Je me relevais. L'expression de mon visage se décomposait lorsqu'il nous annonçait la mauvaise nouvelle. Il n'avait pas pu sauver notre ami. Je savais qu'il avait de multiples blessures et qu'il avait sans doute passé trop de temps au bord de cette route. Malgré tout, j'avais voulu y croire. Quand on l'avait confié au vétérinaire, j'avais une lueur d'espoir. Surtout parce que je refusais de penser au pire. Je sentais ma gorge se nouer et j'avais un peu de mal à respirer. Les larmes commençaient à me monter aux yeux, bien que j'essayais de les retenir. Je ne trouvais même pas la force de répondre. J'étais encore sous le choc de son annonce. Pourtant, ce chien n'était pas le mien. Mais, je ne supportais pas qu'on puisse faire du mal aux animaux. Sa mort me touchait. Je savais qu'on avait fait de notre mieux. Dès que j'avais vu Martin me faire des signes, je m'étais arrêtée et on avait pas perdu une seule seconde. Si seulement on avait pu arriver plus tôt. Le vétérinaire repartais et j'entendais la voix de Martin. Je posais mon regard sur lui. Il était dans le même état que moi.

« Oui. Je comprends ce que tu ressens. C'est la même chose pour moi. Même si on a fait tout ce qu'on a pu, ça ne me console pas vraiment. Encore une fois, un animal est mort par la faute de la cruauté humaine. »

Le chien était mort et il n'y avait plus rien qu'on puisse faire à présent. On passait par le bureau d’accueil où la secrétaire nous informait qu'il n'y avait rien à régler. C'était un chien qu'on avait secouru et emmené jusqu'ici. Le vétérinaire l'avait opéré gratuitement. C'était quelqu'un de bien, car certains vétérinaires n'auraient pas opéré sans être payé. Celui-ci semblait vraiment aimer les animaux. On sortait de la clinique vétérinaire et on se retrouvait près de la voiture.

« Est-ce que je te ramène quelque part ? »

Le chien est mort. Le chien que j’ai trouvé que j’ai voulu sauver, que je ne connaissais pas, est mort. Par la connerie humaine. Pas étonnant que je perde foie en l’humain. Ils ne méritent tellement pas tout ce qu’on leur offre. Tout ce que l’Australie fait pour eux. Ça m’horripile et me révolte. Là, j’ai juste envie de retrouver la trace de ce connard et l’écraser à son tour avec ma voiture. Salaud, connard de merde. Ce que me dit Kara ne me console absolument pas. Au contraire. C’est l’Homme qui a tué ce chien. «Et le pire c’est que ce connard ne sait pas que le chien est mort par sa faute. Putain, ça me tue ! » je soupire, mais fini par me calmer et me passe une main sur le visage.

Nous finissons par nous lever et allons nous renseigner au près de la secrétaire si nous avons des charge à payer. Elle nous répond que non, que le vétérinaire a opéré gratuitement le chien. J’hoche la tête, la remercie puis lui dit au revoir tout en me disant que je repasserais ici pour apporter un petit quelque chose en guise de remerciement. En sortant, Kara me demande si je souhaite qu’elle me dépose quelque part. Je la regarde et me dirige vers sa voiture « là où ona trouvé le chien» dis-je en ouvrant la porte « Il y a encore mon vélo sur le bord de la route. Je me débrouillerais ensuite» dans tous les cas, je vais finir mon tour dans la nature. Ça me fera du bien et me changera les idées.

J’étais incapable de penser à autre chose qu’à ce pauvre chien et à l’agonie qu’il avait subit avant qu’on ne le trouve. Je ressentais un mélange de tristesse et de colère. Ça me brisait que cœur de ne pas avoir pu faire plus pour ce chien et qu’il soit mort. Ça m’énervait qu’un homme ait pu renverser cet animal et le laisser sans même s’arrêter. Quelqu’un qui agit ainsi n’a véritablement rien d’un être humain. L’homme est la seule créature qui peut causer autant de dommages. Les animaux ne sont pas aussi cruels. Je me surprenais à penser que les animaux valaient mieux que certaines personnes. Un animal n’est pas cruel gratuitement et il ne tue pas sans raison. Les humains en sont capables.

« Tu sais, il a laissé un chien mourant au bord d’une route, je ne crois pas que ça lui aurait fait grand-chose de savoir que le chien est mort à cause de lui. »

Répliquais-je, car c’était sans doute la réalité. Après être passés par l’accueil, Martin et moi nous retrouvions devant la voiture. J’étais tellement perturbée par la perte du chien, que j’en oubliais qu’il avait laissé son vélo là-bas.

« D’accord. »

Je montais du côté conducteur et je laissais Martin s’installer à côté de moi. Le trajet était beaucoup plus silencieux qu’à l’aller. Je n’avais pas envie de discuter de la pluie et du beau temps. Toutes mes pensées allaient vers le chien. Au bout de quelques minutes, je brisait le silence.

« Le pire dans tout ça, c’est qu’on ne sait même pas qui a abandonné ce chien et qui l’a renversé. Le coupable va rester impuni et ça me mets hors de moi. »

Après quelques minutes, nous arrivions à l’endroit où on avait trouvé le chien. Je m’arrêtais sur le côté de la route afin que Martin puisse descendre et récupérer son vélo.

Kara a beaucoup trop raison sur ce coup. Oui, cet homme a renversé le chien et oui, ça ne lui fera sans doute ni chaud ni froid de savoir que ce même chien est mort par sa faute. Je ferme un instant les yeux et hoche la tête.  « Un salaud et un connard fini ….» soufflais-je avant de me redresser. Nous passons par l'accueil puis sortons de la clinique. A la demande de Kara, je lui indique de m'emmener là où nous avons trouver le chien afin que je puisse récupérer mon vélo.

La route est plus silencieuse que l'allée, mais Kara brise le silence en disant quelque chose de très pertinent : le coupable restera impuni.  «crois-moi, ça me tue sans doute autant que toi  » dis-je en soupirant. Je me tourne vers la jeune femme et un éclair de génie me vient subitement.  « Toi qui es tant engagé pour la cause animale, ça te dit pas de rejoindre les Sea Shepherd ?» demandais-je  « On s'occupe surtout de la protections des océans et de la vie maritime, mais il nous arrivent régulièrement d'aller manifester pour ne nombreuse autre causes» je me redresse et fouille rapidement dans la poche interne de ma veste pour lui sortir la carte de visite  «Tiens » je la pose sur le tableau de bord de la voiture.  « Nos permanences se tiennent tous les mardi et tous les jeudis de 19h à 21h. Des réunions d'équipes, des présentations des différentes missions etc …. je pense que ça pourrait être intéressant pour toi.» je sors ensuite un stylo de mon sac et griffonne mon numéro et mon nom sur le dos de la carte  «voilà mon numéro aussi  » je lui fourre la carte dans la main  «Merci beaucoup kara pour ce que tu as fait » je lui offre un sourire sincère  « Si un jour tu as besoin de moi, peu importe pour quoi, tu n'hésites surtout pas à m’appeler, ok ?»

En tant qu’amoureux des animaux, il était pour nous inconcevable qu’on puisse leur faire autant de mal. Je ne comprendrais jamais les gens qui s’en prenaient aux animaux. Je me doutais bien que c’était aussi le cas pour Martin. Il semblait véritablement aimer les bêtes et il s’investissait pour défendre leur cause. Je le connaissais peu, mais j’avais appris qu’il était un véritable militant. D’ailleurs, il me proposait de rejoindre les Sea Shepperd. Je reportais mon attention sur lui, en écoutant les informations qu’il me donnait. C’était quelque chose que je pouvais envisager. Si toutefois je restais sur Brisbane. J’avais débarqué ici sans prendre de billet de retour. Je ne savais pas combien de temps durerait mon séjour dans le coin. Je n’avais pas prévu de partir dans l’immédiat.

« Oui ça pourrait être intéressant. J’avoue que je connais peu de choses sur la vie maritime et la protection des océans, mais j’imagine que je pourrais apprendre et que ça me fera découvrir tout cet univers. »

Je prenais la carte qu’il me donnait. J’en lisais les quelques lignes rapidement, avant de reporter mon attention sur Martin.

« Je ne sais pas encore pour combien de temps je suis à Brisbane, mais je vais y penser. »

Puis, il me remerciait de l’avoir aidé. Ça avait été quelque chose de naturel pour moi. Je m’étais arrêtée sans même réfléchir et j’avais voulu l’aider avec le chien. La banquette arrière de la voiture était toute tachée maintenant et ce n’était pas mon véhicule, mais je n’en avais rien eu à faire. J’avais juste eu à l’esprit d’aider le chien.

« Ne me remercies pas, c’est normal. »

Répondis-je, avant de le remercier pour la carte et les infos sur les Sea Sheperd.

« D'accord. Je tâcherais de m'en souvenir.»

Dis-je alors qu'il venait de me dire de ne pas hésiter à l'appeler. J’avais ses coordonnées et il était fort probable que nos chemins se recroisent. J’avais aimé discuté avec Martin et apprendre à la connaître. Il me semblait être quelqu’un de plutôt sympathique, alors j’avais bien envie de le revoir et d’aider de nouveau à cause animale à ses côtés.

« A Bientôt, rentres bien. »

En général je ne recrute pas de cette manière. Je laisse plutôt les gens venir découvrir et venir d'eux même aux réunions. Mais là, ma petite voix connue me disait que je tenais quelqu'un que je ne devrais pas lâcher aussi rapidement et sans lui parler de ça. Alors je l'ai fait, et j'ai bien fait. Kara semble très intéressée, avoue qu'elle ne connait pas grand chose à la vie sous marine, mais elle imagine pouvoir apprendre. Je lui offre un douc sourire et hoche la tête  «C'est ça » lui dis-je  «On apprends, en général, sur le terrain. Tu n'as pas besoin d'être du genre active sur le terrain, tu sais ? Genre tu peux aussi simplement être là, venir aux réunions et nous aider financièrement peut-être. Enfin,... viens déjà à la prochaine réunion et tu verras de toi-même. Ok ? »

Avant de descendre de la voiture, je griffonne encore mon nom et mon numéro de téléphone perso sur la carte, précisant que si un jour elle se retrouve dans la merde, elle pourra sans problème faire appel à moi. Je la remercie une dernière fois, lui offre un dernier sourire et referme la porte derrière moi. Je me redresse et fait deux pas en arrière pour la laisser démarrer tranquillement. Je suis la voiture encore quelques secondes du regard, bien conscient que sans Kara le chien serait encore entrain de souffrir ici, sur place. Au lieu de ça il est mort, certes, mais ne souffre plus. Et c'est bien ça qui me console.

Avec un petit soupire, je me détourne et me dirige vers mon vélo. Fort heureusement, dans ma chute, il n'a pas été touché et n'a, surtout, pas été volé pendant mon absence. Je remet mon casque, enfourche mon vélo et pédale pour rejoindre la forêt d'à côté.