Ca me rassurait un peu de savoir que Selina me comprenait, qu’elle aurait fait la même chose si cette situation s’était produite dans sa famille. Trahir quelqu’un, encore plus son enfant et sa femme, ce n’est pas normal, on ne doit pas pardonner ce genre de personne. Ou tout du moins, faire comme si tout était normal, et que l’amour était toujours présent. Non, je déteste mon père, il a bien trop fait souffrir ma mère, il ne mérite même pas mon respect. Et forcément, revoir ce frère avait fait ressortir ces sentiments. Mais aussi de la peine. Parce que c’était mon frère et qu’il avait souffert lui aussi dans cette histoire. Personne ne mérite ça. C’est alors que Selina enchaîna sur un cadeau. Cadeau auquel je ne m’attendais pas du tout. Elle me donnait la clé de chez elle. Oui, elle me proposait de venir autant que je voulais et sans même la prévenir. C’était une belle preuve de confiance et je m’en sentais touché. Mais j’étais aussi perdu. Y’avait-il un sens caché ? Vu que je n’avais plus de domicile fixe, est-ce que je n’allais pas passer toutes mes soirées chez elle ? C’est déjà presque ce que je fais. C’est une sacrée évolution, mais je ne voudrais pas m’imposer à vivre chez elle alors qu’elle ne m’y a pas invité. Je suppose que je verrais bien, quitte à passer mon temps à échanger entre chez ma mère et ici. Elle me proposait tout de même d’apporter des affaires, sûrement pour me sentir plus à l’aise. Mon regard se perdait sur la clé, en pleine réflexion et lui répondais Merci beaucoup Selina. Je … Je ne sais pas trop quoi dire, je suppose que ça va faciliter les choses avec les petits. Mais quant à sa vie privée, je n’allais pas la gêner ? Elle ne semblait pas y penser. Ou alors, elle ne pense vraiment qu’à ses enfants, tout comme moi. Dans ce cas-là, cette colocation aménagée semble être idéale. J’ai bien envie de fêter ça. Tu m’accompagne pour un petit verre ? Parce que oui, je savais parfaitement ce qu’il y avait dans ses placards et son frigo, et où ça se trouvait. Un petit digestif après ce bon repas semblait de rigueur.
Colin ne savait plus trop où se mettre. Non. Il ne s'attendait pas à ce qu'elle lui offre la clé de chez elle. Pour Selina, c'était important. Elle n'irait pas jusqu'à dire que c'était pour faciliter leur vie de famille. Elle n'irait pas jusqu'à dire que c'était pour qu'ils se mettent ensemble, ou quelque chose dans le genre. Non. Du tout. Selina voulait qu'il se sente bien chez elle. Chez eux. Oui, chez eux. Ils n'étaient pas ensemble. Non. Mais Selina se voyait bien avec lui. Oui. Ils s'entendaient bien. Ils apprenaient à se connaître petit à petit. Progressivement. Quoi qu'il en soit, oui, Colin pouvait emménager s'il le souhaitait. Sinon, et bien, c'était son choix après tout. S'il voulait amener ses affaires, oui, il pouvait le faire. S'il voulait rester en dehors, il pouvait le faire également. Elle n'allait pas l'obliger après tout. Ce n'était pas son genre. Non. Du tout. En tout cas, Colin était un peu sur le cul. Il ne savait pas quoi dire réellement. La journaliste eut un sourire. "Pour les petits, oui, mais pour toi également." Elle hocha quelque peu la tête. "Comme ça, si tu veux te poser, ça sera plus simple. Partir à l'heure que tu veux. Rentrer à l'heure que tu veux. Et ne pas toujours être dépendant de moi." Pour Selina, c'était la meilleure solution. Pour lui. Comme pour elle. D'autant plus quand elle reprendrait le travail et qu'il faudrait récupérer les petits chez les grands-parents ou bien chez la nourrice. Ca serait plus simple si elle avait un imprévu et qu'elle ne pouvait pas aller les chercher. Colin pourrait le faire et les ramener à la maison. "Après, voilà, te sens pas obligé. Mais je pense sincèrement que ça peut être une bonne chose." Et pas qu'un peu. "Et puis, j'aime bien t'avoir ici." Ouais. Elle aimait bien sa présence. Elle n'irait pas jusqu'à dire qu'elle se sentait en sécurité quand il était dans les parages. Mais presque. Colin voulait fêter ça. "Bien sûr. Avec plaisir." Elle n'allait pas le laisser boire tout seul. Non.
Oui, c’est évident, la vie risquait d’être bien plus pratique maintenant que j’avais le droit de rentrer, venir et partir à ma guise chez Selina. Qui aussi chez nos enfants. J’aurais certainement agi de la même manière qu’elle à sa place. Tout faire pour nous enfants, voilà ce qu’il nous ressemble. Je me sentais tout de même un peu gêné quand elle me fit savoir qu’elle aimait bien m’avoir avec elle. Ou tout du moins chez elle. Ca me touchait de base ce qu’elle faisait ici, mais encore plus quand elle me faisait remarquer ça. Parce que oui, franchement, c’était réciproque. Mais comment lui dire sans que ça passe de façon bizarre ? Aucune idée, tellement que je devais paraitre stupide à sourire et à la regarder bêtement. Ce que je peux être nul ! Même malgré mes sept ans de mariage je ne suis toujours aussi nul pour ce genre de sentiments. Alors voilà, à la place, je lui proposais un verre. Niveau communication, heureusement que j’étais bien meilleur. Me confier sur mes sentiments, ça, c’est autre chose. Bien que le stade de la famille soit déjà franchi. C’est un pas de plus dans notre relation, peu importe la nature qu’elle a. Je me levais alors pour nous servir deux verres, demandant au passage ce qu’elle souhaitait boire, tout en finissant par lui dire L’autre avantage qu’il y a aussi, c’est que ma mère me saoulera beaucoup moins. Il y a des jours où elle ne me calcule même plus, et d’autres où elle est sans arrêt sur mon dos. Et par moment, j’ai vraiment l’impression d’avoir 15 ans de nouveau ! Lui signifiais-je en me mettant à rire. Je nous rapportais alors les verres et rapprochais ma chaise d’elle pour pouvoir trinquer plus facilement.
Oui. Selina aimait bien l'avoir à la maison. Elle aimait bien le savoir dans les parages. Pour elle-même. Mais également pour les bébés à dire vrai. Elle trouvait que c'était plutôt important que les petits aient un contact avec leur père. Et pas qu'un peu. Elle trouvait que c'était important qu'ils grandissent avec Colin dans les parages. Elle n'avait pas envie de faire ça toute seule. Elle le ferait, bien évidemment, s'il fallait le faire. C'était pas là le problème. Néanmoins, elle avait envie de le faire avec le père de ses enfants. Avec sa soeur, sa famille, oui, c'était pas gênant. C'était appréciable. Et si Colin était dans les parages, elle n'en serait qu'heureuse. Pour sûr. Et elle espérait ... Selina espérait fortement que ... Et bien, qu'il allait accepter. Et qu'il n'allait pas prendre la poudre d'escampette. Non. Après, s'il le faisait, s'il s'en allait, c'était son choix à dire vrai. Mais elle avait envie de faire ça avec lui. Et non pas sans lui. Enfin. De toute manière, il semblait bien le prendre. Et Colin avait envie de prendre un verre avec elle. Chose que Selina pouvait s'autoriser à boire un peu d'alcool puisque les deux crapules étaient nées. Ca lui avait manqué, mine de rien, quand elle était enceinte. Mais bon. C'était derrière elle. Pour sûr. Et ça ne risquait pas de se reproduire. "Merci." La journaliste se mit à rire quelque peu quand ... Et bien, quand Colin en vint à lui dire que sa mère était tout le temps sur son dos, comme s'il avait encore quinze ans. "Ah, j'avoue ... J'aimerais pas être à ta place mine de rien. Parce que ça doit pas être drôle." Mais alors pas du tout. Non. Fort heureusement, sa mère n'était pas tout le temps sur son dos. Non. Elle appelait. Souvent. Et elle appelait toujours quand elle voulait passer. Histoire de savoir si sa fille était disponible ou bien si ça ne dérangeait pas. "Au moins, t'auras un endroit où te planquer si jamais t'as envie d'être au calme."
J’adore ma mère, à ne pas confondre, mais parfois, j’ai encore l’impression que si je fais un pas de travers, je vais en prendre pour mon grade. Même si je sais qu’elle fait ça pour mon bien, mais à mon âge, ça commence à devenir malsain. J’espère sincèrement que je n’en arriverais pas là avec ma fille, ou même mon fils. Sait-on jamais. Même si je sais pertinemment que je ferais tout pour protéger ma fille, même quand elle aura 40 ans, peu importe, elle sera toujours ma fille. Toujours est-il que le fait que Selina me propose de venir plus souvent ici en ayant déjà la clé, ça me touchait et me réconfortais. Parce que, pour être honnête, vivre entre deux habitations, c’est comme être un sans domicile fixe. C’est ce que je suis. Alors, me dire que j’ai à présent un vrai pied-à-terre qui ne m’encombre pas et qui me permet d’avoir ma liberté, et pas seulement ma chambre d’ado, oui ça fait du bien. Je me suis mis à rire de façon nerveuse quand la blonde compatissait à ma vie avec ma mère. Je me rappelle encore, alors que je n’avais pas encore la majorité, quand elle m’étouffait bien trop, et que ma seule échappatoire c’était ma petite sœur. Heureusement qu’elle est là, sinon je serais devenu fou seul avec ma mère. Mais en même temps, elle a tellement subi des erreurs et des infidélités des hommes, que je n’ai jamais rien pu lui redire. J’ai toujours été trop gentil avec elle, d’où le fait qu’elle me surprotégeait et qu’elle m’empêchait de faire du mal aux filles. Résultat des courses, je n’ai eu qu’un seul vrai amour et je l’avais faite souffrir à cause de ma jalousie. Alors oui, depuis j’ai eu du mal à concentrer cette émotion, tellement que j’ai péter également un plomb quand j’ai vu mon ex-femme dans les bras d’une autre. Encore heureux que je n’ai pas céder à mon impulsivité cette fois-ci. Mais je m’égare et je voulais profiter de ce moment avec Selina, pendant que les petits sont endormis. Et encore, elle risque de se pointer ici pour voir ses petits-enfants encore plus souvent. Signifiais-je à la maman qui n’avait encore jamais eu l’occasion de rencontrer la mienne, mais ça ne saurait tarder. Je tendais alors mon verre vers celui de Selina et lui disais A nos enfants et à cette nouvelle vie ensemble. Parce que oui, maintenant que j’avais la clé, je risquais d’être encore plus souvent chez la blonde, me disant alors que je me sentirais certainement un peu plus chez moi.
Colin aurait un chez lui maintenant. Il aurait un pied à terre. Il pourrait être tranquille. Il pourrait venir quand il voulait. Brèfle, ce n'était que du plus pour lui mine de rien. Ouais. Il serait bien. Et Selina serait ... pas tranquille. Mais disons qu'elle appréciait sa présence et elle aurait plus l'impression d'être une famille. De former une vraie famille avec les enfants. Après, ça n'engageait qu'elle. Après, s'il ne voulait pas venir, pas rester, elle ne l'obligerait pas pour autant. Elle ne lui mettrait pas un couteau sous la gorge. Mais elle apprécierait. C'était certain. Colin en vint à la faire sourire en lui expliquant que sa maman risquerait de venir dans les parages pour voir les petits. "Et bien écoute, ça ne me dérange pas." Elle secoua la tête. "Elle est libre de venir quand elle le souhaite." Ouais. Et pas qu'un peu. "Après, bien sûr, faut qu'on soit à la maison pour qu'elle les voit mais bon." Au pire, faudrait que Selina lui laisse son numéro de téléphone. Pour qu'elle lui envoie un sms quand elle voulait passer. Une idée comme une autre. "Et puis, ça me permettra de la rencontrer." Parce qu'elles ne se connaissaient pas encore toutes les deux. "Tu peux lui donner mon numéro si tu le souhaites. Comme ça, quand elle veut passer, elle me prévient." Elle eut un hochement de la tête. C'était pas une mauvaise idée, non ? Ils en vinrent à trinquer tous les deux. "A nous." Elle eut un sourire. Ca s'annonçait bien. Ouais. Ca s'annonçait bien.
Heureusement pour ma mère, ça ne semblait pas poser de problème à la maitresse de maison qu’elle vienne ici de temps en temps. Il paraissait bien évident qu’elle ne pouvait pas venir comme dans un moulin. Après tout, c’est elle qui m’a éduqué, et vu que je ne m’étais pas encore permis ça ici, elle n’en ferait rien, elle non plus, évidemment. Ça leur permettrait aussi de faire connaissance, même si j’ai peur pour l’engouement de ma mère. Je l’imagine bien déjà la considérer comme sa nouvelle belle-fille. A contrario, j’ai davantage peur de la réaction de ma petite sœur. Mais qu’importe, il viendrait un temps à ces rencontres, et l’idée de donner le numéro de téléphone de Selina à ma mère, en était une bonne. Je hochais donc de la tête tout en lui répondant C’est parfait. Même si pour au moins les premières fois, elle n’osera pas te prévenir directement. J’eus alors un petit rire avant qu’on ne se mette à trinquer avec notre petit verre d’alcool pour fêter cette nouvelle vie qui s’offrait à nous. A nous. Même si au fond, ce n’était pas le terme exact, je pensais davantage à nous, notre petite famille. Alors pourquoi je pensais tout de même à la deuxième interprétation ? Je m’auto-saoulais et préférais donc ne plus penser du tout, profiter de l’instant présent, et je me soucierais de tout et de rien dès demain. En attendant, c’était un sacré soulagement cette nouveauté dans ma vie, avoir un vrai pied à terre, surtout depuis que j’avais décidé de quitter ma femme. Enfin, mon ex-femme. En espérant que plus rien n’y personne ne vienne interférer dans ce bonheur que j’arrivais de nouveau à construire. A présent, j’espérais aussi être le meilleur père de la planète et ne pas trop déranger Selina dans ses habitudes, même si je me demande bien si la vie de colocataire va nous convenir. Ce n’est pas dit après tout, même si au fond, ça se passe toujours bien lorsque je viens squatter. Il n’y a donc aucune raison.
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