Comment j’avais réussi à être aussi bête ? Je n’arrête pas de me le demander à cet instant précis de ma vie, à cet instant où je me retrouvais coincé dans ce camion réfrigéré. Le comble, c’était que je crevais de chaud juste avant après avoir piqué un sprint. En t-shirt. Autant vous dire que là, je me les pèle bien comme il faut. L’énorme avantage de ce traquenard, c’est que j’étais en compagnie de Delilah. Je savais que c’était une mauvaise idée de l’embarquer avec moi, malgré toute l’aide qu’elle m’a apporté pour qu’on se retrouve ici. Bon, soit, ce n’est pas le lieu idéal pour se retrouver vainqueur, non, loin de là. A mon avis, on va soit se retrouver totalement congelé, soit nos pistes seront totalement brouillées. Je n’étais même pas sûr à vrai dire que c’était tant un traquenard que ça. Est-ce qu’ils nous avaient vus rentrer dans le camion. On s’était caché à l’intérieur en entendant des bruits de pas. On s’était caché derrière ce qu’on pouvait et nous voilà enfermé, et frigorifié. Je me tenais les bras, essayant de me donner un peu de chaleur du mieux que je pouvais, n’osant même pas aller Delilah pour lui donner un peu plus chaud tellement j’avais froid. Je ne sais pas si c’est de la poisse ou de la chance à ce niveau-là. Oui, il fallait garder espoir, peut-être que le camion se dirige tout droit vers le gang qu’on essayait de retrouver, vers leur QG. Mais à ce moment-là, on se ferait totalement grillé. C’est relativement stressant de ne pas savoir ce qu’il nous attend derrière cette porte.

Plus on passait de temps dans ce camion réfrigérant, plus je me les pelais. En même temps, rien de plus normal après tout. Mais j’avais l’impression que ça durait déjà depuis des heures, alors que ça ne faisait que quelques minutes. J’aurais vraiment préféré me retrouver dans une bien meilleure situation que celle-là en compagnie de Delilah. On s’était déjà vu quelques fois en dehors du boulot, et ça avait été bien agréable. Là aussi je me dis que ça pourrait être agréable, seulement si ce camion cessait de fonctionner. Mais il était susceptible de nous emmener au repère du dealer qui nous intéressait, ou même à des preuves assez intéressantes. De toute façon, peu importe où ça nous emmène, nous n’avions pas vraiment le choix. Oui, c’est sûr. Lui répondais-je. J’espère juste que le chemin ne va pas durer des heures, je suis déjà en train de me les peler bien comme il faut. Oui, j’aurais du faire comme la blonde, mettre une veste également. Mais c’est vrai que je crève vite de chaud, surtout dans des affaires comme celles-ci, et je préfère davantage me retrouver en t-shirt plutôt qu’en veste ou pull. Je frictionnais alors mes bras tout en rajoutant Alors c’est quoi le plan ? Et interdiction de dire qu’on improvise ! Disais-je alors très sérieux mais avec un petit rire nerveux. C’était l’habitude de mon ancien beau-frère et coéquipier qui me proposait toujours de l’improvisation. A force, je m’y étais fait bien sûr, mais ça a toujours eu le don de me prendre un peu la tête de ne pas vraiment savoir comment on allait procéder selon les possibilités. Bien sûr, si aucune de ce qu’on avait prévu n’arrive, là, il vaut mieux faire place à l’improvisation. Mais pour l’instant, on en était pas encore là.

Un peu dépassé par les événements et le froid, je me suis mis à demander un plan à Delilah. Je me suis vite rendu compte de ma connerie. Non pas qu’elle ne pouvait pas avoir de bonnes idées, mais le type du terrain, c’est moi ici. Elle ne doit pas avoir beaucoup l’occasion de se retrouver coincée dans ce genre d’affaire. Ce que je peux être stupide. Evidemment qu’elle allait prévoir l’improvisation. Mais en même temps, c’était la seule solution logique. Impossible d’analyser le terrain, ni les gars qui nous trimballaient, ni le lieu où on allait se retrouver. Faire profil bas était la seule technique pour l’instant et se camoufler une fois arrivés à bon port. En espérant qu’ils ne déchargent pas tout de suite. On ne risquait pas grand-chose, il ne semblait pas avoir trop de choses importantes dans ce camion, à part le froid qui devenait de plus en plus intense. Ouais, je vais commencer à faire un coin où ils ne nous verront pas si jamais ils débarquent dans le camion avant qu’on ne puisse descendre. Cet endroit ne risque pas d’être très grand, mais au moins on passera inaperçu. Autant éviter de se faire ce coin avec la marchandise. Je commençais à m’activer, essayant de réchauffer mes mains avec mon souffle un peu plus chaud que l’air ambiant quand la blonde me demandait si je n’avais pas trop froid Je me les gèle bien comme il faut. Mais en bougeant un peu ça devrait aller. Je commençais alors à déplacer quelques étagères et caissons que je pouvais trouver D’habitude, j’aurais fait ça tout seul, mais ça te réchauffera peut-être de m’aider ? Lui proposais-je, sans trop savoir comment proposer ça au final. Je suis de loin un gentleman, et demander de l’aide tout court, j’ai vraiment du mal. Mais là, j’ai vraiment peur que la demoiselle ne soit congelée d’ici là.

La planque dans le camion serait un bon moyen si jamais ils décident de débarquer à l’intérieur avant qu’on ne puisse en descendre. Et s’ils sont plus de deux à nous accueillir, ça risquerait d’être compromettant s’ils nous voyaient à l’intérieur. Autant se protéger donc. Je commençais alors à nous aménager un coin, quand je la voyais à son tour greloter de froid. C’est évident que la différence de température n’est pas bonne pour le corps, et on allait très certainement crever de chaud une fois qu’on sera dehors. Parce que oui, on allait pouvoir réussir à sortir, je suis confiant. Je me suis mis à rire quand elle me fit part avoir envie d’un bon chocolat chaud. C’est bien le genre de phrase que je n’ai jamais entendu en Australie. En Irlande, oui, mais pas ici. Puis forcément, je lui proposais de m’aider, alors que je l’aurais fait inconsciemment tout seul. Mais il fallait qu’elle se réchauffe, il ne fallait pas qu’elle reste immobile ou le froid allait se figer sur elle. Evidemment, même si on ne se connaît pas depuis très longtemps, elle sait très bien que je ne laisse jamais le travail de manutentionnaire aux femmes. Ou plutôt, elle sait que je n’aime pas trop qu’on m’aide. Oui, c’est davantage cette dernière explication qui est la bonne. Je lui souriais quand elle acceptait. Mais au moment même où elle me rejoignait, voilà que le camion freina brusquement et que Delilah perdit l’équilibre. Bon, moi aussi, mais j’eus d’abord le réflexe de la rattraper, même si c’était pour me retrouver projeter contre la paroi du camion. Je gardais un instant la blonde dans mes bras, la regardant, alors qu’elle me faisait savoir que j’avais de bons réflexes. Je souriais de plus belle, me rendant compte qu’il vaudrait peut-être mieux se cacher tout de suite, au cas où on soit arrivé à bon port. Je me grouillais alors de nous emmener dans cette petite cachette assez exigu, pour être sûr de ne pas être vu. Et puis, on se retrouvait aussi proche que tout à l’heure, voire même encore plus. Je la serrais contre moi, alors qu’aucun bruit ne sortait. Nos souffles étaient à peine audible, je sentais seulement nos battements de cœur s’entrecroiser, et plus le temps de silence passait, plus je commençais à me sentir gêné d’avoir Delilah ainsi dans mes bras.

HRP:

Malgré le froid ambiant, je me sentais assez fiévreux. Je n’ai jamais caché mon attirance pour Delilah à cette dernière, elle a bien du s’en rendre compte depuis le début, encore plus depuis qu’on avait dîner ensemble. Mais là c’était assez gênant de l’avoir dans mes bras, tout simplement parce que je ne savais toujours pas si je l’intéressais aussi. Parfois je me dis que j’ai mes chances, mais la plupart du temps, je sais très bien que ce n’est pas le cas. Sinon, elle aurait déjà envoyé des signes n’est-ce pas ? Et ce qui arrivait aujourd’hui, n’était rien d’autre qu’un pur hasard pour encore plus me perturber. Mais ça, je finis par en avoir l’habitude. Le camion ne semblait alors pas redémarrer. C’était notre chance oui, on devait filer. Ce fut Delilah qui tentait sa chance, mais elle revenait bien vite discrètement en entendant des voix. On ne voyait rien, mais le camion était ouvert et ils l’avaient laissé ainsi. Parfait. On allait pouvoir filer. On attendait un instant, puis à contre coeur tout de même un peu, on se séparait pour sortir de ce frigo mobile. Delilah menait la marche et la suivais tout en vérifiant également que la voix était dégagée. Ils ne devaient être que deux dans le camion, tant mieux, et il valait mieux vite filer avant qu’ils ne débarquent à bien plus. J’avais eu le même reflexe que ma collègue et c’est l’arme en main qu’on se dirigeait dans ce grand hangar qui ne devait ressembler à rien vu de l’extérieur. Ou totalement camouflé. On le saura bien assez vite, j’ose l’espérer. Il nous fallait simplement l’adresse pour que la descente puisse être effectuée. J’essayais alors de repérer la sortie, et j’aperçus une porte légèrement entrebâillée, laissant apparaître ce qui semblait être la lumière du jour. J’osais simplement espérer que ce soir bien l’extérieur. Je la montrais donc à la blonde dans un léger coup de tête pour être le plus discret possible.

L’entrepôt était désert. C’était idéal pour qu’on puisse filer à l’anglaise. J’avais donc trouvé un échappatoire à notre escapade, et nous nous y rendions, jusqu’au moment où finalement, on n’était plus si seuls que ça. Une bien belle emmerde oui. Ca allait être plus chiant que compliqué, on allait devoir attendre, caché, que les types déguerpissent et nous laissent partir incognito. Delilah prit la décision rapide d’envoyer un sos pour qu’ils viennent nous récupérer et ça semblait être la meilleure solution pour l’instant. Une chose est sûre, c’est bien la première fois qu’on est autant proche l’un de l’autre. Et ça, au moins, c’était loin de me déplaire. J’entendais alors des bruits de pas, bien trop proche de notre nouvelle cachette et attrapais la main de la blonde qui me montrait son message pour cacher la lumière qu’il projetait, histoire de ne pas se faire repérer. Mon cœur ne palpitait pas tant que ça, j’ai l’habitude de devoir me cacher, même si ça ne m’arrive pas non plus à chaque mission. Mais le contrôle du stress et de la peur fait partie intégrante de mon caractère à présent. Mais seulement au boulot, parce que même là, avec Delilah, je n’étais pas fichu de lui faire comprendre qu’elle me plaisait. Je me suis mis à la regarder, lui souriant, quand le danger des pas s’était éloigné. J’articulais alors des lèvres, pour émettre le moins de bruit possible pour lui demander Ca va ? Je lui souriais et la proximité ambiante a fait que ma main finit par toucher et même caresser sa joue pour bien lui montrer que je faisais attention à son état. Du moins, je l’imagine. Je me sentais un peu fiévreux et cette fois-ci, je sentais mon cœur battre un peu trop vite. Je me suis alors senti tout à coup gêné et rabaissais rapidement ma main en lui disant de la même manière que tout à l’heure Désolé …

Je me sentais honteux. Pourquoi ? Parce que j’étais bien trop proche d’elle, parce que je me permettais des attentions qui pourraient être interprétée comme déplacée. Mais il serait aussi peut-être que je comprenne vraiment ce que pense la blonde. Est-elle attirée par moi ou non ? D’où le fait que je m’étais laissé aller à lui caresser le visage. Sa réaction n’était pas vraiment significative, et ne m’aidais en rien à savoir ce qu’elle pouvait bien penser. Peut-être n’y pense-t-elle pas vu la situation ? Alors pourquoi moi j’arrive à y penser ? C’est assez frustrant comme situation. Ce n’est clairement pas le moment, et pourtant je n’arrête pas d’y penser. Elle me signifiait alors que les renforts arriveraient d’ici dix minutes. Il pouvait se passer des tonnes de choses en dix minutes, et ça semblait terriblement long quand on était coincé dans un endroit, surtout dangereux. J’avais envie qu’on sorte d’ici plus rapidement pour passer du vrai temps en compagnie de Delilah. Bien qu’au final, même quand elle avait joué l’infirmière quand je m’étais coincé le dos, on n’avait encore jamais été aussi proche. Alors autant que j’en profite. Seulement on ne pouvait pas vraiment discuter avec ces abrutis qui restaient dans le coin et qui commençaient à décharger le camion. En espérant qu’ils soient assez bêtes pour ne pas remarquer que leur matos avaient étaient bougés. En même temps, je n’avais pas non plus tout déménagé. Ils discutaient d’abord de trafic, se sentant très certainement en sécurité, pour finalement parler d’une manière pas du tout respectueuse des femmes. C’était assez révoltant et je ne m’imaginais même pas ce que devait ressentir Delilah à cet instant-même. Mais vu qu’elle n’a jamais fait beaucoup de terrain, j’ai bien peur qu’elle perde vite son sang-froid. Je la regarde alors, espérant que ça ne l’atteigne pas, pendant qu’on restait encore cachés. Mais leur déchargement ne dura pas si longtemps que ça, et à ma montre, on avait encore plus de cinq minutes avant que les renforts ne débarquent. Il était temps de fouiner un peu. J’attrapais alors la main de Delilah et l’embarquais à ma suite pour essayer de se rapprocher des preuves à l’appui qu’on pourrait bien trouver.

C’est évident que j’aurais préféré me retrouver aussi proche de Delilah dans une autre situation, mais au final, je me sentais confiant à l’idée de la protéger ainsi. Je me sentais presque pousser des ailes, alors qu’il ne se passait pas grand-chose entre nous, au contraire. On était proche, seulement parce qu’on ne devait pas se faire remarquer. Certes, elle ne me repoussait pas, mais encore une fois c’était seulement pour ne pas se faire prendre. On avait eu des occasions de se rapprocher, et cela me faisait dire que je n’intéressais très certainement pas la jolie blonde. Et non, depuis mes derniers échecs amoureux, je préfère largement rester en retrait. Même si je ne peux pas m’empêcher de jouer les protecteurs en lui prenant la main pour éviter qu’elle ne reste trop longtemps loin de moi. Heureusement les pauvres types misogynes avaient fini par déguerpir, laissant quelques sachets de leur précieux. Oui, ils se sentaient à l’abri, personne ne pouvait rentrer, ni sortir. On risquait gros, mais les renforts seraient bientôt là, on n’a plus longtemps à tenir. Pendant que je faisais le guet, Delilah en profitait pour récupérer des preuves. La meilleure preuve serait le carton entier, et j’allais tout faire pour que ça soit le cas. C’est alors qu’un énorme fracas se fit retentir. C’était du côté de la porte où on était quelques instants plus tôt. Seulement on n’était plus si bien caché, et les dealers allaient arriver d’un instant à l’autre. Les renforts sont là, mais j’ai bien peur qu’on se fasse repérer … Il fallait trouver une cachette, une vraie cette fois-ci, quitte à plonger dans l’une de ces énormes cagettes. Pas le temps de savoir ce qu’il pouvait s’y trouver, j’indiquais à Delilah qu’elle devait me suivre. Pas le temps de trouver une autre idée. Je n’aurais jamais pensé que cette enquête serait une si grande aventure, ni même que je préfèrerais me cacher plutôt que me battre. C’est ce que j’aurais fait si je n’avais pas eu Delilah à protéger.