Comment est-ce qu’il c’est fait embarquer dans cette situation ? Oliver à côté de lui dans la voiture qui saute d’impatience. « Gabriel il a dit qu’il avait un dinosaure comme ça grand. » Il jette un oeil à son neveux sentant pourtant une sensation étrange le saisir. Ses doigts tapotent un peu nerveusement sur le volant. A cet instant précis il la déteste, Elisabeth, il se sent piégé, totalement. Avec cette impression qu’elle a mêlé sa soeur à ça, le prenant totalement de cours quand Theo lui avait demandé d’emmener Oliver chez Elisabeth parce qu’apparemment, elle voulait lui parler. Aucune possibilité alors de se défiler, ou alors il devrait expliquer et il n’en a pas envie, il n’est pas prêt. N’est pas sûr non plus de ce qu’il dirait. « Ca va tonton ? » Le regard d’Ollie fixe sa main avec inquiétude et il arrête son mouvement de suite. « Oui ça va. » Avec cette même main il va ébouriffer un peu les cheveux d’Oliver. « Tonton ma coiffure. » Bon dieu, il grandit trop vite, c’est ce qu’il se dit alors qu’il parque sa voiture proche de l’adresse que sa soeur lui a donné, respirant un bon coup. Si Oliver était plus grand il l’aurait envoyé seul, mais il sait bien qu’il ne peut pas. Fuir n’est de toute façon pas le bon moyen, il n’a rien à se reprocher au final, cette histoire avec Elisabeth c’est de l’histoire ancienne, ça remonte à presque cinq ans, Depuis, il n’a rien fait. rien d’autre que de soutenir dans un moment difficile celle qui un jour a été son amie. Alors pourquoi ? Pourquoi voudrait-elle lui parler ? Et de quoi ? Il n’y a rien à dire à son avis. Pourtant plus ses pas le mène proche de la maison plus il sent son pouls s'accélérer, il se laisse presque surprendre parce cette réaction de son organisme. Sportif, son coeur reste calme dans la plus parte des situations mais Elisabeth est son exception - pour tant de choses.
« Je peux sonner ? » Il laisse son neveu faire, reprenant une posture fermée alors que la porte s’ouvre sur la blonde. « Elisabeth. » Le ton de la voix est un peu sec, presque professionnel alors qu’il pose une main sur l’épaule de son neveu. « Je t’amène Oliver comme convenu. » Il hésite à prétendre qu’il n’a pas le temps, qu’il a un rendez-vous mais ne peut se résoudre à lui mentir. Il se contente alors de rester planté là, sur le pas de la porte à la regarder en silence alors qu’Oliver tend sa main vers Elisabeth pour la saluer. « Je peux rentrer madame Elisabeth ? » Il lui sourit et Gabriel fait son apparition à petit trot derrière sa mère pour saluer son ami avant de relever les yeux sur Gauthier. « Gauthier ! Tu joues avec nous ? » Il lâche le regard d’Elisabeth pour le reporter sur le jeune garçon. « Je ne pense pas champion, allez-y les deux. » A nouveau son regard remonte mais cette fois il n’attrape pas le regard d’Elisabeth, s’arrêtant avant en espérant lui rendre la tâche plus simple de cette façon. C’est une erreur pourtant, le fait de fixer ses lèvres n’aide en rien, bien au contraire. « Je vais y aller… » Il déglutit un peu difficilement espérant qu’elle ne le retienne pas, mais pour autant ne bougeant toujours pas d’un poil. Son corps en parfaite opposition avec ses mots.
Mon souffle s’accélère alors que mes pas font de même. L’allure augmentant de plus en plus, j’atteins pourtant la dernière rue et n’est pas forcément envie de m’arrêter maintenant… Seulement, cela fait déjà deux heures que je suis dehors à courir et j’ai peur que Gabriel soit déjà levé. La voisine est prévenue et peu venir en cas de besoin, mais je n’aime tout de même pas, ne pas être là à son réveil. La séance a tout de même eu son effet. J’ai pu reprendre les forces dont j’ai besoin. Huit mois que je suis là et j’ai l’impression d’être devenue faible depuis mon arrivée à Brisbane. Ce n’est même pas vu comme une option pour moi. Ma relation devenue non existante avec Daniel me tue petit à petit, il me manque, il manque à Gabriel et j’aurais aimé tout lui expliquer mais pour le moment je ne peux le faire, pas tant que le troisième concerné soit lui-même au courant des raisons de ma séparation avec mon mari. La présence de ma demi-sœur dans ma vie n’est pas non plus de tout repos, je dois lui dire, je vais lui dire et c’est pour cela que je lui ai demandé de me voir la semaine prochaine mais en attendant je dois psychologiquement me préparer pour autre chose et pour ça je n’ai plus besoin de l’Elisabeth des dernières semaines. Entre la tempête et les olympiques d’il y a deux semaines qui ont amené mon fils aux urgences, j’ai l’impression que mes rencontres avec Gauthier ne font qu’empirer. Je finis toujours par perdre mes moyens et à ne pouvoir réfléchir. Cette fois-ci j’ai réellement besoin de lui parler, je veux mettre certaines choses à plat et pour cela il faut que je comprenne bien d’autres choses. Je veux avoir cette discussion que nous aurions dû avoir cinq ans plus tôt avant qu’il ne prenne cette avion qui l’amenait dans cette ville. Pensant à cette époque, à ce moment, à Gauthier, j’accélère encore, finissant mon vingt-cinquième kilomètres en sprint et finissant sur les rotules. Ok, nous allons affronter cette journée parfaitement.
Je rentre dans la maison fronçant les sourcils en entendant la télévision allumée. « Alors comme ça on est debout et devant la télé ? Tu as petit déjeuné au moins ? » Il se retourne, sautillant sur le canapé, et les pieds sur les coussins ! « Mais maman c’est Trolls ! » Ok, c’est une bonne excuse alors. « Et c’est notre moment ! » J’ouvre de grands yeux et arrive en trottinant vers lui, écoutant alors la chanson et comprenant parfaitement que Get Back Up Again est alors à l’image. Suivant les mouvements de ma petite tête blonde, je me mets à danser avec lui, sans aucune grâce nous mimons à la perfection les gestes du personnage comme à notre habitude. Je n’ai pas passé beaucoup de temps avec lui à Londres, seulement, depuis notre arrivée à Brisbane, je tente de le faire le plus possible et cette chanson, ce film, nous a bien aidé à tisser des liens, sans vraiment savoir pourquoi. Il est notre dose de bonne humeur et il nous fait du bien à tous les deux. La chanson se termine et il me saute dans les bras. Je le rattrape à l’envole et lui fait un gros bisou. « Beurk ! Tu es toute pleine de sueur maman ! » C’est un peu ce qui arrive quand on sort courir. « Et toi tu sens le petit garçon pas lavé ! » Il me tire la langue et nous nous mettons à rire alors que je le lâche, le regardant se diriger vers la cuisine pour finir son bol de céréale. « Oliver il vient cet après midi ! » Son sourire est contagieux. Si seulement cette nouvelle était aussi bien pour moi que pour toi… « Et il parait que c’est Gauthier qui l’amène ! » Je soulève les sourcils alors que lui les surélève à plusieurs reprises comme s’il voulait me faire passer un message. « Fais attention à toi petit homme, sinon je vais vous faire un calin tout cracra plein de sueur ! » « Argk non maman ! » Je passe derrière lui et ébouriffe ses cheveux. « Je vous fait quoi comme gâteau pour le goûter ? » Il se tourne, la main sur le ventre et la langue se léchant déjà les lèvres. « Des cookies chocolats, noisettes ! » « Vendu ! »
J’enfourne la dernière tournée de cookie dans le four, alors que deux heures est passé. J’entends frapper à la porte et les pas en haut de la maison se mettent à faire pleins de bruits. « C’est Oli ! » Je me dirige vers la porte d’entrée, ouvrant sans qu’ils n’aient eu trop à attendre. Merci Théodora. Je ne sais pas comment elle fait, mais cette fille a un pouvoir immense contre son frère, la seule à l’avoir sur lui d’ailleurs. Alors que je lui ai demandé, elle a réussi à faire en sorte que ce soit lui qui amène le petit chez nous. Un sourire poli s’affiche sur mon visage alors que mon prénom sort froidement d’entre ses lèvres. « Gauthier. ». Je le remercie rapidement alors qu’il m’annonce apporter Oliver comme prévu. Merci, j’avais remarqué petit génie… Mon regard a dû mal à se détacher du sien, bien plus dur que la dernière fois que je l’ai croisé. Seulement, cette fois-ci je suis en mesure de mes moyens et mon regard ne fait que sembler chaleureux envers lui. Je ne sais pas vraiment pourquoi je veux cette conversation si elle n’est que pour me faire du mal, mais je ne serais pas capable de lui dire la vérité si je ne mets pas tout ça au clair… « Je peux rentrer madame Elisabeth ? » Mon regard se dirige immédiatement vers le petit brun, un sourire immense et véritable s’y affichant immédiatement. « Bien sûr monsieur Oliver, fais comme chez toi. » Je lui passe rapidement la main dans les cheveux alors que Gabriel arrive derrière. Son invitation pour Gauthier me laisse un pincement au cœur mais comme l’indique l’homme face à moi, ils repartent tous les deux en riant déjà et en courant dans les escaliers. Mon dieu, ne tombaient pas s’il vous plait… Je n’arrive pas à atteindre le regard du brun face à moi, ses yeux fixés sur le bas de mon visage. Je ne peux m’empêcher de le dévisager à nouveau, me rendant compte que je connais par cœur le moindre recoin de son visage… « Je vais y aller… » Je secoue la tête de droite à gauche. Tu ne t’en tireras pas comme ça jeune homme. « Je voudrais te parler avant. » Remarquant la froideur de mon ton, je tente un léger sourire un peu trop forcé. « S’il te plait… » Il faut bien être polie pour atteindre ses buts et puis ce « s’il te plait » fonctionne à merveille à chaque fois. Il n’a pas le droit de me le refuser… « Entre… » Je me retourne après lui avoir fait signe et l’attire vers la cuisine, retirant les cookies du four avant qu’ils ne crament trop. Le silence est roi entre nous. Je dépose les gâteaux sur le comptoir et lui fait enfin face, même si le centre de la cuisine nous sépare l’un de l’autre. « Gauthier. » Je marque une légère pause. Désolée de t’attaquer ainsi… « Je suis désolée, j’ai besoin de savoir, j’ai besoin d’avoir cette conversation qui aurait dû avoir lieu il y a bien plus longtemps. J’ai trop de questions qui n’ont jamais eu de réponse de ta part et je ne peux plus faire sans. » J’hausse les épaules, sûre de moi mais tout de même démunie. « Je ne veux pas te piéger, je veux juste éclairer la situation. Pourquoi ? Pourquoi tu n’as jamais redonné de nouvelles, pourquoi tu n’as rien fait ? Pourquoi tu es parti comme un voleur ? Pourquoi tu as fui ? Et ne me dit pas que Théo était enceinte et qu’il fallait que tu l’éloignes de ta famille, s’il te plait. Ta sœur ne t’a pas empêché de prendre le téléphone, si ? » Je l’affronte du regard. Je suis peut-être sévère, je suis peut-être trop dure avec lui, mais je veux ses réponses depuis trop longtemps. « Et si ce n’était pour… Tu as totalement abandonné Daniel aussi. » Oui je te culpabilise mais j’ai été celle qui a vécu avec notre secret pendant quatre ans à ses côtés, même si je l’ai choisi, tu aurais pu être moins lâche et ne pas fuir…
Les garçons ne sont plus là pour faire boucliers. Il est seul avec Elisabeth et cette envie de fuir qui lui tient les entrailles. Il tente d’ailleurs de le faire, quelques mots mais ses jambes ne suivent pas et c’est déjà trop tard parce qu’elle a repris la parole. « Je voudrais te parler avant. » Le ton de la voix est assez sec pour l’étonner un peu. Il sert les poings remonte le regard vers elle la mâchoire fermée avec force. Et si lui n’en a pas envie ? « S’il te plait… Entre… » Il hésite encore mais n’a pas vraiment de raison de refuser. Hochant la tête doucement, il rentre dans la maison sans un mot, sans un regard se refusant de sentir la moindre émotion quand il est assez proche d’elle pour sentir son odeur, son souffle, quand il ressent l’appelle de sa peau qu’il se force à rejeter de tout son esprit. Il la suit jusque dans la cuisine, un silence absolu planant entre eux alors qu’elle sort ses cookies du four et qu’il se racle un peu la gorge l’air de dire “J’ai pas que ça à faire, parle.” Et pourtant il n’est pas vraiment pressé de savoir ce qu’elle lui veut. « Gauthier. » Le silence qui suit son prénom n’annonce rien de bon mais il reste stoïque attendant la suite. « Je suis désolée, j’ai besoin de savoir, j’ai besoin d’avoir cette conversation qui aurait dû avoir lieu il y a bien plus longtemps. J’ai trop de questions qui n’ont jamais eu de réponse de ta part et je ne peux plus faire sans. » Un soupire avait quitté les lèvres de l’homme avant qu’il n’ajoute un léger. « Est-ce que c’est vraiment nécessaire ? » Et qu’elle lui fasse bien comprendre que oui. Cinq ans s'étaient écoulés depuis son départ d’Angleterre et ça n’avait plus de sens de revenir sur des événements passés, lui n’en ressentait pas le besoin. Chacun d’eux avaient fait leurs choix, point à la ligne il n’y avait rien de plus à dire. « Je ne veux pas te piéger… » Et pourtant il se sentait pris au piège dans une conversation que lui ne souhaitait pas. « Je veux juste éclairer la situation. Pourquoi ? Pourquoi tu n’as jamais redonné de nouvelles, pourquoi tu n’as rien fait ? Pourquoi tu es parti comme un voleur ? Pourquoi tu as fui ? Et ne me dit pas que Théo était enceinte et qu’il fallait que tu l’éloignes de ta famille, s’il te plait. Ta sœur ne t’a pas empêché de prendre le téléphone, si ? » « Pardon ? » Réellement choqué par le propos de la jeune femme il avait posé ses mains sur le centre de cuisine en fronçant légèrement les sourcils. « Et si ce n’était pour… Tu as totalement abandonné Daniel aussi. » Elle avait fini sa phrase est continué de provoquer chez lui un rictus agacé. « Je n’ai abandonné personne Elisabeth, on m’a proposé un poste et c’était un bonne opportunité pour moi. Rien ne me retenait en Angleterre. » Continuant de serrer la mâchoire bien trop fort pour que ça ne laisse pas deviner son malaise il avait continué. « Et tu peux bien ne pas me croire mais Théodora est en grande partie la raison de mon départ. » Évidemment ce n’était pas tout - mais elle avait été l'élément déclencheur. « Et j’aurais appelé pour dire quoi Elisabeth ? Pour lui mentir comme tu l’as fait pendant des années ? Pour prétendre que j’étais encore son ami après la trahison ? Je n’ai pas ce culot. » Et cette pique lui était entièrement destinée. Elle vivait dans le mensonge depuis des années. Un mensonges qu’il lui avait sans doute un peu imposé aussi puisqu’il n’était pas qu’une trahison… Il était le meilleur ami et que leur instant ensemble représentait donc une double trahison.
Cependant dans les propos d’Elisabeth semblaient ressortir autre chose, qui ne concernait pas Daniel mais bien elle, eux… Ce qu’ils auraient peut-être pu être. « Je ne suis pas parti comme un voleur, j’ai dit au revoir et toi tu as fait ton choix en acceptant la demande en mariage de Daniel. Tu as choisi d’effacer cet instant d’égarement et j’en ai fait de même. Alors explique moi… Qu’est ce que tu attendais de moi Elisabeth ? » Qu’il vienne la tirer des bras de Daniel, qu’il lui fasse une déclaration d’amour enflammée en lui disant qu’il ne pouvait vivre sans elle ? Ce n’était pas son genre et de tout façon il n’aurait jamais pu lui donner ce qu’elle voulait. Ce mariage, cette vie de couple bien rangée… Il n’en était pas capable, une simple relation était déjà intenable pour lui. « Tu avais fait le bon choix. Ce moment entre nous n’aurait jamais dû exister. » Il avait perdu son meilleur ami à cause de ça et pourtant, ça lui brûlait la gorge de le dire parce qu’il ne l’avait en vérité jamais regretté, que jamais il n’avait pu le chasser de son esprit, que la peau des autres femmes était bien fade en comparaison. Il était parti pour ne pas tomber amoureux… Du moins c’était ce qu’il se disait… Mais l’évidence était devant ses yeux, ses sentiments existaient déjà depuis longtemps, bien avant leur instant volé, il ne pouvait juste pas faire face à ça. N’en avait pas envie non plus.
« Est-ce que c’est vraiment nécessaire ? » J’ai envie de lui rire au nez. Franchement, il n’a pas voulu avoir cette conversation il y a cinq ans. Je sais que c’est tard, que l’eau a coulé sous les ponts, mais j’ai toujours besoin de l’avoir. J’ai toujours besoin de savoir si tout était uniquement dans ma tête ou non. J’ai besoin de savoir si je suis toujours la seule à avoir la moindre partie de moi réagissant à sa présence. J’ai besoin de savoir si je me suis fait des films. J’ai besoin de savoir si j’ai menti une partie de ma vie alors que je n’aurais pas dû, si une autre solution avait été possible. J’ai besoin de comprendre. C’est peut-être égoïste, mais je n’arrive plus à être dans le même espace que lui sans cela. Et, j’ai aussi une annonce à lui faire qui changera sa vie, il faut que je sache son état d’esprit avant cela, avant même que je puisse prendre ma décision…
Je commence peut-être un peu sec mais je ne peux faire autrement, je ne peux arriver à amoindrir mes propos ou même à être tendre avec lui alors que j’ai tant de choses sur le cœur. « Pardon ? » Ok, mettre Théo dans la partie n’était probablement pas une bonne idée, mais pendant que nous y sommes… Elle était la raison dont il m’avait gentiment fait part lors de notre dernière ‘discussion’ et cette explication met restée en travers bien trop longtemps. Même s’il avait besoin de faire fuir sa sœur, avait-il vraiment besoin de couper les ponts totalement avec son ancienne vie ? Nous valions donc autant que ses parents à ses yeux ? Je commence à voir rouge et respire profondément pour ne pas m’énerver trop vite à sa réaction qui peut être est légitime… Son visage, je ne l’ai jamais vu ainsi, je ne l’ai jamais vu aussi sévère et cela me fait froid dans le dos. Tout mon corps m’hurle d’aller le prendre dans mes bras, de m’excuser et de lui promettre que je ne le ferais plus jamais, que s’il a besoin lui aussi, je disparaîtrais de sa vie, tout mon corps me demande de me blottir contre ses bras, d’oublier ma colère et ma tristesse, d’oublier toute la peine qu’il m’a fait ressentir, mais ma tête elle, me guide et me garde sur le droit chemin, celui que je me suis fixé ce matin et même depuis une semaine, celui que je ne lâcherais pas. Un esprit que je garde en compétition, où le cœur est relégué comme simple organe nécessaire à la survie et rien de plus. Rien de plus car sinon face à lui, mon cœur est ma plus grande faiblesse… « Je n’ai abandonné personne Elisabeth, on m’a proposé un poste et c’était une bonne opportunité pour moi. Rien ne me retenait en Angleterre. » Vraiment Gauthier ? Une bonne opportunité ?! Tu es trader, tu ne vas pas me faire croire que tu as de meilleurs jobs à Brisbane qu’à la City, si ?! Pourtant je garde cette pique pour moi, il m’a laissé finir, je lui laisserais cet honneur aussi. Rien ne le retenait en Angleterre. Il aura été clair, je ne peux pas lui en vouloir, je lui ai demandé, je devais m’attendre à ce genre de réponse, surtout de sa part. L’écoutant, je m’accroche au plan de travail devant moi, respirant lentement la mâchoire fermée mais peut-être moins ferme que la sienne… « Et tu peux bien ne pas me croire mais Théodora est en grande partie la raison de mon départ. » Une partie oui, je veux bien te croire… « Et j’aurais appelé pour dire quoi Elisabeth ? Pour lui mentir comme tu l’as fait pendant des années ? Pour prétendre que j’étais encore son ami après la trahison ? Je n’ai pas ce culot. » Il me laisse sans voix. Est-il seulement sérieux ? Me reproche-t-il donc d’avoir continué à vivre sans vouloir tout mettre en l’air ? Je laisse passer un soupire ironique, je ne me laisserais pas atteindre, je le refuse. Il veut jouer les mauvaises fois, je peux très bien le faire aussi. Je lève les mains à la hauteur des épaules, oscillant la tête rapidement. « Je ne sais pas, pour lui dire que tu allais bien, que tu étais bien là où tu étais, peut-être pour t’inquiéter, pour lui dire quelque chose quand il s’est marié, quand il a eu un enfant… » Ma voix se coupe avant de pouvoir reprendre de l’assurance. Personnellement, je n’aurais pas voulu tout ça. Ironiquement, je me vois actuellement en train de défendre l’homme qui m’a mise à la porte, tout en suppliant un autre de me dire qu’il aurait dû me demander de le laisser avant ?! Je ne comprends même plus moi-même l’instant présent. Seulement, j’ai bien trop vu la souffrance de Daniel, ce qu’il a ressenti au départ de son meilleur ami, cet ami qu’il aurait voulu en témoin, cet ami qu’il aurait voulu avoir comme parrain pour son fils. Oui, je sais, je me serais opposée à tout ça et peut être que j’aurais parlé à ce moment-là, mais comment je pouvais lui avouer la vérité alors qu’il se noyait dans un chagrin d’amour d’avoir perdu Gauthier et que moi-même je faisais le deuil de cette relation… Il n'a pas eu ce culot ? Je le félicite d’un mouvement de tête. « Et peut-être que tu n'as pas eu ce culot, mais tu n’as pas non plus eu le courage d’affronter quoi que ce soit. Fuir c’était plus facile. Fuir de lui, de moi, au moins plus de problèmes, c’est ça ? Désolée, j’ai oublié, ce n’était pas une fuite… » Notre ton est bien moins amical et ressemble bien plus à une dispute de couple qu’à une conversation entre adultes. « Au pire, si tu n’avais rien à dire, il en avait des choses à dire, et moi aussi, tu ne te serais pas ennuyé au téléphone. » Nouveau rire jaune… En même temps, cela me traverse maintenant l’esprit, il était là, pendant tout ce temps… J’ai dit oui lâchement aussi alors que je savais mes sentiment pour lui et du coup, il était là à côté à suivre notre bonheur sans pouvoir faire de même… Est-ce que j’aurais pu faire de même si les rôles étaient inversés ? Si seulement je l’avais su. Si seulement il m’avait dit que je n’étais pas une erreur et qu’il ne regrettait pas tant que ça ce moment…
« Je ne suis pas parti comme un voleur, j’ai dit au revoir et toi tu as fait ton choix en acceptant la demande en mariage de Daniel. Tu as choisi d’effacer cet instant d’égarement et j’en ai fait de même. Alors explique moi… Qu’est ce que tu attendais de moi Elisabeth ? » Mon cœur fait un bon dans ma poitrine et je dois me battre pour ne pas laisser mes larmes gagner la bataille. « Tu as dit au revoir ? Tu rigoles, j’espère ?! » Je pointe un doigt vers lui, ce jour en haut de la montagne me revenant parfaitement, je ne l’ai jamais oublié. « Parce que : ‘Arrête. C’est bien. Je suis content pour vous.’ Ça, ça c’était un au revoir ?! Laisse tomber. » J’efface mes paroles d’un geste de la main. Respire, Eli, respire. Je ris nerveusement en tentant légèrement de me contrôler. « Je n’ai pas choisi de l’effacer ce moment ‘d’égarement’. » Je me mords la lèvre avant de reprendre. « J’ai vécu avec et bien plus difficilement que tu ne le penses. Ce que j’attendais de toi ? Que tu parles, que tu me parles, que tu me dises si c’était ou non qu’un moment d’égarement mais au final, je crois que j’ai eu ma réponse aujourd’hui. » Je n’étais donc qu’une vraie erreur, un égarement, une autre parmi tant. Je n’aurais jamais dû, jamais dû me faire tant d’histoires, il n’était donc que Gauthier, l’homme le plus sexy de la terre pouvant faire ce qu’il voulait de moi dans un moment de faiblesse (ou n’importe quel autre moment, d’ailleurs…) et comme je me trouvais au bon endroit au bon moment pour lui, il s’est simplement amusé ?! Je n’aurais pas pensé cela mais c’est pourtant ce qu’il tente de m’expliquer… « Tu avais fait le bon choix et ce moment entre nous n’aurait jamais dû exister.» Je dois me mordre la lèvre assez fort pour ne pas réagir à cela. Je n’ai jamais fait le bon choix. Ni cette soirée en boîte où j’ai décidé de laisser Daniel me courtiser au lieu d’aller sur ma première proie, ce jour où j’ai décidé d’habiter avec lui parce que cela était ‘mieux’, ce jour où nous avons débuter une relation tranquille, je n’ai pas fait le bon choix en ne retenant pas Gauthier, je n’ai pas fait le bon choix en acceptant cette demande en mariage, je n’ai jamais fait le bon choix. J’aimais, j’aime toujours autant Daniel, seulement, il ne me fait pas cet effet, là. Jamais je ne me suis mise dans cet état pour lui, même le jour où il m’a demandé de partir. J’ai préféré me rassurer toute ma vie, vivant à l’inverse de mes passions, mais c’était peut-être ça le mauvais choix. Ou peut-être était-il tout simplement de vouloir revoir Gauthier, de les accompagner à chaque fois pour aussi le connaître un peu plus. Il n’a jamais quitté mon esprit, mais ce n’était qu’une passade, non ? J’étais amoureuse de son meilleur ami, je ne pouvais aimer deux hommes… Seulement, je ne peux accepter que ce moment n’aurait jamais dû exister car sans lui, je n’aurais jamais eu mon fils et ça jamais je ne l’accepterais. « Peut-être bien, mais il a eu lieu et même s’il te répugne à ce point-là… » Tais-toi Eli, tais-toi, ne soit pas si honnête… Je marque un arrêt pour ne rien dire que je regretterais par la suite. « Je ne m’excuserais jamais de l’avoir vécu, ni à toi, ni à Daniel. » Claire et précise ma voix a réussi à prendre le tournant que je lui ai demandé. Je ne lui dirais pas que je ne le regretterais jamais mais en tout cas une chose est sûre, je ne m’en excuserais pas, pour bien des raisons… Reprenant ma respiration, je le fixe, m’empêchant toutes pensées envers lui, rendant la réflexion simplement impossible… Etonnement durant toute la conversation, je n’ai pas réellement haussé le ton, je ne veux pas passer pour une hystérique, je contrôle donc encore tout même si je suis bien moins calme qu’à mon habitude, bien moins calme et bien moins agréable…
Il y sans doute un peu de lâcheté dans ses actions, sans doute beaucoup de peur qu’il n’est pas prêt à affronter. D’ailleurs y faire face aujourd’hui est tout aussi impossible pour lui, il n’accepte pas ses accusations et n’a pas envie d’avoir cette conversation. « Je ne sais pas, pour lui dire que tu allais bien, que tu étais bien là où tu étais, peut-être pour t’inquiéter, pour lui dire quelque chose quand il s’est marié, quand il a eu un enfant… » Il continue de l’observer sans ciller, sentant sa mâchoire commencer à lui tirer à force de contraction. Il sait qu’une partie de ce qu’elle dit et vrai et que lui même a souffert de cette séparation brusque qu’il s’était forcé à faire. De cette distance qui l'éloigne de son meilleur ami… Une des seules personnes en qui il avait un jour eu confiance. « Et peut-être que tu n'as pas eu ce culot, mais tu n’as pas non plus eu le courage d’affronter quoi que ce soit. Fuir c’était plus facile. Fuir de lui, de moi, au moins plus de problèmes, c’est ça ? Désolée, j’ai oublié, ce n’était pas une fuite… » Il commence à sentir une colère sous jacente le prendre. Est-ce que c’était ça dont elle voulait parler ? Le traité de lâche, c’était le but de toute cette conversation. « J’aurais du rester et mentir comme toi ? Ou lui dire la vérité c’est ça ? Lui dire que j’avais couché avec celle qui venait d’accepter sa demande en mariage ? Détruire sa vie et la tienne ? » Parce que Gauthier n’était pas prêt à lui offrir la même vie. Alors oui il était parti et n’avait pas donné de nouvelles, il avait répondu aux premiers coups de fils, restant très souvent silencieux, assez pour que Daniel ne l’appelle plus. « Je suis parti parce que c’était la meilleure chose à faire pour tout le monde, pour Théo, pour moi et pour votre couple aussi. » Peut-être qu’il n'avait pas compris l’éloignement de son ami mais c’était probablement mieux que la vérité. « Au pire, si tu n’avais rien à dire, il en avait des choses à dire, et moi aussi, tu ne te serais pas ennuyé au téléphone. » Il serre les poings sur la table, plantant son regard dans le sien avec une froideur presque glaciale. « Je ne voulais pas vous parler Elisabeth, c’est ce que tu veux entendre ? Je voulais m’éloigner de tout ce qui touchait à l’angleterre. Tu penses que c’est lâche ? C’est peut-être le cas mais grâce à cette lâcheté vous avez été une famille. » Peut-être a-t-il tort, peut être Daniel aurait pardonné, avec le temps et avec beaucoup de patience mais la simple idée de faire face à son dégoût et à sa haine lui avait tordu les entrailles.
« Parce que : ‘Arrête. C’est bien. Je suis content pour vous.’ Ça, ça c’était un au revoir ?! Laisse tomber. » Il fronce les sourcils à nouveau, parce qu’elle ne se rappelle que de ce qu’elle veut. « On a fait une soirée, on a dit au revoir… Qu’est ce que tu voulais Elisabeth ? Un discour ? Je pouvais à peine te regarder dans les yeux après ça ! » Il avait honte, honte d’avoir cédé, d’avoir envie d’elle a chaque fois que son regard se posait sur la fiancé de sa meilleur ami, il détestait cette sensation alors oui - à cette fameuse soirée il l’avait volontairement évité, avait passé son temps presque en retrait alors que cette soirée était pour lui - pour Theo, Charlie et lui… Mais cette soirée avait existé, il n’était pas parti comme un voleur et refusait cette appellation. « Je n’ai pas choisi de l’effacer ce moment ‘d’égarement’. » Un rire un peu cynique était sorti de la bouche de Gauthier « Vraiment ? » Ca n’avait pourtant pas semblé l’empêcher d’accepter la demande en mariage de Daniel, de se pavaner heureuse et amoureuse avec sa bague de fiançailles au doigt. « J’ai vécu avec et bien plus difficilement que tu ne le penses. Ce que j’attendais de toi ? Que tu parles, que tu me parles, que tu me dises si c’était ou non qu’un moment d’égarement mais au final, je crois que j’ai eu ma réponse aujourd’hui. » Cette fois il avait baissé les yeux, prenant de la distance avec le plan de table, comme si la conversation pouvait se clôturer là dessus. Parce qu’il n’allait pas la contredire, préférant garder ses pensées les plus intimes pour lui et pas prêt à les confier. Par pudeur, par angoisse un peu aussi il ne donne qu’une version déformée de la vérité, peut-être même fausse. « Peut-être bien, mais il a eu lieu et même s’il te répugne à ce point-là… » Fermant les yeux quelques secondes il avait refait un pas vers elle. « Je n’ai pas dit ça Elisabeth… » Et il ne le pensait d’ailleurs pas une seconde. « Je ne m’excuserais jamais de l’avoir vécu, ni à toi, ni à Daniel. » Son coeur tapait si fortement dans sa poitrine qu’il avait presque peur qu’elle puisse l’entendre. Le silence s’était installé entre eux. Lui qui n’avait jamais eu peur du silence, celui-là avait quelqus chose d’angoissant. Ses poings se resserrent fortement alors que ses mains sont posées sur le comptoir. Le silence semble s’étendre encore et encore jusqu’à ce qu’il le brise. « Je ne sais pas ce que tu attends de cette conversation Elisabeth c’est juste… ressasser le passé. C’est loin maintenant… » Il n’a pas envie de réfléchir, de définir si il le regrette ou pas, si il demanderait pardon ou pas, si il le referait ou pas. Même 5 ans après il n’est pas prêt à se confier réellement.
Il reste de marbre, il ne bronche pas, seule les veines de sa tempe montre qu’il est encore présent. De plus en plus visibles, les muscles de son visage se contracte, et je sais que j’en suis la responsable, pourtant à ce moment-là de la conversation, je ne pourrais même pas m’en excuser. « J’aurais du rester et mentir comme toi ? Ou lui dire la vérité c’est ça ? Lui dire que j’avais couché avec celle qui venait d’accepter sa demande en mariage ? Détruire sa vie et la tienne ?» Je me mords la lèvre, un tic que je ne saurais retirer surtout dans ce genre de situation et manque presque d’exploser. Je le regarde, souffle et me calme en assimilant ses questions. Je fais un non désolé de la tête. Il a donc cette image de moi ? Je me doutais qu’elle n’était pas glorieuse, mais à ce point. Celle qui a tout détruit et qui en plus est restée, mentant fièrement pour garder son petit train train quotidien ? « Je ne te demandais pas de le lui dire, pas tout seul en tout cas, juste, tu n’as jamais pensé que cette discussion puisse être une possibilité ? » Mes doigts pianotent sur le meuble devant moi, alors que je m’avance doucement pour qu’il ne soit plus entre nous. A bonne distance de Gauthier, je lui fais maintenant réellement face. « Je suis parti parce que c’était la meilleure chose à faire pour tout le monde, pour Théo, pour moi et pour votre couple aussi.» Levant un sourcil à ses derniers mots, un air étonné s’empare de mon visage, étonnée et blasée en même temps. « Parce que tu savais ce qui était le mieux pour notre couple… » Ma voix est devenue calme, peut-être un peu trop, laissant à tout moment la place à une nouvelle hausse de ton. « Pour tout le reste ok, si tu veux, Théo, toi, surement, mais tu ne sais pas ce qui était le mieux pour ce couple. » Il nous a peut-être connu, il était surement le plus proche de nous avec ma propre meilleure amie, mais comment à un seul instant, a-t-il pu penser que partir comme ça était la meilleure solution pour mon couple ? J’étais face à un secret que je ne savais garder, et quelques jours seulement après son départ, j’ai gentiment appris une grossesse que je ne voulais pas à cette époque, qui n’était pas prévu et qui au stade où j’en étais pouvais parfaitement être de sa faute à lui aussi, ce qui d’ailleurs avérer être le cas. Donc c’est bien, pour lui, mais pour mon couple, il n’a rien fait de bien. Même si je suis tout aussi fautive, qu’il ne tente pas de se dédouaner à mes yeux. Il est froid et il pourrait me tuer sur place s’il le pouvait, d’ailleurs c’est ce qu’il faisait à petit feu. Son regard me donnant cette impression de suffoquer, de ne pouvoir m’en sortir et de devoir exploser. « Je ne voulais pas vous parler Elisabeth, c’est ce que tu veux entendre ? Je voulais m’éloigner de tout ce qui touchait à l’angleterre. Tu penses que c’est lâche ? C’est peut-être le cas mais grâce à cette lâcheté vous avez été une famille. » Alors là, c’est trop. Je porte mon poing à mes lèvres, le retirant, mes yeux fermés pour ne pas exploser. Les enfants sont en haut, il ne faut pas non plus alerter tout le voisinage de nos histoires… Le front plissé, je deviens surement aussi froide que lui, même s’il gagne probablement grâce à son entrainement spectaculaire de tous les jours. Il m’a brisé le cœur, sur place, sans même que je puisse tenter de m’y attendre réellement. Il ne voulait pas nous parler. C’est son droit, je préfère entendre ça que de fausses excuses. Pour le reste… « N’imagine même pas un instant que nous avons été une famille ‘grâce’ à ton départ Gauthier. Et peut être finalement qu’il aurait été mieux pour tout le monde que nous n’en soyons pas une, tu ne crois pas ? » Cette question avait de multi-sens, de muti-réponses également. Il ne serait pas parti, cette famille aurait pu être Gabriel, lui et moi. Elle aurait pu ne pas exister du tout, elle aurait pu devenir Gabriel et moi uniquement, elle aurait pu être multiple, mais nous ne le serons jamais parce que nous n’avons jamais pu en discuter… « Tu ne sais pas ce qu’a été cette famille, ne t’en attribue pas trop rapidement les mérite, ce n’est peut-être pas une si belle réussite. » C’est peut-être dur, il est en parti réellement responsable du bonheur que j’ai pu vivre grâce à la naissance de Gabriel, il est la personne qui m’a donné cet enfant, ce miracle et pourtant ce petit incident. Seulement à part ça, il n’était pas là, il n’a rien fait et ne m’a même pas donné la chance de lui en donner la possibilité.
A l’évocation de cette dernière montée que nous avons faite ensemble, les dernières paroles dont je me souviens de lui à moi, il fronce les sourcils. « On a fait une soirée, on a dit au revoir… Qu’est-ce que tu voulais Elisabeth ? Un discours ? Je pouvais à peine te regarder dans les yeux après ça !» Ah oui d’accord… Je ne souhaitais qu’une discussion à ce moment-là, pour savoir quoi faire, pour prendre une décision et non qu’il la prenne à ma place. J’étais fiancée, par mariée à cette époque et j’avais déjà dit oui à Daniel, parce qu’il n’avait pas voulu en reparler, parce qu’il n’osait plus me regarder, comme il vient de me l’avouer. « Tu y arrives aujourd’hui… » Il est vrai qu’avec ce regard, je n’aurais pas parlé longtemps, j’aurais compris. Mais avec celui qui a pu avoir, celui qu’il m’a donné dans la chambre d’hôpital de Gabriel dans ce nouveau moment volé. Ce regard-là, il a pu le tenir, comment si à ce point ma vision lui est difficile ? L’évocation de cette soirée, de cette nuit qui a tout commencé, ou plutôt tout fini reprend. Son rire me déchire le cœur, un frisson me traversant l’échine. C’est ça, c’est ça que je cherchais, c’est ça que j’aurais voulu entendre à ce moment-là. Son « Vraiment ? » me détruit, son presque dégoût sur le visage me hante et pourtant, il a réagi, enfin. L’ambiance se fait lourde, pesante, mais il est là, je le tiens et pour le moment, je ne veux pas le laisser partir, pas tant que je n’ai pas eu mes réponses… Je ne sais pas lesquelles je souhaite, mais elles me sont vitales. Il se retire, s’éloignant du plan de travail comme s’il allait partir… Je ne pensais pas qu’il avait eu tant de mal à encaisser ce moment, qu’il avait été si difficile pour lui ensuite de faire face, je ne pensais pas que cette nuit avait été si horrible à ses yeux, peut être que cela me permettra d’être en paix avec toute cette histoire… Pourtant quand je le dis clairement, ses yeux se ferment et pendant l’espace d’un instant, je revois l’homme doux qu’il est, cette personne qui me rend dingue et lorsqu’il fait un pas vers moi, j’ai à mon tour envie de fuir, mais je reste là, voulant en même temps avancer vers lui, tel un aimant… « Je n’ai pas dit ça Elisabeth… » A mon tour, mes paupières se ferment, elles se font lourdes alors que nous sommes en pleine journée… Je lutte contre les papillonnements s’imposant à moi dans tout mon être. Pourquoi ? Pourquoi tu ne pouvais pas simplement me persuader que tu ne voulais pas de moi, que c’était une vraie erreur, un souvenir horrible à tes yeux ? J’aurais pu te laisser partir, me faisant une idée à tout ça, mais là… Je suis à nouveau perdue face à des sentiments contraires qui se mènent bataille dans mon esprit depuis bien trop longtemps.
Froid, lourd et pesant et en même temps apaisant, le silence s’installe alors que je tente de reprendre mes esprits. Il est bien trop proche de moi à présent. Nous sommes seulement à quelques pas l’un de l’autre et sa présence, son odeur si particulière à mon sens, me trouble plus que je ne le souhaiterais. « Je ne sais pas ce que tu attends de cette conversation Elisabeth c’est juste… ressasser le passé. C’est loin maintenant…» Je lève les yeux vers lui, comment et quoi lui répondre. Je sens la tension entre nous, je sens aussi ce désir qui prend par de moi petit à petit. Je m’avance sans vraiment y réfléchir, abaisse les yeux sur sa main posée sur le comptoir, une main rejointe rapidement et délicatement par la mienne. Je sais qu’il n’aime pas ça, qu’il n’est pas tactile, mais j’ai besoin de lui faire comprendre. Je ne veux pas lui faire de mal, je veux simplement qu’il me parle. La caressant doucement avant de la serrer dans la mienne. Mes iris attrapent les siens, ce bleu olympien m’emporte amplifiant les battements de mon cœur. Tendre et calme, je retrouve ma voix et reprend cette conversation sans aucune attaque cette fois-ci. « Je voulais simplement que tu t’ouvres, que tu me parles… Je suis perdue. J’étais perdue à ce moment-là, je ne savais quoi faire, je… » Un léger sourire destructeur s’étend sur mes lèvres. S’il ne s’ouvre pas, alors, je le ferais… « Ce n’est pas une excuse, mais je ne savais pas ce que je faisais, j’avançais en marche automatique, j’essayais de me protéger. Daniel était… Il était lui, doux, tendre, ouvert et bavard… » Caractéristique qui les différencier réellement… « Il est venu vers moi, il a fait les efforts, je n’avais rien à faire. C’était simple, surement trop, c’était la romance dont toutes les filles rêvent, qu’est-ce qui me permettait de le remettre en question ? » Je laisse en suspend cette question, je n’en ai pas la réponse, ou si : je ne suis pas toutes les filles. « Il était l’homme parfait, mais… » Sans pouvoir plus tenir, je lâche son regard et trouve immédiatement le sol bien plus intéressant. « mais tu étais toujours à côté. Ce n’était pas un moment d’égaré pour moi. Loin de là, Gauthier… C’était peut-être, le seul moment où nous n’avions jamais été seul que tous les deux… J’avais tout, je vous avez tous les deux, et je n’arrivais pas à choisir et en refusant cette conversation, tu m’as aidé à le faire. En me fuyant si rapidement, tu as pris cette décision à ma place, car… j’ignorais si les sentiments que j’éprouvais étaient partagés. » C’est la première fois que je lui dis, que je dis à n’importe qui, que je me l’avoue même à moi-même à haute voix. J’ai eu, j’ai et j’aurais surement toujours des sentiments pour lui, seulement il l’a parfaitement dit. Je referme ma main, me recule dans un sourire. « Mais oui, c’est du passé, c’est loin. Je voulais surement me rassurer, ou me punir moi-même en te confrontant, et aussi savoir… » Je souffle doucement avant de pouvoir avoir la force de reprendre. Hochant la tête sur la droite et me mordillant légèrement la lèvre inférieure à nouveau. « Je sais que c’est du passé, et tout le reste, mais penses-tu seulement que tu aurais pu assumer toutes les conséquences que cela aurait pu engendrer, ou bien l’aventure était cette fois-ci trop importante et éprouvante pour toi ? » Je ne sais même pas si mes sentiments étaient partagés, mais ce n’est pas grave je me lance, je n’ai besoin que d’une réponse, celle-ci. Le reste, je laisserais mon imagination faire seule, mais pour le moment, ce n’est pas nous qui m’intéresse, c’est mon fils, son avenir et l’amour qu’il pourrait avoir en plus. Jamais je lui dirais pour l’instant, mais peut être qu’en fonction de sa réponse, dans un présent plus ou moins proche, peut-être qu’il pourra avoir une vraie part dans la vie de cette petite tête blonde qui me tourmente depuis quatre ans (cinq si on compte les neuf mois où je l’ai eu pour moi seule…). Je me referme alors, continuant de reculer jusqu’à me coller à un placard, le plus loin possible de lui, après la proximité bien trop grande que j’ai osé avoir avec lui. Il faut que je puisse respirer, sinon je ne pourrais même pas me concentrer sur ses paroles…
C’est insupportable de la regarder. Parce que malgré la colère et la conversation qui a de quoi l’agacer et le pousser dans ses retranchements, il ne peut cesser totalement de la désirer. Il voudrait pourtant, mettre son esprit sur pause et passer à autre chose mais ce n’est pas aussi simple. Et c’est d’ailleurs un problème qu’il a fuit, bien conscient qu’il ne pourrait pas le régler. « Je ne te demandais pas de le lui dire, pas tout seul en tout cas, juste, tu n’as jamais pensé que cette discussion puisse être une possibilité ? » Il est un peu surpris par la question, surprit par lui même au final parce que la réponse il la connaît mais n’a jamais réellement tenté de la comprendre. « Non, c’était inimaginable Elisabeth. » Évidemment il avait fantasmer cette relation avec Elisabeth, mais l’idée même de parler de cette trahison à son ami lui était inconcevable. Daniel était comme un frère, il était son ami et affronter ce moment d’égarement avec la femme dont il était amoureux, c’était inenvisageable, du moins dans les circonstances qui étaient les leurs à cette époque. « Parce que tu savais ce qui était le mieux pour notre couple… Pour tout le reste ok, si tu veux, Théo, toi, surement, mais tu ne sais pas ce qui était le mieux pour ce couple. » Il ne peut s’empêcher de se dire qu’elle se trompe mais garde cette réflexion pour lui, en se contentant de lui rendre ce regard noir. « N’imagine même pas un instant que nous avons été une famille ‘grâce’ à ton départ Gauthier. Et peut être finalement qu’il aurait été mieux pour tout le monde que nous n’en soyons pas une, tu ne crois pas ? » Il n’est pas sûr de comprendre la réflexion, son visage se fermant alors qu’il plante un regard presque de provocation dans le sien. « Non je ne crois pas. » Il commence à se dire qu’il devait peut-être se taire - que les réponses qu’elle lui demande, elle n’est pas plus prête à les entendre qu’il ne l’est à les formuler au final. « Ce que je crois c’est qu’il ne nous aurait jamais pardonné. » Et alors ils auraient été deux à le perdre… Pourquoi ? A nom de quoi aurait-il pu demander à Elisabeth de faire ça ? « Tu voulais savoir je t’ai expliqué mon point de vu. » De loin au moins et en omettant sans doute les points les plus importants. « Tu ne sais pas ce qu’a été cette famille, ne t’en attribue pas trop rapidement les mérite, ce n’est peut-être pas une si belle réussite. » La n’est pas tant la question pour lui. « La suite de l’histoire vous appartenait Elisabeth… » Si elle n’a pas su en faire quelque chose de bien ce n’est au final plus son problème. Il ne lui demandait rien, elle aurait bien pu le quitter ou tout lui avouer si elle le souhaitait… Mais elle ne l’avait pas fait de toute évidence… Ou peut-être aujourd’hui…
Il n’aime pas remuer le passé, s’agace vite et elle le voit, ses doigts passant de la contraction à outrance aux tapotements anxieux sur le plan de travail sans qu’il ne puisse se fixer sur une des deux positions, encore moins quand il faut évoquer son départ et les mots qu’il n’a jamais su dire. « Tu y arrives aujourd’hui… » Oui il la regarde dans les yeux, parce que le temps a passé, parce que Daniel n’est pas là et qu’il ne peut s’en empêcher mais parfois - comme à cet instant - le regard qu’elle lui rend est douleur, il a un goût de regret. Et plus cette conversation avance plus il se demande où elle mène. Il semble incapable de se comprendre l’un l’autre d’en sortir quelque chose de positif ou au moins de constructeur, ce n’est qu’un ramassis de vieux souvenirs et de regrets jetés au visage de l’autre. Il n’a pas voulu ça, ne comprend pas le sens et voudrait s’en aller maintenant et peut-être se contenter de ne plus jamais revenir. Ils ont bien vécu dans l’ignorance l’un de l’autre pendant presque cinq ans… Ils devraient encore être capable de le faire.
C’est sans compter sur Elisabeth, sur son regard qui les parcourt, ses pas qui l'amènent à lui alors qu’il reste stoïque toujours aussi tendu, comme si contracter tout son corps l’empêchait de céder aux tremblements qui le guettaient. Quand sa main touche la sienne pourtant il ferme les yeux à nouveau, sa voix laissant sortir un. « Ne fais pas ça… » Comme une complainte, les mots beaucoup trop doux pour qu’ils soient pris comme une agression, et quand ses yeux se réouvrent et croisent son regard, ses mots semblent s’évaporer dans la nature. Elle l’a, en entier, toute son attention sur elle, son corps pourtant incapable de répondre à cette main qui le touche. « Je voulais simplement que tu t’ouvres, que tu me parles… Je suis perdue. J’étais perdue à ce moment-là, je ne savais quoi faire, je… » Il entend mais n’est pas capable pourtant de lui donner ce qu’elle veut, restant toujours aussi fermé, toujours aussi silencieux. Il sait que c’est le problème que c’est une des raisons qui l'empêcheront toujours d’être heureux avec une femme - il n’est pas prêt et livrer cette part de lui, peut-être parce qu’il n’est pas sûr qu’elle mérite un quelconque amour. « Ce n’est pas une excuse, mais je ne savais pas ce que je faisais, j’avançais en marche automatique, j’essayais de me protéger. Daniel était… Il était lui, doux, tendre, ouvert et bavard… » Et c’était ce qui faisait de lui le bon choix, Gauthier le savait lui aussi. « Il est venu vers moi, il a fait les efforts, je n’avais rien à faire. C’était simple, surement trop, c’était la romance dont toutes les filles rêvent, qu’est-ce qui me permettait de le remettre en question ? » Il n’est pas sûr d’avoir envie d’entendre ces mots meurtriers, parce qu’il connaît déjà l’histoire, il la vu naître et se réaliser sous ses yeux. « Rien… » Et surtout pas lui, eux… Ce désir brûlant qui les consumait mais dont ils ne pouvaient pas même parler. Il était tabou et aujourd’hui encore sa simple évocation lui arrachait un frisson de dégoût à son égard. « Il était l’homme parfait, mais… » Il la perd cette fois, ne voit plus ses yeux qui vont flirter avec le sol alors pourtant que lui ne la quitter plus du regard.
« Mais tu étais toujours à côté. Ce n’était pas un moment d’égaré pour moi. Loin de là, Gauthier… C’était peut-être, le seul moment où nous n’avions jamais été seul que tous les deux… » Cette fois il est incapable de retenir le frisson qui lui parcourt tout le corps, la sensation que son ventre est noué tout autant que sa langue d’ailleurs, toujours incapable de prononcer un mot. Pourtant il voudrait lui dire, que pour lui aussi ça ne signifiait pas rien, qu’il n’est pas aussi insensible, que jamais il ne l’aurait touchée de cette façon si il n’y avait pas eu…quelque chose de différent avec elle. « J’avais tout, je vous avez tous les deux, et je n’arrivais pas à choisir et en refusant cette conversation, tu m’as aidé à le faire. En me fuyant si rapidement, tu as pris cette décision à ma place, car… j’ignorais si les sentiments que j’éprouvais étaient partagés. » Il n’est toujours capable de rien faire, n’est pas sûr qu’elle ait fini et déglutit si difficilement qu’il lui semble que sa gorge est en feu. Quand la main d’Elisabeth le quitte finalement sans qu’il n’ait réussi à lui rendre un moindre geste de tendresse il se sent vide. « Mais oui, c’est du passé, c’est loin. Je voulais surement me rassurer, ou me punir moi-même en te confrontant, et aussi savoir… » savoir quoi ? Il n’est toujours pas sûr de comprendre. « Je sais que c’est du passé, et tout le reste, mais penses-tu seulement que tu aurais pu assumer toutes les conséquences que cela aurait pu engendrer, ou bien l’aventure était cette fois-ci trop importante et éprouvante pour toi ? » C’est une question simple pourtant, une réponse suffit, un oui ou un non mais il lui semble qu’il l’a déjà donné et que le dire plus clairement est une punition qu’elle lui inflige pour sa lâcheté. Alors comme pour se protéger, il retrouve rapidement son masque, cette froideur dont il ne sait se défaire.« Je ne suis pas cet homme là… » C’est une façon de lui dire non… Non il n’est pas l’homme qu’elle voudrait voir à ses côtés. Il n’est pas de celui qui se livre, qui peut s’ouvrir à elle et lui exposer ses faiblesses. Cet homme c’est Daniel, son mari, celui qu’elle a choisi. « C’était la bonne décision Elisabeth… Tu aurais été malheureuse. » Malheureuse avec lui…Parce que c’était tout ce qu’il avait su offrir aux femmes jusque là, la tristesse et l’impression qu’elles ne pourraient jamais passer en premier dans sa vie, qu’il ne pourrait jamais leur donner ce qu’elles désiraient le plus.
Et à nouveau le silence.
Le silence presque trop précieux pour être brisé. Il se défait du poste de travail, son corps presque incapable de tenir le choc. Gravir une montagne est simple à côté de ce qu’elle vient de lui faire subir. Émotionnellement il n’est pas prêt. Ne sait plus quoi faire de ses jambes qui lui semblent d’un coup trop raide, de ce coeur qui bat trop vite, de ses mains inutiles qui n’ont même pas su lui rendre un instant simple de tendresse. « Je vais y aller maintenant. » Qu’est ce qu’ils y ont gagné au final ? Rien… Du moins c’est ce qu’il pense quand il relève le regard vers elle pour l’observe. Contre le placard, elle est habillé mais d’un coup c’est comme si elle était nue, complètement à nu devant lui et qu’il ne pouvait lui rendre cette nudité. Il fait quelque pas pour se rapprocher de la sortie mais aussi indéniablement un peu d’elle. Quand il passe à proximité ses pas ralentissent, tout son corps se met en pause et finalement il est arrêté devant elle, silencieux mais le regard toujours fixé sur la porte qu’il devrait prendre pour s’échapper au plus vite. Un nouveau regard vers elle et c’est trop tard pour faire marche arrière, ses mains sont dans sa nuque, sur ses reins, remontent dans son dos alors qu’il s’emparre de ses lèvres avec ardeur. Il la désir tellement que tout son corps s’enflamme. Il n’a pas les mots pour le dire mais ses gestes parlent pour lui, sa langue qui vient trouver la sienne, son corps qui se plaque au sienne contre le placard alors que ses baisers descendent avec fougue dans sa nuque puis remonte sans gêne jusqu’à ses lèvres qu’il retrouve avec plus d’ardeur encore, ne lui laissant même pas la possibilité de s'échapper de son étreinte. Quand finalement son regard attrape le sien, son front collé contre le sien il murmure son aveu… « Je ne sais pas qui je suis quand je suis avec toi… » Il ne lui dira pas à quel point cette vérité l'effraie mais c’est déjà plus que ce qu’il lui a confié jusqu’à maintenant. « Maman tu fais quoi ? » A la première syllabe déjà il a quitté son contact avec Elisabeth, cette étreinte passionnée, relevant un regard presque apeuré sur Daniel qui les observe, Oliver sur ses talons. Il ne répond rien, ne peut plus la regarder, sa main attraper avec culpabilité sa bouche comme pour se défaire de ce geste impulsif qui lui ressemble si peu.
Il n’a donc jamais vu ça comme possible. Il ne sait jamais dit que nous pourrions parler ensemble, savoir ce que nous étions vraiment l’un pour l’autre. Je ne lui ai jamais demander de me prendre dans ses bras tous les soirs en me promettant la lune, ça j’avais Daniel pour le faire. Ce que j’ai toujours attendu de lui, c’est ses regards, ses gestes, sa passion, la tendresse musclée dont il pouvait faire preuve. Je n’attendais pas une grande histoire d’amour, mais j’aurais pu mettre fin à mon conte de fée, pour pouvoir passer des nuits dans ses bras à lui… Mais pour lui, ce n’était même pas une possibilité. La gorge nouée, j’hoche la tête, silencieuse. Je comprends, il reste Gauthier après tout… Je n’ai jamais voulu déchiré l’amitié qui le liée à Daniel, je n’ai jamais voulu faire d’eux des rivaux, d’en faire un mari et un amant. Les circonstances ont fait en sorte que cela se passe, mais jamais je n’avais réfléchi à ça. Peut-être que ce n’est pas Gauthier qui aurait dû partir mais bien moi pour les protéger tous les deux afin qu’ils gardent ce lien si spécial et particulier à leurs yeux. J’ai détruit leur amitié au nom de l’amour que j’avais pour eux, mais était-ce suffisant pour qu’ils n’aient de regret. Bien sûr que non, et eux-mêmes n’auraient jamais dû choisir ce désir à ce lien presque fraternel qui les unissait. « Non je ne crois pas. » A nouveau, cette réponse me met en boule, mais au moins j’ai une réponse. Il n’en sait rien à la fin ! Ok, j’ai eu un mariage parfait jusqu’à l’année dernière, mais je n’ai jamais pu oublier son ombre, son odeur et son touché, comment voulait-il que ce mariage se finisse alors ? « Ce que je crois c’est qu’il ne nous aurait jamais pardonné. » Ironiquement je souris. Ça c’est une certitude et je suis en train de le payer au prix fort. « Tu voulais savoir je t’ai expliqué mon point de vu. » J’acquiesce, il a raison mais il n’en reste qu’il ne sait rien et qu’il ne devrait pas en faire des spéculations, qu’il laisse ça au travail… « La suite de l’histoire vous appartenait Elisabeth… » Celle-là était mérité. Et si c’était moi qui en attendait simplement trop de lui ? Une fois son départ fait, nous n’étions plus que deux. J’avais le choix, j’ai préféré me morfondre, j’ai préféré aller une fois encore contre moi-même, contre mes envies. J’aurais pu tout arrêter, j’aurais pu faire ce test de paternité à ce moment-là, j’aurais pu lui courir moi après, j’aurais pu respecter mes envies. Aujourd’hui, je nie tout ça et il m’aide à y faire face.
Alors que nos deux corps se rapprochent, j’entends sa complainte mais la ressent presque comme un encouragement, comme une voix contraire. De toute façon, je suis incapable de faire demi-tour, je suis en mode automatique et comme à chaque fois, ce mode m’amène à lui, tel un boomerang, je reviens toujours à lui. Il reste là, raide et froid, mais je m’en fiche, je peux avoir cette douceur pour deux le temps de la discussion, et même peut être plus. Pour lui, je serais capable de prendre sur moi, de le laisser faire, de le laisser jauger de ses propres besoins, pour lui je serais un pantin, mais est-ce une solution aujourd’hui ? J’ai plus de responsabilité qu’à cette époque-là, et pour le bien de mon fils, je ne peux me permettre cela. Pour son besoin à lui, comme pour ma propre santé mentale, j’ai aussi besoin qu’il s’ouvre, qu’il se livre mais après tout, qui suis-je pour le lui demander ? Une conquête d’une nuit ? Un amour passé ? La femme de son meilleur ami perdu ? « Rien… » J’aurais tant voulu que sa réponse soit autre, mais je suis heureuse qu’il aille dans mon sens, ça nous évitera bien des problèmes… Prenant mes distances, je quitte tout contact avec lui, souffrant de ce manque comme une brulure intense sur ma peau et dans mon cœur. Ma dernière question passe mes lèvres et plus rien ne répond de moi… Contre le placard, je suis incapable du moindre geste. Terrifiée par la simple idée qu’il puisse me répondre. « Je ne suis pas cet homme là… » Ce n’est pas ma question. Quel homme ? Je ne lui ai pas demandé d’être un homme d’une certaine manière, je ne lui ai pas demandé d’être Daniel, bien au contraire… Et c’est ça qu’il refuse de comprendre. « C’était la bonne décision Elisabeth… Tu aurais été malheureuse. » Alors pourquoi aujourd’hui, elle sonne si faux ? Pourquoi je suis aussi malheureuse ? Pourquoi je me sens si seule ? Peut-être qu’il aurait été plus simple de souffrir à ce moment-là. Je ne pense pas qu’il m’aurait rendu malheureuse, je pense simplement que nous nous serions amusés peut-être seulement un temps, peut-être pour toujours, mais je sais surtout que cela nous aurais permis de répondre favorable à la demande de nos corps de se retrouver sans cesse… Je ne répondrais pas et nous nous plongeons dans un silence difficilement tenable. Toutes mes pensées se mélangent, je ne réfléchis plus bien mais mon cœur lui atteint une vitesse qui me fait mal. Comment ma vie aurait été si le choix avait été différent, si j’avais eu le courage de tout avouer à Daniel ? M’aurait-il pardonné et demandé de rester ? Aurais-je fui plus tôt dans cette ville pour le retrouver lui ? Quel serait le nom de famille de Gabriel aujourd’hui ?
Ma respiration se bloque lorsqu’il commence à bouger. Son corps en mouvement n’aide en rien mon silence, n’aide en rien mon immobilisme. Pourquoi ne pouvait-il pas rester là, sans bouger à jamais ? Il a l’air aussi engourdit que moi, mais lui ose au moins aller contre cette raideur que son corps lui impose. « Je vais y aller maintenant. » Non. Je n’en ai plus envie. Je sais que cette conversation est finie, qu’il n’en dira pas plus mais j’ai encore besoin que son odeur se mélange à l’air de chez moi, que sa présence soit constante. J’ai besoin de lui et lorsqu’il s’approche pour atteindre la porte, je me raidis pour mieux me contrôler et ne rien faire que je pourrais regretter… Je me sens vide, je nous ai épuisé tous les deux, pour au final, ne pas avoir la conclusion finale. Je n’ai pas ma réponse, je ne sais toujours pas ce que je dois faire. Lui dire, oui, mais comment ? Je reste là, immobile, seul mon regard le suit, sans que je bouge pour autant le visage. Je refuse de le regarder partir à nouveau, de peur qu’il ne revienne jamais encore une fois… Pourquoi fait-il ça ? Pourquoi s’arrête-t-il ? Est-ce une nouvelle méthode de torture ? Tout mon corps se réchauffe, et se retranche loin, pour ne rien faire, même pas un mouvement de sourcil… Pourtant, nos regards se croisent à nouveau et mon cœur explose, le désir prenant possession entière de mon être. Ses mais contre moi me font frémirent, les miennes allant chercher sa nuque, son visage. Je m’accroche à son cou alors qu’une de ses mains vient le long de mon dos. Nos lèvres l’une contre l’autre brûlent mais d’un bonheur intense cette fois-ci. Je ne réponds plus de mes actes, je ne réponds plus de rien. La cambrure de mon dos s’amplifie pour se rapprocher de lui, nos hanches se rejoignant. Le souffle court, ma main s’entremêle avec ses cheveux alors que l’autre caresse avec passion et douceur son épiderme se rappelant de la moindre irrégularité, je reconnais parfaitement ce corps que je n’ai pourtant pu atteindre qu’une seule fois. Ses lippes s’éloignent des miennes provoquant un manque vif en moi jusqu’à ce qu’il les dépose sur ma nuque, déclenchant une nouvelle vague de désir, un souffle plus important que les autres. Je lui appartiens. Je ne devrais pas, je devrais le repousser, lui demander d’arrêter, et pourtant je ne peux qu’en redemander… Le bois du placard m’empêchant de fuir et de retrouver la raison, je me laisse emporter dans cette folie douce. Pourquoi fait-il cela ? Je ne veux même pas me poser la question et laisse sa langue retrouver la mienne, en lui rendant toute la passion qui m’envoute. Une de mes mains s’échappe pour se positionner sur son torse, tentant presque de nous séparer sans même essayer. J’ai besoin de lui, de sa présence, de sa chaleur contre moi, j’ai besoin de cette passion, cette non retenue, cet envoutement, de tout son être, je le veux lui et pourtant je dois me ressaisir ce qui devient parfaitement impossible lorsque son regard se plante dans le mien, intensifiant le désir qui enflamme tout mon corps. Son souffle court se mélangeant au mien, nous presque trop loin à mon avis… « vJe ne sais pas qui je suis quand je suis avec toi… » Ratant de nombreux battement, mon cœur s’arrête pendant plusieurs secondes à cette annonce. Je retiens mes larmes avec toute la force qui me reste. Et je suis entière quand je suis avec toi… Seulement, je ne peux lui dire, ce serait trop dur à assumer par la suite. Trop difficile à continuer. Trop… J’ouvre les lèvres pour lui répondre, pour… « Maman tu fais quoi ? » Mon cœur loupe à nouveau un battement et d’un coup, je me sens vide, nue et bien trop loin de lui. Aux paroles de mon fils, nos corps se sont séparés, bien trop loin pour que je puisse entremêler mes doigts aux siens et le soutenir dans ce moment. Le regard des deux petits garçons sur nous est pesant et j’ai l’impression d’avoir été prise sur le fait. Silencieuse un instant, je sens qu’à mes côtés, il n’est plus du tout aussi confiant que ses gestes l’étaient quelques secondes plus tôt. Je respire profondément une demi-seconde avant de reprendre ma face de maman, en feignant une fausse faute. « Je parlais avec Gauthier, pourquoi ? » Il fronce les sourcils, s’il te plait Gaby, ne devient pas trop intelligent maintenant… « Contre l’armoire ? » Je ne veux pas lui mentir, je ne lui dirais pas que nous cherchions quelque chose ou quoi que ce soit, déjà bien trop de mensonges sont présents dans ma vie, je refuse que mon fils en subisse un nouveau. J’hoche la tête pour confirmer ses dires. Encore sous le coup de l’émotion, je me dirige vers les deux petits garçons, mon regard se posant sur Gauthier, ma main frôlant la sienne. Ma lèvre se retrouve à nouveau sous mes dents et mes paupières se closent. « Vous veniez pour gouter ? » L’air intrigué de Gabriel, se transforme alors en un sourire miraculeux. « OUI !! Gauthier il goûte avec nous ?! » Sans me retourner vers le principal intéressé, lui lançant totalement le choix, je lève les épaules. « C’est lui qui voit. » « Tu vas voir ils sont trop bons les cookies de maman ! » Il emmène son copain pour s’assoir sur les tabourets de la cuisine alors que je me dirige vers le frigo, prenant le lait, la main encore tremblante… Je me retourne alors, pour lui faire de nouveau face, sa chaleur encore présente sur ma peau. Je suis désolée, j’aurais tant voulu que ce moment dur plus longtemps…
Il se perd en elle - il perd qui il est ce qui fait de lui Gauthier. Il n’est plus que désir, brûlant et incontrôlable. Il ne se permet jamais ce genre d'écart, garde le contrôle même de cet aspect de sa vie, la passion étant une notion relative pour lui. Mais face à Elisabeth il perd tout contrôle de ses gestes, ses mains glissent sur son corps sans retenue, sans que ses pensés ne parasitent ses actions, son corps si proche du sien qu’il semble vouloir ne faire qu’un avec elle. Pourtant quand la voix de Gabriel raisonne dans la pièce tout lui revient d’un coup. Il perd cet spontanéité, retrouve son espace, son contrôle, cet culpabilité aussi alors qu’il ne peut même pas la regarder. Il ignore ce qu’il vient de faire - quel genre d’homme se cache quelque part en lui et lui arrache ce qui est le plus précieux pour lui - le contrôle. « Je parlais avec Gauthier, pourquoi ? » Les deux garçons sont perplexes et lui tente de se redonner un semblant de bonne figure passant sa main sur sa chemise un peu froissé par cet échange passionné. Pourtant son esprit continue d’être parasité par elle, par le souvenir de la douceur de sa peau sous sa main, son souffle contre le sien, son odeur qui l’enivre, son corps nu dans ce chalet si loin aujourd’hui… « Contre l’armoire ? » Il ne lui vient même pas en aide, son regard se pose sur son neveu qui ouvre des grands yeux un peu étonné lui aussi. Lui n’est jamais confronté à ce genre de situation, il vit dans une famille un peu spécial où n’existe aucun couple. Charlie ayant interdiction de ramener des minettes sous leur toit - Théodora étant bien trop sérieuse et préoccupée par le bien être de son fils pour garder une relation plus que quelques mois et lui… Il est lui. « Vous veniez pour gouter ? » Elle chasse le malaise de cette façon, comme la dernière fois au festival, la nourriture étant le meilleur moyen quand il s’agit de ses deux ventres sur pattes. Quand la main d’Elisabeth vient frôler celle de Gauthier il se fait violence pour la retirer sans geste brusque, ne souhaitant pas que les enfants voient ça. Gabriel plus particulièrement, parce qu’il ne veut pas qu’il le pense entrain de prendre la place de son père, parce qu’il ne sait rien de l’histoire de ce couple qui pour le moment est séparé. Elle est restée bien secrète à ce sujet alors pourtant qu’elle s'est livrée sans retenue quelques minutes auparavant. « OUI !! Gauthier il goûte avec nous ?! » « C’est lui qui voit. » Son regard semble d’un coup laisser transparaître un peu d’angoisse à l’idée de rester ici et son neveu qui vient attraper sa main l’aide à se canaliser à nouveau. « Dis oui tonton ! » Il serre cette petite main rassurante dans la sienne alors que la voit de Gabriel reprend. « Tu vas voir ils sont trop bons les cookies de maman ! » Il sourit au jeune garçon. « Je n’en doute pas mais… » Mais quoi ? Mais c’est plus simple de prendre la fuite ? Il lève les yeux sur elle et ne peut finir cette phrase articulant un difficile. « D’accord. » Avant de s’avancer à nouveau vers le plan de travail.
Tout le monde met la main à la pâte. Pendant qu’Elisabeth sort le cookies du four ils s’occupent des serviettes et du sirop. Le deux garçon se lèchent déjà les babines. « Après vous pouvez jouer à la balle avec nous ? On veut faire un combat. » Gauthier hésite encore, attrape un cookie dans le silence comme s’il attendait une réponse de la parte d’Elisabeth qui doit en faire de même pour lui. « Vu que Gab est plus petit il est avec Tonton et moi avec madame Elisabeth. » Décidément à croire que le petit est tombé amoureux. « On verra… » Il n’est pas sûr d’avoir la force de faire ça encore, de continuer d’éviter son regard ou de ressentir cette envie profonde d’elle à nouveau. « Ils sont très bons Elisabeth. » Il se contentera pourtant d’un seul, son estomac est encore noué, retourné, il n’a pas récupéré toute sa contenance et sent encore son coeur battre trop fortement dans sa poitrine, séquelle persistante de cet instant passé avec elle. « Quand on jouait avec papa il perdait toujours ! » Coup de poignard dans le coeur quand le visage de Daniel lui revient en tête. Qu’est ce qu’il fait ? Qu’est ce qui lui prend bon dieu, où est Daniel c’est sa famille, sa place ici. « Quand je dis que tu es un champion. » Il tente de chasser le malaise, se racle un peu la gorge. « Je reviens… » Il quitte la table se rendant compte qu’il ne connaît pas la maison et se tournant vers Elisabeth. « La salle de bain ? » Elle lui indique la direction et il s'éclipse aussi vite. Passe de l’eau sur son visage en respirant un bon coup, observant son reflet dans le miroir sans vraiment se reconnaître. Il souffle un grand coup, tentant de se reprendre, de ne rien montrer devant les deux enfants qui ne peuvent rien comprendre de cette histoire. Il faut qu’il y retourne, il faudrait aussi qu’il s’en aille, il n’a pas sa place dans cette maison…
Il a enfin parlé, même si ce n’était qu’un instant trop court, même si ce n’était que dans un souffle, je peux comprendre. Je sais ce qu’il ressent et tout cela rend notre situation bien plus complexe. Ses mots résonnent sans arrêt dans ma tête, perturbant mon esprit en permanence. Pourtant, je dois me concentrer, je dois répondre aux besoins de mon fils et de son ami et ne rien laisser paraitre. Je n’ai pas le droit de montrer tout ce qu’il vient de se passer par respect pour Daniel, je ne dois même pas penser à vouloir recommencer, je suis encore mariée… Pour mon fils, je dois avant tout mettre les choses au clair afin de pouvoir faire les choses dans l’ordre. Ou plutôt, l’ordre qui est maintenant nécessaire, car normalement, les autres personnes décident de faire un enfant ensemble, il ne l’impose pas au bout de quatre ans… Je sais qu’Oliver s’avance vers Gauthier et quand sa voix supplie son oncle, je devine sa réponse. Il ne saura pas lui dire non, sans une bonne excuse pouvant requérir sa présence ailleurs et il ne lui mentira pas, ce n’est pas son style et encore moins face à son neveu. « Je n’en doute pas mais…» Leur faisant dos, je me mords la lèvre. Je le savais. « D’accord. » Entre soulagement et hésitation, mon cœur tient une cadence étrange. Je veux qu’il reste, pour le goûter, le souper, la nuit et même pour toujours s’il le souhaite et en même temps, je veux qu’il parte, que la délicatesse de sa peau, la force de son corps et la puissance de son souffle disparaissent de mon esprit pour que jamais plus un moment de telle faiblesse n’arrive, que jamais plus, je ne trompe mon mari avec lui… Il reste et ses mouvements dans la cuisine, comme s’il habitait avec nous et que nous nous occupions de notre famille, font ralentir les miens toujours contrôlés et hésitant à l’inverse de mes habitudes. Je sais que mon fils nous observe, les sourcils froncés, je ne sais pourtant pas ce qu’il peut penser à ce moment-là. Je ne suis pas sûre d’en avoir réellement envie et pourtant il faudrait que je le sache… Pour à lui aussi, un jour lui expliquer, si Gauthier le veut…
« Après vous pouvez jouer à la balle avec nous ? On veut faire un combat.» Vraiment les garçons ? Votre but est de nous torturer à jamais ? « Vu que Gab est plus petit il est avec Tonton et moi avec madame Elisabeth.» Mais il n’a que trois mois de moins, c’est une mauvaise excuse ! Même si ok, pour l’instant, il fait plus jeune et petit qu’Oliver, ils n’ont vraiment pas beaucoup d’écart… Je souris tout de même à la proposition, ça reste adorable et je ne sais pas pourquoi il continue à m’appeler ainsi, mais ça en devient vraiment mignon… « On verra… » Mon cœur fait un bon. Vraiment ? Je me retourne, sans avoir du tout prévu cette réponse-là. Ce serait une option ? Je pose mon regard sur lui, évitant ses yeux qui sont déjà posés sur un cookie de toute manière. Un léger sourire s’empare de mes lèvres en le voyant au côté des deux petits alors que ma gorge est bien trop nouée pour accepter quoi que ce soit et encore moins des gâteaux que j’ai cuisiné pendant trop de temps aujourd’hui… « Ils sont très bons Elisabeth. » Les deux petites têtes acquiescent à côté en se resservant rapidement. « Merci... » Je vais en direction de la table centrale à mon tour, m’y mettant avec eux. D’un coup, Gabriel se relève, finissant sa bouchée et me regardant avec un large sourire. « Quand on jouait avec papa il perdait toujours !» Gabriel… Veux-t-il faire passer un message ou l’innocence de l’enfance est-elle vraiment présente dans ses paroles ? « Quand je dis que tu es un champion. » Ma respiration se fait difficile, l’après-midi va être très longue si c’est ainsi. Le souvenir des parties de balles à la maison me revient. Je n’y participais que rarement, toujours plongée dans mon travail, ou y allant ou en y revenant, mais je voyais toujours les sourires et la joie immense dans les regards de mon fils et mon mari. Ce sont ces moments qui me donnaient l’impression d’avoir fait le bon choix, ils étaient heureux et c’est tout ce que je souhaitais, à chaque fois. Le sourire qui s’affiche sur le visage de mon fils à la réponse de Gauthier, me donne pourtant l’impression que tout ça, est plus juste. Seulement… Daniel reste encore mon mari et même si actuellement, tout mon être est pour Gauthier, je ne peux le retirer de mon esprit, et bien plus que ça, il est mon mari et son père aux yeux de mon fils et ça, je ne pourrais l’effacer aussi facilement… Le raclement de gorge de Gauthier me fait froncer le front, lui non plus ne doit pas être très à l’aise et il le prouve rapidement… « Je reviens… » Il se lève, mes yeux le suivent, sans que mon regard puisse s’attacher à autre chose et quand il se tourne vers moi, j’ai l’impression d’être prise sur le fait. « La salle de bain ? » Ah oui, il n’est jamais venu et je ne lui ai pas réellement laissé le temps de faire le tour du propriétaire… Je tends le bras pour lui indiquer le chemin dans un presque sourire. « Dans le couloir, c’est la dernière porte à gauche. » Il s’en va alors, me laissant seule avec les deux garnements. Vidé, mon cœur ne réagit plus comme s’il ne savait plus comment continuer sans la présence de son brun… Pour retrouver un peu d’énergie, je m’approche des deux garçons, embrassant la tête de mon fils. « Doucement tout de même avec les cookies, ce serait dommage d’être malade toute l’après-midi les garçons. Et s’il en reste, vous pourrez les partager et tu pourras en amener chez toi Oliver. » Les yeux de gloutons des petits s’émerveillent encore alors que leurs gestes se font tout de suite plus lents. Je fronce les sourcils, entendant parfaitement que le robinet s’est arrêté mais qu’il n’est toujours pas de retour…
« Vous ne faites pas de bêtises, je reviens. » Ils agitent la tête, je ne fais qu’à moitié confiance, mais je serais à côté. Je sais qu’il a surement besoin d’air, mais je ne me résous pas à le laisser là, enfermé dans ma salle de bain persuadée qu’il n’est pas bien et qu’il se pose bien trop de questions. Me dirigeant vers le fond du couloir, mon cœur s’emballe d’un coup, ne supportant pas calmement la présence de Gauthier. La porte n’est pas fermée, l’apercevant dans le miroir, ma gorge se serre. Il n’est pas bien et je ne peux pas réellement l’aider, j’en suis probablement une des raisons. J’entre doucement et sans bruit dans la salle, posant tendrement ma main sur son dos, j’ai peur de sa réaction, peur qu’il n’accepte rien venant de moi, peur qu’il parte sans un mot, peur de ne pas me gérer à nouveau et de me laisser emporter comme nous sommes capables de le faire si facilement… « Ça va ?... » Ma question est surement très loin d’être intelligente mais je ne peux m’empêcher de m’en inquiéter. « Gauthier, si tu n’y tiens pas, on peut trouver un moyen pour que tu t’échappes, je ramènerais Oliver ce soir, tu n’auras pas à revenir ici. » Je comprendrais parfaitement après la discussion que je lui ai fait avoir et les allusions de mon fils qu’il ne veuille plus réellement remettre les pieds ici de suite... Ma main continue son chemin doucement vers son épaule puis son cou alors que je m’avance pour mieux le voir. Le pli au niveau de mon front a repris sa place, montrant mon inquiétude. « Je suis désolée. » De presque tout. « Je n’ai jamais voulu que tu sois mal, jamais voulu te blesser, je te le promets. » J’aimerais lui promettre que s’il le souhaite je pourrais disparaitre de sa vie, ne plus m’en faire pour lui et faire en sorte que les petits puissent se voir sans que nos chemins se recroisent. Seulement, j’en suis incapable, je ne pourrais lui faire une telle promesse, car je ne pourrais la tenir. Posant mon front contre le sien, de la même manière que quelques minutes plus tôt mais sans la scène le précédent, permettant à ma respiration d’être un tout petit peu plus calme, malgré l’excitation de mon palpitant. « Tu n’es pas obligé de répondre, mais… Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Il n’a pas fui quand je l’ai provoqué, il n’a pas fui lorsque nous nous sommes égarés, il est resté prendre un gâteau, qu’est-ce qui a bien pu faire que Gauthier Hazard-Perry, l’homme le plus droit au monde, l’homme qui ne dérape pas est pu ainsi perdre le contrôle ?
Les mains serrées sur le lavabo il ne bouge pas. Se doute qu’Elisabeth va commencer à se poser des question, mais il a besoin d’un instant pour lui, pour respirer, pour tenter de reprendre ses esprits. Pourtant quand il l’entend arriver son coeur s’accélère à nouveau dans sa poitrine, il relève un peu la tête pas prêt à se montrer faible face à elle. Elle est silencieuse, presque trop et quand sa main vient effleurer son épaule il sursaute presque, fermant les yeux en respirant trop fortement. « Ça va ?... » Il réouvre les yeux, sans pourtant la regarder son regard fixant le vide, il ne se voit pas dans le reflet. « Oui ça va… » Non ça ne va pas, peut-être… Il n’est plus de savoir ce qu’il ressent encore, et plus elle se rapproche plus il est incapable de mettre des mots sur ses sensations. « Gauthier, si tu n’y tiens pas, on peut trouver un moyen pour que tu t’échappes, je ramènerais Oliver ce soir, tu n’auras pas à revenir ici. » Est-ce que c’est vraiment ce qu’il veut ? Est ce que c’est ce qu’elle veut ? Il sait bien qu’il a eu tort de se laisser aller de la sorte, qu’il n’aide pas la situation. Mais quand sa main glisse dans son cou il ne peut se défaire de ce contact, il ne peut se résoudre à partir et ses iris restent encore fixées au lavabo. « Merci.. » C’est tout ce qu’il trouve à dire, sans savoir si il est pourtant prêt à accepter cette proposition de partir comme un voleur, cette fois vraiment. Une partie de lui à l’impression qu’il ne peut pas faire ça, que les garçons ne comprendraient pas… Mais ce n’est peut-être qu’une excuse. « Je suis désolée. Je n’ai jamais voulu que tu sois mal, jamais voulu te blesser, je te le promets. » Cette fois il tourne son regard vers elle, sa mâchoire se serrant à nouveau mais pas sous le poids de la colère cette fois, plus pour contenir des émotions qu’il déteste ressentir. Sa main va trouver celle de la jeune femme encore posée sur sa nuque, il attrape avec douceur son poignet son pouce caressant le revers de sa main. « Ca n’est pas ta faute Elisabeth… » Il se sait le seul fautif, parce qu’il n’est pas capable de gérer ça, d’accepter ce qui le prend quand elle est à côté de lui, même quand elle ne fait rien pour. « Ca va… » Il essaye de s’en convaincre, n’ose pas lui retourner la question parce qu’il connaît déjà la réponse, peut voire ce trouble qui l’habite elle aussi. Lui ne s’excusera pas, il n’ose pas et sait pourtant qu’il devrait.
Les battements de son coeur, ses jambes qui lui semblent comme du coton, le tremblement de sa lèvres, il ne reconnaît plus ce corps qui lui appartient et laisse Elisabeth s’approcher de lui - pénétrer sa sphère personnelle pour poser son front contre le sien, leurs souffles se mélangeant, leurs peaux se touchant. Il est calme et pourtant fébrile, sa main ne quittant pas ce contact qui semble le retenir à elle à ce moment. « Tu n’es pas obligé de répondre, mais… Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Il ferme à nouveau les yeux, ne sent plus que le souffle chaud de la blonde contre ses lèvres et ce désire qui remonte en lui et qu’il repousse de tout son être. Le calme du moment l'empêchant sans doute de commettre une nouvelle erreur. Le silence s’installe entre eux, il est incapable de dire combien de temps, il reste juste comme ça, sa main contre la sienne, son souffle qui s’enroule dans le sien sans rien de plus avant qu’il ne souffle une réponse. « Je ne sais pas… » Il lui faut toutes ses forces pour s’éloigner d’elle, décoller son front, faire un pas en arrière pour que la main d’Elisabeth ne puisse plus le toucher. « J’ai fait une erreur… » Une fois de plus il n’est pas prêt à assumer ce geste qui lui vient des tripes. « Je ne suis pas moi… Cette impulsivité c’est… » Il a l’impression de la blesser on lui disant ça. « Ce n’est pas moi. » C’est ce dont il essaye de se convaincre parce qu’alors tout le reste ne serait que mensonge. Tout ce contrôle sur chaque aspect de sa vie qu’elle fait voler en éclat. « On devrait y retourner. » A nouveau il retrouve cette froideur, garde un espace correct avec elle. « Faisons ce jeu avec eux et je partirais… » Parce qu’il a l’impression que d’accepter sa proposition serait se montrer faible. Qu’il a déjà montré trop de cette parcelle de lui - qu’elle l’a percé à jour en venant le rejoindre ici, en venant tout contre lui et c’est bien plus que ce qu’il est capable de donner. « Est-ce que ça te convient ? » Il ne veut pour autant pas forcer sa compagnie. Il a cette intuition que sa présence ici n’est pas plus simple pour elle qu’elle ne l’est pour lui - qu’après avoir remué tous ses vieux souvenirs ils sont tous les deux affaiblis.
La chaleur de sa peau sous son t-shirt m’électrifie mais je me contrôle, bien plus que je ne le faisais juste avant. Je m’inquiète réellement pour lui et ne suit pas là, pour nous, seulement pour lui. Il a l’air ailleurs et ne plus savoir où il est, ce qu’il fait. Sa présence me rend faible et forte en même temps, me concentrant sur le côté fort qu’il m’apporte, je tente de lui apporter un soutien qu’il refusera peut-être… « Oui ça va… » Mes paupières se closent alors que je ne crois qu’à moitié à ses paroles. Je ne le contredirais pas, je n’en ai pas le droit, je ne suis rien pour lui et je ne peux donc pas m’amuser à jouer avec ses sentiments trop longtemps. « Merci.. » Sans raison, mon cœur s’emballe à nouveau et je m’excuse, chose que je fais rarement mais que je n’arrête de faire avec lui. Seulement, c’est la stricte vérité, jamais je n’ai eu l’intention de lui faire du mal. Même quand il est parti, même quand il n’a pas voulu en savoir plus, même quand il m’a remercié pour mes fiançailles et que j’aurais pu le tuer sur place, mais jamais je n’ai voulu le blesser, voulant toujours faire au mieux, sans jamais réussir à le faire… Alors que sa main vient attraper mon poignet, que son pouce se balade tendrement sur ma paume, ma respiration s’arrête totalement sans que je ne le remarque. Je suis happée dans son regard, envoûtée à nouveau par sa présence, mais je garde un minimum mes esprits pour ne pas replonger. Il est pire qu’une drogue, pire qu’une addiction, il est un besoin nécessaire à ma survie, d’apparence non nocif pour elle, mais pouvant me détruire d’un simple mot, d’un regard… « Ca n’est pas ta faute Elisabeth…» Je plisse légèrement le front, habitude que je regretterais probablement dans une dizaine d’année… Muette et sans air, je suis incapable de répondre mais de droit à gauche, mon visage refuse ses dires. De qui serait-ce alors la faute ? Je refuse qu’il prenne le tout sur ses épaules, nous sommes deux dans la situation et il n’est pas celui qui a tout débuté aujourd’hui, alors si c’est aussi de mal faute, sauf si tout ça n’a rien à voir mais… « Ca va… » Ça ne va pas. Je le sais, je le sens et surtout il ne l’aurait pas répété autrement. J’aurais aimé qu’il me parle, qu’il se livre, qu’il comprenne que jamais je ne jugerais ou quoi que ce soit, qu’un simple mot, qu’un simple geste peut faire que je serais à lui simplement sans rien lui demander en retour, mais il reste Gauthier et ce lot est indissociable du personnage, sa carapace, cette montagne qu’il a créé autour de lui fait partie entièrement de son être et même si le monde extérieur le voit comme une puissance, je le vois comme sa plus grande faiblesse, car comme il me l’a avoué, cela l’empêche de vraiment se connaitre, lui et ses sentiments… J’hoche la tête pour lui faire comprendre que oui ça va, ça ira et même si nous nous mentons, nous le savons alors pourquoi se faire du mal inutilement ? Mieux vaut être positif…
Mon regard posé sur lui est doux et quand il ferme les yeux ainsi, montrant pour la première fois un signe de faiblesse, j’ai envie de le prendre dans mes bras, de lui dire que oui, ça va et que cela continuera ainsi, qu’il ne doit pas se mettre dans cet état… Il est beau. Là, sur l’instant, je ne regarde que lui, son visage, sa perfection et mon cœur s’arrête à nouveau alors que mon souffle reprend, mélangé au sien. Il est beau, non seulement il a un visage parfait, net, dur et tendre à la fois mais à ce moment, on peut le lire et voir son être par son visage, un être pur, aimant, se punissant de je ne sais quoi mais il est beau, plus que jamais il ne l’a été à mes yeux et à ce niveau-là, je ne pensais pas cela encore possible… « Je ne sais pas… » Son corps se détache du mien, sa main lâchant la mienne et laissant assez d’espace pour qu’aucun geste puisse être fait. « J’ai fait une erreur…» J’ai l’impression qu’il me poignarde en plein cœur, faisant sorte que jamais je ne me relève. Je me recule à mon tour d’un demi pas, la gorge nouée. Cela ne doit plus jamais arriver. S’il considère cela comme des erreurs, s’il voit ça ainsi, même si s’en est probablement, s’il le voit de cette manière alors rien ne sert de se faire du mal ainsi. Je devrais prendre sur moi, mais tant que nous ne serons pas prêts, jamais cela ne devra se reproduire, même si cela veut dire que plus jamais je ne devrais avoir de véritables contacts avec lui… Cela vaut mieux pour tout le monde, je ne trahirais plus mon mariage et il ne se sentira plus aussi mal. Seulement, je ne sais pas si j’en suis capable… « Je ne suis pas moi… Cette impulsivité c’est…» A tu jamais pensé que c’était toi et que là en ce moment, tu te caches simplement, Gauthier ? Je rêverais de le lui demander, mais pas là, pas maintenant, ce n’est pas le moment… « Ce n’est pas moi. » J’ai compris, la personne que je te fais être ne te plait pas, tu veux la fuir, très bien, vas-y, je ne te retiendrais pas. Je sers les dents et pince les lèvres. Ne réplique pas, respire… Ma main devenue si calme quelques instant plus tôt, se contracte sous la pression de ses paroles. J’ai besoin de me mordre la joue pour ne pas craquer, pour ne pas laisser mes émotions prendre le dessus. Mais jamais je ne lui demanderais d’être quelqu’un qu’il n’aime pas. « On devrait y retourner. » « Oui. » Sèche et bien plus froide, je n’arrive pas tant que ça à tout réguler. L’ambiance devenue chaleureuse presque trop quelques secondes plus tôt vient de passer à nouveau dans les degrés négatif et nous nous approchons de l’air glacière par ici… « Faisons ce jeu avec eux et je partirais…» On doit vraiment faire ça ? Pourquoi partir ne te semble pas la meilleure idée cette fois Gauthier ? Décidément je préfère réellement quand il n’est pas lui, cela évite que mon cœur subisse ce genre de douleur atroce que je rencontre en ce moment. J’ai envie de me plier par terre, mais j’aurais l’air ridicule, surtout pour une douleur aussi psychologique… « Est-ce que ça te convient ? » Pourquoi me demandes tu mon avis ? Pourquoi maintenant ? J’aurais réellement préféré que cette question vienne plus tôt car rien de tout ça me convient. Non, ça ne m convient pas Gauthier, je ne veux pas que tu te caches, je ne veux pas que tu nies tout de cette manière, je ne veux rien de tout ça. Je ne veux pas non plus ressentir tout ça pour toi, je ne veux pas rompre mon mariage, je ne veux rien et en même temps je te veux toi. Mais non ça ne me convient pas, je ne sais pas si j’y arriverais… « Bien sûr, ça me convient. » Imbécile… Je me laisse quelques secondes, reprend ma respiration, délie mes doigts et me tourne vers la porte. « Allons-y… »
Mon entrain n’est dans le couloir pas le plus grand de tous mais dès que je passe le pas de la cuisine, un énorme sourire prend le dessus sur mon visage alors que les deux visages des petits se tournent vers nous, presque inquiets. « On l’a fait cette partie de balle ?! » « YEAH !! » La joie qui les anime, m’atteint doucement, si je ne peux pas le faire pour moi ou pour lui, je peux totalement le faire pour eux. Rapidement, nous nous retrouvons tous dans le jardin, des bandanas de couleur sur la tête et rien ne pouvant nous arrêter. A moitié une balle au prisonnier, à moitié du volley, le jeu est prêt à débuter et nous commençons à aller vers nos places quand Gabriel me prend par la main et me souris. « Tu m’en voudras pas maman si on vous bats, il est vraiment fort Gauthier… » Un sourire immense atteint mes lèvres et je lui ébouriffe les cheveux. « Promis je t’en voudrais pas, mais il faudra pas te plaindre si tu manges que des choux de Bruxelles pendant un mois… » Il ouvre grand les yeux et file vers Gauthier en courant, le suppliant de gagner absolument. Je me tourne vers mon propre coéquipier et me met à sa hauteur. « Tu es prêt à leur montrer ce qu’on vaut ? » Sûr de lui, il frappe dans ma main et relance notre ancien cri de guerre qui nous appartenait à tous les quatre quelques semaines plus tôt. « On est les meilleurs ! ». Je lui dois au moins ça et je ne les laisserais pas gagner aussi facilement, même si j’ai beaucoup de mal à faire perdre mon fils à un jeu… « Vous êtes prêt ? » Et la balle part d’entre mes mains allant tout droit vers leur terrain.
Il sent le changement d’atmosphère, le changement d’attitude chez elle. Quand il croise son regard c’est un tout autre sentiment qu’elle lui partage. Une déception peut-être ? Il n’est pas sûr mais quand elle lui répond un sec « Oui. » Il comprend qu’une part d’elle est probablement blessée, meurtrie, par lui, par cette situation par son incapacité à lui donner plus que ça. Que quelques secondes d’égarement avant de retenter de prendre le contrôle. Alors il cherche son approbation, voudrait être sûr qu’elle est prête à assumer la décision qu’il prend, la seule qu’il est capable de partager avec elle pour le moment. « Bien sûr, ça me convient. » Sa bouche dit oui, son corps dit non, il a l’impression qu’il lui crit de partir et cette fois c’est lui qui en est incapable. Il voudrait pouvoir recoller les morceaux d’eux, de ce qu’il a l’impression de casser, mais les morceaux se sont éparpillés avec les années de silence, les années loin d’elle qu’elle a passé auprès de Daniel. « Allons-y… » Il la suit dans le silence, incapable de revenir en arrière pour changer les choses. Incapable de lui demander pardon lui aussi, d’accepter cette part de lui qui ne cesse de la désirer.
Ils retrouvent les deux garçons toujours occupés à leur cookies. Tous deux collent un sourire forcé sur leur visage, un attitude nonchalante pour ne rien laisser paraître de ce qui se trame entre eux. Il a pourtant de la peine à regarder Gabriel, à ne pas sentir une pointe de culpabilité à son contact. Il voudrait lui dire qu’il ne prend pas la place de son père - qu’il n’est rien et va s’effacer mais il ne le fait pas, parce que dans les yeux de Gabriel il n’y aucune haine. Il n’est qu’un enfant innocent et même content de faire équipe avec lui… Parce qu’il ne sait, et ne comprendrait sans doute pas de toute façon. « Tu m’en voudras pas maman si on vous bats, il est vraiment fort Gauthier… » A ses paroles, Gauthier bombe un peu le torse, semble se prendre au jeu maintenant, oublié les minutes qui viennent de s’écouler. Le petit garçon le rejoint avec des bandanas de couleur bleu. Rapidement noués autour de leurs tête, ils mettent au point une pseudo stratégie, qui consiste au final à essayer de gagner en évitant pour sa part au maximum le contact avec Elisabeth. « On va gagner Gauthier ? » Décidément ce gamin à été cherché son sens de la gagne chez sa maman, il n’y a pas de doute. « On est des champions non ? » Le petit tape dans sa main montrant presque les dents à l’équipe adverse ce qui l’amuse. « Vous êtes prêt ? » Un échange de regard avec son petit coéquipier et il répond aussi vite. « On est plus que prêt. » Le but est simple, passé de l’autre côté de la ligne imaginaire qu’ils ont tracé sur le sol derrière eux et derrière l’équipe adverse. C’est Elisabeth qui commence, courant vers la ligne et faisant une passe à Oliver. Ce dernier court vers sur son oncle comme une crapule et rapidement Gauthier l’intercepte, le faisant un peu virevolter avant d’attraper la balle qu’il envoie à son petit coéquipier lui même tentant une percé de l’autre côté.
Le jeu se déroule dans la joie et la bonne humeur, les rire des deux garçons sont contagieux et rapidement Gauthier et la jolie blonde se prennent au jeu aussi. Oublié le sérieux d’une conversation difficile, ils se retrouvent presque enfant eux aussi, toujours avec ce petit esprit de compétition qui les anime. Parfois - souvent, ils laissent les garçons gagner, se font plus gentils et finalement le score est très serré un 6-6 et le prochain point pour la victoire. Ce n’est pas rien, et Gabriel le fait bien comprendre à son grand coéquipier. « Tu fais pas le gentil Gauthier ! On doit gagner ! » Au moins c’est clair et d’ailleurs ça le fait un peu rire, reprenant place sur ce qui leur sert de terrain il croise le regarde de son neveu et celui d’Elisabeth tout aussi prêts à se battre pour la victoire. La balle commence dans les bras d’Oliver, est rapidement c’est une passe à Elisabeth qui est bien trop proche de la ligne déjà. « GAUTHIER ! » Le petit crie son prénom pour qu’il l’arrête et c’est la gagne qui prend le dessus alors qu’il court après Elisabeth, un peu trop vite un peu trop fort il l’attrape à la taille sans réfléchir l’entrainant au sol avec lui, sur elle, l’écrasant. Il l’entend rire, rit aussi en roulant sur le côté alors que Daniel récupère la balle pour courir vers l’autre côté et que les deux garçons se lancent dans une mini-compétition sans eux. Il arrête de rire doucement et jette un regard vers elle. « Je ne t’ai pas fait mal au moins ? » Il se sent léger, pour une fois le contact avec elle ne lui a pas semblé être un arrache coeur… Pourtant il se lève vite - presque apeuré de voir la situation redevenir trop sérieuse. Et lui tend une main pour l’aider à faire de même. « Désolé mais je ne pouvais pas te laisser gagner, Gabriel me l’aurait fait payer. » Il rigole à nouveau même quand sa main touche la sienne, même quand elle se lève et lui fait face, son regard dans le sien. A cette instant pourtant, les choses semblent simples, peut-être parce qu’ils se connaissent comme ça, avec le sport avec la sueur et l’effort qui leur fait perdre une partie de leur sérieux et de leur bonne figure, surtout à lui. « Ton bandana est de travers. » Dès qu’elle se met en mouvement pour le remettre en place il prend la fuite amusé pour aller aider Gabriel à passer la fameuse ligne et leur offrir la victoire. L’attrapant à la taille, il le lève pour le mettre sur ses épaules alors que le petit garçon brandit le ballon fièrement au dessus de sa tête. Même Oliver s’en amuse, heureusement pour eux, il est de meilleure nature que Gabriel quand il est question de gagner.
Voir les garçons tous prêt à en démordre pour gagner ce jeu me motive et me fait oublier quelque peu ces moments difficiles auprès de Gauthier. Il se met rapidement dans l’ambiance et je fais de même. Tout s’allège, j’oublie les problèmes et les soucis et me concentre sur ce moment, léger et simple avec des personnes qui me tiennent à cœur. L’envie de gagner de mon fils me met mal face à Oliver, même si j’aime gagner, j’ai aussi beaucoup de mal à lui apprendre la défaite pour le moment. Seulement, même si je ne lui mettrais pas trop de difficulté, je ne veux pas lui faciliter le jeu et ainsi lui donner la possibilité de faire ses preuves. Un échange entre les père et fils se passent et je souris en les voyant aussi complices, mon cœur se réchauffant doucement aussi poussé par la motivation sans faille et pourtant si légère de mon compagnon. « On est plus que prêt. » C’est ce qu’on va voir mes petits champions ! Je m’avance rapidement, voyant toujours le petit brun courir derrière moi, proche de la ligne, je me tourne et lui lance la balle qu’il attrape comme un maître, pas d’inquiétude, il est bien un Hazard-Perry celui-là ! Les passes et les interceptions sont alors de mises et rien ne nous arrête. Entre joies, cris et rire, le jeu nous fait à tous un bien fou. Les pantalons des deux garçons sont totalement verts au niveau des genoux mais cela nous fait plus rire qu’autre chose. Cela fait longtemps que je ne mettais senti aussi légère et j’aimerais que ce moment dure une éternité, avec eux. « Tu fais pas le gentil Gauthier ! On doit gagner ! » La voix de mon fils fait écho dans le jardin improvisé en terrain de jeu pour l’occasion. Oliver qui a le ballon est tout aussi prêt à ne pas perdre. Nous échangeons un regard complice, nous avons mis en place notre technique, et normalement, Gauthier ne devrait pas m’attraper… Tête baissée et pieds prêts, il commence un sprint, me passant la balle arrêtant net la course de Gabriel qui met alors tous ses espoirs sur Gauthier. Alors que la balle est entre mes mains, un sourire s’étend sur mes lèvres, l’euphorie du moment reprenant le dessus sur moi. Gauthier. En sport, je ne peux le battre que sur l’agilité et peut être sur un sprint, ne valant rien contre lui sur le long terme, je peux facilement avoir une vitesse de pointe rapide plus élevée que la sienne. Il fallait y aller plus doucement sur la gonflette ! Je m’approche de la ligne dangereusement pour eux et la voix de mon fils déchire l’air me faisant réfléchir et ralentir et faisant d’un autre côté réagir Gauthier qui n’imaginait surement pas encore me prendre de cours. Pourtant il se jette d’un coup sur moi et bien plus rapidement que je ne l’aurais pensé. Sans que je n’ai le temps de faire une tentative pour fuir, je me retrouve au sol, le poids de Gauthier allongé sur moi. L’émotion remonte, la joie et les nerfs lâchent me laissant tomber dans un rire contagieux et s’étendant à l’homme au-dessus de moi et aux enfants. Pas de mal. « Je ne t’ai pas fait mal au moins ? » J’ai du mal à lui répondre, le souffle coupé par lui et mon rire qui me demande plus de souffle que prévu. Je fais non de la tête, mes bras prêts à se glisser autour de son cou ne bouge pourtant pas, à part pour l’aider à se dégager, de… moi. « Désolé mais je ne pouvais pas te laisser gagner, Gabriel me l’aurait fait payer. » Attrapant sa main, je me relève dans une propulsion contrôlée et sourit. Je lève les yeux au ciel et fini sur un clin d’œil. « J’aurais bien fait de même si seulement je pouvais seulement écraser ton bras droit de par mon poids imposant. » Mais avec notre poids plume et nos jambes courtes, nous nous en sommes très bien sorti avec Oliver. Il aura même fait un super coéquipier. Je respire et prends une grande inspiration, voyant toute la situation dans laquelle nous sommes. Pour la première fois depuis huit mois, je me sens bien, je me sens bien et ironiquement je suis pourtant proche de la personne qui est aussi capable de me mettre le plus mal à l’aise possible. Nos regards plantés l’un dans l’autre et souriant me donne presque envie de danser, tout est simple et j’aimerais que cela reste ainsi, comme avant, comme lorsque nous étions innocents… « Ton bandana est de travers. » Alors que le jeu n’est pas fini, je fronce les sourcils et prends tout de même soin de le remettre en place quand je le vois courir vers mon fils et la victoire. Je tente tout de même de les rattraper mais trop tard, Oliver attaché à sa jambe ne pouvait rien contre lui, seul.
Alors qu’ils font les pitres comme des vainqueurs d’un match officiel et très important, nous rions et Oliver vient vers moi, pas pour me serrer la main pour une fois mais bien pour me faire un câlin que j’accepte avec plus de joie que n’importe quelle poignée de main. « Tu es un super coéquipier, la prochaine fois promis, on se vengera. » Il acquiesce mais j’aime sa manière de perdre, surtout à son âge, je devrais peut-être en tirer une leçon pour moi-même… « Viens, j’ai un nouveau jeu… » Je le dépose mais lui prends la main, sans même prévenir les deux autres, je l’emmène direction le garage où je lui expose un énorme pistolet à eau. Le sourire qui s’affiche sur son visage est magnifique et je sais que je viens de signer mon propre arrêt de mort avec mon fils. Une fois remplit, nos bandanas toujours bien fixés sur nos têtes, nous arrivons face aux deux gagnants, Oliver avec un véritable bazooka à la main et moins un petit pistolet à eau, ayant laissé le deuxième gros pour Gabriel qui s’y mettra aussi surement par la suite. « A l’attaque !!! » Le jet sort instantanément de son pistolet en direction des deux zigotos qui cris encore à la victoire. Rapidement mouillés, mon fils par terre plonge vers le garage pour récupérer sa propre arme, son copain sur les talons et leurs rires couvrant surement tout le voisinage. Je me dirige alors vers Gauthier doucement, un énorme sourire aux lèvres, le pistolet dans la poche arrière. Une fois proche de lui, sans même penser au faite que nous sommes trop proche, je sors mon pistolet, lui tire en plein dans le cœur, innocemment, et lève les sourcils. « Mort. » D’une voix enfantine, le mot ne sort pas du tout comme une menace mais plutôt comme si nous avions de nouveau six ans nous aussi et que je venais de gagner le jeu qu’il a pourtant remporté haut la main. Levant de nouveau les sourcils et le provoquant du regard, je me recule petit à petit, tirant à nouveau et me mettant à fuir dès qu’il débute un geste… Je sais qu’il doit partir, mais à ce moment, je me sens bien et je n’en ai pas forcément envie car tout est naturel et la tension qui peut nous englober est partie un instant pour nous rappeler ce qui nous a aussi rapproché, le sport, et tout ce qui tourne autour. Même si nous avons rarement été aussi proche à l’époque aujourd’hui tout est différent…
Il ne se pose pas trop de questions, attrape le petit et le met sur ses épaules pour fêter la victoire comme s’ils venaient de gagner une coupe du monde. Il se rend à peine compte qu’Oliver et Elisabeth ont disparu pour leur part. « T’es encore plus fort que papa. » Son coeur se serre à cette évocation, mais il n’a pas envie de penser à Daniel pour le moment et repose le petit garçon sur le sol pour lui taper dans la main sans se rendre compte que leurs deux adversaires sont en train de revenir armés. Quand le premier jet d’eau les arrose, ils se regardent étonnés, Gabriel laissant un petit cris amusé sortir de ses lèvres alors qu’il se met déjà à courir vers le garage. Gauthier lui reste à sa place en les observant alors qu’Elisabeth s’approche de lui. « Il en faut peu pour les amuser. » Un peu d’eau et ils étaient partis pour plusieurs minutes de rire et de bagarre. Elle continue de s’approcher de lui et il voit bien son regard un peu taquin, commençant à se méfier alors qu’elle vient de plus en plus proche de lui. « Toi, tu as une idée derrière la tête… » A peine le temps de finir sa phrase qu’elle sort un petit pistolet de sa poche arrière pour lui tirer un jet d’eau dessus. « Mort. » Il lui adresse un sourire un peu amusé et lui répond sur le même ton amusé. « Je ne te conseille pas de recomm… » Il n’as pas fini sa phrase que déjà elle appuie à nouveau sur la gâchette et qu’il part à sa poursuite. Elle court vite, peut-être même plus vite mais à force il sait qu’elle va s’épuiser et continuer de lui courir après jusqu’à l’attraper par la taille pour la faire voler un peu. Il tente de récupérer le petit pistolet mais Elisabeth ne se laisse pas faire, appelant même son fils à l’aide. Il ne faut pas beaucoup plus de temps pour que les deux petite têtes ne reviennent et s’attaquent à eux de leur pistolets bien plus puissants. Une fois les deux adultes trempés des pieds à la tête les garnements s’en vont satisfaits pour continuer leur petite bataille. Les laissant à nouveau en tête à tête.
« Il faudra m’expliquer comment je vais faire pour reprendre la voiture maintenant. » Parce que trempé comme ça il n’est pas prêt de monter sur ses sièges. Par instinct il enlève son T-shirt en lui tendant un bout, tentant de chasser le malaise qui le prend soudain quand il se retrouve à moitié dénudé devant elle. « Tu m’aides à l’essorer ? » Elle attrape l’autre bout et il commence à le tordre chacun de leur côté pour le débarrasser de son surplus d’eau se rapprochant petit à petit. Une fois fait il le récupère, frôlant au passage la main d’Elisabeth en réinstaurant en lui une envie profonde. Comme si il lui était impossible de rester à ses côtés plus de quelques secondes avant de ressentir cette envie d’elle presque irrésistible. Il ôte sa main aussi vite et détourne le regard. « Merci… Je vais attendre que mon pantalon sèche un peu et rentrer. » Cette fois il compte vraiment le faire - il a déjà repoussé le moment assez longtemps, il est temps qu’il arrête de jouer avec les feux. « Je peux te laisser Oliver encore quelques heures ? Je doute qu’il souhaite m’accompagner. » Il passera le chercher en fin de journée probablement. Lui ou un de ses frères et soeur… C’est sans doute plus sûr comme ça. « Tonton ! Je suis mouillé ! » Il tourne son regard vers son neveux trempé lui aussi des pieds à la tête mais heureux comme jamais. « Moi je te prête des habits Ollie. » Même pas besoin des parents pour intervenir que déjà les deux enfants courent dans la maison, mettant de l’eau un peu partout sur leur passage et il lui semble voir Elisabeth grimacer. « C’est les risques quand on s’amuse avec de l’eau. » Il se moque un peu d’elle, son regard courant maintenant dangereusement sur son corps mis en valeur par l’eau qui fait coller ses vêtements à sa peau. « Tu… devrais peut-être en faire de même. » Sans doute moins dangereux que lui a moitié dénudé et elle dans cette tenue au vu de leurs antécédents. « Je vais ranger les pistolets. » Il lui tend la main pour qu’elle lui donne le petit pistolet. « Et j’irais vérifier dans la voiture si je n’ai pas un pantalon de rechange. » Avec un peu de chance il en a laissé un de ses randonnées. Pour son T-shirt il restera sans doute là à sécher un peu au soleil.