Martin & Jameson

Enveloppée dans un hoodie confortable, j’ai descendu deux couvertures douces dans les escaliers, pour les poser sur le canapé dans mon salon. C’était toujours plus agréable, je trouvais, pour regarder la télévision. J’ai préparé une tisane et je me suis servie un mug avant de retourner vers le divan, qui semblait m’appeler tant il avait l’air confortable. Là, je me suis calée dans un coin, appréciant un instant le calme de ma maison. Chose rare, depuis que Phoenix et Leila avaient aménagé chez moi une dizaine de jours plus tôt. Et étrangement, la quiétude me manquait plus que je ne l’aurais imaginé. Mais ce soir j’avais la baraque pour moi toute seule. Phoenix travaillait tard et devait régler quelques broutilles dans l’appartement qu’il avait été forcé de quitter, donc il avait préféré dormir sur place. Quant à Leila, Robin l’avait récupérée, pour éviter qu’elle n’ait à passer la nuit avec une étrangère (moi). Martin n’étant absolument pas au courant de cette sombre histoire, ça m’avait donc semblé l’occasion rêvée pour l’inviter à cette fameuse soirée Netflix, qu’il m’avait promise lorsque je l’avais tiré de prison quelques jours plus tôt.

De plus, le temps se prêtait à cette activité. Au mois d’août, l’Australie étaient en plein hiver. Et apparemment, j’étais la seule de mes connaissances à m’en réjouir. Irlandaise et Canadienne, le temps rude de mes pays d’origine me manquait. Depuis l’hiver glacial des rocheuses, à la pluie vigoureuse de Dublin. D’ailleurs, un sourire étira brièvement mes lèvres lorsque les gouttes d’eau se mirent à marteler les immenses fenêtres de mon salon. Ce son me remplissait d’aise. Aussi j’ai fermé les yeux un instant, profitant du calme uniquement troublé par cette mélodie si douce à mes oreilles. J’ai pris une profonde inspiration, et l’espace d’un instant, j’aurais presque pu m’imaginer dans un chalet montagnard en Colombie Britannique. Du moins jusqu’à ce qu’un coup de tonnerre ne vienne déchirer le silence, déclenchant automatiquement le hurlement de Freyja. Car ma chienne n’aboyait que très rarement : elle préférait amplement gueuler comme une louve sauvage. J’ai brusquement rouvert les yeux pour la voir se précipiter contre mes jambes, une lueur de terreur dans son regard ambré.

- Allons ma belle, tu ne vas pas te laisser impressionner par un petit éclair, si ? T’es une louve, bordel.

Je l’ai taquinée affectueusement d’une voix basse et rassurante, caressant son pelage blanc comme neige. Elle couina un peu et finit par ouvrir la gueule pour haleter joyeusement, soulagée. J’ai secoué la tête avec un sourire. Quand je l’avais adoptée, je ne savais pas du tout à quoi m’attendre, parce que je n’avais jamais entendu parler de sa race si particulière. Tout ce que je savais, c’était que nos regards s’étaient accrochés dans le refuge où une amie faisait du volontariat et que la connexion avait été instantanée. Mais je n’avais jamais eu de chien, et n’imaginais pas en avoir, comme ils étaient des animaux carnivores et que l’idée d’acheter de la viande me répugnait. J’avais tout de même questionné mon amie, qui m’avait expliqué tristement que la boule de poils à peine âgée de trois mois avait été abandonnée par sa famille, parce qu’elle faisait trop de dégâts. Une histoire qui touchait 80% des hybrides de loups. Une fois dans le système, la chance qu’elle retrouve une famille était infime, en raison de l’ancestrale peur que les humains entretiennent envers ces animaux sauvages. Cette révélation m’avait brisé le cœur. Alors quand j’avais appris qu’une date d’euthanasie était déjà programmée, je n’avais pas réfléchit, et l’avait adoptée sur le champ. Après tout, j’avais toujours admiré les loups, et je les savais sans danger pour l’homme.

Moi qui croyais ainsi adopter une chienne fière et courageuse, je fus bien surprise lorsque je réalisai que Freyja était une véritable flippette. Après m’être renseignée sur internet et auprès d’un comportementaliste spécialisé dans les besoins cette race spécifique, j’avais appris que c’était le trait « loup » qui voulait ça. Ma chienne paniquait au moindre bruit inconnu, fuyait sous le canapé quand je recevais un humain qu’elle ne connaissait pas, et se réveillait au milieu de la nuit en hurlant. Après des années de travail, d’amour et d’efforts de socialisation, j’étais parvenue à la désensibiliser à la majorité de ses craintes. En dehors de l’orage… et des hommes qui avaient le malheur d’atterrir dans mon lit. Les premiers la faisaient toujours paniquer. Quant aux deuxièmes, ils réveillaient chez elle une agressivité légèrement inquiétante. Ancestrale aussi, je supposais. A moins qu’il ne s’agisse que d'une jalousie mal placée. Heureusement, elle ne s’était pour l’instant pas attaquée à Phoenix. Peut-être parce qu’il ne partageait pas vraiment mon lit, justement.

Nouvel éclair, nouveau hurlement. Auquel répondit un autre chien… dans mon jardin. J’ai froncé les sourcils, me penchant par ma fenêtre pour essayer de comprendre qui avait osé pénétrer sur mon terrain, mais un sourire éclaira mon visage lorsque je reconnus la silhouette de Martin, accompagnée de son husky.

- Tu vas être contente, je crois qu’on t’amène un copain.

Je n’étais pas sûre que Freyja soit capable de me comprendre, mais elle sauta sur ses pattes et me suivit jusqu’à l’entrée, comme si elle était intriguée. J’ai ouvert la porte avant que Martin ne sonne et me suis écartée pour le laisser entrer afin qu’il se mette à l’abri.

- Hey !

Je l’ai salué avec un sourire chaleureux. J’aurais bien ajouté autre chose, mais son chien glissa entre mes jambes et fonça à l’intérieur avant que l’un de nous ne puisse l’en empêcher. Il dégueulassa un peu le sol, mais ça, à la limite, je m’en foutais un peu. Ce qui m’inquiétait plus, c’était qu’il aille emmerder Freyja et se prenne un coup de dents. Fort heureusement, il eut la décence de s’arrêter juste en face d’elle et ils se lancèrent une séance de présentation dans les règles, à force de reniflement et de petits grondements préventifs. J’ai secoué la tête et me suis retournée vers Martin pour attraper ses vêtements trempés, que j’ai accroché derrière la porte. Puis je l’ai serré dans mes bras pour le saluer.

- Ça fait plaisir de te voir ailleurs que dans une cellule, je l'ai taquiné. Puis je lui ai fait signe de me suivre dans le salon. J’ai préparé du thé et un mug pour toi sur la table basse. N’hésite pas à t’en servir pendant que…

Avec un sourire aux lèvres, j’ai désigné l’entrée où les deux chiens se trouvaient toujours et se croquaient désormais amicalement les oreilles. Je me suis rapidement éclipsée pour passer un coup de serpillère sur le sol (je détestais la saleté), puis je suis revenue m’assoir aux côtés de Martin en poussant un soupir de contentement.

- T’avais pas menti. J’ai dit en désignant son chien. Il m’a l’air totalement surexcité. Puis je l’ai regardé avec un sourire amusé. En d’autres termes, il te ressemble un peu. D'ailleurs... je me demande combien de temps Freyja va le supporter !

©junne.

Martin & Jameson

Deux jours depuis que Jameson m'a sorti de prison. Deux jours que je me trimballe avec ce putain de bracelet électronique qui m'a déjà valu plus d'une moquerie. De la part de mes deux cousins et de Cassia. Alors que je le prenais toujours à la rigolade jusque là, lorsqu'Alaric s'y est mit je l'ai mal supporté. Je ne lui ai rien montré, évidement, mais dans le fond, qu'il se moque ainsi ouvertement, ne m'a pas vraiment plut. Enfin, de toute manière, lui et moi nous ne supportons que quelques heures par semaines, voire mois. Alors, lorsque Jameson m'a appelé la veille en me rappelant ma promesse : celle de lui faire découvrir Netflix. Je n'ai donc pas hésité longtemps et me voilà donc chez elle.

Avant de toquer à la porte, je baisse mon regard sur Odin, le jeune husky qui me regarde, langue pendante et queue frétillante. Cet animal est sûrement le plus curieux que je connaisse. Curieux et sociable. Il adore rencontrer de nouveaux gens et c'est sûrement pour ça qu'il est excité en ce moment même. Je souris doucement et me baisse pour le caresser  « Tu te tiens à carreau, ok ?» lui dis-je en le grattouillant derrière les oreilles. Pour toute réponse, sa queue bat d'avantage l'air. Alors, me redressant, je lève un doigt pour sonner … mais la porte s'ouvre directement sans que je ne puisse faire quoique ce soit.

Jameson se trouve devant moi et me salue, mais Odin se faufile entre les jambes de la jeune femme et s'en fuit à l'intérieur de la villa.  «Od-... » ais-je tout juste le temps de dire avant de soupirer  « Quel sale bête » soupirais-je avant de regarder Jameson  « désolé, il se croit chez lui partout où il va » dis-je en entrant et en lui tendant me vêtement trempé. Je réponds sans hésiter à son étreinte  «bonjour  » soufflais-je en la serrant contre moi avant d'entrer lorsqu'elle m'y autorise.  « Tiens, j'ai ramené des chocolats et du vin. Ça pourrait être pas mal pour ce soir. Enfin, surtout le vin en fait» je rigole doucement lorsqu'elle me dit que ça fait plaisir de me voir en dehors d'une cellule et lui fourre le tout dans les mains en roulant des yeux.

En chemin, je vois remarque, bien évidement, les chaussures d'hommes dans le couloir. Mais je décide de ne rien dire. Du moins, pas pour le moment. Je vais attendre un peu avant de lui poser la question. Faisant donc comme si je n'avais rien vu, je me dirige vers le salon où je vois Odin croque -ou plutôt essaie de croquer ...- affectueusement les oreilles de la chienne de Jameson. Mon chien, observe curieusement sa semblable avant de se plaquer au sol, fesses en l'air. Je grimace un peu  « S'il ne pleuvait pas, je t'aurais proposé de les laisser courir dans ton jardin. Ça aurait été mieux qu'ils fassent connaissance dehors. Odin est du genre très … turbulent quand il commence à jouer ... » expliquais-je à Jameson  «Et en plus comme ça on a tout le temps pour nous » reprenais-je avec un sourire.  « Mais bon … on va pas les foutre dehors »

Je rigole de bon cœur lorsque Jameson commente les réactions de mon chien, disant qu'il a l'air totalement surexcité et que de ce côté là il me ressemble.   « Ouais c'est pas faux» j'hausse les épaules   «va savoir. Mais je pense que ta chienne est du genre à fixer les règles et les limites. Ça lui fera pas de mal à cette bête » dis-je en tapotant la tête de mon chien qui me tourne autour langue pendante et queue frétillante avant d'aller se plaquer sur le sol, fesses en l'air, face à la chienne.   « Elle s'appelle comment ?» demandais-je, curieux.

©junne.

Martin & Jameson

Je me suis assise aux côtés de Martin sur le canapé, retirant mes chaussons avant de replier mes jambes sous mes fesses. Puis j’ai relevé les yeux vers lui et j'ai suivi son regard en direction de nos chiens, qui commençaient légèrement à s’agiter dans cette prise de connaissance joyeuse. Je ne m’en formalisai pas trop. Freyja étant plutôt du genre turbulente, je n’avais pas beaucoup d’objets cassants à cet étage. Et quand bien même elle en foutait quelques-uns par terre, je ne m’en inquiétais pas outre mesure, accordant peu d’importance aux biens matériels. Enfin à l’exception de ma statue « And Justice For All… ! » que Robin avait sculptée rien que pour moi. Celle-ci se trouvait bien en hauteur, sur un meuble que j’avais fixé au mur pour en assurer la stabilité. J’ai observé notre « progéniture » avec un regard indulgent, puis j’ai relevé les yeux vers Martin.

- Oh tu sais, c’est pas eux que ça dérangerait, la pluie. Ce seraient des chihuahuas, je comprendrais, mais ce sont des races nordiques qui peuvent supporter des températures bien plus extrêmes. Puis j’ai haussé les épaules avec un petit sourire. En fait, c’est plus moi que ça ferait chier… quand ils auront envie de rentrer et viendront étaler de la boue partout sur le carrelage.

J’ai laissé échapper un petit rire (presque nerveux, en imaginant le désastre) puis j’ai hoché la tête, décidant de me ranger du côté de Martin. Nous n’allions définitivement pas les mettre dehors. De plus, j’étais persuadée qu’ils finiraient par se calmer d’eux même. Du moins si l’Husky de Martin parvenait à ne pas trop énerver Freyja. D’ailleurs, quand je lui fis remarquer qu’il débordait d’énergie, à l’instar de son humain, Martin confirma mon impression, en précisant qu’il ne s’en faisait pas trop pour Freyja. Un sourire tendre étira mes lèvres tandis que je couvais ma louve du regard.

- Ça, tu peux le dire ! J’ai confirmé avec un soupir. Puis j’ai relevé un regard amusé vers lui. Elle tient de sa maman.

Ça m’amusait un peu, de voir que la dynamique qui s’instaurait entre nos compagnons ressemblait légèrement à celle qui nous liait, Martin et moi. Au moment où cette pensée traversait mon esprit, l’husky alla se planter sur le sol face à ma louve, fesses en l’air et tête baissée, queue frétillante. Immédiatement, Freyja se redressa, oreilles en arrière et queue bien droite. Comme si elle essayait de lui expliquer qu’ici, c’était elle qui faisait la loi.

- Elle s’appelle Freyja, j’ai répondu en me relevant pour aller chercher des verres de vin dans la cuisine, caressant la tête des chiens au passage. Pas très original, je sais. Mais je trouve qu’elle le porte divinement bien.

Les verres à la main, je suis revenue vers Martin et je les ai déposés sur la table. Puis j’ai entreprit d’ouvrir la bouteille de vin pour nous servir, car finalement ça me tentait autrement plus que le thé rooibos. Qui a dit qu’on ne peut pas déguster ces deux breuvages en même temps, hein ? Me dis-je mentalement tandis que je remplissais nos verres.

- Au passage, excellente idée, le vin et le chocolat. J’ai dit avec un sourire taquin tout en tendant son verre à Martin. Santé !

J’ai pris une gorgée du liquide rouge, appréciant son goût à la fois riche, âpre et légèrement sucré. Puis j’ai reposé mon verre sur la table et repris la position préférée, glissant mes pieds sous mes fesses.

- Et le tien, il s’appelle comment ? D’ailleurs, ça fait longtemps que tu l’as récupéré ?

Je m’étonnais de ne pas l’avoir encore rencontré. Cela dit, maintenant que j’y repensais, Martin et moi nous voyions surtout à l’extérieur, même maintenant que nous avions arrêté de faire des actions ensembles. Enfin… jusqu’à celle qui l’avait conduit tout droit en prison, évidemment.

©junne.

Martin & Jameson

J'hausse les épaules lorsque Jameson me dit réponds que sa chienne et le mien sont des races nordiques, donc des races qui ont l'habitude de températures extrême.  « C'est pas faux» souriais-je avec amusement avant de rejoindre mon amie dans le salon. Je rigole ensuite lorsqu'elle m'avoue que c'est elle-même que ça dérangerait lorsque les chiens rentreront et mettront de la saleté partout.  « T'es pas croyable» souriais-je  «Même si le chien est tout heureux d'être sale, tu ne voudrais pas qu'il le soit juste parce que tu ne veux pas nettoyer derrière lui ? » Je ne savais pas que Jameson soit aussi maniaque et, pour tout avouer, ça me fait doucement sourire. Mais peu importe.

Assis sur le canapé, nous observons un peu les chiens, silencieux. Mais c'est Jameson qui brise le silence en disant que sa chienne tient beaucoup de sa maman.  «je vois ça » dis-je sur un ton lointain tandis qu'un sourire vient étirer mes lèvres  « Belle, élégante, stricte...» je regarde Jameson  «Mais faut travailler au niveau de la taille hein » reprenais-je avec mon large sourire de sale gosse en me rendant compte que je ne la charrie que très rarement sur sa taille. De toute manière, Jameson a une taille tout à fait normale pour une femme de son âge. Bref.

J'apprends alors que l'animal de Jameson s'appelle Freyja. Quelle coïncidence ! J'attrape mon verre et le lève vers mon amie  « Nazdrowie» dis-je avec un sourire en coin. Ouais je suis comme ça, j'aime bien changer de langue parfois. Autant profiter du fait que je sache dire 'santé' en plusieurs langues, non ? Bref.  « Odin » répondais-je lorsque Jameson me retourne la question concernant les chiens  «C'est pour ça que j'ai souris juste avant, c'est une sacré coïncidence » je rigole doucement  « Ils vont se marier et puis régner ensemble sur le commun des mortels» dis-je en désignant les deux chiens. Odin est entrain de courir autour de Freyja, qui est couchée, en essayant de lui mordre les oreilles ou les pattes, avant de découvrir la queue de son amie et jouer avec.  «Bon, bref. On active Netflix du coup ? » demandais-je en me redressant. J'attrape un chocolat que je met dans ma bouche en attendant la réponse de mon amie.

©junne.

Martin & Jameson

J’avais l’habitude que Martin me taquine. Ça faisait partie de son image de sale môme que j’avais autant envie de frapper que de serrer dans mes bras. En général, j’évitais de lui répondre… sauf quand je me faisais avoir. Mais j’étais plutôt fière de moi cette fois-ci parce que je parvins à faire face à deux attaques consécutives. La première concernant ma tendance maniaque – car oui, je préférais garder Freyja à l’intérieur que de lui nettoyer les pattes. D’autant que nous avions couru dix kilomètres ce matin (comme tous les autres) et que le lendemain, je l’amènerai en randonnée. La deuxième… ça commençait bien, pourtant. Je m’étais même redressée fièrement lorsqu’il décrivit ma louve comme « belle, élégante et stricte », comme sa maman. Je ne me trouvais pas particulièrement jolie, mais j’avais travaillé d’arrache pieds pour me créer une apparence aussi sévère que soignée. Un style qui collait bien à l’image de Maître Jameson Winters. Pas comme les loques rock ‘n roll vers lesquelles j’étais naturellement attirée quand j’étais ado. Mais avec Martin, un compliment n’allait jamais seul, puisqu’il ajouta qu’il fallait aussi « travailler la taille ». Instinctivement, j’ai regardé Freyja, qui était grande et élancée comme les high content wolfdogs se devaient de l’être. Je me suis donc dit que la pique devait être pour moi, mais comme j’étais parfaitement à l’aise dans mon corps, je ne parvins pas à savoir s’il parlait de ma hauteur ou de ma largeur. Dans les deux cas, j’ai décidé de l’ignorer, et me suis contentée de nous servir notre alcool en trinquant avec lui, un sourire indulgent sur mes lèvres. Il m’apprit ensuite que son chien s’appelait Odin et mon sourire s’élargit, plus sincèrement cette fois.

- Sans blague. Ils règnent déjà sur nos demeures alors je les imagine bien étendre ça au reste du monde.    

J’ai plaisanté avant de reprendre une gorgée de mon verre. Mon regard glissa à nouveau vers notre progéniture et j’ai éclaté de rire en voyant qu’Odin ne s’était toujours pas lassé et courrait désormais autour de Freyja qui s’était aplatie sur le sol, blasée. Sauf que je la connaissais assez bien pour savoir qu’elle ne garderait pas ce semblant de calme longtemps. J’ai hésité à intervenir, mais je me suis dit que c’était à eux d’instaurer leur propre dynamique. De plus, Martin me rappela à l’ordre en me parlant de Netflix.

- Bah, je t’attends. J’ai répliqué en reposant mon verre. J’ai lu qu’on pouvait regarder ça sur la télé, mais ce genre de technologie, ça me passe totalement par-dessus la tête. Je me suis tournée vers lui avec un grand sourire et j’ai déposé mon ordinateur et une télécommande sur ses genoux. Alors je compte un peu sur toi pour m’ouvrir un compte et faire marcher ce bordel. Moi, j’entre en jeu avec la carte bleue.

Ce disant, j’ai fouillé dans mon sac et sorti la petite carte entre mon majeur et mon indexe. Au même moment, un grognement se fit entendre et j’ai vivement relevé les yeux pour voir Freyja bondir sur ses pattes et donner un coup de dents sec en direction d’Odin. Sa mâchoire se referma dans les airs, ce qui me rassura. Elle s’adonnait juste à une petite déclaration de force. Cependant, elle grognait toujours et les deux chiens se faisaient désormais face.

- Freyja, viens ici !

Je l’ai quand même appelée. Je n’avais pas vraiment envie qu’elle décide de se faire les dents sur Odin. Ce n’était certes pas un petit chien, mais il était plus jeune, et les instincts de chasse restaient moins développés chez les huskys alors elle pouvait sérieusement le blesser. Elle a hésité un instant, mais je lui ai adressé un regard sévère, aussi elle est venue s’installer à côtés de moi et poser sa tête sur mes genoux.

- Voilà, du calme ma belle. J’ai dit d’une voix douce, tout en caressant sa tête. Puis j’ai relevé les yeux vers Martin. Elle n’est pas agressive, elle n’a juste pas trop l’habitude d’être socialisée avec d’autres chiens... ou des humains d'ailleurs. Comme je ne sais pas trop comment elle pourrait réagir, je préfère ne pas prendre trop de risques dès la première rencontre. J’ai expliqué avec une mine contrite. Puis j’ai désigné l’ordinateur du menton. Alors, ça donne quoi ?  

©junne.

Martin & Jameson

Ce que j'adore chez Jameson c'est qu'elle sait exactement quand je suis sérieux et quand je ne le suis pas. Bizarrement, elle a sut lire en moi dès notre première rencontre. Et c'est tant mieux. Ainsi donc, elle ne réagit presque pas quand je lance mes deux piques de suite. Dommage, d'un côté : j'aurais bien aimé qu'elle montre ses crocs. Mais non. Enfin, peu importe. Elle rigole doucement lorsque j'annonce le nom de mon chien et que lui et la sienne vont se marier régner sur le monde. A cela, Jameson me donne raison, disant qu'ils règnent déjà sur la maison. Le monde ne sera donc d'aucune difficulté pour eux. J'hoche doucement la tête, souriant.  « Ils sont mignon. Elle a vraiment une bonne tête Freyja» dis-je en désignant la chienne de mon amie.

Je lui demande ensuite quand c'est que nous pouvons commencer avec Netflix. Pour toute réponse, Jameson me sort sa carte de crédit, me disant de lui créer un compte, elle, elle s'occupe de payer. Je rigole de bon cœur et lui prends la carte des mains  «C'est comme si s'était fait  »dis-je en attrapant aussi l'ordinateur. Je me laisse glisser au sol et pose l'ordinateur sur la , trouvant la position plus agréable.

Tandis que je pianote sur l'ordinateur et remplis le formulaire, Freyja commence à perdre patience avec Odin qui ne cesse de lui sauter autour. J'entends juste le bruit de croc qui se referment -heureusement dans le vide- puis mon chien qui s'en fuit de la pièce. Je relève le regard lorsque Jameson appelle sa chienne qui, après hésitation, vient poser sa tête sur ses genoux. Mon amie m'explique que sa louve n'est pas méchante mais qu'elle n'a juste pas l'habitude de sociabiliser avec d'autre animaux ou humain.  « tant pis pour elle, Odin il adore les autres chiens » souriais-je en me penchant sur les genoux de Jameson, tendant ma main vers Freyja. Sur le coup, je ne pense pas à la cicatrice de morsure, due au chien enragé du festival de Yulin, qui orne mon avant bras et qui, du coup, bien visible.

Ce n'est que lorsque Freyja, après avoir fini de renifler mes doigts, détourne la tête pour la reposer sur les genoux de sa maîtresse, que je prends conscience que Jameson n'a jamais vu cette cicatrice. En fait, j'ai toujours fait en sorte de la caché lorsque j'étais avec elle car je sais que je ne pourrais pas lui mentir si elle me demande d'où je la tiens. Je pourrais toujours feindre une morsure d'Odin ou d'un autre chien, mais elle ne me croira pas.Je profite donc du fait qu'elle me demande si le login avance pour changer de sujet.  « ...eeeeet …. voilà … !» dis-je en tapant le dernier chiffre de la carte de crédit avant d'appuyer sur valider. Je redonne la carte à Jameson sans quitter l'ordinateur du regard. «Ton nom d'utilisateur c'est bettercallwinters et ton mot de passe c'est sexymartin » dis-je avant de rigoler doucement  « on, c'est pas vrai. Le mot de passe c'est Freyja, tout simplement.» Je laisse glisser l'ordinateur pour le poser devant Jameson puis appui sur mes bras pour me remettre assis sur le canapé. J'attrape mon verre de vin et en prends une gorgé  « ça te vas ? Tu vas pas tarder à avoir un courriel de confirmation »

©junne.

Martin & Jameson

J’ai senti un sourire étirer mes lèvres quand Martin me répondit qu’Odin, lui, adorait les autres chiens. Encore un truc qu’il avait en commun avec son humain. J’avais toujours été un peu impressionnée par les capacités humaines de mon gamin. Il disait que c’était son métier, qui le prédisposait à être si social, mais je pensais plutôt que c’était un truc qu’il avait en lui. Et qui me manquait clairement, à moi. Les autres humains, c’était juste pas mon truc. Tout comme Freyja se portait plutôt bien sans la présence d’autres canidés. Amusée, j’allais en faire la remarque à Martin, quand il a décidé de tendre sa main pour caresser la tête de ma louve. Et là, mes mots sont restés bloqués dans ma gorge. Parce que mes yeux venaient de se poser sur une longue cicatrice qui couvrait son avant-bras. Je su tout de suite qu’il s’agissait d’une morsure, parce que ma grand-mère en avait une similaire sur l’épaule et qu’elle m’en avait raconté l’histoire de nombreuses fois. J’ai froncé les sourcils, prête à lui demander comment il s’était fait ça, mais Martin choisit ce moment pour répondre à la question que je lui avais posée et me tenir au courant des avancées de mon compte Netflix. J’ai repris la carte de crédit qu’il me tendait sans le lâcher des yeux. Je faisais peut-être ma paranoïaque, mais je trouvais ça un peu bizarre qu’il fixe l’ordinateur de cette façon. Puis j’ai secoué la tête et rangé la carte dans mon sac. Qu’est-ce que j’allais imaginer ? Il n’y avait rien d’anormal dans l’attitude de Martin, qui plaisantait déjà sur le nom qu’il avait choisi et le mot de passe. J’ai éclaté d’un rire franc en reconnaissant la référence d’une série que j’avais essayé de regarder (avant d'arrêter parce qu'elle me faisait mourir d’ennui). Mais je me souvenais bien du slogan « Better Call Saul » de leur avocat flippant et douteux.

- Alors c’est comme ça que tu me vois, hein ? J’ai plaisanté avec un sourire taquin, haussant un sourcil. Puis j’ai secoué la tête. T’aurais dû laisser "sexymartin", comme ça j’aurais pu penser à toi chaque fois que j’allume ma session. J’ai marqué un arrêt puis serré les poings au niveau de mon visage, imitant une groupie fanatique alors que je reprenais, d’un ton faussement passionné. Toi, nu sur une falaise des îles Féroé, le vent agitant tes cheveux et le sang de tes opposants sur ton visage ! Puis j’ai haussé les épaules en pinçant les lèvres, amusée. Ça, c’est pour le côté viking, ça rajoute toujours une dose de sex appeal, je trouve.

Ça faisait bien trop longtemps que je n’avais pas taquiné Martin avec ce fantasme qu’il m’avait confié des années plus tôt, et l’occasion était rêvée. De plus, ça me permettait de me venger vicieusement des deux piques qu’il m’avait consécutivement envoyées quelques minutes plus tôt. Je l’ai regardé avec un sourire puis lui ai fait un clin d’œil (ce qui dans mon langage signifiait à peu près « un point partout, balle au centre »). Puis j’ai reposé l’ordinateur sur ma table basse, ouvrant ma boite de réception de façon à pouvoir activer mon adresse e-mail (je supposais), lorsque je recevrais l’e-mail de confirmation.

- C’est parfait gamin.

J’ai dit plus sérieusement en me renfonçant dans mon canapé, mon verre de vin rouge entre les mains. Hésitante. Le fait était que je n’arrivais pas à me retirer cette méchante cicatrice de la tête. Sauf que poser des questions et fouiner dans la vie des gens, je n’aimais pas trop ça. Mais quelque part, ça m’inquiétait un peu. Alors j’ai vidé mon verre d’une traite (pour me donner du courage, surement) puis je me suis redressée et j’ai désigné le bras de Martin de mon menton, cherchant son regard.

- Cette cicatrice, tu l’avais pas avant. J’ai dit simplement. C’est Odin qui t’a fait ça ?

Tout comme les chien loups, je savais que les huskys pouvaient être un peu imprévisibles. Il suffisait que Martin ait recueillit un chien qui avait été maltraité et n’avait pas confiance en l’homme, il aurait pu le blesser, même sans le vouloir. Et pourtant, je n’avais pas l’impression que ce soit le genre d’Odin. Ce dernier était revenu dans la pièce et haletait joyeusement à nos côtés. Mais dans ce cas, j’avais du mal à m’expliquer comment il aurait pu obtenir une blessure aussi dégueulasse. Parce que je ne voyais pas vraiment les lapins ou les beagles habituellement utilisés dans les laboratoires lui laisser une marque pareille lors d’un sauvetage. Non, ça venait clairement d’un chien plus grand à la mâchoire puissante.

©junne.

Martin & Jameson

Lorsque je l’entends rigoler de la sorte, je me joins à son rire. Sans doute n’a-t-elle pas vu la cicatrice que j’ai sur le bras ? Je n’y crois pas trop je dois dire, Jameson est du genre très observatrice, surtout quand il s’agit de moi et de ma santé. Elle a souvent des réactions maternelles avec moi, ce qui n’est pas pour me déplaire je dois avouer. Enfin peu importe. Je lui offre un large sourire lorsque je comprends qu’elle a saisi la référence, et roule des yeux lorsqu’elle me dit que j’aurais pu laisser sexymartin en mot de passe, comme ça elle penserait toujours à moi. Je fronce les sourcils lorsqu’elle fait une référence au fantasme que je lui ai confié quelques années plus tôt. « Eh merde … je pensais que t’avais oublié ce que je t’ai confié à ce moment là » soupirais-je avec un sourire en coin « Tu veux que je te rappelle quand toi t’as fais l’amour avec un mec et que sa maman vous a surpris ?» je lui offre un large sourire puis m’installe à nouveau sur le canapé avec mon vin.

Le silence s’installe entre nous mais, malheureusement, pas pour longtemps. Après avoir fini son vin d’une traite, elle reprend la parole pour me questionner sur la cicatrice qui orne mon bras. Je soupire doucement et passe, automatiquement, ma main sur mon avant bras. Je me prends encore le temps de finir, à mon tour mon verre, puis secoue la tête en le reposant sur la tabel « Non, pas Odin » je regarde vers mon chien qui a décidé de revenir dans la pièce «Il est pas assez puissant pour ça » je lui fait signe de venir et il se couche à mes côtés « Tu rigoles, ses crocs sont encore tout petits » je secoue la tête et baisse le regard sur mon bras. Je tourne ma main pour découvrir la partie plus vicieuse de la cicatrice « Non, c’est un molosse qui m’a mordu. En chine. Il y a deux ans.» je me penche en avant et rempli à nouveau mon verre «J’étais au festival de Yulin avec K … quelques collègues et … voilà. Ça a un peu dérapé quand on a voulu délivrer un chien un peu violent » j’attrape un chocolat et mord dedans « rien de grave. Juste douloureux et ça a un peu mal cicatrisé sur le côté interne du bras, mais mes vaccins étaient en ordre »

Jameson n’est pas conne. Elle va sans aucun problème comprendre que j’étais sur le point de dire ‘kyte’. Et elle va péter un plomb. Dans tous les cas. Autant que je le lui dise directement, maintenant, non ? Je prends une profonde inspiration « Et ouais. Un de ces collègues s’était Kyte» dis-je simplement, sans émotion dans la voix et prends directement une longue gorgé de vin derrière.

©junne.

Martin & Jameson

A ma question, Martin soupira et porta instinctivement sa main à sa cicatrice. Moi qui cherchais à être rassurée, je devais avouer que sa réaction m’inquiétait davantage. Je fronçai légèrement les sourcils alors qu’il porta son verre à ses lèvres pour le finir d’une traite à son tour. C’est si douloureux que ça d’y repenser ? Je me suis demandée avec un pincement au cœur. Il me répondit que ce n’était pas Odin, mais vu son attitude, je m’en serais doutée. J’ai senti un petit sourire étirer mes lèvres alors qu’il me précisa que ses crocs étaient bien trop petits, et ça me donna envie de caresser la bouille de son husky. Mais je ne fis pas un geste, parce que je savais que la moindre diversion pourrait stopper Martin dans son récit, or une petite voix me disait que je devais écouter la suite. Appelez ça l’instinct si vous voulez. J’ai donc gardé les lèvres pincées en une mince ligne tandis que je baissais les yeux vers le bras de Martin, qui venait de me dévoiler la partie la plus amochée de sa cicatrice. Mon cœur eut un raté et j’ai tendu la main, effleurant à peine le tissu boursoufflé de sa peau du bout de mes doigts.

- Merde, il t’a pas raté.

J’ai murmuré quand il m’avoua que c’était un molosse qui lui avait fait ça, en Chine, deux ans plus tôt. Je l’ai regardé se pencher pour se servir un nouveau verre, et je lui ai pris la bouteille pour remplir le mien à mon tour.

- Qu’est-ce que tu foutais en Chine ?

J’ai soudainement demandé. Il ne m’avait jamais parlé de ce voyage, ce que je trouvais étrange. D’ordinaire, lorsqu’il partait à la découverte de nouveaux pays, j’étais l’une des premières à le savoir. Et c’était un peu la même chose quand il faisait des actions. Peu de gens pouvaient comprendre sa passion pour l’environnement et les animaux aussi bien que moi. Parce que nous avions vécu des missions dangereuses et exaltantes ensemble. Et même si aujourd’hui, je ne m’adonnais plus à ce genre d’actions, il savait qu’il pouvait trouver une oreille à mes côtés, pour me conter ses réussites et ses échecs, ses joies et ses peines. Alors j’étais un peu surprise qu’il ait gardé un truc aussi gros que Yulin rien que pour lui. Un peu vexée, aussi. Mais ces sentiments s’effacèrent subitement lorsqu’il buta sur ses mots avant de se corriger rapidement. J’eus bien conscience qu’il continua de parler après ça. Une histoire de chien violent et de vaccins à jour. Mais moi, j’étais restée bloquée sur sa première phrase. A me demander s’il avait faillis dire « Kyte » à la place de « quelques collègues ». Et ce que ça signifiait, aussi. Parce que la dernière fois que j’avais eu des nouvelles de mon papa d’adoption, c’était deux ans auparavant, justement.

J’ai relevé les yeux vers Martin, une pointe d’inquiétude dans le regard. Je serrais toujours mon verre de vin dans ma main, mais je ne pensais même plus à y tremper mes lèvres. Mon gamin dut remarquer mon trouble, parce qu’il n’a pas laissé planer le doute plus longtemps, m’avouant finalement que Kyte s’y trouvait aussi. J’ai fermé les yeux et me suis mordue l’intérieur des lèvres pour essayer de faire le tri dans ce que je ressentais. La peur était probablement la plus puissante, mais comme je n’aimais pas me sentir vulnérable, la colère vint bientôt la remplacer. L’impuissance. Le sentiment de trahison, aussi. Je savais que c’était irrationnel. Que c’était juste cette putain de plaie qui ne faisait que s’ouvrir à nouveau, et que je n’étais pas en droit de saigner à la gueule de Martin. Alors j’ai pris une profonde inspiration pour me calmer et j’ai reposé mon verre sur la table.

- Et c’est la dernière fois que tu l’as vu.

J’ai dit après un moment, d'une voix qui ne laissait pas transparaître la moindre émotion. Ce n’était pas une question. J’en étais certaine. Parce que sinon il m’en aurait parlé, de cette action à Yulin. Il ne m’aurait pas non plus caché cette putain d’énorme cicatrice pendant deux longues années. J’ai laissé échapper un reniflement amer et je me suis pincé les sinus, sentant l'énervement me gagner à nouveau.

- Donc quand je t’ai demandé, l’autre jour, si tu avais une idée de l’endroit où il se trouve, tu m’as menti. Pourquoi ? T’avais peur de ma réaction ou tu te faisais croire que c’était une façon de me protéger ?

Mon ton était toujours calme, mais ma voix tremblait désormais, en proie aux émotions contradictoires qui m'agitaient et que j'essayais de refouler. J’ai pris une profonde inspiration et je me suis relevée. Parce que je sentais la colère grimper en moi et que j’avais pas envie de faire un truc débile. Genre l’étrangler. Ou éclater en sanglots. J’ai pincé les lèvres pour me reprendre puis je me suis à nouveau tournée face à Martin, les bras croisés sous ma poitrine.

- T’as intérêt à me dire tout ce que tu sais, parce que crois-moi, la réalité ne peut pas être pire que les scénarios qui tournent en boucle dans ma tête depuis qu’il a disparu des radars.

J’ai dit plus calmement (mais d’un ton légèrement menaçant, que je ne parvins pas à contrôler).      

©junne.

Martin & Jameson

Et voilà. C’était dit. Pendant deux ans j’ai gardé cette action secrète, mais surtout j’ai toujours réussi à éviter la question concernant Kyte et sa disparition. Tous mes gestes et même mes paroles étaient toujours contrôlés de manière à ce que je ne me trahisse pas. Et là ? Une simple seconde d’inattention et un côté trop attentif de la part de Jameson. Je me déteste pour ça. Et Jameson ne semble pas rassurée. Elle a beau faire bonne figure, je sais qu’elle ne va pas bien. Et que de nombreux sentiments se propagent en elle. Mais que puis-je faire ? Lui dire toute la vérité et rien que la vérité ? Je n’ai pas le choix.

Je reste silencieux, jusqu’à ce qu’elle m’ordonne de tout dire. Je secoue la tête «Si je ne t’ai rien dit ce n’est pas pour te protéger toi ou moi ou qui que ce soit d’autre, mais parce que s’était sa volonté, à lui. ‘ne dit rien à Jameson’ furent ses dernières paroles avant qu’il m’ait ordonné de déguerpir » dis-je sur un ton ferme en évitant au maximum le regard de Jameson « Ce qu’il est devenu ? Aucune idée.» dis-je en haussant les épaules « J’ai couru vers le camion et je l’ai perdu de vu » je lance un coup d’œil vers Jameson et j’ai l’impression d’y lire de l’incompréhension. Dans le mauvais sens du terme. Comme si elle ne comprenait pas pourquoi j’ai abandonné Kyte.

Avec un soupire je me lève. Gardant mon verre en main, je commence à marcher de long en large «Si je ne suis pas resté c’est parce qu’il ne m’a pas laissé le choix » je me tourne vers Jameson et parviens à lui faire face et à soutenir son regard « Crois-moi, j’aurais tout fait pour le protéger si j’avais eu l’occasion. Mais non, rien. Il m’a obligé à partir et … voilà.» je soupire, déviant à nouveau le regard « ça me fait chier, je m’en suis très longtemps voulu. C’est pour ça que pendant plusieurs mois il ya deux ans j’étais distant, tu te rappelle ? A mon retour de Chine j’ai passé mes nuits à essayer de retrouver la trace de Kyte, mais rien à faire.» je soupire « …et j’essaie encore et toujours mais en vain …» je déglutis et prends une gorgé de mon vin « Donc voilà, tu peux m’en vouloir de ne rien avoir dit et de tout avoir gardé secret pendant toutes ces années, mais je n’avais pas le choix.» On a toujours le choix, pourtant.

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Martin & Jameson

Les bras croisés et la tête haute, j’ai encaissé la réponse de Martin. Et pourtant, ça m’a sérieusement chamboulée à l’intérieur. Il ne m’avait rien dit parce que Kyte, mon mentor ; que dis-je, mon père, l’homme en qui j’avais une confiance aveugle, avait demandé à mon gamin de me maintenir dans l’ignorance. Ça faisait mal pour tellement de raisons. Ça me rendait hors de moi, aussi. Le sentiment le plus fort, c’était la trahison. Ça me rendait dingue que Martin ai choisi de respecter a volonté de Kyte plutôt que d’être honnête avec moi. Quelque part, ça me donnait l’impression que mon mentor lui inspirait plus de respect, et qu'il m'avait remplacée dans le cœur de Martin. Quant à Kyte, j’avais envie de le crucifier pour avoir sorti cette phrase débile. Je savais que c’était pas pour me protéger, moi. C’était pour se protéger lui-même. Pour pas avoir à être mis face à ses actes. Pour pouvoir se dire tranquillement que tout allait bien parce que ses deux filles n’étaient pas en train de se ronger les sangs pour lui. Et bien c’était raté. Parce que même si Blythe n’en parlait pas, je savais qu’elle avait essayé de le retrouver et que ses enquêtes n’avaient mené nulle part. Et si ma sœur ne pouvait pas le retrouver, ça voulait dire que la situation était grave. Depuis deux ans, je n’avais cessé de me demander ce qu’il était advenu de Kyte. S’il était vivant ou mort. En liberté ou en prison. J’avais même appelé quelques contacts en Norvège et au Canada pour voir s’il n’avait pas terminé dans un asile. J’ai secoué la tête et passé une main sur mon front. En fait j’avais envie de les crucifier tous les deux.

Le gamin n’avait d’ailleurs pas trop l’air de savoir où se mettre et continuait son récit en prenant soin d’éviter mon regard. Ce qui eut le don de rajouter une couche à mon énervement. Il m’expliqua ne pas savoir ce que Kyte était devenu, parce qu’il avait couru vers le camion et l’avait perdu de vue. Là, je vous jure que je l’aurais giflé tellement fort qu’il aurait craché toutes ses dents si seulement je n’avais pas absolument voulu entendre la suite de son récit. Parce que chaque parole qu’il sortait pourrait être un indice. Alors je me suis contentée de le fusiller du regard. J’espérais qu’il avait une bonne excuse. Parce que putain une des premières règles dans les actions que nous faisions, c’était de ne jamais laisser un co-équipier derrière. En se relevant, il m’a expliqué que Kyte ne lui avait pas laissé le choix, ce qui me fit lever les yeux au ciel. Il avait beau dire qu’il aurait tout fait pour le protéger, je n’y croyais pas une seconde.

- N’empêche que tu ne l’as pas fait.

J’ai assené d’une voix sèche. Je fus néanmoins prise de remords quand il me précisa qu’il s’en était voulu très longtemps par la suite, et j’ai hoché la tête. Je me souvenais évidemment de ces quelques mois, quand Martin avait mis une certaine distance entre nous. J’avais supposé que c’était lié au fait que je voulais quitter l’activisme. Je ne m’en étais pas formalisée outre mesure. Les gens disparaissaient toujours. Certains réapparaissaient, d’autre pas. Depuis le temps, je m’y étais faite et ça ne me touchait plus vraiment. Mais dans le cas de Martin, c’était parce qu’il cherchait à retrouver Kyte. Et je ne savais pas si ça me rassurait ou si ça m’inquiétait encore plus. Quelque part, j’avais moins envie d’assassiner Martin, parce que je sentais qu’il avait souffert de la situation au moins autant que moi. Mais d’un autre côté, ses recherches étaient restées inutiles. Comme les miennes. Comme celles de Blythe. Il s’acheva néanmoins en précisant, bon seigneur, que j’avais le droit de lui en vouloir, mais qu’il n’avait pas eu le choix. J’ai laissé échapper un soupir irrité et je suis retournée m’assoir sur le canapé avant de descendre un autre verre de vin. Je ne buvais plus pour le plaisir. Juste pour m’anesthésier. Et peut-être avec une touche d’autodestruction en prime, mais ça, je ne me le serai jamais avoué.

- On a toujours le choix. J’ai répliqué froidement. Et toi t’as juste décidé que la loyauté que t’avais envers Kyte était plus importante que celle que t’avais envers moi. T’as aussi décidé que t’allais sauter dans un camion pour sauver ta peau et le laisser sur place. Sois pas lâche, assumes tes choix, et portes un peu tes couille.

J’ai poussé un profond soupir. C’était pas fairplay, et je le savais. Alors j’ai pincé les lèvres et relevé les yeux vers lui, battant des cils comme pour cacher le fait qu’ils étaient un peu trop humide, et j’ai ajouté précipitamment, avant qu’il ne puisse en caser une pour protester ou m’insulter. Dans les deux cas, j’aurais compris.

- Mais je suis contente que tu l’ais fait, de te barrer, de le laisser.

Sans que je sache trop pourquoi, ma voix se brisa sur ces derniers mots. J’ai bondit sur mes pieds et je suis allée serrer Martin dans mes bras avec une force farouche. Comme si j’avais peur qu’on me l’arrache, lui aussi. Derrière moi, Freyja s’agita un peu, surprise par mes humeurs excessives qu’elle pressentait, mais je ne la remarquai pas.

- Parce que cet enfoiré a un don rare pour se foutre dans la merde et entraîner les autres avec lui. Il oublie que tout le monde a pas un entraînement militaire... Et putain, j’aurais pas supporté de vous perdre tous les deux.

J’ai chouiné dans son cou. Bipolaire dans mes réactions, moi ? Je lui en voulais toujours, qu’on ne se fasse pas d’histoire. Mais je crois qu’en cet instant, j’avais surtout pris conscience d’un truc : Kyte était probablement dans une situation catastrophique. Tellement que je préférais ne même pas y penser. Mais Martin aurait pu être avec lui. Et ça, je n'aurais jamais pu le supporter. Au lieu de ça, il était là, dans mon salon. Avec pour seules marques de cette journée terrible, une cicatrice sur le bras et l’autre sur le cœur. Mais il était là.  

©junne.

Martin & Jameson

Je sers les poings lorsque Jameson assène que nous avons toujours le choix. Une autre réaction de sa part m'aurait bien plus étonné. Je n'en crois, pourtant, pas mes oreille lorsqu'elle implique que ma loyauté envers Kyte est plus importante que celle que j'ai envers elle. Elle n'est pas sérieuse là ? Kyte s'est mon mentor, un second père pour moi. Mais Jameson … Jameson est autrement plus importante que cet homme. Jameson c'est elle qui s'est occupé de moi, c'est elle qui m'a appris les bases, c'est a elle que je confierais tout autant ma vie voir plus qu'à Kyte. J'aimerais répliquer quelque chose, dire qu'elle a totalement tort, mais elle continue disant que je devrais porter mes couilles et assumer mes actes. La bouche entre ouverte, je laisse retomber mes bras le long de mon corps.  « Genre je ...-» commençais-je avant de la jeune femme ne me coupe dans mes paroles.

Elle me dit être contente que je me sois barré et que je l'ai laissé.Sérieusement ? Je fronce les sourcils pour lui montrer mon incompréhension mais je n'ai pas le temps de réagir qu'elle est déjà debout à me prendre dans ses bras. De plus en plus incroyable. Qu'est-ce qui lui prends ? Je la laisse m'enlacer mais ne réagit pas. Elle enfoui sa tête dans le creux de mon épaule et dit que Kyte a la fâcheuse manie d’entraîner tout le monde dans sa merde en oubliant que pas tout le monde n'a eu un entraînement militaire. Elle n'aurait pas supporter nous perdre tous les deux.

Je pousse un lourd soupire et, au lieu de la rassurer comme je le fais d'habitude, je l'attrape par les épaules et la repousse. Peut-être un peu vivement car je remarque du coin de l’œil de Freyja s'est dressé et nous observe, lèvres légèrement retroussées, prête à attaquer si je fais du mal à Jameson.  «Arrête de chouiner comme ça, tu veux ? » lui dis-je avec une certaine lassitude  «Alors ouais, Kyte a cette tendance d’entraîner tout le monde dans ses délires mais c'est moi qui ait choisi de le suivre. De mon plein grès. Je savais ce qui m'attendais et je connaissais les risques. » je relâche Jameson et me recule d'un pas  « Et franchement, comment est-ce que tu peux oser dire que ma loyauté envers Kyte est plus importe que celle que j'ai envers toi ?» lui demandais-je, la rage faisant trembler mes mots  «ça me déçois sincèrement que tu penses ça alors que tu sais très bien que c'est TOI la personne qui m'est le plus chère » je fronce les sourcils  «C'est TOI qui m'a tout apprit, c'est TOI qui m'aurait encore apprit plein de chose. La seule raison pourquoi ma Loyauté est aussi grande envers Kyte c'est parce que tu lui a passé le relais ! » Au fur et a mesure de mes paroles, mon ton monte  «Ne dis pas que je n'assume pas ma faute, parce que TU N'Y ETAIS PAS ! Si TU avais été à ma place t'aurais fais la même chose. Si TU avais eu Kyte devant toi qui te hurle de dégager, tu l'aurais aussi fait » je fronce les sourcils  « Et ne me dis pas le contraire surtout ok ?»

Je soutiens longuement son regard puis soupire et me passe une main dans les cheveux  «ça m'fait vraiment chier que tu penses que je n'assume pas ce que j'ai fais. » voilà. La guerre est déclarée.

©junne.

Martin & Jameson

Je crois que j’aurais pu rester longtemps accrochée comme ça au cou de Martin. Dans cet espace-temps bizarre où je réalisais que j’avais faillis le perdre, mais que par un étrange coup du sort, il était toujours là. Sauf que quelque part, je sentais bien qu’il ne partageait pas mon effusion. Que ses bras ne s’étaient pas resserrés autour de moi. Sur le coup, je ne m’en suis pas formalisée, parce que je venais de lui cracher toute ma colère à la gueule, et je comprenais qu'il m'en veuille. Par contre, je ne m’attendais pas à ce qu’il me repousse aussi brutalement. Hébétée, j’ai reculé d’un pas et relevé les yeux vers lui. La colère marquait ses traits. Derrière moi, j’ai entendu Freyja s’agiter et grogner à voix basse, mais j’ai posé ma main sur son museau pour lui signifier que tout allait bien. Ou plutôt qu’elle n’avait pas à s’en mêler. Quand Martin me demanda d’arrêter de chouiner, ça me fit un peu l’effet d’une gifle en pleine gueule, en revanche. Et je l’ai fait, évidemment. Me refermer était plus facile que de m’ouvrir. Parce que j’avais passé toute mon enfance à entendre que montrer ses sentiments, sa douleur, était une faiblesse. En fait, jusqu’alors, y’a qu’avec Kyte que je m’autorisais à montrer ce que je ressentais vraiment. Parce qu’il ne me jugeait jamais, et me comprenait. Je suppose que dans ma tête, je m’étais dit que ce serait la même chose avec Martin. Qu’après ce que nous avions vécu, je n’avais pas à ériger les murs inébranlables que je réservais au reste du monde. Sa réaction me prouva que j’avais eu tort, et ça me blessa plus que je ne voulus l’admettre. J’ai froncé les sourcils et croisé les bras. Tendre et inquiet l’instant d’avant, mon regard était désormais dur tandis que je l’écoutais m’expliquer qu’il connaissait les risques quand Kyte lui avait demandé de le suivre. Quelque part, j’en doutais, mais je décidai de ne pas l’interrompre. De le laisser sortir tout ce qu’il avait sur le cœur. Et y’en avait des tonnes. Surtout avec cette histoire de loyauté qui semblait sérieusement le chiffonner. J’ai secoué la tête avec un soupir quand il m’assura que j’étais la personne qui lui était le plus cher. Je ne savais pas pourquoi, mais je n’arrivais pas à le croire.  

- Entre nous, je m’en branle pas mal de te décevoir. Surtout après le coup que tu viens de me faire. Tu peux te raconter ce que tu veux sur ta loyauté, mais les actes parlent plus que les mots.    

Et dans ses actes, pour moi, il avait choisi Kyte. Mais Martin ne se laissa pas abattre et continua. Son énervement semblait augmenter avec ses paroles. Et moi, paradoxalement, plus il montait en pression, et plus je sentais un calme glacial m’envahir. Et c’était pas bon, parce que je savais exactement où il me menait. Enfin, le flot de paroles s’arrêta, et on s’est toisés pendant un moment, silencieux. Après un moment, j’ai haussé les sourcils et levé le menton.

- C’est bon, t’as fini ?

J’ai demandé d’un ton glacial. Mais pas tout à fait, apparemment. Puisqu’avec un soupir, il marmonna que ça le faisait chier que je pense de telles choses de lui. Qu’il n’assumait pas ses actes. J’ai fermé les yeux un court instant et expiré longuement, puis je me suis avancée vers la fenêtre, pour regarder la pluie tomber. Après quelques secondes, je me suis retournée vers Martin. Et quand j’ai ouvert la bouche, mon ton était calme, distant.  

- Moi, ce qui me fait chier, c’est que ça fait deux ans que tu sais l’endroit où Kyte est sorti des radars, et que t’as pas trouvé utile de partager cette info avec moi. Et ne va pas me répéter que ce vieux con t’a fait promettre de garder le silence, parce que j’en ai rien à foutre. T’es adulte, t’es capable de prendre des décisions en connaissance de cause. Et tu sais que j’ai des ressources. Que ma sœur, sa fille biologique est une excellente détective privée. La vérité c’est qu’on aurait eu beaucoup plus de chances de le retrouver si on avait travaillé ensemble. Mais t’as voulu gérer ça tout seul et maintenant la piste est tellement vieille que c’est inutilisable.  

J’ai secoué la tête avec un soupir et suis retournée m’assoir dans le canapé. Là, je me suis resservie un verre de vin et j’en ai pris une longue gorgée, le finissant de moitié.

- Quant au fait de le laisser sur place, t’as raison. Je sais pas ce que j’aurais fait à ta place. Je peux pas te répondre parce que comme tu le dis si bien, je n’y étais pas. Mais je vais te dire un truc, Martin. C’est que Kyte, j’ai fait des centaines de missions avec lui. Plus, peut-être. Et je peux t’assurer que dans le feu de l’action, il laisse souvent son bon sens à la porte. Alors peu importe ce qu’il te gueule. De rester. De partir. De buter le mec que t’as immobilisé. De mettre le feu à une grange alors qu’il est encore dedans. Le moment venu, c’est à toi de décider si ses ordres ont un sens.

J'ai assené durement. Tous les exemples que j'avais cité étaient véridiques. Kyte m'avait foutue dans des situations tellement foireuses que certaines me marquaient encore. Et lui, la logique, c'était pas son truc. Il était que dans l'instinct. Et j'étais persuadée que si je ne lui avais pas désobéis un nombre incalculable de fois, il serait mort ou enfermé depuis des années. Je me suis massé la nuque, puis j’ai englouti la fin de mon verre de vin, avant de relever les yeux vers Martin.

- Je dis pas que sa disparition est ta faute. Loin de là. Kyte est le seul responsable de ce qui lui arrive. Je te demande juste de ne pas m'insulter en te cachant derrière des « je n’ai pas eu le choix ».  

©junne.

Martin & Jameson

Elle s'en branle de me décevoir ? Eh bien, soit. Je croise les bras en même temps qu'elle après avoir fini ma tirade que Jameson n'a pas coupée. Redressant un peu le menton après avoir dit que ça me faisait chier qu'elle pense que je n'assume pas, j'attends qu'elle prenne la parole à son tour. Et c'est ce qu'elle fait. Ce qui l'énerve, elle, c'est que pendant deux ans j'ai gardé secret le dernier endroit où Kyte a été vu. D'après Jameson, avec l'aide de la fille biologique de Kyte qui est aussi détective privée, elles auraient put, avec mes informations, retrouver la trace de cet homme. Mais maintenant, au bout de deux ans, l'information est trop vieille et on ne peut plus rien en faire. J'hausse les épaules  «Tu peux toujours aller éplucher les prisons Chinoises autour de Yulin, dès fois que Kyte s'y trouverait encore » dis-je d'un air détaché. Mais dans le fond, je me sens minable.

Je l'observe retourner sur le canapé et se resservir un verre qu'elle finit presque d'une traite. Je soupire doucement et me jure de lui arracher le verre des mains si elle continue comme ça, mais je la laisse d'abord parler. D'après elle, Kyte n'est jamais vraiment lucide quand il se met une idée en tête. Son bon sens est souvent mit à la porte lors des missions : dès qu'il a une idée en tête, il fonce. Et du coup, sur le moment venu c'est à moi seul que reviens la décision. Je fronce les sourcils en haussant les épaules  « Eh bien sache que je n’aie PAS fait 'des centaines de missions' avec lui» dis-je en imitant Jameson de manière grotesque  «Je ne suis pas à ton niveau et je ne le serais sûrement jamais. Et putain, tu sais aussi bien que moi que Kyte ne parle que très rarement de lui et de ce qu'il a réellement en tête. Comment est-ce que je dois savoir, moi, que c'est à moi de réagir dans ces moments là ? » je croise les bras et la fixe.

Elle reprend à nouveau la parole, précisant qu'elle ne dis pas que la disparition de Kyte est de ma faute, mais que je ne dois juste pas l'insulter en me cachant derrière des « je n'avais pas le choix ». Je soupire doucement et hoche la tête  « J'y penserais pour la prochaine fois» dis-je simplement en retournant m'asseoir à mon tour  «Mais de toute manière ça ne sert à rien. C'est du passé, on ne peut rien changer quoi » je soupire en me passant une main sur le visage avant de me tourner vers Jameson qui est le point de reprendre une gorgé de sa boisson  « Bon » dis-je me redressant en lui attrapant le verre des mains et le posant sur la table.  « T'en as assez eu comme ça. Laisses-moi en un peu» je verse le reste du vin, qui se trouve dans son verre et dans la bouteille, dans le mien puis lui tends le paquet de chocolat  «gaves-toi plutôt de ça, ça vaudra mieux » je désigne ensuite l'ordi  «t'as eu la confirmation par courriel ? » autant changer complètement de sujet, non ?

©junne.

Martin & Jameson

Une fois ma tirade terminée, le calme est retombé sur la pièce. Un calme tendu, qui n’avait rien à voir avec l’ambiance bon enfant que nous avions instaurée avant que je ne questionne Martin sur cette foutue cicatrice. J’ai relevé les yeux vers lui, me demandant s’il allait partir. C’est ce que j’aurais fait, moi, si j’avais été à sa place. Ma fierté me poussait à me tirer la tête haute plutôt que de rester et d’essayer d’arranger la cause de mes problèmes. J’avais conscience du fait que c’était un putain de défaut. Une des raisons qui m’empêchaient d’avoir de véritables relations avec les gens. Mais mon gamin n’était pas comme moi. Il poussa un soupir et hocha la tête avant de venir s’assoir à côté de moi, me promettant d’y penser pour la prochaine fois. Et j’étais surprise de réaliser que ça me soulageait, qu’il décide de rester. N’importe qui d’autre se serait retrouvé à la porte pour moins que ça. A mon tour, j’ai opiné. Il avait raison. C’était dans le passé et nous ne pouvions plus rien y faire. J’ai lâché un soupir et allais porter à nouveau mon verre à mes lèvres quand Martin me le retira des mains. Sourcils froncés, j’ai dardé un regard noir vers lui mais le gamin ne se laissa pas déstabiliser, expliquant que j’en avais assez but et que je devais lui en laisser. Soit. Après tout, c’était sa bouteille.

- J’en ai d’autres dans la cave, tu sais…

J’ai quand même précisé, l’air de rien. Parce que je n’avais pas envie d’être sobre, là, tout de suite. J’avais un trop plein d’émotions qui étaient en train de me bouffer de l’intérieur, et je voulais juste noyer tout ça dans ma liqueur. Mais comme je me voyais pas vraiment sortir ma bouteille de whisky et l’attaquer au goulot avec Martin à côté, je me suis dit que le vin ferait l’affaire. Il serait capable de penser que j’avais un problème avec la boisson. Hors j’aimais à penser que ce n’était pas le cas. Que j’étais juste Irlandaise et par conséquent, il était normal que je boive comme un trou. La plupart du temps, j’y croyais vraiment. Mais Martin poursuivit en me donnant le paquet de chocolats.

- Peut-être plus tard, je t’avoue que ça m’a pas mal coupé l’appétit, cette histoire.

Petit à petit, je sentais ma tension et ma colère s’atténuer. Ça aurait été positif si ces émotions ne se faisaient pas remplacer par une sensation de vide abyssal et d’une certaine tristesse. L’avantage, au moins, c’est que ma voix était à nouveau normale. Et que je ne considérais plus Martin comme un ennemi. Lui, semblait avoir désespérément envie de changer de sujet, mais je n’étais pas prête à me plonger dans un film tout de suite. Je savais que sinon notre discussion reviendrait me hanter.

- Ouai, tiens.

J’ai dit en ouvrant l’e-mail que nous attendions avant de poser l’ordinateur portable sur ses genoux. Puis j’ai relevé les yeux vers lui, songeuse.

- Tout à l’heure… tu m’as dit qu’on pouvait toujours chercher dans les prisons autour de Yulin pour voir si Kyte n’y était pas encore. C’est pour ça que t’as du te barrer ? Des flics lui sont tombés dessus pendant que vous essayez de sauver des chiens ?

Ma question n’était pas un piège. Au contraire, j’essayais de comprendre. Pas pour lui reprocher ses actions, mais pour voir s’il y avait un espoir de le retrouver vivant. Parce que s’il était en taule, peut-être que je pouvais faire quelque chose pour lui. Merde, c’était mon métier, de foutre les enfoirés derrière les barreaux et d’empêcher les personnes bien d’y atterrir.

©junne.