Joanne ne réalisait que plus tard qu’elle en demandait beaucoup trop. Du moins, elle qui voulait se faire raisonnable, ne se trouvait alors pas très correct pour demander une telle faveur. Bien sûr qu’elle se sentait à l’aise dans l’autre musée, elle connaissait pratiquement tout le monde, c’était un peu son territoire. Là, cela faisait à peine un mois qu’elle était arrivée au Queensland Museum. Le musée était varié et n’était pas centré uniquement sur l’histoire bien qu’il ne manquait pas de collections. Elle s’était rapprochée d’une autre conservatrice, Helen. Et bien qu’elle avait trouvé rapidement ses marques, on ne lui avait pas laissé le temps de s’y attacher. A peine trouvait-elle ses aises qu’on lui demandait de repartir. Un véritable coup de poing. “Non, non, laisse tomber cette idée, c’est idiot.” bégaya-t-elle au bout de quelques minutes de réflexion. C’était bien trop demandé, et il fallait se rendre à l’évidence : elle ne cracherait pas dessus, si ce voyage et les raisons de celui-ci allaient pousser ses supérieurs à gonfler ses effectifs, finalement. Si Jamie leur promettait cette exposition, le musée serait clairement mis en avant. Une offre qu’on ne pouvait pas refuser. “Je me débrouillerai.” lui assura-t-elle avec un vague sourire, n’ayant aucune idée de ce qui lui arrivera à compter de mai. Joanne n’aimait pas vraiment l’inconnu. Surtout le fait de perdre bon nombre de repères alors qu’elle avait à peine atteint une pseudo-stabilité. Et bien qu’elle ne manquait plus de moyens, avoir un rythme régulier de travail lui avait manqué et cela permettait de ponctuer sa vie, de la rendre moins monotone. Elle ne pensait pas vraiment que la raison de la semaine de vacances fasse faire un cheminement à son supérieur pour aboutir à l’éventualité de la garder parmi ses effectifs. Elle n’y croyait pas vraiment. Jamie tenait à organiser l’ensemble du voyage. Ce n’était que lorsqu’il le lui rappelait que Joanne se souvint que son anniversaire n’était plus si loin que ça. Que si personne ne lui en avait parlé, elle aurait certainement oublié d’une manière ou d’une autre. Elle ne comptait pas vraiment le fêter mais elle n’allait se plaindre de prendre une nouvelle année de l’autre côté du monde. Mais elle ne comptait pas prévoir quelque chose de particulier. Joanne avait toujours pensé qu’il y avait bien plus intéressant à fêter que son anniversaire. La jeune femme lui sourit tout de même. “Ca me semble plutôt pas mal.” dit-elle avec un doux sourire, sirotant son jus de fruits juste après avoir prononcé ces quelques mots. A vrai dire, elle peinait à réaliser qu’elle partait déjà d’ici deux semaines. Tout était venu si rapidement, il avait suffi de dire oui pour que cela déclenche tout un phénomène interne. Bien sûr, Joanne restait au plus mal. Tant qu’elle en avait autant sur le coeur, elle n’ira certainement jamais mieux. Mais il semblait que malgré tout cette brume et cette obscurité qui régnaient en maître dans son esprit, il y ait cette soudaine et vive lueur. Si vive que c’en était éblouissant. Ca resterait éphémère, ça finirait par disparaître en laissant des souvenirs derrière. Mais quels souvenirs! “Merci pour tout, Jamie.” dit-elle timidement en levant ses yeux sur lui avec tout autant de gêne. “Je… Je n’ai rien fait pour mériter tout ça, et tu me le proposes quand même malgré tout, malgré le fait que… nous ne parvenons pas à nous entendre ces derniers temps.” Plutôt dire que le début d’année a été particulièrement catastrophique entre eux. “Je te dois tellement, maintenant.” dit-elle avec un rire nerveux. Elle n’avait pas de voyage de rêve à lui proposer, ni l’argent d’une résidence secondaire mise en vente. Cherchait-il à avoir quelque chose en retour ? A l’heure actuelle, il n’avait pas vraiment de raison de lui faire plaisir. Joanne n’avait rien à lui offrir en échange. Ils n’étaient plus ensemble, ils n’avaient plus que Daniel en commun. Il fallait dire qu’elle appréhendait quelque peu le séjour. Leur semaine commune à Londres n’avait pas été particulièrement plaisante. Il pouvait s’en passer, des choses, en une semaine. Et ils allaient à Florence. La jeune femme allait certainement être incontrôlable, avec l’envie d’aller voir ces tableaux qui avaient été si précieusement dissimulés pendant des siècles. Mais il y avait tant à voir dans cette ville qu’elle ne verrait pas les heures passer. Daniel commençait à se manifester, son petit ventre criait famine. “Je ne devrais pas te retenir plus longtemps.” dit-elle avec un certain embarras. Elle vida rapidement son jus de pommes, bien qu’elle n’ait aucune raison de se précipiter. Il y avait ses chiens qui l’attendaient – ce serait d’ailleurs peut-être l’occasion de faire une longue promenade avec eux. “Je pense que vous allez passer un bon weekend, tous les deux.” dit-elle tout bas avec un faible sourire - le coeur un peu serré par l’angoisse de se séparer de son fils pendant deux jours.