It's not a question of who is wrong and what is right, but time can not heal what you will never recognize. 'Cause all of this is all that I can take, and you could never understand the demons that I face. So go ahead and bat your eyes and lie right to the world, for with everything you are, you're just a little girl. ☆☆☆
Tommy avait été pris d'une angoisse palpable lorsque sieur McTavish lui avait demandé de passer au pub, à tel point qu'il n'en avait presque pas dormi de la nuit, songeant déjà à l'éventualité de devoir annoncer aux autres Warren un nouvel échec, une nouvelle période de chômage. Ses parents sauteraient sur l'occasion pour proposer de garder Moïra avec eux, Margaret s'empresserait sans doute de jaser à ce sujet avec Marius au téléphone, quant à Beth elle lui offrirait ce regard mi-compatissant mi-accusateur dont elle seule avait le secret, et Tommy lui aurait simplement l'impression que le même scénario se répétait encore et encore, le soutien presque indéfectible de Scarlett - seule Warren à prendre parti pour lui - ne suffisant plus à contrebalancer l'accumulation d'échecs dont il se rendait coupable. Il se demandait si Callum arguerait avec honnêteté sur l'impossibilité de garder un employé que la tempête avait - momentanément - diminué physiquement, ou bien s'il n'utiliserait cette excuse que parce qu'elle lui permettait de le virer lui, l'ancien repris de justice, sans avoir à le dire clairement. Peut-être même était-ce par peur que Tommy fasse une esclandre que le patron de bar avait décidé de le convoquer tard, après le rush de neuf à dix heures, et durant toute la journée il n'y avait bien que pendant son heure de kiné - son heure de torture physique, plutôt - qu'il n'avait pas été obnubilé par son avenir professionnel.
Il avait hésité puis décidé de laisser sa béquille chez lui, comme pour ne pas donner une raison supplémentaire à Callum de le voir comme un estropié ... et puis finalement il s'était rappelé que c'était son séjour hospitalier et la convalescence qui s'en suivait qui lui accordaient son statut d'estropié, qui lui-même justifiait le fait de ne pas pouvoir reprendre son poste, alors il l'avait emmenée. A mi-chemin il avait compris qu'il avaut bien fait, tant il avait atteint le McTavish avec l'impression d'avoir couru un semi-marathon, et pris une bonne dizaine de minutes à l'extérieur pour reposer sa carcasse avant de pousser la porte de l'établissement, l'estomac noué et les mains qui tremblaient légèrement. Il n'y tenait pas particulièrement à ce boulot, serveur ce n'était pas le rêve de sa vie, mais c'était un boulot malgré tout et parce qu'il en avait été longtemps client à la fois avant et après sa période canadienne, il avait malgré tout une petite pointe d'attachement pour le McTavish. Adressant un petit sourire ou un vague bonjour à certains habitués dont les visages étaient devenus familiers, Tommy avait retrouvé Chelsea derrière le bar avec plaisir, et échanger quelques mots avec elle avant que la tignasse rousse de Callum, apparaissant au bout du bar, lui rappelle pourquoi il était là et ce qui l'attendait, ou ne l'attendait pas. Le patron était souriant, sans que le brun ne parvienne à savoir si c'était bon signe ou non, mais docilement il avait suivi et tous les deux étaient montés à l'étage pour s'enfermer dans le bureau, dont la paperasse éparpillé donnait l'impression d'un ilot administratif.
Il n'avait pas vérifié l'heure avant de rentrer, et donc aucune idée de combien de temps avait duré sa discussion avec Callum, mais une chose était certaine lorsqu'il était redescendu le bar comptait moins de clients qu'à son arrivée, et par conséquent un petit peu moins de bruit également. Parce que suffisamment perspicace pour avoir deviné de quoi il était question dans le bureau du grand manitou, Chelsea avait interrogé Tommy du regard malgré les deux clients qui semblaient l'accaparer, et ce dernier lui avait répondu par un bref clin d'oeil et un pouce en l'air. Un autre soir il aurait certainement joué au client et pris un verre, mais ce soir-là il n'avait pas le courage et après un bref signe à la barmaid pour lui dire qu'il l'appelerait - probablement le lendemain - Tommy avait rejoint l'extérieur, et directement allumé une cigarette en dépit de la dizaine d'autres fumées depuis qu'il était levé. Dire qu'il avait - encore une fois - tenté d'arrêter la semaine précédente ... Mais il n'avait que ça à faire en ce moment, c'était tentation trop grande. Écrasant son mégot contre le lampadaire le plus proche avant de le laisser tomber dans le caniveau, il avait fait le guet sur le bord du trottoir en attendant le passage d'un taxi, et s'apprêtait à lever le bras pour héler celui qui arrivait ... avant d'être pris de court par une voix familière, et lui arrachant un sourire sarcastique. Se tournant à moitié, la silhouette de Camber sortant à peine du McTavish - d'où sa présence avait de toute évidence échappé au brun - s'était avancée, elle aussi armée d'une béquille, avant qu'elle ne remarque à son tour sa présence « Soyez gentille, j'étais là avant ... » À moins que non ? Il était presque certain que si. « Et je n'ai pas votre habitude d'être estropié, ça vaut bien la peine de me faire une fleur. » À défaut d'un ton boudeur que Tommy ne s'abaisserait pas à adopter avec elle, même pour rire, il lui avait offert un ton gentiment sarcastique avant d'ajouter l'air de rien « À moins que laisser un handicapé sur le bord de la route ne vous pose aucun souci de conscience ... » Est-ce que cela lui poserait un souci de conscience à lui ? Il n'était pas encore décidé à ce sujet, tout dépendrait de la réponse de Camber et de sa dose de mauvaise foi à lui, disons. Encore que Tommy ne boitait pas, lui, la béquille n'étant là que pour l'aider à soutenir le poids de son corps affaibli par la douleur latente de son flanc droit.
Dernière édition par Tommy Warren le Ven 3 Fév 2017 - 18:25, édité 1 fois
“It's not a question of who is wrong and what is right, but time can not heal what you will never recognize. 'Cause all of this is all that I can take, and you could never understand the demons that I face. So go ahead and bat your eyes and lie right to the world, for with everything you are, you're just a little girl.”
L’eau qui coulait d’un verre glacé pouvait être particulièrement passionnante lorsque l’on s’ennuyait, lorsque la vie n’avait rien de plus intéressant à nous apporter. La bouche entre-ouverte, laissant apparaitre le bout de sa langue de façon peu élégante, Camber semblait dessiner quelque chose, étalant les gouttes d’eau sur la table collante du pub McTavish. Compte tenu de la propreté du bois, il était évident que les précédents occupants s’étaient bien amusés. Grimaçant lorsqu’elle passa son doigt sur un endroit couvert d’alcool séché, elle s’arrêta dans ce jeu qui de toute façon ne l’amusait pas plus que cela. En réalité, elle avait espéré trouver une toute autre façon de se divertir en venant ici ce soir, mais les choses ne s’étaient pas déroulées comme elle l’avait souhaité. Alors qu’elle s’était attendue à enchainer des répliques pleines de sarcasmes avec Tommy, elle avait été déçue de constater son absence. Il lui en fallait néanmoins beaucoup plus pour la pousser à rentrer chez elle, et c’était ainsi qu’elle s’était retrouvée à passer le temps seule, comme une âme perdue. Elle n’avait plus aucune idée du temps qu’elle avait passé assise à cette table, ou bien même du nombre de verres de vin qu’elle avait bu. A l’inverse, elle avait était témoin de la baisse de clients dans le pub, signe qu’elle se trouvait ici depuis sûrement beaucoup trop longtemps. Avec le temps, la solitude paraissait moins pesante, moins humiliante. La notaire avait finit par prendre l’habitude de ne plus recevoir d’appels, de ne plus côtoyer grand monde en dehors de ses collègues qui la détestait tant. Le décès récent de son oncle avait rendu son cousin Saul moins disponible, ce qu’elle ne pouvait lui reprocher. Mais sans sa famille, il n’y avait plus personne sur qui compter. Plus personne à qui parler. Même ce serveur aigri n’était plus là pour se moquer d’elle. Alors elle faisait sans. Il arrivait parfois que le regard insistant des gens la fasse sentir mal à l'aise, mais c’était toujours bien mieux que de devoir supporter des personnes qu’elle n’appréciait pas. C’était toujours mieux que de partager un verre avec un homme désespéré prêt à tout pour la ramener chez elle. Certains avaient essayé ce soir, espérant certainement profiter de son égarement, mais tous avaient bien vite rebroussé chemin face aux insultes fleuries de Camber.
Prête à boire une nouvelle gorgée de sa boisson dont elle n’arrivait presque plus à sentir le goût, la notaire constata avec étonnement que son verre était vide. Confuse car persuadée de ne pas l’avoir terminé, Camber finit par déduire qu’il était sûrement temps pour elle de rentrer. Tandis qu’elle se leva, prenant appui sur la table afin de ne pas déposer trop rapidement sa cheville blessée au sol, la jeune femme sentit sa tête tourner et sa vision devenir floue. Il était en effet l’heure d’arrêter. Quand elle fut certaine d’avoir retrouvé son équilibre, elle attrapa sa béquille et s’éloigna de sa table, ignorant un des hommes qui l’avait accosté un peu plus tôt qui ne cessait de la reluquer d’un air pervers. Marcher avec une béquille n’était déjà pas une chose facile, alors marcher avec une béquille en étant alcoolisé l’était encore moins. Se retrouver à l’extérieur lui fit un bien fou, l’air frais inondant ses poumons de bien être. Les paupières closes, elle profita un instant de la fraicheur de la soirée. Son état paisible ne fut cependant pas bien long, puisque rapidement, elle réalisa que rentrer à pieds n’était pas raisonnable. Les yeux de nouveau ouverts, elle s’avança vers le trottoir, repérant un taxi. La main en l’air pour lui signifier son désir de rentrer, le regard de Camber fut alors attiré par une silhouette également présente sur le bord de la route. « Soyez gentille, j'étais là avant ... » Un sourire amusé apparut soudain sur son visage, tandis qu’elle reconnut l’homme barbu. « Et je n'ai pas votre habitude d'être estropié, ça vaut bien la peine de me faire une fleur. » Sans pouvoir contrôler un rire un brin alcoolisé, la notaire s’approcha de lui. « Comme si vous méritiez que je vous fasse une fleur » lui souffla-t-elle dans une haleine d’alcool. « À moins que laisser un handicapé sur le bord de la route ne vous pose aucun souci de conscience ... » Avec l’obscurité de la nuit, Camber n’avait pas encore réalisé que son interlocuteur était lui aussi blessé, se tenant sur une béquille. « Si je ne vous laisse pas vous sur le bord la route, c’est moi que je laisserai, et je suis pas sûre que ce soit une meilleure idée » Arrêté le long du trottoir, le chauffeur de taxi montra un air impatient. Lui n’avait probablement aucune préférence quant à la personne qui allait monter dans sa voiture, tant qu’on lui payait la course. « On a qu’à partager le trajet, qu’est ce que vous en pensez ? » Conscient que leur problème n’allait pas se résoudre tout de suite, la notaire aperçut le chauffeur marmonner dans sa barbe puis enclencher son moteur. Avant qu’elle n’ait le temps de comprendre ce qu’il s’apprêtait à faire, il démarra et reprit sa route, s’arrêtant quelques mètres plus loin où une autre personne attendait, plus déterminée qu’eux. « Et bah voilà, à cause de vous on n’a plus de taxi ! » s’exclama-t-elle à l’intention de Tommy avant de s’adosser au lampadaire qui les séparait. Tenir debout avec sa béquille et tout ce vin n’avait rien d’évident. « Et puis d’abord, qu’est ce que vous faites là ? Je ne vous ai pas vu travailler ce soir » finit-elle par lui demander, sans aucune gêne.
Si Tommy se sentait outrageusement fatigué comparé au peu d'énergie qu'aurait normalement du lui demander le trajet entre chez lui et le McTavish, il ne pouvait pas nier se sentir en revanche beaucoup plus léger et détendu qu'à son arrivée. Et pour cause, le fait de ne pas être à nouveau chômeur valait bien qu'il se réjouisse un peu, après tout les choses n'étaient jamais gagnées d'avance avec lui, à ce sujet. Ayant malgré tout eu sa dose de rebondissements pour la soirée, le brun ne s'était pas attardé au bar et avait simplement pris le temps de saluer de loin deux ou trois collègues et avait fui vers l'extérieur, son air frais, et le paquet de cigarettes rangé dans sa poche intérieure. La nicotine puis un taxi, dans cet ordre, mais alors qu'il parvenait au bout de la première moitié de son programme et que la seconde se profilait plutôt bien, une voix loin de lui être inconnue l'avait pris de vitesse en hélant le taxi qu'il convoitait. Vraiment, avait-il besoin de ça ce soir ? Elle n'était même pas arrivée la première, et Tommy avait décidé qu'il n'y avait pas de galanterie qui tienne. « Comme si vous méritiez que je vous fasse une fleur. » avait-elle pourtant rétorqué avec une légèreté imbibée, face à sa comédie, peu impressionnée par ses arguments dont Tommy lui-même aurait pu admettre qu'ils étaient bancales ... s'il n'était pas d'aussi mauvaise foi. « Si je ne vous laisse pas vous sur le bord la route, c’est moi que je laisserai, et je suis pas sûre que ce soit une meilleure idée. » avait-elle alors argumenté, tandis que derrière son volant le chauffeur du taxi s'impatientait. « On a qu’à partager le trajet, qu’est ce que vous en pensez ? » Visiblement peu désireux que son véhicule devienne le théâtre de chamailleries, le conducteur avait fini par appuyer sur l'embrayage et par quitter le bord du trottoir, Tommy laissant échapper un « Non mais, attendez ! » entre précipitation et agacement, tandis que Camber elle pointait du doigt sa responsabilité en prenant appui contre le lampadaire « Et bah voilà, à cause de vous on n’a plus de taxi ! » Quel toupet. Ouvrant la bouche avec un brin d'exagération, Tommy avait rétorqué du même ton « À cause de moi ? » Il serait déjà confortablement installé à l'arrière de cette voiture, et en route pour chez lui, si elle n'avait pas essayé de lui griller la priorité. « Et puis d’abord, qu’est ce que vous faites là ? Je ne vous ai pas vu travailler ce soir. » Un instant pantois devant ce brusque changement de sujet, le brun avait plissé son nez comme il avait l'habitude de le faire lorsqu'il cherchait le piège, et pris appui sur sa béquille avec une nonchalance qu'il maîtrisait quasiment à la perfection « J'ignorai que je vous manquais tant, pensez au pourboire la prochaine fois, si je suis si irremplaçable. » Rictus légèrement moqueur sur les lèvres, il avait fait basculer son poids d'une jambe à l'autre pour tenter d'atténuer la sensation inconfortable qui tirait sur son flanc dès qu'il avait le malheur de tenir une position verticale trop longtemps. Désignant sa béquille, il avait repris « Je ne peux pas tenir cette chose et un plateau en même temps, vous savez combien un bar comme celui-là remplace de verres brisés chaque année ? Inutile de faire exploser le compteur. » C'était sa manière à lui de dire qu'il était au chômage technique, la différence étant que cela semblait - un peu - moins pathétique. Balayant des yeux les environs, Tommy avait remarqué le banc un peu plus loin, et cru bon de faire savoir à Camber d'un ton presque suspicieux « Ce banc-là aussi, je l'ai vu le premier, alors qu'il ne vous vienne pas l'idée de vous y étaler de tout votre long pendant que j'aurai le dos tourné ... je vais nous appeler un taxi. » Ou plutôt retourner à l'intérieur et demander à Chelsea de lui en appeler un. De leur en appeler un, d'ailleurs, puisqu'aussi étendue pouvait être sa mauvaise foi l'australien n'avait pas l'intention de rejouer le même numéro une seconde fois. Absent quelques minutes, il était finalement ressorti, le regard glissant jusqu'au banc où la jeune femme était allée s'installer ... mais sans s'étaler de tout son long, probablement bien plus par décence que par désir d'obéir aux injonctions du barman. Claudiquant jusqu'au banc à son tour, Tommy s'y était laissé tomber avec lourdeur, provoquant un rictus de légère douleur sur son visage, et rapidement chassé par sa curiosité tandis que ses yeu se posaient sur la béquille de Camber. La voir boiter il ne s'en formalisait plus, mais il ne l'avait jamais vue utiliser l'un de ces engins de torture dont il était aussi provisoirement affublé. « Ne me dites pas que vous avez failli à votre promesse de vous tenir éloignée des bus ? » Référence à leur conversation la dernière fois qu'ils s'étaient quittés. Tempête oblige, tout cela lui semblait remonter à une éternité.
Dernière édition par Tommy Warren le Ven 3 Fév 2017 - 18:26, édité 1 fois
“It's not a question of who is wrong and what is right, but time can not heal what you will never recognize. 'Cause all of this is all that I can take, and you could never understand the demons that I face. So go ahead and bat your eyes and lie right to the world, for with everything you are, you're just a little girl.”
Il y avait bien longtemps que Camber n’avait pas consommé d’alcool dans des quantités si indécentes. Se rendre ivre ne faisait pas réellement partie de ses habitudes et ne collait pas avec ses principes. Loin d’avoir vécu une vie étudiante parsemée de fêtes, la jeune femme avait toujours considéré l’abus d’alcool comme inutile. A partir d’un certain stade cela n’apportait qu’une attitude incontrôlable, des maux de tête, la nausée ou pire encore, des pertes de mémoires et des actes insensés. La notaire faisait partie de cette minorité qui buvait avant tout pour le plaisir et le bon goût, ce qui expliquait sans doute son intérêt pour le vin. Cependant, encore humaine, il lui arrivait de céder à la tentation de se noyer dans un verre, ou plus. Elle ne pouvait nier que cela permettait au moins d’effacer ses soucis durant quelques instants, en sachant pertinemment qu’ils seraient de nouveau là le lendemain. Mais voilà qu’elle fut confrontée à tous ces aspects qu’elle détestait tant. Cette faiblesse que l’alcool apportait. Loin de marcher avec son assurance et son élégance habituelle, Camber se retrouvait à tituber entre douleur à la cheville et manque certain d’équilibre. Mais ce n’était pas le pire. Entre inconscience et sentiments décuplés, elle ne put contenir un air joyeux lorsqu’elle rencontra l’homme qui l’avait amenée à se rendre ici ce soir. A son plus grand bonheur, Tommy était toujours égal à lui-même et entendre son ton cynique la réconforta dans sa soirée d’ennui. Si bien qu’elle ne prêta pas grande attention à la situation ainsi qu’au chauffeur de taxi qui préféra les abandonner au bord de la route. Bien qu’elle accusa le serveur pour ce départ soudain, la jeune femme s’en moquait parfaitement. « À cause de moi ? » Amusée par l’expression dramatique qu’il avait affichée, la notaire ne cacha pas un rire moqueur avant de reprendre son sérieux. Quelque chose de plus important lui venait à l’esprit, chassant le taxi de sa tête. C’est alors qu’elle questionna l’homme sur sa présence ici, à la limite du reproche. Après tout elle était venue au McTavish en espérant le croiser, ne l’avait pas fait et pourtant, voilà qu’il se trouvait devant elle à la sortie du bar. « J'ignorai que je vous manquais tant, pensez au pourboire la prochaine fois, si je suis si irremplaçable. » Pas réellement prête à entendre ce genre de réponse, Camber plissa sa bouche dans tous les sens, se retrouvant aussitôt sans mot. Si dans le fond il n’avait pas tord, elle avait bien du mal à s’imaginer lui laisser un pourboire compte tenu de leur relation. Leur discussion au restaurant ayant tourné autour de l’argent et particulièrement des reproches de Tommy face au statut plus élevé de la notaire, elle ne souhaitait pas vraiment paraitre impolie et alimenter sa haine. « N’exagérons pas non plus, personne n’est irremplaçable » avait-elle finalement rétorqué avec un faux air distant afin d’éviter une nouvelle discussion houleuse. Fort heureusement, le serveur eut l’intelligence ou la gentillesse de répondre à sa question sans insister. « Je ne peux pas tenir cette chose et un plateau en même temps, vous savez combien un bar comme celui-là remplace de verres brisés chaque année ? Inutile de faire exploser le compteur. » Alors qu’il marquait encore un point, Camber hocha de la tête, convaincue par la qualité de son argument. « J’admets que vous avez une bonne excuse… » Toujours dans la provocation et la plaisanterie, Camber marqua ses mots par un sourire avant de suivre le regard de Tommy. « Ce banc-là aussi, je l'ai vu le premier, alors qu'il ne vous vienne pas l'idée de vous y étaler de tout votre long pendant que j'aurai le dos tourné ... je vais nous appeler un taxi. » Avant d’avoir le temps de répondre quoi que ce soit, il l’abandonna sur le trottoir, pénétrant dans le pub derrière eux.
Aussi déboussolée qu’un chiot qu’on sortait de son animalerie pour la première fois, la notaire mit quelques minutes avant de se décider à quitter son lampadaire. Bien que Tommy lui ait plus ou moins interdit de s’asseoir sur le banc à côté, la jeune femme ne se gêna pas pour s’y installer, soupirant de tout son cœur. Fatigue, alcool et blessure ne faisaient décidément pas bon ménage. Tandis qu’elle baissa sa tête en arrière, la brune se mit à observer le ciel, cherchant quelques étoiles malgré la présence trop importante des lumières de la ville. Étonnée de constater que certaines d’entre elles bougeaient légèrement, Camber réalisa que le vin devait y être pour quelque chose. Toute étourdie, elle releva la tête, battant quelques secondes des paupières, à la recherche d’une vision plus immobile. Une silhouette sombre la sortit alors de son délire, puis elle sentit quelqu’un s’assoir à côté d’elle. Tommy était de retour. « Ne me dites pas que vous avez failli à votre promesse de vous tenir éloignée des bus ? » Son cerveau embrumé mis quelques longues secondes à percuter la référence utilisée par son interlocuteur. La bouche entre-ouverte, Camber émit un petit rire lorsqu’elle comprit enfin. « Et bien si, pourtant. Mais vous ne m’aviez pas prévenue que les grandes roues pouvaient être aussi dangereuses que les bus. » répondit-elle avec humour ce qui ne manqua pas de l’étonner elle-même. Elle ne se serait probablement pas cru capable de plaisanter au sujet de cette nuit d’horreur d’aussi tôt. Avant même que les souvenirs ne submergent son esprit, la notaire se secoua la tête, puis reporta son attention sur le serveur. « Et vous ? C’est la tempête qui vous a fait ça ou juste quelqu’un que vous avez trop embêté ? » demanda-t-elle aussi curieuse que désireuse de le provoquer par amusement. Le visage tourné vers la route silencieuse, la notaire repensa à la vision de Tommy lorsqu’elle était sortie du bar, et particulièrement à un détail qui n’avait pas manqué de l’interpeller. « Je ne savais pas que vous fumiez. Avec votre mauvaise humeur et la cigarette, vous n’allez pas vivre bien vieux ! » lança-t-elle en le regardant de nouveau. « Et puis vous n’auriez pas besoin de mes pourboires si vous arrêtiez de fumer. Je suis bien contente de n’avoir jamais essayé tiens » Bien que fière de cette révélation, il y avait de fortes chances pour que Tommy la juge. Oui à trente ans, Camber n’avait jamais tenté de fumer la moindre cigarette. Un exploit dû à son réalisme extrême. Motivée par son excès d'alcool, la brune se retourna vivement vers lui, se mettant à chercher dans les poches de sa veste sans réelle gêne. « Et voilà, confisqué! » proclama-t-elle en montrant le paquet de cigarettes qu'elle avait trouvé.
Tommy n'irait pas jusqu'à dire que son boulot lui manquait, servir des cocktails et prendre les commandes de personnes pas toujours très portées sur la politesse n'était ni le rêve de sa vie ni une fin en soit, à ses yeux, mais il ne pouvait pas nier que le temps lui semblait particulièrement long actuellement. Et puis, inutile de se mentir, le temps qu'il passait en congé forcé c'était un salaire qu'il ne gagnait pas, et ses économies ne lui permettaient clairement pas de se contenter trop longtemps de ses réserves. Dire qu'il aurait suffit qu'il se décale d'un mètre à peine dans ce Starbucks pour s'en sortir indemne … Comme quoi cela ne tenait parfois à rien. Le souvenirs des deux corps sans vie allongés sur le sol du café suffisaient cependant à lui rappeler qu'il n'était pas à plaindre. Bientôt il retrouverait son boulot, ses habitudes, et même ses clients les plus assidus « N'exagérons pas non plus, personne n'est irremplaçable. » n'avait pas manqué de rétorquer Camber lorsque, sans grand sérieux, Tommy avait évoquer la possibilité qu'il puisse lui avoir manqué. Son ego en tout cas n'oubliait pas, lui, qu'elle avait remarqué son absence. Absence qu'il estimait parfaitement justifiée, comme il n'avait pas manqué de le faire remarquer, utilisant sa béquille comme la preuve ultime de ce qu'il avançait « J'admets que vous avez une bonne excuse … » Évidemment, et elle aurait été mal placée pour prétendre le contraire puisqu'une béquille habillait également son bras fin. Adressant le banc non loin d'eux pour se garder le privilège de pouvoir faire un scandale si elle décidait d'y prendre toute la place, il avait finalement laissé la jeune femme un moment le temps d'aller leur appeler un nouveau taxi. Elle avait raison sur un point, il ne la laisserait pas salement sur le bord de la route maintenant qu'ils avaient engagé la conversation, même pour lui et sa mauvaise foi cela restait un peu trop abusif.
Sans grande surprise il l'avait retrouvée installée sur le banc, mais avec au moins la décence de ne pas s'être mis en travers pour l'empêcher de s'asseoir également. La tête rejetée en arrière elle semblait observer il ne savait trop quoi dans le ciel, les étoiles sans doute, bien que comme chaque grande ville Brisbane ait le désavantage majeur d'occulter bon nombre d'étoiles avec ses lumières urbaines. S'installant à côté d'elle, il l'avait sentie redresser la tête comme pour vérifier l'identité de la personne installée à côté d'elle, et posant sa béquille à côté de lui Tommy avait questionné avec un brin d'ironie, curieux de savoir ce qui lui était arrivée pour que de vaguement estropiée elle repasse au statut d'Estropiée avec un grand E. « Et bien si, pourtant. Mais vous ne m'aviez pas prévenue que les grandes roues pouvaient être aussi dangereuses que les bus. » Affichant un regard de surprise, Tommy avait entrouvert la bouche avec hésitation, avant de se risquer à demander « Vous étiez à la grande roue ? » C'était probablement ce qui reflétait le plus les dégâts de cette tempête, l'effondrement de la grande-roue de la fête foraine, le principal journal de la ville avait même utilisé une photo de la carcasse du manège pour illustrer sa une concernant la tempête. « Et vous ? C'est la tempête qui vous a fait ça ou juste quelqu'un que vous avez trop embêté ? » La dose d'humour dont faisait preuve la jeune femme surprenait Tommy, suffisamment pour qu'il laisse échapper un léger rire et laisse à son tour légèrement retomber sa tête en arrière. Repenser à cette soirée ne lui donnait pas envie de rire, pourtant probablement parce qu'elle ne lui revenait que par brides et que son cerveau n'avait pas choisi de conserver en mémoire les images les plus agréables. Ou les moins pires, disons. « La tempête. Mais maintenant que vous le dites, elle essayait probablement de mettre à exécution ce que certains rêvaient peut-être de me faire depuis longtemps. » Le pire là-dedans c'était peut-être qu'il serait capable de donner directement un ou deux noms, si on les lui demandait.
Sentant le regard de la jeune femme posé sur lui, le brun avait fini par redresser la tête à son tour, presque tenté de lui demander si il avait quelque chose de collé sur le visage, mais finalement coupé dans son élan par le fait qu'elle avait repris la parole la première … Et fait à nouveau état de ce petit côté rabat-joie qu'il avait cru observer chez elle. « Je ne savais pas que vous fumiez. Avec votre mauvaise humeur et la cigarette, vous n'allez pas vivre bien vieux ! » Haussant les épaules d'un air vaguement défiant, il avait rétorqué « Faut bien mourir de quelque chose. » tout en sachant bien que cette excuse-là se positionnait probablement sur le podium des excuses les plus faciles lorsqu'il était question de cigarette. « Et puis vous n'auriez pas besoin de mes pourboires si vous arrêtiez de fumer. Je suis bien contente de n'avoir jamais essayé tiens. » Malgré lui il avait laissé échapper un léger rire. Hors de question pour lui de lui avouer que son plus gros souci, c'était de ne pas être foutu d'arrêter … Pourtant dieu sait qu'il avait tenté un certain nombre de fois. Et bien que ce ne soit pas très malin – et pas très mature non plus – la seule chose qu'il avait trouvé à répondre c'était « J'suis tellement pas étonné. Quelque part quelqu'un doit envisager de vous faire canoniser … enfin, il ou elle changera peut-être d'avis quand je lui dirais que Sainte Camber a bu comme un trou ce soir. » Inutile pour elle d'espérer que son abus de boisson passerait inaperçu, entre la démarche chancelante, sa tête qui partait dans tous les sens et cette odeur d'alcool qui lui collait à la peau, il n'avait que l'embarras dans le choix des preuves. « Et voilà, confisqué ! » Ignorant en effet sa dernière remarque – à moins que l'alcool ralentisse l'allure à laquelle ses réponses parvenaient au cerveau de la jeune femme – Camber avait glissé une main dans la poche de son blouson pour en ressortir son paquet de cigarettes, le brandissant presque avec fièreté. « Déconnez-pas, il est pratiquement plein. » Pour sûr, il l'avait acheté juste avant de se mettre en route pour le McTavish. Tendant le bras pour récupérer son bras, Tommy s'était heurté au manque de coopération de la brune, qui l'avait esquivé en lui offrant un sourire moqueur « Sérieux, on dirait ma gosse, rendez-moi ça. » La comparaison valait à la fois pour la gaminerie avec laquelle elle semblait se féliciter de lui avoir subtilisé son bien, et pour le fait que du haut de ses sept ans Moïra n'hésitait pas à lui faire remarquer qu'arrêter de fumer ne serait pas du luxe. Saisissant le poignet de Camber d'une main, le brun avait récupéré son paquet de l'autre, sans pour autant lâcher directement la jeune femme ensuite. Au lieu de ça il avait esquissé un sourire narquois, et proposé ce qui était sans nul doute une idée stupide « Pourquoi vous n'essayez pas ce soir ? » Une lueur malicieuse dans le regard, il avait fini par lâcher son poignet, et ouvert son paquet pour en sortir une cigarette qu'il avait coincé entre ses lèvres avant d'en proposer une à Camber. « Allez, soyez pas si coincée … ça fera un truc à rayer dans la liste des trucs que vous n'avez jamais fait. A mon avis cette liste est bien assez longue. » Ou peut-être pas, à vrai dire il usait de pure provocation avec elle, comme souvent. « C'est pas une malheureuse cigarette qui va vous rendre accro, vous savez … » Agitant une nouvelle fois légèrement le paquet devant son nez, il avait également sorti son briquet de son autre poche, faisant jaillir une flamme qu'il avait laissé danser entre eux, sans encore rien allumer pour le moment.
“It's not a question of who is wrong and what is right, but time can not heal what you will never recognize. 'Cause all of this is all that I can take, and you could never understand the demons that I face. So go ahead and bat your eyes and lie right to the world, for with everything you are, you're just a little girl.”
La tête penchée de la sorte, la jeune femme fit un constat quelque peu attristant. Elle n’avait pas pris le temps de se poser tranquillement ainsi pour contempler les étoiles depuis longtemps, bien trop longtemps. En réalité elle n’avait pas pris le temps de contempler quoi que ce soit depuis des années. Ce ciel parsemé de lumière, c’était du sable frais qu’elle avait l’habitude de l’admirer, un jour, un jour qui lui semblait maintenant si irréel. Mais jamais elle n’avait remis les pieds à la plage depuis cet accident, jamais elle ne s’était allongée de nouveau face à l’immensité qui les dominait tous depuis. Avec la tempête et l’idée qu’elle avait une fois de plus frôlé la mort, Camber réalisa qu’il fallait peut-être prendre cela comme un avertissement. Tommy avait sûrement raison dans le fond, elle ne profitait pas assez de la vie, tout comme elle n’était pas assez gratifiante d’être toujours là. Elle. Elle aurait bien pu passer des heures à ressasser ces choses qui rendaient sa vie si terne, si morose, se laissant probablement pourrir sur ce banc miteux. C’était sans compter sur le retour du serveur, qui à son soulagement, eut le mérite de faire fuir ses idées noires. Pourtant à peine installé, l’homme la questionna sur sa béquille, lui rappelant ainsi tout ce qu’elle avait vécu. Ce noir si soudain, ce fracas et cette odeur persistante de terre et de sang. « Vous étiez à la grande roue ? » L’étonnement sur le visage de son interlocuteur la fit esquisser un sourire, puis elle acquiesça silencieusement. Personne n’avait pu échapper à cette nouvelle, cette grande roue qui s’était abattue dans le parc d’attraction de Redcliffe. Néanmoins Camber prit le parti d’en rire, sachant pertinemment qu’y penser trop sérieusement risquait de déplaire à Tommy. Il ne connaissait que trop bien la notaire plaintive et pessimiste, il était temps de lui montrer que malgré tout, elle avait de bons côtés. Ils étaient juste bien enfouis. Ce fut à son tour de l’interroger sur l’origine de sa propre béquille, profitant de l’occasion pour se moquer de lui avec enthousiasme. « La tempête. Mais maintenant que vous le dites, elle essayait probablement de mettre à exécution ce que certains rêvaient peut-être de me faire depuis longtemps. » Dans un grand éclat de rire, Camber perdit le contrôle de sa tête qui se pencha en arrière brusquement. Surprise, elle tenta de retrouver son équilibre avant de lui rétorquer d’un ton sanglant « J’imagine que la liste doit être longue » accompagné d’un clin d’œil taquin. Si d’ordinaire Camber maitrisait l’art du tacle, l’alcool ne faisait qu’accentuer son côté taquin, le rendant néanmoins plus joueur et moins agressif.
C’est ainsi que, sur sa lancée, elle lui fit remarquer que fumer des cigarettes ne ferait qu’empirer sa situation. S’abîmer la santé et se ruiner pour quelque chose d’aussi futile dépassait beaucoup trop Camber pour qu’elle puisse accepter cela. « Faut bien mourir de quelque chose. » Pour réponse à l’argument le plus nul qu’elle n’ait jamais entendu, la brune pouffa, soulignant le jugement qu’elle portait à cet instant même sur Tommy. Puis histoire de l’enfoncer un peu plus, elle ne manqua pas de revenir sur ses propres paroles et son besoin d’argent. « J'suis tellement pas étonné. Quelque part quelqu'un doit envisager de vous faire canoniser … enfin, il ou elle changera peut-être d'avis quand je lui dirais que Sainte Camber a bu comme un trou ce soir. » Outrée, voilà ce qu’elle était. La bouche grande ouverte, la notaire s’était redressée par automatisme, comme pour tenter de prouver qu’elle n’avait pas abusé de l’alcool et que tout était son contrôle. Quant à sa réflexion, elle apparaissait sûrement dans les phrases les plus méchantes qu’on lui ai dites. « Quoi … » Les mots ne lui venaient pas. Était-ce le manque d’argument flagrant ou les dégâts de l'alcool, elle n’en avait pas la moindre idée. Cependant ne pas être mesure de se défendre face à cette accusation la révoltait. Plutôt que de se laisser abattre, elle préféra reprendre le contrôle de la situation, se jetant sur Tommy pour lui ôter son paquet de cigarette comme une enfant de six ans. Et le pire, c’est que cela l’amusait. « Déconnez-pas, il est pratiquement plein. » Elle ne put s’empêcher de rire, forcée de constater que son air grincheux était revenu à l’assaut. Le contrarier était si amusant qu’elle ne lui redonna pas et éloigna au contraire son bras loin de lui. « Sérieux, on dirait ma gosse, rendez-moi ça. » Tout sourire s’effaça du visage de la brune, soudain étonnée par les paroles de Tommy. Elle resta si paralysée par ce qu’il venait de lui balancer qu’elle ne put rien faire face à sa prise de force, alors qu’il récupérait son paquet. L’information ne cessait de résonner dans son esprit, tandis qu’elle tentait de comprendre la situation. « Pourquoi vous n'essayez pas ce soir ? » Tournant la tête vers lui, Camber prit un air interloqué, le regardant mettre une cigarette entre ses lèvres. « Allez, soyez pas si coincée … ça fera un truc à rayer dans la liste des trucs que vous n'avez jamais fait. A mon avis cette liste est bien assez longue. C'est pas une malheureuse cigarette qui va vous rendre accro, vous savez … » Et voilà qu’il recommençait à la provoquer, bien que cela n’était pas entièrement pour lui déplaire. Son regard noisette se posa alors sur la cigarette qu’il lui tendait, puis dans un élan de folie, elle s’en empara. « On va faire un marché. Si je fume cette cigarette, vous m’en dites plus sur cette histoire de gamine. Parce que là je suis sur le cul » Elle marqua une pause, presque choquée elle-même de l’expression qu’elle venait d’utiliser. « Je ne savais pas que vous aviez un enfant ! Et puis aussi, si je la fume, on se tutoie. Après tout on a diné ensemble on peut peut-être arrêter avec ces formalités non ? On s’insulte tout le temps, je crois qu’on a passé le cap des préliminaires de politesse » ajouta-t-elle en haussant les épaules. Elle porta cette fois-ci son attention sur le briquet, toujours en suspension entre leurs deux visages. Son rythme cardiaque s’accéléra, tandis que son cerveau se mit à peser le pour et le contre. Fumer allait contre tout ses principes, mais faire taire Tommy était si tentant. D’autant que maintenant, elle souhaitait en savoir davantage sur sa fille. La cigarette coincée entre ses lèvres recouvertes d’un rouge flamboyant, elle compta mentalement jusqu’à trois puis avança le bout de l’objet de sa hantise jusqu’à la flamme. Dans une profonde inspiration, elle alluma sa cigarette. La surprise put certainement se lire sur son visage, alors que la fumée pénétrait sa tranchée, brulant férocement sa gorge. Sa main s’empara aussitôt de la cigarette, puis sans se contenir, Camber se mit à tousser, encore et encore. « Vous voulez me tuer ! C’est horrible » cria-t-elle avant de se remettre à cracher ses poumons. « Hors de question que je recommence à tirer là-dessus tant que vous n’aurez pas rempli votre part du marché. » Son regard s’était plongé dans celui de Tommy avec un air faussement menaçant. « Que tu n’auras pas rempli ta part du marché » Se rappelant de sa deuxième close de leur accord, Camber avait reformulé sa phrase, remplaçant le vouvoiement par un tu insistant. L’aspect étrange de cette reformulation lui déclencha une grimace, avant qu’elle ne s’approche à une distance très courte du visage de Tommy pour ajouter « J’attends » d’une voix confiante.
Cette histoire de grande roue collait encore des frissons dans le dos de Tommy quand il y repensait, parce qu'outre le fait que cette fête foraine l'avait accueilli à de nombreuses reprises durant son enfance et son adolescence, c'était aussi le genre d'endroit où il aurait tout à fait pu se trouver avec Moïra à ce moment-là, s'il n'avait pas été prévu qu'il travaille le soir d'Halloween. Pour autant, et contrairement à ce que l'on pourrait penser, Tommy était du genre à savoir se contenter du mieux lorsqu'il se savait avoir échappé au pire, et à l'heure actuelle il remerciait seulement le hasard qui avait voulu que sa fille se sorte de cette soirée sans la moindre égratignure ; Pas sans peur, la faute à l'hospitalisation de son père, mais sans égratignure, et c'était le principal. S'engouffrant dans la brèche ouverte par Camber à ce sujet en sous-entendant que si la tempête ne s'était pas chargée de l'estropier la faute revenait certainement à l'une des innombrables personnes que Tommy avait pu énerver au cours de son existence, il l'avait regardée éclater de rire et laisser l'alcool faire son œuvre tandis que l'équilibre lui manquait « J'imagine que la liste doit être longue. » s'était-elle même permis d'ajouter, la langue visiblement beaucoup mieux pendue quand l'alcool s'arrangeait pour la délier un peu. Suffisamment pour que Tommy s'estime d'ailleurs en droit de lui en faire la remarque sans prendre de gants, arrachant à la jeune femme un regard boudeur, un « Quoi … » prononcé d'un ton furibond, et la volonté soudaine de se venger avec la première chose qui lui traverserait l'esprit ou lui passerait sous la main : son paquet de cigarettes. Forte de son stratagème un rire lui avait échappé tandis qu'après bien des gesticulations et la comparaison éclairée entre Camber et sa fille de sept ans, le brun récupérait enfin son bien. Et avec lui la volonté de pousser Miss Parfaite dans ses retranchements en la mettant au défi, un défi des plus stupides, mais dont Tommy avait décidé de ne pas se priver pour autant … Après tout, de son point de vue, une clope n'avait individuellement jamais tué personne. « On va faire un marché. » avait encore trouvé le moyen de répondre Camber, décidant comme elle venait de l'indiquer de se livrer au marchandage, le barbu attendant donc simplement qu'elle annonce son prix « Si je fume cette cigarette, vous m'en dites plus sur cette histoire de gamine. Parce que là je suis sur le cul. » Rien que ça. « Je ne savais pas que vous aviez un enfant ! » Et à la façon dont elle était en train d'en faire une affaire d'état il regrettait presque d'avoir laissé l'information lui échapper, mais enfin « Et puis aussi, si je la fume, on se tutoie. Après tout on a dîné ensemble on peut peut-être arrêter avec ces formalités non ? On s'insulte tout le temps, je crois qu'on a passé le cap des préliminaires de politesses. » Se laissant retomber contre le dossier du banc tandis qu'elle haussait les épaules, Tommy n'avait pu empêcher un sourire narquois d'étirer son visage tandis qu'il susurrait « Oh je vois, Mademoiselle n'est pas très branchée préliminaires. » pour la simple curiosité de voir quel effet pourrait bien faire un sous-entendu sexuel sur son cerveau imbibé d'alcool. Retrouvant un tant soit peu de sérieux, et appuyant ses coudes de chaque côté du dossier pour prendre ses aises sur son côté du banc, il avait néanmoins fini par admettre « C'est bon, marché conclu. » non sans accompagner sa réponse d'une moue légèrement dubitative.
Les secondes suivantes il les avait passées à observer Camber avec une satisfaction non dissimulée tandis qu'elle tentait d'apprivoiser la cigarette subtilisée et le briquet qu'il venait de lui tendre comme pour lui donner l’excuse de ne pas être celle qui allumerait la mèche de ce qu'elle considérerait probablement le lendemain comme une connerie alcoolisée. Et c’est sans grande surprise qu’il l’avait regardée lutter pour garder l’air impassible, avant de céder et de tousser tout ce qu’elle devait penser coincé dans sa gorge et ses poumons, tandis que des larmes venaient rougir un peu ses yeux « Vous voulez me tuer ? C’est horrible ! » réussissant à articuler entre deux quintes de toux, elle était parvenue à arracher à Tommy un rire franc, tandis qu’il se permettait de faire remarquer d’un ton léger « N’exagérez pas non plus. Je vous rassure, la première est la plus difficile … un peu comme le vélo. » Il n’était pas vraiment certain que l’exemple soit des plus appropriés, mais c’était le seul qui lui soit venu à l’esprit. Boudeuse, Camber avait néanmoins rétorqué « Hors de question que je recommence à tirer là-dessus tant que vous n’aurez pas rempli votre part du marché. Tant que tu n’auras pas rempli ta part du marché. » en approchant son minois de celui du brun, avec un toupet auquel Tommy ne se sentait pas totalement insensible. « J’attends. » Plissant le nez d’un air faussement suspicieux, il avait commencé par secouer la tête et subtiliser à Camber la cigarette qu’elle accusait quelques secondes plus tôt de vouloir sa mort, tirant une ou deux fois dessus avec nonchalance avant de la lui rendre, et tournant la tête pour lui épargner le fait de lui souffler sa fumée au visage « Je ne sais pas ce que vous avez toutes, les gonzesses, avec les mouflets. » avait-il alors fait remarquer avec une pointe de lassitude « J’veux dire, n’importe qui est capable de faire un gosse, hm. Enfin, une grande majorité, disons. » Même pas besoin de le mériter ou de faire la preuve de ses compétences, juste de l’anatomie pure et simple, et cette notion de survie de l’espèce. « Ne me dites pas que cela vous … que cela te fait changer d'avis à mon sujet ? » Il ne savait pas d’où venait cette aura qui criait sérieux et fiabilité et que l’on recevait en devenant père … Bon, encore fallait-il la garder ensuite. Un petit tour de piste des membres de la famille Warren suffirait à Camber pour se figurer Tommy comme à peu près tout sauf le père de l’année. « Ou bien tu es en train de te dire « mais comment un type aussi immature et aussi agaçant a pu engendrer un autre être vivant ? » … Tu ne serais pas la première, je te rassure. » Agrémentant cette réflexion un brin Caliméro d'un sourire narquois, Tommy avait fini par pivoter sur le banc pour en passer une jambe de chaque côté, et pouvoir ainsi continuer de scruter la jeune femme à son aise « Pourquoi tu ne me demandes pas directement de quoi satisfaire ta curiosité, hm ? » La laisser questionner pouvait donner l'impression de s'aventurer en terrain glissant, mais en réalité que Camber questionne n’obligeait pas pour autant Tommy à répondre. « C’est pour préserver tes poumons, ou simplement parce que j'ai posé mes lèvres par-dessus, cette hésitation ? » Nouveau sourire narquois, Tommy en oubliant presque que contrairement à elle il ne possédait pas l’excuse de l’alcool. Depuis plusieurs secondes elle gardait en effet sa cigarette en l’air, sans que l'on puisse bien deviner si elle hésitait sur quoi en faire, ou si elle l’a juste momentanément oubliée.
“It's not a question of who is wrong and what is right, but time can not heal what you will never recognize. 'Cause all of this is all that I can take, and you could never understand the demons that I face. So go ahead and bat your eyes and lie right to the world, for with everything you are, you're just a little girl.”
La joie d’avoir trouvé ce qu’elle était venue chercher ce soir se lisait sur le visage de Camber. Si Tommy ne l’avait pas divertie plus tôt, ce n’était maintenant plus un problème, puisqu’il était là, à être lui. Effaçant ses pensées en l’agaçant, en l’amusant. Elle se demanda presque si cette attitude désinvolte qu’il avait envers elle lui était réservée tant son comportement coincé l’énervait, ou s’il était toujours ainsi. A le voir râler si naturellement après elle, il devait probablement y avoir un peu des deux, bien que la brune se plaisait à penser que c’était un privilège qui lui était entièrement réservé. Avide de distraction, elle ne cessait de tendre des perches, espérant profondément que le serveur les attraperait, cependant moins en mesure de contrôler ses paroles compte tenu du taux d’alcool qui circulait dans son sang. « Oh je vois, Mademoiselle n'est pas très branchée préliminaires. » Ses lèvres s’étaient immédiatement retrouvées grandes ouvertes et ses joues empourprées. Cette réponse-là, elle ne l’avait pas vu venir, sûrement très naïvement de sa part. Cependant, elle ne put cacher le rire que provoqua une telle remarque. « Vous aimeriez bien que je vous prouve le contraire n’est-ce pas ? » rétorqua-t-elle avec un air faussement aguicheur. Parce que malgré tout, Camber avait perdu toute confiance en elle de ce côté-là. Depuis sa rupture cinq ans plus tôt, elle n’avait pas eu l’occasion de fréquenter un nouvel homme. Les relations amoureuses ou juste charnelles, elle ne savait plus faire. C’était en tout cas ce qu’elle s’était mis en tête. « Vous ne seriez pas le premier ! Il y en a un autre qui aurait bien voulu ce soir » ajouta-t-elle en pointant le pub McTavish du bout de son menton, faisant allusion à l’homme déchiré qui l’avait regardée comme un bout de viande. Un souvenir qui provoqua un air de dégout sur son visage, nullement caché aux yeux de Tommy. Après tout il était un homme aussi, il ne devrait pas avoir beaucoup de mal à comprendre ce à quoi elle faisait allusion.
« C'est bon, marché conclu. » Avec l’accord de l’ours mal léché qu’il était, Camber s’était donné tout le courage qu’elle avait pu trouver en elle pour accomplir sa part du marché. Acte qu’elle regrettait presqu’aussitôt que ses lèvres s’étaient resserrées sur la cigarette, tirant vers ses poumons une fumée brûlante et ravageuse. Le goût qu’elle lui laissa dans la bouche lui donna une légère nausée, sa toux n’arrangeant pas réellement cette sensation. Les larmes aux yeux, elle en voulait déjà à Tommy d’avoir voulu son mal et lui reprocha aussitôt, à deux doigts de mourir étouffée selon ses dires. « N’exagérez pas non plus. Je vous rassure, la première est la plus difficile … un peu comme le vélo. » Les sourcils froncés, la brune chercha un rapport logique entre le vélo et la cigarette, rapport qu’elle ne parvenait pas à trouver. Mais ne se sentant pas de débattre à ce sujet et ne souhaitant pas que l’homme oublie sa part du marché, Camber changea immédiatement le sujet de conversation, évoquant sa fille avec une curiosité dévorante. La cigarette qu’elle tenait toujours en main s’envola sous ses yeux, venant s’installer au creux des lèvres de Tommy qui en fuma un peu. Aussi étonnant que cela puisse paraitre, le voir tirer avec autant d’indifférence sur sa cigarette avait quelque chose de séduisant. Déboussolée par cette pensée soudaine, Camber se racla la gorge avant de récupérer l’objet de sa mort, un peu à contre cœur. « Je ne sais pas ce que vous avez toutes, les gonzesses, avec les mouflets. J’veux dire, n’importe qui est capable de faire un gosse, hm. Enfin, une grande majorité, disons. » Encore fallait-il avoir un partenaire. De son côté, la notaire ne trouvait pas cela si simple qu’il ne semblait l’affirmer. « Ne me dites pas que cela vous … que cela te fait changer d'avis à mon sujet ? Ou bien tu es en train de te dire « mais comment un type aussi immature et aussi agaçant a pu engendrer un autre être vivant ? » … Tu ne serais pas la première, je te rassure. » Si Tommy n’avait pas rectifié sa phrase, Camber n’aurait probablement pas remarqué le vouvoiement qui paraissait persister entre eux deux. Cette habitude allait être un peu dure à prendre. « Eh bien, peut-être un peu. Si tu es capable d’élever un enfant c’est que tu n’es pas si terrible que ça ! » Ce qu’elle avançait était volontairement exagéré, parce que Tommy le cherchait bien dans le fond. « Pourquoi tu ne me demandes pas directement de quoi satisfaire ta curiosité, hm ? » De façon magistrale, le serveur avait réussi à ne pas réellement répondre à sa question, ne donnant que des informations inutiles et au final, sans aucun rapport direct avec sa fille. Camber ne lui cacha pas sa déception et fit claquer sa langue contre son palais en signe de mécontentement, tandis que ses sourcils lui donnaient un air contrarié. « C’est de la triche, ce n’était pas ça l’accord. Je ne sais pas quoi te demander exactement… » Ou plutôt, elle ne savait pas ce qui était politiquement correct de demander, craignant de faire une bêtise en posant une question trop indiscrète. Avec leur dîner au restaurant chinois, elle avait déjà donné. « D’abord, elle a quel âge ? Comment elle s’appelle ? » commença-t-elle, un sourire s’inscrivant sur son visage, faiblement éclairé par le lampadaire à côté du banc. « Tu as une photo ? Je suis sûre qu’elle est mille fois plus mignonne que toi » ajouta-t-elle pour plaisanter en se demandant sérieusement à quoi elle pouvait ressembler. L’envie de poser des questions sur la mère était grande mais un mauvais pressentiment la forçait à se taire à ce sujet. Gâcher la soirée était probablement la dernière de ses envies.
Avec tout ça, Camber en avait presque oublié la cigarette qui continuait de se consumer dans sa main. « C’est pour préserver tes poumons, ou simplement parce que j'ai posé mes lèvres par-dessus, cette hésitation ? » L’image qui lui vint en tête fut celle de Tommy un peu plus tôt, fumant sur la cigarette et ce qui cela avait déclenché en elle. De nouveau, ses joues rougirent et son cœur s’accéléra. « Il en faut plus pour me dégouter » Pour lui faire face, Camber l’imita, passant une de ses jambes de l’autre côté du banc et manquant par la même occasion de taper sa cheville endolorie contre le dossier. Le changement de position ne fut pas glorieux, néanmoins elle y parvint finalement, poussant un soupir de soulagement. Puis bien décidée à lui clouer le bec, elle porta de nouveau l’objet entre ses lèvres, tirant légèrement pour en aspirer la fumée. Malgré toute sa bonne volonté, la brune toussa encore, laissant la fumée s’échapper de façon peu élégante et assez aléatoire, à son plus grand regret. « Merde, je voulais faire genre et te souffler la fumée dans la tête pour avoir l’air d’assurer. C'est complètement râté » Alors qu’elle se moquait d’elle-même, Camber leva les yeux au ciel en se pinçant la lèvre inférieure, canalisant son rire. « D’ailleurs attends, il parait que souffler sa fumée sur le visage de quelqu’un ça veut dire quelque chose. On me l'a sûrement déjà dit, mais j'ai oublié. Toi qui fume, tu dois savoir non ? » lui demanda-t-elle, loin d’imaginer la réelle signification de ce qu’elle avait voulu faire par pur amusement.
La compagnie de Camber était plus divertissante qu'agaçante, bien que pas forcément prêt à le reconnaître Tommy ne pouvait cependant pas continuer à l'ignorer. Elle ne semblait pourtant pas radicalement différente de la personne insupportable par son air morne et ses lamentations à qui il avait déjà plusieurs fois servi à boire par le passé … Mais ses deux dernières rencontre avec la jeune femme s'étaient produites en dehors du cadre client-serveur qui les liait d'habitude, et le regard porté l'un sur l'autre s'en retrouvait probablement changé. Pour autant, le brun n’en restait pas moins le lanceur de piques qu’il avait toujours été, saisissant et renvoyant les perches tendues et les remarques reçues avec l’efficacité de l’habitude « Vous aimeriez bien que je vous prouve le contraire, n’est-ce pas ? Vous ne seriez pas le premier ! Il y en a un autre qui aurait bien voulu ce soir. » À la mine de dégoût soudainement affichée par la jeune femme, on devinait sans mal que, si avances il y avait eu de la part de cet autre, elles n’étaient pas pour lui plaire. Ce qui n’avait pourtant pas empêché Tommy de rétorquer, sur le même ton vaguement provocateur qu’elle venait d’employer avec lui « Et on peut savoir ce qui vous a amené sur ce banc avec un barman profondément agaçant, plutôt que dans les draps de ce joli-cœur ? » Rien de plus que l’instinct de préservation de sa vertu, probablement, mais le barbu se plaisait à poser la question uniquement pour la satisfaction inexplicable de voir à nouveau les joues et les oreilles de la jeune femme se colorer de rouge quelques instants. Reste que, homme de parole autant qu’homme incapable de rester de marbre face à une mise au défi, Tommy avait accepté le marché proposé par la notaire, et l’avait laissée en accomplir sa part non sans afficher un air amusé face au résultat peu concluant de cette première expérience. Il se garderait bien de préciser que sa première cigarette à lui aussi n’avait pas été beaucoup plus glorieuse … seulement beaucoup plus précoce.
Au lieu de ça il s’était retrouvé à devoir remplir sa part de leur marché, taclant au passage à demi-mot la tendance des femmes à changer leur regard sur un homme s’il s’avérait remplir également la fonction de père. Et en oubliant au passage que le regard masculin avait lui aussi tendance à changer face à une femme étant également une mère. « Eh bien, peut-être un peu. Si tu es capable d’élever un enfant c’est que tu n’es pas si terrible que ça ! » Se gardant bien de faire remarquer qu’il y avait une réelle différence entre élever un enfant et bien élever un enfant, il avait en fin de compte régler son souci de ne pas savoir quoi dire en réclamant de la part de Camber plus de précision … Après tout, c’était elle qui se questionnait, pas lui. « C’est de la triche, ce n’était pas ça l'accord. Je ne sais pas quoi te demander exactement … » Mais ça, lui ne pouvait pas non plus le savoir à sa place, aussi s’était-il contenté de planter un regard sérieux sur la jeune femme, supposée l'aider à comprendre que ce n‘était pas négociable. « D’abord, elle a quel âge ? Comment elle s’appelle ? Tu as une photo ? Je suis sûre qu’elle est mille fois plus mignonne que toi. » Roulant des yeux par principe à sa dernière réplique, il avait malgré tout usé d’un ton léger en rétorquant « Elle a pris le meilleur chez moi, c'est ce qui compte. » Préciser que Moïra ressemblait en réalité beaucoup plus à sa mère qu’à son père, un fait que Tommy constatait un peu plus chaque jour et qui lui serrait le cœur autant qu’il lui faisait plaisir, il avait préféré ne pas le mentionner. « Moïra. Elle a sept ans. » avait-il en revanche ajouté, répondant à sa question initiale. « L’âge de raison, paraît-il. Laisse-moi te dire que c’est un énorme mensonge. » À moins que Moïra ne fasse l’objet d'un début de crise d’adolescence un peu précoce, option que Tommy s’empêchait d’envisager parce qu’il ne voulait pas se résoudre à l’idée que l'année qui venait de s’écouler puisse avoir eu de telles conséquences sur sa fille. Rendu soudainement un peu timide par l’idée d’exhiber une photo, rattrapé par la peur constante que l’on émette le moindre jugement sur Moïra, il avait marqué une brève hésitation avant de se décider à extirper son téléphone de la poche de son jean, activant le rétroéclairage pour laisser apparaître la photo de son écran de verrouillage. Une photo envoyée le mois précédent par sa sœur Beth, Moïra en pleine séance de pâtisserie durant l’une de ces après-midi d’été passées avec sa tante.
La cigarette continuant elle de se consumer lentement entre les doigts de Camber, Tommy avait fait une remarque volontairement narquoise quant aux raisons qui la dissuadaient de tenter une seconde fois sa chance, à tel point que l’on ne savait pas si c’était par pure volonté de la pousser au vice ou simplement pour le plaisir de la mettre gentiment mal à l'aise. « Il en faut plus pour me dégoûter. » L’air assuré, elle avait pivoté pour adopter la même position que lui sur le banc, et lui faire totalement face. Tentant à nouveau sa chance, elle avait évité une seconde catastrophe de la trempe de sa première tentative, sans pour autant que l’on puisse qualifier cela de réussite. « Essaye quand même de ne pas rendre l’âme. » avait-il lâché d’un air amusé tandis qu’elle se perdait à nouveau dans une quinte de toux. Retrouvant peu à peu son souffle elle avait affiché un air déçu « Merde, je voulais faire genre et te souffler la fumée dans la tête pour avoir l'air d’assurer. C'est complètement raté. » Étonnement l’échec semblait l'amuser plutôt que la contrarier « D’ailleurs attend, il parait que souffler sa fumée sur le visage de quelqu’un ça veut dire quelque chose. On me l’a sûrement déjà dit, mais j’ai oublié. Toi qui fume, tu dois savoir non ? » Sourire narquois sur les lèvres, Tommy avait récupéré la cigarette, la faisant tourner entre ses doigts un instant « Tu as oublié, ou tu as juste besoin que je rafraîchisse ta mémoire ? » Cela pouvait sembler être du pareil au même, et malgré tout la finalité était un peu différente. Trop habitué à faire le malin, le barman avait tiré à nouveau sur la cigarette avec habitude, et accompli ce que Camber n’était pas parvenue à finaliser juste avant, lui soufflant au visage la fumée qui cherchait à lui échapper « Avec dix ans de moins ça aurait été une invitation à ne pas partager qu’un banc ou une banquette arrière de taxi … Tu vois où je veux en venir ? » Probablement que si elle voyait elle regrettait déjà d’avoir posé la question, et de voir son visage désormais aussi proche de celui de Tommy « Mais notre âge je ne pense pas que ce soit très agréable ou très poli … et je doute d’avoir besoin de ça pour que tu mette en doute mon manque potentiel d’éducation, hm ? » Agrémentant la question d’un sourire supposé lui faire comprendre qu’il se moquait gentiment mais sans grand sérieux, il avait tiré à nouveau sur la cigarette sans pouvoir résister à l’envie de réitérer son manège une seconde fois, la laissant seule juge et maitre de l’intention cachée derrière la volute de fumée.
“It's not a question of who is wrong and what is right, but time can not heal what you will never recognize. 'Cause all of this is all that I can take, and you could never understand the demons that I face. So go ahead and bat your eyes and lie right to the world, for with everything you are, you're just a little girl.”
« Et on peut savoir ce qui vous a amené sur ce banc avec un barman profondément agaçant, plutôt que dans les draps de ce joli-cœur ? » Parler sexualité était un peu devenu tabou pour Camber qui n’assumait pas particulièrement son statut de vieille femme. Parce qu’il fallait cesser de se voiler la face, c’était bien ce qu’elle était ou ce qu’elle était en train de devenir. Une femme de bientôt trente et un an, célibataire depuis cinq ans et loin d’avoir trouvé un homme avec qui se marier. Elle avait songé plusieurs fois à expérimenter les relations d’un soir, si subtilement suggérée par son interlocuteur, mais n’y était jamais parvenue. Coucher avec le premier venu ne lui ressemblait pas, et quand bien même un homme l’attirait, elle n’y arrivait pas. Elle se sentait tout simplement nulle, comme si toute l’expérience acquise au cours de sa vie s’était envolée et que tout était à refaire. Plutôt que de se ridiculiser, elle avait choisi l’abstinence. Un concept qui allait sembler bien étrange aux yeux du barman, si toutefois une réponse sincère l’intéressait vraiment. « Ca me tue de l’avouer mais… je préfère largement votre compagnie » Ses yeux s’étaient détournés du visage de Tommy, préférant ne pas lui faire face pour une telle confession. Bien qu’en y réfléchissant bien, le serveur ne devait pas trop s’en sentir flatté compte tenu de l’homme en question. Peut-être que sa déclaration aurait eu plus de valeur s’il s’était agi d’un apollon.
Fidèle à lui-même, Tommy avait enfilé son costume d’homme indifférent, détaché et mystérieux. Alors même qu’il avait promis de lui délivrer des informations sur sa fille avec l’accord qu’ils avaient passé, il trouva un moyen de s’en échapper. La notaire, aussi ivre qu’elle pouvait être, n’avait néanmoins pas l’intention de le laisser s’en tirer si facilement, aussi le questionna-t-elle avec plus de précision. « Elle a pris le meilleur chez moi, c'est ce qui compte. » lui avait-il répondu lorsqu’elle avait affirmé que la petite devait être bien plus mignonne que lui. Réponse qui ne manqua pas de la faire rire. « J’aimerais bien savoir ce qu’est le meilleur chez toi, tiens » répliqua-t-elle aussitôt sur un ton mordant et provocateur. Bien qu’elle ait ajouté cela pour l’agacer, Camber était réellement curieuse d’en apprendre plus sur lui, persuadée que quelque chose se cachait sous cette surface impénétrable. « Moïra. Elle a sept ans. L’âge de raison, paraît-il. Laisse-moi te dire que c’est un énorme mensonge. » Sept ans. La brune resta de marbre face à cette nouvelle information. Ce serveur aux allures de clochard malpoli avait une fille de sept ans. « Wow, je ne pensais pas qu’elle serait si grande. L’âge compliqué va arriver assez vite, j’espère que tu es prêt » Comme elle le lui avait demandé, l’homme finit par chercher son portable, décision qui parut lui prendre cependant un petit temps de réflexion. Impatiente, Camber se mordait la lèvre, soulevant sa tête pour tenter de voir quelque chose avant qu’il ne tende l’objet vers elle. Elle échoua cependant jusqu’à ce qu’il glisse sous ses yeux son fond d’écran. Un sourire franc s’était dessiné sur le visage de la notaire qui s’empara du téléphone pour la voir de plus près. « Elle est adorable » commença-t-elle, relevant ses yeux vers Tommy. « Et je confirme, elle ne te ressemble pas. Sa maman doit être très belle » souffla-t-elle, peu confiante sur le fait de s’aventurer sur le sujet. Il était toujours inenvisageable pour elle de l’interroger directement sur la mère de la petite, mais pourtant elle mourait d’envie d’en savoir plus. Etaient-ils toujours ensemble. Etait-ce la personne qu’il avait perdue et qui l’avait poussé à revenir ici à Brisbane. Si le serveur ne lui en disait pas plus pour le moment, elle pouvait au moins compter sur sa réaction pour avoir une piste.
Un peu gênée, elle lui redonna son téléphone dans un petit silence. C’était sans compter sur son insolence incroyable et sa nouvelle tentative de la faire fumer. Elle n’était plus vraiment à cela près maintenant qu’elle avait essayé, et puis c’était le marché. « Essaye quand même de ne pas rendre l’âme. » Plus facile à dire qu’à faire, Camber s’était de nouveau étouffée, à deux doigts de perdre ses poumons en les crachant. Néanmoins, elle conserva la tête haute et lui posa une question qui vint soudainement dans son esprit alcoolisé. « Tu as oublié, ou tu as juste besoin que je rafraîchisse ta mémoire ? » Il devait y avoir quelque chose d’amusant pour que Tommy ne lui réponde cela, d’autant que le sourire malicieux sur son visage n’annonçait rien de bon. Légèrement captivée par la cigarette qu’il faisait glisser entre ses doigts, la brune s’impatienta. « Dis-moi » Avant de lui faire le plaisir d’assouvir sa curiosité, le serveur tira sur la cigarette et vint souffler un épais nuage de fumée sur son visage. Plissant le nez, Camber fit une légère grimace de surprise. « Avec dix ans de moins ça aurait été une invitation à ne pas partager qu’un banc ou une banquette arrière de taxi … Tu vois où je veux en venir ? » Sans qu’elle ne s’en soit réellement rendu compte, Tommy avait approché son visage du siens, à une distance bien trop courte pour qu’elle reste neutre. Ajouté à ce qu’il venait de dire, Camber devint écarlate. Si elle avait su que sa question allait de nouveau amener le sujet du sexe sur la table, elle se serait probablement abstenue. « Hum hum » Aucun mot ne parvint à sortir de sa bouche, tant la gêne était importante. « Mais à notre âge je ne pense pas que ce soit très agréable ou très poli … et je doute d’avoir besoin de ça pour que tu mette en doute mon manque potentiel d’éducation, hm ? » Et dans un nouveau nuage, le visage de Tommy avait disparu l’espace de quelques secondes, tandis que les yeux noisettes de la jeune femme s’étaient fermés par instinct. Quand la fumée se fut de nouveau dispersée dans l’air, Camber plongea son regard dans le siens, le cœur battant bien trop vite. Incapable de réfléchir à la situation, la notaire ne cessait de faire voyager ses yeux entre ceux de Tommy et ses lèvres, encore si proches d’elle. « Tu n'as qu'à me faire changer d'avis » Ses mots s'étaient échappés presque silencieusement. Et avant qu'elle ne puisse ajouter quoi que ce soit, elle fut coupée par le bruit d’un klaxon qui la fit aussitôt sursauter. Le taxi qu’il avait appelé venait d’arriver. « Je crois qu’on nous attend » lui dit-elle d’une voix confuse, encore troublée par son geste ambigu. Enfin debout après de grosses difficultés malgré la supposée aide de sa béquille, Camber tendit sa main à Tommy pour l’aider à en faire de même. « Ça serait dommage de rater aussi celui-là » Bien qu’elle voyait le départ du précédent taxi comme une chance puisqu’il lui avait permis de se divertir un peu. Lorsqu’ils furent assis à l’arrière de la voiture, portières fermées, Camber s’empressa de prendre la parole. « Bonsoir, 102 Pine Rivers s’il vous plait. » Puis sa tête pivota vers Tommy à sa gauche. « Je dois avoir quelques trucs à boire chez moi si jamais tu veux t’arrêter. Il me semble qu’on a pas terminé avec cette histoire de cigarette » Savoir si elle parlait de la cigarette qu’elle devait fumer ou de celle qu’il lui avait soufflé sur le visage, c’était un mystère. En tout cas, son invitation relevait du miracle appelé alcool.
Il s’agissait plus de taquinerie que de véritable curiosité de sa part, après tout Tommy se foutait bien de savoir avec qui partait ou ne repartait pas la jeune femme du McTavish, pourvu que comme pour n’importe quelle autre cliente du bar elle ne lui donne pas l’impression de repartir autrement que de son plein gré. Et s’il ne doutait pas que les choses étaient à remettre en perspective avec le dégoût qui s'affichait sur le visage de Camber quelques instants plus tôt en évoquant son prétendant cela ne l'avait pas empêché d'accueillir sa remarque « Ça me tue de l’avouer mais … je préfère largement votre compagnie. » d’un air railleur et d’ironiser gentiment « Mais c’est qu’on dirait presque un compliment de vous à moi ? J’en suis tout chamboulé. » bien qu’en réalité il n’y ait pas vraiment de quoi se vanter d’être le « moins pire » de quelqu’un ou de quelque chose, même lorsque l’on possédait aussi peu d'estime de soi-même que Tommy. Preuve en était que si plus tard la jeune femme lui avait demandé d’un ton gentiment moqueur « J'aimerai bien savoir ce qu'est le meilleur chez toi, tiens. » la vérité c'est qu’une réponse sincère du brun n’aurait eu pour effet que de plomber l’ambiance : lui non plus n’en savait rien, ou plutôt si, il savait qu’elle n’avait probablement pas hérité grand-chose de lui, et que c’était probablement mieux ainsi. Au lieu de cela il avait conservé le masque habituel de son détachement amusé et énuméré avec exagération « Physique digne d’une divinité grecque, humour ravageur, intelligence bien au-dessus de la moyenne … la liste est encore longue, mais je pense que tu as saisi l’idée globale. » Mais il tournait autour du pot, encore et toujours, et ivre mais pas totalement dupe la jeune femme avait néanmoins réussi à manœuvre suffisamment pour obtenir les réponses pour lesquelles elle avait accepté de passer cet accord douteux avec lui. Quoi que Tommy se demandait bien à quoi l'avancerait ces informations en fin de compte. « Wow, je ne pensais pas qu'elle serait si grande. L’âge compliqué va arriver assez vite, j’espère que tu es prêt ? » Grimaçant de manière à peine voilée parce qu'elle touchait là un point sensible, il avait soupiré avant de répondre d’un ton résigné « Absolument pas. Mais vous exagérez un peu, il me reste encore quelques années de tranquillité … » Du moins c’était ce dont il tentait de se convaincre, avec plus ou moins de succès. Non sans hésitation il s’était finalement résolu à lui montrer une photo de Moïra, celle qui servait d’écran de verrouillage à son téléphone, et avait accueilli avec un brin de timidité le « Elle est adorable. » reçu en retour. « Et je confirme, elle ne te ressemble pas. Sa maman doit être très belle. » Détournant le regard lorsque Camber avait relevé les yeux vers lui, il avait rangé le téléphone à sa place initiale, dans sa poche, en marmonnant d’un ton fuyant « Elle l’était, oui. » En se détestant d’avoir laissé ainsi la conversation dériver pour en arriver là.
Désireux de retrouver une certaine contenance, il avait à nouveau subtilisé la cigarette des doigts de la jeune femme, par esprit de contradiction autant que par ce besoin soudain d’un peu de nicotine supplémentaire dans l’organisme. Il y avait un côté presque innocent dans la question qu’elle venait de lui poser, à moins que ce ne soit que l’effet de l’alcool sur son esprit un peu brumeux, mais s’amusant de la proximité installée sans crier gare tandis qu’elle revenait à la charge « Dis-moi. » S’amusant silencieusement de la voir à nouveau rougissante tandis qu’il apportait une réponse à ses interrogations, il avait usé d’autodérision majoritairement dans le but de dissiper le malaise qu’il aurait pu créer chez elle, s’étonnant alors un peu alors que le nouveau nuage de fumée se dissipait de l’entendre défier « Tu n’as qu’à me faire changer d’avis. » avec un aplomb presque excessif pour son esprit alcoolisé. Ouvrant la bouche, bien tenté de vouloir la prendre au mot, il s’était néanmoins retrouvé interrompu par le bruit d’un klaxon et s’était vu jeter un coup d’œil rageur vers le taxi qu’ils attendaient pourtant jusqu’à maintenant presque comme le messie. « Je crois qu’on nous attend. » Retrouvant le sérieux que le brun n’avait pourtant pas été mécontent de la voir perdre quelques instants, Camber s’était hissée sur sa béquille pour se remettre debout, lui tendant une main qu’il avait silencieusement refusé tandis qu’à son tour il utilisait sa propre béquille et grimaçait légèrement de se remettre sur ses deux pieds. « Ça serait dommage de rater aussi celui-là. » Se retenant juste à temps de faire remarquer qu’ils n’avaient pas tant « raté » le précédent que laissé filer, il s’était contenté de suivre le mouvement avec calme « Même pas une pointe de regret pour ce banc serviable qui nous a accueilli sans faire d’histoires, eh bien. » et de finalement prendre place avec elle à l’arrière du véhicule. « Bonsoir, 102 Pine Rivers s’il vous plait. » L’espace d’un instant il avait presque oublié qu’elle vivait là-bas, chez les puelefric, et avait accueilli avec une certaine surprise ce qui avait suivi « Je fois avoir quelques trucs à boire chez moi si jamais tu veux t’arrêter. Il me semble qu’on n’a pas terminé avec cette histoire de cigarette. » Vraiment ? Pourtant il ne s’était pas gêné pour tirer une dernière fois dessus tandis qu’elle se remettait debout, avant d’écraser ce qui restait du mégot contre le dossier du banc et de l’abandonner dans le caniveau. « Si je ne te connaissais pas je penserais que tu essayes de me rendre aussi ivre que toi. » avait-il alors fait remarquer avec une pointe de moquerie, l’ironie résidant bien entendu dans le fait qu’en réalité non, il ne la connaisse pas. Pas vraiment, en tout cas. « Vous avez entendu la dame ? » avait-il alors adressé au chauffeur, qui attendait visiblement toujours après une seconde destination « 102 Pine Rivers. Merci. » Et sans qu’il n’ait véritablement à le formuler de cette façon la réponse à la proposition de Camber était donc oui.
Volontairement ou alors simplement parce que la présence d’un public – le chauffeur de taxi, aussi peu intéressé soit-il – les empêchait de continuer leur joute verbale dans l’habitacle du véhicule, le trajet jusqu’à Pine Rivers s’était fait dans un silence relatif, troublé seulement par la musique qui s’échappait de l’autoradio et que ni Camber ni Tommy n’avaient eu la présence d’esprit – ou l’envie – de faire changer. « 102 Pine Rivers. $38 s’il vous plait. » Ouch. Sans mentir, Tommy prenait tellement peu le taxi qu’il avait un peu oublié à quoi ressemblait le prix d’une course, et fouillant dans la poche de sa veste il en avait sorti un billet de vingt dollars froissé et quelques pièces qui avaient dû passer à la machine à laver une fois ou deux. Vingt-sept dollars et quarante-trois centimes très précisément, c’était tout le liquide qu’il possédait sur lui tandis qu’il levait vers Camber un regard dépité. Oh elle avait probablement de quoi payer les dix et quelques dollars manquant, il n’en doutait pas, mais c’était sa fierté à lui qui se retrouvait prise de dépit et le faisait presque regretter d’avoir accepté cette invitation. Il aurait dû rentrer à pieds, voilà tout, rien qu’un ou deux cachetons supplémentaires en arrivant chez lui n’aurait su calmer lorsque son côté gauche aurait manifesté son mécontentement. « Je te rembourserai. » avait-il cependant simplement marmonné d’un ton bourru – et gêné – lorsqu’elle avait effectivement avancé la somme manquante pour régler la course. Chacun récupérant sa béquille et s’extirpant non sans difficulté de la voiture, Tommy s’était laissé guider silencieusement jusqu’à l’entrée de l’immeuble où tous deux avaient pénétré après que Camber ait composé le code de l’interphone. Il n’y avait pas de digicode dans l’immeuble de Tommy, quant à l’ascenseur il ne fonctionnait presque jamais, contrairement à celui dans lequel ils venaient de monter tous les deux, la jeune femme appuyant sur le bouton qui correspondait à son étage. La lumière artificielle de la cabine d’ascenseur agressait leurs yeux, et les joues rosies de Camber lui apparaissaient plus précisément maintenant qu’ils avaient quitté la pénombre de la rue et de la voiture.
“It's not a question of who is wrong and what is right, but time can not heal what you will never recognize. 'Cause all of this is all that I can take, and you could never understand the demons that I face. So go ahead and bat your eyes and lie right to the world, for with everything you are, you're just a little girl.”
En lui avouant préférer sa compagnie à celle de l’inconnu du bar, la notaire aurait pu mettre sa main à couper que Tommy ne manquerait pas cette occasion de se vanter, juste pour le plaisir de l’emmerder en tout cas. De ce qu’elle avait eu le temps de voir de lui au cours de leurs dernières rencontres, le serveur ne semblait pas se porter assez d’estime pour réellement croire en ses propres compliments. « Mais c’est qu’on dirait presque un compliment de vous à moi ? J’en suis tout chamboulé. » Levant les yeux au ciel face à cette raillerie bien trop prévisible, Camber préféra lui donner pour toute réponse un sourire en coin, loin de vouloir lui donner plus de satisfaction. Même lorsqu’il s’agissait d’une conversation un peu plus sérieuse, comme la fille de Tommy, aucun des deux ne parvenait à garder sa langue de sa poche et ses moqueries de côté. Derrière chaque pique se cachait une intention cachée, celle d’en savoir plus sur lui, de le sortir de sa zone de confort et d'en découvrir plus sur ce qui se cachait réellement sous sa carapace. Cependant son interlocuteur était un adversaire de taille, bien loin de se laisser avoir par les questions cachées de la brune. « Physique digne d’une divinité grecque, humour ravageur, intelligence bien au-dessus de la moyenne … la liste est encore longue, mais je pense que tu as saisi l’idée globale. » Un rire instantané quitta sa bouche. « Dis-moi, est-ce qu’il t’arrive d’être sérieux parfois ? » C’était à se demander si une fois seulement ils avaient eu une discussion sans ironie. Avec plus d’insistance qu’elle ne l’aurait cru, Camber parvint finalement à obtenir plus d’amples informations sur son enfant, mais également une photo qui faisait office de fond d’écran sur son téléphone portable. Tommy devait vraiment l’aimer et l’imaginer en papa poule donnait un nouvel angle plein de charme à sa personnalité d’ours mal léché. « Absolument pas. Mais vous exagérez un peu, il me reste encore quelques années de tranquillité … » Ayant remarqué le léger état de panique dans le regard de Tommy, Camber haussa les épaules dans un air innocent pour lui faire comprendre qu’elle ne partageait pas son avis. Toujours plus avide de réponses, la brune se permit une allusion à la mère de Moïra, observant avec une grande attention son interlocuteur pour obtenir un indice visuel. « Elle l’était, oui. » Etait. Gênée par ce que sa curiosité avait engendré, Camber fixa le visage désormais fermé de Tommy sans dire un mot. Si jusqu’à maintenant elle avait eu des doutes sur la possibilité ou non de parler de la mère de Moïra, elle savait maintenant que le sujet était à proscrire.
La question était maintenant de savoir qu’elle était son erreur la plus stupide ce soir. Avoir bu plus qu’il ne fallait, avoir parlé de la mère de la petite ou avoir fait confiance à Tommy en fumant une cigarette pour la première fois de sa vie. Sans grande surprise, la notaire semblait croire que la dernière était la plus terrible. Qui aurait pu croire qu’un tel acte pouvait déclencher tant de choses. Si Camber souhaitait se cacher sous le banc pour la gêne occasionnée par la réponse de Tommy, l’homme semblait lui prendre un malin plaisir à la déstabiliser. Sa dernière phrase avait sonné comme un défi à ses oreilles, un défi qu’elle devait affronter avec audace. Poussée par une vague de courage alcoolisée, la jeune femme avait répondu sur le même ton, presque apeurée par la réaction de son interlocuteur. Rien n’arriva cependant et maintenant que le taxi était arrivé, elle ne saurait jamais ce que le barbu s’était préparé à lui répliquer. Presque vexée que Tommy refuse son aide pour se relever du banc alors qu’il paraissait bien plus blessé qu’elle, Camber fit mine de rien et s’éloigna du banc. « Même pas une pointe de regret pour ce banc serviable qui nous a accueilli sans faire d’histoires, eh bien. » Alors qu’elle se tournait vers lui, la notaire jeta un coup d’œil vers l’objet en question. « Eh bien, tu es plus sympathique avec ce banc qu’avec moi. Je ne sais pas quoi en penser » répondit-elle avant de sourire malicieusement en s’avançant vers le taxi qui attendait. Quand le serveur fut installé à ses côtés, Camber lui fit une proposition qui l’étonna elle-même presqu’autant que Tommy ne parut surpris. « Si je ne te connaissais pas je penserais que tu essayes de me rendre aussi ivre que toi. » Le sourcil droit arqué, la brune resta un instant bloquée sur un détail. Comme ça il la connaissait ? Cependant, elle n’eut pas le temps de répondre que son voisin de banquette s’adressa au chauffeur. « Vous avez entendu la dame ? 102 Pine Rivers. Merci. » Ces indications furent les derniers mots prononcés pendant le trajet. A vrai dire, se reposer un peu ne faisait pas de mal à la jeune femme qui commençait à sentir sa tête peser. Quand à cette esquisse de sourire qu’elle avait au coin des lèvres, elle ne parvenait pas à s’en débarrasser. Elle n’en revenait pas qu’elle ait accepté aussi rapidement son invitation. « 102 Pine Rivers. $38 s’il vous plait. » La voix du chauffeur l’avait tiré de ses pensées tourbillonnantes. Prête à sortir sa carte de crédit pour régler la course, Camber fut prise de vitesse par Tommy qui dégaina de sa poche un billet et quelques pièces. L’envie de lui dire de ranger le tout la démangeait, néanmoins elle savait que cela serait inutile. Le serveur avait trop de fierté pour la laisser payer et le vexer était la dernière de ses envies en ce moment même. « Je te rembourserai. » Il ne fallait pas être particulièrement intelligent pour comprendre que lui demander de l’aider pour compléter le prix de la course lui avait coûté beaucoup. « C’est pas la peine. Tu m’as déjà invitée au restaurant la dernière fois, je ne voudrais que tu penses que je suis une femme facile » Et sans lui laisser le temps de contester, elle sortit du véhicule, satisfaite de sa réponse. Peut-être qu’utiliser l’humour allait l’aider à accepter plus facilement son aide financière. Ce qu’elle avait affirmé n’était pas totalement faux qui plus est, Camber était une femme indépendante et n’était pas du genre à se laisser inviter par les autres.
Malgré leur marche lente d’handicapés, Tommy et elle arrivèrent enfin au troisième étage où se trouvait l’appartement de la notaire. Un court instant, elle se mit à paniquer quant à l’état dans lequel elle avait quitté son appartement ce matin. Camber avait toujours été quelqu’un de très ordonné, ce qui expliquait l’état impeccable de son appartement, cependant il lui arrivait parfois d’être en retard le matin et de laisser trainer ses affaires sur la route. Presqu’intimidée de laisser entrer Tommy dans son intimité, elle prit une grande inspiration et ouvrit la porte avant d’inviter son interlocuteur à rentrer. « Je t’en prie, fais comme chez toi » Du bout des doigts, elle avait appuyé sur l’interrupteur, illuminant son salon d’une vingtaine de mètres carré où seules quelques photos d’elle avec Cleo ou de Cami laissaient entendre qu’un humain vivait là et qu’il ne s’agissait pas d’un salon témoin. Tandis qu’elle retira ses hauts talons, la jeune femme soupira de bonheur avant fermer la porte derrière eux. « Tu peux garder les tiennes, c’est juste que les talons me font un mal de chien à la fin de la journée » Pas étonnant, d'autant que le medecin avait été clair à ce sujet concernant l'état de sa cheville, cependant elle n'en faisait qu'à sa tête. Ses yeux balayèrent aussitôt la pièce, vérifiant que ses craintes d’avoir oublié quelque chose étaient infondées. « Installe toi sur le canapé, je vais nous chercher à boire » Et aussitôt, elle s’éclipsa dans la pièce adjacente qui s’avérait être la cuisine. Quelques minutes eurent le temps d’écouler avant qu’elle ne revienne, une bouteille de scotch presque pleine et deux verres en mains. « J’ai trouvé ça dans un placard, c’est mon ex qui en buvait, autant te dire que cette bouteille est vieille » précisa-t-elle d’un air dépité. Alors qu’elle s’installa sur le canapé aux côtés de Tommy, la boule de poils rousse qui lui servait de chat fit son apparition dans le salon, venant renifler timidement le pantalon de son invité. « Je te présente Ron. Vous devriez bien vous entendre, il me juge autant que toi » Aussi triste que cela pouvait être.
L’arrivée du taxi s’était faite comme un cheveu sur la soupe, alors même que Tommy s’était chargé de l’appeler. Trop occupés que Camber et lui étaient visiblement à tester leur répondant mutuel, sans vouloir s’avouer que la discussion – comme leur compagnie – n’était pas aussi déplaisante qu’ils se plaisaient à le faire croire pour maintenir les apparences. On en oublierait presque que la situation résultait de l’une de leurs chamailleries et que c’était là l’unique raison pour laquelle ils se retrouvaient à devoir partager ce taxi. Quittant sans grands regrets – mais en boitillant – le banc qui les avait accueillis pendant leur attente, ils étaient montés en voiture sans cesser leur échange verbal, Camber remarquant d’un ton boudeur « Eh bien, tu es plus sympathique avec ce banc qu’avec moi. Je ne sais pas quoi en penser. » sans que Tommy ne sois plus capable de faire la différence entre les effets de l’alcool, ou une simple maitrise du second degré qu’il n’aurait pas soupçonné chez la jeune femme. « J’te file une copie double, et je te laisse quatre heures pour répondre à ce problème philosophique, deal ? » Le sourire taquin en prime, le brun s’était installé un peu plus à son aise dans le taxi, tentant de trouver une posture qui reposerait un peu la douleur installée dans son flanc comme si elle y était chez elle. Comme soudainement annihilé par la présence du chauffeur de taxi, le désir de faire la conversation s’était estompé tandis que la voiture démarrait, berçant en silence l’esprit alcoolisé de Camber et le léger vague à l’âme revenu envelopper Tommy après que elle ait été évoquée. Il n’arriverait jamais, le jour où Alice ne serait plus un problème, où en parler ne serait plus un problème … Et en même temps quoi, il n’en parlait jamais à personne, il n’en parlait même pas à Moïra, comme un sujet devenu tabou sans qu’il ne l’ait voulu. Alors en parler à celle qui le traitait encore de clochard et de parasite pas plus tard que quelques semaines en arrière ? Tout de même.
Avec la disparition du silence et leur arrivée à destination était revenu le ton bourru du brun qui, retournant ses poches presque vides avec dépit, avait senti la honte rougir le bout de ses oreilles. S’il y avait bien une personne face à laquelle il se serait passé d’avoir l'air d’un panier percé c’était Camber, et marmonnant faute de pouvoir de toute façon débourser l’intégralité de la somme réclamée par le chauffeur, il n’avait pas osé relever les yeux lorsque la jeune femme avait assuré « C’est pas la peine. Tu m’as déjà invitée au restaurant la dernière fois, je ne voudrais pas que tu penses que je suis une fille facile. » et s’était contenté de quitter l’habitacle la tête basse, sans même songer à faire une blague de mauvais goût pour détendre – ou empirer – l’atmosphère. Mais en se promettant malgré tout de rembourser son dû à la première occasion, histoire de soigner son ego présentement blessé. Si l’immeuble de Camber possédait un digicode, contrairement à celui de Tommy, les deux partageaient en revanche le désarroi de l'ascenseur en panne, et si la montée des trois étages s’était révélée être un supplice le brun s’était contenté de souffrir en silence. Un silence qu’il avait conservé de façon presque intimidée tandis que la jeune femme tournait la clef dans sa serrure et lui affirmait « Je t’en prie, fais comme chez toi. » tout en illuminant le salon sur lequel donnait la porte d’entrée. Plutôt que de laisser avec trop d’insistance son regard visiter la pièce, Tommy avait observé un peu dubitatif tandis que Camber retirait ses chaussures – perdant au passage huit bons centimètres – et en se demandant s’il était supposé en faire de même. « Tu peux garder les tiennes, c’est juste que les talons me font un mal de chien à la fin de la journée. » Laissant échapper un peu malgré lui un vague soupir de soulagement – elle n’avait probablement pas idée du temps que lui demandait actuellement le simple fait d'enfiler sa paire de converses et d'en nouer les lacets – il n’avait pu s’empêcher de faire remarquer « Quelque chose me dit que tu te débarrasserais de cette béquille plus vite, si tu n’étais pas juchée toute la journée sur ces instruments de torture. » tout en s’appuyant sur la sienne, de béquille. Mais elle faisait bien comme bon lui semblait, après tout.
Se permettant finalement un coup d’œil circulaire à la pièce, le barman eu l’occasion de réaliser que le séjour de Camber ressemblait par certains côtés à l’idée qu’il aurait pu s’en faire s’il avait déjà poussé le vice jusqu’à imaginer à quoi ressemblait son intérieur. Presque trop rangé pour être honnête, d’une propreté immaculée, et dépourvu à l’extrême du moins désir de personnaliser une décoration minimaliste qui existait peut-être déjà avant qu’elle ne prenne possession des lieux. « Installe-toi sur le canapé, je vais nous chercher à boire. » Le laissant seul un instant, elle lui avait laissé le loisir de ne pas suivre son conseil, et plutôt que de donner une chance au dit canapé il s’était avancé jusqu’à la fenêtre pour observer la vue. Le genre de vue comme on n’en trouvait qu’à Pine Rivers, les lumières de la ville éclairant élégamment le paysage. Bien loin de l’arrière-cour crasseuse et où s'entassaient les poubelles de l’immeuble, deux étages sous les fenêtres de Tommy, paradis du chat Microbe uniquement. Claudiquant à nouveau à travers la pièce le brun avait arrêté un instant son regard sur le cadre posé sur un guéridon, Camber accompagnée sur la photographie d’une autre femme aux traits familiers ; Une sœur, sans doute, ou bien une cousine. Atteignant finalement le canapé Tommy s’y était laissé tomber sans aucune grâce et en grimaçant légèrement, précédant de quelques instants seulement le retour de Camber, bouteille de whisky à la main. « J’ai trouvé ça dans un placard, c’est mon ex qui en buvait, autant te dire que cette bouteille est vieille. » Une partie de lui ayant presque envie de demander combien de temps précisément, Tommy s’était abstenu pour ne pas donner de cartouches supplémentaires à la réputation de goujat que la jeune femme semblait déjà lui attribuer, mais avait néanmoins commenté « Le Whisky n’a pas l’air d’être ta tasse de thé, à en juger par le niveau de la bouteille. » Encore plus si elle était véritablement là depuis longtemps. « Mais pour ce que ça vaut, ton ex avait l’air de s’y connaître. C’est pas le genre de Whisky qu’on trouve au supermarché du coin. » Et en même temps il repensait à Camber, ses talons hauts et son tailleur, et il avait du mal à l’imaginer faisant ses courses au supermarché du coin. Non, il l’imaginait plutôt fréquenter les épiceries bio hors de prix et le marché du dimanche matin.
Alors qu’elle déposait bouteille et verres sur la table basse et prenait à son tour place sur le canapé, un miaulement distrait avait attiré leur attention vers la boule de poils orangée qui, s’étirant avec paresse à mi-chemin dans le salon, les avait finalement rejoint. Reniflant avec curiosité le bas du jean de Tommy, probablement intrigué par l’odeur de chat que Microbe y avait sans doute laissé, l’animal avait poussé sur ses pattes arrières avec élan pour venir se frotter contre sa propriétaire « Je te présente Ron. Vous devriez bien vous entendre, il me juge autant que toi. » Arquant un sourcil mi-surpris, mi-amusé, le brun avait tendu une main prudente vers l'animal tandis que Camber s’occupait de leur servir à boire. « Ron ? Vraiment ? » Camber soserious Huntington, amatrice des aventures littéraires d’un sorcier binoclard, qui l’eu cru. « Et je ne te juge pas … » Le mensonge était si gros que lui-même n'arrivait pas à s’en convaincre. « … Pas tout le temps. » Voilà qui était déjà plus raisonnable. « Mais tu me rends la tâche un peu facile, aussi. » s’était-il malgré tout justifié d’une moue presque boudeuse. Se saisissant du verre qu’elle venait de lui tendre, Tommy l’avait rapproché de celui de Camber en questionnant « À quoi est-ce qu’on trinque ? » parce que quitte à continuer de faire grimper le taux d’alcoolémie de la jeune femme et entamer le sien, autant y trouver une excuse qui tienne la route. « Ta première cigarette et le fait qu’elle ne t’aies pas achevée ? » Et à l’entendre il s’en était fallu de peu. « Ou notre réussite commune à être venu à bout de cet escalier, ce qui en notre qualité d'estropiés équivaut plus ou moins à une ascension de l’Everest. Au moins. » Et là encore, aucune exagération. Ou si peu.
“It's not a question of who is wrong and what is right, but time can not heal what you will never recognize. 'Cause all of this is all that I can take, and you could never understand the demons that I face. So go ahead and bat your eyes and lie right to the world, for with everything you are, you're just a little girl.”
Avec le temps qu’ils avaient passé ensemble et l’alcool qui continuait de circuler dans ses veines, visiblement en quantité plus importante que son propre sang, il devenait particulièrement difficile pour Camber de garder son sérieux. Jouer les saintes nitouches coincées et se retenir de rigoler face à l’humour qu’elle devait avouer plutôt bon de Tommy, lui étaient actuellement impossible. « J’te file une copie double, et je te laisse quatre heures pour répondre à ce problème philosophique, deal ? » Réellement impressionnée par son sens de la répartie dont l’inspiration semblait sans fin, la brune laissa échapper un gloussement à moitié contenu. Il fallait parfois s’avouer vaincue et clore une joute verbale sur une réplique à laquelle on ne pouvait pas ajouter grand-chose. Ce fut d’ailleurs la dernière avant un long moment, puisque leur trajet s’était déroulé dans un silence absolu. En réalité, la jeune femme n’était pas sûre qu'elle aurait eu le droit à un mot si son invité ne s’était pas retrouvé en manque de monnaie pour régler la course. Son instinct féminin lui cria que ce silence soudain devait être de sa faute, tout du moins partiellement. Parler de la mère de son enfant était un sujet périlleux, elle s’en était douté, pourtant elle avait cédé à la tentation. Plusieurs fois sur la route, elle avait hésité à s’excuser, néanmoins l’air pensif et perdu du barbu l’avait découragé. Maintenant qu’ils étaient arrivés devant son immeuble, elle espérait simplement que sa bonne humeur – si on pouvait l’appeler ainsi – allait finir par refaire surface.
Sa grande sœur et son cousin mis de côté, Camber réalisa qu’il y avait bien longtemps qu’elle n’avait pas reçu quelqu’un. Elle si organisée, se sentit chamboulée dans ses habitudes de vieille fille. Mais encore une fois, la quantité incalculable de vin qu’elle avait ingurgité ce soir eut raison de son attitude habituelle, la décoinçant assez au point de se sentir rapidement à l’aise chez elle et d'ôter ses talons. Avec quelques centimètres en moins, la trentenaire invita Tommy à faire comme chez lui, pas pour autant certaine que son conseil soit efficace. « Quelque chose me dit que tu te débarrasserais de cette béquille plus vite, si tu n’étais pas juchée toute la journée sur ces instruments de torture. » Dans un coup d’œil vers la béquille qui la soutenait toujours, Camber haussa les épaules. Il avait entièrement raison et à son plus grand désarroi, elle n’avait pas grand-chose à lui répondre pour sa défense. « Rencontre mes collègues et tu verras si ça vaut pas le coup de se torturer » Dans son cas, le mot adversaires était bien plus approprié pour définir les hommes qui travaillaient au sein de son cabinet. Dépitée par cette pensée de rage contre le machisme dont il faisait preuve, la trentenaire prit la décision d’aggraver son cas en continuant de boire. Si son choix s’était d’abord porté vers son frigo où l’on pouvait toujours trouver une bonne bouteille de vin blanc, elle se ravisa et songea à quelque chose d’un peu plus corsé. Sur la pointe des pieds, elle extirpa d’un des placards une vieille bouteille abandonnée par Oliver, lorsqu’il l’avait plaquée. Un instant, elle se demanda ce qui l’avait poussé à garder ceci en sachant qu’elle n’en boirait jamais puis se félicita, elle avait au moins quelque chose à offrir à son invité. De retour dans le salon où Tommy s’était installé sur le canapé, elle annonça la couleur, la langue toujours plus déliée au fil des minutes. « Le Whisky n’a pas l’air d’être ta tasse de thé, à en juger par le niveau de la bouteille. Mais pour ce que ça vaut, ton ex avait l’air de s’y connaître. C’est pas le genre de Whisky qu’on trouve au supermarché du coin. » Bien qu’elle n’ait strictement aucune idée de la façon dont l’homme pouvait juger la qualité de ce whisky, Camber ne pouvait que lui donner raison. « Disons simplement qu’il aimait les bonnes choses et qu’il pouvait se permettre de les avoir » répondit-elle, les yeux dans le vide à songer à l’époque où Oliver vivait encore ici. Une époque qui lui semblait bien lointaine, renforçant ce sentiment de solitude qui ne cessait de croître en elle.
N’ayant pas la moindre envie de discuter de lui avec Tommy, Camber fut ravie par l’arrivée pleine de curiosité de son chat, qu’elle s’empressa de présenter à son invité. « Ron ? Vraiment ? » Sentant la moquerie dans sa voix, ce qui pouvait s’avérer compréhensible compte tenu de l’image qu’elle lui avait toujours donné, elle ne perdit pas une seconde pour s’expliquer. « C’est un vieux chat d’accord, j’étais jeune et fan. » La vérité était qu’Harry Potter faisait toujours partie de ses classiques et que bien souvent, il lui arrivait d’en regarder encore les films le dimanche. Cependant, il était hors de question de donner ce détail à celui dont le jugement était déjà beaucoup trop facile. « Et je ne te juge pas … Pas tout le temps. » Ses propos étaient à la limite de l’outrage, si bien que la brune afficha un air horrifié, agrémenté d’un sourire amusé. « Mais tu me rends la tâche un peu facile, aussi. » Levant les yeux au ciel, Camber se permit un petit « Qui aime bien châtie bien, non ? » dont le sens implicite pouvait ou non être compris par son interlocuteur lorsqu’elle appuya son regard dans le sien. Alors qu’elle attrapa le verre qu’il lui tendit, la brune se fit impatiente face aux paroles qui allaient quitter les lèvres de son invité. « À quoi est-ce qu’on trinque ? » Dans un léger sourire en coin, elle le laissa continuer avant d’exprimer le fond de sa pensée. « Ta première cigarette et le fait qu’elle ne t’aies pas achevée ? Ou notre réussite commune à être venu à bout de cet escalier, ce qui en notre qualité d'estropiés équivaut plus ou moins à une ascension de l’Everest. Au moins. » Cette cigarette allait faire parler d’elle encore de nombreuses années, elle pouvait en mettre sa main à couper. Néanmoins, malgré la folie que cela avait représentée pour elle, son désir était bien ailleurs. « On garde la cigarette pour le prochain verre » commença-t-elle, démontrant au passage son désir de ne pas mettre un terme à la soirée de sitôt. « Je propose qu’on trinque aux bonnes surprises » Ses yeux noisette, légèrement piqués de rouge, avaient plongé aussitôt dans ceux de Tommy, dont le visage lui faisait face. Soutenant son regard pour y déceler une réaction quelconque, Camber avala sa gorgée, les yeux toujours fixes. Elle aurait pu rester longtemps comme ça si l’alcool ne lui avait pas littéralement brûlé la gorge, déjà bien irritée par sa première cigarette. « Oh c’est fort ce truc, comment vous faites » fit-elle dans une grimace, perdant tout à coup un peu du charme qu’elle avait affiché quelques secondes plus tôt. Sans dire un mot, elle se leva du canapé et disparut dans la cuisine, avant de revenir à peine moins d’une minute plus tard. Avec délicatesse, elle déposa un glaçon dans son verre de whisky. « T’en veux un aussi ou ta virilité supporte les degrés de ce truc ? » lui demanda-t-elle en désignant le verre qu’il tenait entre les mains. « J’ai déjà une avance sur toi, il faut que tu boives plus vite que ça d'ailleurs » Presque fière d’être celle qui incitait au vice pour une fois, elle s’éloigna de nouveau, se dirigeant cette fois-ci vers la chaîne hi-fi. Après quelques secondes de réflexion, son choix se porta sur un album de Queen, lui bien plus vieux que la bouteille de whisky, qu’elle lança en montant le son. Tandis que les premières notes de musique s’élevèrent dans la pièce, la jeune femme vint rejoindre son invité, prenant une nouvelle gorgée d’alcool. « Fais-moi rire, sur quelle musique notre jeune Tommy avait l’habitude de draguer les filles ? » Parce qu’elle en était certaine, Tommy avait dû être le genre de jeune bad boy qui les faisait toutes craquer.
Ça le fascinait un peu, cette volonté d’une partie des femmes à se jucher sur des talons aussi hauts pour, à priori, n’en retirer aucun plaisir si ce n’était celui de pouvoir les retirer à la fin de la journée. Même Alice en avait toujours été l’exemple parfait, ne jurant que par les converses, baskets et autres talons plats dans son quotidien mais s’obstinant néanmoins à enfiler des escarpins dès que son travail la menait à l’une de ces soirées guindées dont elle ressortait en serrant les dents pour retirer ses chaussures à peine installée dans la voiture. « Rencontre mes collègues et tu verras si ça vaut pas le coup de se torturer. » lui avait de son côté répondu Camber en guise de justification, Tommy moyennement convaincu parce que pas vraiment capable de voir où était le rapport entre les deux faits. A moins que l’on ne se menace mutuellement de se crever les yeux à coup de talon, là où travaillait la jeune femme ? « Je ne savais pas que le talon était un indispensable pour s’occuper du patrimoine des honnêtes gens. » Sourire un brin moqueur, mais véritable preuve que le brun ne savait pas en détails à quoi un notaire pouvait bien passer ses journées. Lui n’avait eu affaire qu’à un seul, et puisqu’il s’était occupé de tout ce qui avait été relatif au décès d’Alice on imaginait sans mal que ce ne soit pas pour Tommy un souvenir appréciable. Laissant Camber s’éclipser un instant et prenant quelques secondes pour observer autour de lui avant d’aller enfin prendre place dans le canapé comme elle le lui avait demandé, non sans laisser échapper un soupir d’aise lorsque sa jambe avait cessé de prendre appui sur le sol et permis à sa hanche de prendre un peu de répit. Récupérant malgré tout un visage impassible lorsque la jeune femme l’avait rejoint à nouveau, une bouteille de Whisky encore intacte à la main, il avait senti sa curiosité piquée par la mention de l’homme qui en avait été le propriétaire. « Disons simplement qu’il aimait les bonnes choses et qu’il pouvait se permettre de les avoir. » Difficile par cette simple phrase de se faire une idée plus précise du bonhomme, Tommy ne souhaitant pas se reprendre sa propre curiosité en pleine figure s’il se risquait à questionner (et d’ailleurs, quelle raison avait-il de se montrer si curieux, tout d’un coup ?). L’air de rien un « Pas seulement en terme de whisky, à priori. » lui avait malgré tout échappé, accompagné d’une œillade destinée à la laisser comprendre ce qu’elle avait envie de comprendre sans qu’il n’ait l’intention de préciser sa pensée.
Alors qu’elle leur servait un verre chacun et inaugurait ainsi cette bouteille qui attendait son heure de gloire depuis trop longtemps, tous les deux avaient été rejoints par le chat – un dénommé Ron dont le nom avait sans surprise arraché à Tommy un sourire narquois et une réflexion un brin moqueuse. « C’est un vieux chat d’accord, j’étais jeune et fan. » Comme pour lui répondre – ou protester, difficile à dire – l’animal avait posé son regard sur maitresse et avait émis un ou deux miaulements avant de décider d’aller s’allonger sur l’accoudoir à l’autre bout du canapé. « Et est-ce que Ron a l’habitude de scruter tous tes invités de cette façon, ou bien est-ce que c’est simplement mon charme naturel qui opère ? » Sa queue pendant dans le vide, l’animal continuait en effet de les observer. Probablement plus intrigué par l’odeur de chat qui pouvait avoir imprégné les vêtements de Tommy depuis que Microbe se croyait chez lui dans son appartement, que par un quelconque charme, cela dit. Protestant mollement à l’accusation faite selon laquelle il aurait le jugement un peu trop facile avec Camber, le brun ne lui avait pas fait l’affront de nier en bloc mais avait été un brin surpris de l’entendre conclure « Qui aime bien châtie bien, non ? » et avait froncé les sourcils pendant une fraction de seconde avant d’admettre, à son tour sur le même ton « Qui sait. » avant de se réintéresser presque aussitôt au contenu de son verre. D’abord tenté de le boire sans plus attendre, il avait finalement eu l’idée – peut-être saugrenue – de vouloir trouver une raison à laquelle trinquer tant que leurs humeurs respectives les maintenaient dans cet état de bonne entente presque inespérée. « On garde la cigarette pour le prochain verre. » avait d’abord décrété Camber, visiblement pas décidée à s’arrêter en si bon chemin en se contentant d’un seul. « Je propose qu’on trinque aux bonnes surprises. » Comme lorsqu’elle avait arboré l’argument du Qui aime bien châtie bien, Tommy lui avait offert une œillade plus surprise que dérangée, mais puisqu’il était justement question de surprise cela faisait de lui quelqu’un d’on ne peut plus dans le thème. « Aux bonnes surprises, alors. » Faisant ainsi passer le message d’un sentiment partagé, les rendant – une fois n’est pas coutume – sur la même longueur d’onde, le brun avait fait tinter son verre contre celui de Camber et goûté enfin au fameux Whisky. Avec plus d’appréciation qu’elle, à l’évidence. « Oh c’est fort ce truc, comment vous faites. » Laissant échapper un léger rire, il avait admis « L’habitude, sans doute. » en craignant un peu trop tard que cela le fasse subitement passer pour un alcoolique aux yeux de la jeune femme. Mais avant qu’il n’ait pu ajouter quoi que ce soit d’autre elle s’était levée, disparaissant à nouveau à la cuisine pour en revenir avec des glaçons « T’en veux un aussi ou ta virilité supporte les degrés de ce truc ? » Un sourire amusé sur les lèvres, il avait tendu son verre pour obtenir un glaçon à son tour en justifiant « Ma virilité et moi aimerions bien rentrer chez nous sans tituber. » D’autant plus que le trajet en taxi jusqu’ici lui avait ôté toute possibilité de payer un taxi pour rentrer chez lui ensuite. « J’ai déjà une avance sur toi, il faut que tu boives plus vite que ça d’ailleurs. » La prenant au mot, sans doute un peu par esprit de contradiction, il avait fait tourner le verre deux ou trois fois entre ses doigts pour commencer à faire fondre le glaçon puis en avait bu les deux tiers. « C’est à ton tour d’essayer de me corrompre ? J’espère que tu n’as rien rajouté de suspect dans mon verre dans l’espoir de profiter de mon corps ensuite ? » Gardant son sérieux l’espace d’une seconde ou deux, un rire lui avait finalement échappé tandis que le chat, finalement dérangé par tout ce bruit que faisait les deux bipèdes, quittait le canapé pour retourner d’où il était venu.
Plutôt que de revenir prendre place sur le canapé, Camber avait traversé le salon pour fouiller dans ce qui semblait être sa collection de CD – le genre d’antiquités que Tommy, ayant subi deux déménagements intercontinentaux, ne possédait plus depuis déjà longtemps – avant d’en choisir un et de mettre en marche la chaîne hi-fi. La tête de Tommy suivant doucement les premières notes du morceau facilement reconnaissable de Queen, il s’était à nouveau laissé surprendre par le choix de la jeune femme, sans pour autant savoir à quoi d’autre il se serait attendu … Les goûts musicaux c’était tellement personnel, tellement difficile à deviner. « Fais-moi rire, sur quelle musique notre jeune Tommy avait l’habitude de draguer les filles ? » Pouffant alors qu’il s’apprêtait à continuer son verre, le brun avait bu une gorgée avant de dodeliner légèrement sa tête « Tu crois que je ne sais pas que le moyen le plus efficace pour vous faire tourner la tête c’est de jouer soi-même de la musique ? » Affichant un sourire narquois, il avait bu à nouveau et reposé son verre maintenant vide sur le bord de la table basse. « Une guitare trouvée dans une brocante et deux trois accords bateau, et vous ne répondez plus de rien. » Du moins à l’adolescence, le brun doutait un peu que ce stratagème ait une efficacité comparable une fois passé un certain âge, autant côté homme que côté femme. « Mais je crois me souvenir qu’à l’époque du lycée, les filles de ma classe n’avaient d’yeux et d’oreilles que pour Robbie Williams. » L’accent so british et le côté gentiment bad-boy du chanteur encore en période post-désintox à l’époque n’y étant probablement pas pour rien non plus. Se tournant légèrement sur le canapé pour faire un peu mieux face à Camber, Tommy s’était naturellement engouffré dans la brèche « Allez, dis-moi tout, quel genre de lycéenne était la jeune Camber ? » Il avait bien sa petite idée, lui, mais puisqu’il allait de surprise en surprise il se disait que c’était l’occasion d’en avoir le cœur net. « Elle avait un crush sur quelqu'un ? » Là, il essayait juste de lui faire à nouveau monter le rose aux joues, plus que le Whisky ne parvenait déjà à le faire.