Le jour de la fête à Matteo est enfin arrivé et pourtant quand le premier rayon de soleil pointe son nez ce matin là je n’ai aucune envie de me lever. D’un coup cette journée ne semble à mes yeux qu’une grande mascarade. Kaecy et moi sommes encore en froid avec mes mensonges au sujet de Paris et si elle prétend qu’elle me pardonne je sens bien que cette fois elle a de la peine - comme si j’avais poussé le bouchon un peu trop loin cette fois, Heidi et moi ne nous sommes plus adressés la parole depuis notre retour de Paris et pourtant ce n’est pas faute d’avoir été à deux doigts de foncer chez elle pour la traiter de vieux poisson quand j’ai appris qu’elle nous avait lâchement vendu à Kaecy ne se demandant même pas une seconde quelles répercussions certaines de ses vérités allaient avoir pour moi - ne prenant même pas la peine de me prévenir un fois fait. Je lui en voulais au point que je n’avais même pas eu l’envie de la voir préférant l’éviter totalement et c’est d’ailleurs ce que je pensais continuer à faire aujourd’hui. Puis il y allait sans doute y avoir Soren et je n’avais aucune envie de jouer les faux-cul avec lui, sans parler de Matt qui faisait naitre une éternelle culpabilité à chaque fois que je posais les yeux sur lui alors non… Non je n’avais pas envie de me lever. Pas envie d’aller à cette fête et de sourire faussement pour faire plaisir à Matteo et surtout à sa mère qui se faisait une telle joie de nous voir tous réunis comme au bon vieux temps… Pourtant les deux têtes rousses m’avaient tiré du lit en y sautant comme des bourrins réclamant leur petit déjeuner. Apparemment ce matin là ils avaient envie de bonbons et donc j’étais la meilleure proie, les deux crapules bien conscient que Kaecy n’accepterait jamais. Pour ma part j’avais cédé me levant un peu à regret. J’avais encore plusieurs choses à faire avant de retrouver la mère d’Heidi chez elle pour quelques finitions et entre autre déposer les jumeaux chez leur grand-mère où ils passeraient la nuit. Ils n’étaient pas conviés, la soirée n’était pas pour des enfants et de toute façon Matteo ne se souvenant absolument pas d’eux ni même de Leah pour le moment nous avions préféré ne pas forcer leur présence.
Une fois les jumeaux déposés, j’étais allé comme promis cherché la sono chez un ami. Pour arriver une petite heure avant la fête, Heidi, Kaecy étaient déjà présentes et toutes trois avec l’aide de Johanna avaient presque fini les décorations. Après avoir déposé un baiser sur la joue de Johanna j’avais fait un vague signe de main en direction de Kaecy et Heidi, mon regard ne se posant même pas sur cette dernière. Trop excité par les préparatifs de la soirée la mère d’Heidi n’avait même pas semblé voir le soudaine froideur entre nous ce qui m’arrangeait bien, je n’avais vraiment aucune envie qu’elle s’en mêle cette fois. J’avais installé la sono et fini d’aider Johanna avec la nourriture pendant que les filles s’occupaient des finitions dans le jardin. Puis les premiers invités avaient commencé à arriver. Finalement ça avait été au tour de Matteo de faire son entrée sous les applaudissements. Tout le monde semblait tellement heureux que je m’étais presque laissé emporter par l’enthousiasme, quelques uns de nos vieux amis d’enfance étaient venus et j’étais heureux de les revoir. Ce qui me donnait une bonne raison de ne parler avec personne d’autre. « Elio ! Tu veux bien aller aider Heidi à finir de faire le gâteau. » Il était apparemment question de décoration et je m’étais porté volontaire à l’époque ou nous avions commencé à préparer la fête pour donner un coup de main. Un peu à contre coeur j’avais rejoins la cuisine où Heidi était entrain de tenter de sortir le gâteau qui était assez énorme pour qu’elle peine. Attrapant un de bord sans un mot ni même un regard je l’avais aidé à le sortir pour le déposer sur le plan de travail. Puis toujours sans une seule phrase j’avais commencé à le décorer. Je n’avais vraiment aucune envie de lui parler - encore moi ce soir - ce n’était ni le lieu ni le moment. Nous avions juste à décorer ce fichu gâteau et basta… Ca ne devrait pas être ni bien long, ni bien compliqué.
Dernière édition par Elio Harrington le Mer 28 Sep 2016 - 1:25, édité 1 fois
No one ever gets tired of loving. They just get tired of waiting, apologizing, getting disappointed and being hurt. △
Le fait de le savoir n’avait en rien arrangé les choses, ni même le choc de vivre la situation. J’étais dans une impasse, coincée dans une relation qui n’était vouée qu’à l’échec et sans pour autant parvenir à m’en détacher. J’avais Elio dans la peau, beaucoup plus que je ne pouvais l’admettre et notre escapade à Paris n’avait fait que confirmer la chose. Mais si Paris nous avait rapproché en France, dans la sécurité de l’hôtel et loin de tout ce que nous connaissions, ça nous avait encore plus éloigné depuis notre retour. J’avais fui volontairement Elio, incapable de lui faire face tout en sachant ce qu’on avait vécu et qu’il refusait toujours d’assumer. J’avais un poids lourd sur les épaules, devoir garder le secret de mon attirance réciproque pour lui devenait de plus en plus pesant. Je savais d’ailleurs au fond de moi que bientôt, si les choses n’évoluaient pas un peu, je tirerais définitivement un trait sur cette relation qui m’apportait bien plus de soucis et de tourment qu’elle ne m’apportait de joie et de réconfort. Ce n’étais pas tant les innombrables obstacles qui se dressaient sur notre route qui me faisait déchanté, mais la sensation qu’Elio avait honte de moi pour ne pas assumer ses sentiments au grand jour était de plus en plus pesante. Sans compter sur le fait qu’il avait osé me dire qu’il m’aimait à Paris. J’avais fini par craquer et par tout raconter à Kaecy sur la nature de ma relation avec Elio. J’avais ouvert les vannes et je n’avais pas pu me résoudre à ne pas tout lui raconter. Je lui avais alors raconté les choses depuis le début, remontant jusqu’à notre adolescence et la naissance de mon attirance pour Elio, jusqu’à mon escapade parisienne avec celui-ci. Je savais au fond qu’en annonçant à Kaecy qu’Elio lui avait menti, j’allais le braquer encore un peu plus contre moi mais je n’en pouvais plus d’être réduite au silence. Sachant très bien que je m’exposais à sa fureur, j’avais fait en sorte d’éviter de le croiser. Enfin, jusqu’à aujourd’hui. La soirée donnée en l’honneur de Matteo, où tous ses plus proches amis et sa famille seraient réunis, venait contrecarrer mes plans. Elio était là et à le voir, je sentais une fois de plus un poids se loger au fond de mon estomac. Toute cette situation était ridicule, nous avions presque trente ans et notre histoire ressemblait à celle d’adolescents pré-pubères et ça commençait sérieusement à me fatiguer.
Bien décidée à ne pas gâcher la soirée de Matteo, j’avais fait en sorte de ne pas lui adresser la parole, fuyant son regard à chaque occasion, évitant sa compagnie du mieux que je pouvais pour ne pas attirer l’attention de ma mère ou de Matteo sur moi. J’avais l’impression d’être actrice de ma propre vie, obligée de contenir mes émotions, de faire attention à mon attitude constamment pour ne rien trahir de mes réels sentiments. Si au début de toute cette histoire c’était avant tout un grand désespoir qui s’emparait de moi, ça s’était peu à peu modifié en véritable amertume et en colère. J’étais remontée contre lui mais je me contenais, ne pouvant pas me donner en spectacle devant tout le monde de cette façon. J’avais réussi à éviter Elio, presque même à oublier sa présence. J’avais passé l’essentiel du temps en compagnie de Kaecy, qui partageait elle aussi la même volonté que moi d’éviter au maximum Elio contre qui elle avait toujours une dent. Contre toute attente, cette histoire nous avait rapprochées toutes les deux et j’en étais totalement ravie. Nous avions passé la journée toutes les deux en compagnie de ma mère pour terminer les quelques détails finaux, puis finalement tout le monde était arrivé avec Matteo en invité d’honneur. Alors que nous profitions tous de la soirée, renouant avec nos anciens amis, plaisantant et riant à tout va, c’était réellement une bonne soirée. J’avais un instant quitté Kaecy et d’autres invités pour aller trouver ma mère. « Maman, tu as besoin d’aide pour quelque chose ? » lui proposais-je. « Tu peux t’occuper du gâteau s’il te plait ? Il est sur la table de la cuisine et il manque le glaçage » J’hochais la tête avant de partir en direction de la cuisine. J’avais commencé à essayer de le sortir du four pour le poser sur la table et le décorer, quand Elio était entré dans la cuisine à son tour. J’avais été surprise de le voir arriver, me demandant pourquoi il venait me trouver, sachant pertinemment qu’il ne voulait pas me parler. Nous nous étions alors mis à ajouter le glaçage, sans un mot et sans un regard. Et au fur et à mesure que je décorais le gâteau, je sentais la colère qui montait peu à peu en moi. Il pouvait bien m’en vouloir, il était quand même sacrément gonflé d’oser en faire tout un plat alors que c’était à cause de lui que nous nous trouvions dans une situation du genre. « Ecoute, j’en peux plus » dis-je en soupirant finalement lourdement, posant violemment la spatule que je tenais dans ma main, sur la table. « J’en ai ma claque de tes sautes d’humeur et de ton attitude plus qu’ambivalente à mon égard. Tu peux m’en vouloir autant que tu veux, au fond tu sais très bien que c’est pas à moi que tu dois en vouloir pour tout ce qui arrive. Tu peux rejeter la faute sur moi si ça t’aide à mieux dormir le soir, mais je t’ai jamais demandé de mentir Kaecy. Et c’est toi qui m’a dit que je pouvais lui parler. » lui lançais-je, mon regard noir. « Faudrait que tu saches un peu ce que tu veux, ça serait bien pour une fois. » soupirais-je finalement. Clairement, je commençais à étouffer dans cette relation qui était bien trop compliquée à mon goût.
Je n’avais aucune intention de parler avec elle, pas un mot, pas un regard. Tout ce que je voulais c’était en finir au plus vite et l’espace de quelques secondes j’avais eu l’impression qu’elle et moi étions sur la même longueur d’onde. Seul les quelques voix venant de la pièce adjacente se faisaient entendre alors que je décorais une partie du gâteau et elle l’autre. Nous ne nous étions même pas concertés et pourtant notre travail semblait se compléter très bien ce qui était une bonne chose et m’assurait de ne pas avoir besoin de prononcer un seul mot. C’était sans compter sur Heidi que je sentais bouillir à côté de moi et elle avait fini par exploser. « Ecoute, j’en peux plus » Le bruit de sa spatule qui claquait contre le plan de travail m’avait arraché un soupire. J’avais envie de lui demander de se taire avant même qu’elle ait ouvert la bouche. Je connaissais déjà ses mots et je n’avais aucune envie de les entendre. Je voulais juste qu’elle me laisse tranquil parce que je me sentais sur le point d’exploser à tout moment si elle me cherchait. « J’en ai ma claque de tes sautes d’humeur et de ton attitude plus qu’ambivalente à mon égard. » Levant les yeux au ciel j’avais tout de même entrepris de me retourner vers elle pour l’observer stoïque alors qu’elle semblait cracher son venin. « Tu peux m’en vouloir autant que tu veux, au fond tu sais très bien que c’est pas à moi que tu dois en vouloir pour tout ce qui arrive. Tu peux rejeter la faute sur moi si ça t’aide à mieux dormir le soir, mais je t’ai jamais demandé de mentir Kaecy. Et c’est toi qui m’a dit que je pouvais lui parler. » J’avais attendu quelques secondes dans le silence après qu’elle ait fini de parler continuant de la regarder sans laisser filtrer la moindre émotion. « C’est bon t’as fini ? » Elle avait semblé un instant étonnée de ma réponse et j’avais pris son silence pour une confirmation. « Tant mieux. » Me retournant vers le gâteau je n’avais rien ajouté préférant rester sur ma lancée plutôt que de me laisser aller à lui dire ce que j’avais sur le coeur moi aussi.
Durant quelques secondes le silence s’était installé à nouveau mais je sentais bien qu’Heidi ne faisait que de s’énerver de plus en plus et quand elle avait ouvert la bouche pour tenter - sans doute - d’en rajouter une couche je l’avais de suite stoppé. « Non ! Tu te tais ! Franchement tu te tais ! » Cette fois j’avais tourné un regard noir de colère vers elle. « J’ai aucunement besoin de ta morale à deux balles alors que t’es pas mieux que moi ! » J’avais tenté de respirer pour ne pas m’énerver encore plus, mon point se serrant sur la table pour essayer de canaliser ma colère. « T’en a rien à foutre ein ? Des répercussions que ce que t’as dit ont eu sur ma vie ? Sur ma relation avec Kaecy ? » Parce que tout ce qui semblait l’intéresser était sa petite personne et comment elle se sentait mieux maintenant qu’elle l'avait dit, et comment sa relation avec Kaecy était super aujourd’hui qu'elle lui avait tout balancé. « J’en ai rien à battre que tu lui ai dit pour nous deux… Mais tu lui a balancé tout à propos de Paris alors que tu savais très bien que je n’avais pas été honnête avec elle sur ce point ! Alors certes c’était ma faute… Ouais c’est moi le connard de l’histoire qui pense pas à toi et qui ment à Kaecy ! Mais ça c’était pas à toi de le lui dire ! Et BORDEL… » Serrant un peu plus le poing et la mâchoire je sentais que j’étais réellement entrain de m’énerver et je n’avais aucune envie qu’on se fasse remarquer ce soir. « La moindre des choses ça aurait été que t’aille le courage de me dire que tu lui avais tout balancé. Un PUTAIN de message ça coute rien ! » Parce qu’elle ne l’avait pas fait - et qu’elle ne vienne pas me dire aujourd’hui qu’elle n’a pas eu le temps, Kaecy avait mis plusieurs jours avant de m’avouer qu’elle était au courant. « Pas que je l’apprenne de Kaecy plusieurs jours après. » En plus de ça ma meilleure amie s’était retrouvée dans une situation pas plus simple que la mienne attendant le moment pour aborder avec ma sa colère et surtout sa grande déception - que je n’avais pu qu’accepter. J’avais merdé avec elle et sur ce point j’en étais bien conscient mais c’est une vérité qu’elle aurait du apprendre de ma bouche et pas de celle d’Heidi. « T’en a marre de mon attitude ambivalente à ton égard ? Bah t’as gagné Heidi… Elle existe plus cette attitude, que les choses restent comme ça c’est parfait ! » J’allais juste continuer à l’éviter et à la détester. C’était bien plus simple comme ça de toute façon.
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Je bouillonnais littéralement et plus ça allait plus je sentais que j’allais exploser tôt ou tard. Cette situation ne me convenait plus du tout et j’étais bien décidée à l’annoncer à Elio. Je savais au fond de moi que cette conversation ne mènerait à rien puisque nous étions tous les deux aussi remontés l’un contre l’autre. Mais c’était plus fort que moi, j’avais besoin de lui déverser toute ma colère et ma déception au visage. « C’est bon t’as fini ? » demandait-il, désabusé et je le regardais un peu sans comprendre. « Tant mieux. » ajoutait-il. J’aurai cru que de me voir m’énerver aurait déclenché une réaction plus vive de sa part, mais une fois de plus je me trompais à son sujet. Il fallait croire que je ne le connaissais pas aussi bien que j’aurai cru. Je retournais alors à mon glaçage, tentant tant bien que mal d’oublier cette colère qui continuait de me ronger de l’intérieur et qui me déconcentrait. Je n’arrivais pas à décolérer et c’était on ne pouvait plus frustrant. Elio lui continuait de faire comme si je n’avais pas parlé et continuait de décorer le gâteau que ma mère avait cuisiné. De nouveau, je sentais la colère bouillonner en moi et j’étais prête à dire à Elio qu’il allait bien falloir un jour qu’on ait cette conversation, mais il m’interrompait. « Non ! Tu te tais ! Franchement tu te tais ! J’ai aucunement besoin de ta morale à deux balles alors que t’es pas mieux que moi ! » s’exclamait-il, le regard noir. « Pas mieux que toi ? Tu veux rire j’espère ! Je te rappelle que c’est pas moi qui nous a mis dans cette situation, c’est pas moi qui t’oblige à mentir à tout le monde, juste parce que je n’assume pas les sentiments que j’ai pour toi. Alors ne t’avise plus jamais de dire que je ne suis pas mieux que toi, parce qu’on sait tous les deux que si on faisait les choses à ma manière on n’en serait pas là » Je le menaçais avec la spatule pleine de ganache, sentant réellement l’envie de lui mettre une baffe me démanger. Je lui en voulais de me réduire au silence et de me blâmer de ne pas réussir à supporter la situation, je lui en voulais de me faire perdre la tête de cette façon en jouant cruellement avec mes sentiments, je lui en voulais de m’avoir dit qu’il m’aimait alors qu’il continuait d’avoir honte de ce qu’il ressentait pour moi, je lui en voulais de toujours choisir la facilité. « T’en a rien à foutre hein ? Des répercussions que ce que t’as dit ont eu sur ma vie ? Sur ma relation avec Kaecy ? » Je grognais alors, parvenant de moins en moins à contenir ma rage. Si j’avais pu décrocher sa tête et mettre un grand coup de pied dedans j’aurai été la femme la plus heureuse du monde. « Bien sûr que si que j’en ai à foutre ! T’es vraiment un abruti, tu le sais ça ? Tu comprends rien, rien de rien. Tu peux penser que je suis égoïste si ça te fait plaisir, ça m’est égal ce que tu penses de moi. Libre à toi de le croire ou non mais je l’ai fait pour toi aussi. Tu penses sincèrement que c’était le genre de chose qu’elle n’allait pas découvrir ? Tu penses sincèrement que ça n’aurait pas été encore pire si elle avait appris tout ça dans quelques temps ? » Je tremblais tellement j’étais en colère contre lui, cette situation était tellement injuste. Il osait se plaindre de mon égoïsme alors que c’était le premier à faire passer son bien-être avant le mien. « J’en ai rien à battre que tu lui ai dit pour nous deux… Mais tu lui as balancé tout à propos de Paris alors que tu savais très bien que je n’avais pas été honnête avec elle sur ce point ! Alors certes c’était ma faute… Ouais c’est moi le connard de l’histoire qui pense pas à toi et qui ment à Kaecy ! Mais ça c’était pas à toi de le lui dire ! Et BORDEL… La moindre des choses ça aurait été que t’aille le courage de me dire que tu lui avais tout balancé. Un PUTAIN de message ça coute rien ! Pas que je l’apprenne de Kaecy plusieurs jours après. » s’écriait-il à son tour. « Est-ce que seulement tu t’es mis à ma place un instant ? Tu contrôles tout, c’est toi qui mène la danse et moi je n’ai pas d’autres choix que de faire avec. Tu décides qu’on doit cacher tout ça à tout le monde, tu décides qu’on doit mentir à tous nos amis, à ma famille. Et moi je n’ai pas d’autres choix que de faire comme TU veux. Et si j’ai le malheur de faire quelque chose contre ce que TOI tu as décidé, tu me fais vivre un enfer. Tu penses vraiment que j’étais assez folle pour te prévenir que je lui avais dit ? T’aurais débarqué en furie chez moi et j’étais pas prête à ça. » soupirais-je finalement avant de lui avouer que je n’en pouvais plus qu’il souffle constamment le chaud et le froid sur notre relation. « T’en a marre de mon attitude ambivalente à ton égard ? Bah t’as gagné Heidi… Elle existe plus cette attitude, que les choses restent comme ça c’est parfait ! » disait-il. « Je pense que c’est la seule solution, qu’on en finisse avec tout ça, tu as raison » Je déposais la spatule dans l’évier et disparaissait pour rejoindre le salon où se trouvait le reste du monde. Kaecy venait à ma rencontre, visiblement un peu inquiète à l’idée de nous voir tous les deux seuls avec Elio. « T’inquiète, ça va » lui dis-je avec un sourire, du moins c’était ce que j’essayais de faire mais ça ressemblait davantage à une grimace. J’étais à la fois soulagée de savoir que nous avions tous les deux décidé d’arrêter le massacre et à la fois triste et désemparée à l’idée de devoir gérer mes sentiments vis-à-vis de lui qui n’avaient plus lieu d’être. Je savais que j’avais pris la bonne décision, qu’Elio était nocif dans ma vie, mais je n’étais pas encore prête de m’en réjouir. « Je reviens, j’ai besoin de souffler un coup » dis-je à Kaecy pour quitter le salon et rejoindre le jardin. Il y avait Ezra qui se trouvait dans le jardin, en train de caresser Lago et de lui envoyer de temps en temps une balle de tennis. Ezra se trouvait ici parce qu’il était le patron de Matteo, il y avait également tout un tas d’employés de son garage, des collègues de Matteo. J’arrivais justement entre Ezra et un de ses employés. « Hey » dis-je tout bas et Ezra fronçait les sourcils, clairement il savait que quelque chose n’allait pas. Me retrouver avec lui me faisait du bien, il n’avait rien en commun avec Elio et connaissait toute mon histoire avec lui, au même titre que je connaissais toute son histoire avec Amelia. En compagnie de mon voisin, j’oubliais un peu ma colère contre Elio et ça faisait du bien.
C’était toujours la même histoire avec Heidi, un moment sympa où je pensais qu’on était sur la même longueur d’onde. Ou elle semblait me promettre de ne pas avoir de soucis avec la situation, de pouvoir gérer, puis le revers de la médaille juste derrière, où elle me reprochait toutes les choses qu’elle avait prétendu accepter. Et j’étais fatigué de son comportement aussi puéril que le mien. « Pas mieux que toi ? Tu veux rire j’espère ! Je te rappelle que c’est pas moi qui nous a mis dans cette situation, c’est pas moi qui t’oblige à mentir à tout le monde, juste parce que je n’assume pas les sentiments que j’ai pour toi. Alors ne t’avise plus jamais de dire que je ne suis pas mieux que toi, parce qu’on sait tous les deux que si on faisait les choses à ma manière on n’en serait pas là » Secouant la tête blasé, j’avais tenté de contrôler un élan de colère qui aurait bien pu faire valser le gâteau dans la pièce. « Je te le redis Heidi ! T’es pas mieux ! T’as juste envie de te donner le rôle de la victime dans cette histoire ! Et j’en ai ras le bol de me faire traiter de connard à chaque fois que je suis avec toi. » On est deux dans cette histoire et c’est elle qui à chaque fois prétend que ce n’est rien - que ça ne va pas changer grand chose ou encore qu’elle peut l’assumer. Jamais mon but n’a été de lui faire du mal et me mettre tout ça sur le dos comme si j’étais l’unique coupable je ne suis pas prêt à l’accepter. C’était un mélange de colère et de déception qui me prenait alors que je lui parlais de Kaecy et de ce qu’elle avait brisé entre nous sans aucun remord de toute évidence. Ce soir elle se pavanait à ses côtés bien heureuse comme si de rien n’était. « Bien sûr que si que j’en ai à foutre ! T’es vraiment un abruti, tu le sais ça ? Tu comprends rien, rien de rien. Tu peux penser que je suis égoïste si ça te fait plaisir, ça m’est égal ce que tu penses de moi. Libre à toi de le croire ou non mais je l’ai fait pour toi aussi. Tu penses sincèrement que c’était le genre de chose qu’elle n’allait pas découvrir ? Tu penses sincèrement que ça n’aurait pas été encore pire si elle avait appris tout ça dans quelques temps ? » Je rigole un peu mesquin alors qu’elle tente de se donner le bon rôle. « A d’accord donc en fait tu m’as sauvé ? Je dois te remercier aussi avec ça ? » Je finis par lui dire que la problème c’est pas tant notre relation. Si je n’ai pas voulu mêler Kaecy à ça c’était uniquement pour qu’elle n’ait pas elle aussi à mentir – je sais à quel point elle déteste ça. Mais au final je suis plutôt heureux qu’elle soit au courant. Non c’est le fait qu’elle lui ait tout balancé sans réfléchir une seule seconde au fait que peut-être certaines choses avaient besoin d’être dites de ma bouche et qu’elle n’ait même pas pris la peine de me prévenir. « Est-ce que seulement tu t’es mis à ma place un instant ? Tu contrôles tout, c’est toi qui mène la danse et moi je n’ai pas d’autres choix que de faire avec. » Je la coupais avant qu’elle ne continue complètement outré par ses propos. « Tu te fous de ma gueule là ? » Mais apparemment pas et déjà elle continue. « Tu décides qu’on doit cacher tout ça à tout le monde, tu décides qu’on doit mentir à tous nos amis, à ma famille. Et moi je n’ai pas d’autres choix que de faire comme TU veux. Et si j’ai le malheur de faire quelque chose contre ce que TOI tu as décidé, tu me fais vivre un enfer. Tu penses vraiment que j’étais assez folle pour te prévenir que je lui avais dit ? T’aurais débarqué en furie chez moi et j’étais pas prête à ça. » A nouveau ça me fait rire - d’un rire presque effrayant parce que je la trouve tellement puéril d’un coup. « Et t’as cru quoi ? Que je n’allais jamais le savoir ? Je crois juste que ne t’as pas eu le cran de me le dire parce que t’es bien forte pour me critiquer mais t’es aussi lâche que moi au final. » Elle avait juste laissé les choses se faire - laisser Kaecy tout m’avouer et son comportement me blessait. Malgré ce qu’elle pouvait dire je ne voyais dans son attitude aucun signe d’empathie comme si me voir payer le prix avec Kaecy lui apportait au final une certaine satisfaction. « Et si ça ne tenait qu’à moi tout ça se serait arrêté quand Matteo est revenu. C’est toi qui m’as invité à Paris Heidi… Alors arrête de prétendre que je suis le seul à prendre des décisions. Chaque action que tu as faite tu l’as faite en connaissance de cause, en sachant que je n’allais pas changer d’avis à propos de Matt. » Si elle n’est pas capable de voir sa part de responsabilité dans cette histoire et bien c’est son problème moi je refuse de tout assumer. C’est sur je sais que ce secret repose sur moi - sur mes propres peur mais je ne lui ai jamais menti à ce propos. Finalement elle avait peut-être ce qu’elle voulait, je n’avais plus envie de rien avec elle. Juste qu’elle ne me parle plus. « Je pense que c’est la seule solution, qu’on en finisse avec tout ça, tu as raison » Elle dépose la spatule et s’en va me laissant seul avec le gâteau alors que je murmure au pauvre. « C’est ça dégage… » Qu’elle n’entendra jamais. Tous mes membres tremblent sous le coup de la colère et de l’émotion et j’ai envie de tout envoyer valser dans cette cuisine mais je ne le fais pas. Et c’est Johanna qui pousse la porte pour venir me rejoindre. « Vous avez fini ? » Elle a du voir sa fille sortir. « Presque. » Je reporte mon attention sur la gâteau en espérant qu’elle ne voit pas mes mains tremblantes. « Elio ça ne va pas ? » Je les secoue un peu pour essaye de faire passer le mouvement sans succès. « Ca va très bien. » Je n’ai envie de parle à personne en ce moment pas même à la douce Johanna. « C’est bon j’ai fini. » Je quitte la cuisine assez rapidement pour qu’elle ne me rejoigne pas. A peine dans le salon j’ai le droit au regard réprobateur de Kaecy, je sens mon ventre se nouer… Je tente de rejoindre la jardin mais quand j’arrive à la porte vitré la première chose que je vois c’est elle, avec son fameux Ezra, il dépose une main sur sa nuque dans un geste tendre et j’ai soudainement envie de vomir. Ca fait trop de chose d’un coup… Faut que je sorte de là, je prends la porte d’entré pour débouler dans la rue et là je laisse tout sortir, je fais valser tout ce qui est sur mon passage, je tape dans le mur pour essayer de faire sortir une colère que je n’ai jamais pu maitriser. Je ne sais pas pendant combien de temps je déverse ma colère avant de me sentir vide et de me laisser glisser contre le mur. Mes phalanges me brulent et je me rends enfin compte qu’en tapant à plusieurs reprise contre le mur je me suis blessé. Ma peau éraflé laisse un peu de sang s’en échapper et moi je me sens juste vide… Complètement vide. Je n’ai aucune envie d’y retourner… Je sais pourtant qu’il va bien falloir. Que pour Matteo je dois le faire mais c’est plus fort que moi.
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Au fond c’était toujours la même rengaine, les mêmes problèmes. Je vivais mal le fait qu’Elio me condamne au silence, qu’il n’assume pas ses sentiments pour moi. J’avais d’autant plus de mal à l’accepter qu’il avait avoué m’aimer dans cette chambre à Paris. Et si jusque-là j’avais toujours fait en sorte de ne pas mentionner ce fait, que ça soit à Elio et même à Kaecy, ça continuait de me perturber. Je ne comprenais pas comment il pouvait dire m’aimer et ne trouver rien à redire à cette situation intenable. Le problème, c’était qu’Elio restait persuadé que je lui reprochais le fait que nous ne pouvions pas être ensemble, alors que c’était le cadet de mes soucis. J’étais perdue, littéralement et à chaque fois que je commençais à y voir plus clair, Elio se chargeait d’apporter un peu plus de confusion. Quand nous étions amis, que je parvenais à mettre de côté tout ce qu’il s’était passé entre nous pour privilégier notre amitié, il me faisait des crises de jalousies qui n’avaient pas lieu d’être. Quand j’arrivais à me persuader que si je passais un week-end d’amour en sa compagnie tout en sachant que tout redeviendrait comme avant à notre retour, il me disait qu’il m’aimait. Quand j’avouais finalement à Kaecy la nature de notre relation après qu’elle m’ait fait passé un véritable interrogatoire et alors qu’il m’avait lui-même donné l’autorisation de lui en parler, ça ne lui convenait pas non plus. Et de son côté, je sentais qu’il était au moins aussi perdu que moi. Après avoir passé de longues minutes à nous balancer nos quatre vérités, sans vraiment nous écouter l’un l’autre, j’avais fini par jeter l’éponge et j’avais dit à Elio, qu’en effet, nous ferions mieux de mettre un terme définitif à tout ceci. Je n’en avais que faire des questions que Matteo et ma mère pourraient se poser en voyant que mon amitié avec Elio avait volé en éclat, je ne voulais tout simplement plus avoir quoi que ce soit à faire avec lui alors je quittais la cuisine pour me réfugier loin de lui. J’avais trouvé du réconfort auprès d’Ezra et de mon chien, qui se trouvaient tous les deux dans le jardin en compagnie d’un collègue de Matteo. Ce dernier était cependant rapidement rentré dans la maison, sous un prétexte que je n’avais pas entendu. Je m’étais alors assise aux côtés d’Ezra, sur la terrasse, caressant Lago qui s’était posé à nos pieds. Comme toujours, Ezra s’était montré d’un soutien sans faille et il n’avait pas demandé ce qui n’allait pas, il s’était contenté de me sourire doucement, tout en caressant ma nuque dans un geste qui m’apaisait totalement.
Nous étions restés un long moment silencieux, puis Ezra avait fini par sortir une petite blague et j’avais ri. « Merci » Et puis nous nous étions mis à parler de tout et rien, je racontais à Ezra les liens de tout le monde avec Matteo pour qu’il puisse situer un peu toutes les personnes qui se trouvaient ici quand Kaecy avait débarqué sur la terrasse à son tour me demandant si j’avais vu Elio puisqu’apparemment ma mère le cherchait. « Non, je ne l’ai pas vu depuis que j’ai quitté la cuisine » avouais-je en me relevant. « Laisse, je vais aller jeter un coup d’œil » dis-je alors avant de rentrer dans la maison. Après avoir jeté un bref coup d’œil dans les pièces bondées où il n’apparaissait pas, je décidais de sortir dans la quartier histoire de voir s’il n’était pas par ici. Je n’avais pas mis longtemps cependant à mettre la main sur Elio, après être tombée sur une poubelle renversée. Je m’approchais alors, pour le découvrir assis par terre contre le mur. Je m’arrêtais, les croisés en l’observant. Puis après un petit temps d’arrêt je m’étais approchée de lui doucement, avant de m’asseoir à ses côtés. De nouveau j’étais restée silencieuse un bon moment avant de lui parler, d’un ton calme. « Ma mère te cherche apparemment » l’informais-je avant qu’un nouveau silence s’installe entre nous. « Je n’ai pas balancé à Kaecy pour Paris comme ça. C’était pas comme tu crois, t’étais pas là pour assister à la conversation. Elle est arrivée à la boutique et elle se doutait de ce qu’il se passait entre nous. Elle a meublé la conversation un peu avant de m’acculer à propos de l’autre soir où elle avait failli nous surprendre. J’ai été obligée de lui raconter. Alors je suis remontée au début de notre histoire pour arriver jusqu’au soir-là. Puis tu la connais, elle a insisté pour savoir ce qu’il s’était passé ensuite. Tu sais bien comme elle est et à quel point c’est difficile de lui mentir. Elle devait sentir que je ne lui disais pas tout, du coup elle m’a sorti les vers du nez. Je ne l’ai pas fait, dans le but de détruire votre relation. » avouais-je toujours d’un ton calme. « Elle te pardonnera. Si t’arrêtes de jouer les idiots, elle t’aime trop pour t’en vouloir longtemps » ajoutais-je. A nouveau, un petit silence s’était installé entre nous. « Je sais que je ne suis pas claire, mais je crois que tu l’es encore moins. C’est compliqué pour moi de savoir comment réagir parce que tu es imprévisible. Je n’arrive pas à déterminer réellement la nature de tes sentiments à mon égard et ça me rend encore plus confuse. C’est pas le problème de ne pas pouvoir en parler à Matteo ou même le fait de ne pas pouvoir vivre cette relation qui me perturbe, c’est que j’ai l’impression qu’on est constamment en entre deux. » Ca me semblait important de lui expliquer la raison qui me poussait à me mettre autant en colère contre lui. Si au moins notre relation prenait fin, il fallait qu’on soit tous les deux au courant des raisons de cette décision. « Tu as dit que tu m’aimais. » soufflais-je doucement, en regardant devant moi, évitant consciencieusement le regard d’Elio. Voilà le nerf de la guerre, la raison de mon malaise. Si normalement ces mots auraient dû faire de moi la femme la plus heureuse sur terre, je souhaitais tous les jours qu’Elio n’ait jamais dit ça.
Pourquoi je me sens si mal ? Pourquoi j’accords autant d’importance à ses mots ? A cette relation absolument foireuse entre nous ? A ce qu’elle peut dire ou faire… Je me déteste parfois d’être comme ça et de ne pas être capable de maitriser cette colère en moi. Je sais que j’ai abusé une fois de plus, il suffit de jeter un œil au bordel que j’ai mis, à mes mains abimées pour comprendre que je ne maitrise rien. Je tente de retrouver des battements de cœur normaux pour essayer de faire taire cette impression que mon organe va me sortir de la poitrine. J’ai l’impression d’avoir mal partout et même à l’âme. Quand après plusieurs minutes des pas se font entendre je ne relève même pas le regard. Je ne veux voir personne – je ne veux parler à personne. Je voudrais juste qu’on me laisse un peu. Mais aucun mot ne sort de la bouche de l’inconnu en face de moi – je ne vois que cette ombre sur le sol. Finalement je relève très légèrement le regard juste assez pour reconnaître les chaussures d’Heidi puis mon regard se rive à nouveau sur le sol. Je ne sais pas ce qu’elle fait là – qu’elle reste son Ezra, de toute évidence il est bien mieux que moi. Après ce qui me semble être une éternité, elle vient finalement s’asseoir à côté de moi toujours sans dire un mot. Je voudrais lui dire de dégager mais je n’en ai même pas la force, je voudrais juste pouvoir faire taire mes sentiments pour le moment… « Ma mère te cherche apparemment » Ce n’est pas étonnant de la part de Johanna vu comme je suis parti, mais je ne réponds rien à ses quelques mots. Je ne bouge toujours pas d’un pouce comme incapable de mouvoir mon corps. « Je n’ai pas balancé à Kaecy pour Paris comme ça » Je ne crois même pas que j’ai envie d’entendre ses explications et pourtant je la laisse faire, je l’écoute en silence alors qu’elle tente de se justifier. « Tu sais bien comme elle est et à quel point c’est difficile de lui mentir. Elle devait sentir que je ne lui disais pas tout, du coup elle m’a sorti les vers du nez. Je ne l’ai pas fait, dans le but de détruire votre relation. » Je ne peux m’empêcher de me dire que c’est des mots qu’elle aurait du dire avant – que j’aurais du entendre de sa bouche avant même que Kaecy ne puisse me parler de ce rendez-vous. « Elle te pardonnera. Si t’arrêtes de jouer les idiots, elle t’aime trop pour t’en vouloir longtemps » Elle a sans doute raison et au final je pense que ce n’est pas là qu’est le problème. En tout cas pas notre problème à nous deux. « Je sais que je ne suis pas claire, mais je crois que tu l’es encore moins. C’est compliqué pour moi de savoir comment réagir parce que tu es imprévisible. Je n’arrive pas à déterminer réellement la nature de tes sentiments à mon égard et ça me rend encore plus confuse. C’est pas le problème de ne pas pouvoir en parler à Matteo ou même le fait de ne pas pouvoir vivre cette relation qui me perturbe, c’est que j’ai l’impression qu’on est constamment en entre deux. » Soupirant lourdement j’avais fini par relaver la tête pour la poser contre le mur en regardant au loin. « Je comprends pas ce que t’attends de moi Heidi… » Qu’est ce qu’elle voulait au final ? Je n’étais pas plus avancé qu’elle et parfois elle agissait comme si je devais avoir toutes les réponses pour nous deux alors que ça n’était pas le cas. J’étais tout aussi paumé qu’elle, et j’avais peur, et je détestais le fait que je n’étais pas capable de juste la haire pendant plus de 10 minutes dès que j’étais en sa compagnie. « Tu as dit que tu m’aimais. » Merde… J’avais souhaité tellement fort que ces quelques mots ne soient qu’une illusion de mon cerveau alcoolisé et à moitié endormi mais de toute évidence ça n’était pas le cas. Fermant les yeux avec culpabilité j’avais légèrement pincé les lèvres ne sachant quoi répondre et pourtant j’avais conscience que cette fois elle attendait mes mots… « J’avais presque réussi à me convaincre que je l’avais pas dit… » Ce n’était sans aucun doute pas la réponse qu’elle attendait de moi. « J’avais trop bu, on venait de faire l’amour et on était à Paris… Je sais pas j’étais juste heureux et je l’ai dit. » je n’avais pas d’autres excuses et pas la capacité aujourd’hui d’assumer des sentiments que j’avais en tout cas cru ressentir à ce moment là mais qui n’étaient plus si clairs dans ma tête. « C’était con… J’aurais pas du. » Et c’était trop tard aujourd’hui pour faire marche arrière. J’aurais bien pu assumer maintenant – mais ça semblait trop dur ici. Puis je ne voulais pas de cet amour – je n’en avais jamais voulu, l’amour c’était douloureux et pas fait pour moi et je m’étais promis de le rejeter comme je le pouvais. « Je vais le dire à ton frère Heidi… » J’avais laissé quelques seconde de silence avant de rajouter. « Je suis fatigué de mentir, de t’obliger à le faire et de sentir cette culpabilité… Si je peux pas être honnête avec lui alors je mérite de toute façon pas son amitié. » C’est moi même qui avait foutu toute ça en l’air et je ne me leurrais pas, Matteo n’allait pas bien le prendre. Il y avait de grand chance pour qu’après cette révélation il ne soit plus jamais mon ami – que l’on ne retrouve pas ce lien que nous avions mais de toute façon il était perdu… J’étais fuyant avec lui, coupable a chaque fois qu’il m’offrait un sourire et c’était invivable pour moi mais aussi pour Heidi. Elle avait raison sur un point je l’avais obligé au silence et je n’en avais pas le droit. « Mais pas ce soir… C’est sa soirée et je veux pas gâcher ça. » C’était peut-être aussi la dernière bonne soirée que je pourrais passer avec lui… Je pouvais au moins me laisser ça.
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J’étais de plus en plus lasse de mes altercations constantes avec Elio, j’étais littéralement fatiguée et plus ça allait plus j’avais la sensation qu’un retour en arrière était tout bonnement impossible. Il fallait que nous nous rendions à l’évidence, notre amitié était définitivement gâchée j’en étais, au fond, intimement convaincue. Je n’étais pas prête à me l’avouer totalement mais peu à peu, ces idées sinuaient en moi et notre énième dispute d’aujourd’hui ne faisait que confirmer mes doutes. Cette situation provisoire ne devait pas durer parce que je sentais que ça commençait à réellement me miner le moral de me prendre constamment la tête avec Elio. J’étais allée trouver refuge auprès de mon voisin avant que Kaecy ne m’envoie à la recherche d’Elio. Je n’avais pas eu trop de mal à le trouver, en suivant les dégâts qu’il avait causé sur son chemin. Il était assis contre un mur et il faisait un peu peine à voir. J’avais pris un temps avant de m’installer à ses côtés, et j’avais également pris un petit temps avant de me mettre à parler. Si j’avais d’abord tenté de détendre l’atmosphère en parlant de ma mère, j’en étais rapidement revenue à des sujets plus sérieux et qui concernaient notre relation tumultueuse. « Je comprends pas ce que t’attends de moi Heidi… » répondait-il simplement après que je lui ai donné mon sentiment concernant notre relation et je soupirais. Comme s’il était facile à suivre lui aussi. Il pouvait bien dire qu’il ne comprenait pas ce que je voulais, mais moi j’avais toujours été claire sur mes intentions : Elio me plaisait et j’aurai eu le courage d’essayer quelque chose avec lui. Là où il était encore plus perturbant que moi dans cette histoire, c’était qu’il m’avait avoué avoir des sentiments pour moi alors qu’il passait son temps à me repousser. Même moi, qui avait manifesté plus d’envie que lui de tenter cette relation je n’avais pas évoqué de quelconques sentiments (en partie parce que je ne savais pas exactement ce que je ressentais).
Agacée de tourner autour du pot, de le voir se défiler pour la cinquantième fois depuis que nous nous connaissions je décidais de lui avouer que j’avais entendu ce qu’il avait dit. J’avais bien compris à son comportement et à la façon étrange dont il n’avait pas reparler de l’incident, qu’il avait du mal à assumer ce qu’il venait de dire et je devais avouer que cela ne m’étonnait même pas. Tout à coup, alors que je prononçais ses mots, je voyais le doute et le malaise dans le regard d’Elio. Prévisible qu’il était. Et la suite aussi n’aurait pas dû m’étonner plus que ça, parce qu’au final c’était tellement Elio. « J’avais presque réussi à me convaincre que je l’avais pas dit… » Je soupirais, fatiguée. Je n’arrivais même pas à me sentir vexée ou lésée. « J’avais trop bu, on venait de faire l’amour et on était à Paris… Je sais pas j’étais juste heureux et je l’ai dit. » Il avait fallu qu’il en rajoute une couche, qu’il continuait de se défiler, de s’enfoncer un peu plus et je le laissais faire, sans le regarder parce que clairement à cet instant précis je me confortais clairement dans le fait qu’il n’était vraiment pas fait pour moi. Je n’avais pas besoin d’un adolescent qui ne savait pas assumer ses actes et qui ne se donnait pas la peine de faire les efforts nécessaires pour obtenir ce qu’il convoitait manifestement. « C’est vrai que c’est le genre de choses qui sortent comme ça, après un peu d’alcool, de fatigue et une bonne partie de jambes en l’air » Je n’étais même pas sèche, l’amertume ne pointait pas du tout dans ma voix. J’étais tellement agacée que je semblais être immunisée contre ce qu’il pouvait raconter. « C’était con… J’aurais pas du. » ajoutait-il. « Oui » me contentais-je de répondre, parce que je n’avais rien à dire de plus. C’était de toute façon, toujours la même rengaine entre nous. Le silence s’était à nouveau installé entre nous, parce que moi, je n’avais plus rien à lui dire et lui sûrement parce qu’il se rendait compte qu’il s’enfonçait un peu plus à chaque fois qu’il ouvrait de nouveau la bouche et peut-être parce qu’il avait remarqué que je n’étais plus réellement réceptive à ce qu’il pouvait bien raconter. De la poudre aux yeux, voilà ce que c’était. C’était beau, ça brillait, ça donnait envie mais au final, quand on creusait on se rendait compte que ce n’était rien qu’une illusion.
« Je vais le dire à ton frère Heidi… Je suis fatigué de mentir, de t’obliger à le faire et de sentir cette culpabilité… Si je peux pas être honnête avec lui alors je mérite de toute façon pas son amitié. » Là par contre, Elio avait su retenir mon attention et je me tournais vers lui pour le regarder pour la première fois depuis que je m’étais assise à ses côtés. « Le retour à la raison » répondis-je avec un petit sourire en coin. J’étais soulagée de savoir qu’Elio allait parler à Matteo de ce qu’il s’était passé entre nous. Pas parce que je voyais là la possibilité de vivre mon histoire avec Elio mais uniquement parce que j’étais lasse de ses mensonges et de ses non-dits. Je ne voulais plus être forcée de dissimuler mes émotions face à Elio juste pour ne pas éveiller les soupçons de Matteo. Pour ce qui était de notre histoire, au fond je savais que ça n’aurait rien changé. D’abord parce que Matteo n’accepterait pas qu’Elio continue de me voir, mais également parce qu’une part de moi, qui devenait de plus en plus grande au fur et à mesure des jours, n’était plus certaine d’avoir envie de quoi que ce soit avec lui. C’était beaucoup trop de sacrifices et d’efforts pour pas grand-chose au final. Je me demandais de plus en plus si réellement, nous étions faits pour être ensemble. Notre alchimie était indéniable, mais j’avais l’impression qu’en dehors de cette attraction magnétique, il n’y avait plus grand-chose qui nous rassemblait. C’était triste à dire, mais c’était de plus en plus la conclusion à laquelle je parvenais au cours de mes nombreuses conversions avec moi-même au cours de ces dernières semaines. « Mais pas ce soir… C’est sa soirée et je veux pas gâcher ça. » ajoutait-il. « Ca c’est sûr, pas ce soir. » Je me relevais. « Viens, il te cherche et ma mère va finir par réellement s’inquiéter. Et il faut désinfecter ça » ajoutais-je en désignant du menton la plaie sur sa main. Un peu à reculons, Elio finissait par se redresser, j’avais pendant ce temps remis les poubelles en place. Puis j’avais fait monter Elio à l’étage, évitant le salon bondé pour aller dans la salle de bain du premier pour trouver de quoi soigner Elio. Je sortais une compresse et du désinfectant avant de l’appliquer doucement sur la plaie. « Tu me dis si je te fais mal » lui dis-je alors en continuant de le désinfecter.
Je me rends compte de ma lâcheté et pourtant je suis incapable de faire autrement - incapable d’assumer ce que j’ai dit devant elle mais aussi pour moi-même. Sur le moment ça semblait tellement vrai mais là… Aujourd’hui avec tout ce qu’on est capable de se lancer à la figure, toute cette colère entre nous c’est un tout autre sentiment qui me prend. Un de ceux que je peux accepter même si je ne le contrôle pas non plus. « C’est vrai que c’est le genre de choses qui sortent comme ça, après un peu d’alcool, de fatigue et une bonne partie de jambes en l’air » Je soupire lourdement ne sachant quoi rajouter. Ce n’est sans doute pas ce qu’il faudrait faire c’est sûr et pourtant je l’ai fais… Je n’ai pas de bonne excuse, pas d’autre explication non plus même si c’est ce qu’elle semble attendre de ma part… De toute façon je sens bien que peu importe mes mots je n’aurais pas la possibilité de me rattraper. J’en ai trop dit ce soir là et par la suite pas assez… Et j’ai brûlé mes chances maintenant. Pendant quelques instants d’ailleurs seul le silence avait été mon allier dans la pénombre. Jusqu’à ce que finalement je me décide à parler - à revenir sur mes promesses de silence. Les choses ont été trop loin maintenant pour que je ne continue de prétendre… Beaucoup trop loin. « Le retour à la raison » Elle semble satisfaite, pas moi - je me sens juste détruit avec cette impression sans doute un peu véridique qu’une fois de plus je fais tout exploser dans ma vie. Je tente pourtant de lui adresser un vague sourire. Ma tête tourne comme si j’avais bu plusieurs verres mais ce n’est que le contre coup de la colère qui laisse place à une tristesse presque disproportionnée. « Ca c’est sûr, pas ce soir. » Au moins nous étions d’accord sur ce point. Je l’avais ensuite regardé se lever sans pourtant avoir envie de bouger pour ma part. « Viens, il te cherche et ma mère va finir par réellement s’inquiéter. Et il faut désinfecter ça » J’avais fini par me relever sans grande conviction. Je n’avais aucune envie de rejoindre les gens qui faisaient la fête dans cette pièce. J’avais pourtant suivi Heidi à l’étage pour déboucher dans la salle de bain. Alors que je m’asseyais sur le rebord de la baignoire elle fouillait dans l’armoire pour trouver la pharmacie et venir me rejoindre, attrapant un tabouret pour se placer face à moi elle avait entrepris de soigner mes mains alors que j’étais un peu honteux de la laisser faire. A nouveau, seul le silence semblait avoir sa place entre nous - comme si soudainement nous n’avions plus rien à nous dire. « Tu me dis si je te fais mal » J’avais hoché la tête sans rien répondre. La douleur était bien là mais c’était moi même qui l’avait provoquée et Heidi ne pouvait rien faire contre ça. « Merci… » C’était tout ce que j’étais capable de dire alors qu’elle enlevait le sang sur mes mains. Finalement j’avais décroché mon regard de ses gestes pour l’observer, senti une vague d’émotion me saisir à nouveau, puis quand elle avait relevé le regard à son tour elle s’était immobilisée un instant comme si elle comprenait que j’étais sur le point de parler. « C’est… C’est fini n’est-ce pas ? » La lèvre un peu tremblante je n’avais pu décrocher mon regard du sien. Cette phrase englobait tellement de choses que j’étais terrifié à l’idée de connaitre sa réponse. « Qu’est ce qui va se passer maintenant ? » Nous ne pouvions plus être ami, et je le sentais dans son regard nous ne serions plus amant non plus alors quoi ? Qu’est ce qui allait se passer maintenant ? Si il n’y avait ni haine, ni colère, ni amour, ni amitié alors il ne restait plus que l’indifférence. C’était pire que tout - pire encore que la colère dévorante qui m’avais pris le jour où elle avait osé revenir en essayant d’avoir mon pardon… Pire que le regard noir qu’elle pouvait parfois poser sur moi. J’avais senti l’émotion me submerge totalement à nouveau, mais cette fois c’est mes yeux qui s’étaient mouillés sans que je ne puisse rien contrôler - j’étais comme passager de ma vie - victime des mauvais choix que j’avais entassés les uns sur les autres. La voix tremblante, j’avais tout de même tenté d’articuler un vague. « Je suis tellement paumé Heidi… » Baissant la tête j’avais laissé la peine m’envahir cette fois - je ne savais pas exactement d’où elle venait. Ce n’était pas juste nous - pas juste cette soirée plutôt une accumulation de choses, la goutte qui faisait déborder le vase. « Je suis tellement désolé de t’avoir fait du mal… » Je ne voulais pas la regarder, parce que j’étais bien conscient de ne mérite aucune compassion dans cette situation où je m’étais mis moi même. J’allais perdre à nouveau mon meilleur ami, toute relation avec Heidi et si Heidi était persuadée que Kaecy me pardonnerait je commençais à en douter… Elle aussi avait ses limites. Qu’est ce qui se passerait alors pour les jumeaux, pour la seule chose qui semblait rendre ma vie un peu plus stable ? « Je fais n’importe quoi… » Du premier baiser échangé avec elle jusqu’à mes mains frappant ce mur, je ne contrôlais rien… J’aurais aimé lui demander de ne pas m’abandonner – lui dire qu’on pouvait trouver une solution encore mais c’était un égoïsme que je me refusais cette fois. « Tu devrais y aller je te rejoins. » je sentais les sanglots qui étaient prêts à envahir tout mon corps… N’attendant plus qu’elle sorte de la pièce pour évacuer le trop plein.
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C’était comme essayer de retirer de l’eau avec mes mains. Je voulais au fond essayer de trouver une solution, un moyen pour nous permettre de pouvoir remettre tout ça en place, effacer les erreurs que nous avions commises pour pouvoir essayer de sauvegarder notre relation ou du moins ce qu’il en restait. Mais plus j’essayais et plus je me rendais compte que la situation échappait totalement à mon contrôle, en persistant je ne faisais qu’empirer les choses, aggraver notre cas qui n’était déjà pas bien glorieux. Il n’y avait pas de solutions, pas de remède miracle, il fallait l’admettre. Nous étions allés trop loin pour espérer un retour en arrière possible. Comme nous l’avions prévu, comme nous l’avions redouté, nous avions fait voler en éclat plus de 25 ans de relation, de souvenirs, de hauts et de bas. En seulement quelques mois, c’était tout ce que nous avions vécu jusqu’ici qui était remis en question. A chaque mot que prononçait Elio alors qu’il tenait maladroitement de se rattraper, je me sentais de plus en plus l’envie de me détacher de lui. Plus il parlait, plus il m’apparaissait clairement que nous n’étions pas faits pour être ensemble, qu’il n’était tout bonnement pas prêt à grandir et à s’assumer. Il avait été là quand j’avais eu besoin de souffler, de me sentir vivante mais ce n’était pas celui qu’il me fallait pour m’accompagner tout au long de ma vie contrairement à ce que j’avais cru. Je me rendais compte peu à peu qu’alors que tout dans ma vie commençait à se stabiliser de nouveau, j’avais de besoin d’être avec quelqu’un qui savait où il allait dans la vie. Elio et moi n’étions pas au même plan. J’avais récemment régressé fait un retour en arrière, sûrement la crise de la trentaine qui approchait exacerbée par la disparition de mon frère et le sentiment d’être coincée dans une vie que je n’avais pas voulu. Mais j’avais avant ça vécu plus de 8 ans une relation sérieuse avec le même homme, je m’étais engagée de bien des manières dans cette relation, acceptant peu à peu d’abandonner mon indépendance pour une vie à deux, une brosse à dent laissé chez l’autre, suivi de plusieurs vêtements, la clé de chez lui puis un appartement tous les deux. Enfin une maison ensemble et un mariage à venir. J’avais mis fin à tout ça et si aujourd’hui je n’étais pas prête à perdre mon indépendance dans la même façon, j’avais besoin d’une certaine stabilité, d’une sécurité qu’Elio ne pouvait pas m’offrir. Ce n’était pas de sa faute et peu à peu j’avais cessé de lui en vouloir pour ça mais je me rendais à l’évidence : nous n’étions pas faits pour être ensemble.
J’avais emmené Elio jusqu’à la salle de bain du haut en prenant soin d’éviter le reste des invités, consciente qu’il avait besoin de souffler un peu avant de retourner en société, à feindre que tout allait bien. Il s’était assis sur le rebord de la baignoire et j’étais allée récupérer dans l’armoire à pharmacie le nécessaire pour nettoyer les égratignures. Assise sur un tabouret face à lui, je m’appliquais, désinfectant doucement la plaie, retirant le sang et les petites impuretés qui étaient venues s’y loger à l’aide d’une compresse stérile imbibée d’antiseptique. « Merci… » disait-il, brisant le silence qui s’était établi entre nous dans la salle de bain. « Tu n’as pas à me remercier » répondis-je simplement. Ce n’était pas parce que je commençais à prendre conscience de ce que je refusais de voir depuis plusieurs mois que l’attachement que je portais à Elio s’était volatiliser. Malgré moi, malgré ce qui était bon pour moi, pour lui, pour nous, je continuais de m’inquiéter pour lui, de vouloir m’assurer que tout irait bien pour lui. Une part de moi ne pouvait s’empêcher de vouloir le protéger de moi, de nous, de lui-même et de tout ce que ça impliquait. Alors que je continuais de nettoyer la blessure, je sentais le regard d’Elio peser sur moi et nos regards se croisaient : « C’est… C’est fini n’est-ce pas ? » demandait-il, fébrile. Tout à coup j’avais l’impression que j’avais la bouche sèche, que ma gorge était nouée, qu’aucun son ne voulait en sortir. Je le savais au fond de moi. C’était fini avant même d’avoir commencé, ça ne menait à rien. Tout ceci n’avait été qu’une douce illusion, de la poudre aux yeux, un mensonge que nous avions tous les deux alimenté. Je le regardais, incapable de lui répondre par l’affirmative alors que tous les pores de ma peau savaient que c’était bel et bien la fin de notre idylle ratée. Pourtant mon cœur refusait encore d’admettre que jamais plus, je ne serais proche de lui comme nous l’avions été à Paris. Ces souvenirs aujourd’hui se teintaient d’amertume. Alors doucement, en continuant de le fixer j’avais fini par articuler « Je suppose oui » Le prononcer à voix haute, c’était étrange. Ca rendait la chose plus réelle, déjà je pensais que notre histoire n’appartenait plus qu’au passé. C’était fini oui, et il fallait que je digère cette information d’une vérité déplaisante. Au fond comment cela pouvait-il prendre fin alors qu’il n’y avait pas eu de réel commencement ?
« Qu’est ce qui va se passer maintenant ? » demandait-il. C’était la question à un million de dollar, celle qui restait en suspens. « Eh bien je suppose qu’on va tous les deux reprendre le cours de notre vie. Essayer de reprendre notre vie en main, s’accomplir de notre côté en attendant que les choses se tassent. Et puis la vie va reprendre son cours, on fera tous les deux d’autres rencontres qui nous permettront de passer à autre chose. Et quand l’eau aura coulé sous les ponts, peut-être qu’on pourra essayer de retrouver une relation stable et amicale » Ca avait l’air tellement simple dit comme ça, que ça semblait presque ridicule. Et pourtant… Nos vies à tous les deux étaient liées par tellement plus de choses que notre simple histoire inachevée, notre attirance réciproque et destructrice. Passer à autre chose ne serait pas une tâche aisée, mais il fallait rester confiant, croire en un avenir heureux et plein de possibilités, sinon à quoi bon ? C’est alors que je remarquais les larmes qui s’étaient formées dans le regard d’Elio et je détournais aussitôt le regard. Ces larmes m’étaient insupportables. Elles reflétaient le propre mal être qui m’habitait, cette même douleur que je ressentais à l’idée de le voir quitter ma vie. Ces larmes avaient le pouvoir de me faire changer d’avis, de me convaincre de le garder dans ma vie, d’essayer de trouver une énième solution, une énième alternative. Pourtant je savais au fond de moi que c’était sans issue. « Je suis tellement paumé Heidi… » disait-il alors que sa voix se brisait un peu. « On l’est tous les deux et c’est la raison pour laquelle on ne peut pas être ensemble. On déconne toi et moi. C’est comme s’il manquait une pièce et qu’à cause de ça, c’était toute notre vie qui partait en vrille. Et tu sais comme moi que cette pièce qui manque et qui permettrait à tout de retrouver sa place dans nos têtes et dans nos cœurs, c’est de quelqu’un qui nous aime comme il faut, de quelqu’un de stable, qui sait ce qu’il veut et où il va. On est des jouets défectueux et les jouets défectueux ne sont pas faits pour être ensemble. On se tire l’un l’autre vers le bas. Et je ne me le pardonnerai jamais » Je refusais toujours de le regarder. Pour ma part je ne pleurais pas. Il me semblait que j’avais tellement pleuré depuis mes retrouvailles avec Elio que je n’avais plus de larmes en stock aujourd’hui alors que c’était le moment le plus tragique et critique de notre relation en dents de scie.
« Je suis tellement désolé de t’avoir fait du mal… » s’excusait-il mais ces excuses ne valaient rien, plus maintenant, elles ne pourraient rien réparer c’était déjà trop tard. « On se fait du mal mutuellement » concluais-je sombrement. J’avais entrepris de ranger ce que j’avais sorti de l’armoire à pharmacie maintenant que j’avais désinfecté et mis un pansement sur la plaie d’Elio. J’avais l’impression d’étouffer dans cette pièce en compagnie de celui qui pendant plusieurs mois avait été une véritable bulle d’air. Pourquoi les choses avaient-il dû si mal tourner ? « Je fais n’importe quoi… » s’apitoyait-il. Et plus Elio craquait plus j’avais l’impression de suffoquer, que l’air me manquait. Je ne supportais pas de le voir comme ça, d’affronter la réalité qui venait de nous éclater à la figure. J’avais envie de lui crier dessus, de lui balancer que tous les remords du monde n’y changeraient rien, que c’était trop tard, qu’on avait tout fait foirer et qu’il ne servait plus à rien de pleurer maintenant mais les mots ne sortaient pas. Je restais muette, de marbre. Moi qui était d’habitude si impulsive et qui démarrait au quart de tour, un calme olympien s’était emparé de moi alors qu’au fond, je me sentais bouillonner. « Tu devrais y aller je te rejoins. » glissa Elio avant de s’effondrer en sanglots. Et sans me faire prier plus longtemps, je quittais la salle de bain. Je descendais en quatrième vitesse éprouvant tout à coup le besoin de mettre le plus de distance possible entre Elio et moi. Comme si cela pouvait encore suffire à me protéger de ce que je ressentais pour lui… J’avais besoin de me calmer, de décompresser un grand coup et seule. Il fallait que j’extériorise ce concentré d’émotions qui grandissait en moi et commençait à me faire peur. « Je vais promener Lago ! » lâchais-je du ton que je pouvais le plus naturel possible avant de m’engouffrer par la porte d’entrée pour respirer l’air extérieur, dans l’espoir de parvenir à respirer mieux. Comme s’il avait senti mon besoin de le trouver, mon chien était apparu alors que je quittais la propriété pour aller marcher dans le quartier en espérant vider ma tête pour de bon.
C’est impossible aujourd’hui, imaginer ma vie sans Heidi me procure une sensation de vide immense. C’est pourtant moi qu’il l’ait rejeté à son retour, refusé qu’elle ne retrouve sa place, sans doute parce que j’étais bien trop apeuré de ce qu’elle pourrait en faire, et pourtant le chemin nous a mené à ce moment même. Celui où tout semble se briser, où je la perds pour de bon alors que je m’étais promis de ne pas laisser ça arriver à nouveau. Je suis coupable, une fois, deux fois, plusieurs fois, j’ai fauté non sans connaitre les risques que cela représentait mais, si notre relation a passablement évoluée, nous avons aussi retrouvé une certaine complicité perdue. Elle a réussi à me rappeler pourquoi elle était mon amie, pourquoi j’avais été aussi attaché à elle à une époque et aussi déçu et blessé de sa fuite. Beaucoup de souvenirs me sont revenus, des sensations aussi, des anciennes, des nouvelles et aujourd’hui plus rien ? J’ai de la peine à imaginer un futur qui ressemblerait à ça et pourtant c’est tout ce qu’elle semble capable de nous offrir pour la suite. « Je suppose oui » C’est la douche froid, le vide qui s’installe en moi, la sensation que ma vie n’a plus exactement la même saveur et que je suis incapable de changer ça. Si il reste un mince espoir, rapidement il est détruit par les mots d’Heidi presque froids - presque trop simples à dire comme si l’évidence même était là. « Eh bien je suppose qu’on va tous les deux reprendre le cours de notre vie. Essayer de reprendre notre vie en main, s’accomplir de notre côté en attendant que les choses se tassent. Et puis la vie va reprendre son cours, on fera tous les deux d’autres rencontres qui nous permettront de passer à autre chose. Et quand l’eau aura coulé sous les ponts, peut-être qu’on pourra essayer de retrouver une relation stable et amicale » J’ai envie de lui hurler qu’elle a tord, que je ne pourrais pas supporter de la voir avec un autre, que je ne veux pas de ce vide entre nous mais les mots ne sortent pas, les larmes se forment dans mes yeux et je me sens faible et un peu stupide. Je n’ai pas envie d’être cet homme là et pourtant une fois de plus je me trouve faible, lâche, à chialer pour une situation que j’ai moi même provoqué et dont elle est la seule a avoir le courage d’y mettre fin. Je comprends dans ses mots que l’on ne devrait plus se voir mais la vie nous a déjà prouvé que ce n’est pas si facile de nous éviter et je n’ai aucun idée de la manière dont on peut géré les choses si on continue à se croiser. « Est-ce qu’on doit… plus se parler ? » C’est la question un peu enfantine, comme si Heidi était celle qui avait les réponses à tout. Comme si j’étais incapable de comprendre les choses par moi même. Elle me parle d’elle, de nous, de la façon dont nous sommes comme cassés tous les deux et dont nous ne seront capable que de nous faire que du mal et tout ce que j’entends c’est la fin dramatique d’une histoire qui n’a jamais commencé. « Et tu sais comme moi que cette pièce qui manque et qui permettrait à tout de retrouver sa place dans nos têtes et dans nos cœurs, c’est de quelqu’un qui nous aime comme il faut, de quelqu’un de stable, qui sait ce qu’il veut et où il va » Je ris un peu maladroitement entre deux larmes. « Et si je suis pas capable d’aimer ce genre de fille ? » J’ai déjà essayé et c’est plat… C’est un amour comme je n’en veux pas. C’est comme vivre en apnée toute sa vie, oublier le frisson, le plaisir… Je ne peux pas vivre comme ça même si je suis bien conscient que ma vie avec les jumeaux me force à ce style de relation, celle qui est sans âme mais qui évite les souffrances. « On se fait du mal mutuellement » Je ne suis pas sûr que ça soit vrai mais je suis en bien mauvaise position pour lui répondre, mon corps ne semble plus appartenir qu’à une sorte de tristesse apparente que je tente maladroitement de retenir jusqu’à ce qu’Heidi ne sorte de la pièce me laissant seul avec ce mal-être profond.
Il me faut plusieurs minutes pour me reprendre, pour tenter de retrouver un souffle correct. Je regarde mes mains qu’elle a soignées en me traitant mentalement d’imbécile passant un peu d’eau sur mon visage pour tenter d’effacer les rougeurs que les larmes ont laissées. Quand je redescends au salon tout le monde semble dans sa bulle. Je ne vois Heidi nul part, c’est peut-être mieux comme ça. Le regard de Kaecy toujours un peu froid se pose sur moi puis voyant mon visage elle devine de suite que quelques chose ne va pas - son expression change et elle vient à ma rencontre. « Elio ? Ca va ? » Je hoche un peu la tête en restant silencieux alors que le regard de ma meilleure amie se pose sur mes phalanges. « On en parlera à la maison d’accord ? » « D’accord » Je dépose un baiser sur sa tempe pour la remercier d’être venue et elle se glisse dans mes bras pour me serre contre elle, faisant naitre un certaine apaisement chez moi. Je sais que j’ai besoin d’elle plus que quiconque. « Vous avez déjà mangé le gâteau ? » J’ai l’impression que ça fait des heures que je me suis absenté et Johanna a du me haïr d’ailleurs. « Non on t’attendait, puis maintenant on attend Heidi, je crois qu’elle a été promenée Lago. » Je hoche la tête et dans le regarde de Kaecy je peux bien voir qu’elle a compris que c’est entre Heidi et moi qu’il y a eu une discussion houleuse, même si elle ne pose pas plus de questions. Après quelques minutes où je tente de me remettre dans l’ambiance Heidi revient enfin sous les exclamations de sa mère enchantée qu’on puisse enfin passer au gâteau. J’aide Johanna à aller le chercher et alors qu’elle le pose sur la table, la mère de mon ami début un petit discours et rapidement les larmes lui montent aux yeux, elle parle un peu de Matteo, de sa famille, de l’homme qu’il est et qu’il va pouvoir devenir, elle parle de nous aussi, de notre amitié de la façon dont elle voit tout et se tait parfois et je sens mon ventre se serrer parce qu’elle ne sait pas à quel point tout ça est sur le point d’exploser. Et je ne peux m’empêcher pendant tout ce temps d’observer Heidi, je ne décroche pas mon regard d’elle, presque obsessionnel. J’ai tellement envie de croire que tout ça n’a pas existé, revenir des années en arrière quand nous étions jeune et que l’on flirtait innocemment… Je crois qu’on était heureux dans cette relation là… Je crois que ça nous convenait.
No one ever gets tired of loving. They just get tired of waiting, apologizing, getting disappointed and being hurt. △
J’avais tout à coup la sensation d’étouffer. Quelque part pourtant, c’était autant mes choix que ceux d’Elio qui m’avaient mené jusqu’ici mais je me sentais tout à coup emprisonnée dans cette situation inextricable où nous nous étions tous les deux enfermés. A l’instant même j’éprouvais un mélange d’émotions tout à fait contradictoires : l’évidence même que cette relation représentait un échec cuisant me sautait aux yeux au même titre que cela me brisait le cœur. C’était exactement comme accepter une vérité que nous avions toujours connu mais que nous avions pourtant toujours refusé de prendre en considération. Et le jour de payer les conséquences de notre obstination masochiste était arrivé. Mais le fait de savoir à l’avance que tout ceci allait mener à cet instant de désolation, n’aidait en rien à ce que la pilule passe plus facilement, bien au contraire. Tout à coup, j’éprouvais le besoin d’en finir rapidement avec cette histoire, de pouvoir tirer un trait sur mes espoirs avec Elio, ces projections de nous deux que je m’étais faite malgré toutes les contre-indications. J’avais besoin de pouvoir faire rentrer Elio et tous mes sentiments à son égard dans une toute petite boîte que je serais capable d’enfouir profondément au fin fond de moi-même, le temps que mes idées se remettent en place et que mes sentiments pour lui perdent en intensité. « Est-ce qu’on doit… plus se parler ? » demandait-il et j’avais l’impression d’avoir à faire à un enfant. « On a déjà essayé et tu vois bien où ça nous a mené » soupirais-je, un peu agacée de le voir mettre autant de temps à affronter la réalité. Si notre expérience pouvait bien témoigner d’une chose s’était que nous n’étions pas capables de réellement mettre une véritable distance entre nous si nous ne prenions pas de réelles mesures. Plusieurs fois nous avions essayé de rester amis, de faire comme si de rien n’était, mais cela n’avait fait qu’empirer les choses. Il fallait au moins que pendant un temps nous prenions une réelle distance, parce que nous étions nocifs l’un pour l’autre. Il fallait qu’on se retrouve nous-même, qu’on fasse le point sur où nous en étions individuellement avant de pouvoir envisager d’essayer de réparer notre relation. J’essayais alors d’expliquer tout ceci à Elio, de lui exposer mon point de vue dans l’espoir qu’il l’adopte lui aussi et se rende à l’évidence. « Et si je suis pas capable d’aimer ce genre de fille ? » demandait-il et je soupirais un peu. « Il n’y pas de raisons » dis-je pour toute réponse, de moins en moins encline à lui faire la conversation comme s’il n’était encore qu’un enfant. Aussi, j’en profitais pour m’éclipser aussi vite que possible, pour aller dehors.
L’air frais me faisait du bien et me permettait de me calmer un peu, de respirer de nouveau tout en pouvant prendre un peu de recul sur la situation. Je venais de mettre un terme à une relation qui n’avait jamais commencé et bien que cela restait très dur à faire, je me rendais compte que j’avais fait le bon choix. Peut-être pas pour Elio, peut-être pas pour les bonnes raisons, mais davantage pour moi. A cet instant, je sentais que j’avais besoin de me retrouver seule, de fuir à nouveau d’une certaine façon. Dehors, en compagnie de mon chien, je pouvais pleinement me laisser aller à ma petite crise de nerfs. Je me laissais donc aller à pleurer, pas des larmes calmes et silencieuses comme c’était le cas lorsqu’on était réellement triste mais cela ressemblait plus à un pétage de plomb, des sanglots nerveux et non contrôlés. Puis peu à peu, j’avais repris contenance, je m’étais calmée, j’avais réussi à arrêter de pleurer et à reprendre mes esprits, me martelant en affirmant que j’avais pris la bonne décision, que même si c’était difficile actuellement, les choses seraient mieux ainsi. Après un dernier tour de quartier, le temps de souffler un peu, je me décidais à revenir chez ma mère. C’était pour Matteo que par réelle envie que je repointais le bout de mon nez à la fête organisée pour lui. Avant de passer la porte, j’en profitais pour souffler un dernier coup, prête à afficher un sourire et faire comme si tout allait bien. Rapidement, je me faufilais au milieu des invités. « Heidi ! » m’interpellait aussitôt ma mère avec un sourire bienveillant. « On va pouvoir attaquer le gâteau alors » disait-elle et j’hochais la tête avec un petit sourire. « Eh comment ! » Je m’approchais alors de Matteo pour le serrer brièvement dans mes bras. « J’espère que ça te plait et que tu t’amuses » lui glissais-je à l’oreille avant de venir en aide à ma mère qui avait entreprit de couper le gâteau et de distribuer un peu à tout le monde une part du dit gâteau, bien déterminée à ne pas croiser le regarde d'Elio et à ne pas penser à lui.
Si j'ai pu croire que les choses étaient plus simples pour Heidi cette pensée s'envole quand je la vois revenir. Ses joues rosées pourraient être la conséquence d'une température extérieure peu clémente mais je suis plus ou moins sûr que ce n'est pas ça. Qu'elle aussi a pleuré, peut-être plus pour elle que pour moi, pour ce que nous avions avant et que nous ne pourrions sans doute jamais retrouver. Je devrais accepter sa décision je le sais bien, prendre de la distance, arrêter de la regarder avec cette insistance presque malsaine. Je devrais peut être même prétendre que je ne me sens pas bien et quitter la soirée avant de faire une connerie. J'ai sans doute bu une ou deux bières de trop d'ailleurs, mais je sais bien que ce n'est pas l'ivresse qui me prend aux tripes.
J'ai l'impression que cette situation me rend malade, je mange ma part de gâteau avec l'impression qu'elle a un goût de misère. Je tente de faire bonne figure, d'aller voir Matteo de me faire ma place dans cette la soirée comme je l'aurais fait habituellement. Dans d'autres circonstances, j'aurais sans doute tenté de séduire la jolie blonde qui est apparemment une ancienne collègue de cours de Matteo mais que je n'ai bizarrement jamais vu avant. Pas aujourd'hui je l'ai à peine vue, je déambule à travers les gens sans trop savoir ce que je fais là. Le gâteau est fini et j'aide à débarrasser les assiettes Johanna semble heureuse et ça m'arrache un léger sourire alors que je vois Heidi se diriger vers la cuisine. Je ne devrais pas la suivre... Je sais que je ne devrais pas mais pourtant je le fais.
Quand je rentre dans la cuisine elle est seule son regard se relève vers moi et je n'ai pas de mot. Je la regarde un instant, fixement sans que mes lèvres ne bougent sans que mon corps ne fasse même un pas vers elle. Je ne peux dire combien de temps ça dur avant qu'elle ne reprenne ce qu'elle était entrain de faire et repasse de mon côté de la cuisinière sans doute plus en espérant sortir de la pièce plutôt que pour se rapprocher de moi. Je la stoppe pourtant avant qu'elle ne fasse un pas de plus mon bras barrant le chemin et venant à la rencontre de son corps. « S'il te plaît Heidi. » Je ne sais même pas pourquoi je la supplie. Pour qu'elle m'écoute ? Qu'elle me croit ? Qu'elle me regarde ? De toute façon je ne sais pas quoi lui dire donc c'est idiot... Après quelques secondes c'est alors mon corps qui parle pour moi ma main se glissant dans sa nuque. « Ca ne peut pas finir comme ça ! » Un peu plus brutal d'un coup et dans un geste presque désespéré mes lèvres viennent se poser sur les siennes mon corps plaquant le sien contre le mur. Je n’entends même pas que quelque vient de rentrer dans la pièce... Je ne sais pas encore à quel point ce geste désespéré risque de me coûter cher.
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J’avais l’impression d’être totalement scindée en deux. Alors qu’une part de moi était totalement convaincue que de mettre un terme à ma relation avec Elio était la seule issue possible, le seul moyen pour éviter que nous ne nous fassions plus de mal que nous nous en étions déjà fait, une autre partie de ma personne souffrait réellement de cette décision. Dire au revoir à Elio, n’était pas simple, parce que ça ne représentait pas simplement la fin d’un flirt sans importance mais cela représentait bien plus. Je refusais un peu de l’admettre à ce moment précis, mais Elio faisait intégralement partie de ma vie, que je le veuille ou non. Nos histoires étaient liées, entremêlées, nos existences se rejoignaient de bien des façons, se croisaient et se complétaient. Elio avait eu une influence certaine sur la personne que j’étais aujourd’hui, et devoir dire au revoir à tout ceci n’était pas une mince affaire. Il m’apparaissait pourtant clairement que nous venions d’atteindre le point de non-retour. Egoïstes, inconscients que nous étions, nous avions joué avec le feu et nous nous étions brûlés, pas une fois, pas deux mais beaucoup trop de fois. Pendant un moment nous nous étions tous les deux complus dans l’idée que nous pouvions toujours arranger les choses, ou à défaut faire marche arrière. Mais aujourd’hui, je ne me sentais plus de passer du temps en sa compagnie, de partager des choses avec lui, comme de simples amis.
Rien que le fait d’être en sa compagnie m’oppressait : j’avais littéralement besoin de prendre l’air et de m’éloigner d’Elio, au moins le temps que tout ceci se tasse. Chose qui n’était pas facile à faire lorsque comme lui et moi, nous avions autant d’amis et de connaissances en commun. Encore plus difficile lorsque nous avions choisi d’en arriver à ce point le jour d’une fête organisée en l’honneur de Matteo, où nos familles, amis et connaissances en commun étaient réunies, alors que tout le monde en dehors de Kaecy ignorait la nature exacte de notre relation. Après m’être éclipsée pour souffler un coup et reprendre mes esprits et le contrôle de ma personne, j’étais revenu m’intégrer au milieu de la fête. Evidemment, le cœur n’y était pas réellement, mais tout le monde semblait trop occupé par Matteo pour réellement s’intéresser à moi, en dehors de Kaecy qui me regardait avec un regard inquiet, chose qui m’aurait sûrement agacé au bout d’un moment si je n’avais pas été aussi perturbée par le regard insistant qu’Elio me lançait. Je sentais son regard sur moi, peu importe ce que je faisais et alors même que je m’appliquais à fuir le contact visuel avec lui. Sans avoir réellement suivi ce qu’il se passait autour de moi, je me mettais finalement à ranger les assiettes sales pour aller les déposer dans la cuisine, histoire d’aider au maximum ma mère. Je sautais d’autant plus sur l’occasion que cela me permettait d’occuper mon esprit et de fuir la pièce où se trouvait Elio et son regard insistant. C’était cependant peine perdue puisqu’il entrait dans la cuisine et je n’arrivais pas m’empêcher de le regarder avant de détourner rapidement le regard en me concentrant sur ma tâche. Mais de nouveau, j’avais l’impression d’étouffer en sa compagnie, clairement pas aidée par le fait qu’il semblait obstiné à me suivre et à me regarder. Je décidais alors de quitter la pièce, désireuse de ne surtout pas craquer et encore moins de me donner en spectacle devant ma mère et mon frère.
Alors que je passais devant lui pour quitter la pièce, je sentais sa main se refermer sur mon bras : « S'il te plaît Heidi. » Je soupirais, dégageant mon bras avant de relever mon visage vers lui en lui lançant un regard qui disait clairement : ce n’est pas le moment. Mais Elio ne m’écoutait pas et je sentais aussitôt sa main se glisser sur ma nuque. « Ca ne peut pas finir comme ça ! » s’exclamait-il et alors que j’entreprenais de me défaire de son étreinte de nouveau en lui disant que rien ne finissait puisque ça n’avait jamais vraiment commencé, l’emprise d’Elio sur moi se raffermit et il venait aussitôt m’embrasser, me plaquant contre le mur. Si d’habitude, ses baisers m’étaient à mal toutes mes résolutions, cette fois-ci, ce baiser d’Elio me persuada finalement que j’avais fait le bon choix. Je ne laissais pas réellement à Elio le temps de m’embrasser réellement, avant de me dégager de son étreinte vivement. « Arrête ! » Sur le coup, je ne réalisais pas trop ce qu’il venait de se passer. Je m’étais dégagée de son étreinte et je me tenais face à lui, le regard avec un regard de franche incompréhension sur le visage. Que se passait-il dans sa tête ? Fallait-il vraiment qu’il réalise seulement maintenant que nous avions tout fait de travers ? Comptait-il réellement se donner en spectacle de la sorte. Je me rendais compte alors qu’Elio m’avait embrassé face à Matteo. Voilà des semaines que j’espérais qu’il oserait avouer à mon frère l’attirance qu’il éprouvait pour moi et c’était finalement maintenant qu’il était trop tard qu’il se décidait à le faire et de la pire des façons ! « Mais qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez toi ? » lâchais-je, clairement déboussolée par son attitude. Et sans demander mon reste, je quittais la cuisine pour rejoindre l’étage, où je pourrais souffler un bon coup, loin de tous.
Heidi et ma mère sont bizarre. Aujourd'hui plus que d'habitude. Même si ça fait presque une semaine que ça dur. Elles sont distantes, secrètes, aucunes n'est encline à passer du temps avec moi. Je dois avouer que ça me stresse un peu. Je commence sérieusement à me remettre en question, à tel point que je me demande si j'ai fait quelque chose de mal. La veille, j'étais sur mon lit et l'idée que ma mère et Heidi préféraient que je ne sois pas revenu à Brisbane m'a frappé d'un coup. Et m'a tenue réveillé toute la nuit. Se pourrait-il réellement qu'elles ne veuillent pas de moi ? J'ai voulu en parler avec Elio, mais même lui me trouvait toutes sortes d'excuses pour justement ne pas me parler. J'ai trouvé ça tout aussi bizarre. Presque du jour au lendemain j'avais l'impression de ne plus être le bienvenue ici, en ville. C'est pour ça que, lorsque ma mère m'a invité à dîner ce soir, j'ai failli ne pas venir. Limite j'avais envie de dire non pour lui faire comprendre ce que ça fait que de se sentir rejeté. Mais lorsque Heidi s'y est mise, qu'elle m'a expliqué qu'elle aussi sera présente ce soir, j'ai confirmé ma venu. Je ne peux rien lui refuser à cette sœur de malheur, et elle le sait !
Il doit être 18h lorsque j'arrive à la maison familiale. D'un pas nonchalant je m'approche de la porte d'entrée et sonne. Une fois. Deux fois. Trois fois. Je pousse plusieurs soupires, maudis ma famille et suis sur le point de me détourner pour aller me morfondre seul dans mon appartement, lorsque je remarque que la porte est légèrement entre ouverte. J'hésite un peu, puis la pousse doucement du doigt et observe comment elle s'ouvre sur le couloir. Noir. Silencieux. Pourtant, derrière la porte qui mène vers le salon, je perçois du mouvement. Un peu trop de mouvement pour ce qui doit être un dîner tranquille et sans prétention comme l'avais dit maman.
Fronçant les sourcils, je m'avance sur le pointe des pieds, ne faisant aucun mouvement brusque. Les sens d'ex soldat sont à nouveau en alerte, tant je me sens comme lorsque je m'introduis dans une maison abandonné à la recherche de l'ennemi. Sauf que je suis seul et je ne suis pas armé. Et normalement il n'y a pas d'ennemis. Je souffle doucement, me calme et enlève cette idée saugrenue de ma tête avant de pousser la clenche de la porte donnant sur le salon et l'ouvrir. Et là, l'explosion.
Un 'surprise' hurlé en synchronisation me casse les tympans, me fait brillamment sursauté et me clou sur place. Lorsque les gens sortent de leur cachette, soufflent dans leur trompettes et m'envoient des serpentins à la figure, je reste stoïque. Ce n'est que lorsque ma sœur déboule de nulle part pour me sauter littéralement dessus que je suis obligé de réagir. Ne serait-ce que pour pouvoir assurer mon équilibre. Un large sourire fini par prendre place sur mes lèvres alors que je la sers quelques instants contre moi avant de la reposer au sol.
Et c'est ainsi, après une étreinte offerte à chaque personne présente, que commence une fête organisée en secret, derrière mon dos par ma mère, Heidi et Elio surtout, mais aussi Kaecy et Soren. Toutes mes craintes et toute ma rage ont disparus en l'espace d'une seconde. Et je suis bien plus serein et détendu lorsque je me prends au jeu. Je parle un peu avec tout le monde, remercie chaque personne individuellement, réponds aux différentes questions du mieux que je peux. Ma mère fait un discours et je la retrouve dans mes bras, aux bords des larmes et toute tremblante d'émotion. C'est pour ça, pour ne pas risquer quoique ce soit, que je décide de couper le gâteau préparé exprès pour moi. Poire chocolat. Mon préféré. Malgré tout, ils me connaissent bien ici !
Alors que j'ai fini mon deuxième bout et que j'hésite à m'en prendre un troisième, je repense brusquement à ce que je voulais dire à Heidi. Quelque chose de très important. Je me renseigne rapidement au près de Kaecy où je peux trouver ma sœur. Elle m'indique la cuisine et je m'y dirige sans hésiter. Ma mère m’aperçoit et décide de me suivre, elle-même devant faire je ne sais quoi dans cette pièce.
«Hey Heidi, tu sais quoi ? J'ai repensé à ce que tu m'as dit la dernière fois. Par rapport au … » je n'en dis pas plus, je reste figé sur place, n'en croyant pas mon regard. Ais-je vraiment vu Elio, celui qui se disait meilleur ami, entrain d'embrasser ma sœur ? Elio, cet homme dont la réputation auprès des femmes est bien connue, vient d'embrasser ma sœur. Et elle vient de le repousser. Alors que ma mère est sous le choque et qu'elle ne sait pas comme réagir, moi, je sens mes poings se serrer. Je m'avance vers les deux, vois Heidi s'échapper de la cuisine. Et lorsque Elio fait un pas en avant dans le but sûrement de la rattraper, je pose ma main sur son torse et le repousse violemment vers le mur. «C'EST QUOI CETTE MERDE?! » hurlais-je «Tu m'expliques ce que tu fous avec MA SOEUR ? » je le pousse à nouveau, me place bien en face de lui « Tu la touches pas comme ça, compris mon vieux ?» c'est pourtant la règle numéro un de l'amitié, la règle de base : on ne touche pas à la sœur du meilleur ami. Un point c'est tout.