« Oui elle va bientôt arriver. » Je signe ces quelques mots à l’organisatrice de la soirée qui commence à paniquer, ce soir l’organisme pour les sourds et mal-entendants organise une soirée de bienfaisance et j’ai été contacté pour être l’un des traducteurs, mon rôle entre autre est de gérer un peu la soirée et notamment une photographe à laquelle ils ont fait appelle à la dernière minutes, celle qu’ils avaient prévue étant tombée malade. Evidement impossible dans un délais aussi court de trouver une personne qui maitrise elle aussi la langue des signes ce qui panique un peu l’organisatrice de la soirée elle aussi mal entendante. « Je t’ai déjà dis que je m’en occupe, je suis sûr que tu as d’autres choses à faire, va. » Elle finit par disparaitre et je m’occupe quelques instant en aidant les décoratrices qui arrivent au bout de leur travail, avant de voir une silhouette inconnue se dessiner dans mon champs de vision. Je remarque rapidement l’appareil photo à sa disposition et me dirige vers elle un sourire un lèvre. C’est un jolie jeune femme je ne peux pas le nier, mais ce soir il est question de rester professionnel. « Bonsoir ! Vous devez être la photographe. Kara c’est ça ? » je lui tends une poignée de main chaleureuse un sourire au lèvre. On ne m’a donné que son prénom, je n’ai de toute façon pas besoin d’en savoir plus du moins pour le moment. Mon rôle étant juste de la guider un peu et de lui venir en aide si besoin pour traduire à sa place. Mais je me doute que pour la plus part des photos elle saura très bien se débrouiller sans moi. Les personnes présentent ce soir vivent avec leur handicape depuis longtemps, voir même toujours pour certain et sont habituées à côtoyer des personnes entendantes. « Merci encore d’avoir remplacé notre photographe au pied levé, vous nous sauvez la vie. » Il me semble que la jeune femme a blêmi mais c’est peut être juste moi. « Je m’appelle Elio Harrington, je suis l’un des traducteurs en langue des signes, et je serais présent pour essayer de vous faciliter la tache si besoin. Donc si ça vous va je pense qu’on pourrait se tutoyer. » Je ne suis pas un adepte du vous beaucoup trop rigide à mon gouts. « Les convives devraient arriver d’ici une petite heure si tu veux déjà faire un tour d’horizon. » Je continue à la regarder mais je sens bien que quelque chose se passe même si je ne comprends pas vraiment quoi. Est-ce qu’on ne l’avait pas prévu du contexte ? « Vous… Tout va bien mademoiselle ? » J’espère juste qu’elle ne va pas nous faire un malaise. Une photographe qui nous lâche au dernier moment c’est déjà bien assez.
C'était un contrat de dernière minute. Tout s'était fait très rapidement. J'avais vu une offre pour couvrir une soirée de bienfaisance et on m'avait recontacter presque immédiatement. L'organisme avait besoin d'une photographe de toute urgence, car la personne prévue ne pouvait pas être présente. J'avais eu donc très peu de temps pour me préparer pour cette soirée. Mais bon, en tant que photographe j'étais habituée à travailler un peu dans « l'urgence ». Je choisissais moi-même mes contrats et parfois, les délais étaient très courts. J'étais déjà contente d'avoir trouver quelque chose à Brisbane alors que j'étais là depuis peu. Je m'étais habillée très simplement. De toute façon, j'étais là pour faire des photos, pas pour faire la belle. Il s'agissait d'une soirée en faveur des sourds et malentendants. J'étais un peu anxieuse à l'idée de ne pas réussir à communiquer correctement. Je ne connaissais pas le langage des signes. Mais je me rassurais en me disant que je trouverais bien un moyen de communiquer, et puis, ils avaient un traducteur sur place. Les choses allaient bien se passer.
Je déclinais mon identité lorsque j'arrivais à l'entrée et on me laissait passer. Je me rendais dans la salle principale, lieu où se tiendrait la soirée. Rapidement, un homme vint à ma rencontre, mais je me figeais presque sur place en le voyant. A cet instant, j'eus comme un flash. Je revoyais la photographie que m'avais montré Kael. Mon père, une autre femme et ce type. Elio Harrington. Mon demi-frère. Cela devait être une espèce de blague, non ? Quand j'avais appris son existence les choses avaient été claires dans mon esprit : Je ne voulais rien avoir à faire avec lui. C'était l'autre fils de son père et je ne voulais pas en entendre parler. Je ne disais rien, l'écoutant se présenter. Putain ! C'était lui le traducteur. Je ne savais pas si je devais me mettre à hurler, à pleurer ou à rire. Brisbane était quand même une grande ville. Je pensais pouvoir être ici et l'éviter. J'étais venue en Australie pour Kael. Parce que je voulais être a ses côtés, parce que j'avais envie de découvrir un peu cette ville. Et voilà que je me retrouvais face à une personne que je ne voulais pas voir. J'allais devoir le supporter toute la soirée. Et le pire, c'est que ne comprenant rien au langage des signes, j'allais avoir vraiment besoin de lui. Fais chier !
« Euh... oui. Désolée. Je crois que je vais aller faire un tour des lieux, faire un peu de reconnaissance. »
Il fallait que je me reprenne. J'étais ici pour le boulot et j'allais devoir faire avec. De toute façon, Elio ne savait pas qui j'étais. Je ne comptais pas à ce que ça change. J'allais faire mon travail et je repartirais ensuite. Je ne reverrais plus jamais ce type. Je posais mes prunelles bleues sur lui. Il ressemblait un peu à Kael. Allez Kara, fais comme si c'était un inconnu, il l'est de toute façon, sois naturelle.
« Vous, enfin tu sais combien il y a de convives de prévus ? »
C'était histoire de savoir à quoi m'attendre. Je reprenais :
« Et quel est le programme de la soirée ? »
J'avais besoin de connaître le programme qui avait été établi. Je voulais ne manquer aucun moment clef de cette soirée. J'étais perfectionniste et je voulais que les photos que j'allais prendre expriment bien l'ambiance qui ressortirait de la soirée. Je voulais que l'association soit satisfaite de mes photos et qu'ils ne regrettent pas de m'avoir fais confiance.
Je sens bien que quelque chose gêne la jeune femme, mais je ne m’en inquiète pas plus. C’est peut-être juste le temps qu’elle se fasse à l’idée que la conversation avec les convives va être un peu compliquée. De toute façon je serais là pour traduire et l’aider à comprendre ce qui se passe durant la soirée. « Euh... oui. Désolée. Je crois que je vais aller faire un tour des lieux, faire un peu de reconnaissance. » Hochant la tête je n’avais pas insisté plus. C’était sans doute un bon moyen pour elle de commencer se familiariser avec les lieux et peut-être le contexte aussi qui pouvait sans doute être un peu étonnant si on n’y était pas préparé. « Ne vous inquiétez pas, je serais là si il y a le moindre soucis. » Je pensais la rassurer avec ses mots mais il me semble que c’est tout le contraire qui se passe. A se demander si ce n’est pas contre moi qu’elle a quelque chose. Mais je ne vois pas de raison à moins que… Non… Je sais que j’ai eu ma période où je buvais beaucoup mais je crois quand même me souvenir de toutes mes conquêtes pourtant je dois l’avouer, son visage me dit quelque chose… Elle me fait penser à quelqu’un mais j’ai de la peine à mettre le doigt sur qui. J’espère que ça n’est pas une fille que je n’ai pas rappelé, à moins que… Que ma mémoire me fasse défaut. « Vous, enfin tu sais combien il y a de convives de prévus ? » « Au total il devrait y avoir à peu près 200 personnes. Evidement le nombre est variable mais c’est à peu près le nombre attendu. » Espérons qu’il ne dépassera pas ce nombre car la capacité de la salle est tout de même limité et il y a peu de chance que des sardines soient très généreux envers la fondation. « Et quel est le programme de la soirée ? » Je me penche un peu pour attraper un petit dépliant que je tends à la jeune femme. « Tout est là dedans, il va y avoir plusieurs interventions, certains artistes mal-entendants vont venir se présenter. Pour ce qui est des discours officiels il y a un traducteur qui sera présent pour les gens entendants. Plusieurs personnes parmi les invités ne parlent pas la langue des signes. Je devrais d’ailleurs te quitter à un moment je dois traduire l’une des interventions, mais ça ne sera pas bien long. » Elle devrait pouvoir se débrouiller sans moi pendant ce temps tout de même. « Une partie des convives savent aussi lire sur les lèvres alors tu devrais pouvoir te débrouiller. » Je jette un coup d’œil aux alentours, la salle commence à prendre forme d’ici quelques minutes les premiers invités devraient arriver. « Nous avons mis en place un endroit un peu plus calme pour faire quelques photos plus officielles. » Je me dirige vers l’endroit pour le lui montrer. « La directrice ne devrait pas tarder à arriver non plus. Je te la désignerais, c’est important qu’elle apparaisse sur plusieurs photos c’est un femme… Plutôt exigeante. » Je ne veux pas lui mettre la pression mais autant qu’elle le sache. Si son boulot n’est pas bon il y a de gros risques pour qu’elle voie son cachet diminuer à grande vitesse.
Lorsque je devais photographier des événements, j'aimais toujours faire un petit repérage des lieux avant. Cela faciliterait mon travail ensuite. Ce soir, les choses allaient être un peu plus compliqués. Non pas parce que les convives étaient nombreux et malentendants, mais parce qu'Elio était là. Je l'avais reconnu immédiatement. Je me souvenais encore du jour ou Kael m'avait montré le site internet avec cette fameuse photo de la « famille Harrington ». J'y avais découvert mon père, accompagné d'une autre femme et d'un autre homme. Un fils qui avait presque le même âge que mon jumeau et moi. Quand notre géniteur avait rencontré notre mère, il avait déjà un enfant et une femme. Cela ne l'avait pas empêché de faire six enfants à ma mère. Il avait jonglé entre les deux familles pendant plus de vingt-huit ans. Enfin, il devait sans doute être plus présent pour eux que pour nous. Il était là quoi ? Cent jours par en maximum. On ne pouvait pas dire qu'il avait été un excellent père et un bon mari. Enfin il ne s'était même pas marié avec maman. Forcément quand on est déjà marié, on ne peut pas épouser quelqu'un d'autre. Connard. Je gardais mes yeux sur Elio. J'étais un peu prise au dépourvu. J'avais envie de prendre mes jambes à mon cou et de sauver de là. Je ne pouvais pas. La directrice de l'association comptait sur moi. Je ne pouvais pas la laisser en plan. Ce n'était pas mon genre de faire faux bond aux gens. J'étais très sérieuse dans mon travail, perfectionniste aussi. J'avais envie de demander si un autre traducteur ne pouvait pas se charger de m'aider. Seulement, Elio trouverait sans doute ça étrange. Je hochais la tête à ses paroles et j'attrapais le dépliant qu'il me donnait. J'y jetais un rapide coup d’œil. La soirée allait être chargée et j'étais la seule photographe présente. Je me devais d'assurer parce qu'on avait besoin de moi. Il ne fallait surtout pas que je me laisse déstabilisée par la présence d'Elio. Même si cela allait être compliqué.
« D'accord. Et ne t'inquiète pas. Je suis sûre que je trouverais bien un moyen de me faire comprendre. »
J'essayais de décrocher un sourire, me rappelant d'être le plus naturelle que possible. Puis, je suivais Elio jusqu'au photocall. C'était une bonne chose qu'il y en est un pour les photos officielles et afin que le maximum de gens apparaissent sur les photos.
« D'accord. Je pense que j'aurais surtout besoin de toi au niveau du photocall, afin de bien me faire comprendre pour diriger les gens. Je vais aussi prendre des photos plus naturelles, non posés de l'ensemble de la salle, des gens attablés et évidemment de ce qui se passera lors des interventions. »
Je préférais d'ailleurs les photos non posés à celles qu'on pouvait faire sur les photocall ou en studio. On avait toujours de plus beaux clichés quand il y avait du naturel. J'aimais capter un sourire ou une émotion sur le visage de quelqu'un. Les gens ne s'apercevaient même pas que je les prenais. J'observais autour de nous. La soirée ne devrait plus tarder à commencer. J'allumais mon appareil et je commençais à faire les premiers réglages, surtout au niveau de la luminosité, mais la salle était bien éclairée et j'avais un flash cobra, ce qui me permettrait d'avoir de belles photos.
J’étais reconnaissant envers la jeune femme. Elle nous rendait une fière chandelle en remplaçant notre photographe au pied levé. Et si j’avais pu trouver son attitude légèrement suspecte je m’étais fait une raison préférant tenter de la préparer à la soirée comme je le pouvais. Je n’y connaissais pas grande chose à la photographie bien que je trouve cet art des plus intéressant et j’avais espoir d’en apprendre un peu plus grâce à la jeune femme. De cette façon ça serait une sorte de donnant, donnant entre nous. « D'accord. Et ne t'inquiète pas. Je suis sûre que je trouverais bien un moyen de me faire comprendre. » Je ne m’inquiétais pas vraiment non plus. Elle avait l’air d’une fille débrouille sans aucun doute et c’est assez rapidement que je la menais à l’endroit qui lui était tout spécialement dédié. Même si j’avais espoir qu’elle sache s’en défaire pour virevolter un peu dans la salle et capturer des moments plus intéressants. « D'accord. Je pense que j'aurais surtout besoin de toi au niveau du photocall, afin de bien me faire comprendre pour diriger les gens. Je vais aussi prendre des photos plus naturelles, non posés de l'ensemble de la salle, des gens attablés et évidemment de ce qui se passera lors des interventions. » J’étais heureux d’entendre ça hochant la tête pour démontrer mon engouement. « Super, c’est parfait, vraiment parfait. » Elle avait alors sorti son appareil et commencé à faire quelques réglages, un peu curieux j’avais tendu le cou pour observer, sans une très grande discrétion ce qui l’avait fait relever les yeux vers moi. J’avais alors souri un peu gêné. « Excuses moi… Je peux regarder ? Je me suis toujours demandé comment vous régliez ces engins. » Pour ma part je n’avais plus touché à un appareil photo depuis que mon téléphone avait la capacité de prendre des photos, alors autant dire que je n’étais pas un professionnel.
Après quelques instants j’avais fini par la quitter pour lui laisser le temps de se préparer et de faire son fameux tour des environs. Je lui avais promis de revenir vers elle avant que les premiers invités ne fassent leur apparition. J’avais dans l’idée de lui apprendre un ou deux signes pour qu’elle puisse au moins saluer les gens et se présenter. Puis c’était toujours amusant d’apprendre la langue des signes aux novices. Revenant vers elle cette fameuse impression de déjà vu m’avait repris, me troublant au plus haut point. « Alors tu t’en sors ? » La soirée était sur le point de débuter et tout le monde dans la salle semblait un peu sur les nerfs. Même moi. « Je suis désolé je vais sans doute te donner l’impression d’être un vieux dragueur mais… J’ai l’impression de t’avoir déjà vu quelque part ? » Okay j’avais de toute évidence mis les pieds dans le plat. « Je me trompe ? » Cette impression ne pouvait pourtant pas venir de nul part si ?
Je sentais le regard d’Elio par-dessus mon épaule et je reportais mon attention sur lui. Il allait vraiment rester là et me regarder faire mes réglages ? La présence du fils Harrington ne me plaisait pas. Je ne voulais pas passer de temps avec lui, ni même apprendre à la connaître. Ce n’est pas parce qu’on avait le même père que je devais le faire.
« Oh tu sais les réglages dépendent de pleins de trucs et j’imagine que c’est un peu du chinois pour les gens qui ne s’y connaissent pas trop. »
Répondis-je en essayant de sourire. Elio me laissait finalement me préparer et s’en allait vaquer à ses occupations. Ouf. Un moment de répit. Dommage que j’étais un plein travail, car j’aurais eu grand besoin du soutien de Kael. J’avais une grande envie de lui envoyer un message et de lui raconter que j’étais tombé sur Elio. Je ne savais vraiment pas comment gérer la situation. Je n’avais pas envie d’être sympa avec lui. Surtout pas après ce que mon jumeau m’avait raconté. J’avais débarqué à Brisbane le jour où il avait eu une confrontation avec notre père. Il m’avait tout dit. Du moment où il avait tout dévoilé à Elio au moment où il avait fichu son poing dans la tronche à notre géniteur. Ce type avait cru qu’on en avait après son fric. Qu’est-ce qu’on en avait à faire de son argent ! On s’était toujours débrouillé sans ça. On ne peut pas dire que notre père nous avait beaucoup aidé. J’avais payé mes études de photographie toute seule en travaillant et en ayant eu une bourse. C’était très bien comme ça. Je ne voulais pas de l’argent de mon géniteur. Qu’il bouffe son fric et s’occupe de son autre famille. De toute façon, c’était ce qu’il avait toujours fait.
Je terminais quelques réglages au niveau du photocall, puis j’allais faire un petit tour des lieux. Je repérais les endroits où je pourrais me positionner pour avoir les meilleurs prises de vues. J’en profitais pour prendre des clichés de la salle avant que les gens n’arrivent, pour mettre bien en valeur la décoration qui avait été faite.
La salle commençait à se remplir lorsque Elio revenait vers moi. Je soupirais intérieurement. C’était bien ma veine. Il avait fallut que je bosse pour l’association dans laquelle il travaillait lui aussi ! A ses mots, je reportais mon regard sur lui. J’étais inquiète, car même si il ne me connaissait pas, mon visage lui semblait familier. Il ne manquerait plus que quelqu’un m’appelle par mon nom et je serais grillée.
« Ouais. C’est tout à fait ce que dirait un dragueur du dimanche. »
Un fin sourire se dessinait sur mes lèvres. Je n’avais pas envie d’être sympathique avec lui, mais je devais me tenir. Je n'aimais pas mentir, ni faire semblant pourtant. Vivement que cet enfer se termine !
« Je ne pense pas qu’on se soit déjà vus quelque part. Je ne suis pas de Brisbane. J’imagine que j’ai un visage commun. »
Après tout les brunes aux yeux bleus c’était assez commun, non ? En tout cas, j’étais loin d’être rassurée et j’espérais qu’il ne ferait pas le lien.
« Puis tu ne me dit absolument rien. »
Bon ça c’était un gros mensonge, mais j’espérais qu’il arrêterait de creuser. Je souriais de nouveau comme pour me rassurer moi-même.
J’avais la nette impression que Kara n’étais pas très enclin à me parler. J’avais alors lâché l’affaire préférant lui laisser un peu d’espace. Je ne connaissais rien de son histoire et donc de ce qui pouvait la pousser à une certaine froideur. Pourtant son attitude et cette impression de déjà vu quand je la regardais avaient fini par me pousser à lui poser la question. J’avais besoin de me rassurer. « Ouais. C’est tout à fait ce que dirait un dragueur du dimanche. » J’avais souri un peu gêné me rendant bien compte que je n’étais pas entrain d’arranger mon cas. Elle semblait déjà ne pas être enchanté de bosser avec moi – si elle pensait maintenant que j’allais la draguer elle n’allait pas aimer. « Heureusement qu’on est samedi alors. » J’avais souri à nouveau un peu me rendant bien compte que c’était une réplique des plus stupides mais ça avait eu l’air de la dérider un peu. Au moins pour quelques secondes. « Je ne pense pas qu’on se soit déjà vus quelque part. Je ne suis pas de Brisbane. J’imagine que j’ai un visage commun. » Hochant la tête je n’avais pas voulu ajouter que pour ma part j’avais beaucoup voyagé et que ce ne saurait pas la première fois que je recroiserais une personne rencontrée autre part dans le monde à Brisbane. Mais je n’avais pas insisté, de toute évidence si nous nous étions vraiment rencontrés auparavant elle ne se souvenait plus de moi. « J’imagine. » « Puis tu ne me dit absolument rien. » Elle avait souri à son tour et cette fois ça avait été un vrai électrochoc. « Putain mais oui… » Ouvrant grand les yeux je l’avais observé pendant plusieurs secondes la mine sans doute un peu horrifiée. Comment j’avais pu mettre autant de temps à faire le lien. « Heu pardon désolé je… Je reviens. » J’avais aussitôt fait demi tour sentant quelque chose d’étrange me saisir. Kara me faisait penser à ma sœur. Le même sourire, la même fossette, même certaines mimiques. Je sentais mon cœur se serrer alors que je n’osais plus la regarder. Depuis la mort de Leah je m’évertuais à garder son souvenir très loin de moi, et aujourd’hui il me rattrapait d’une manière étrange. Après être sorti prendre un peu l’air et me calmer, j’étais retourné vers Kara, un peu honteux de mon attitude si étrange. « Hemmm… Excuses moi. Tu… Tu… ressembles beaucoup à quelqu’un que j’ai bien connu. Enfin on s’en fiche… Donc est ce que tu veux que je t’apprenne quelques signes ? » Changer de conversation semblait encore le plus adapté à la situation. Il fallait que je retrouve un brin de professionnalisme. Ce que j’avais perdu.
Je sentais mon cœur faire un bond dans ma poitrine alors qu’Elio semblait avoir une illumination. Non… ce n’était pas possible. Il ne pouvait pas avoir fait le lien tout de même ? Elio ne m’avait jamais vu de sa vie. Il y a encore quelques semaines, il ignorait qu’il avait un autre frère et des sœurs. C’était Kael qui lui avait tout révélé. Mais Elio n’avait jamais vu de photos de moi, il ne savait pas qui j’étais. J’essayais de me rassurer en me disant que non, il ne pouvait pas avoir compris que j’étais sa demi-sœur. Je ne tenais pas à ce qu’il l’apprenne. C’était déjà assez compliqué de devoir travailler avec lui, alors si en plus il découvrait que j’étais sa sœur, ça n’allait pas arranger les choses. Elio s’était éloigné de moi. Il ne me disait rien de plus, me laissant dans l’incompréhension la plus totale. En tout cas, il m’avait l’air assez bouleversé. Je tâchais de me re-concentrer, de me rappeler pourquoi j’étais ici. C’était pour l’association, c’était pour le travail. Quoi qu’il arrive je devais rester professionnelle. Je l’étais toujours. Sauf que généralement, je ne croise pas mon demi-frère inconnu sur mon lieu de travail.
Après quelques minutes, Elio revenait vers moi. Je ne me sentais pas bien. Pas bien du tout. Je craignais qu’il est compris qui j’étais et je n’avais aucune envie d’avoir une conversation à ce sujet. Je ne savais pas quelle serait sa réaction quand il comprendrait. Je ne voulais pas le savoir. C’était bien pour ça que je ne lui avais rien dit, puis ce n’était pas le lieu. On n’était pas là pour régler nos histoires de famille. De toute façon, il n’y avait rien à régler. Notre géniteur était un salopard incapable de se contenter d’une seule femme. Je ne comprenais pas pourquoi il était allé jusqu’à se construire d’eux famille. La plupart des hommes infidèles ne s’inventent pas de doubles vies, ils vont couché ailleurs sans pour autant faire des gosses à l’autre femme. Maman avait eut six enfants, cela n’avait rien d’un accident.
« Écoutes, Elio, je… »
Je me stoppais net dans ma phrase lorsqu’il avouait qu’en réalité je lui faisais penser à quelqu’un. Je sentais comme un poids en moins sur mes épaules. C’était donc juste ça. Enfin ça avait l’air de pas mal le troubler et ma curiosité me poussait à me demander à qui je pouvais bien ressembler.
« Ce n’est pas grave. J’ai bien remarqué que tu étais un peu bouleversé. » Je marquais un court silence et je reprenais : « Oui, je veux bien que tu m’apprennes quelques signes. Les trucs de bases comme dire bonjour et merci. »
Répliquais-je en gardant mes prunelles bleues sur lui.
Je ne pouvais plus en vouloir à la jeune femme de me regarder bizarrement. J’avais moi même eu une attitude plus qu’étrange quelques minutes auparavant quand mon esprit avait enfin compris que c’était à ma sœur que j’assimilais son visage. Drôle de sensation. Maintenant à chaque fois que je posais mon regard sur elle, je ne voyais que ça. Cette ressemblance. Me demandant comment j’avais pu passer à coté pendant les premières minutes de notre entrevue. « Écoutes, Elio, je… » Elle semblait aussi mal à l’aise que moi maintenant et je m’étais empressé de m’excuser pour mon attitude. Tentant comme je le pouvais de me justifier sans pour autant rentrer trop dans les détails. « Ce n’est pas grave. J’ai bien remarqué que tu étais un peu bouleversé. » Passant ma main un peu nerveusement dans mes cheveux j’avais fui du regard pour le poser sur le reste de la salle puis enfin sur le sol un peu mal à l’aise encore. « Oui c’est quelqu’un qui a beaucoup compté pour moi… » Je ne voulais pas m’étendre et en même temps je ressentais le besoin de justifier mon attitude plus qu’étrange envers elle. « Enfin peu importe, ça va me passer. » J’avais tenté un vague sourire bien qu’il y ait peu de chance que j’arrive vraiment à passer au dessus de ce malaise que je ressentais maintenant à chaque fois que je posais les yeux sur elle.
« Oui, je veux bien que tu m’apprennes quelques signes. Les trucs de bases comme dire bonjour et merci. » Hochant la tête j’était venu me poster à côté d’elle pour être sûr qu’elle fasse les gestes dans le bon sens. C’était un bon moyen aussi de ne pas trop voir son visage et de cacher mon trouble. Puis lui apprendre quelques signes était aussi un moyen de détendre un peu l’atmosphère. « Pour bonjour c’est très simple fait comme moi. » Ma main se positionnant près des ma bouche puis redescendant j’avais articulé le mot en même temps. « C’est important que tu fasses aussi le son en bougeant tes lèvres, la langues des signes est très imagée, si tes lèvres ne bougent pas c’est comme si ça n’avait pas de sens. » Il était difficile d’expliquer exactement et en si peu de temps comment effectuer un bon langage mais pour le moment une articulation ferait l’affaire. « Et pour merci c’est comme ça. » Après lui avoir montré le signe je l’avais regardé faire. « Tu te débrouilles bien ! Je peux t’apprendre à dire ton prénom aussi c’est très simple. » Je n’arrivais pas à définir l’intérêt de la jeune femme, mais pour ma part j’avais toujours aimé apprendre aux autres cette langue, ce n’est pas pour rien si j’en avais fait en partie mon métier.
J'avais beau faire bonne figure extérieurement, à l'intérieur c'était tout autre chose. Cette situation me mettait mal à l'aise et je n'étais pas dans les meilleures conditions pour travailler. C'était une chose de savoir que notre père avait une autre famille, mais maintenant que j'avais Elio en face de moi, ça rendait ça plus réel. Je posais mes prunelles bleues sur lui. Je reconnaissais certains des traits de son visages. Les mêmes qu'avaient mon géniteur et je ne pouvais pas nié qu'Elio ressemblait à Kael. Toute cette histoire ressemblait à un mauvais rêve. Je n'avais pas voulu me retrouver confronté à Elio et pourtant, j'allais devoir faire avec ce soir. Il n'avait pas l'air d'être un mauvais gars. Mais il était l'autre fils et je n'étais pas prête à l'accepté. J'avais encore beaucoup trop de rancœur envers mon géniteur. Je n'en revenais pas qu'il nous ait caché qu'il avait une autre famille. Quand j'étais gamine, je trouvais des excuses à mon père. Je me disais qu'il n'était jamais là à cause de son travail. En réalité, c'était parce qu'il nous avait menti et qu'il avait d'autres gosses. Ça me faisait du mal de me retrouver face à Elio. Il était la preuve vivante de la trahison de notre père. Mais Elio pouvait dire la même chose de Kael, nos sœurs et moi. C'était nous la seconde famille. Il nous avait caché au reste du monde et se pavanait avec sa famille en publique. C'était grâce à un article sur internet illustré d'une photo que mon jumeau avait tout découvert. Le mensonge aurait pu durer encore longtemps si nous n'avions rien découvert. Je soupirais intérieurement. Quel sale type ! Je n'étais même pas sûre qu'il ait des remords. Notre géniteur se fichait bien de nous avoir fait souffrir. Si il avait tenu a nous et a notre mère, il n'aurait jamais agît de cette façon.
J'essayais de me concentrer sur ce qu'Elio m'apprenait. Je reproduisais les gestes qu'il me montrait, essayant de faire de mon mieux. Il m'apprenait les bases du langage des signes. L'important c'est que je sois capable de me présenter et de communiquer avec les gens.
« D'accord. Merci.»
Lui dis-je en reprenant le signe pour dire merci. J'esquissais un sourire. J'étais d'une nature curieuse et je m'intéressais aux choses. Ce soir, je bossais pour cette association et c'était normal que je m'informe un minimum. J'avais toujours aimé apprendre des choses, alors ça me plaisait qu'il m'apprenne le langage des sourds.
« Tu travailles dans cette association depuis longtemps ? »
Demandais-je par curiosité. C'était plus fort que moi et même si, au départ, je ne voulais rien savoir de ce demi-frère. C'est juste que ça m'étonnait de le croiser ici et que je ne m'étais pas forcément fait une bonne idée du personnage. Je jetais un coup d’œil à la salle. La soirée allait bientôt commencer et j'allais devoir me mettre au boulot.
J’avais l’impression que l’apprentissage de la langue l’avait un peu déridé, moi aussi. J’avais tout fait pour ne pas trop la regarder aussi de façon à éviter que mon malaise ne revienne d’un coup. Me concentrant sur les mots que je tentais de lui apprendre et sur sa bonne exécution. « D'accord. Merci.» Elle semblait plutôt heureuse de pouvoir recréer le signe, s’appliquant pour le faire le mieux possible ce qui avait fait naitre un léger sourire sur mon visage. « C’est parfait. » Nous n’allions pas vraiment avoir le temps d’apprendre plus, ça serait déjà suffisant pour ce soir. « Tu travailles dans cette association depuis longtemps ? » J’étais presque étonné de la question tant jusqu’à maintenant la jeune femme avait semblé mettre une certaine distance – que j’avais jugé professionnelle – entre nous. « Oui plusieurs années maintenant, à vrai dire ma meilleure amie est sourde de naissance du coup j’ai toujours été passionné par la langue des signes… Au point que j’en ai fait mon métier. » Du moins en partie parce que je n’avais jamais pu me partagé entre toute mes passion. Puis même si aujourd’hui Kaecy avait pu profiter de la mise en place d’un implant j’avais continuer de chérie cette langue. « Et toi longtemps que tu fais de la photographie ton métier? » Alors que je relevais la tête j’avais pu apercevoir les premiers invités arriver. « Je crois que ça va commencer. » Pour les quelques premier clients j’étais resté à côté d’elle, le temps qu’elle se familiarise avec l’handicape. Puis l’une des organisatrices de la soirée m’avait appelé pour que je lui donne un coup de main. « Je reviens très vite. » J’avais quitté momentanément Kara pour aider l’autre jeune femme, et alors que je tenais le lampadaire elle m’avait posé une question qui avait eu le dont de me glacer le sang. « Au fait ! Tu la connais la photographe ? Je me demandais si c’était quelqu’un de ta famille. » Un peu penaud j’avais rapidement répondu. « Pou-Pourquoi ça ? » Mais au fond je le savais déjà. « Son nom de famille. C’est une Harrington. » J’avais tenté de ne pas commencer à paniquer. Des Harrington il y en a plein, ça ne voulais rien dire… Ca ne voulait clairement rien dire. « Non… Non je la connais pas. » Quand j’avais quitté l’organisatrice mon pas était mon assuré, je voulais croire que ça n’était qu’une coïncidence. Mais cette ressemblance avec ma sœur c’était… C’était tellement troublant. « Tout vas bien ? » J’avais tenté de garder un ton assuré alors que je retrouvais la photographe. « Au fait je me demandais… Tu viens d’où ? » Pour avoir croisé son frère je savais que sa famille et lui étaient originaires des Etats-Unis. Plus particulièrement de Boston et si la question pouvait paraître anodine, il n’en était rien. J’attendais donc la réponse avec une pointe d’angoisse.
Je hochais la tête aux paroles d'Elio. Il n'était clairement pas ici par hasard. Il s'était engagé auprès des malentendants par vocation et il aimait ce qu'il faisait. C'était plaisant de rencontrer des personnes vraiment dévouées à une cause. Enfin bref. Je reprenais mes esprits, me rappelant qu'Elio n'était pas n'importe qui. Il avait beau être un inconnu, je savais qu'il était aussi mon demi-frère. Et ça, c'était une chose que j'avais du mal à digérer. J'avais beau être au courant depuis plusieurs mois, ça ne passait toujours pas. J'étais blessée et j'étais en colère contre notre père. Il y avait peu de chance que je lui pardonne cela un jour. Il était clair que je ne voulais plus le revoir. Il avait fait trop de mal à notre famille et surtout à maman. Je le détestais. Oui, je le détestais pour ne pas avoir été à la hauteur. Pour ne pas avoir été un bon père et parce qu'il s'était foutu de notre mère. J'avais manqué d'un père c'était certain et pour ça aussi, je lui en voulais. Je savais que mes plus jeunes sœurs allaient aussi ressentir ce manque. Elles apprendraient simplement à vivre avec, comme je l'avais fait. L'absence de mon père, même si elle m'avait pesé, ne m'avait pas empêché de me construire.
« Oui. Depuis toujours. »
Je n'avais jamais rien fait d'autre que de la photo. Enfin, j'avais eu des petits jobs d'étudiants, mais cela n'avait duré que quelques temps. J'étais faite pour la photographie et c'était le domaine dans lequel j'étais la meilleure. Il était hors de question pour moi de faire autre chose. La soirée allait commencer et je me mettais en place. J'étais prête à faire ce pourquoi j'étais là : immortaliser le plus d'instants. Elio restait près de moi les premières minutes, puis il était demandé ailleurs. Je le laissais s'en aller et je continuais de faire mon travail. Je m'en sortais plutôt pas mal pour communiquer avec les autres. La plupart savaient lire sur les lèvres, alors ça facilitais nos échanges. J'étais au niveau du photocall a prendre quelques invités en photo, lorsque Elio revenait vers moi.
« Oui tout va bien. »
Lui assurais-je sans le regarder. J'étais trop occupée avec mon appareil photo. Mais lorsqu'il reprenait la parole, je relevais mon regard bleu sur lui. Je fronçais les sourcils. Pourquoi cette question maintenant, alors qu'on était en plein travail ?
Je tentais vainement de garder un semblant de normalité. J’avais envie de tout balancer pour en voir le cœur net mais je savais que l’endroit n’était pas choisi. Kara et moi étions entrain de travailler, puis je n’avais pour le moment aucune certitude quand à ce que j’avançais à son propos. Il était aussi possible que ça ne soit qu’une drôle de coïncidence. Une cousine éloignée et inconnue qui ressemblerait beaucoup à ma sœur. « Oui tout va bien. » J’étais venu la retrouver alors qu’elle prenait quelques photos, restant un peu silencieux les premières minutes et me contentant de converser avec quelques personnes qui venaient se faire prendre en photo. J’avais finalement posé la première question destinée à me donner plus d’informations. Evidement j’avais vu son regard un peu interrogateur se poser sur moi. « Des États-Unis, pourquoi ? » Haussant un peu les épaules j’avais pourtant senti mon cœur s’emballer dans ma poitrine. « L’accent… Je me disais bien qu’il n’était pas de la région. » Si c’était maintenant un peu plus évident je ne savais même pas comment j’avais pu ne pas me poser plus de questions avant. Comme si toute cette histoire avec mon père ne m’avait pas suffi pour devenir plus suspicieux. « De Boston c’est ça ? » Une nouvelle fois mon cœur avait fait un bon, je me rendais compte que la question était de plus en plus précise et qu’il y avait peu de chance qu’un Australien dans mon genre puisse reconnaître son accent aussi facilement. Elle allait commencer à suspecter quelque chose. « J’y ai vécu pendant quelques mois, pour ça que je reconnais. » Enfin pour peu qu’elle finisse par aller dans mon sens et avouer qu’elle venait bien de Boston.
A nouveau un silence s’était installé entre nous alors que Kara avait repris son travail non sans que parfois je n’intervienne pour donner quelques indications après plusieurs minutes de travail tous deux nous étions retrouvés seuls devant le poste les invités profitant de la soirée. « La personne à qui te ressemble… C’était ma sœur. » J’avais cette fois attrapé le regard de la jeune femme sans le lâcher, y voyant bien son trouble. J’en étais sûr maintenant elle était bien une des nombreuses sœurs de Kael et pire encore elle savait très bien qui j’étais depuis le début. Ce qui expliquait mieux son trouble. Pour autant je n’avais pas voulu lui annoncer de but en blanc que je savais qui elle était préférant jouer un peu avec ses nerfs j’attendais de voir sa réaction lors d’une telle révélation. La fuite ? La confrontation ? Le silence tout était envisageable et en moi montait à nouveau une certaine colère et une incompréhension. Pourquoi cette fille jouait-elle avec mes nerfs ? Savait-elle que j’allais être là ce soir ? Est-ce qu’elle aussi avait voulu jouer une sorte de petit jeu pervers en m’approchant tout en me mentant pour venir voir la bête – le curieuse animal que mon père avait eu dans le dos de leur mère.
L'accent américain était très reconnaissable et il n'était pas étonnant qu'Elio l'est remarqué. Je pensais que la conversation allait s'arrêter là. La soirée battait son plein et on était là pour bosser, pas pour papoter. Seulement, Elio insistait. Pourquoi fallait t-il qu'il soit une vraie pipelette ? Je pensais qu'on resterait concentré sur notre travail. Ce qui m'aurait arrangé. Je n'avais aucune envie d'avoir une conversation avec Elio et encore moins de lui raconter d'où je venais, ni même de lui parler de moi. Contrairement à Kael, je n'étais pas curieuse de rencontrer cet autre frère. Après avoir découvert la trahison de notre père, mon jumeau était venu ici, à Brisbane. Il avait besoin de comprendre. Mais moi, j'étais juste en colère et il n'y avait aucune chance que je comprenne un jour les choix de notre père. Je savais que Kael avait déjà rencontré Elio. Il m'avait tout raconté. Je gardais mes prunelles bleues sur Elio. Il était bizarre. Il semblait vouloir me pousser à parler davantage.
« Vraiment ? Parce que je viens pas de Boston... apparemment, tu reconnais pas l'accent aussi bien que ça. »
Répondis-je avec un fin sourire sur les lèvres. Elio me rendait nerveuse. Je détournais mon attention de lui pour me concentrer sur mon travail. Il manquerait plus qu'on me reproche de ne pas avoir été assez professionnelle à cause de lui. Et puis, j'espérais que le fait d'être occupée le dissuade de me poser de nouvelles questions. En temps normal, j'étais un peu plus ouverte à la discussion. Mais la situation était tout sauf normale. Elio n'était pas un inconnu à qui je pouvais faire la conversation. Il me donnait quelques indications pour m'aider dans mon travail. Puis on se retrouvait seuls. Il reprenait alors la parole. Je n'aimais pas l'insistance avec laquelle il me regardait. Je restais silencieuse un moment. Parce qu'en plus il avait une sœur ? Une sœur a qui je ressemblais beaucoup à en croire ses paroles. Je ne lâchais pas le regard d'Elio réalisant qu'il avait compris. Il savait que j'étais sa demi-sœur. Du moins, c'était l'impression que j'avais. En revanche, je ne savais pas à quoi il jouait. Est-ce qu'il savait depuis le début que j'étais une Harrington ? Il avait très bien pu apprendre quel était mon nom de famille et faire le rapprochement. Surtout si je ressemblais à sa sœur. Plusieurs minutes étaient passées et je n'avais toujours rien dit. Je me sentais piégée.
« Qu'est-ce que tu veux, Elio ? Et pourquoi est-ce que tu me dis ça ? »
Dis-je finalement avant d'ajouter :
« Je crois qu'on devrait se concentrer sur notre boulot.»
J'étais froide, mais il m'avait mise sur les nerfs et je ne savais pas comment gérer cette situation. Vivement que cette soirée se termine.
« Vraiment ? Parce que je viens pas de Boston... apparemment, tu reconnais pas l'accent aussi bien que ça. » Je fais mine de la croire. Mais c’est trop tard pour démentir, ça me semble tellement évident maintenant qu’elle est la soeur de Kael. Je ne prends même pas ses propos au sérieux. Je ne reviens pas non plus dessus. J’attends – je travaille. Je cherche le bon moyen d’aborder le sujet. Je voudrais qu’elle se sente aussi mal à l’aise que je peux l’être en ce moment sans trop savoir ce qu’elle sait et si sa présence ici est volontaire. Quand nous nous retrouvons seul et que je pose mes yeux sur elle la ressemblance frappante avec ma soeur me saisit à nouveau et je me décide à le lui avouer. Non sans avoir une idée derrière la tête. Et rapidement je vois son malaise revenir. « Qu'est-ce que tu veux, Elio ? Et pourquoi est-ce que tu me dis ça ? » Je rigole un peu en me penchant un peu plus vers elle sans quitter son regard. « Je crois que c’est plutôt moi qui devrait te demander ce que tu veux ? » Je ne réponds pas à sa deuxième question. Le ton légèrement provocateur, presque un peu imposant comme ça, j’essaye de la déstabiliser et ça a l’air de marcher. « Je crois qu'on devrait se concentrer sur notre boulot.» A nouveau je rigole un peu détournant le regard cette fois un peu agacé par son comportement. « C’est ça travaillons. » Je m’en vais… Je crois que j’ai besoin de prendre l’air, je suis en colère.
Je reste dehors un moment - le temps de me calmer un peu. Quand je reviens j’évite Kara au maximum pendant plusieurs heures. De toute façon elle se débrouille très bien sans moi. La soirée se déroule sans autre problème - j’ai bien assez de choses à gérer comme ça sans avoir de temps pour penser à la jeune femme. Et ce n’est qu’une fois les derniers invités sur le point de partir que je retrouver Kara. « Ca a été ? » Mon ton est beaucoup plus froid alors que je me place à côté d’elle sans la regarder. Pendant plusieurs secondes un silence gênant s’installe entre nous et je finis par le rompre en me tournant vers elle pour la regarder cette fois. « Tu comptais me le dire ? Ou t’étais juste venu ici pour voir la bête étrange ? L’autre fils ? » C’est bien que ce son frère avait fait – il était venu pendant des semaines dans mon bar - sans rien me dire à m’observer. « C’est quoi votre putain de problème merde ?! » Je ne suis pas une bête curieuse que l’on peut venir observer mais bien un humain merde. Le minimum des respects serait appréciable.