« Gab chéri, il faut qu’on parte si on ne veut pas encore avoir une heure de retard ! » Les pas de mon fils se font entendre dans l’escalier de la maison alors que j’aperçois déjà sa petite tête blonde s’afférer dans le salon. « J’arrive, j’arrive, mais je ne trouve pas ma deuxième chaussure ! » Je ne serais pas sa mère, j’aurais réellement pu éclater de rire devant le tableau. Gabriel, un pied avec une chaussette et l’autre chaussure déjà attachée. Comment ce gamin peut être le mien ? Mais dieu sait que je l’aime. « Tu as vérifié dans l’entrée bien sûr ? » Il s’arrête net, les yeux ouverts en grands. Bien entendu qu’il n’avait pas regardé à cet endroit… « Tu es un génie maman ! » Il passe devant moi, levant la main que je check au passage. « C’est pour ça que c’est moi la maman. Allez zou, tu l’enfiles et dans la voiture ! » Sans même l’avoir attaché, il court déjà vers le véhicule. « Elle nous fait quoi à manger Milena ? » Alors là je l’ignore et c’est bien ce qui m’inquiète. Je l’adore vraiment, je n’aurais jamais d’ailleurs pensé devenir amie avec l’avocate qui s’occupera probablement de mon divorce et du statut parental et légal de mon fils et pourtant je suis tombée sur une personne formidable, avec seulement une grande carence au niveau capacité culinaire… Elle le travail et je ne me rappelle plus bien pourquoi mais je me suis proposée comme cobaye… Mère indigne que je suis j’embarque même mon fils dans cette histoire… Désolée mon ange, je suis loin d’être sûre qu’elle cuisine comme maman et encore moins comme mamie… « Pas grave ça va être cool, elle est drôle ! » Ah ouais ? Si seulement tu savais ! Je circule dans les rues de Pine Rivers tentant de me rappeler les indications qu’elle m’a donné précédemment. Voyant enfin le bon numéro je cherche alors à me garer. « Prêt pour une nouvelle aventure ? » Je me tourne regardant mon fils avec un grand sourire. « OUIII ! » Il lève les bras, son visage tout enjoué me faisant rire. « Tu lui as bien dis pas de pistache hein maman ?! » Je fais mine d’avoir oublié et ses yeux deviennent tristes d’un coup. Ma main se pose sur son genou, le rassurant immédiatement. « Ce fut le premier élément de la requête culinaire : pistache interdite ! » « Top ! Tu vois que tu peux le faire, maman. » Il me fait un clin d’œil répondant à une conversation difficile et bien trop adulte que nous avons eu suite à son passage à l’hôpital… J’éteins la voiture, descend et viens de son côté pendant qu’il se détache. « Tu montes ? » Lui faisant dos, il s’attache à mes épaules et passe ses jambes autour de mes hanches. « Go ! » Je me relève sous le rire de mon fils et souris en fermant la voiture et me dirigeant vers le bâtiment abritant le loft de mon amie.

Nous frappons à la porte comme un seul homme, Gabriel à nouveau sur ses propres pieds parce que ‘bon maman, si je veux avoir l’air bien devant elle, je ne dois pas agir comme un petit garçon’, mais oui mon chéri, je pense que Milena sera très sensible à ton charme d’homme mature. La porte s’ouvre et je le vois bomber le torse, ce qui me fait sourire discrètement. L’avocate apparait devant moi et j’avoue avoir déjà peur qu’elle est commencée à cuisiner sans que l’on soit présent. « Tout n’a pas déjà brûlé ? » Je lui fais un clin d’œil taquin et la prend délicatement dans mes bras pour une rapide étreinte de salue. « Tu vas bien ? » Je me recule légèrement alors que Gaby s’avance lui, le menton relevé. « Bonjour Mademoiselle Milena, je suis très enchanté d’avoir été aussi convié chez vous aujourd’hui. » Il lui tend la main et dans ce geste je revois parfaitement un autre petit garçon, Oliver le neveu de Gauthier. Décidément, il faut vraiment que je revois son entourage… Je me retiens pourtant de rire pour voir la réaction de la brune en restant bien à ma place. Mon dieu, qui a bien pu lui apprendre à parler ainsi ? Son père en bon anglais et romantique qu’il est, ou était plutôt, ou bien l’a-t-il appris ici ? Note à moi-même, surveiller les films qu’il regarde, ça doit vraiment trop lui monter à la tête…

Cela fait trois semaines désormais que tu prends des cours de cuisine. Malgré ton emploi du temps tu arrives à t’y tenir. Le secret ? Tu as engagé un professeur qui vient te faire les cours à domicile et qui s’adapte en fonction de tes disponibilités. Il t’est strictement impossible de prévoir d’aller à un cours à heure et jour fixe toutes les semaines comme la plupart des gens le font et puis ce n’était pas comme si tu ne pouvais pas te le payer. Franchement, tu n’avais pas réellement l’impression de t’être améliorée mais ton professeur était persuadé que c’était le cas et t’avait donné une sorte de défi. Préparer un repas pour des gens que tu inviterais comme ça tu pourras avoir un avis extérieur. Tu n’avais pas pu l’organiser de suite et pendant longtemps tu t’étais demandé qui inviter quand la réponse s’était présentée à toi alors qu’Elisabeth t’avait envoyé un message pour prendre de tes nouvelles. Elisabeth, maman d’un petit garçon vraiment trop mignon que tu représenteras certainement devant un tribunal dans quelques mois quand elle aura enfin pris sa décision. A sa place, tu l’aurais déjà prise et tu serais divorcée depuis longtemps mais Elisabeth semblait être indécise sur la question alors tu jouais à l’amie patiente et compréhensive quand le sujet venait à être abordé. Tu lui avais déjà donné tous les détails techniques sur la procédure et ce que vous pourriez obtenir dans sa situation lors de votre premier rendez-vous, aujourd’hui vous étiez devenues amies et tu préférais parler d’autre chose. Elisabeth savait qu’elle pouvait compter sur toi mais seulement quand elle sera prête. Tu avais donc invité la belle blonde et son fils à venir dîner chez toi. Tu avais pris leurs préférences alimentaires en compte, la maman étant végétarienne et le petit n’aimant pas les pistaches. Tu avais commencé par le plus facile, ce que tu savais le mieux faire. Tu avais préparé les petits gâteaux d’apéritifs dans ton salon et une ambiance cosy. Après tu avais mis la table avec une belle décoration. Mais ça ce n’était pas vraiment un challenge. Le vrai challenge fut de se mettre à préparer le plat sur lequel tu t’étais décidée. Ce n’était pas un plat difficile et pourtant, Dieu sait que tu ne te sentais pas à l’aise. Toujours très organisée tu sortis les pâtes chinoises à faire cuire puis tu remplis une casserole d’eau que tu laissais sur le feu éteint. Tu coupais ensuite les légumes. Ils étaient loin d’être tous coupés parfaitement et de même taille mais bon, déjà la première partie était réussie. Puis tu t’occupais de l’ail, de l’oignon et tout ça.

Quand la sonnette retentit, tout était prêt à être mis dans la poêle, ton plus gros challenge de la soirée. Tu t’étais déjà habillée pour l’occasion sortant une robe pas trop formelle mais une robe quand même. Tu enlevais ton tablier et tu enfilais tes talons dans l’entrée avant d’ouvrir la porte. Devant toi se trouvent ton amie et son fils. Tu leur souris à tous les deux mais c’est Elisabeth qui lança les hostilités. « Tout n’a pas déjà brûlé ? Tu vas bien ? » Tu la serrais à ton tour dans tes bras et alors que tu allais lui répondre quand elle te relâcha, c’est son fils qui prit la parole. « Bonjour Mademoiselle Milena, je suis très enchanté d’avoir été aussi convié chez vous aujourd’hui.  » Tu as envie de rire parce que c’est assez drôle. C’est troublant aussi pour toi parce qu’à cet instant précis tu as l’impression de retourner des années en arrière, en Angleterre alors que Gauthier et toi vous jouiez tous les deux. Vous adoriez faire comme les grands et à cet instant tu as l’impression de voir sa copie conforme. Mais tu chasses cette pensée de ton esprit, ce sont sans doute tes retrouvailles avec Gauthier. Tu souris au petit garçon avant de lui tendre la main pour serrer la sienne avant de lui dire : « Tout le plaisir est pour moi chez monsieur. Je suis ravie de vous avoir pour dîner. » Dis-tu sincèrement parce que c’était la vérité. Te tournant de nouveau vers Elisabeth, tu lui dis : « Tout va bien. Enfin pour le moment. Je n’ai rien fais cuire pour l’instant et j’ai acheté le dessert, je n’en suis pas encore là. » Dis-tu parce que la pâtisserie te semblait être une autre tâche encore plus insurmontable. « Entrez et installez-vous, faites comme chez vous surtout. » Dis-tu en prenant les petites vestes de chacun et en les accompagnant dans le salon. « Vous voulez boire quelque chose ? » Demandas-tu en bonne hôte que tu étais.

C’était bien entendu un défi pour toi que d’organiser ce repas. Tes cours de cuisine t’apprenaient des choses certes mais de là à inviter quelqu’un à manger de la nourriture que tu avais préparée … C’était une autre histoire. Tu avais toujours reçu tes amis avec de la nourriture excellente mais préparée par un traiteur. Tu devais être honnête, tu n’avais pas non plus toujours le temps de cuisiner malheureusement donc cela était bien pratique. Mais tu avais envie d’apprendre parce que si tu avais des enfants un jour, tu avais envie de partager cela avec eux, de les voir manger quelque chose que tu avais mis du cœur à préparer. Tu n’auras peut-être jamais d’enfants mais au moins tu sauras cuisiner. Tu étais quelqu’un qui détestait reconnaître son incapacité, c’était ce besoin d’être toujours la meilleure que tes parents t’avaient inculqué qui revenait toujours en toi. Pourtant, tu savais que tu ne pouvais pas te permettre de grandes extravagances ce soir vu ton niveau. Tu avais tout misé sur le gâteau acheté à la pâtisserie en bas de chez toi pour rattraper ce repas si jamais les choses venaient à mal se passer. Pour l’instant, tu étais dans les temps car tout était découpé et prêt à cuisine et tu ne t’étais pas entaillé les doigts en découpant les légumes. Sauvée donc … Enfin pour l’instant. Quand tes invités frappèrent à la porte, tu laissais le tablier dans la cuisine pour aller les accueillir comme il se devait. Et tu ne fus pas déçue parce que le fils d’Elisabeth était un sacré personnage du haut de ses quatre ans. Un personnage qui te rappelait Gauthier au même âge, pensée que tu gardais pour toi. Cela arrivait de revoir des gestes, des tics chez d’autres personnes n’ayant strictement aucun lien avec la personne à laquelle on pense. « Qu’est-ce que tu nous prépares de beau ? » Tu comprends qu’elle s’inquiète, c’est normal. Tu as le numéro de ton traiteur sous la main cependant si les choses venaient à tourner court. Tu fis entrer tes deux invités avant de lui dire : « Un truc un peu asiatique, c’est simplement des pâtes chinoises avec des légumes. » Dis-tu en haussant les épaules. Te dire que même ça tu pouvais le louper te faisait te sentir complètement incompétente. Mais le sujet passa à tout autre chose quand Elisabeth commenta sur ta décoration et l’effort que tu avais visiblement mis dans la préparation de la soirée, à défaut de leur garantir une bonne cuisine. « C’est super mignon chez toi et tu t’es donné pour la décoration de la table, on croirait être des personnes importantes ! » C’était le but, en même temps pour toi, tout le monde était important une fois qu’ils passaient le pas de la porte. « C’est ce qu’on est tout de même maman !  » Tu laissais échapper un rire à ton tour. Décidément, ce petit garçon ne manquait pas d’énergie et n’était pas du tout timide. Il le prouva en ne se gênant pas pour s’installer sur le canapé. « Il a raison, je ne reçois que des gens importants. » Dis-tu à ton amie avec un clin d’œil. Vous ne tardâtes pas à rejoindre son fils dans le salon où tu leur proposais quelque chose à boire pour l’apéritif. Oui, c’était un petit rituel et puis cela permettrait de prendre de leurs nouvelles. « Qu’est-ce que tu as ? Qu’est-ce que tu veux toi ? » Tu te tournais vers son fils qui te demanda : « Vous auvez du jus de pêche, s'il vous plait ?  » Tu le regardes avec un sourire même si tu n’as absolument pas cela. Tu ne savais même pas que ça existait à vraie dire. « Malheureusement non. J’ai du jus d’orange, de pommes ou d’abricot si tu veux. Ou des sirops si tu préfères. » Tu es un peu équipée tout de même, ton père t’a toujours appris à avoir sous la main un bar pour ne jamais être surprise s’il s’avérait qu’il fallait recevoir un client au dernier moment dans des circonstances particulières. « Et moi je prendrais comme toi, je te fais confiance. Tu as besoin d’aide ? » Tu hoches la tête avant de répondre : « Non ne t’en fais pas, pour les boissons ça devrait aller. » Tu allas donc chercher celle de Gabriel avant de préparer rapidement deux mojitos. Tu avais découpé ce qu’il fallait, il suffisait de préparer rapidement le cocktail. Tu ne tardais pas à revenir au salon avant de dire : « Et voilà pour vous ! » Tu t’installais en face de tes invités avant de leur demander : « Alors ? Qu’est-ce que vous me racontez depuis la dernière fois qu’on s’est vu ? » Demandas-tu curieuse de savoir ce qui se passait de nouveau dans la vie de ton amie et de son fils un peu bien sûr. Tu n’étais juste pas habituée à inclure des enfants dans tes conversations.

La cuisine n’était pas ton point fort, certes. Par contre tu étais une hôtesse hors pair. Recevoir des gens c’était quelque chose de naturel pour toi simplement parce qu’on t’avait appris ce que cela voulait dire quand tu étais enfant. Dans ton innocence enfantine, tu n’avais pas compris que ce jeu auquel tu adorais jouer n’en était pas réellement un au fond. Ton père avait l’habitude de recevoir régulièrement des clients à la maison. Et quand c’était le cas, ta mère était celle qui devait avoir tout préparé pour les accueillir. Toi, du haut de tes dix ans, tu avais adoré aider ta mère à tout préparer et imiter chacun de ses gestes durant la soirée. Pour toi c’était un jeu, tu jouais à l’adulte pendant quelques heures. Mais plus le temps passait, plus le jeu s’est effacé. Tu as continué à aider ta mère, la remplaçant des fois quand elle n’avait pas le temps. Tu as appris des choses, beaucoup de choses alors que tu te faisais discrète dans la pièce et que tu écoutais les conversations de ton père avec ses clients. Et puis tu as fini par partir à l’université de l’autre côté du pays dans un premier temps et tu as compris que tous ces jeux que tes parents te faisaient jouer n’en étaient pas réellement et que toutes ces années tu avais appris des codes, des manières de se comporter. Durant ces quatre années loin de chez toi, tu as ouvert les yeux sur beaucoup de choses. Qu’Elisabeth soit curieuse de savoir ce que tu avais préparé ne t’étonnait pas. A sa place, tu aurais sans doute posé la même question parce que tu aurais été paniquée à l’idée de ne rien avoir à manger finalement. Mais si tu rates ton repas, tu sais que tout ne sera pas perdu parce que tu as le numéro des meilleurs restaurants autour de chez toi dans tes contacts. « Ça a l’air délicieux, je suis sûre que tu vas nous épater. » Tu apprécies la confiance que te donne Elisabeth dans la réussite de ton repas mais tu doutes vraiment de tes capacités à ce sujet. Ta mère aurait pu t’apprendre quelques petites choses mais tu étais partie à l’université et après c’était trop tard, tu n’as jamais eu le temps. « L’avenir nous le dira. » Dis-tu un sourire sur les lèvres. Tu étais prête à perdre la partie s’il le fallait malgré ton envie maladive de toujours tout gagner.

Mais avant de te mettre aux fourneaux, c’était l’heure de l’apéritif. Et de ce côté là tu ne doutais nullement de tes capacités. Tu commençais donc par le commencement en proposant à boire à tes convives. Tu ne t’attendais pas à ce que Gabriel ait des goûts de luxe mais malheureusement, il devra faire avec ce que tu as. « Juste pas du jus d’orange, sinon tu restes avec lui jusqu’à ce qu’il s’endorme. » C’est dans ces moments là que tu te rends compte à quel point tu es loin de la réalité de tes amies. Tu ne sais rien sur l’éducation des enfants, comment s’en occuper. Peut-être que de ne pas en avoir était la meilleure chose à faire, particulièrement pour cet enfant qui se retrouverait dans une famille étrange avec une mère complètement folle. « Je vais prendre du jus de pommes alors s’il vous plait Mademoiselle. » Sa petite voix te sort de tes pensées et tu souris alors qu’il t’appelle encore une fois mademoiselle. « Tu peux m’appeler Milena tu sais. » Lui dis-tu parce que tu trouvais cela bien formel même si t’appeler ainsi te donnait l’impression de rajeunir un peu. Tu partis donc chercher les boissons que tes deux invités t’avaient demandées. Tu préparais un mojito pour Elisabeth comme tu comptais le faire pour toi. Tu ne buvais pas souvent beaucoup mais un petit peu de temps en temps cela ne faisait pas de mal. Tu ne tardais pas à revenir dans le salon où Elisabeth finissait d’aider Gabriel à enlever ses chaussures. «  Merci, tu es barman au final et tu nous l’as caché ? » Tu laissais échapper un petit rire en prenant place dans le fauteuil en face du canapé. « Je fais un métier où il faut savoir recevoir et savoir préparer quelques cocktails impressionne toujours ces messieurs. » Lui dis-tu avec un clin d’œil. Tu n’avais jamais utilisé cette arme pour draguer ayant peu de temps pour cette activité mais étrangement, les avocats qui pensaient que les femmes ne devraient pas exercer ce métier commençaient à te prendre au sérieux devant ton habileté à préparer des cocktails. « Depuis la dernière fois… Je dirais le boulot, la routine et l’école quoi. A si, comme je te l’ai dit rapidement au téléphone, j’ai aussi appris que monsieur à côté de moi est allergique à la pistache… » Tu te souvenais en effet de cette restriction alimentaire mise en avant par ton amie dans votre dernier coup de téléphone mais avant que tu ne puisses répondre, Gabriel enchaînait : « Oh oui ! En plus, c’était horrible ! Tu aurais dû être là pour voir, j’ai tout mon intérieur qui a gonflé mais heureusement Gauthier il était là et il m’a pris dans ses bras, il a couru, couru et ils ont pu me sauver avant que je meurs… » Tu regardes Gabriel étonnée. Il ne vient pas de dire Gauthier si ? C’était purement et simplement impossible … Non parce qu’il ressemble à Gauthier au même âge dans ses faits et gestes c’était une chose mais qu’il connaisse ton Gauthier en serait une autre … « Bon et bien trinquons au fait de te revoir et d’avoir le droit à mon fils vivant ce soir… » Et clairement Elisabeth cherche à changer de sujet. Tu ne comprends pas ce qui se passe et tu es trop surprise et sans voix pour dire quoi que ce soit alors tu trinques avec tes convives avant de boire une gorgée de ta boisson. « Il est sublime ton Mojito, Milena et c’est assez rare que je fasse ce compliment sur cette boisson qui est bien plus difficile à faire qu’on ne le pense !  » Tu souris avant de lui dire : « Je suis ravie qu’il te plaise. » Tu laissais ensuite la mère et le fils s’entendre sur la console et le jeu Pokémon. Tout cela ne te parlait pas le moins du monde donc tu les laissais se débrouiller. Mais une fois le portable dans les mains de Gabriel, Elisabeth se retourna vers toi pour te dire : « Désolée mais sinon, ce n’est pas qu’un résumé que tu auras. Et toi ça va depuis la dernière fois ? » Tu regardes son fils se mettre à marcher partout dans ton appartement avec un sourire. Les enfants sont vite amusés comme on dit. De ton côté, pas grand chose. « Pas grand chose, j’ouvre mon cabinet dans quelques jours avec une collègue donc cela m’a pris tout mon temps depuis que je t’ai vue. Je n’ai malheureusement pas une vie très excitante. » Dis-tu car tu préfèrerais pouvoir raconter autre chose que tes exploits boulot avec tes amies. Et parce que tu n’arrives pas à sortir cela de ta tête, tu finis par lui demander : « Gabriel a bien parlé d’un Gauthier dans son histoire de pistaches non ? » Si Elisabeth te répondait non, ce serait te prendre pour une idiote.

Avec ton emploi du temps, tu devais avouer que tu n’avais pas toujours le temps d’inviter des amis chez toi. Ce n’était pas que tu n’aimais pas recevoir mais quand tu le faisais, tu aimais le faire bien et cela demandait du temps. La plupart du temps, tu retrouves donc tes amis et même ta famille au restaurant. C’est un peu une habitude pour toi et puis de toute façon, ce n’est pas comme si c’était toi qui préparais à manger quand tu invitais. Mais il y a des sujets que l’on ne peut pas aborder dans un restaurant et puis tu étais heureuse de pouvoir recevoir Elisabeth et son fils chez toi. Il te paraissait loin le temps où elle était entrée dans ton bureau, fraîchement arrivée d’Angleterre à la recherche de conseils juridiques. Tu sais que tu vas devoir parler à Elisabeth de cela d’ailleurs bientôt. Tu ne sais pas si ce sera ce soir ou un autre soir parce que cela risquait de légèrement plomber l’ambiance mais Elisabeth devait savoir qu’elle ne pouvait pas restée mariée à cet homme si elle ne comptait plus le voir. Enfin, théoriquement oui mais s’ils étaient tous les deux amenés à refaire leur vie autant s’assurer de régler cela maintenant surtout par rapport à Gabriel. « C’est pour ça que tu les as tous alors ! Je savais que je pariais sur la bonne main.  » Tu ne pus t’empêcher de sourire fièrement. Tu serais modeste dans un autre contexte si tu étais arrivée là où tu en étais aujourd’hui par chance mais c’était loin d’être le cas, les sacrifices avaient été nombreux et tu étais une très bonne avocate alors pourquoi prétendre le contraire ? Ce n’était pas étonnant que tu sois devenue amie avec Elisabeth, créer des amitiés avec tes clients était assez courant finalement particulièrement si le dossier qui vous occupait s’étirait sur plusieurs mois voire plusieurs années.

Après son histoire sur son allergie, Gabriel partit à la chasse aux Pokémons dans ton loft. Tu ignorais tout de ce jeu à part son nom et le principe général mais tu pouvais comprendre qu’il plaise aux enfants. En attendant, tu sirotais ton mojito en compagnie d’Elisabeth alors que vous parliez tranquillement des nouveautés de ta vie. « Arrête, c’est génial ! C’est un super projet et c’est loin d’être une vie non excitante ! Votre cabinet sera spécialisé dans la famille alors, ou ta collègue fait autre chose ?  » Cette réaction te fit sourire. Tu étais fière d’ouvrir ton cabinet mais en général quand tu le mentionnais, on n’hésitait pas à te faire remarquer que tu passais trop de temps au travail. Du coup tu en parlais beaucoup moins préférant célébrer cette victoire intérieurement. Tu étais heureuse qu’Elisabeth partage ta joie cependant, c’était appréciable. « C’est l’aboutissement d’un projet qui dure depuis un an, il me tarde vraiment d’y être. » Oui, tu avais besoin de tourner une page et d’en ouvrir une autre. Faire fructifier ce cabinet était pour toi un objectif premier et tu comptais t’y donner à fond. « Non du tout, ma collègue fait autre chose. L’idée est d’avoir toutes les spécialités pour être un cabinet complet. Nous ne sommes seules, nous avons recruté quelques collègues déjà. » Oui parce que c’était ça aussi monter un cabinet, c’était chasser des têtes pour récupérer les meilleurs d’entre eux. Tu ne pus t’empêcher de demander à Elisabeth si tu avais bien entendu son fils. S’il avait bien parlé d’un Gauthier. Parce que même si tu avais trouvé dans les manières du petit garçon des traits de ton ami d’enfance, ils ne pouvaient pas se connaître n’est-ce pas ? « Oui, Gauthier, c’était le meilleur ami de Daniel, mon mari, et… il habite ici depuis cinq ans maintenant, environ…  » Tu repenses à tes retrouvailles avec Gauthier quelques semaines plus tôt et à ce qu’il t’avait dit. Il ne t’avait pas dit depuis combien de temps il était à Brisbane mais il t’avait dit en te parlant de sa sœur qu’il était venu s’installer ici alors qu’elle était enceinte. Il t’avait aussi dit que l’enfant avait aujourd’hui quatre ans. Et Elisabeth vient d’Angleterre, Gauthier aussi. Quelles sont les chances que tes deux amis se connaissent ? « On pourrait l’apparenté à un vieil ami de la famille et en plus de ça, Gabriel est très ami avec son neveu. On dira que nous avions de la chance qu’il soit là ce jour-là… » Tu regardes Gabriel toujours occupé à chasser des Pokémons et cette fois tu es à peu près certaine que vous parlez de la même personne. Gauthier a bien un neveu et il est à peu près de l’âge de Gabriel ce qui pouvait expliquer cette amitié qu’Elisabeth venait de mentionner. Mais alors s’ils se connaissent et que tu retrouves des attitudes de Gauthier dans Gabriel … Tu es coupée dans tes pensées alors qu’Elisabeth te demande : « Pourquoi cette question, tu serais proche d’un Gauthier ?  » Tu soupires et tu finis par boire ton mojito d’une traite. Dieu sait que tu en as besoin. Elisabeth t’a dit que le père de Gabriel n’est pas son mari et tu sais aussi que Gabriel ne sait rien alors tu ne diras rien, tu as bien plus de tact que ça. Du moins tu ne diras rien explicitement. Tu hoches la tête à la question d’Elisabeth avant de lui répondre : « Je suis née à Londres où j’ai vécu jusqu’à mes treize ans. Là-bas j’avais un meilleur ami, mon premier amoureux aussi qui s’appelait Gauthier. Je suis partie à New York ensuite quand ma famille a déménagé et on s’est longtemps écrit avant de perdre contact. Nos chemins se sont recroisés la semaine dernière quand il est venu me demander des conseils au sujet de son neveu. » Dis-tu simplement regrettant de ne plus rien avoir à boire pour t’occuper le temps que tu saches quoi dire ensuite. « Je … Quand Gabriel m’a saluée en arrivant, cela m’a ramenée des années en arrière, quand j’étais gosse et que Gauthier et moi on jouait aux gens importants. Enfin c’était comme ça qu’on l’appelait en tout cas. » Dis-tu incapable de regarder ton amie, le regard perdu sur le mur. Tu espérais que tout n’était que coïncidence mais ton métier t’avait appris une chose, les coïncides, cela n’existe pas.  

Parler de ton cabinet, tu pouvais le faire pendant des heures. Tu t’étais juste habituée à le mentionner cependant. Parce qu’on te tombait dessus quand tu parlais de l’énergie que tu y avais mis en te disant que tu devais penser à toi, à te reposer, à fonder une famille, à toutes ces choses que tu aimerais bien faire mais qui te semblent inatteignables pour l’instant alors tu te contentes de le mentionner. Particulièrement en présence de tes frères parce que la compétition ne s’est jamais réellement arrêtée entre vous et la dernière fois que tu en avais parlé à Julian tu as eu l’impression qu’il avait plus envie que ton cabinet meure sur place et brûle dans la nuit. Tu n’en avais pas parlé à Sean, ce dernier avait d’autres soucis. Toi aussi tu avais le droit de réaliser tes rêves, particulièrement quand tu avais soutenu Julian lors de l’ouverture de son cabinet à lui. C’était si compliqué que ça d’être heureux pour toi ? « C’est vraiment un super projet, si tes collègues sont tous comme toi, la même éthique et la même qualité de travail, tu ne mettras pas longtemps à me convaincre de venir chez vous pour tous mes contrats, privés comme professionnels. Je suis vraiment heureuse pour toi, et on devra trinquer à ça la semaine prochaine aussi alors ! » Tu souris. Elisabeth est une des rares personnes semblant être aussi enthousiasmée que toi à propos de ce promet et cela faisait du bien particulièrement à quelques jours de l’ouverture du cabinet. Tu savais déjà qu’Elisabeth te suivrait pour que tu traites le cas de son mariage et de la garde de Gabriel mais si cela pouvait la convaincre de revenir et d’amener d’autres clients tu n’allais pas t’en plaindre. Il allait d’ailleurs falloir que vous reparliez de la situation. Ce n’était pas toujours facile pour toi d’amener cela sur le tapis mais si elle voulait se lancer dans une procédure il allait falloir passer à l’action. « Attendons de vérifier que ce n’est pas un désastre total avant de trinquer. » Dis-tu avec un sourire sur les lèvres. Tu faisais tout pour que cela ne le soit pas mais bon, on n’est jamais à l’abri. « D’ailleurs il faut que tu penses à prendre rendez-vous. » Dis-tu avec un clin d’œil. Vous n’allez pas parler de cela plus longtemps, il y aurait d’autres occasions consacrées uniquement au dossier du mariage de ton amie.

C’est d’ailleurs un tout autre sujet qui vont s’installer entre vous et un que tu n’avais jamais pensé aborder en présence de la jeune femme. Tu avais revu Gauthier il n’y a pas longtemps c’est vrai et c’est peut-être cela qui a fait que tu n’as pu t’empêcher de remarquer en Gabriel des attitudes de votre enfance. Mais jamais tu ne te serais attardée sur la question si Gabriel lui-même n’avait pas prononcé ce prénom. Il doit exister des dizaines de Gauthier à Brisbane, tu n’en doutes pas une seule seconde mais quelque chose te dit que cela ne peut être une coïncidence. Tu connais l’histoire d’Elisabeth, quand elle était venue demander ton aide, elle t’avait raconté son histoire. Tu ne jugeais jamais tes clients, c’était un principe. Tu avais tout vu et tout entendu de toute manière et chacun faisait ce qu’il voulait de sa vie. Qu’Elisabeth ait trompé son mari ne te faisait pas moins apprécier la jeune femme. Tu n’approuvais pas son comportement certes parce que tu ne soutenais pas l’infidélité mais cela ne te regardait pas. Tu savais qu’elle venait d’Angleterre et elle te confia que Gauthier était un ami. Du moins son Gauthier à elle, s’il le faut ce n’est pas le même. Ton cerveau marche trop vite, fait des hypothèses que tu n’es pas prête à formuler, que tu n’es pas certaine de vouloir formuler à vrai dire. « Ah ? Les enfants ne changent donc pas de jeu… Dis-moi, ton Gauthier, ne s’appellerait pas Hazard-Perry tout de même ? Ce serait une bien trop grande coïncidence… » Fuck ! Fuck ! Fuck ! Tu sens les battements de ton cœur s’accélérer. Non, c’est pas possible … Ton regard se pose de nouveau sur Gabriel complètement absorbé par sa chasse des Pokémons et c’est comme si on venait d’ouvrir la boîte de Pandore. Gabriel est le parfait mélange de tes deux amis … « Cela fait bien longtemps que je ne crois plus aux coïncidences. » Dis-tu avant d’ajouter. « Nous parlons en effet du même Gauthier. » Au cas où ce n’était pas clair avec la première phrase que tu venais de prononcer. Tu avais l’impression de vivre dans une autre réalité. Tu revins quelques semaines en arrière et à cette discussion avec Gauthier sur ta vie de famille et la sienne. Et la confession qu’il t’avait faite de ne pas prévoir d’enfants du tout dans son futur. Gosh ! Tu n’allais plus pouvoir le regarder dans les yeux maintenant. « Donc voilà qui est Gauthier… Tu es sûre de ne pas avoir besoin que je t’accompagne dans la cuisine ? » Sa voix te fit sursauter. Tu regardes ton verre vide et tu vois le visage apeuré d’Elisabeth alors qu’elle regarde son fils. Elle ne devrait pas trop s’en faire, tu savais te contenir, tu savais ne pas juger et tu savais avoir du tact quand il le fallait. Même si c’était Bagdad dans ta tête, jamais tu ne trahirais son secret ainsi, ce n’était pas ta place. « Je vais certainement avoir besoin de ton aide pour ne rien brûler. » Dis-tu en te levant et en faisant signe à Elisabeth de te suivre. Une fois dans la cuisine après qu’Elisabeth ait informé Gabriel pour qu’il ne s’inquiète pas, tu fermais la porte derrière vous et tu allumais les feux avant de demander : « C’est Gauthier n’est-ce pas ? C’est lui le père de Gabriel ? » Il faut que tu l’entendes te confirmer la chose, cela te semble tellement irréel …  

Ton cabinet va ouvrir, tu dois avouer que tu es légèrement nerveuse à cette idée. Peut-être que tu ne devrais pas l’être mais c’est plus fort que toi. Qui ne serait pas nerveux à ta place ? Personne parce que c’est la réalisation d’un gros projet et de toute manière tu ne pourras pas faire le bilan tout de suite, il faudra attendre un peu. « Mais ne part pas avec cet esprit là ! Je suis persuadée que tout va réussir, tu as travaillé pour et tu le mérites largement, arrête donc de te prendre la tête ! » En réalité tu ne te prends pas trop la tête. Arrivera ce qui arrivera. Mais en deux ans tu as réussi à te faire une bonne clientèle, une clientèle qui sera certainement prête à te suivre si c’est toi qu’ils veulent et personne d’autre. Et puis s’il y a une chose que ta famille t’a bien apprise c’est comment partir à la chasse de nouveaux clients et tu es très active sur ce plan là aussi depuis quelques temps. « Merci. Je suis plus nerveuse qu’autre chose mais ça ira, je ferai tout pour que ça aille. » Et en général cela fonctionnait plutôt bien pour toi. En tout cas jusqu’ici cela avait été le cas. Tu ne manquais pas de faire remarquer à ton amie qu’il allait falloir qu’elle prenne d’ailleurs rendez-vous avec toi. Elisabeth n’était venue dans ton bureau que pour des conseils au départ mais les mois passaient et rien ne changeait. Tu étais plutôt quelqu’un qui préférait ne pas laisser traîner ce genre de choses. Mieux vaut régler cela de suite. Qui sait ce qui peut arriver ? Si le mari d’Elisabeth apparaît un beau jour réclamant la garde de Gabriel qu’est-ce qui se passe ? Si Elisabeth a envie de refaire sa vie et de se marier et qu’il faut attendre encore des mois et des mois pour une procédure de divorce ? Si c’est cela qu’elle veut, mieux vaut le faire de suite. « Je t’appellerais lundi à la première heure pour être un de tes premiers rendez-vous dans ton nouveau cabinet, promis, mais pour le moment, cette affaire reste du travail et donc ne doit pas intervenir ce soir. » Tu lui souris, tu comprends bien qu’elle ne veut pas en parler et il y a quelque chose qui bloque à ce niveau là mais tu n’arrive pas à comprendre quoi. Tu te contentes de lui dire : « C’est pour toi tu sais. » Tu ne faisais pas ça pour décrocher une nouvelle cliente et te lancer dans un nouveau dossier c’était réellement pour le bien d’Elisabeth et pour mieux envisager le futur que tu voulais faire un point avec elle.

Mais le sujet changea radicalement ou pas trop en réalité quand ton ami d’enfance, Gauthier fit son entrée dans la conversation. L’idée que Gauthier et Elisabeth puissent se connaître ne t’avait jamais traversé l’esprit principalement parce que quand tu avais rencontré la jeune femme, tu n’avais pas la moindre idée que Gauthier se trouvait à Brisbane et tu n’avais pas repensé à lui depuis longtemps. Mais le fait que tu l’aies croisé il y a quelques semaines a ramené pleins de souvenirs à la surface, des souvenirs assez présents pour que le comportement de Gabriel attire ton attention. Tu n’avais pas prévu de faire un quelconque lien cependant ou d’en parler à Elisabeth et pourtant, tu n’avais pas pu t’en empêcher et sans réellement le vouloir les pièces d’un puzzle bien plus grand que toi s’étaient rapprochées dans ton esprit pour arriver à une seule et unique conclusion : le père de Gabriel ne pouvait être que Gauthier. Tu le voyais encore plus dans cet enfant maintenant que tu savais, maintenant qu’il ne pouvait pas y avoir d’autre alternative. Le choc devait pouvoir se lire sur ton visage, ton cœur battait à mille à l’heure parce que tu ne savais pas ce que tu allais pouvoir faire de cette information. Tu n’allais plus pouvoir regarder Gauthier dans les yeux, c’était sûr et certain mais tu ne le lui dirais pas non plus, ce n’était pas ta place de le faire. Tu savais aussi que ton rôle dans cette histoire était bien loin d’être fini parce que si un jour Gauthier venait à l’apprendre il voudra certainement des droits de garde ou de visite ou quelque chose qui se règle devant un juge. Et qui allais-tu représenter alors ? Il fallait que tu arrêtes de penser ainsi mais c’était ta manière à toi de ne pas paniquer. Tu entraînais Elisabeth dans la cuisine, fermant la porte derrière vous avant de poser la question à dix mille euros. « Oui… Il n’est pas au courant Milena, je suis désolée, mais s’il te plait ne lui dit pas… Il faut que cela vienne de moi. Je dois lui annoncer et à lui, et à Gabriel et ce ne sont pas des discussions faciles à avoir, elles ne se font pas à la sortie de l’école en tout cas… Je sais que tu me juges déjà un peu pour mes actes, et que savoir qu’il est le père, surtout avec votre propre connexion, ne doit pas aider… Je suis désolée.  » Tu regardes ton amie paniquer et se décomposer en face de toi. Tu t’en veux, ce n’était pas du tout ce que tu avais envie de faire ce soir et puis elle s’en faisait pour rien. Tu savais garder des secrets, trop bien pour certains et tu savais aussi où était ta place. Quittant la gazinière, tu allais prendre Elisabeth dans les bras avant de lui dire : « Respire, tout va bien, respire. » Tu voulais qu’elle arrête de paniquer, le monde n’allait pas s’arrêter de tourner et pas à cause de toi. Quand tu relâches ton étreinte avec la jeune femme, tu lui dis : « Je sais bien qu’il n’est pas au courant. Vu notre conversation il y a une semaine et demie, je sais qu’il ne sait rien. Et je sais aussi que ce n’est pas à moi de lui dire. Gosh Elisabeth bien sûr que je ne vais rien lui dire ! » Il t’en voudra peut-être quand il saura mais un jour il comprendra que tu ne pouvais simplement pas le faire. « Tu comptes le lui dire cependant n’est-ce pas ? » Parce que tu refuses que ton ami soit privé de cet enfant aussi. Mais si Elisabeth compte lui dire, tu la laisseras faire. « Et ne dit pas n’importe quoi. Gauthier a été mon amour d’enfant, cela remonte à des années et même si nous avons un jour imaginé avoir des enfants tous les deux cela fait bien longtemps que l’on sait que cela n’arrivera pas. » Dis-tu avec un sourire sur les lèvres. Tu n’avais pas vu Gauthier depuis plus de dix ans, bien sûr que vous avez chacun fait votre vie !  

En réalité, tu ne sais pas si Elisabeth t’appellera lundi. Depuis qu’elle est venue la première fois dans ton cabinet, tu l’avais revue des dizaines de fois mais jamais dans le cadre de sa première visite, toujours en dehors ce qui vous avait permis de construire cette amitié. Toutefois, tu commençais à te faire du souci pour elle. Tu ne comprenais pas ce qui la bloquait dans cette démarche, la réticence qu’elle avait à quitter ce mari qu’elle n’avait pas vu depuis des mois. Mais tu ne faisais jamais de commentaires à ce sujet parce que tu avais appris une chose très importante dès tes débuts dans ce métier, quand tu n’as pas été marié tu ne peux pas comprendre les attitudes bizarres de tes clients, du moins des attitudes qui pour toi ne font pas sens. Tu te fais réellement du souci tout de même parce qu’en dehors de son mariage il y a la garde de Gabriel, il faut qu’elle sache si son mari va vouloir un droit de garde ou pas, il faut que Gabriel comprenne aussi certainement cette situation. Enfin, tu es sûre d’une chose, attendre ne rendra pas les démarches plus faciles, juridiquement et émotionnellement. Mais tant que la situation est ainsi, tu ne dis rien, tu te contentes de rappeler à Elisabeth que ton cabinet est ouvert et n’attend qu’elle pour régler cette histoire mais cela doit venir d’elle.

Un sujet bien plus important arrive sur la table de la manière la plus étrange qu’il soit. Un détail que tu n’aurais nullement relevé si tu n’avais pas revu Gauthier une semaine et demie plus tôt au sujet de la garde de son neveu qu’il refuse de partager avec le père de l’enfant. Enfin, là n’était pas la question. Tu avais retrouvé ton ami d’enfance et si cela n’avait pas été le cas, jamais tu n’aurais commenté les actions de Gabriel et jamais tu n’aurais relevé le nom de son sauver de cette manière. Mais tu l’avais fais et Elisabeth venait sans doute de te révéler son secret le plus cher. Tu pouvais le voir à la panique qui se lisait sur son visage, à la terreur que tu pouvais y lire. A vraie dire, tu ne savais pas quoi penser de cette situation. Tu savais qu’Elisabeth était mariée quand elle avait eu Gabriel de ce fait il était né d’une liaison extra conjugale, chose que tu étais loin d’apprécier mais tu connaissais assez bien Gauthier et aujourd’hui Elisabeth pour savoir qu’il y avait plus que de simples ébats à cette histoire. Tu ignorais quoi et tu ne le sauras peut-être jamais d’ailleurs … Tu commences par rassurer ton amie parce que pour toi c’est important. Alors que l’eau bout, tu vas la réconforter parce que la voir s’effondrer dans ta cuisine n’était nullement ton but. En fait, tu ne savais pas quel était ton but parce que tu avais juste laissé ton esprit faire des liaisons qui te paraissaient impossible comme quoi, impossible n’est pas humain. Tu n’avais pas pensé aux conséquences de ta trouvaille mais de voir Elisabeth dans cet état ne te plaisait pas. Quand elle te supplia de ne rien dire à Gauthier, cela ne t’avait pas réellement traversé l’esprit. N’importe quelle personne saine d’esprit savait que ce n’était nullement à toi de le faire. Tu la serres dans tes bras et tu veux lui faire comprendre que ça va aller, que tout va bien se passer et que son monde ne va pas s’arrêter de tourner. Garder des secrets est ta spécialité. «  Merci. » Tu cherches ensuite à t’assurer qu’elle compte bien le dire à Gauthier parce que si ce n’est pas le cas, là tu ne t’interdis pas d’intervenir. Gauthier a le droit de connaître son enfant, sur ça tu seras intraitable. « Bien sûr que je vais lui dire, cela fait bien longtemps que je le dois et aujourd’hui, je le peux et je n’ai plus assez d’excuse pour reculer ce moment de vérité. Je lui dois la vérité et je le dois aussi à mon fils, je ne peux pas les séparer s’il souhaite connaître son fils… » Tu hoches la tête. Cela te rassure énormément qu’Elisabeth soit lucide sur la situation parce que tu n’avais nullement envie que vous vous preniez la tête là-dessus. Tu n’avais pas envie de te fâcher avec Elisabeth mais tu ne pouvais pas garder ce secret à tout prix pour rien. Si ce n’était que temporaire, tant mieux. « J’ai toujours eu l’intime conviction que Gauthier ferait un très bon père. Je suis contente que tu ne le prives pas de cette joie. » Dis-tu avec un sourire mais c’était aussi un moyen de faire comprendre à Elisabeth que si elle comptait l’en priver, tu serais là pour rectifier le tir parce que tu refusais de voir un de tes amis les plus cher ne pas vivre cela. « Et Gabriel qu’est-ce qu’il sait ? » Tu n’avais jamais demandé à Elisabeth ce qu’elle avait dit ou non à son fils au sujet de sa séparation. Clairement ce dernier ne savait pas qui était son père mais se doutait-il que le mari de sa mère ne l’était pas ? C’était une toute autre question. Tu tiens ensuite à la rassurer sur la nature de ta relation avec Gauthier. Oui vous aviez été ce que l’on appelle des primary school sweethearts mais c’était il y a bien longtemps et vous aviez fait vos vies de votre côté. Votre amitié était de retour aujourd’hui mais seulement celle là. « Merci Milena, je m’excuse, je souhaiterais tant ne pas te demander de lui mentir, ou plutôt de ne pas lui dire la vérité, mais il ne peut l’apprendre que de ma part. » Tu hausses les épaules. Tu ne doutes pas que Gauthier te le reprochera quand il l’apprendra mais tu sais aussi qu’il finira par voir vos raisons derrière ce choix. Elisabeth avait raison, cela ne devait venir que d’elle et seulement d’elle. « Il finira par comprendre pourquoi je n’ai rien dit. Oh il m’en voudra un temps mais il comprendra. » Dis-tu en haussant les épaules de nouveau parce qu’il n’y avait rien d’autre à dire malheureusement à ce sujet. Tu allais mettre les pâtes chinoises dans l’eau bouillante alors qu’Elisabeth te ramenait sur une réflexion que tu avais faite : « Dis-moi, tu as dit tout à l’heure que tu savais qu’il n’était pas au courant vu votre conversation de la semaine dernière ? Bien sûre, tu peux entièrement refuser de me répondre, je n’ai aucun droit de te le demander mais… j’avoue que tu m’as interpelé… » Tu laisses échapper un petit rire en secouant la tête. La gêne d’Elisabeth de te parler de Gauthier t’interpelait mais tu ne savais pas encore pourquoi elle se sentait gênée. Votre conversation était loin d’être un secret … « Quand je me suis retrouvée face à Gauthier il y a une semaine et demie, c’était une grosse surprise. Je n’avais pas eu de ses nouvelles depuis tellement longtemps ! Et la conversation a commencé comme toutes les conversations de trentenaires de s’étant pas vus depuis dix ans avec la question du conjoint et des enfants. » Dis-tu un sourire aux lèvres. « Gauthier a mentionné qu’il n’avait personne dans sa vie et qu’il n’avait pas construit la famille qui nous faisait rêvé toutes ces années auparavant. Il semble avoir fait une croix sur ce rêve mais j’ignore pourquoi, nous n’en avons pas reparlé. » Dis-tu l’air pensive. Il faudra que tu lui en reparles d’ailleurs.