Assise à côté de son meilleur ami, Célia l'écoutait avec attention ce dernier lui parlait de son dispensaire et de ses prochaines missions humanitaires. Elle appréciait l'entendre parler de tout ça. Même si elle avait raccroché la médecine, elle était curieuse de prendre des nouvelles régulières de son meilleur ami au sujet de son travail mais aussi des missions qu'il réalisait en Afrique. Cela comptait beaucoup pour Duncan. Alors cela comptait beaucoup pour elle. Et elle était toujours présente quand il s'agissait de l'encourager, le soutenir à chacun de ses choix ou chacune de ses décisions. C'était encore plus le cas depuis qu'il avait ouvert le dispensaire. Célia savait à quel point cela pouvait être difficile. Mais Duncan s'en sortait très bien et elle était très fière de lui. Elle aimait voir son meilleur ami heureux dans ce qu'il faisait. Cela comptait beaucoup pour elle, le savoir heureux et épanoui. Alors elle était ravie de savoir qu'il était déterminé à accueillir d'autres enfants. « J'aurais bien aimé t'accompagner. » Malheureusement, Célia était encore en convalescence pour l'instant. Comme elle avait encore des douleurs à la poitrine et au dos, on lui refusait le moindre effort. Ce qui fait que si elle venait avec lui, elle ne lui serait finalement, d'aucune utilité. Parce qu'elle savait que même si elle voulait aider, Duncan ne la laisserait pas faire. « J'espère que tout se passera bien en tout cas. Je sais à quel point dans ce milieu, l’imprévu est omniprésent. » Et c'était peu dire. Combien de fois avaient-ils tous les deux enchaînés des gardes alors qu'ils avaient largement dépassé leur quota d'heures ? Célia ne pourrait même pas les compter. Puis elle demanda, aux derniers mots du médecin. « Des dossiers compliqués ? » Bien qu'elle savait que dans sa spécialité, tous les cas étaient compliqués. Mais certains l'étaient plus que d'autres. Célia prit une gorgée de son chocolat avant de reporter ses yeux verts sur Duncan. Elle était loin de se douter que l'une de ses petites patientes avait récupéré les poumons de son petit trésor. La jeune femme reposa sa tasse encore fumante. « C'est dommage... je me souviens quand on a commencé notre internat, nous étions toujours partant pour nous exercer. Peu importait si nous étions rémunérés ou non. » Enfin, le temps avait passé. Peut-être que les mentalités avaient changé. Les jeunes médecins d'aujourd'hui, préféraient avoir une clientèle attitrée et ne plus être tributaire des urgences, des horaires irréguliers... pourtant, pour Célia c'était la base de la médecine. Jamais elle n'avait plus appris que lorsqu'elle était de garde aux urgences. Et elle n'avait jamais trop fait attention à son compte en banque. Du moment qu'elle avait de quoi payer le loyer de son appartement, sa bouffe et certains frais vétérinaires du refuge, c'était tout ce qui importait. Célia ne comprenait donc pas cet appât du gain. Quand elle avait décidé de faire médecine, ce n'était pas pour se faire de l'argent, avoir une bonne position sociale. C'était pour essayer de changer la vie de malades, de leur donner une nouvelle change de vivre bien. L'argent était superflu dans tout ça. Même si elle concevait que les hôpitaux avait besoin de financer les opérations et le nouveau matériel. D'accord pour avoir un salaire correct, pas d'accord pour s'attendre toujours à ce qu'un travail soit rémunéré. Enfin c'était sa vision des choses. Puis aux mots de Duncan, un doux sourire s'afficha sur les lèvres de l'antiquaire. « Je crois aussi que peu importe le nombre, ton travail permettra de sauver de nouvelles vies et c'est ça le plus important. » Duncan avait encore la foi en son métier, en ce qu'il faisait. Et Célia l'admirait pour ça. Il croyait fermement en ce qu'il faisait. L'antiquaire quant à elle, avait perdu cette flamme il y a quelques années. Elle baissa ses yeux sur sa tasse chaude, happée par ses souvenirs. Elle avait mis ses doigts sur la porcelaine. Puis à la question de Duncan, elle releva ses yeux sur lui. « Elle est toujours fermée. Mes frères l'ont géré un peu pendant les travaux. Mais je crois qu'il vaut mieux que j'attends un peu avant d'y mettre les pieds. » Elle n'était pas encore prête pour ça. Alors que sa boutique lui manquait vraiment. Puis elle hocha un peu de la tête à la nouvelle question du médecin. « Une inspectrice est chargée du dossier. Elle m'a donné un classeur avec la photo de plusieurs criminels recherchés. Mais je n'arrive pas à me souvenir de ce qui s'est passé. » Et ça, c'était un gros problème. « Je ne sais même plus ce que j'ai fais avant le cambriolage. » Un blocage, une amnésie. Elle ne savait pas au juste. Elle savait simplement que les souvenirs ne revenaient. Et elle ne savait pas si elle en était mécontente. Se souvenir lui faisait peur.
Duncan savait très bien que Célia ne pouvait pas l'accompagner et cela ne lui posait aucun soucis. Tout ce qui comptait c'est qu'elle puisse aller bien et ce n'est pas les secousses de l'hélicoptère qui arrangerait son état. Pour tout dire, il n'y avait même pas penser, c'était son travail et il savait très bien que si Célia avait tout arrêter de ce coté là c'était pour une bonne raison. De plus, elle l'aidait beaucoup ici et c'était encore plus important puisqu'au Mali, il y avait d'autres médecins qui l'attendait mais ici, il n'y avait pas foule surtout pour lire ou jouer avec les enfants. Il laissa le sujet de coté, ils en avaient beaucoup parler aujourd'hui et Duncan n'avait jamais trop aimer être au centre d'une conversation. Célia aborda le sujet de ces dossiers qu'il aurait en charge bientôt mais il garda pour lui, l’information concernant le patient de la jeune femme. Ce n'était pas encore le bon moment selon lui, pas avant qu'il rencontre cette petite fille.
- Tous les patients qui ont été transplanter sont des cas compliqués. On ne savait jamais comment leur corps va réagir et ça même si l'opération s'est très bien passé. Normalement, il n'y aura pas de problème, mais je ne préfère pas trop m'avancer dans mes propos.
Un doux sourire se dessina sur ses lèvres. Effectivement quelques mentalités avaient changé mais heureusement pas toutes. En règle générale, il prenait beaucoup de plaisir à apprendre à ces internes le travail d'un bon chirurgien. Célia parla ensuite de sa boutique et cela laissait beaucoup Duncan perplexe. Il avait envie d'y aller et d'installer lui même plusieurs alarmes mais aussi un garde du corps comme ceux qu'on trouvait aux entrées de boites de nuit, peut-être qu'Alex pourrait lui en prêter un ? C'était une idée, mais c'était vraiment dommage qu'elle ne puisse plus y aller. Pour ce qui était de son amnésie alors là c'était peut-être un blocage dû au choc ou simplement un mystère médical, qui sait ?
- J'imagine que cela ne doit pas être facile et tant que ce criminel ne sera pas arrêter, ça risque de le rester.
Il fit une légère moue avant de boire une gorgée de son chocolat.
- En tous les cas, si tu veux y aller, ne serais-ce que pour mettre de l'ordre dans tes affaires, je pourrais t'accompagner. Bon, j'imagine que ton ancien militaire sera peut-être plus à même de t'aider que moi mais jamais je ne laisserai quelqu'un s'en prendre à toi si je suis dans les parages.
Quand il y pensait, il avait quelques remords que toutes personnes avaient lors d'un accident quelconque. « Si j'avais su, si j'avais été là, si j'avais pu changer tout ça », trop de « si » qui parfois appeler à d'autres questions qui n'avaient pas de réponses. Au final, il avait été là, à l'hôpital mais trop tard à son goût.
Cela faisait longtemps que Duncan et Célia n'avaient pas partagé ce genre de choses et cela peinait la jeune femme de ne pas être en mesure de l'accompagner. En tout cas, si cela se faisait au final, ce n'était pas avant quelques mois. Or, elle savait que son meilleur ami avait besoin d'aide. Mais elle essayait d'être présente là au dispensaire. Dès qu'elle avait un peu de temps libre, elle filait voir les pensionnaires de Duncan. Elle passait du temps avec eux. Elle leur lisait des histoires, leur chantait des chansons, leur apprenait quelques mots d'anglais. Et puis elle était tout simplement là. Les enfants étaient encore petits. Il avait besoin d'une présence, et la sienne leur faisait du bien. Une petite touche de féminité dans ce petit monde masculin. Même si elle savait que Duncan s'en sortait à merveille avec eux. Elle n'avait qu'a voir cette façon dont il prenait soin de la petite Hawa. Duncan était un très bon médecin. Mais il avait aussi un cœur en or et un dévouement pour les autres qui n'avait pas de limites. Oui, tous les cas de greffes étaient compliquées et Célia ne l'avait pas oublié. C'était toutefois une inconnue avec laquelle, elle avait toujours eu un peu de mal. Parce que c'était la seule chose sur laquelle elle ne pouvait pas avoir de contrôle. Comme lors de cette opération où elle était certaine à cent pour cent que Tim puisse enfin vivre une nouvelle vie. Au lieu de là, le cœur fendu, elle avait assisté à ses funérailles. Et elle admirait Duncan parce qu'il n'avait pas perdu foi en ce qu'il faisait et qu'il continuait à faire des merveilles avec tous ces enfants. Heureusement qu'il était là d'ailleurs parce que, comme elle le disait, maintenant les internes étaient beaucoup plus intéressés par les avantages de la profession, que par le fait de s'ouvrir à d'autres expériences et de donner un peu de leur temps libre. Ou alors étaient-ce eux, au final qui bossaient plus qu'il ne le fallait. Célia avait posé ses yeux sur Duncan avant de prendre une gorgée de sa boisson. « Est-ce que tu as déjà songé à faire une vente aux enchères, ou un bal de charité pour ton dispensaire ? » La jeune femme était certaine, qu'elle pourrait lui offrir pas mal de dons à cette occasion. « Ce serait bien que des mécènes s'intéressent à des choses moins matérielles, mais plus humaines. » Parce qu'elle ne voulait pas que la pension soit en difficulté. Même si pour l'instant, cela semblait fonctionner. Avec de nouveaux moyens, peut-être que le dispensaire pourraient se doter d'équipement plus neufs, plus récents. En tout cas, c'était une idée qui méritait d'être abordée. La jeune femme reposa sa tasse avant de relever ses yeux verts sur le médecin. « J'essaie justement de ne pas y songer, parce que je ne sais pas si je serais capable de remettre les pieds dans la boutique. » Il n'y avait qu'avec Duncan qu'elle arrivait à parler de certaines de ses peurs. Elle lui confiait tout. Cela n'avait pas changé malgré les années. Certes, maintenant il y avait Axel, mais elle ne voulait pas l’inquiéter. Alors elle évitait certains sujets. Et pour l'instant, cela fonctionnait plutôt bien. Puis aux paroles suivantes du médecin, elle esquissa un doux sourire. « Je sais. » Elle l'embrassa sur la joue, lui faisant un calin au passage. Elle savait que Duncan s'était inquiété lui aussi lors de son cambriolage. Il avait été là pour s'occuper d'elle à son arrivée aux urgences. Et elle en était contente parce qu'il n'y avait pas d'autres médecins en lesquels, elle avait le plus confiance que lui. Célia l'avait déjà remercié à plusieurs reprises. Et cela n'avait pas du être évident pour lui. « Et tu sais toi aussi, que tu seras toujours le bienvenue dans ma boutique. Axel a proposé de m'accompagner. Je crois que vous vous inquiétez plus que moi, au final. Mais je sais que je peux compter sur vous. Si j'écoutais Axel posterai un garde à l'entrée. Et je suis certaine que tu serais d'accord avec lui. » Elle esquissa un sourire puis elle finit par dire, un peu plus sérieuse. « Mais je n'ai pas envie d'effrayer ma clientèle. Déjà que ce cambriolage m'a fait une mauvaise pub. Et puis, je n'ai pas envie de changer quoique ce soit dans ma boutique. Je m'y sens bien comme elle est. J'ai juste besoin d'un peu de temps. » C'était tout ce dont elle avait envie. Qu'on lui laissa sa boutique, tel qu'elle l'avait laissé, quelques semaines plus tôt.
Tout comme Célia, Duncan aurait pu perdre la foi en son travail à de nombreuses reprises. D'ailleurs, s'il était resté à Brisbane au lieu de partir à l'autre bout du monde alors ça se serait certainement produit. Le monde d'aujourd'hui produit une image un peu trop parfaite de la guérison en laissant de coté les facteurs négatifs qui étaient pourtant là. Au final, même les médecins se sentaient faibles dans ces moments là et c'était tout à fait normal mais Duncan avait vu de près ce qu'était la vraie misère et toutes ces fois où il avait voulu abandonner, Andrew lui avait montré tout l'espoir qu'il pouvait encore apporter pour d'autres gens. Il lui avait fallu quelques mois avant de bien l'assimiler mais lorsque se fut fait, Duncan ne se posa plus aucune question. Il ferait en sorte d'aider Célia à sa manière quand le temps sera venu. Il acquiesça légèrement tout en buvant son chocolat.
- Oui j'y ai pensé mais je ne sais pas vraiment ce que je pourrais mettre en vente pour des enchères. J'ai déjà fait un bal pour pouvoir l'ouvrir, j'avais récolté pas mal de dons, je peux tenir encore sur mes réserves.
Lorsqu'ils parlèrent de la boutique de Célia, l’inquiétude qu'il pouvait exprimé sur son visage s'envola en quelques secondes lorsqu'elle le prit dans ses bras. Duncan espérait bien qu'elle le sache, qu'elle pouvait compté sur lui n'importe quand et même lorsqu'il était à l'autre bout du monde. Il acquiesça vivement en la regardant dans les yeux.
- Bien sûr, même deux si cela peut-être rassurant. En fait le mieux serait que si tu souhaites y aller pour x raisons et bien que tu y ailles avec nous deux en plus comme ça, je verrais Axel. Double bonus pour nous.
Il haussa les sourcils à plusieurs reprises en plissant la bouche, ça ressemblait presque à une grimace, le but étant de la faire sourire. Duncan ajouta d'un air un peu plus sérieux.
- D'accord, je garde mes bodyguards alors…
Duncan eut un bref regard pour sa montre, le temps défilait et il devait encore passé à l'hôpital réglait quelques détails avant de rentrer chez lui. Il sortit de sa poche son portefeuille afin de régler leur commande une fois qu'ils eurent fini leur consommation.
- Je te raccompagne à Logan City ou tu rentres chez Axel ?
Après quelques échanges, Célia et Duncan se levèrent pour quitter le petit café afin de reprendre le chemin de leur vie respective.
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