Dans son bureau, Delilah était en train de regarder, longuement, ce tableau qui était accroché à l'un des murs. Un tableau ... une enquête plus précisément. Ce qui c'était passé en mars. L'explosion de ce bâtiment qui avait fait de nombreux morts. Donc une partie des membres de son équipe. Delilah cherchait toujours ceux qui avaient pu faire cela. Attentat ? Ou bien est-ce que c'était autre chose ? La blonde s'était longuement demandée de quoi il en retournait réellement. Et elle voulait avoir le fin mot de cette histoire. Une bonne fois pour toute. Elle voulait savoir ce qui c'était passé. Pourquoi ce bâtiment en particulier. D'autant plus qu'il n'y avait pas réellement eu de revendications par la suite. L'enquête était au point mort. Et elle, même si elle ne voulait pas le dire, c'était quelque chose qui la torturait mine de rien. Parce qu'elle n'avait pas pu sauver son équipe. Parce que certains de ses collègues étaient morts. Collègues qui étaient comme sa famille. Elle était proche d'eux. Et ne rien avoir pu faire pour les aider, pour les sauver, oui, ça la hantait. Elle n'irait pas jusqu'à dire qu'elle en faisait des cauchemars la nuit. Mais presque. C'était dur. C'était compliqué. Et elle s'en voulait. Après, elle avait fait son job. Ils avaient tous fait leur job. C'était ... comme on disait souvent, la faute à pas de chance. Mais elle ne pouvait pas s'empêcher d'y penser. Et sans doute continuerait-elle à y penser. Son équipe ... Sa team ... sa famille, décimée ... Et ça l'embêtait. Et pas qu'un peu à dire vrai. Une fois qu'elle aurait réussi à ... Et bien, à solutionner cette affaire, oui, probablement qu'elle arrêterait d'y penser. Mais pour le moment, elle était dans une impasse. Et ça l'ennuyait. Fortement. Ca la bouffait. Et pas qu'un peu. Son psy lui avait conseillé de tourner la page. Mais c'était plus facile à dire qu'à faire. On ne tourne pas la page facilement, comme dans un claquement de doigts. Non. C'était un long travail. Quand elle était avec les autres, oui, ça allait. Quand elle était face à ce tableau, c'était autre chose. Quand elle était seule aussi. Heureusement qu'elle pouvait compter sur son petit diablotin qui était sa fille. Au moins, oui, elle était tout le temps avec elle, ou presque, et ça lui évitait de ... Et bien, ça lui évitait de broyer du noir. Enfin, passons. Y'avait ce type, qui travaillait au poste depuis peu. Du moins, ça faisait pas si longtemps que cela qu'il avait débarqué à Brisbane. Et comme il lui fallait un regard neuf, un regard extérieur sur l'affaire, oui, peut-être qu'il aurait ... une petite idée. Peut-être qu'il pourrait l'aider. C'était pour cela qu'elle lui avait demandé de passer dans son bureau. Pour qu'ils en discutent. Et il ne devrait plus tarder à arriver d'ailleurs.
Dernière édition par Delilah Priest le Lun 9 Jan 2017 - 13:05, édité 1 fois
Aujourd’hui, j’avais rendez-vous avec une certaine Delilah pour parler d’une affaire qui avait le don de la bouffer d’après les dires que j’avais pu entendre. Je ne connaissais pas vraiment cette femme, du moins pas encore même si je l’avais aperçu au boulot, avant de me rendre compte que nous habitions dans la même rue. A vrai dire, j’étais heureux que ma nouvelle vie prenne un sacré tournant, qu’elle débute sans accros. Lorsque j’avais décidé de quitter l’Irlande pour marcher sur les traces d’Ophélia afin de la retrouver, j’avais eu des angoisses terribles sur le fait de m’acclimater. Je n’avais jamais réellement quitté mon pays natal, oh bien sûr pour des voyages mais quitter définitivement le pays… c’était horrible à mes yeux. Étonnement j’avais trouvé assez vite du travail, j’avais accepté un poste de consultant en tant que comportementaliste, un job qui allait me permettre de travailler avec des équipes différentes, puis j’avais également accepté de donner des cours à l’Université. J’avais besoin d’être à nouveau un bourreau du travail et non ce spectre que j’étais depuis que Ophélia m’avait quitté, surtout que j’excellais dans ce que je faisais. Bref, ce matin, après avoir déposé Caleb à la nounou pour qu’elle puisse entamer sa journée en l’amenant à l’école, j’avais pris un taxi pour me rendre au point de rendez-vous. Sur le chemin, je déballais un dossier qu’elle m’avait soigneusement confié afin que j’étudie déjà les événements chez moi et à vrai dire, je m’y étais penché toute la nuit. C’était plus fort que moi, comme une soif insatiable, une passion qui me dévorait de l’intérieur. Je devais en apprendre davantage et trouver le coupable de ses explosions. Soudain, ma vie paraissait plus vivante, plus pétillante et j’avais à nouveau un but qui allait me permettre de me vider la tête. Car lorsque je me consacrais à mon boulot, c’était entièrement, corps et âmes, peut être un peu trop d’ailleurs mais j’étais comme ça, totalement entier dans tout ce que je faisais. Une fois arrivé à l’adresse indiquée, je descendais du taxi et me dirigeais dans les locaux puis je demandais le bureau de Madame Priest que l’on m’indiquait rapidement. J’enlevais mon cardigan que je posais sur mon avant-bras puis je toquais à sa porte en attendant qu’elle se retourne. Alors qu’elle se mettait à bouger, j’entrais dans son bureau tout en lui tendant la main. « Bonjour, je suis Monsieur O’Neill. »
C'était terrible d'avoir une obsession. Mais en même temps, cet enquête était importante pour Delilah. Il y avait eu des morts. Ca l'avait touché personnellement également. Elle avait bien failli perdre la vie. Elle avait été chanceuse sur le coup mais ce n'était pas le cas de tout le monde. Alors oui, la blonde voulait résoudre cette enquête. Une bonne fois pour toute. Elle n'irait pas dire que ça la bouffait. Mais presque. Elle passa une main dans ses cheveux, tout en poussant un soupir ennuyé. Ouais. Il était clair que Delilah dormirait bien mieux sur ses deux oreilles une fois l'enquête close. Mais c'était pas gagné d'avance. D'où le fait qu'elle avait demandé à Ezeckiel de lui filer un coup de main. Il n'était pas là depuis bien longtemps. Delilah ne le connaissait pas. Elle ne savait pas s'il allait pouvoir l'aider ou bien si ça serait un coup dans l'eau. Après, il aurait peut-être pas de piste, pas de conseils à lui donner. Mais sait-on jamais comme on le dit si souvent. Ouais. Alors, Delilah l'attendait. Patiemment. Son téléphone sonna, la tirant de ses pensées. "Lieutenant Priest ?" Toujours, elle se présentait toujours comme ça. Même si dans 90% des cas, c'était un ou une de ses collègues qui l'appelait. C'était mieux. Ca faisait plus professionnel selon elle. Ouais, bien mieux. Et puis, pour les 10% restants, elle pouvait avoir le chef de la police en ligne. Ou bien le maire. Ca arrivait pas souvent. Mais ça pouvait arriver quand même. "Oui. Ok. Fais-le monter." Ezeckiel venait de passer les contrôles de sécurité. Il venait d'arriver. Bien, très bien. D'ici à quelques minutes, il serait là, devant elle. Un regard neuf. C'était tout ce qu'elle demandait. Ni plus. Ni moins. Qu'on l'éclaire sur cet enquête. Elle n'aimait pas demander de l'aide. Mais là, elle avait l'impression de faire du sur place. Et elle n'aimait pas cette sensation. Elle n'aimait vraiment pas cela. Alors oui, pour une fois, elle demandait un petit coup de main. Si ça portait ses fruits, ça ne lui ferait pas de mal. Quelques minutes plus tard, le trentenaire était là, face à elle. "Lieutenant Delilah Priest." Elle s'était levée pour venir lui serrer la main. "Merci d'être venu monsieur O'Neill." Oui. C'était sympa de sa part. Même s'il ne se passait rien, même si ça ne faisait pas tilt, même s'ils ne découvraient rien de nouveau, c'était pas grave. Au moins, ils auraient essayé. Et c'était tout ce qu'elle demandait. "Vous avez eu le temps de jeter un coup d'oeil au dossier ?" Histoire de savoir si elle devait tout reprendre avec lui. Ou pas.
J’avais besoin de retravailler, de faire quelque chose de mes journées à part penser à Ophélia, à notre relation déchue et à notre fils qui ne cessait de réclamer sa mère. J’étais comportementaliste et pourtant je n’étais pas vraiment le plus doué en relations humaines, c’était étrange mais croyez-moi, je m’y étais habitué. Récemment j’avais pourtant revu ma femme… ou mon ex-femme, j’ignorais comment la décrire, bref j’avais revu Ophélia et j’avais cédé à la tentation, j’avais été faible et mon corps ainsi que mon cœur avaient accepté à l’unisson de l’avoir à nouveau près de moi. Il fallait que je pense à autre chose, du coup dans le taxi j’avais ouvert le dossier pour le feuilleter rapidement. À présent droit comme un i devant l’accueil, j’attendais qu’on me donne le feu vert, puis je montais rejoindre le bureau de la personne qui m’avait demandé tout en espérant que j’allais réellement l’aider. Ouais j’avais peur d’être un peu rouillé, un peu trop ailleurs pour être à fond dans mon travail, ça craint. « Enchanté Lieutenant. » Gentleman Irlandais oblige, je lui saisissais la main et tout en la serrant, je me penchais délicatement vers l’avant, ouais c’était une sorte de révérence mais après tout, c’était mon éducation qui faisait ça. « Si je peux vous aider. » Je me contentais de hausser les épaules puis je regardais autour de moi. Un bureau qui semblait ordonné, quelque peu dérangé par les accès de rage ou de désespoir que devait avoir le lieutenant en question. Pour l’instant, je ne connaissais pas grand-chose de l’affaire mais je pouvais dès à présent voir qu’elle était impliquée et qu’elle était prête à tout parce que ça la touchait. « Oui brièvement. Je sais déjà les bases. Mais j’aimerais vraiment que vous me fassiez un léger briefing, j’ai besoin de savoir ce qui s’est réellement passé, comment vous l’avez ressenti… J’ai besoin d’un témoignage, les papiers ne sont que les papiers comme on dit, c’est très formel, ça ne laisse pas échapper grand-chose. » Elle allait certainement me trouver bizarre voir même louche sur le coup mais après tout qu’importe, j’avais l’habitude d’entendre ce genre de chose. Je me contentais alors de déposer mon cardigan sur une chaise de l’autre côté du bureau puis je posais ma mallette. Une fois après avoir enlevé mon écharpe puis remis correctement le col de mon pull, je croisais les bras contre mon poitrail et venais observer le tableau que la jeune femme avait créé concernant l’affaire.
Résoudre cette affaire, ça l'obsédait. Ca l'énervait. Elle voulait les foutre derrière les barreaux. Pas forcément qu'ils passent sur la chaise électrique. Mais oui, ils méritaient de finir en prison. Et Delilah en avait besoin pour tourner la page. Elle avait besoin de les arrêter. Non, elle n'avait pas repris le boulot trop tôt après ça. Son psy pensait que c'était ok pour qu'elle travaille. Mais il ne savait pas tout pour autant. Non. Elle ne lui avait pas donné tous les détails. Non. Enfin, passons. Elle avait serré la main d'Ezekiel. Elle n'avait pas pour habitude de faire appels à des consultants. Non. Mais là, elle ne s'en sortait pas. Et ça l'énervait un peu. Beaucoup. "J'espère que vous allez pouvoir le faire." Elle eut un hochement de la tête. Elle croisait les doigts. Elle voulait croire que ça serait bénéfique. Ou au moins, qu'elle pourrait suivre une piste après ça. Elle voulait avancer un peu. Dans la mesure du possible en tout cas. Et c'était pas évident. Delilah lui posa une question. Il avait regardé le dossier mais il préférait qu'elle lui en parle tout de même. "Je comprends. C'est toujours mieux de l'entendre de vive voix que de le lire." Delilah eut un hochement de la tête. C'était pas un sujet dont elle aimait réellement parler. Parce que ça la touchait personnellement après tout. Et pas qu'un peu. "On avait été appelés sur place. Mon équipe et moi. Un corps avait été découvert par l'un des gardiens de nuit." La blonde pointa le visage du type, du cadavre. "Hector Lazlo. Des liens avec la mafia russe. Il ne travaille pas dans le bâtiment et on cherche toujours à savoir ce qu'il faisait sur place." Elle tourna la tête vers Ezekiel. "Je le soupçonne d'avoir fait partie de l'équipe qui a posé la bombe. Il s'est pris la tête avec les autres et bam, il s'est pris une balle. Enfin, j'ai pas de preuves encore de ça." Peut-être qu'avec l'acharnement, ça finirait par payer. Elle aimerait bien en tout cas. "On s'est donc rendus sur place pour récupérer les preuves. Et c'est là qu'on a découvert la bombe." Une sale affaire. "On a cherché à évacuer le plus de monde possible. Mais ça nous a explosé à la gueule." Elle se souvenait encore d'avoir été propulsé. Elle se souvenait encore du plafond qui s'effondrait sur elle. Sur les membres de son équipe. Elle s'était retrouvée coincée. Une barre de fer dans la jambe. Ca avait fait mal. Et pas qu'un peu. "J'ai perdu trois équipiers." Elle lui montra les photos. "Sans oublier les autres victimes." Parce que son équipe n'était pas les seuls à avoir été touchés. "On a récupéré des fragments de la bombe." Ezekiel pouvait les voir grâce aux photos du tableau. Oui, c'était bien organisé. "Fabrication russe. Pas d'empreinte. Rien." Et c'était tout ce qu'elle savait.
Reprendre le travail n’avait pas été une chose facile. Depuis que j’avais pris des congés prolonger, après le départ d’Ophélia, afin de m’occuper de mon fils, tout avait été différent. Je passais mes journées à faire le ménage, habiller mon fils, lui faire à manger et les nuits, je m’obsédais à trouver le parcours de ma femme, je me questionnais sur sa destination actuelle. J’en devenais fou et maintenant que je l’avais trouvé, quelle que soit la situation, je me devais de reprendre une vie un tant soit peu normale. « C’est ça. » Je me contentais de croiser les bras contre mon poitrail et de m’adosser à son bureau. Je plantais mon regard dans le sien et je hochais la tête pour l’informer que, lorsqu’elle serait prête à tout me raconter, je serai là pour écouter le moindre détail. Au premier abord, elle avait l’air d’une bonne enquêtrice, je pouvais voir à travers son regard la réflexion qu’elle ne cessait d’avoir lorsqu’elle fixait ce tableau et à mes yeux c’était admirable, surtout parce que l’affaire la concernait directement. Je scrutais le tableau dès qu’elle m’indiquait quelque chose, un nom, un visage ou même une preuve qu’elle avait pu accrocher sur celui-ci. Mon visage s’assombrissait alors qu’elle parlait des visites, c’était toujours le cas, quelle que soit l’affaire, c’était mon côté humain, la petite partie que j’avais en tout cas. « Je suis désolé. » Pour les coéquipiers, pour sa convalescence, pour le choc émotionnel, tout, j’étais désolé et compatissant pour tout même si ces brèves paroles n’allaient certainement pas lui faire grand-chose, ne serait-ce que l’aider dans un de ces traumatismes. Je me levais alors du bureau afin d’examiner les photos d’un peu plus près. « Je vois… » Je fronçais les sourcils et m’approchais encore un peu plus d’une des photos, celle de ce qu’il pouvait rester de la bombe. « Selon vous… la bombe était placée de sorte à ce que vous la découvriez ou non ? »
Delilah lui avait raconté les faits. Oui. Autant ça lui faisait du mal d'en parler, autant ça lui faisait du bien. Oui. C'était un peu bizarre de penser comme ça. Mais bon. Elle en avait parlé au début. A son psy. Mais hormis à lui, c'était quelque chose qu'elle gardait secret. En quelque sorte. Oui. Elle n'aimait pas en parler à sa famille. Elle ne voulait pas les inquiéter. Avec Ryan, son ex, c'était différent. Il connaissait la guerre. Il avait vu des choses horribles. Il avait vécu des choses horribles. Oui. C'était pas forcément la joie. Mais il comprenait tout cela. Oui. Il savait ce que c'était. Et ce n'était pas ça qui allait lui faire peur, c'était certain. Delilah eut un léger sourire quand il en vint à dire qu'il était désolé. "Merci." Ca la touchait. Toujours. Oui. Est-ce qu'il comprenait sa douleur ? Sans doute. Enfin, il ne visualisait peut-être pas toute l'étendue de la chose mais bon. Ca irait. Oui, ça irait. Ou du moins, l'espérait-elle. Quoi qu'il en soit, elle lui avait montré tout un tas de photos. Les conclusions à lesquelles elle était parvenue. "Honnêtement, je ne sais pas. Si mon équipe avait été spécialement visée, il y aurait eu des représailles." Elle eut un léger hochement de la tête. "J'veux dire ... ils auraient cherché à décimer les autres." Elle regarda la photo des défunts de sa team. "A moins qu'ils aient eu ce qu'ils voulaient." C'était possible après tout. A voir. "Après, j'pense qu'ils avaient prévu de le faire exploser alors que les bureaux étaient remplis. Histoire de faire le plus de morts possibles." Delilah n'en était pas certaine. Mais bon. Faire exploser un bâtiment sans personne à l'intérieur, c'était pas bien utile. Un peu stupide selon elle. Mais bon, pourquoi pas. "J'pense qu'un truc a foiré." Elle eut un hochement de la tête. "Y'a eu cette altercation et puis tout a été plus ou moins précipité." La mort de l'autre, oui, ça avait été foireux. Et pas qu'un peu. "Enfin, j'pense que leur projet a capoté quand y'a eu ce mort."
J’allais tout faire pour l’aider, pour qu’on résolve cette affaire. J’avais un bon taux de réussite et les affaires que je n’arrivais pas à résoudre me tourmentaient chaque nuit, j’pouvais pas m’empêcher de continuellement chercher. J’avais l’impression d’être un peu rouillé mais je ne me dégonflais pas pour autant. « Peut-être pas, et c’est là tout l’importance. Si ça se trouve, l’objectif était de vous atteindre, pas de tous vous tuer. Les morts ont été des… pions, en quelque sorte. Des dommages collatéraux. » J'savais que c’était difficile de parler comme ça, Delilah n’allait surement pas apprécier m’entendre parler dans la sorte mais j’tentais de me mettre dans la tête du criminel, ce n’était pas moi qui étais comme ça. Bon certes j’étais souvent ailleurs et un peu froid, mais j’étais plutôt gentil, du moins c’est ce que mon ex-femme, enfin femme, Ophelia, tentait de me faire croire. « Les bureaux… pourquoi pas… Ou une simple diversion. » Car même si les bureaux étaient vides, ou pas du tout, l’utilité de la chose était de créer une diversion, un gros boum pour que tout le monde se concentre vers un point et oublie totalement un autre point. J’fronçais les sourcils alors qu’elle se mettait à parler d’un certain mort. Elle restait évasive car elle était totalement dans ses pensées, j’pouvais la comprendre. J’reposais alors mon regard sur la jeune femme et j’regardais une nouvelle fois le tableau devant nous. « Quel mort, celui-ci ? » J’pointais du doigt une photo du tableau qu’elle avait épinglé parmi d’autres photos assez lugubres mais que j’avais malheureusement l’habitude de voir.
Une terrible histoire. Quelque chose qu'elle voulait résoudre. Au plus vite. Ou du moins arrêter ceux qui avaient fait ça à dire vrai. Ouais. Elle aimerait beaucoup. Parce qu'elle n'avait pas envie de ... Et bien, elle n'avait pas envie que ça se reproduise. Non. Du tout. Et plus l'affaire traînait, plus il y avait de chance, malheureusement, ou plutôt, des risques que ça se reproduise à nouveau. Et Delilah ne souhaitait pas que ça se passe ainsi. Non. C'était pour cela qu'elle faisait de cette affaire une priorité. Même si ... Même si ... même si elle avait toujours d'autres enquêtes en cours. Des enquêtes plus récentes. Pour sûr. Mais elle arrivait à partager son temps entre tout ça. Pas d'inquiétude à ce sujet. Ezekiel en vint à émettre une hypothèse intéressante. Le fait qu'on n'avait pas cherché à tous les tuer. Mais à leur faire peur. A les atteindre. Delilah eut un hochement des épaules. "Dans quel but ?" Oui. Dans quel but ? "On n'a pas pu les identifier. S'ils cherchaient à nous atteindre, la moindre des choses aurait été de laisser quelques indices pour qu'on remonte la piste et qu'on sache ce qu'ils veulent." Ca aurait été plus simple. "Ou alors, c'est de la pure barbarie." C'était peut-être le cas. S'ils n'avaient pas de but, c'était peut-être pour faire du mal comme ça ... Ouais. Elle en doutait mais bon. On ne sait jamais vraiment ce qui peut se passer dans l'esprit des gens. Du tout. Delilah ne s'expliquait toujours pas pourquoi ils avaient visé un bâtiment vide. Soit ils étaient attachés à la vie humaine et ils n'avaient pas voulu faire exploser le bâtiment avec des gens dedans. Soit ils ... avaient fait exprès. Ou comme le disait si bien Zek', c'était peut-être une diversion. "Possible." Restait à savoir pourquoi une telle diversion dans ce cas. Surtout qu'il ne s'était rien passé depuis. Une opération de longue haleine. Ou alors ... Ou alors, tout avait foiré. "Oui, ce mort. Hector Lazlo." Delilah lui en avait parlé un peu plus tôt. Mais il n'avait peut-être pas noté. Elle était passée rapidement. "On dirait presque un fantôme. Inconnu de nos services. Inconnu des autres agences." Parce qu'elle avait posé la questions à différentes agences, à l'étranger. Mais rien de chez rien.
Je voyais bien qu’elle était perturbée, qu’elle était fatiguée par cette histoire. J’avais envie de l’aider, il fallait que je me concentre pour faire mon maximum et la libérer de certains de ces démons. « Dans quel but ? » Je me contentais de hausser les épaules, reproduisant son geste puis un sourire carnassier se dessinait sur mes lèvres. « Celui-là même. » J'sortais une main de ma poche et je la tendais ma main vers elle, pour la pointer en quelque sorte. Face à son air d’une totale incompréhension, je fronçais les sourcils puis je reportais mon regard sur son tableau. « Il est peut-être là le but, vous faire tourner encore et encore, vous occuper, vous rendre folle. » Ce ne serait pas la première fois que j’aurais vu une chose pareille, au contraire. Pas d’identité, pas de vrai mobile, quelque chose de bien vague qui fait tourner en bourrique et rendent fous les enquêteurs qui s’attardent sur cette affaire, et c’était tout à fait ce qui était en train d’arriver à Delilah. Je soufflais longuement alors qu’elle me parlait de Lalzo. Je plissais les yeux en regardant la photo de son corps et je répétais, totalement dans mes pensées le mot « Un fantôme. » C’est quelque chose qui égayait encore plus ma théorie. Aucune preuve, aucun mobile sur lequel se raccrocher, une perte de temps folle à vouloir tenter de rassembler les choses, à vouloir les lier avec un fil fin.
Le motif ? Le but de tout ça ? Pourquoi faire péter un bâtiment sans personne à l'intérieur ? Qui était ce gars ? Pourquoi n'y avait-il eu aucune revendication ? Tant de questions que Delilah était en train de se poser. Des questions qu'elle se posait depuis des mois à dire vrai. Elle voulait voir la fin de cette histoire. Elle voulait savoir de quoi il retournait. Elle voulait ... Que ça soit réglé une bonne fois pour toute. Ezekiel la regarda. Un drôle d'air sur son visage. Comme un sourire satisfait, ou quelque chose dans le genre. Elle n'irait pas que son sourire lui faisait peur. Mais ouais ... Il était un peu étrange. "Pardon ? J'vois pas vraiment où vous voulez en venir." Non. Du tout. Elle avait besoin de précision. Elle avait besoin qu'il exprime sa pensée. Ouais. Alors, elle le regardait. Dubitative. Se demandant ce qu'il voulait dire. Pour lui, le but, c'était détourner son attention. La rendre dingue. Elle ouvrit légèrement la bouche. Ca formait une sorte de o. "C'est pas ..." Con ? Stupide ? Ouais. A dire vrai, elle n'y avait pas pensé jusqu'à là. Elle n'avait pas pensé au fait que c'était peut-être une entourloupe. Elle passa une main dans ses cheveux. "C'est pas con ... j'avais jamais pensé à ça." Elle se tourna vers le tableau de la mort comme elle aimait à l'appeler. Si ça se trouvait, ouais, c'était possible. "Putain ... Si c'est ça ..." Ouais, elle était un peu grossière. Mais ouais ... C'était tellement gros mine de rien que ... c'était possible après tout. Ouais, c'était possible à dire vrai. "Si c'est un fantôme ... J'comprends mieux pourquoi c'est un fantôme maintenant. Et pourquoi on trouvait rien sur lui." Parce que toute cette histoire, c'était peut-être la pire arnaque au monde.
J’avais un sourire satisfait sur le visage, car pour une fois depuis bien longtemps, j’avais l’impression d’avancer, de servir à quelque chose et surtout je faisais quelque chose qui avait un sens dans mon monde, quelque chose que j’aimais faire. Je regardais Delilah avec ce sourire un peu étrange, sans doute et je voyais à son regard qu’elle ne me suivait pas du tout. Elle me questionnait d’un regard un peu spécial car elle devait penser que j’étais fou et en même temps je ne pouvais pas lui en vouloir puisque c’était souvent des choses que j’entendais dans des couloirs. J’étais efficace, certainement le meilleur de mon ancienne brigade et pourtant dès qu’on prononçait mon nom, les gens n’étaient pas pour autant charmant, heureux de m’avoir sur leur affaire. Je n’étais pas méchant, juste spécial, intrigant, réservé et s’il y a bien une chose que les flics n’aiment pas, c’est ignorer des choses. Je lui expliquais alors ma théorie et le fil semblait se dénouer petit à petit dans son cerveau. Je reposais alors mon regard sur le tableau. « Maintenant, le but est de savoir pourquoi ils ont cherché à vous rendre folle, à vous faire perdre du temps. Est-ce parce qu’ils vous en veulent personnellement ou est-ce pour tout simplement dévier votre attention ? » Je me retournais pour consulter les dossiers qu’elle m’avait confiés, je regardais alors la pile avec attention. « Dans toutes affaires, est-ce qu’il n’y en a pas une qui vous semble totalement à part, une affaire qui n’a rien à voir avec la vôtre mais que vous avez laissée de côté, une affaire qui semble trop banale pour que l’on s’en occupe dans des temps aussi lugubres ? » J’ouvrais alors chaque dossier pour examiner chaque première page, les éléments-clés de chaque dossier. Je plantais alors ensuite mes mains sur mes hanches et je réfléchissais en examinant les éléments.
Oui, c'était vrai qu'elle était un peu bien conne sur ce coup là. Elle n'avait jamais pensé que ... Et bien, que ça pouvait être pour la faire tourner en bourrique. Pour la faire se concentrer sur cette affaire et le reste, elle l'oubliait. Ouais ... Il était vrai que ... C'était possible après tout. C'était fort possible. Delilah regarda le tableau durant quelques minutes. "La vache ..." Ouais, la vache. Et pas qu'un peu. C'était dingue quand même. Elle avait perdu un temps monstrueux avec cette affaire mine de rien. "J'ai envie de dire bonne question." Elle regarda le tableau et finit par s'en détourner. "Même si c'était pour dévier mon attention ... Ca n'a pas bien fonctionné. Dans le sens où même si cette affaire m'obsède, oui, je n'ai pas ..." Elle passa une main dans les cheveux. "Ca n'a pas nui à d'autres affaires que j'avais en cours." Elle secoua la tête. Ouais, non, ça n'avait pas nui à d'autres affaires. Et si on lui en voulait personnellement ... Si personne ne s'identifiait derrière, si personne ne se manifestait et qu'on lui disait pourquoi on lui en voulait ... Elle n'en savait rien. Elle n'en savait rien. Mais oui. D'une certaine manière, elle était plutôt contente. Contente d'avoir fait appel à Ezekiel. D'une certaine manière, ça lui permettait d'avancer. Ca lui donnait des indications. Et peut-être qu'elle arrêterait de se tirer les cheveux avec cette affaire. Elle espérait à dire vrai. Elle espérait. Ezekiel lui posa une autre question. Delilah secoua la tête, faisant signe que non. "Elles sont toutes à part, si on peut dire ça comme ça. Mais on s'en occupe rapidement. A chaque fois. Sauf si on n'a pas les preuves." Pour sûr. "Là, dans ce cas là, les affaires avec peu de preuves, elles finissent sur ce tas, sur mon bureau." Elle en avait quatre ou cinq affaires comme ça. Avec le temps, oui, parfois, ça s'amenuisait. Ou parfois, ça augmentait. C'était ... C'était comme ça, tout simplement. C'était pas toujours évident. A croire que cette affaire, mine de rien, c'était la faute à pas de chance. Qu'elle ne serait pas résolue et qu'elle finirait sur son bureau, comme toutes les autres. Delilah serait patiente. C'était pas bien grave. Si elle n'avait pas la réponse maintenant, elle aurait peut-être la réponse plus tard.
Petit à petit j’espérais démêler ce sac de nœuds qu’était cette affaire. Je n’avais pas pris conscience de tout et pourtant j’essayais de trouver le but de ce meurtre, le but de ce pseudo attentat. « S’ils sont doués, et loin de moi l’idée de te critiquer hein… mais ils ont dû réussir sans que tu t’en rendes compte. J’ai déjà étudié le cas tu sais… » Je la voyais soupirer, se coiffer les cheveux, elle était perdue et je connaissais bien ce sentiment, je l’avais déjà vu auparavant, bien des fois même. Delilah était paumée et c’était certainement ça le but de cette affaire, la faire tourner en bourrique, lui bouffer du temps juste pour la faire chier, lu faire perdre patience. Je la regardais m’expliquer que les affaires n’avaient rien avoir les unes des autres et je me penchais sur certains dossiers, des cambriolages, des larcins, des choses un peu banales, sans grand intérêt par rapport à un meurtre. « Je vois… je dirais sûrement que c’est une affaire anodine, banale, que l’on peut se permettre de bâcler parce qu’on la trouve sans grande importance. Et généralement cette affaire peut en quelque sorte en cacher une autre, de plus important. Montrer quelque chose de gros pour cacher quelque chose en arrière-plan. » Ouais je devais être encore plus bizarre avec mes phrases qui ne voulaient rien dire, mais bon je tentais de m’exprimer comme je le pouvais. De toute manière cette affaire n’allait pas être résolue tout de suite. Delilah allait devoir réfléchir un peu de son côté et nous allions certainement devoir rebosser sur les sujets dans quelques jours une fois que tout sera à plat, pour elle comme pour moi.
Instinctivement, ils étaient passés du vouvoiement au tutoiement. Enfin, surtout Ezekiel à dire vrai. Il en vint à lui dire qu'il ne voulait pas la critiquer à dire vrai, mais que ... Qu'elle n'avait pas dû s'en rendre compte et qu'ils se jouaient d'elle. Déjà. Ils l'avaient fait tourner en bourrique, ils avaient ce qu'ils voulaient. Enfin, si c'était ça qu'ils voulaient à dire vrai. S'ils voulait la détourner de telle ou telle affaire, c'était raté. Parce qu'elle se concentrait sur ses affaires de la même manière, même s'il pouvait y en avoir une qui était ... comment dire ... Un peu plus compliquée. Quand bien même l'affaire n'était pas simple, ça ne voulait pas dire qu'elle se détournait des autres affaires en cours. Non. "J'ai l'impression que tu sais de quoi tu parles. J'me trompe ?" Parce que s'il avait étudié le cas, c'est qu'il avait déjà eu affaire à tout cela. Enfin, c'était la conclusion à laquelle Delilah parvenait. En tout cas, ça ne lui faisait pas plaisir, ouais. Mais si c'était ça la réponse, si c'était ça la solution, d'une certaine manière, elle en était soulagée. Parce qu'elle savait ... Parce qu'elle avait envie des réponses. Et ça, c'était plutôt chouette. Ezekiel lui parla des affaires qu'elle avait en attente. Si on avait fait ça pour la détourner d'autres affaires, c'était pour éviter qu'elle se concentre sur une affaire en particulier. Affaire qui pouvait cacher quelque chose d'autre. Elle allait devoir revérifier les autres cas. "Je vérifierais avec mes collègues ce qu'on a sur les autres cas à ce moment là." Elle eut un hochement de la tête. "Et on refera le point tous les deux." Ouais. Parce que pour le moment, comme elle n'avait pas les autres informations en sa possession dans l'immédiat, elle ne pouvait pas lui dire si cette piste de détournement d'attention pouvait être privilégiée ou pas. "En tout cas, c'était très aimable de t'être déplacé jusqu'ici. Ca me permettra sans doute de voir un peu plus clair dans tout ce merdier." Ouais. Pour sûr.