En ce soir d’Halloween, James déambulait dans les allées du centre commercial de Brisbane alors que, dehors, la nuit tombait. Il avait passé sa journée entière à l’extérieur de chez lui à cause de son travail. Mais il n’avait pas à se plaindre, car il s’agissait pour lui de se rendre à des séances dédicaces de son roman. Celui-ci était sorti au début du mois d’août et connaissait un certain succès, autant auprès de la presse spécialisée que des lecteurs, bien que ce ne soit pas le best-seller de l’année. Mais il ne cessait de se vendre au fur et à mesure des semaines – les vacances à la fin du mois de septembre y avaient contribué – et l’écrivain était de plus en plus demandé pour participer à ce genre de séances. La dernière de la journée se déroulait dans une des boutiques du centre commercial, ce qui lui allait parfaitement. En effet, ce dernier se trouvant à Pine Rivers, il n’était qu’à quelques minutes de son appartement où Gabriella l’y attendait. Car c’était Halloween et qu’ils avaient prévu de passer la soirée ensemble. Une soirée sobre et simple, rien que tous les deux. A des années lumières du précédent Halloween qu’ils avaient passé dans un manoir, à se bécoter dans une chambre comme des adolescents avant de retrouver des personnes enfermées dans une des armoires. M’enfin, passons.

Une fois le dernier livre dédicacé, le français avait essayé de téléphoner à sa moitié avant de se rendre compte que son portable n’avait plus de batterie et qu’il s’était éteint. Ce n’était pas bien grave, il allait bientôt rentrer de toute façon, il se faisait déjà assez tard. Mais avant, il voulait faire un dernier détour. Il avait remarqué que son travail lui avait pris beaucoup de temps ces derniers mois, le forçant à délaisser l’anglaise à contrecœur. C’est pourquoi il avait décidé de lui acheter un petit cadeau ce soir, afin de rattraper le coup et de se montrer attentionné. Heureusement pour lui, la plupart des boutiques étaient encore ouvertes à cette heure-ci. Les vendeurs voulaient profiter de la folie d’Halloween, couplée à celle résultant d’un avis de tempête très récent. C’était plutôt hallucinant cette manie qu’avaient les gens de psychoter sur tout et n’importe quoi. James regardait autour de lui alors qu’il avançait dans les allées du centre, et il ne comptait plus les cadis remplis à ras bord de nourriture et babioles en tout genre. Les affaires marchaient bien en tout cas. Il s’arrêta quelques instants dans un café, afin d’en prendre un à emporter. C’est qu’il était légèrement accro à cette boisson, et qu’il en avait bien besoin après la dernière séance qu’il avait eu. Il aurait bien pris une clope aussi, mais pour ça il devait attendre de se retrouver dehors. Tiens, parlons-en de dehors… A l’intérieur du centre, protégé par ces murs épais et le toit au dessus de sa tête, le français n’avait absolument pas conscience de la situation actuelle. Ni lui ni les personnes autour de lui d’ailleurs.

La tempête avait déjà pointée le bout de son nez, le vent et la pluie faisaient rage. Bientôt rejoints par des éclairs d’une intensité folle. Et la situation bascula à l’intérieur du centre commercial en quelques minutes seulement. Tout d’abord, ce fut l’alarme incendie qui se déclencha. James releva la tête et observa autour de lui sans être plus stressé que ça. Après tout, il n’y avait aucune flamme ni fumée apparente. Cependant tout le monde n’était pas de son avis et certains pressèrent le pas pour sortir au plus vite de cet endroit, croyants dur comme fer qu’il se passait quelque chose d’étrange. Et ils avaient raison. A quelques mètres de lui, un morceau de plafond se brisa et s’écrasa en plein milieu de l’allée. Le vacarme fut impressionnant et le mannequin sentit un frisson lui parcourir le dos. Il se passait peut-être quelque chose, en effet. Tous ses sens étaient en alertes et son instinct lui disait de prendre ses jambes à son cou, mais quelque chose le retenait. Juste avant que les débris ne tombent, il avait cru reconnaître @Eireen Murrough en dessous. Eireen habitait dans son quartier, et était sortie avec son meilleur ami : Kaleb. Des dernières informations qu’il tenait, ils n’étaient plus ensemble mais la brune était enceinte de son ami. Alors James ne pouvait pas partir sans s’assurer qu’elle allait bien, il ne pourrait plus regarder le pilote dans les yeux sinon. Il fut tiré de ses pensées par l’arrosage d’urgence qui venait de se déclencher, informant tout le monde que l’alarme incendie n’était pas un exercice et qu’il devait bien y avoir un feu quelque part. Le brun n’attendit pas plus longtemps et avança en direction du morceau de plafond et d’Eireen. L’exercice n’était pas aisé car il allait à contresens de la foule qui s’affolait et le bousculait dans tous les sens - sans parler du sol affreusement glissant. C’est ainsi qu’il perdit l’équilibre et tomba en arrière, se cognant le derrière du crâne contre quelque chose d’extrêmement dur qu’il n’identifia pas sur le coup. Le choc fut violent et l’obligea à rester au sol, le regard troublé. Pour éviter de rester au milieu de la foule et d’être piétiné, il trouva la force de ramper sur le côté, jusqu’à rencontrer un mur où il put s’asseoir contre. Il n’était qu’à quelques pas de @Bob Thomas, coincé sous des débris, et d’@Eireen Murrough. Mais son état ne lui permettait pas encore de se diriger vers eux, il n’avait pas totalement récupéré sa vision et sa tête le faisait atrocement souffrir, le coup l’avait complètement sonné.

James était complètement dans les vapes, c’est le moins qu’on puisse dire. Sa vision était toujours floue, l’arrière de sa tête le faisait souffrir et un horrible bourdonnement se faisait entendre dans ses oreilles. C’était la totale, le coup qu’il avait reçu l’avait complètement désorienté. Heureusement qu’il avait réussi à s’extirper du milieu de l’allée pour trouver refuge contre un mur un peu plus loin, sinon il n’aurait pas donné cher de sa peau. Il préféra fermer les yeux pendant plusieurs minutes, pour essayer de reprendre ses esprits. Pendant ce temps, il en profita pour observer ce qui se passait autour de lui en tendant l’oreille – malgré le bourdonnement qui ne lui fichait pas la paix. Il entendait des gens crier, c’était la panique. Tout le monde courait dans tous les sens, certains criaient que c’était la tempête qui avait provoqué toute cette cacophonie. Apparemment il y avait un feu aussi, mais cela il s’en doutait puisque l’alarme incendie résonnait en même temps que l’arrosage s’était déclenché. Et lui était obligé de rester immobile dans son coin, il était dans de beaux draps. Il s’inquiétait aussi pour Eireen, sur qui le toit allait s’effondrer. Il espérait qu’elle n’avait rien… « James ! » La voix – lointaine – l’extirpa de ses pensées. « Eireen ?! » demanda-t-il immédiatement. Il n’était pas sûr qu’il s’agissait d’elle mais il lui avait semblé reconnaître sa voix. Ouvrant les yeux, il tenta de regarder la personne qui s’était assise devant lui. Bien que rien ne soit très net devant lui, il pouvait clairement reconnaître la silhouette de la jeune femme. « T'es blessé ? T'as mal quelque part ? » Oui, c’était bien @Eireen Murrough. « Il y a eu un mouvement de foule, j’ai été bousculé et j’ai glissé. En tombant, je me suis cogné la tête et je… » Tout en parlant, il avait porté sa main à l’arrière de son crâne – là où la douleur était la plus vivace – et il avait senti un liquide chaud au bout de ses doigts. « Eh merde… » se plaignit-il en observant ses doigts pleins de sang. Il s’était bien cogné la tête, c’était sa veine dit donc. Toutefois il retrouvait peu à peu la vue, ce qui était bon signe puisque cela signifiait qu’il ne perdait pas de sang en trop grande quantité. « Et toi, tout va bien ?! J’ai cru te reconnaître de loin, et j’ai vu le plafond s’effondrer là où tu étais. J’ai essayé de m’approcher mais c’est là que je suis tombé… Tu n’as rien ? » demanda-t-il précipitamment, l’inquiétude clairement perceptible au ton de sa voix. Il la dévisagea en même temps pour s’enquérir de son état mais elle n’avait pas de blessure visible, ce qui signifiait qu’elle n’avait pas été écrasée. Mais comment avait-elle fait pour éviter le morceau du plafond ? Ne voulant pas rester inerte, le français essaya de se relever mais l’exercice fut plus pénible qu’il ne le pensait. Toutefois, il réussit quand même à se dresser sur ses deux jambes après un certain effort. Toujours sonné, il préféra tout de même garder une main contre le mur pour rester debout et ne pas perdre son équilibre. « On ne doit pas rester là, il faut partir ! » Il ne savait pas encore que c’était @Bob Thomas qui avait sauvé Eireen, et qu’il était maintenant coincé sous les décombres à sa place.

« Fait voir. » Il se pencha légèrement en avant pour que la brune puisse regarder a plaie qu’il avait à l’arrière du crâne. @Eireen Murrough était saine et sauve. Entendre sa voix et voir son visage – intact – près de lui avaient suffit à soulager James d’un grand poids. Il s’était déjà imaginé le pire, qu’il ne reverrait jamais la jeune femme, qu’il n’irait jamais plus chez elle essayer de lui réparer un truc – même si cela n’était jamais bien fructueux. Mais surtout, il s’était imaginé annoncer la terrible nouvelle à Kaleb, son meilleur ami. Sans qu’il ne connaisse réellement les détails de leur histoire, le français savait pertinemment que la jeune avocate avait réussi à s’approcher du pilote comme aucune femme n’était parvenue à le faire jusqu’alors. Kaleb n’était pas du genre à s’étendre des heures et des heures sur ses sentiments, mais le mannequin l’avait bien remarqué – il le connaissait après tant d’années à ses côtés. En parlant de l’australien, où était-il à cet instant ? James espérait qu’il était en sécurité, loin d’ici. A l’étranger, se préparant pour une course par exemple. S’inquiéter pour son meilleur ami fut une des pires choses qui pouvait arriver au français, puisqu’il se mit à penser à tous les proches qu’il avait en ville : Jamie, Joanne, Madison, Hannah, Kaecy, Heidi, Andy, et il en oubliait très certainement… comment allaient-ils ? Comment se déroulait cette soirée pour eux ? Étaient-ils à l’abri ? Et Gabriella, il ne pouvait pas affirmer que la jeune femme n’était pas sortie faire quelque chose en attendant qu’il ne la rejoigne à l’appartement… Rien que l’idée qu’elle puisse être en danger suffit à tordre l’estomac de l’écrivain. Non, il ne devait pas penser à ça, il ne devait pas s’inquiéter. Cela ne servirait à rien si ce n’est à le rendre inefficace et à le mettre lui-même en danger. Il devait d’abord sortir d’ici, prendre soin de lui et des personnes qui étaient coincés dans le centre commercial. C’était ça la priorité à cet instant, alors il chassa le reste en ferma fort les yeux quelques secondes. « J'suis pas médecin mais j'ai l'impression que c'est pas trop profond. » Il enregistra l’information d’un signe de la tête. C’était déjà ça, il n’allait pas se vider de son sang sans rien pouvoir faire. « Merci. » dit-il en attrapant le mouchoir que Eireen lui tendait, puis en appuyant contre sa blessure avec tout en lui demandant de ses nouvelles. « On t’a poussée ? » répéta-t-il avec incompréhension. Mais, cela voulait-il dire que… ? « J'peux pas. Mon ami Bob ... le gars qui m'a poussé. Il est coincé à ma place. Et il faut que j'le sorte de là. Tu crois que tu pourrais m'aider ? » Eireen venait de confirmer ses craints. Si elle était sauve, c’était parce que quelqu’un d’autre s’était sacrifié à sa place. Voilà qui changeait la donne, James ne pouvait pas abandonner quelqu’un qui venait de sauver la vie de son amie. Non, ce n’était pas son genre. « Bien sûr ! » Mais la jeune femme ne l’avait pas attendu. Elle venait de s’emparer d’une barre au sol et s’était précipitée vers les débris. Le brun mit quelques secondes avant de pouvoir la suivre, attendant que sa tête cesse de tourner. Sa vue était rétablie, c’était un bon point. Il se sentait juste incroyablement faible, et sa tête le faisait souffrir. Mais c’était normal avec le coup qu’il avait pris. Il arrive très rapidement où se trouvait @Bob Thomas, que Eireen avait rejoint. Il analysa la situation d’un rapide coup d’œil : en effet il était bloqué et ne pouvait pas se défaire seul. « Bob c’est ça ? » demanda-t-il au jeune homme une fois près de lui. Eireen avait prononcé son prénom il y a quelques secondes. « Moi c’est James. » Peut-être que Bob l’avait déjà vu dans une pub, sur une affiche publicitaire dans la rue, ou dans une des nombreuses interviews que James avait données pour la sortie de son livre, mais rien ne permettait de l’affirmer alors il avait préféré donner son prénom, puisqu’il connaissait le sien. Se présenter était peut-être une perte de temps, mais James pensait que c’était plutôt important. Cela permettait d’instaurer une sorte de « normalité » dans cette situation qui ne l’était pas du tout. D'ailleurs en le regardant de plus près, il avait vaguement l'impression que ce Bob lui disait quelque chose. L'urgence de la situation l'empêcha de fouiller dans sa mémoire, mais il garda cette impression dans un coin de sa tête. « On va te sortir de là. Ça va aller ? Tu… sens tous tes membres ? » demanda-t-il un peu maladroitement, pour savoir comment les choses s’annonçaient sous le morceau de plafond effondré. « Eireen, mets-toi ici avec la barre. » Il pointa du doigt en endroit à quelques pas de lui où elle pourrait faire levier. Elle avait bien fait de la ramasser au sol. De son côté, le français allait devoir se contenter d’attraper un coin du plafond de ses mains pour le soulever, à deux cela devrait suffire pour que Bob puisse ramper en dehors des débris… s’il pouvait ramper. « T’es prête ? A trois. » annonça-t-il tout en se positionnant. « Un… deux… trois ! » Et il souleva de toutes ses forces en même temps que la brune fit levier avec sa barre. C’est que c’était lourd tout ce béton à porter ! Le morceau de plafond fut soulevé du sol et relâcha la pression qu’il exerçait sur la jambe de Bob. Maintenant, c’était à lui de se dégager de là. S’il avait besoin d’aide, James pourrait sûrement tenir quelques secondes seul pour que Eireen lui prête main forte… mais il fallait se dépêcher.