Il la sent blessée, bien plus encore qu’il ne l’aurait cru, une tristesse crue se lisant dans son regard quand elle balade son anneau en toque devant son visage.
« Oh non, je peux t’assurer qu’il est bien réel. » A nouveau l'incompréhension se lit sur le visage du jeune homme.
« Est-ce qu’il est… homosexuel ? » Est-ce qu’elle est quelque chose comme sa couverture ? Mais si oui pourquoi un mariage ? Pourquoi cette tristesse qu’il lit dans son regard - est-ce qu’elle l’aime d’une amour non réciproque ? Ca lui traverse l’esprit mais il n’ose pas demander. Parce qu’elle a trop bu - parce que tenter de lui tirer des révélations dans cet état c’est une sorte de viole de son intimité il le sait bien… Et il l’a sans doute déjà assez fait ce soir. Avec ses questions, sur son mari, son mariage, son travail. Il a été plus d’une fois maladroit mais aussi sans doute un peu trop intrusif.
« Pas avec le diplôme que j’ai en tout cas. Et puis je sais pas faire grand-chose. » Il sent une vague de sympathie pour elle le traverser. Peut-être parce qu’il est incapable de la croire et que le simple fait qu’elle pense vraiment ces mots lui est douloureux, sa capacité d’empathie étant bien trop développé parfois.
« Je suis sûr que tu te trompes… » Ça ne suffira évidemment pas à la faire changer d’avis. Mais il ne peut pas rester là à la regarder se rabaisser. Peut-être qu’elle manque juste de quelqu’un pour la pousser à être plus, à être mieux, quitte à sortir de sa zone de confort… Mais il n’est pas cette personne. Pas encore du moins… Il la connaît si peu. Alors ils changent de sujet retournent sur quelque chose de plus léger, cet adresse qu’il a volé pour finalement laisser tomber.
« Oh tu sais si ça se trouve ce n’était qu’un mariage pour une carte verte. » Il s’amuse un peu avant de voir son regard, une sensation étrange le prenant. Est-ce que c’est ça ? C’est ça le mari qui n’en est pas un, le mariage qui n’en est pas un, la bague… fausse elle aussi. Est-ce que c’est ça son histoire ?
« J’ai entendu dire que ça se faisait oui. » Il continue de la regarder, sans pourtant poser la question, espérant lire dans sa réaction une réponse à sa question.
« Ca dépend. Si tu lui avais parlé avant, et que tu avais essayé de la retrouver, ça aurait pu passer. Mais c’est vrai que si tu l’avais simplement croisé … Oui je t’aurais sans doute pris pour un fou. » Il rit un peu à nouveau, sa réponse le réconforte dans son idée. Puis au final cette idée lui ressemblait si peu - certes, elle avait ses désires de romantisme mais lui était bien moins extravagant que ça, et bien moins courageux aussi, sans doute.
« Même bourrée c’est pas mon genre de faire ça. » « Mince pour moi. » Il fait semblant d’être faussement déçu, avant de se rendre compte un fois de plus que c’est déplacé et de ne pas prononcer un mot de plus. Décidément le roi de la gourde c’est lui mais bon… Si ça peut gonfler un peu l’estime de Lydia pour elle même - il est prêt à recommencer.
« C’est que c’est pas écrit sur ton visage tu sais. Et puis, il y a quelques minutes t’as imaginé la scène lorsque je t’ai avoué avoir pris un bain de minuit, donc j’avais le droit d’en douter. » « Je plaide coupable. » Il rit une nouvelle fois.
« Mais il y a un fossé entre l’imagination et la vie réelle. » Fossé qu’il n’est pas encore prêt à combler. Certains de ses principes bien ancrés dans son esprit. Ils auraient pu rester là dessus, un mot drôle, une bonne ambiance mais pourtant à nouveau cette histoire du verre revient sur la table et il ne peut s’empêcher cette fois d’aborder le sujet de plain pied. Pas dupe quand à la réaction qu’elle risque d’avoir, et ça ne manque pas, après un silence plus que gênant, elle finit par répondre un :
« Je veux rentrer. » qui coupe court à toute conversation entre eux.
« D’accord… Je vais te ramener. » Elle semble vouloir protester et il reprend vite.
« Ne soit pas idiote, j’ai une voiture et je vais rentrer. Je ne parlerais plus de ça. » Après avoir réussi à la convaincre tous deux se dirigent vers la voiture et le trajet se déroule dans un silence de mort. Ni lui ni elle ne semblent prêt à parler, il se sent un peu idiot et pourtant incapable de s’en vouloir - parce qu’il lui fallait aborder le sujet. Quand la voiture s’immobilise devant l’adresse qu’elle a difficilement réussi à lui donner il fouille vite fait dans sa boite à gant.
« Ecoute Lydia je sais qu’on ne se connait pas très bien et que… Ca ne me concerne sans doute pas mais… » Il griffonne quelque chose sur le bout de papier.
« Tu peux m’appeler si besoin… N’importe quand. » Il est sincère et lui tend le papier en la fixant. Il voudrait la raccompagner jusqu’à la porte pour s’assurer qu’elle rentre bien mais imagine que ça serait malvenu de le faire et encore plus si il tombe sur son mari.
« Même si c’est juste… Pour en parler. » Il doute qu’elle le fasse, encore plus quand il aborde son problème d’alcool de cette façon, mais il l’aime bien et l’idée qu’elle se détruise le chamboule. Peut-être qu’elle est devenue sa nouvelle bonne action… Et elle risque de ne pas du tout aimer ça.