«C'est pas faux. Mais bon, j'veux pas dire mais j'suis sûr que même toi tu serais très lourde en poids mort ...» rétorque t-il à son humour plus que douteux, elle le fixe comme si elle ne croyait pas ce qu’il venait de dire avant de lui répondre avec une pointe de supériorité. “C’est très mal avisé tu sais de sous-entendre ce genre de chose quand on est dans le domicile d’une inconnue.” Elle s’amuse plus de ce jeu, mais dans un mauvais jour, elle n’aurait pas donné cher de sa peau. Il en vient d’ailleurs à commenter son logement, plutôt atypique pour une femme, même pour un caractère tel que celui de Lene. L’explication est pourtant logique : l’argent, et le fait que la jeune femme aime passer le plus clair de son temps sur cette plage. Même si l’été reste le meilleur moment pour le faire tout en gagnant sa vie.  « Ouais, je vois. Les touristes fuient l'hiver ici. C'est bizarre pourtant. L'hiver ici est quand même plus agréable que l'été. Du moins, pour les touristes Européens » Elle ricane alors qu’il reprend la parole. « J'ai mon frère qui est venu pour les fêtes de fin d'année. Il a très mal supporter les +40°c alors que chez lui il faisait dans les -10°c...» “Les touristes ne sont pas forcément européens, il y’a ceux qui vivent loin de la côte qui viennent ici parce que chez eux, l’été est infernal. Maaais, je vois ce que tu veux dire et le reste de l’année, c’est pas non plus désert. C’est juste pas le moment si tu veux t’enrichir vite.” explique t-elle en riant un peu avec lui, “Mais, ça ne l’intéresse pas ton frère d’essayer de rester ici à l’année, je suis sûre qu’il finirait pas apprécier le climat.” demande un brin curieuse, en plus d’observer que la conversation semble le calmer.

«Ouais. Nous mettrons ça sur le dos de mon état de nervosité intense d'avant, ok ? » dit-il au sujet de son accent soudainement apparu. C’est bien dommage de le cacher pourtant, elle trouve que ça apporte toujours plus de charme d’être étranger et de sonne comme tel. “Comme tu veux!” dit-elle énergiquement avant de lui raconter une de ses expériences anglaises. « Et bon, tu comprenais pas tes meilleurs amis, mais ça m'étonnerais que eux t’ont directement comprise » “ça ! ils m’en ont jamais rien dit” Elle rit, même si elle ne se rappelle pas d’avoir aperçu sur les visages de Nathan et Myrddin des moues aussi dubitative que la sienne, ou peut-être qu’elle interprète mal. C’est possible avec sa tendance à n’avoir rien à faire des autres. “Ce serait drôle, un jour je leur poserais la question, voir si on détient là un lourd secret que l’on a porté pour une décennie.” Si elle y pense, oui.

La suite n’est qu’un combat des nationalités. On aurait tort de ne pas mentionner que Lene est piquée par la surprise d’Andy qu’elle n’ait jamais eu envie d’aller vivre ailleurs. Leurs points de vue se défendent, mais Lene en bonne tête de mule n’hésite pas à lui soutenir qu’il projette de vivre ici, c’est qu’elle n’a pas tort et qu’il n’y a peut être pas mieux vivre. « C'est bien vrai, j'avoue » dit-il, elle cache le fait qu’elle se sente victorieuse dans cette joute. «N'empêche que parfois la Suède me manque beaucoup » “C’est normal, c’est chez toi.” fait-elle remarquer, lorsqu’elle vivait en Angleterre, son plus grand souhait était évidemment de pouvoir rentrer chez elle, malgré ce qui l’y attendait. «Enfin peu importe. Donc que Brisbane ? C'est vrai qu'il y a  tout à porté de main ici » Elle hausse à nouveau les épaules. “Non, tu peux aller visiter l’intérieur du pays, visiter le désert, grimper des montagnes. On a plein de choses à faire.” Elle défend le potentiel de son pays, à vrai dire, hormi ce qui touche à la neige, elle a l’impression que tout est possible.  « ça fait combien de temps que tu fais du surf ?» dit-il, changeant de sujet net. Ses yeux vont naturellement sur ses affaires de surf, posées dans un coin. “Depuis toujours. Si on ne m’avait pas envoyé en Angleterre où c’est impossible d’en faire correctement. J’aurais essayé d’être championne.” explique t-elle avec bien moins d’entrain que ses précédentes paroles.

Je rigole doucement lorsque Lene me répond du tac au tac que c'est mal de faire ce genre de sous entendus, encore plus quand on est dans le domicile d'une inconnue.  « Eh, on n'est pas si inconnus que ça !» déclarais-je, sans pour autant être tout à fait sérieux. S'il est vrai que Lene reste une inconnue dans le sens où je ne connais rien d'elle, nous sommes entrain d'apprendre à nous connaître. Enfin, peu importe.

Nous parlons ensuite de l'endroit dans lequel habite Lene, mais surtout pourquoi elle habite ici. C'est surtout pour l'été, car les touristes viennent ici et que du coup c'est de l'argent facile. Par contre, en hiver c'est un peu mort. S'en suis une explication sur le fait que l'hiver Australien est un peu ce qu'est l'été Européen au niveau des températures. Lene marque un point en me disant que tous les touristes ne sont pas forcément Européens, que beaucoup viennent de terres où l'été est juste atroces, puis me demande si mon frère ne veut pas revenir et vivre toute l'année ici. Juste voir s'il s'acclimate bien. Je grimace et hausse les épaules  « Mouais, non » dis-je en secouant doucement la tête  « Il ne supporte pas les fortes chaleurs. Le climat Australien n'est pas un climat pour lui » dis-je en finissant mon verre de rhum, le tendant à Lene pour lui indiquer de le remplir à nouveau.

La suite de la discussion porte sur les différents accents, le mien, le suédois, mais aussi le britannique de ses meilleurs amis. C'est, avec humour, que je lui dis que, autant elle ne les a pas compris, autant elle devait être incompréhensible pour eux aussi. Je tire sur mon joint et hoche la tête lorsqu'elle me dit qu'elle leur posera la question, histoire d'élucider le mystère au bout d'une décennie.  «ça peut être pas mal je penses  » dis-je en hochant la tête, soufflant la fumée en l'air  « Tu me diras ce qu'il en sors, ok ? Ça m'intéresse» indiquais-je en rigolant doucement.

Nous parlons ensuite de voyage, ou plutôt du fait de quitter son pays ou au moins sa ville. Lene, elle, est née à Brisbane et ne l'a jamais quitté. Sauf quelques années pendant lesquelles elle est allé en Angleterre, ce qui l'a aussi empêché de passer championne en Surf. Je lance un coup d’œil vers la planche, grimaçant, compatissant, puis reporte mon attention sur Lene  « Et maintenant t'es trop vieille tu vas me dire ?» demandais-je sur le ton évident de l'humour. Si je continue, je risque réellement d'être mis à la porte.

Mais il n'en est rien. Peut-être que l'alcool aide, mais Lene ne le prend pas mal et en rigole même. Nous continuons donc la petite soirée improvisé un bon bout de temps, sifflant toute la bouteille de rhum et la moitié du whisky. A deux. Autant dire que je ne suis pas en état de rentrer chez moi, mais au moins je parviens à trouver le sommeil. A même le sol, évidement, ce qui ne me dérange pas dans l'état dans lequel je me trouve. Et je crois, franchement, que je n'ai plus aussi bien dormi depuis bien longtemps.