Just something I can turn to, somebody I can kiss.
Jamie voulait croire qu'il aurait vu Joanne, qu'il aurait fini par croiser son regard. Cette remarque la fit doucement sourire. Pour une fois, il se plongeait plus facilement qu'elle dans ce genre de spéculations, si leur rencontre avait été différente. Peut-être parce qu'il était franchement amoureux d'elle et qu'il voulait croire en cette romance. A la possibilité que les choses auraient fini pareil qu'importe le scénario de leur première rencontre. La jeune femme parlait ensuite de la semaine où Jamie était à Rome. Elle était curieuse de savoir la manière dont il avait vécu ces quelques jours, curieuse de savoir quel était son ressenti par rapport à ce qui avait été amorcé à Florence. Peut-être que c'était lui qui n'en voulait plus de cette relation, Joanne n'en savait trop rien. Mais ses doutes furent vite évincés dès qu'il confirmait ce profond désir d'être à nouveau auprès d'elle. Ce qu'il souhaitait, c'était de retrouver sa famille, se plonger à nouveau dans ce climat apaisant, un endroit où il avait véritablement sa place. Joanne était surprise qu'il parvienne à tout mettre sur des mots sans trop de difficultés. Il décrivait ce manque, le vide ressenti lorsqu'il n'était plus auprès d'elle ou de Daniel. Il avait une volonté certaine de mettre en avant leurs points communs plutôt que de creuser du côté de tout ce qui pouvait les différencier tous les deux – et dieu seul sait combien cette liste pouvait être longue. Il avait tout aussi peur qu'elle des regards désapprobateurs des autres. C'était un frein pour Joanne, oui. Bien qu'elle était encore en froid avec ses parents, elle craignait un peu leur réaction s'ils apprenaient qu'il y avait un nouveau rapprochement avec Jamie. Ce dernier ne voulait pas qu'ils s'en soucient, pas plus qu'avant en tout cas. "Là, il n'y avait que Caiden. Mais qu'est-ce que ce sera, s'il y en avait deux, trois, quatre personnes qui viendraient nous dire la même chose ? Dans le meilleur des mondes, ce serait bien qu'ils voient ça comme une nouvelle opportunité et qu'ils mettent de côté ce qui a pu se passer." Elle haussa timidement les épaules. Les regards avaient toujours compter pour Joanne, du moins, ceux qu'elle remarquait. C'était pour ça qu'elle préférait que personne ne se soucie d'elle au lycée. Un groupe de musique se mettait doucement en place de l'autre côté du bar. Joanne était enchantée de constater qu'ils avaient l'occasion d'assister à un concert. Jamie s'excusa en sortant le téléphone de sa poche, expliquant qu'il n'arrêtait pas de vibrer. Des tas d'appels manqués de Vee, qui devait être alarmée au possible en voyant que son couple fétiche était parti du vernissage. "Et tu vas le faire, mettre son bureau à feu et à cendres de nouveau ?" lui demanda-t-elle d'un air taquin. Elle rit doucement. et se pencha en avant afin d'apparaître sur la photo. Elle laissa ensuite Jamie l'envoyer. "Ca y est, elle est rassurée, maintenant ?" demanda-t-elle alors, buvant ensuite une gorgée de bière. "A moins qu'elle ne soit particulièrement fière de son coup et de ses talents d'entremetteuse." Vee n'avait jamais caché combien elle aimait leur couple. Le soir-là, elle s'était d'ailleurs montrée un peu trop enthousiaste en commençant à parler de progéniture. Après quelques minutes de silence, Joanne se mit à nouveau à chercher un contact physique avec Jamie en frôlant sa main avec la sienne. Elle voulait voir d'elle-même si ça lui faisait quelque chose ou pas, si son regard posé sur elle la rendait agréablement nerveuse. Elle avait toujours aimé la chaleur qui émanait de sa peau. A côté, ses doigts à elle lui semblaient tellement froids. Elle voulait aussi qu'il la cherche aussi, qu'il la jauge. Mais elle comprenait qu'il n'osait peut-être pas et que tout était à refaire. Joanne restait longuement concentrée sur sa main qui caressait la sienne. Ca lui rappelait la première fois qu'ils étaient allés au restaurant ensemble. Et ça lui faisait un peu le même effet qu'auparavant. Joanne savait qu'il était avant tout un homme tendre, qui avait besoin d'affection et qui avait besoin qu'on lui en donne. "Et oui, je veux saisir cette chance." répondit-elle enfin avec un sourire confiant. Ils avaient certainement beaucoup de choses à se dire, à se révéler. Au fond, elle attendait toujours certaines explications de la part de Jamie, mais ce n'était peut-être pas encore l'occasion. Alors que le concert avait commençait, une piste de danse s'improvisa au milieu du pub. La musique était assez douce. Elle vida alors sa pinte et prit Jamie par la main. "Viens." Elle avait envie de danser avec lui. Une main dans la sienne, l'autre sur son épaule, elle se rapprochait de lui et plongea son regard dans le sien. "J'ai toujours aimé danser avec toi." lui souffla-t-elle tout bas. Même lorsqu'ils étaient séparés, ils parvenaient encore à créer leur bulle durant ces moments là.
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Je comprends donc que, oui, le regard des autres est un frein. Qu'il y ait de la désapprobation, des regards, des murmures, des remarques où que nous allions, cela importe à Joanne. Elle ne veut pas être la cible des médisances, des critiques, elle a toujours été trop sensible pour cela. Bien sûr, comme elle, je préférerais que tout le monde comprenne qu'il y a une manière positive de voir les choses, que l'on nous fasse confiance quand nous nous offrons cette nouvelle chance, et peut-être que certains comprendront. Mais il y aura forcément quelqu'un pour désapprouver. Une, deux, quatre, cinq personnes. Il y aura des Caiden un peu partout pour faire valoir leur point de vue sur la question même si personne ne le leur a demandé. Et entendre entre les lignes que l’appréhension de Joanne par rapport à ce point est important me mine un peu. Qu'importe à quel point je redore mon blason, qu'importe le nombre de veilles femmes que j'aiderai à faire traverser la rue, le nombre de preuves que j'accumulerai pour faire comprendre que je suis quelqu'un de bien, il y en aura qui n'y croiront pas, qui me feront garder cette étiquette sur le front, celui du danger public, et qui penseront que la jeune femme est une sombre idiote si elle pense que je mérite de faire partie de sa vie. Autrement dit, si cela importe tant, je suis fichu d'avance. « Mais nous ne sommes pas dans le meilleur des mondes. » je murmure avec un sourire triste. Heureusement, les musiciens captent son attention, et les sms à foison de Vee me donnent une bonne excuse pour changer de sujet et penser à autre chose. Je mentionne la dernière fois qu'elle a tenté de nous rabibocher alors qu'aucun de nous deux n'y était prêt. L'idée du feu dans la poubelle a eu le mérite de faire passer le message. « Ca serait du réchauffé, non. Peut-être que je pourrais l'inonder cette fois, ou libérer une nuée de sauterelles. » Histoire de diversifier les plaisirs. J'envoie la photo dans l'espoir que cela suffise à la calmer pour le reste de la soirée, sans quoi je serais forcé de mettre mon téléphone sur silencieux, et je préfère éviter d'en arriver à cette extrémité. « Tu crois ? Peut-être qu'elle a fait exprès de nous embarrasser pour nous faire fuir, puis elle a envoyé Caiden pour te booster, et elle savait qu'on viendrait ici. D'ailleurs elle a engagé les musiciens qui sont ses espions. » Honnêtement, cela pourrait parfaitement être vrai que ça ne me surprendrait pas. J'arque un sourcil suspect en jetant un coup d'oeil aux musiciens du coin de l'oeil, puis j'hausse les épaules. « Qui sait ? » Je prends une gorgée de bière puis laisse ma main traîner près de mon verre sur la table ; celle de Joanne l'y rejoint petit à petit, et finalement, la frôle délicatement. Je ne sais pas pourquoi mon regard reste rivé sur ce contact, figé dans cette impression de déjà vu, mais cela me fait sentir un peu idiot, alors je relève les yeux et atterrit immédiatement dans ceux de la jeune femme. Et encore une fois, c'est un peu niais, mais la voir me fait sourire. Savoir qu'elle veut tenter le coup malgré tout. Ce petit flottement est interrompu et je redescends soudainement sur terre lorsqu'elle me prend la main. « Attends ! » Maladroitement, tout en me levant, je termine d'une traite le fond de ma bière que je veux veux pas retrouver tiède plus tard. J'abandonne la pinte vide sur la table juste à temps pour me faire tirer jusqu'au parquet du pub qui sert de petite piste de danse. Et avant que je puisse comprendre ce qu'il se passe, la main de Joanne est sur mon épaule et son corps près du mien. Dans un rictus nerveux je laisse comprendre que moi aussi, j'ai toujours aimé danser avec elle. Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'elle est superbe. « J'ai quand même essayé de voir s'il existait une autre cavalière avec qui j'apprécierais autant de danser mais… non. Tu sais, c'est énervant d'essayer de danser avec un mannequin. Elle sont toutes en jambes, ces longues tiges bougent à peine et vous tapent dans les genoux. Non, vraiment... » Je préfère une certaine petite blonde de toute manière. Il n'y a qu'avec elle qu'il y a ce truc en plus, cette alchimie qui rend le balancier plus agréable qu'avec n'importe qui, ou qui me permet de la faire tourner sur elle-même dans avoir besoin de lui faire signe avant, comme s'il existait une chorégraphie apprise à l'avance et sue uniquement de nous. Alors que ce n'est rien de tout cela. Seulement une harmonie. « Je suppose que toi, tu as trouvé un autre cavalier potable avec Wes. » Je ne suis pas jaloux. Pas vraiment. J'essaye juste maladroitement d'occuper ma bouche pour, d'une, éviter un silence qui me paraît un brin angoissant lorsque nous sommes si proches, et deux, oublier mon envie de l'embrasser pour l'exacte même raison. « Je suis très mauvais en small talk de danse, je devrais probablement me taire. » j'admets avec un rire nerveux, et un large facepalm interne. Nous n'avons jamais eu besoin de parler pendant que nous dansons, il n'y a pas de raison que cela commence ce soir, mais j'ai l'impression de ne pas pouvoir vraiment la regarder comme je le voudrais, dire ce que je voudrais, agir comme je le voudrais. En somme, avoir l'air trop admiratif, trop affectueux, trop amoureux.
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Jamie était peut-être un peu découragé à l'idée que Joanne sente un poids sur ses épaules, et que ce poids soit le regroupement des regards et des médisances les concernant. Cela ne devait pas non plus dire qu'il devait dire que tout était perdu, loin de là. Joanne finirait peut-être par les ignorer, passer outre et vivement sa vie comme elle, elle l'entendait. Ils n'étaient pas dans l'univers de Candide et ils devaient faire avec, choisir quels facteurs ils se devaient de prendre en compte ou non pour garantir leur avenir. Mais ce sujet de conversation se fit vite oublier grâce à Vee – à croire qu'elle était omniprésente et qu'elle faisait absolument tout pour qu'ils soient à nouveau ensemble. D'ailleurs, Jamie ne manquait pas de remarquer que c'était possible qu'elle ait organisé certaines choses et que ça se passe comme elle l'entendait. "Tu n'es pas sérieux."dit-elle avec un rire nerveux. Joanne ignorait s'il l'était ou non, il savait se faire très persuasif lorsqu'il le voulait et il avait toujours été facile de faire tomber Joanne dans le panneau. "Tu pense que ça se peut ?" demanda-t-elle finalement, désireuse de savoir s'il pensait vraiment ce qu'il disait ou non. Joanne connaissait Vee, mais certainement pas aussi bien que lui. Elle n'arrivait pas à savoir jusqu'où la directrice de Vogue était prête à aller pour atteindre ses objectifs. Sinon elle aurait arrêté de contacter Jamie et Joanne concernant leur avenir professionnel respectif depuis une éternité. Il était captivé par ce que Joanne pouvait faire, jusqu'à ce qu'il tombe dans son regard. Il était comme envoûté, amoureux au possible. Joanne venait à se demander comment il en était capable, après tout ce qui s'est passé. A moins qu'il ne préférait ignorer les mauvaises passes et ne penser qu'aux belles choses. Après quoi, Joanne décida de prendre les choses en main en l'invitant à danser. Le bel homme tenait tout de même à finir sa bière avant de sentir Joanne tout contre lui. Il semblerait que cela le rende particulièrement nerveux. Peut-être qu'il n'y avait pas la transpiration, mais il y avait ces autres petits signes que Joanne connaissait bien et qu'elle décryptait peu à peu. "C'est un bon cavalier, oui. Mais ce n'est pas pareil." Elle aimait travailler ses pas avec Wes, se concentrer un peu plus sur la technique. Avec Jamie, c'était vraiment et uniquement pour le plaisir de danser avec lui, de passer ce moment là avec lui. Le brun confessa qu'il tentait juste de meubler le silence, qu'il semblait particulièrement craindre. "Nous ne faisions que très rarement du small talk lorsque nous dancions ensemble." dit-elle tout bas avec un large sourire. Joanne captait son regard. Elle voulait voir cet amour, dans ses yeux, elle voulait le voir avoir envie de l'embrasser, de se rapprocher encore un peu plus d'elle. Ce n'était pas en restant sur une certaine réserve qu'il allait pouvoir pleinement la charmer. Un nouveau silence s'instaura, ou plutôt, c'était Joanne qui l'imposait. Elle voulait de nouveau ces échanges de regard, savoir ce que l'autre voulait dire par la simple présence de cette étincelle dans les yeux. C'était ça, qu'elle adorait chez lui. Que lorsqu'il ne trouvait pas les mots, il disait tout par les gestes, par ses yeux verts qu'elle trouvait magnifiques. La magie opérait. Elle en oubliait le monde qui les entourait, elle ne regardait que lui et elle ne voulait voir que lui. Elle lui souriait parfois, touchée et gênée par la manière dont il pouvait la contempler parfois. La jeune femme posait doucement son front contre le sien. Elle lâchait parfois quelques rires nerveux jusqu'à ce qu'elle finisse par dissimuler ses joues légèrement plus roses en nichant son visage dans sa nuque. Oui, son charme marchait toujours."Tu vois, parfois, ce n'est pas nécessaire de dire quoi que ce soit." dit-elle en relevant la tête. "Ces sensations là m'avaient aussi manquée." ajouta-t-elle encore plus bas. Joanne se rendait compte que son rythme cardiaque s'accélérait sensiblement. Elle finit par délicatement glisser ses deux bras afin de les passer par dessus ses épaules, Jamie pouvait ainsi la tenir par la taille. Cela réduisait l'espace déjà bien réduit entre eux. Son visage caressait délicatement le sien, et elle ne le lâchait pas du regard. Elle aimait avoir l'impression qu'ils étaient seuls, ces moments où elle se fichait totalement de la présence des autres, des regards, des jaloux et des envieux. Il n'y avait que lui qui comptait à ce moment précis. Il n'y avait que son regard à lui qui comptait."A quoi tu penses, là, à ce moment précis ?" lui demanda-t-elle au bout d'un moment, désireuse de voir ce qu'il pourrait lui raconter, en plus de l'éclat on ne peut plus amoureux qu'il y avait déjà dans ses yeux.
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« Absolument rien ne pourrait m'étonner de sa part. » j'avoue en riant, quoi que je doute que la planification des événements par Victoria soit aussi poussée que l'hypothèse que j'ai avancée pour plaisanter -c'est bien le doute qu'affiche Joanne à l'idée que ce que je dise soit vrai, elle qui a toujours ce don pour tomber dans tous les panneaux, qui me fait pouffer d'amusement et l'observant d'air attendri. Pas d'espions donc, mais je ne doute pas que Vee nous harcèlera chacun de notre côté pour avoir un rapport détaillé des événements de la soirée auxquels elle n'a pas pu assister, en croisant les différents points de vue afin d'obtenir le tableau dans son intégralité. Une photo ne suffira pas à la rassasier, c'est évident, et ce serait mal la connaître que de sous-estimer sa capacité à se montrer intrusive et beaucoup trop curieuse. Elle voudra le nom du pub, de la bière que nous avons commandée, du groupe de musique, des chansons sur lesquelles nous avons dansé, mais surtout, ce qu'il s'est dit, en paroles, dans les regards et dans les sourires. Je me sens terriblement malhabile, mais à chaque fois, Joanne parvient à me faire oublier mes maladresses. Elle ne semble pas m'en tenir rigueur, ni même les relever -du moins, elle ne le montre pas pour que je ne me sente pas plus mal à l'aise que je ne le suis déjà. Je devrais définitivement arrêter d'entretenir ces tirades nerveuses qui me font débiter à propos de tout et de rien alors que cela n'est absolument pas nécessaire. « Je sais... » je souffle avec un rictus gêné, puis mes lèvres se scellent et je garde le silence. Je me cache derrière l'humour bancal qui permet de conserver un fin écran de fumée entre moi, mes sentiments et elle. Je ne veux pas avoir l'air trop demandeur, comme un chiot qui, dans un regard, vous réclame tout votre amour sous peine d'avoir cette moue triste pour toujours. Je ne veux pas être aussi ridicule, et c'est autant pour moi que pour elle ; je ne veux pas qu'en me voyant ramper à genoux devant elle, fou d'amour, Joanne se sente coupable de ne pas ressentir la même chose ou pire, se sente obligée de feinter des sentiments afin que personne ne se sente mal. Et d'un autre côté, je sais que si je ne lui montre pas mes émotions telles qu'elles sont, la jeune femme ne pourra pas les deviner, et elle n'avancera pas vers moi si elle ne sait pas où cela va. Alors, forcé au silence, je laisse mon regard, ma bouche, mes pommettes parler à la place, et j'ai l'impression que mon expression toute entière lorsque je la regarde n'est qu'un immense panneau clignotant « je t'aime ». Au fil des secondes pendant lesquelles le monde se laisse envelopper dans le brouillard autour de nous, je ne perçois même plus complètement la musique, ni le balancier que forme nos pas. Il ne reste que ce flottement qui met le coeur en impesanteur et le monde sur pause. Nous gloussons parfois comme ces adolescents sans assurance que nous étions chacun au bal de promo, parce que le coeur accélère, le ventre picote, et toutes ces sensations rendent nerveux. Joanne se colle à moi finalement, passe ses bras autour de mon cou. Je n'ose rien dire, de peur de tout gâcher. Je la vois avoir les joues aussi roses que les miennes, le regard brillant comme je ne l'avais plus vu depuis longtemps, et je peine à réaliser qu'il y a peut-être une étincelle qui continue de pétiller, qu'il y a vraiment une chance pour que ces sentiments reviennent à la vie. Frôler son visage avec le mien est la plus agréable des tortures. Je reconnais le parfum que je lui ai offert délicatement déposé dans le creux de sa mâchoire. Depuis mon nuage, même le son de la voix de la jeune femme ne saurait me faire redescendre sur terre. A quoi je pense, en mots. C'est toujours plus compliqué, mais pas cette fois. « ...que tu es magnifique. Que… je suis vraiment heureux que tu ais accepté de venir ce soir. » Les syllabes se glissent entre mes lèvres, envoûtées par le pouvoir de la voix douce de Joanne et de son regard tendre. « Et que j'ai vraiment envie de t'embrasser. » Pris au piège par mon propre élan d'honnêteté, mon regard fuit droit vers mes pieds, ma bouche se pince et je me maudis intérieurement. « Mais je sais que ce n'est traditionnellement pas avant le troisième rencart et que je sens la bière, ce qui n'est absolument pas romantique. » je reprends en débit accéléré façon conditions de vente pour me sortir de cette maladresse par une autre maladresse. « Pardon, je recommence à... » parler nerveusement pour ne rien dire, ce qui est un véritable fléau ce soir. Les musiciens s'arrêtent de jouer. C'était la dernière chanson. Seigneur, combien de temps avons-nous dansé ?! Il me semble que cela ne fait que dix minutes. Je ne me suis absolument pas préparé à l'idée que je dois détacher mes bras de la taille de Joanne, que le moment allait prendre fin. C'est un retour à la réalité si soudain, si brusque, que le choc provoque un léger vertige. Je lâche la jeune femme à contre coeur et nous applaudissons le groupe un peu en retard, si bien que nous n'avons le temps que de lâcher trois ou quatre clappements. J'imagine que cela signifie aussi qu'il est tard. « Est-ce que… je te raccompagne ? » Pas qu'elle ait d'autres moyens de transports puisque nous sommes venus ensemble dans ma voiture, ce qui ne lui laisse que deux options, moi ou un taxi, mais la question porte surtout sur le temps qu'il nous reste ensemble pour ce soir, si elle souhaite rester encore, ou si la babysitter ne doit pas être libérée trop tard.
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C'était attendrissant à quel point Jamie était maladroit. Comme si c'était une première fois, alors qu'il l'avait déjà plus ou moins dragué et qu'il l'avait déjà conquise une fois. Peut-être qu'il se plaçait la barre encore plus haute qu'avant, qu'il voulait faire encore mieux. Il voulait faire les choses bien, il l'avait déjà dit à Joanne. Ils continuaient de danser ensemble, avec ces petits moments de tendresse et d'échanges où les mots n'avaient pas toujours leur place. Des instants d'insouciance qui rendaient le coeur plus léger et qui permettait à Joanne de s'ouvrir un petit peu plus. Elle était ainsi plus réceptive aux sentiments de Jamie, à tout ce qu'il tentait de lui transmettre avec une certaine subtilité. Il était timide, pour ce genre de choses. Beaucoup plus réservé qu'il ne voulait le laisser croire. Et ça ne le rendait que plus adorable. Au bout d'un long moment, Joanne finit par le questionner, afin de savoir ce qui lui traversait l'esprit à ce moment là. Captivé par son regard, le bel homme n'eut pas de quelconques difficultés à exprimer ce qu'il ressentait. Il commençait par complimenter la jeune femme, ce qui la fit rougir et baisser timidement les yeux. Il était également reconnaissant qu'elle ait bien accepté son invitation, de passer un moment avec lui. De lui accorder une chance, une opportunité de lui montrer de quoi il était capable. Elle était en revanche un peu plus surprise qu'il verbalise son envie de l'embrasser. Ce n'était qu'après l'avoir dit que Jamie se rendait compte de ce qu'il venait d'exprimer. Joanne ne montrait pas un seul signe de gêne, juste de la surprise. Mais les joues de Jamie rougirent et il baissa les yeux, gêné au possible. Elle rit tendrement à ses paroles, attendrie par ses paroles confuses et nerveuses. "Plus que deux rencarts, alors." répondit-elle doucement. Jamie s'excusa une nouvelle fois, ne sachant plus vraiment où se mettre. Soudain, il n'y avait plus de musique, juste des applaudissements. Joanne était quelque peu déroutée que le concert soit déjà terminé, n'ayant aucune idée de l'heure qu'il pouvait être. Elle applaudit machinalement, mais pas bien longtemps, cherchant une horloge autour d'elle. Jamie se proposa de la raccompagner chez elle, peu enthousiaste que la soirée ne touche à sa fin. La jeune femme aurait volontiers accepté de passer un peu plus de temps avec lui, mais la baby-sitter, elle, avait cours le lendemain et Joanne n'allait certainement pas abuser du temps libre de Suzie en rentrant à pas d'heure. "Je veux bien, oui." dit-elle doucement avec un fin sourire. Joanne récupéra ses affaires, et Jamie sa veste et sa cravate avant de quitter le bar. Dehors, il faisait beaucoup plus frais. La jeune femme croisa spontanément les bras afin de ne pas trop frissonner. Ils rebroussèrent chemin pour rejoindre la voiture de Jamie, encore garée près de la galerie où avait eu lieu le vernissage. La marche était assez silencieuse. Il y avait quelques sourires ici et là, des petits regards. Mais aucun des deux n'avait véritablement envie que cette soirée ne s'achève. Au bout d'un moment, elle avait fini par glisser sa main sous son avant-bras, pour avoir avoir un certain contact physique avec lui. Le trajet retour était tout aussi silencieux. Jamie restait concentré sur la route et se montrait peu bavard. Ils arrivaient un peu trop vite à Toowong à son goût. Joanne regardait sa maison à travers la vitre de la voiture, peu déterminée à ouvrir la portière. Elle regardait ensuite Jamie d'un air tendre et sa main vint à caresser sa joue. "J'ai adoré cette soirée." lui dit-elle. "C'était un très beau rencart." Pace que c'en était bien un, il fallait l'admettre. "Je me demande si vous allez me recontacter, si vous avez envie de me revoir encore une fois." dit-elle avec un sourire amusé, se plaisant bien à reprendre un petit peu le jeu du vouvoiement qui avait longtemps laissé de côté. "Ou même si vous comptez rester en contact avec moi." Elle rit doucement. Elle se pencha sur lui pour l'embrasser sur la joue. "Tu fais les choses bien, Jamie, ne te montre pas trop exigent avec toi-même." lui dit-elle de sa voix douce. "Tu t'es très bien débrouillé, et tout ce que je demande, c'est d'en voir plus. De revivre tout ça avec toi." Parce que ça marchait, parce que la magie commençait à opérer. Elle retrouvait un Jamie qu'elle connaissait bien, qu'elle avait aimé, et qu'elle appréciait à nouveau. "J'attends avec impatience ta prochaine invitation." conclut-elle avec un large sourire, avant d'ouvrir la portière et sortir de la voiture.