The world was on fire and no one could save me. It's strange what desire will make foolish people do. No, I don't want to fall in love, this girl is only gonna break your heart. I would like to tell you, I would like to say that I knew that this would happen. That things would go this way . But I cannot deceive you, this was never planned.
La tête appuyée sur la fenêtre du taxi, je laisse la voiture sillonner la ville comme elle le fait si bien, les pensées qui doucement reprennent leur cours. Honnêtement, je croyais être plus stressée, être plus mal à l’aise, revenir avec cette pression, cette boule au corps et au coeur qui stagne, qui reste, qui pèse. Mais la vérité est plus douce, plus aimable. Je respire presque mieux lorsqu’on prend la direction de l’hôpital, lorsqu’Andy et Noah quittent l’habitacle après une énième attaque de bisous de mon fils, et un regard plein de compassion, de soutien de la part de l’infirmière. Les deux silhouettes se dirigent main dans la main vers la grande arche de béton, et je les suis des yeux avec le sentiment du devoir bien accompli, la mère en moi satisfaite de ces souvenirs que j’ai permis à mon fils de vivre, de ces journées desquelles il a pu profiter au mieux de ses capacités. Je les regarde trottiner doucement vers l’immense building en me disant que là, tout de suite, le mieux est à venir. Drôle d’impression sachant que le dossier de Noah est toujours en suspens, qu’aucun possible donneur n’a encore été ciblé, qu’il ne s’agit que d’une question de mois avant que son médecin nous installe dans son bureau avec la mine renfrognée typique des mauvaises nouvelles. Mais étrangement, ce n’est pas à tous ces risques, à toutes ces horreurs, à une finalité certaine que je pense, lorsque je vois enfin mon bonhomme passer les portes automatiques, non. C’est un petit espoir qui s’est glissé, une fine lumière, pas trop grosse non, pas enfouie sous un océan de paillettes. Mais la certitude qu’il peut toujours y avoir quelque chose, une surprise, une réussite, une seconde chance. Le taxi sort du stationnement et je me cale un peu plus dans mon siège, soulagée. La course vers l'appartement passera en vitesse grand v, probablement parce que je m’assoupis un brin sous le vrombissement du moteur et le trafic qui caractérise la ville à cette heure particulière. J’ouvre l’oeil une fois ou deux, pour mieux le refermer par la suite, scellant les quelques moments qui remontent, finalisant ce voyage qui contre toute attente m’en a appris beaucoup plus que je ne l’aurais cru. Aussi cliché cela puisse-t-il être. Un message texte partira en direction d’Edward pour m’assurer que je ne le dérange pas, qu’il est déjà levé, prêt à entamer sa journée. Pensées qui dérivent vers lui maintenant, et vers notre silence radio commun précédant Disney, vers cette absence de contact, vers cette distance qui depuis janvier dernier est de plus en plus présente. Je ne me souvenais honnêtement plus de la dernière fois où je l’avais croisé à l’appartement, où j’avais entendu sa voix. S’il avait partagé ma vie pour le meilleur et surtout pour le pire depuis les 5 dernières années, notre relation était beaucoup plus différente depuis que nous étions emménagés à Brisbane. Évidemment, nous n’avions jamais été un vrai couple et revenir dans ma ville natale avec toutes les histoires qui y étaient rattachées n’était en soi pas le plus doux des obstacles, mais il fallait être conscients que jamais, au grand jamais je ne lui aurais imposé quoi que ce soit. Depuis que j’avais dit I do, il était le plus libre des hommes, à peu de choses près. La mascarade que nous jouions en tandem pour nos parents et pour Noah était une chose, mais la relation qui nous unissait une fois les apparences passées en était toute autre. Oui, je le respectais, je le répèterais probablement toujours et ce, même après le fameux divorce qui nous pendait au bout du nez. J’étais consciente qu’il avait dû laisser tomber beaucoup pour me passer la bague au doigt… et pourquoi, justement? Se marier à une mère en manque d’équilibre, à une carrure faiblarde qui broie un peu trop de noir, à un enfant malade, à une famille qui multiplie les horreurs et les trahisons… le pauvre. M’enfin. Le taxi finit par prendre à droite, puis à gauche, puis encore à droite et je reconnais le voisinage, les demeures, l’impression d’être revenue à la maison, maison que je n’ai pas vue depuis bien longtemps, même avant mon départ pour la Floride. À quand remontait ma dernière visite à l’appartement? L’atelier à Logan City me semblait plus prompt à être catégorisé comme mon logis officiel, néanmoins j’avais voulu passer ici ce matin d’abord, à savoir. La valise qui roule, le sac sous le bras, je m’emboutis dans l'ascenseur pour rejoindre notre étage, reconnaissant chaque geste, chaque bouton, chaque coin de couloir. La clé dans la serrure me laisse entrer, et la douche que je prévois prendre pour chasser les mauvais plis d’un vol de plusieurs heures me fait déjà rêver. Mais ça, c’est sans compter le corps encore un brin endormi que je vois en angle mort au fond de la cuisine, qui me fait sursauter et presque sauter sur place. Corps massif, que je reconnais sans même m’arrêter parce qu’en vrai, qui d’autre serait là? La question laisse échapper un petit rire de ma part, gênée, mal, distraite. « Hey. Je croyais que tu étais déjà au bureau? »
You will find as you look back upon your life that the moments when you have really lived, are the moments when you have done things without me and that's disappointing.
Ça doit bien faire plusieurs jours que je n’ai pas eu de nouvelles de Ginny et Noah. Depuis que nous sommes à Brisbane, j’ai l’impression qu’elle ne veut plus m’avoir auprès du petit, qu’elle n’arrive même plus à me voir. C’est tellement frustrant de se dire que l’on est passé à côté de cinq ans de sa vie, que l'on est sûrement passé à côté de quelque chose qui aurait pu naître malgré les circonstances du mariage. Je me suis toujours demandé si j’aurais fait la même chose avec une autre femme, si j’aurais eu le courage, la patience de tenir un tel mariage. Nous n’avons jamais été un vrai couple, nous faisions bonne figure devant nos familles, devant Noah que je considère comme mon propre fils, mais je ne me suis jamais fait d’illusions. Ginny n’est probablement pas la femme idéale pour un homme, mais elle possède tout un passé derrière elle, je ne peux pas lui en vouloir. Enfin c’est ce que je me disais jusqu’à maintenant, mais elle est partie en voyage et elle avait l’air d’être si heureuse, j’avais l’impression qu’elle oubliait tous ses problèmes, j’étais moi-même content pour elle, jusqu’à ce que je comprenne qu’elle n’était pas seule, jusqu’à ce que je comprenne qu’elle était en présence d’un autre homme, d’un inconnu. Est-ce moi le problème ? Suis-je qu’un simple homme qui n’est là que pour faire acte de présence ? Je me suis senti écraser par les photos. En cinq ans de vie commune je n’ai quasiment jamais vu un sourire sur son visage. Peut-être que dans une autre vie, dans une vie où l'on ne nous aurait pas marié de force, peut-être que dans cette vie on aurait pu vivre une histoire différente de celle-ci. J'aimerais appeler Ginny, l'appeler pour prendre de ses nouvelles et en prendre de Noah bien sûr, mais c’est à chaque fois en prenant mon téléphone que je me souviens qu’elle ne me répondra sûrement pas, c’est toujours le silence radio entre nous depuis quelques jours. De toute manière, si elle voulait vraiment me parler, elle ne me laisserait pas de côté comme elle le fait en ce moment. Hier, J’ai fêté l'anniversaire d'un nouvel ami, nous l'avons fêté comme j’ai l’habitude de le faire depuis quelque temps, à bonne dose d’alcool et en présence de gent féminine. Le réveil d’aujourd’hui est bien dur, je ne me souviens pas vraiment de ma soirée d’hier, mais à voir la lingerie qui traîne par terre, je n’ai pas passé la nuit tout seul. Mon portable se met à sonner, c’est Ginny, je ne sais pas ce qu’elle me veut, mais la lumière du portable est trop puissante pour mes yeux explosés. Ils se refermèrent peu à peu, laissant mon esprit repartir dans un merveilleux rêve. Le bruit de la porte s’ouvrant laisse place à un bruit de pas, seulement mon mal de tête me cloue toujours au lit. « Hey. Je croyais que tu étais déjà au bureau? » Cette voix, je peux la reconnaître entre mille, ça faisait un moment qu’elle ne m’est pas parvenue à mes oreilles. Ginny est là devant moi avec ses valises, visiblement étonnée de me voir toujours au lit. « Tu n’as pas à être étonné, mais c'est vrai que c’est plutôt rare de te voir ici, on devrait même fêter ça. » lui dis-je tout en m’asseyant sur le lit. Je donne sûrement l’impression d’être sec, mais je ne peux pas ignorer ce que je pense de sa petite escapade à Disney et ma précédente soirée ne m’aide pas vraiment à y voir plus clair. Je ne sais même pas ce que je peux lui dire, c’est comme si elle m’était inconnue. « Je ne pensais pas te voir de sitôt. Comment était ton voyage ? J’espère que tu en as bien profité avec… hum… Benjamin c’est ça ? » Toujours sur un ton quelque peu désagréable. Je ne veux pas être prit en pitié, mais j’aurais aimé y aller avec elle au lieu d’être laissé sur le banc de touche. « Désolé, je me tape une de ces migraines. J’ai l’impression d’avoir un tambour dans cette foutue tête. » C’est à ce moment que je fais le rapprochement avec le message que j’ai précédemment reçu, j’aurais sûrement dû m’obliger à le lire, pour pouvoir ranger tout ce bazar. Je ne sais même pas où est passée cette fameuse femme que j’ai ramené hier soir à l’appartement. « Qu’est-ce que tu viens faire ici ? Tu viens prendre de mes nouvelles après un mois de silence radio ? Tu m’en vois flatté. » Je ne veux pas la faire fuir, je devrais peut-être me calmer et m’assurer qu’elle et Noah vont bien. « J’arrête mes conneries. Comment va Noah ? Toujours pas de nouvelles ? » Le fait de sentir sa présence, me rappelle de vieux souvenirs, des souvenirs qui me paraissent bien loin, du temps où on se côtoyait tous les jours, un temps où j’avais l’impression de servir à quelque chose dans ce mariage et non pas être seulement la marionnette de nos parents. J'ai bien conscience de l'asséner avec un tas de questions, mais j'ai tellement de réponses à recevoir.
The world was on fire and no one could save me. It's strange what desire will make foolish people do. No, I don't want to fall in love, this girl is only gonna break your heart. I would like to tell you, I would like to say that I knew that this would happen. That things would go this way . But I cannot deceive you, this was never planned.
J’allais bien. Pas mieux, pas pire, juste bien. Si dans les faits cette dernière semaine avait été plus éreintante encore que je ne l’aurais cru, c’était fou ce que le simple fait de quitter la routine pouvait faire comme effet thérapeutique sur le moral, sur la tête, sur les idées. Rien à voir avec les tracas du quotidien, avec les visites fréquentes à l’hôpital, avec les questions qui reviennent dans tous les sens et surtout, rien à voir avec ce foutu contrat qui commençait à être un peu trop clair au goût de mes parents à mes yeux. Si le timing de tout quitter pour retrouver mon coeur d’enfant avait été particulièrement parfait il y a 7 jours de cela, je pouvais dire aujourd’hui que je revenais à Brisbane avec cette impression que le meilleur était devant moi, peu importe ce que cela signifiait. Et en vrai, ça n’avait rien à voir avec les gens que j’avais quitté pour m’envoler sur un autre continent, ni même les gens avec qui j’étais. Je n’enlevais rien à Ben en pensant ça, et en laissant les paysages familiers défiler devant mes yeux, ce que je voulais dire plutôt, c’était que de prendre une semaine de repos m’avait permis de penser à moi, à Noah, à nous. Depuis l’annonce de sa maladie, j’avais mis en berne cette relation toute douce qui nous unissait, ses apprentissages, ses erreurs, ses rêves, ses questions. Tout n’était qu’hôpital, que comportements qui rassurent, que paroles qui adoucissent. Oui, je restais sa mère, et oui, je le traitais comme tel, mais il était loin le temps où une remarque toute simple n’avait pas été posée avec une arrière-pensée, celle de lui éviter de se souvenir de la maladie qui le rongeait. Non, Disney avait été l’occasion de tout fermer à clé, de tout laisser derrière, et sans aucune surprise, j’y avais pris goût. Le trajet se faisant en silence, j’avais sombré à quelques reprises dans un tout petit, un mince sommeil réparateur qui profilait une journée sans aucun flafla, probablement une douche ici, et une sieste là. Pas vraiment étonnée de passer à l’appartement avant l’atelier, je pris même la chance de voir si Edward était là, ou s’il était déjà parti au bureau. Son silence me laissa sans réponse, et c’est tout de même un brin surprise que je le trouvai sur place, tout aussi endormi que je semblais l’être. Oui, je n’avais pas mis le pied ici depuis plusieurs jours, et ce même avant d’être partie en Floride, et il ne manqua pas de me le souligner dès mon arrivée. Hum. La vraie raison de ma présence fantôme était toute simple pourtant, compréhensible à mes yeux. J’avais besoin de faire le point depuis janvier, j’avais besoin de m’isoler comme il m’arrivait souvent, temps à moi et rien qu’à moi, sans aucune distraction, recharger mes batteries, réfléchir en silence, reprendre des forces. Edward était habitué à ce comportement pour y avoir assisté quelques fois à Londres, mais je devais admettre que depuis notre débarquement en Australie, j’avais été encore plus secrète, encore plus sauvage, besoin de mettre une pause, un temps entre mes visites, entre Ezra, entre Edward, entre tous et tout le monde. Il ne m’avait pas semblé s’en plaindre même avant aujourd’hui, le voyant se donner corps et âme dans le travail, l’entendant rentrer bien tard aussi, les parfums qui s'entremêlent, les idées qui sont barbouillées par l’alcool. Loin de moi l’idée de le lui reprocher, et je me fais bonne joueuse plutôt, n’y voyant pas une attaque, du moins, ne croyant pas qu’il soit si agressif de bon matin. « De nous deux, tu sembles être celui qui a commencé à fêter à l’avance. » que je réponds, maligne, le sourire fin qui se dessine sur mes lèvres en voyant l’état de sa mine épuisée. En public, il avait toujours été attendu de nous que nous soyons polis, sages, réservés. Si de mon côté, mon comportement restait sensiblement le même lorsque les projecteurs nous lâchaient un brin, celui d’Edward était un peu plus fêtard, plus épicurien. Je retire mes souliers, soulevant ma valise de terre pour éviter les sons répétitifs qui risqueraient de l’amocher un peu plus. J’étais peut-être complètement nulle en matière de femme mariée, néanmoins je n’étais pas non plus sadique au point de faire résonner ses méninges jusqu’à sa colonne vertébrale. Passant au salon pour déposer le tout sur le canapé, je sens qu’Edward est malgré sa courte nuit un brin bavard. Je ne m’y oppose pas, bien au contraire, presque soulagée de retrouver un semblant de relation positive après tous mes silences. « C’est ma faute, c’est moi qui ait pensé passer ici d'abord.... je voulais pas te réveiller en tout cas. » haussement d’épaules plus tard, je dénote qu’il mentionne Ben avec une petite pique supplémentaire dans sa voix. Croyant qu'il s’agit seulement de l’agacement lié à son sommeil manquant, je laisse aller. « Le voyage était génial. Noah a fait ça comme un chef, j’étais très fière de lui. Si tu veux, je te montrerai quelques photos quand tu auras le temps. » Quand il aura le temps. La phrase me fait tiquer, évidemment. Avec Ed, j’avais toujours l’impression de le déranger, de lui imposer ma présence, celle de mon fils, nos démons. S’adoucissant, il s’excuse même de ses paroles un peu plus brusques, ce à quoi je souris, compréhensive. « Ça va, je t’embêterai pas longtemps. » quelques minutes plus tard et je sors même quelques cachets de mon sac, que je lui apporte avec un verre d’eau. Les migraines de base, ça me connaissait. Autant lui faire profiter de ma propre médecine. M’éloignant du lit, je retourne à mes affaires, l’idée de faire le tri de tout ça pour que la femme de ménage n’ait qu’à faire la lessive me paraissant une bonne idée. En seulement quelques minutes j’aurai fini, pris des nouvelles d’Edward et eu le temps de prendre une bonne douche avant de filer à l’atelier. Pourtant, je m’arrête dans mon mouvement, alors qu’une nouvelle remontrance vole dans ma direction. Est-ce mon absence l’a vraiment énervé à ce point? « Edward je… je croyais que tu étais super occupé et tout… on ne te voyait plus à l’hôpital et, et… je suis désolée. Pour les silences, pour tout ça. » je le sens tendu, je le sens vexé même. Alors que j’avais cru bêtement que mon absence nous donnerait à tous les deux le temps de sortir la tête de l’eau face à tous mes drames, voilà qu’il me fait remettre en question mon isolement. Il se reprend pourtant, ne me laissant pas trop le temps de dériver à travers mes pensées, et ce n’est pas plus mal. « Noah est stable. L’infirmière qui était avec nous a fait un super boulot, et il réagit vraiment bien aux nouveaux médicaments. Son médecin est toujours dans l’attente depuis notre dernier rendez-vous, mais il me fait des suivis presque à toutes les semaines, lorsque je le croise. » j’inspire, les vêtements triés s’étalant devant moi. « Il serait content que tu passes le voir en tout cas, Noah. » que je précise. « Même si c’est juste entre deux rendez-vous pour le boulot. » toujours ce fichu soucis de déranger, d’abuser même. « Et sinon, tu as eu une grosse soirée de ton côté à ce que je vois? » un clin d’oeil accompagne naturellement mes paroles amusées, avant que je ne me décide à le laisser se reposer encore un peu. « Je vais prendre une douche rapide, après si tu as du temps pour discuter, prendre des nouvelles, ça serait bien. » un pas, un tout petit pas, pas nécessairement un effort, mais je comprends bien qu’il s’attend à plus qu’un passage en coup de vent après ma disparition de la circulation. Il me fait signe de vaquer à mes occupations et je tire ma révérence, attrapant au passage un morceau sur la pile de vêtements propres avant de filer à la salle de bain. La tête ailleurs, je tourne la poignée puis entre, même pas intriguée par le brouillard qui emplit la pièce. Si je suis reconnue pour me perdre souvent dans mes pensées, il me faudra une bonne minute avant de réaliser que je ne suis pas seule, et que quelqu’un se cache bel et bien de l’autre côté du rideau. « Hey, sexy… » qu’une voix langoureuse me salue, alors que la personne mystère réalise qu’elle n’est plus seule. Interdite, je sors illico de la salle de bain sans demander mon reste, après que nos regards se soient croisés. « Edward, tu… tu avais une invitée? » Je savais qu’il avait une autre vie, en dehors de notre mariage arrangé, je savais qu’il était du genre à profiter sans lendemain, mais de là à amener une de ses filles ici… je… je suis sans mots. C’est la jeune femme qui parle à ma place, et pas qu’un peu. « Fallait me dire que c’était le plan à trois qui te branchait Ed. » elle bat des cils alors que je regarde le sol, incapable d’avancer quoi que ce soit, mutée dans mon silence.
You will find as you look back upon your life that the moments when you have really lived, are the moments when you have done things without me and that's disappointing.
Je peux très bien comprendre qu’elle veuille se changer les idées, cette foutue histoire avec Noah est tellement horrible, il est si jeune et c’est une si jeune maman, je ne peux donc que comprendre cette envie qu’elle a ressentie, mais j’aurais aimé y participer. J’aurais aimé l’accompagner, être présent pour eux, comme je l’étais à Londres. J’ai bien conscience que ce mariage ne doit rien représenter pour Ginny, mais je me sens responsable, si je n’étais pas allé vers elle il y a six ans maintenant, nos parents ne se seraient probablement jamais rencontrés et ce mariage n’aurait sûrement pas eu lieu, ma mère m’a pris à mon propre piège. C’est peut-être une façon pour elle de me faire comprendre que tout est de ma faute et que je n’ai plus rien à faire avec eux. Je ne veux pas qu’elle me prenne pour un monstre, pour un homme sans cœur, mais je ne lui ai jamais vraiment parlé de ce que cette distance, qu’elle commence à installer depuis un moment, me fait réellement sentir. C’est comme si les retrouvailles avec Ezra et ses amis m’avaient expulsé de sa tête, je ne dois plus pouvoir faire quoi que ce soit à ses yeux. C’est comme ça que j’ai commencé à reprendre mes mauvaises habitudes, le travail me prend énormément de temps, mais j’ai besoin d’avoir un sentiment d’appartenance en arrivant chez moi et non pas avoir ce sentiment de solitude, que je commence à bien connaître depuis un petit moment. Je ne me contente pas de ce whisky bon marché que la plupart des ivrognes s’offrent, ni de ces femmes qui passent leur soirée sur un trottoir ou dans une voiture, je trouve que c’est une insulte envers elle de jeter de l’argent à leurs pieds après avoir fait semblant de prendre du plaisir, tout comme ça serait une insulte envers moi de penser que je serais capable d’aller les voir. Je préfère chasser, user de ce charme qui a l’air de bien plaire, afin de trouver une personne qui me conviendrait pour une nuit. Mon mariage avec Ginny n’a jamais été consommé et elle ne m’a jamais interdit d’aller voir ailleurs, au contraire même et si avant je respectais tout de même un minimum notre mariage, aujourd’hui je ne sais même plus ce que veut dire cette union, je ne sais pas si j’ai su ce que ça voulait dire un jour. J’ai bien conscience d’avoir peut-être abusé cette nuit, je n’ai jamais ramené une seule fille à l’appartement, ça se passait toujours chez elles avant que je ne parte au petit matin, mais ce n’est pas comme si Ginny vit avec moi ou que Noah vient régulièrement me voir ici. « De nous deux, tu sembles être celui qui a commencé à fêter à l’avance. » Ça a l’air de l’amuser, mais elle n’a pas vraiment tort. Je suis vraiment mal au point et ce n’est pas souvent que l’on peut me voir dans un tel état. Elle se dirige vers le canapé du salon afin d’y poser sa valise. Je suis en colère et peut-être même bien un brin jaloux de ce fameux Benjamin ou d’Ezra, mais je ne peux pas m’empêcher d’être rassuré de voir qu’elle se porte bien. Je ne devrais probablement pas être aussi dur avec elle, mais je pensais sérieusement que l’on aurait tissé des liens un peu plus importants que de simple mari et femme sorti tout droit d’un mariage arrangé. C’est ce qui est sûrement le plus dur à accepter. « C’est ma faute, c’est moi qui ait pensé passer ici d'abord.... je voulais pas te réveiller en tout cas. » Une autre chose qu’elle ne peut pas s’empêcher de faire en ma présence, c’est de s’excuser. J’ai l’impression d’avoir le droit aux mêmes excuses encore et encore, c’est principalement par le biais d’excuses que nous discutons depuis quelque temps maintenant. « Ta faute de quoi ? C’est toujours ton appartement ici, même si tu passes maintenant plus de temps dans ton atelier et dans tous les cas, j’aurais bien dû me réveiller un jour ou l’autre. » J’aurais même dû me réveiller plus tôt histoire de régler ce problème de migraine qui n’arrête pas de me tuer à petit feu. « Le voyage était génial. Noah a fait ça comme un chef, j’étais très fière de lui. Si tu veux, je te montrerai quelques photos quand tu auras le temps. » Souriant, je suis heureux que ça ce soit bien passé pour Noah, mais le coup des photos ça sera, je pense, pour une autre fois. Je veux voir ce que ça donne une Ginny heureuse, mais pas à côté d’un inconnu à qui j’aimerais beaucoup refaire le portrait à l’heure actuelle. Elle s’approche de moi avec un cachet d’aspirine, je ne vais sûrement pas refuser son aide. Elle m’apporte également un verre d’eau avant de se rediriger vers son sac. Elle a l’air plutôt fatiguée, mais elle prend quand même la peine de trier ses affaires. « Edward je… je croyais que tu étais super occupé et tout… on ne te voyait plus à l’hôpital et, et… je suis désolée. Pour les silences, pour tout ça. » Si seulement elle savait. « Ce n’est pas mon travail le problème, tu sais très bien que je suis et que je serai toujours disponible pour toi et Noah. Et si tu ne vois plus à l’hôpital c’est pour une bonne raison, ton cher ami Ezra m’a bien fait comprendre que je n’étais pas le bienvenue et que je ne serai jamais un père pour Noah. Il s’est même assuré que j’en garde une petite trace sur le visage pendant un moment. » Oui, il n’y a pas si longtemps j’ai fait la rencontre du père biologique de Noah, jusqu’à notre rencontre j’ignorais que c’était lui Ezra, mais j’ai très vite fait sa connaissance, enfin je devrais plutôt dire que j’ai vite fait la connaissance de son poing. « Noah est stable. L’infirmière qui était avec nous a fait un super boulot, et il réagit vraiment bien aux nouveaux médicaments. Son médecin est toujours dans l’attente depuis notre dernier rendez-vous, mais il me fait des suivis presque à toutes les semaines, lorsque je le croise. Il serait content que tu passes le voir en tout cas, Noah, même si c’est juste entre deux rendez-vous pour le boulot. » Me voilà rassuré, en dehors de Ginny, c’est aussi de Noah dont je n’avais aucune nouvelles. J’aimerais vraiment revenir le voir et ce même si je dois laisser des dossiers en suspens au travail, mais j’ai l’impression de ne plus être le bienvenue là-bas. « Comme je viens te le dire, j’ai l’impression de ne plus être le bienvenue et je ne pense pas que ça lui fasse du bien de voir des adultes se prendre la tête à ses côtés. » Oui, je préfère garder cette étiquette de pti’ con qui me va si bien et laisser Ezra, le reste de la famille et les amis faire ce qu’ils auraient dû faire depuis un long moment. Je baisse les yeux vers le bas, pour ne pas lui montrer la déception qu’elle pourrait lire sur mon visage. « Et sinon, tu as eu une grosse soirée de ton côté à ce que je vois? » Si seulement ce n’était qu’une grosse soirée, ça me conviendrait très bien, mais je suis à peine capable de me souvenir ce qui s’est passé la veille, ni même où a bien pu passer cette fameuse demoiselle qui était encore il y a quelques heures dans mon lit. « Apparemment oui, je ne vais pas te le cacher, je ne suis même pas capable de savoir ce que j’ai fait hier soir. J’espère simplement ne pas avoir ramené une personne avec un aussi beau jouet entre les jambes que le mien. » Souriant et sachant très bien qu’elle m’a souvent reproché de manquer de tact, je prends toujours un plaisir à parler avec elle de cette façon. Je lui fais signe qu’elle peut utiliser la salle de bain et que ça ne me pose pas de problème. Je me laisse tomber à nouveau sur mon lit, admirant le plafond et me posant un tas de questions ajoutées à celles que j’ai déjà et sans réponses. Je commence à me perdre dans mes pensées, mais de la brume commence déjà à sortir de la porte, ce qui m’intrigue. « Hey, sexy… » Mes yeux s’ouvrent en grand, je ne mets pas beaucoup de temps avant de reconnaître cette voix que j’attends dans le fond. Me redressant immédiatement, je vois Ginny sortir en vitesse, fermant derrière elle la porte, visiblement choquée. « Edward, tu… tu avais une invitée? » Merde, merde et merde. C’est bien la pire chose qui pouvait m’arriver actuellement. La mystérieuse jeune femme ne s’est donc pas envoler comme par magie comme je l’aurais bien aimé. « Euh… att… attends Ginny, ce n’est pas ce que tu crois, enfin si, mais c’est… » Je n’ai même pas le temps de m’expliquer que la porte s’ouvre une nouvelle fois. Une jeune femme s’avance dans le salon avec seulement une serviette de bain autour d’elle. « Fallait me dire que c’était le plan à trois qui te branchait Ed. » En plus de ça elle en rajoute, il n’en faut pas plus pour nous mettre mal à l’aise. Je ne sais pas vraiment quoi faire, Ginny semble choquée, ne pouvant même pas laisser sortir un seul mot de sa bouche. « C’est donc elle ta femme ? Elle est vraiment magnifique. Ça ne me dérange vraiment pas de vous donner un peu de changement dans votre vie sexuelle. » C’est la phrase de trop. Je saute en dehors de mon lit, ne faisant même pas attention qu’il n’y a pas un seul morceau de tissu sur ma peau. J’attrape ses vêtements avant de l’attraper et de la mettre à la porte en jetant ses affaires dans le couloir et par la même occasion je referme la porte derrière moi tout aussi choqué que Ginny. C’est là, que je constate être entièrement nu. J’attrape la première chose qui me passe sous la main, sans le remarquer j’ai attrapé ce petit ourson que j’avais spécialement acheté pour Noah. J’enfile alors un short avant de jeter le petit ourson en le dévisageant. « Je suis vraiment désolé que tu ais assisté à cette scène. Comme je te l’ai dit, je ne me souviens vraiment pas de ce qui s’est passé hier. » J’ai tellement honte, je n’imagine même pas ce qu’elle doit penser de moi à l’heure actuelle. Je n’ai jamais caché mes relations sans lendemain, mais c’est bien la première fois que Ginny a à faire face à ce genre de situation. « Va prendre ta douche, je vais ranger tout ça et on pourra parler ensuite. J’ai vraiment envie de prendre du temps pour parler avec toi, ça fait tellement longtemps. » Elle m’a l’air d’être encore un peu choqué, je ne peux pas lui en vouloir. C’est le pire scénario que je pouvais espérer. Je me rapproche d’elle afin de poser ma main sur son épaule. « Tu peux aller dans ma salle de bain si tu veux, je te promets qu’elle n’a pas mis les pieds là-bas. » Je suis le pire des crétins. Même si ce n’était pas vraiment prévu qu’elle passe à l’appart, je n’aurais jamais dû boire autant et faire le con de ramener une autre femme. C’est bien la première fois que je suis confronté à ce genre de situation. D’habitude ce n’est pas aussi compliqué. Je sors le soir, je rencontre une femme, je lui offre un, puis deux, puis trois verres avant qu’on ne rentre chez elle, puis le lendemain je m’enfuis sans laisser la moindre trace, sans laisser la moindre envie de la retrouver par la suite. Oui, c’est vraiment une première pour moi et j’espère bien que ce sera la dernière. « Je m’excuse encore, je suis vraiment désolé ! »
The world was on fire and no one could save me. It's strange what desire will make foolish people do. No, I don't want to fall in love, this girl is only gonna break your heart. I would like to tell you, I would like to say that I knew that this would happen. That things would go this way . But I cannot deceive you, this was never planned.
Le silence s’était imposé d’un commun accord, avec un peu de recul. J’en prendrais bien évidemment tout le blâme pour l’avoir distancé, pour avoir fui lâchement le soir du nouvel an, après cette fameuse annonce nous mettant tous au pied du mur. Ezra n’était pas compatible, et ces 2 dernières années à tenter de refaire nos racines à Brisbane dans l’espoir qu’il soit le point d’ancrage venaient de partir en fumée. J’avais eu besoin de temps pour digérer la nouvelle, pour m’y adapter, pour refaire mes marques et Edward, malgré le fait qu’il n’en dirait rien, avait sûrement dû faire son propre deuil aussi, à sa façon. Nous étions deux écarts, deux coeurs brisés, et même s’il n’était pas le père biologique de Noah, je ne pourrais jamais lui faire l’affront de dire qu’il n’avait pas été là pour nous deux, pour mon fils, depuis les tous débuts de sa maladie. Chaque contact pris avec lui depuis janvier ne me faisait l’effet que d’être un couteau qu’on tournait dans la plaie, une blessure qu’on ravivait de nos banalités, sans vraiment pouvoir apporter de points positifs, de nouveau, de tangible, concret à la situation. Alors oui, j’avais cru qu’à deux, on s’était éloignés par nécessité, jusqu’à ce qu’il écarte la possibilité d’une simple remarque, acide. Le boulot ne voulait rien dire, tout ce qui restait, c’était cette prise de position violente qui avait résulté en la première et seule vraie altercation d’Ezra et d’Edward. Si au départ je me fais violence pour ne rien dire, tout sauf dans l’envie d’envenimer la situation, reste qu’il y a un petit truc que je souhaite tout de même clarifier, expliquer. « C’est moi qui a mal fait les choses, entre vous deux. J’aurais dû être là, j’aurais dû vous présenter officiellement l’un l’autre plutôt que de jouer l’intermédiaire… je suis certaine que ça ne se serait pas terminé comme ça autrement. » à trop vouloir les protéger l’un l’autre, stupidement, je n’avais servi à rien en bout de ligne. « Et il faut quand même que tu comprennes qu’Ezra a tous les droits de voir Noah, tout autant que toi. Je ne choisirai jamais entre vous deux, si vous souhaitez tous les deux être présents pour lui. Vous avez chacun votre place, rien qu’à vous. Noah aura besoin de tout l'amour du monde pour les prochains jours, le tien, le mien, et celui d'Ezra. » oui, Noah ignorait encore ce qui concernait son vrai père - néanmoins, l’idée n’était pas de jeter Edward et tout ce qu’il avait fait pour nous par la passé, lorsqu’Ezra prendrait enfin possession de son vrai rôle. Edward était un excellent père, et j’étais persuadée que Noah garderait toujours une place pour lui dans son coeur, peu importe son statut sur papier. Au fil de la conversation, je dénote bien que les traits du visage d’Edward s’adoucissent - et avec raison. L’état de Noah n'empirait pas malgré le temps, et encore mieux, il était stable. Tout portait à croire que la recherche d’un nouveau donneur n’aurait pas besoin de se faire dans le stress et la pression de voir le petit ange se briser avant la ligne d’arrivée. Non, nous ne ralentissions pas le processus, mais la recherche était plus douce sachant que Noah n’était pas à quelques jours de sa fin. La simple idée me laisse frissonnante, et je préfère changer de sujet en prenant des nouvelles d’Edward et surtout en statuant le genre de soirée qui a bien pu le mettre dans un tel état. Depuis que nous étions mariés, je l’avais rarement vu traîner au lit après le lever du soleil et voilà qu’il entamait la matinée avec aucune intention de se tirer des draps. Il devait donc avoir une bonne raison. Le détail de son aventure me laisse tout de même pantoise. Incapable de se souvenir de ce dont il a fait? C’est bien une première, ça aussi. À moins que ce soit devenu une habitude depuis que je ne vie plus ici à temps plein....? Mes questions restent sans réponse, et il se plaît à jouer dans le grossier, dans le salace. Je sens de suite mon regard dériver vers le sol à la simple mention de l’intimité de la possible conquête qu’il aurait pu ramener ici. Je n’étais pas particulièrement prude, mais il fallait savoir qu’Edward prenait un malin plaisir à pousser lorsqu’il voyait mon malaise ressortir et oui, toute mention de sa sexualité déclenchait de suite une retenue. À la question que tout le monde se pose : non, non nous n’avions pas consommé notre mariage. Et non, je n’avais jamais ni même vu cette partie de son anatomie. More on that later. « En espérant que tu ne te retrouveras pas avec un tatouage gênant sur l’omoplate… » mieux vaut en rire le temps qu’il s’en remette et que je file sous la douche. Je ne traîne donc pas, profitant de son avant-midi plus libre pour prévoir rester un peu après, et discuter, pour vrai. Peut-être pourrais-je enfin mettre sur la table ce fameux dossier qui me gardait bien occupée depuis plusieurs semaines, à savoir démanteler le contrat de mariage auquel nous étions ficelés et qui, en étant annulé, nous redonnerait chacun notre liberté. Quoique certains d’entre nous s’en permettait plus que d’autre… un fin sourire moqueur caresse mes lèvres et je passe la porte de la salle de bain, avant de me retrouver face à la fameuse conquête mentionnée plus tôt. Et oui, je confirme amplement qu’elle n’a aucun joujou. Voix langoureuse, déhanché assumé, elle se la joue bien pulpeuse en proposant de se joindre à nous et honnêtement, si j’avais pu fusionner avec le mur derrière moi qui soutient mon pauvre petit corps mort de gêne, je l’aurais fait. J’assiste à la scène qui suit absolument sans le vouloir, clouée sur place, incapable de ne rien dire, au-delà du malaise. Si ses quelques petites blagues grivoises m’avaient toujours rendue inconfortable, je venais d’atteindre un autre niveau complet de cringe et probablement que mon pauvre coeur ne s’en remettrait jamais. Ne jamais se remettre de voir la pauvre fille attrapée par le poignet et jetée hors de l’appartement, de voir la silhouette pressée d’Ed, complètement à poil, s’extirper des draps pour la tirer loin, et surtout, surtout, de le voir cacher sa nudité d’une peluche appartenant à mon fils. Peluche qu’il a gardée collée contre son coeur pendant une année complète, à chaque nouvelle sieste. Peluche que j’avais ramenée à l’appartement pour la rafistoler vu les coutures épuisées. Peluche qu’Ezra avait vue une fois traîner dans mon sac, mentionnant qu’il en avait une similaire gamin. Peluche qui… qui irait directement au fond du coffre à jouets une fois où il l’aurait laissée tomber pour enfiler un pantalon or something. Il se confond en excuses et je secoue la tête de déni, lui faisant signe d’arrêter, ne voulant plus entendre un seul mot relié à tout cela puisque plus vite l’incident serait derrière nous, plus vite ce sera oublié, rayé, nié. « Je… non, ça va c’est ok… je serai pas longue. » je m’engouffre derrière la porte en vitesse express, laissant mes affaires au coin du comptoir le temps de lancer l’eau déjà bouillante et de respirer un brin. Alors Edward ramenait des filles ici. J’inspire, je constate, j’expire. Aucune surprise, je ne suis pas jalouse. Je ne suis pas déçue, je ne suis pas blessée, je ne suis pas excédée, je suis juste… rien, vide, blanche. Le bruit de l’eau qui coule, les idées qui se barbouillent, je passe vite sous le jet pour nettoyer les derniers vestiges d’un vol de plusieurs heures, remettant de l’ordre dans mes pensées. Il avait tous les droits de vivre sa vie, il avait tous les droits de multiplier les femmes, il avait tous les droits de mener sa vie comme il l’entendait - jamais ne m’avait-il forcé à faire quoique ce soit contre mon gré, jamais je ne le ferais non plus. Pourtant, je ne peux m’empêcher de me demander s’ils l’ont fait là, le mur en coin de la douche me narguant. Ou là, alors que sortie, la cheveux emmêlés dans une serviette, je dévisage le meuble à serviettes. Ou là, ce canapé qui trône au centre de la pièce, où s’étalent toujours mes vêtements sales. J’essaie, vraiment fort, de chasser ces visions qui s’imposent, bribes des possibles nuits charnelles où Edward a étreint toutes les parcelles de cet appartement. Jamais je n’aurais pensé qu’il aurait joué ainsi à Londres, dans un loft que nous habitions tous les trois, mais maintenant c’était… c’était différent. Même moi, j’étais différente. Disney en étant le meilleur exemple. Disney, et Ben et, et rien. Je n’avais pas le droit, surtout pas. « Café, j’imagine? Et t’inquiète, je le fais extra serré. » même s’il n’est plus enfoui sous les couvertures, je dénote qu’il a bien besoin d’une dose de pep, que malgré la dose d’adrénaline qu’il a vécue quelques minutes plus tôt, la fatigue et le mal de bloc ne risquent pas trop de traîner s’il les maîtrise à grande dose de caféine. Je m’active donc, laissant mes pieds me porter à la machine à espresso, la mettant en marche comme tant d’autres fois avant. Le sentant toujours un brin mal, j’en profite pour clore l’épisode en espérant que le sujet ne revienne plus jamais sur le tapis. « Tu n’as pas besoin de t’excuser vraiment. Je comprends que tu aies à… assouvir… tes besoins. » chaque mot est plus douloureux que l’autre à dire. Et non pas parce que je suis mal d’avoir failli à mon devoir conjugal, mais bien parce que la simple mention du truc me donne envie, une nouvelle fois, de disparaître en poussière sous ma honte.
You will find as you look back upon your life that the moments when you have really lived, are the moments when you have done things without me and that's disappointing.
Après tout j’ai probablement moi aussi une part de responsabilité dans cet éloignement. Je ne lui ai jamais vraiment dit ce que je pensais de toute cette histoire, je ne lui ai jamais vraiment donné mon point de vue, maintenant je dois sûrement en payer les conséquences. Mais notre mariage n’a rien de réel, je ne me vois pas lui imposer quoi que ce soit, j’espérais probablement qu’elle arrive à lire en moi, qu’elle arrive à voir que j’ai moi aussi le besoin de me sentir utile. Ma réplique a l’air de lui avoir fait un choque, je ne sais pas si elle était au courant pour notre petite altercation, elle donne l’impression que c’est une fois de plus de sa faute si ça s’est passé de cette façon, mais non, il faudrait qu’elle arrête de tout prendre à bras-le-corps, de tout le temps rejeter la faute sur elle-même, elle n’est pas la seule à être responsable de ses actes, Ezra l’était aussi et son geste ne l’a sûrement pas dérangé et je suis certain qu’il referait la même chose s’il devait revenir en arrière. On nous répète souvent que l’on est maître de son destin et qu’il faut se battre pour pouvoir avoir ce que l’on veut, mais c’est totalement faux, le destin est quelque chose qui nous échappe, une chose qui est là pour nous faire redescendre sur terre quand on se croit dans les cieux avec notre pseudo bonheur. Le destin ou même la vie ne sont que des salles garces qui contrôlent notre passé, notre présent et notre futur et nous ne pouvons rien y faire. Je n’ai jamais réellement eu de famille, la mienne n’est pas vraiment ce que l’on peut appeler être une famille, j’étais le vilain petit canard, celui qui était un étranger parmi des animaux assoiffés d’argent et de pouvoir. Ginny et Noah sont pour moi ce qui se rapproche le plus d’une famille, certes dans notre situation c’est plutôt compliqué à y croire, mais j’ai l’impression d’avoir été à plusieurs reprises un mari pour Ginny et un père pour Noah, donc même si nos sentiments sont loin d’être identiques aux autres couples, j’avais l’impression d’avoir intégré leur famille de cette manière. « C’est moi qui a mal fait les choses, entre vous deux. J’aurais dû être là, j’aurais dû vous présenter officiellement l’un l’autre plutôt que de jouer l’intermédiaire… je suis certaine que ça ne se serait pas terminé comme ça autrement. » Je ne suis pas sûr, je ne pense pas que j’aurais été capable de le voir sans lui faire exactement les mêmes remarques que j’ai bien pu lui dire à notre première rencontre. Je me doute que c’était difficile pour lui, surtout à cause des McGrath, mais à sa place j’aurais tout donné pour voir mon fils et celle que j’aimais, pour moi la distance et la famille ce ne sont pas des excuses valables, ce ne sont que des moyens pour se défiler. « Et il faut quand même que tu comprennes qu’Ezra a tous les droits de voir Noah, tout autant que toi. Je ne choisirai jamais entre vous deux, si vous souhaitez tous les deux être présents pour lui. Vous avez chacun votre place, rien qu’à vous. Noah aura besoin de tout l'amour du monde pour les prochains jours, le tien, le mien, et celui d'Ezra. » Pourtant c’est ce qu’elle a fait. Je ne veux pas lui rendre les idées plus embrouillées, d'autant plus qu’elle doit être fatiguée de son voyage, mais la réalité, pour moi, c’est qu’elle a déjà fait un choix, peut-être sans s’en rendre compte, mais elle en a bien fait un en partant, en s’isolant, en trouvant réconfort ailleurs. Je veux qu’elle soit heureuse, que Noah aille mieux, mais je ne peux m’empêcher d’être égoïste, je ne peux m’empêcher de penser à moi. Quand nous étions à Londres malgré la complexité de notre situation je n’avais plus ce sentiment de solitude que j’ai toujours ressenti quand je vivais encore à San Francisco, mais depuis que nous sommes à Brisbane, cette solitude refait surface petit à petit. Avant que ses parents ne l’embarquent loin de Brisbane, elle avait déjà une vie ici, elle avait des amis, ce qui n’est pas mon cas. Je ressens de nouveau ce sentiment d’être un inconnu et la seule façon que j’ai trouvée pour pouvoir vivre avec ça, c’est de me noyer dans le travail et de renouer avec mes vieux démons du passé. Je n’ai jamais voulu empêcher Ezra de voir son fils, jamais, d’un certain côté je me mets à sa place, voir son fils alors qu’on ne l’a jamais rencontré jusqu’à présent doit être déboussolant et il veut récupérer le temps qu’il a perdu ce que je comprends. Je décide de laisser passer, elle donne vraiment l’impression d’avoir besoin d’une bonne douche, je ne veux donc pas la retenir plus longtemps, ce sujet va bien être de retour sur la table bien assez tôt. « En espérant que tu ne te retrouveras pas avec un tatouage gênant sur l’omoplate… » Un petit sourire adoucit mon visage, mais elle n’a pas tort, j’espère ne pas avoir fait cette connerie de tatouage. La scène qui s’ensuit est des plus honteux, je n’aurais jamais pensé que ça pourrait déraper comme ça. Je n’ose même pas imaginer ce qu’elle doit penser de moi et ce qu’elle doit ressentir, elle qui fait preuve d'une réserve dès que la bienséance est légèrement mise à mal. Je ne me suis jamais senti aussi ridicule de toute ma vie, je vais bien retenir les conséquences de mes actes, je ne suis pas prêt à recommencer la même bêtise. Elle ne veut pas vraiment entendre ce que j’ai à dire et c’est normal. « Je… non, ça va c’est ok… je serai pas longue. » Un malaise s’est installé et pour le coup j’en suis le seul responsable dans cette histoire. C’est dans ce genre de moment que l’on se sent le plus idiot, je ne sais même pas ce qu’elle doit bien pouvoir se dire dans la salle de bain. Alors que je tiens ma tête entre mes mains repensant à cette scène plus que mémorable, j’entends une petite voix venir de derrière la porte d’entrée. « Ed fait pas l’con, laisse-moi au moins entrer pour pouvoir me rhabiller. Il fait froid dans le couloir. » Regardant le plafond, je ne peux pas la laisser comme ça, sachant pertinemment que c’est de ma faute, malgré sa langue bien pendue elle n’y est pour rien dans cette histoire. Je me dirige donc vers la porte. « Rentre vite et dépêche-toi de t’habiller, je veux que tu sois partie dans dix minutes ! » Au moins elle m’écoute et c’est en même pas deux minutes qu’elle est déjà prête. Je lui indique donc la direction de la sortie en lui tenant la porte. « Tu pourrais au moins m’offrir un caf… » je ne lui laisse même pas le temps de finir que la porte est déjà refermée. Maintenant que j’y pense, je ne me souviens même pas de son nom, enfin ça n’a pas vraiment d’importance. Je retourne m’installer sur le canapé, encore tremblant de la scène à laquelle on a pu être exposé, c’est alors que je commence à me sentir pas bien, je sens quelque chose qui commence à remonter, ce n’est pas bon signe. D’instinct je me précipite dans la salle de bain où se trouvent les seules toilettes utilisables de l’appartement, oui ce n’est pas très pratique, je vous l’accorde. Une fois entré dans la pièce, je me dirige directement vers la cuvette, ne faisant même pas attention à Gnny qui vient tout juste de sortir de la douche. Après avoir fait ressortir les verres que j’ai pris de trop, je me tourne vers elle, visiblement toujours plus surprise et gênée. « Oh merde. » Je me retourne immédiatement en fermant les yeux, c’est la première fois que je la vois… euh… bref, je cours vers la porte avant de sortir de la salle de bain. Je ne pensais pas pouvoir empirer ma situation et pourtant je viens juste de le faire. Elle prend son temps avant de ressortir, je n’ose même pas imaginer ce qu’elle doit penser. J’entends finalement la porte se rouvrir. « Écoute, je suis vraiment dés… » Je n’ai même pas le temps de finir ma phrase, que Ginny lève son doigt, me faisant signe de me taire. « Tu n’as pas besoin de t’excuser vraiment. Je comprends que tu aies à… assouvir… tes besoins. » Elle ne veut probablement ne plus jamais entendre parler de cette scène, je ne prends donc pas la peine de me justifier. Quelle est la probabilité pour que deux scènes de ce genre se passent ? Et surtout dans notre situation. « Café, j’imagine? Et t’inquiète, je le fais extra serré. » Elle fait comme si de rien n’était, mais d’un côté ça me rassure qu’elle veuille encore m’adresser la parole. Je lui fais signe de la tête que c’est avec plaisir pour le café, rien ne me ferait plus plaisir pour le moment qu’un bon vieux café comme elle m’en faisait à Londres. Elle s’approche alors de moi avec les tasses, me donnant ce délicieux breuvage qui ne peut que me faire du bien. Je bois une gorgée de ce délicieux café avant de mettre fin à ce silence qui venait de s’installer. « Ça me manque tellement ce genre de petite attention, je n’ai jamais su faire un café aussi bon. » Je continue de boire tout en la regardant s’asseoir à son tour sur le canapé. Je ne me souviens plus de quand date la dernière fois où l’on a pris un café ensemble. Oui, définitivement, c’est ce genre de petit moment qui me manque le plus depuis que nous sommes à Brisbane, ces petits moments où l'on ne pensait plus à la maladie de Noah, des moments où on avait l’esprit tranquille. Je ne veux pas vraiment remettre ce sujet sur la table car il est plutôt sensible, mais je ne veux pas qu’elle me prenne pour un monstre. « Tu sais, j’adore Noah, je le considère comme mon propre fils, mais je ne veux pas être celui qui amène une mauvaise ambiance à l’hôpital, Noah ne mérite pas ça et je pense qu’il n’en a pas vraiment besoin non plus. » Je me vois mal faire ami-ami avec Ezra avec notre dernière altercation, je n’ai toujours pas digéré ce qu’il m’a dit et la violence dont il a fait preuve alors que je ne connaissais même pas son identité. « Je suis certain qu’Ezra est un type bien, si tu as eu une relation avec lui c’est que c’est le cas, mais je ne vais pas faire semblant de l’apprécier après ce qu’il m’a fait et ce qu’il m’a dit et je ne veux pas te mettre dans une situation compliquée. » Mais il y a une autre question qui reste sans réponse de mon côté. « Je veux tout de même savoir ce qui t’a laissé penser que je voulais prendre du recul et être plus libre ? Jamais, non jamais, je n’ai regretté de vous avoir aidé toi et Noah. À mon avis, c’est ce que j’ai fait de mieux jusqu’à présent dans ma vie. J’aimerais donc savoir pourquoi tu as bien pu penser que je voulais prendre mes distances avec vous ? » Je ne veux vraiment pas qu’elle prenne ma question pour une agression, c’est donc avec une voix calme et un regard plein d’interrogation que je le lui ai posé cette question. Si ça vient de moi, je dois le savoir, je ne veux pas qu’elle pense que parce que l’on nous a mariés sans nous demander notre avis, je ne tiens pas à elle ou à Noah. Même si j’ai toujours été sûr de mes sentiments envers elle, ça ne m’a pas empêché de développer un lien fort et j’ai l’impression que ce lien s’est coupée depuis que nous sommes à Brisbane. « Je ne veux surtout pas que tu regrettes d’être venue me voir aujourd’hui, j’aimerais même te voir plus souvent, je pense que tu l’as compris, mais j’ai besoin d’avoir une réponse, j’ai besoin de savoir ce que j’ai bien pu faire de mal ou ce que j’ai pu faire que tu aurais mal interprété. »
The world was on fire and no one could save me. It's strange what desire will make foolish people do. No, I don't want to fall in love, this girl is only gonna break your heart. I would like to tell you, I would like to say that I knew that this would happen. That things would go this way . But I cannot deceive you, this was never planned.
La douche me semblait maintenant la seule issue, le seul endroit où je pourrais m’isoler, un temps, question de le laisser se remettre de ses émotions, et moi aussi par le fait même. Rien de tout ça ne m’était familier, à commencer par le retrouver au lit, ainsi défait, en passant par une plus que possible conquête qui s’esquivait sous mes yeux de force, remettant en doute tout ce que j’avais bien pu concevoir du jeune homme lorsque je n’étais pas dans les parages. Alors oui, en grande personne, en adulte assumée que j’étais, la fuite me semblait la meilleure issue le temps que la tension se calme. En soi, je n’étais pas jalouse ni déçue, ça, on le comprend. La tête sous le jet d’eau bouillante, le corps qui se relâche doucement de la nuque aux épaules en passant par le dos, je repasse dans ma tête une trame de piano qui jouait en boucle dans l'ascenseur, faisant le vide sur les bribes qui restent. Néanmoins, je repense à ce Ed que je viens de voir jouer devant moi. Un Edward tactile, charnel même. Un Edward qui ne s’attendait pas à ce que je passe, et qui laisse entrevoir sa vraie nature. Je ne juge pas, bien au contraire, j’essaie plutôt de comprendre, d’en apprendre un peu plus, de voir là où il y a des parcelles de lui que je ne connaissais pas, que j’apprends à connaître. Autrement que bien tiré pour assister à des événements organisés par nos parents, ou entre deux réunions de boulot, ou même à l’hôpital, à nos côtés, il n’avait pas eu beaucoup de possibilités, beaucoup d’ouverture pour être lui-même depuis notre rencontre. Non pas que je le brimais, bien au contraire, mais jamais je n’avais vu, connu, dénoté le vrai Edward. Restant sur cette pensée, cette curiosité même, je ferme le robinet, puis attrape une serviette, avant de sortir de la douche et d’y laisser les quelques pensées qui y traînent. C’était maladroit, c’était gauche, mais c’était tout de même son droit d’avoir passé la nuit à deux ici et j’étais tout sauf en position pour le lui reprocher. Essuyant à la va-vite mes cheveux, mon coeur manque de sauter un battement lorsque la dite silhouette d’Edward entre à la volée dans la pièce, réflexe de cacher ce qui reste le temps de le voir s'échouer sur la cuvette. Plus de questions de ce côté, le bourbon qu’il appréciait à mon souvenir fait le chemin inverse au même moment où j’assiste à toute la suite, plus mal que mal. Si les quelques minutes de silence auxquelles j’avais eues droit plus tôt m’avaient remise sur pied, je n’étais plus si sûre de mon aise à l’instant présent. Il s’excuse, s’esquive, ressort en trombe, et je me jure de verrouiller la porte la prochaine fois, sans plus de questions. Son entrée fracassante et son départ tout aussi remarqué laisse la salle de bain lourde de silence, et je m’y plais, m’y cachant un peu plus longtemps que prévu. Une crème par ci, une eau par là, et le doute léger que la conquête ait joué à travers le peu de produits que j’ai laissés dans la pharmacie me titille. Ça en ferait au moins une qui les utilise plus que moi. Fin prête à affronter ce qui se trouve derrière la porte, et espérant de tout coeur qu’il s’est couvert et qu’aucune autre surprise ne m’attendra à l’extérieur, je passe un pied puis un autre dans l’embrasure. Je suis décidée à ce que tout ça reste derrière et qu’on en parle le moins possible, j’essuie ses excuses du revers de la main et porte mon attention vers le café, duquel j’ai autant besoin que lui, si ce n’est pas plus. Je me souviens qu’il le préfère bien corsé, sans lait, un trait de sucre seulement lorsqu’il a le temps de le siroter. Pour ma part, c’est noir, ça l’a toujours été. J’ai la mémoire qui fait défaut lorsqu’il s’agit de noms ou de visages, mais quand il est question de caféine, je retiens tout. À savoir que ce liquide fait tellement partie intégrante de ma vie qu’il traduit la personnalité des gens avec qui je le partage, aussi ridicule l'idée soit-elle. Edward prend place sur le canapé du séjour et je finis par venir le rejoindre, partageant avec soulagement ce silence dans lequel nous nous enlisons. Le soleil passe à travers les immenses fenêtres face à la rue, et je sens directement sa chaleur sur ma peau alors que je m’installe à ses côtés, commençant doucement à sentir mon corps se réveiller sous les effluves amères. « Et moi qui ait toujours cru que c’était par paresse que tu n’avais pas appris à te servir de la machine... » que je rigole, maligne, devant son commentaire. « En vrai, c’était simplement parce que tu savais que tu n’arriverais pas à battre mon propre talent. » le clin d’oeil qui suit est amusé, énième tentative de détendre l’atmosphère un peu. Je ne me plaindrai pas de le sentir moins à vif, moins acide aussi, plus posé. J’ai l’impression que la suite sera facile, peu importe où elle nous mènera. Du moins, j’espère. Rompant notre calme mutin, il tente une première approche, clarifiant son côté, ses pensées en lien avec Noah. Et à l’entendre, je suis bien d’accord. Si je peux paraître odieuse, arrêtée, bornée même, autant avec Edward qu’avec Ezra, c’est bien parce qu’il s’agit de Noah et de sa santé. Il est trop fragile pour apprendre tout de suite qu’Ezra est son père, il est tellement faible qu’Edward et sa potentielle vendetta envers le Beauregard pourrait lui coûter cher. Alors je l’isole mon garçon, je le garde à la vue, je le surprotège sûrement, mais je le fais pour pouvoir espérer le retrouver le lendemain, et le surlendemain. L’entendre dire que Noah est comme son propre fils me rassure aussi, un brin. Edward n’était pas son père biologique certes, il avait tout de même été là depuis ses premiers pas et je ne pouvais pas nier qu’il avait fait un travail phénoménal sur le bonhomme dans ces meilleurs jours. Ça, je ne le lui enlèverais jamais, aussi étrange notre relation pouvait être. Et le voilà, le sujet qui tue, qui blesse du moins. Ezra et notre ancienne relation, Ezra et son retour dans ma vie surtout. Dans notre vie. Le simple souvenir du nous qui existait avant me blesse, me blesse trop pour m’y attarder. « Cette situation est compliquée depuis qu’on a quitté Brisbane en fait… » je laisse aller, consciente qu’Edward est probablement l’un des seuls à qui je peux parler aussi ouvertement de la situation, lui qui a tout su dès le départ. De ce côté du moins, il n’y a jamais eu de secret. Puis, il renchérit sur cette impression qui plane, qui flotte autour de nous par ma faute depuis trop longtemps déjà. J’aurais dû lui en parler, j’aurais dû le mentionner, mais l’idée à elle seule me semblait tellement délicate et douloureuse que je n’ai jamais vraiment osé. Lâche, sale lâche. « C’est… je… » un jour je vous jure, un jour j’arriverai à terminer une phrase, à assumer chaque mot, à mettre de l’ordre dans mes idées avant de les avancer. Mais ce jour n’est clairement pas aujourd’hui. « On t’a forcé, Edward. Ils t’ont forcé. À cet âge-là, tu avais la vie devant toi, tu aurais pu faire le tour du monde, ou lancer ta propre entreprise ou te marier avec une mannequin suédoise, je sais pas... » un léger rire accompagne mes mots, mêlant stress et nostalgie. « Mais à la place, ils t’ont collé avec une mère dépressive et… on ne se le cachera pas, plutôt frigide. » il éclate de rire et je le suis, consciente de mes propres tares. « J’ai toujours été fascinée de voir à quel point tu as su quand même prendre ta place avec nous, comment tu as tout donné pour Noah, et honnêtement, je ne pourrai jamais te dire à quel point j’en suis reconnaissante. Tu n’as jamais rien fait de mal, tu nous as toujours respecté. » j’hausse les épaules, déçue de n’avoir jamais vraiment pris le temps de lui partager ma gratitude. « Mais au fond, je me suis toujours dit qu’on avait… que j’avais bousillé ta vie. Que je t’avais obligé à rester pris là-dedans, pris dans un beau gros piège bien ficelé de mensonges et de déception. » petites phrases toutes simples, et des années de culpabilité qui ressortent alors que mon regard croise le sien. Il maintient mes iris, il ajoute au silence, il absorbe probablement ce que je viens d’imager et je soupire, parce qu’il ne reste que ça à faire. Peut-être que de là, notre relation ne pourra qu’aller mieux, ne pourra que se construire que sur du bon, et surtout, peut-être que ce fameux divorce sur lequel je travaille risque de prendre tout son sens pour lui, autant que pour moi. Pas encore tout à fait à l’aise, j’en profite pour changer de sujet, et pour me pencher vers mon sac à nos pieds, l’attirant vers moi. J’avais acheté une connerie pour Edward à Disney, un petit souvenir tout idiot qui risquait d’adoucir un peu nos propos, et je me disais qu’il était bien temps de faire une trêve pour le lui donner alors que je réalise, attrapant le sac, que le contenu est totalement différent du mien. Une brosse à dent, un portable rose bonbon, une palette de maquillage et… wait, what? La blague est pourtant trop belle pour que je la laisse passer. « Ah ben tiens, ton invitée a dû oublier son sac ici... Et à en voir le contenu, je ne sais plus si je dois me sentir mal de t’avoir attaché à nous, ou si c’est ton trip depuis le début. » hilare, j’agite une belle paire de menottes scintillantes sous ses yeux, incapable d’arrêter de rire face à son expression tétanisée.
You will find as you look back upon your life that the moments when you have really lived, are the moments when you have done things without me and that's disappointing.
Maintenant que j’y pense, peut-être que tout ceci n’est que de ma faute. Si je n’étais pas celui que je suis, si je n’étais pas ce pti’ con qui n’en fait qu’à sa tête, mes parents n’auraient peut-être pas cherché à me marier de force afin de montrer une bonne image de moi au reste du monde. Dans ce cas, je ne me serais pas marié et attaché à Ginny, à elle et Noah, je ne l’aurais donc pas mis dans l’embarras avec lequel elle doit sûrement faire face actuellement. Si je ne m’étais pas attaché à eux, elle ne serait pas constamment en train de s’excuser et elle ne serait sûrement pas déçue de voir la personne que je suis réellement. C’est tout de même étrange, je ne suis pas du tout le même en sa présence qu’avec les autres femmes que j’ai pu côtoyer, à qui je ne montre que peu d’intéressement, avec qui je suis régulièrement joueur ou même parfois froid. Je ne compte même plus le nombre de femmes que j’ai bien pu avoir dans mon lit ou le nombre de claques que je me suis pris avant même aligner deux mots. Ça peut paraître bizarre d’être comme je suis, mais j’ai l’impression d’avoir été comme abandonnée, abandonné par une famille qui m’a été imposée, mais avec qui j’ai cru m’être lié au fil du temps. C’était peut-être une erreur de ma part d’attendre quelque chose de ce mariage arrangé, je ne regrette pas et je ne regretterai jamais mes choix, mais je pensais qu’avec ce que l’on a partagé, ça nous permettrait de rester unis d’une certaine façon, encore une fois, je me suis sûrement fourvoyé. Je devrais peut-être m’excuser à mon tour, ce mariage n’est que la conséquence de mes actes, la conséquence de mes conneries, mais c’est avec ces petites attentions, que je me souviens à quel point j’ai pu passer des bons moments avec eux. « Et moi qui ait toujours cru que c’était par paresse que tu n’avais pas appris à te servir de la machine... » Je peux enfin revoir ce sourire qui s’était perdu il y a plusieurs minutes maintenant. Elle n’a pas vraiment tort non plus, mais je préférais la laisser faire. « En vrai, c’était simplement parce que tu savais que tu n’arriverais pas à battre mon propre talent. » On ne peut décidément rien lui cacher. Ces petits moments que l’on partageait ensemble nous permettaient de penser à autre chose, des moments de calme, de silence. Ce n’était pas des moments de silence avec des vides à remplir, c'était des moments de complicité que l’on respectait, des moments dont on avait tellement besoin. Ce n’était clairement pas le même silence qui s’était installé depuis janvier, ce silence-là cache l’absence, le vide et c’est dur à supporter, dur à accepter après quelques années de vie commune. J’ai même longuement pensé qu’elle voudrait divorcer, ce qui peut paraître normal, mais je ne sais pas, même si nous ne sommes plus aussi proches qu’avant, j’ai l’impression que je perdrais définitivement la seule famille pour qui j’ai eu de l’affection. « Cette situation est compliquée depuis qu’on a quitté Brisbane en fait… » Elle recommence à ne pas finir ses phrases, comme quand elle est nerveuse. Je me doute que ce ne doit pas être une situation facile, surtout pour elle, ça fait depuis un petit moment que j’ai compris comment elle réagissait aux différentes situations dans lesquelles elle était confrontée. « C’est… je… » Je continue de rester dans mon silence, préférant la laisser réfléchir, la laisser choisir ses propres mots. Ce sujet délicat est enfin relancé, je vais peut-être enfin avoir les réponses à mes questions, même si je pense qu’elle doit avoir changé d’avis sur moi après le malaise de tout à l’heure. « On t’a forcé, Edward. Ils t’ont forcé. À cet âge-là, tu avais la vie devant toi, tu aurais pu faire le tour du monde, ou lancer ta propre entreprise ou te marier avec une mannequin suédoise, je sais pas... » Oh! que oui, on m’a bien forcé, mais elle n’a visiblement toujours pas remarqué, entendu, compris que je n’ai jamais regretté ce choix de vie, je suis même heureux d’avoir été celui qui a été présent pour elle et pour Noah. Elle affiche un petit sourire, mais je ne suis pas dupe, je sais très bien qu’il est là pour cacher son stress. « Mais à la place, ils t’ont collé avec une mère dépressive et… on ne se le cachera pas, plutôt frigide. » Je ne peux retenir mon fou rire devant son autodérision, mais c’est ce côté frigide, ce côté-là d’elle qui a fait ressortir celui que j’ai toujours voulu être avec ma petite sœur, un homme protecteur, un homme qui est là pour aider et soutenir dans les moments les plus difficiles. « C’est peut-être le cas, mais tu ne m’as jamais déçu, je suis même content d’avoir fait ta connaissance. Tu es celle qui a fait ressortir ce qu’il y avait de bon en moi et qui a enterré ce qu’il y avait de mauvais. » Je lui laisse de nouveau la possibilité de finir, je ne veux surtout pas la déstabiliser alors qu’elle est enfin en train de s’ouvrir à moi comme avant, comme quand elle me faisait toujours confiance. « J’ai toujours été fascinée de voir à quel point tu as su quand même prendre ta place avec nous, comment tu as tout donné pour Noah, et honnêtement, je ne pourrai jamais te dire à quel point j’en suis reconnaissante. Tu n’as jamais rien fait de mal, tu nous as toujours respecté. » Cette sensation qui monte en moi, je ne l’ai jamais ressentie jusqu’à présent. On ne m’a jamais vraiment remercié pour ce que je fais, c’est quelque chose de nouveau pour moi, c’est quelque chose de si agréable. Ses mots, ils me font tant plaisir, j’ai donc bien réussi à avoir une petite place parmi eux, mais en même temps je suis un peu perdu, je comprends encore moins ce désir de m’éloigner. « Je te l’ai toujours dit, pour moi vous êtes ce qui se rapproche le plus d’une famille, je n’ai jamais été proche de mes parents, ni même de mon frère et de ma grande sœur, alors de vous avoir, malgré les nombreuses difficultés auxquelles on a dû faire face, malgré ce mariage arrangé, ça ne m’a fait que du bien. » Je sens les larmes me venir aux yeux, encore une sensation dont je n’ai pas l’habitude. Je ne montre jamais mes faiblesses, je veux montrer que je suis un homme fort, fier et audacieux. J’ai vite appris à devenir un homme, je devais m’occuper de mon petit frère et de ma petite sœur, mais à chaque fois c’est mon père qui prenait la relève, c’est mon père qui leur bourrer le crâne de toutes ses conneries. Je suis allé à l’encontre de ma famille par principe et aujourd’hui je n’ai plus aucun lien avec eux, mon plus grand regret fut ma petite sœur, la dernière de la fratrie. Je l’ai abandonné après être parti pour Londres, c’était une occasion pour moi, mais j’y ai perdu ma petite sœur qui est retombée sous l’influence du paternel. « Mais au fond, je me suis toujours dit qu’on avait… que j’avais bousillé ta vie. Que je t’avais obligé à rester pris là-dedans, pris dans un beau gros piège bien ficelé de mensonges et de déception. » Je ne vais pas lui cacher, je suis bien déçu, mais pas par rapport à la vie que j’ai menée, ça concerne plus ce qui se passe en ce moment. Son petit discours laisse place à un léger silence. Ses yeux absorbent les miens, je n’arrive plus à défaire mon regard, elle a toujours eu ce regard hypnotisant, ce regard qui pouvait m’apaiser en quelques secondes. « Tu n’as rien gâché, si je n’avais pas été ce pti’ con à l’époque peut-être qu’on ne m’aurait pas forcé à me marier, peut-être que l'’on se serait rencontré dans d’autres circonstances et que le chemin que l’on a emprunté aurait été différant lui aussi, mais on ne peut rien y faire, NOS parents ont choisi pour nous, tu n’y es pour rien. » Je bois une dernière gorgée de ce délicieux café, Ginny quant à elle cherche quelque chose dans un des sacs qui traînent par terre, mais plus elle regarde à l’intérieur et plus son visage s’interroge sur son contenu. Je me demande ce qu’elle a encore bien pu trouver, maintenant plus rien ne pourrait m’étonner. « Ah ben tiens, ton invitée a dû oublier son sac ici... Et à en voir le contenu, je ne sais plus si je dois me sentir mal de t’avoir attaché à nous, ou si c’est ton trip depuis le début. » J’en perds les mots, je ne sais plus quoi dire. Elle n’arrête pas de rire, mais je n’ai pas la même réaction, je pourrais rigoler moi aussi, mais le problème c’est que ce sac n’est pas celui de la fille inconnue, c’est le sac de ma petite sœur. J’ai oublié de vous le dire ? Elle est arrivée à Brisbane depuis peu, me demandant un toit le temps qu’elle se trouve un petit appartement. Elle vient y faire ses études, mais je ne sais pas vraiment ce qu’elle a en tête, je ne peux plus lui faire confiance comme avant et à voir le contenu de son sac je ne peux que constater le changement, je ne la reconnais plus. « Euh… Comment te dire… C’est le sac de ma petite sœur… J’ai complètement oublié de te le dire, mais elle est arrivée récemment, cherchant un toit pour une petite durée. » Je sais bien que Ginny n’entretient pas de très bonnes relations avec elle et c’est pour ça que je ne voulais pas vraiment en parler. « Je ne pouvais pas la laisser à la porte, même si je ne sais toujours pas si les études sont les seules raisons de sa venue ici. J’espère que ça ne sera pas être un autre coup tordu de mes parents. » Bizarrement son rire ne fut que de courte durée et je ne peux pas vraiment lui en vouloir, si j’ai accepté d’héberger ma sœur c’est par pure nostalgie. Si l'on m’avait laissé le choix, je lui aurais sûrement demandé d’aller voir ailleurs. « Elle m’a fait croire qu’elle n’a pas vraiment changé, mais visiblement si. Ce n’était pas vraiment son genre d’avoir cet accessoire. » Il y a vraiment beaucoup de changements en ce moment et j’ai l’impression que son arrivée ne va pas arranger les choses, je ne sais pas pourquoi, mais j’ai des gros doutes quant à sa sincérité envers moi. « Enfin, comme tu peux le constater, c’est une période de gros doutes pour moi. Je ne sais plus vraiment où j’en suis. »
The world was on fire and no one could save me. It's strange what desire will make foolish people do. No, I don't want to fall in love, this girl is only gonna break your heart. I would like to tell you, I would like to say that I knew that this would happen. That things would go this way . But I cannot deceive you, this was never planned.
Je n’abordais jamais ce sujet avec Edward - je n’abordais plus grand chose avec lui à vrai dire. Si j’avais été loquace à une époque, époque où le mariage avait un moindre sens, époque où il aurait pu, je dis bien pu, établir les bases de quelque chose de plus, aujourd’hui en était tout autre. C’était bien cette fichue culpabilité qui m’avait cimentée à ses paroles, qui m’avait justifié une présence et une tentative, malgré l’entrée emplie de reproches, et l’invitée surprise toute en malaise. Pourtant, je n’étais pas malheureuse ici, à partager ce café avec lui, à répondre à ses questions, à le relancer de mes propres réponses. 5 années et des poussières avaient laissé entre nous beaucoup de respect, et un amour pudique, humble, différent de ce à quoi on s’attend d’un mariage. Je le dis et je me répète, mais je n’aurais jamais rien fait volontairement pour le blesser, pour le ridiculiser, pour le démonter. J’étais maladroite, j’étais perdue, j’étais brisée oui, mais cela n’était que mon propre problème. Edward ne faisait pas partie de l’équation ni même du déclencheur - il avait humblement été mis sur mon chemin dans l’espoir de m’aider à prendre le bon chemin. Et étonnement, malgré l’enchaînement auquel nous devions nous plier, il n’avait pas failli à la tâche et avait toujours su nous soutenir, nous sortir la tête de l’eau, nous appuyer, nous défendre. Après tout, c’était bien grâce à lui et à ses manigances que nous avions pu quitter Londres pour revenir à Brisbane. Je lui devais clairement des explications et surtout, le fond de ma pensée. Voilà donc que j’avance cette impression, ces intentions, qu’il devait se forcer, qu’il était malheureux, qu’il avait besoin d’air pour survivre à cette union tout sauf parfaite. Ce à quoi il rétorque le contraire, vif, déçu presque. Je me retiens dans mon mouvement, la tasse de café qui s’arrête au-delà de mes lèvres, l’oreille attentive. Si ces paroles me semblent trop douces, trop rassurantes, trop bien placées pour être entièrement vraies, c’est son regard qui le trahi. Définitivement honnête, un peu trop même, je le sens nerveux, perdu. L’addition des autres détails que j’accumule depuis mon arrivée dans l’appartement ne fait que confirmer ce qu’il y a quelque chose d’autre, un malaise, un doute, d’autres interrogations, plus profondes peut-être. Puis, il renchérit. Il parle du mariage, au passé. La famille que nous lui avons offert, dysfonctionnelle peut-être, malhabile, mais présente, au mieux de mes forces. Le voilà plus émotif, le voilà qui laisse la nostalgie transparaître dans sa voix, mots qui se brisent, larmes qui montent. Automatisme, je laisse mes doigts trouver les siens. Rien ici n’est déplacé, rien ici n’est désintéressé, il s’agit simplement d’un contact, d’un encouragement à poursuivre, d’un signal que tout est ok, que tout va bien, qu’il n’a pas besoin de se cacher derrière le masque que nous portons à deux depuis trop longtemps déjà. « Et tu ne t’es jamais demandé ce que ça aurait été, si on t'avait marié à une autre? » son silence me laisse tremblante, alors que j’ai tenté au mieux d’apporter mes paroles sans condescendance, en douceur, pas à pas. Je m’étais souvent demandé si, malgré le fait qu’il s’était bien adapté à nous et qu’il avait fait au mieux, si les regrets d’avoir été lié à moi plutôt qu’à une femme différente ne lui aura pas plu. Je me ravise, jouant sur l’humour pour alléger, tactique d’auto-défense ciblée « Tu peux le dire hen, que c’était sur Jill que tu avais des vues… ou même Matt. » un éclat de rire stupide, mais partagé, plus tard et voilà que je poursuis, pensive. Mes réflexions sur ce piège qui se referme sur lui, mes idéologies où je joue clairement le rôle de la méchante, de la mauvaise, de la marâtre. Cette pression que je m’étais mise depuis le début à savoir que je n’étais qu’un prix de consolation, que jamais il ne pourrait être heureux aux côtés d’une fille comme moi me revient en travers de la gorge, et c’est comme un cri du coeur à demi-mot qui finit par résumer le tout, encore engourdie par tant de sentiments dévoilés d’un bout à l’autre. D’une douceur inouïe, il agit toutefois en parfait gentleman - mettant de côté l’épisode de la gerbe mal placée, je dois dire - puisqu’il insiste sur le fait que non, jamais il ne m’a blâmé pour notre sort. Pour son sort. Ce qui me fait tout étrange à entendre, presqu’au-delà du soulagement, espérant qu’au moins une parcelle, infime, minime de cette confession qu’est la sienne soit vraie. Mon silence s'additionne, et je finis par reprendre la parole, le sac à main trouvé comme ultime chute à ma blague de secours. Mais il me scie direct coupant toute envie de jouer, à la mention de sa petite soeur. Iona en soit était adorable, belle comme un coeur, marrante, brillante surtout. Mais elle avait cette curiosité maladive, ce doute qui planait, ces questions trop piquantes qui ciblaient direct notre manège, qui m’avaient accolée au pied du mur trop souvent par le passé. La savoir dans les parages m’enleva une couche d’aise direct, le regard qui parcourt même la pièce espérant qu’elle ne m’ait pas vu agripper son sac, en rire, m’installer aux côtés de son frère sans la moindre malice. Du haut de ses jeunes années, elle me rapellait ces bullies qui prenaient un malin plaisir à m’épier, à me piquer surtout, et voilà que la nouvelle de sa venue à Brisbnae me glace le sang au passage. « Elle… elle est arrivée il y a longtemps? » évidemment, l’hypothèse qu’elle soit envoyée par les parents, au même titre que Matt, me trotte en tête comme cela semble être aussi le cas pour Edward. Face aux dernières révélations, à savoir ce que j’ai appris de la part de mes parents sur comment ils avaient géré ma rupture d’avec Ezra sans même m’en glisser un mot, plus rien ne me surprenait et la simple idée qu’Iona soit débarquée via par le quatuor maléfique de géniteurs pour délater où j’en suis sur le divorce - ou que pire, qu'elle l’annonce d’elle-même à Edward, le ridiculisant de ma part pour la peine, me terrifie. Il faut absolument que je sache ce qui en retourne, il faut absolument que je chasse cette mauvaise impression qui gonfle, que je… Edward m’interrompt dans mes pensées en balayant ce sujet chaud, que je me promets de ramener sur la table dès que l’occasion se représentera. Et il apporte autre chose, questionnements en prime. Je me replace sur le canapé, attentive, sourcils froncés, alors qu’il avance ses doutes, et que je me reconnais dans chacune de ses paroles. « C’est moi habituellement de nous deux, qui est toujours en grande réflexion bien pénible… » que je commente, faussement excédée, tentant de le faire rire pour la peine. « C’est étrange tu vois. » que je commence, pesant mes mots, accrochant son regard pour m’assurer qu'il y voit toute la compréhension que j’essaie de transmettre. « Mais depuis que je suis entrée, on dirait que j’ai de la difficulté à te reconnaître. » attention, il faut préciser, puisque je sens qu’il n’est qu’à une remarque de me mentionner que c’est la fameuse distance que j’ai mise entre nous qui a eu cet effet. « Je sais que je ne suis pas la meilleure pour en parler compte tenu de mon absence prolongée des derniers mois, mais… » je toussote, ses iris appuyant ma justification. « Mais il me semble que tu as changé, beaucoup. Et ce n’est pas un reproche ni une accusation, hen... c’est simplement une observation. » je ne peux pas m’empêcher de m’en vouloir, d’être persuadée que je suis la cause et la conséquence de tout ceci. Et même s’il l’a niée plus tôt, s’il l’a retirée de la table aussi vite que je l’y ait mise, cette sensation d’être celle qui a tout gâché revient me scier de l’intérieur. « Si on mettait une pause à tout ça? Si on arrêtait de jouer au bon mari et à la bonne femme pour ce qu’on arrive à en faire, et qu’on se parlait, franchement, entre adultes? » je rigole devant la grosse blague, aussi fermée que je suis, aussi infidèle qu’il est, et je réalise que mes doigts sont toujours enlacés aux siens. Et non, je ne ressens pas le besoin de me dégager. « Dis-moi. Qu’est-ce qui pourrait aider, qu’est-ce que je pourrais faire, ou que quiconque pourrait faire, pour que ça aille mieux? Pour que tu aies l’impression d’avancer, et pas de stagner? »
You will find as you look back upon your life that the moments when you have really lived, are the moments when you have done things without me and that's disappointing.
On m’a toujours comparé à un homme fier de lui, ne respectant rien ni personne, il n’y a que ma propre satisfaction qui m’intéresserait et ce n’est pas totalement faux. J’ai été élevé dans ce milieu et malgré toutes mes réticences, je n’ai pas pu échapper à ma famille jusque récemment. Mais avec Ginny tout était différent, je connaissais son histoire, je connaissais les motivations de ce mariage forcé. Je me suis remis en cause, mais finalement je ne vois pas pourquoi, nous avons tous les deux étaient victimes de nos parents, de cette catégorie de la population qui constitue la haute société, une connerie. Je ne sais pas pourquoi c’est si dur à comprendre pour elle que cette famille, que l’on m’a mise sur le dos, n’a jamais été un fardeau pour moi. Certes il y a eu des moments difficiles, particulièrement quand Noah faisait ses crises, mais quelle famille ne connaît jamais ce genre de situation ? Elle préfère rejeter le problème sur elle-même et sur sa situation plus que compliquée, sûrement pas pure culpabilité, mais malgré mes mots, malgré mes confidences, elle n’arrive toujours pas à ouvrir les yeux sur la personne qu’elle est. Le devoir de tout homme est bien d’aider et de protéger sa famille non ? Ok, c’est une famille un peu spéciale dans mon cas, mais ça en reste malgré tout une et même plus présente dans mon cœur que ceux qui me servent de parents. J’ai également dit un peu plus tôt qu’elle ne m’avait jamais déçu, mais je n’ai pas été honnête avec elle. Cette distance qu’elle a mise entre nous me fait horriblement mal, je ne sais pas si c’est par nostalgie ou si c’est parce que je me dis que je ne lui suis probablement d’aucune aide aujourd’hui, elle a le vrai père de Noah à ses côtés et elle a rencontré un mec qui est visiblement plus équilibré que moi. Car oui, je ne suis pas non plus l’homme idéal, j’enchaîne les verres de bourbon à la vitesse de la lumière, je peux être machiste sur les bords, sans oublier ma dépendance aux jeux et surtout le poker. Qui suis-je réellement pour lui donner des conseils ? Alors que je venais tout juste de retirer ce masque d’homme fort, d’homme à responsabilité, Ginny attrapa ma main, je ne fis rien pour l’en empêcher. C’est dur de se dire que c’est peut-être un des seuls contacts physiques que l’on a bien pu avoir en cinq ans, mais je ne veux rien lui dire, je ne veux pas lui en mettre en peu plus sur la conscience, je me le suis promis. « Et tu ne t’es jamais demandé ce que ça aurait été, si on t'avait marié à une autre? » La question qui tue. Bien sûr que si je me suis déjà posé cette question et peut-être même des milliers de fois, mais la vie est tellement plus compliquée que des si ou que de réfléchir à ce que pourrait être notre vie si l'on avait fait des choix différents. Pour moi la réalité, le plus important, c’est le présent, je ne regarde jamais derrière moi, les choix que j’ai fait je les assume et ce même si je dois aussi assumer les choix de mes parents. « Tu peux le dire hen, que c’était sur Jill que tu avais des vues… ou même Matt. » Enchaîne-t-elle. Je n’arrive plus vraiment à trouver mes mots depuis quelques secondes, je n’arrive même plus à réfléchir, je ne sais plus quoi lui dire… Une fois de plus je ne peux m’empêcher de sortir ce sourire qu’elle arrive à chaque fois à faire ressortir en moi, un sourire qui d’habitude est toujours forcé. « Je me suis bien posé cette question et plus d’une fois, mais à quoi bon ? Qu’est-ce que ça pourrait changer ? Et si je serais tombé sur une femme dans le même genre que moi ? Tu n’es pas la pire parmi la gent féminine, qui dit que mes parents ne m’auraient pas choisi une autre femme ? Ça aurait été le même cas et même en pire. » Oui, je suis même persuadé que j’aurais été placé avec quelqu’un d’autre et même de probablement pire que Ginny, surtout quand on regarde l’entourage de ma famille. « À vrai dire, je suis même plutôt bien tombé. » Poursuis-je sur un ton amusant. Un autre silence s’installe entre nous, mais c’est le même silence que j’apprécie depuis que nous sommes ensemble, celui d’un respect mutuel où l’on passe juste le temps à nous regarder et à penser. Il ne m’a fallu que de citer le prénom de ma petite sœur pour pouvoir éveiller cette part de méfiance en elle et je peux la comprendre. Moi-même depuis son retour je ne suis pas à l’aise, mais je repense à tout ce que j’essayais de faire pour elle, ainsi qu’à cet abandon de ma part. J’aurais dû la ramener avec moi à Londres, je n’aurais jamais dû la laisser en Californie avec mon père et le reste de la famille. J’ai l’impression que la culpabilité de Ginny est contagieuse. « Elle… elle est arrivée il y a longtemps? » Je m’en étais douté, qu’elle finirait par avoir un peu peur de cette soudaine révélation. Je pense que nous partageons les mêmes doutes à son sujet, mais je ne veux pas tellement m’attarder sur ce sujet pour le moment, je préfère ne pas la déranger plus que ça avec ma petite sœur, elle risque sûrement de faire parler d’elle bien assez tôt. « C’est moi habituellement de nous deux, qui est toujours en grande réflexion bien pénible… » Un petit sourire apparaît une nouvelle fois sur mon visage alors que Ginny continue dans ses propos. « C’est étrange tu vois, Mais depuis que je suis entrée, on dirait que j’ai de la difficulté à te reconnaître. » Et ce petit sourire disparaît aussitôt. Elle n’a pas tort et moi-même j’en ai bien conscience, depuis que nous sommes à Brisbane tout est différent, elle n’est plus tellement la même qu’avant, notre relation, mais moi aussi. J’ai l’impression de me revoir six ans en arrière. « Je sais que je ne suis pas la meilleure pour en parler compte tenu de mon absence prolongée des derniers mois, mais… » Mon regard toujours fixé, je ne veux pas la couper dans ses mots, elle qui d’habitude a tant de difficulté à finir ses phrases. « Mais il me semble que tu as changé, beaucoup. Et ce n’est pas un reproche ni une accusation, hen... c’est simplement une observation. » Je décroche mon regard du sien, ne pouvant supporter la vision qu’elle doit probablement avoir de moi à l’heure actuelle. J’ouvre la bouche, mais toujours aucun mot, aucun son n’arrive à s’échapper. Je reprends ma tasse de café espérant que ça m’aidera à parler de nouveau. « Je… Je le sais bien. J’en suis le premier témoin, mais j’ai malheureusement repris mes vieilles habitudes. Il faut croire que je ne suis pas tout blanc, que je ne suis pas si mature que ça. » Une fois de plus, plus aucun son ne veut sortir de ma bouche. Je préfère alors continuer à regarder le sol, perdu dans mes pensées. Quand j’ai eu l’idée de venir à Brisbane pour Ginny, je savais très bien que ça allait être difficile pour moi, débarquer dans une ville où tu ne connais rien ni personne s’est toujours compliqué, mais c’est à un niveau que je n’aurais jamais pensé. « Si on mettait une pause à tout ça? Si on arrêtait de jouer au bon mari et à la bonne femme pour ce qu’on arrive à en faire, et qu’on se parlait, franchement, entre adultes? » Je ne peux pas faire plus franchement, mais il y a toujours certaines choses que je n’arrive toujours pas à lui dire, à cause d’un manque de confiance ou de peur, mais en fin de compte le résultat est le même. Je ne suis sûrement pas ce que l’on peut appeler un mari modèle, loin de là même et c’est probablement le cas pour Ginny aussi, même si je ne suis pas certain de saisir le sens des mots mari et femme. Sa main toujours présente, toujours en contact avec la mienne, ses doigts serrant de plus en plus les miens, elle ne veut peut-être pas mettre fin à cette proximité que l’on a perdue depuis un bon moment. « Dis-moi. Qu’est-ce qui pourrait aider, qu’est-ce que je pourrais faire, ou que quiconque pourrait faire, pour que ça aille mieux? Pour que tu aies l’impression d’avancer, et pas de stagner? » Un déferlement de réponses se fait en moi, mais je ne peux pas me permettre de lui dire ce que j’ai en tête. Voulant lui faire tout de même plaisir, je vais devoir lui dire ce que je ressens une fois de plus, ne sachant même pas si ça suffirait à me faire aller mieux, je ne sais même pas ce que ça veut dire d'aller mieux, en quelque sorte je n’ai jamais vraiment ressenti un réel bien-être, peut-être à certains moments, mais ce ne fut que bref. « Je… Je veux seulement me sentir vivant, me sentir proche de quelqu’un. Je ne veux rien de plus. » Pour moi faire la une des journaux, que ce soit par rapport à la famille Fitzgerald ou par rapport à mon travail pour l’entreprise Masterson, ce n’est pas ce qui m’importe. Certaines personnalités s’en contentent, mais pour moi ça ne veut rien dire et ce même si j’attache une grande importance à ma fortune et à la vie que je mène. « C’est en partie de ma faute, je le sais. Ma relation avec les femmes n’est vraiment pas un exemple, mais je ne peux m’empêcher de penser que… » Je n’arrive plus à m’exprimer. « Je ne veux pas que tu ailles t’imaginer quoi que ce soit, mais c’est dur de se dire qu’à trente-cinq ans je n’ai toujours pas fondé ma propre famille, que ce soit avec toi ou quelqu’un d’autre. J’aime Noah c’est certain, mais je sais que je n’aurai jamais cette proximité qu’aura Ezra avec lui un jour ou l’autre. » Je n’ai vraiment pas l’habitude de me confier de cette façon, je ne sais pas si je vais pouvoir continuer encore longtemps. « Enfin, au moins je passe du bon temps avec différentes femmes. » Dis-je sur un ton ironique accompagné d’un large sourire. Ce n’est pas non plus pour me déplaire, passer du temps avec des femmes toutes plus magnifiques les unes que les autres fait partie de moi, c’est un passe-temps que j’apprécie, je ne peux pas le nier, mais je dois probablement faire ma crise de la trentaine.
The world was on fire and no one could save me. It's strange what desire will make foolish people do. No, I don't want to fall in love, this girl is only gonna break your heart. I would like to tell you, I would like to say that I knew that this would happen. That things would go this way . But I cannot deceive you, this was never planned.
La simple idée de l’arrivée de Matt adjointe à celle de Victoria me donnait des frissons. Ils savaient, ils se doutaient, ce n’était qu’une question de temps avant que mes parents - et toute la ribambelle de gens se mettant le nez dans nos affaires - n’alertent Edward de ma décision. Des papiers qui feraient leur apparition entre nous, de cette demande qui, je croyais, le soulagerait. Mais c’était avant de l’entendre mettre des mots sur mes mauvaises impressions, sur les idées toutes plus fausses que je m’étais faites à la longue sur son sujet. Il y avait une différence entre me dire de ne pas m’en faire, que tout irait bien et que non, c’était pas si mal d’être marié à un cas dans mon genre, encore était-il que ce matin, ici, à même mes iris, et après cette débandade plutôt gênante de sa part, il y avait plus que de simples paroles en l’air pour me rassurer. Il ne regrettait pas. Il s’y était habitué, il avait apprivoisé, il avait tenté. Et tout ce temps, j’avais nié, simplement parce que je croyais honnêtement, le plus sincèrement du monde, qu’il ne voulait pas être là. Qu’il calmait les marrées en cédant cette partie de sa vie, que l’entente lui allait sur papier tant qu’hors contrat, il pouvait faire ce qu’il voulait. Et si faire ce qu’il voulait, vraiment, signifiait être avec nous, avec… moi? Je secoue la tête naïvement consciente qu’entre sa bonne foi et une potentielle attirance, il y a un précipice. Et qu’entre nous deux, il n’y aurait jamais plus qu’un fort respect, qu’une compréhension certaine. On nous avait berné, tous les deux, on nous avait foutu en cage sans demander notre dû et la situation n’en serait jamais douce, simple. Alors non, l’idée de plus n’était même pas envisageable. Son ouverture, ses confessions, ce calme que l’on partage me donne la confiance de m’avancer, de demander. Et si tout cela en avait été autrement, comment aurait-il réagit? Qui aurait-il choisi, pour partager sa vie? Je laisse couler un sourire alors qu’il imagine pire que moi, ce qui ne m'apparaissait pas particulièrement difficile à idéaliser. Sa franchise à savoir qu’il y avait bien réfléchi me conforte, pas au sens où il a pu comparer et ne pas trouver mieux, mais plutôt parce qu’il s’est laissé la liberté de vivre ailleurs, de voir ailleurs aussi. Un peu. Ma main trouve naturellement la sienne, support nécessaire, et j’ose y aller de plus d’une question, balayant possiblement une conversation supplémentaire au sujet de Victoria et de tout ce que sa présence ici pouvait confirmer. Supposer. Je sens Edward plus calme, plus à l’aise même, et je me laisse guider par son souffle un peu plus doux et tranquille pour y aller de mes propres interrogations, aussi profondes soient-elles. Ce genre de conversation n’a jamais été notre tasse de thé et même si nous avions toujours tenté d’être franc l’un envers l’autre, une mise au point était plus que nécessaire. Et pas à titre de mari et femme, pour ce que cela pouvait bien signifier à voir notre comportement l’un vis-à-vis de l’autre, mais plutôt d’ami à amie. Ses mauvaises habitudes et son comportement que je ne reconnais plus font surface, et il s’avance, la mine un peu trop déçue à mon goût. Ce naturel qu’il a tant tenter de réprimer qui sort au grand jour? J’ai envie de l’encourager à le laisser exploser, à vivre comme bon il le souhaite, à faire toutes les folies du monde simplement pour vivre à nouveau, pour respirer mieux… mais cette inquiétude, ces doutes que ce ne serait pas du tout la bonne solution pour lui, que cette routine de débauche qu’il a repris si facilement ne le mènerait qu’à sa perte me retient de pousser sur ce sujet. « Ce n’est pas parce que tu es mon aîné de quelques années que tu es le plus mature, ça je l’ai toujours su. » un clin d’oeil pour la forme, et même un rire qui s’échappe. La différence d’âge entre nous deux n’avait jamais vraiment paru, toutefois il fût un temps où nos coeurs étaient plus légers et où la blague s’y portait mieux. J’espère retrouver cette relation, un jour. La suite est douce, sans jugement. La suite flirte avec des et si et des mais pourquoi. Rien n’a été tabou entre nous et tout l’est maintenant, il est au courant de la totalité des secrets que j’ai pu garder depuis 6 ans déjà, et pourtant j’ai l’impression que je ne le connais plus. Qu’il ne me connait plus. La distance, le fossé, cet éloignement dont je suis la cause, qui a cassé ce qui n’avait même pas pu commencer. Je le laisse donc se confier, n’attendant de lui rien de plus que ce qu’il aurait envie de confesser. Ses premiers mots, déjà, me brisent le coeur. Malgré toute la gratitude particulière qui m’unissait à lui, voilà bien quelque chose que je ne pourrais jamais lui donner. La proximité. Ma rupture d’avec Ezra avait laissé des cicatrices si profondes qu’il me semblait encore impossible de faire confiance, d’aimer, de croire, de donner à ce point. On aurait pu croire qu’un mariage de 5 ans et une obligation à être proche l’un de l’autre auraient cassé cette carapace depuis bien longtemps, mais c’était évidemment tout le contraire qui avait opprimé mon petit coeur prisonnier. Mon silence et la pression toujours constante de mes doigts contre les siens l’encouragent à poursuivre et voilà qu’il se blâme un peu plus. Je nie doucement, la tête qui balance d’un côté à l’autre, alors que je ne peux pas concevoir qu’au fond, il soit criblé de mauvaises intentions face à la gent féminine. « Après des années à être chaste, je ne peux pas dire que je suis étonnée... » la remarque sort toute seule, amusée au possible. Il était humain, et si avant moi il avait butiné d’un sens à l’autre - et peut-être même avait-il été attiré par d’autres depuis que nous avions échangé nos voeux - ma soudaine absence avait très fortement déclenché le tout. J’y voyais là un travail d’équipe, simplement. Edward s’arrête pourtant dans ses propos, et je fronce les sourcils, inquiète d’avoir joué trop facilement la carte de l’humour alors qu’il s’attendait très certainement à plus de support de ma part. La suite est pourtant plus calculée, plus douloureuse à articuler pour sa part. Voici donc ce qui justifie cela. Je ne mentirai pas, je ne suis pas particulièrement étonnée. Cette impression qu’il ressent, cette sensation de passer à côté de sa vie, j’y suis encore plus familière qu’il ne pourrait le penser. J’inspire, parce que la suite prendra du courage. « Oh, Edward… » je soupire, déçue, de moi, de nous. Aucune pitié ici, juste un douloureux constat. « En nous obligeant à former une famille, ils ont tout bousillé. » quelle douce, douce ironie. « Noah ne t’oubliera pas, tu sais. Pas d’ici une semaine, pas d’ici 6 mois, et pas d’ici 3 ans. » s’il arrive à… je m’étouffe dans mes pensées, interdite. « Je sais qu’il ne s’agit pas de la famille que tu souhaites tant trouver et je… et je suis tellement désolée de ne pas avoir pu te l’offrir. Mais Noah et moi serons toujours là. J’ignore de quelle façon et à quel titre, mais nous serons là. Si tu le veux.» c’était bien vrai. Le divorce que je planifiais avec Camber semblait peut-être égoïste en apparence, mais ce n’était pas une fin et surtout pas une façon de l’évincer de ma vie une fois toute la paperasse derrière nous. Je restais confiante, j'espérais qu’il souhaiterait rester dans nos vies, comme maintenant, à sa façon. Sa dernière remarque m’arrache un nouvel éclat de rire et je roule des yeux, détaillant l’état dans lequel son dernier flirt et lui avaient laissé l’appartement dans leur fougue. « Ouais, ça j’ai vu. » je ris de plus belle, finissant par me replacer sur le canapé, libérant délicatement sa main de la mienne pour ne plus le retenir. « Ce ne sont pas toutes les femmes qui te laisseraient ramener des conquêtes ici sans broncher. J’espère que tu te considères chanceux. » d’une conversation plus lourde de sens, voilà que nous passons à quelque chose d’un peu plus léger, et je ne m’en plains pas. « Ça doit bien passer pour la femme bien fétichiste du harem mais ça, c’est une autre histoire. » ses rires font échos aux miens. Silence, calme, pause bien méritée qui s’échelonnent sur quelques minutes, puis je laisse mes yeux dériver vers la cuisine, sentant le repas offert dans l’avion cette nuit qui n’est plus du tout d’actualité. Mon estomac, pour l’une des premières fois ces jours-ci. Le stress qui se dissipe, j’imagine. « Tu as faim? » je me lève, esquissant un pas puis un autre vers le réfrigérateur. Je ne l’ai pas ouvert depuis belle lurette, mais j’ose espérer qu’il reste quelques trucs ici. « Je pourrais cuisiner un truc et.. enfin, c’est si tu n’as pas à quitter pour le bureau. » tout dans cette situation était étrange. Tout sonnait bizarre, faux presque, et si vrai à la fois. C’était anormal, difficile, compliqué, mais c’était nous. Et ça m’allait.
You will find as you look back upon your life that the moments when you have really lived, are the moments when you have done things without me and that's disappointing.
Je lui en demande peut-être un peu trop, peut-être que j’ai toujours eu trop d’attente de sa part. Je ne veux pas que l’on se fasse des mauvaises idées, il n’y a pas de sentiment entre nous, peut-être que pendant une période cela aurait pu être possible, mais ce n’est plus le cas. Mais malgré cette absence de sentiment, je ne peux pas m’empêcher d’avoir cette impression d’avoir été abandonné, la même que j’ai ressenti il y a quelques années lorsque ma mère m’a poignardé dans le dos. Elle n’a jamais vraiment été de mon côté, mais elle ne s’était jamais opposée à mes décisions, même quand ça allait à l’encontre des principes de la famille, enfin c’est ce que je croyais. C’est vraiment terrible de se dire que finalement il n’y a personne qui t’attend, personne avec qui partager le petit déjeuner au lit, non rien de tout ça, comme quoi je peux aussi être différent. On dit que tant que l’on a l’argent on peut tout avoir dans ce monde, mais je ne pense pas que ça soit vrai, l’amour ne s’achète pas tout comme pouvoir combler ce vide que je peux ressentir. Que ce soit avec Ginny ou avec une autre femme, j’ai l’espoir qu’un jour je pourrai enfin combler ce besoin d’appartenance. Des mariages arrangés il y en a partout, dans n’importe quel pays, alors pourquoi c’est si compliqué entre nous ? Pourquoi faut-il que ce soit toujours compliqué avec moi ? Ça pourrait être si simple, sans prise de tête, sans déception. Si seulement il n’y avait que ce petit problème dans notre relation, actuellement ce n’est pas la forme au travail. Je n’ai qu’une envie c’est que les problèmes se finissent vite ou je vais sûrement faire un burnout, étant le directeur financier de l’entreprise, celui qui est consulté pour les choix cruciaux, celui qui gère les chiffres, j’ai les actionnaires qui me mettent la pression. Depuis la mort d’Hal c’est une vraie cacophonie, tous plus inquiets les uns que les autres. C’est pour ça que je me permets de prendre quelques jours en ce moment, les actionnaires ne sont pas du même avis, mais au diable, je n’ai que faire de ce qu’ils pensent, ce ne sont pas eux qui doivent gérer une entreprise, ils ne font que regarder les chiffres, les bénéfices et les pertes, le reste ils s’en fichent royalement. La voix de Ginny me ramène à la raison, j’étais perdu dans mes pensées, sûrement dû à la fatigue. « Ce n’est pas parce que tu es mon aîné de quelques années que tu es le plus mature, ça je l’ai toujours su. » Elle en rit, tout comme moi. Elle est loin d’avoir tort, on a beau avoir huit ans de différence, mais ça ne me dérange pas de continuer à être un gosse, un gosse qui prend du plaisir certes, mais je ne peux m’empêcher d’être comme je suis. Il n’est pas question de pitié, ou tout autre chose qui pourrait s’y rapporter, c’est une simple discussion, un point que nous mettons sur notre vie, sur ce que l’on a vécu. Une autre preuve du changement que peut opérer Ginny quand elle est auprès de moi, jamais je n’avouerais tout ce que je peux bien lui dire à quelqu’un d’autre, c’est impensable pour moi, je suis beaucoup trop fier et pourtant, je suis là, devant elle, nos regards plongés l’un dans l’autre, je ne peux m’empêcher à cette famille que possède Ginny, même si elle est décomposée, Ezra sera toujours présent pour elle et elle aura toujours Noha à ses côtés. Plus je la regarde et plus je l’envie car je sais que peu à peu je ne ferai plus partie de cette vie, je me doute que nous n’allons pas pouvoir continuer comme ça et d’un côté ça me fait peur, la solitude m’a toujours fait peur. Je ne peux pas continuer de blâmer mes parents, certes ils sont à la base de toute cette histoire, mais si je n’avais pas été aussi entêté, si j’avais seulement fait semblant de vouloir suivre ce qu’ils me disaient de faire, ça serait peut-être complètement différent. « Après des années à être chaste, je ne peux pas dire que je suis étonnée... » Elle m’arrache une fois de plus un sourire, mais ce n’était pas le même que les autres, celui-ci est rempli de regret. Ce n’est pas vraiment une raison, depuis quand un homme est obligé de coucher pour se sentir vivant ? Attends… Je viens vraiment de dire ça ? Ok, on va faire comme si je n’avais rien dit, mais pourtant, d’un certain côté je ne peux m’empêcher de me sentir coupable pour mes relations extraconjugales. Je la sens un peu moins sereine, un peu moins en confiance, prenant plus de temps pour me répondre. Je ne veux pas la brusquer, ce n’est pas du tout mon but, mais comme je l’ai dit je n’ai pas l’habitude de parler de cette façon, je dois probablement employer un mauvais ton et des mots plus que déplacés. « ]Oh, Edward… » Elle soupire, quittant mon regard pendant quelques secondes avant de reprendre son souffle et de nouveau le replonger dans le mien. « En nous obligeant à former une famille, ils ont tout bousillé. » Probablement, c’est même sûrement certain. C’est tout de même incroyable comment l’on peut changer d’avis, alors que l’on est persuadé de quelque chose et ce juste en échangeant quelques mots. J’adore Ginny et peut-être encore plus Noah, c’est une réalité, mais j’ai l’impression que ce mariage n’en fait pas partie, j’ai l’impression que ce n’est qu’une illusion que l’on a créé, que nos parents ont créé et dans laquelle on s’est engouffré corps et âme. « Noah ne t’oubliera pas, tu sais. Pas d’ici une semaine, pas d’ici 6 mois, et pas d’ici 3 ans. » Je l’espère sincèrement, je le considère réellement comme mon fils, je l’ai élevé avec Ginny comme si j’aurais élevé mon propre fils et comme je le ferai si un jour j’en ai un. « Je l’espère sincèrement, mais tu le sais comme moi qu’il ne suffit que d’un grain de sable pour pouvoir changer ce que l’on prévoit pour notre futur, pour pouvoir changer les relations. » Bien évidemment, avec ce grain de sable je fais directement allusion à Ezra et ce Benjamin. « Je sais qu’il ne s’agit pas de la famille que tu souhaites tant trouver et je… et je suis tellement désolée de ne pas avoir pu te l’offrir. Mais Noah et moi serons toujours là. J’ignore de quelle façon et à quel titre, mais nous serons là. Si tu le veux. » Je ne sais pas vraiment comment cela pourrait être possible. Ce lien qui nous unit, ce lien que l’on a forgé au fil des années à quasiment été rompu quand nous sommes arrivés à Brisbane et il pourrait survivre plus longtemps ? Une question de plus qui s’ajoute à mes doutes. « Je l’espère, mais tu dois bien comprendre mes doutes, certes de mon côté je n’ai pas pris de vos nouvelles, mais à raison, je n'étais pas vraiment le bienvenue. » Bien entendu c’est de l’ironie, je veux simplement essayer de détendre l’atmosphère qui s‘est créée depuis peu. « Ouais, ça j’ai vu. » Elle laisse échapper de nouveau ce rire qui illuminait mes journées moroses après les avoir passées avec cette personne qui se faisait passer pour ma mère. « Ce ne sont pas toutes les femmes qui te laisseraient ramener des conquêtes ici sans broncher. J’espère que tu te considères chanceux. Ça doit bien passer pour la femme bien fétichiste du harem mais ça, c’est une autre histoire. » C’est aussi cette part d’ironie qu’elle arrive toujours à caser malgré toutes les circonstances, malgré des sujets qui ne sont pourtant pas si joyeux que ça, oui, c’est bien de cette part d’ironie dont je me souviendrais pour longtemps. « Je ne savais pas que tu étais une femme fétichiste du harem. Tu m’en caches des choses ! » Lui dis-je avec un large sourire et un clin d’œil. Puis après ce rire partagé, le silence, toujours ce même silence apaisant, relaxant, elle finit par se lever se dirigeant vers la cuisine, je fais alors un léger mouvement du buste pour pouvoir me tourner vers elle. « Tu as faim ? Je pourrais cuisiner un truc et.. enfin, c’est si tu n’as pas à quitter pour le bureau. » Baissant la tête vers le canapé, je ne peux retourner ce petit rire. Si je laisse Ginny cuisiner quelque chose, soit je retrouve ma cuisine en feu, soit je me retrouve avec des feuilles de laitues dans mon assiette, dans mes souvenirs c’était moi qui faisais la cuisine à Londres et non l’inverse, pourquoi pas recommencer ? « Attends, laisse-moi faire. » Je me lève alors du canapé, marchant vers la cuisine tout en continuant de légèrement tituber. « Je n’ai pas envie de retrouver l’appartement en feu ! » Lui dis-je avec un grand sourire. Je pose ma main sur son épaule pour la décaler légèrement et me laisser accès au frigo. Je suis un peu bloqué devant lui, certes je ne manque pas de nourriture, mais il n’y a pas grand-chose à cuisiner pour une végétarienne. « Hum… Je ne me souviens plus… tu manges les œufs ? » Il n’est pas encore trop tard pour prendre un léger petit déjeuner, enfin pas trop tard pour moi, on verra bien plus tard ce que je pourrai cuisiner de mieux si elle est toujours là. « On ne t’a rien cuisiné de mieux dans l’avion pour avoir faim ? Ce Benjamin aurait quand même pu t’offrir un café ou quelque chose à grignoter quand même. » Je suis toujours le premier pour lancer des petits piques tout en ironisant, c’est plus fort que moi, tout comme mon addiction pour la séduction. J’envoie rapidement un message à Vicky pour qu’elle puisse faire des petites courses avant de revenir de l’université, évidemment je l’ai aussi prévenue de la présence de Ginny, ça a toujours été compliqué entre elles deux. Elle accepte finalement, mais elle me précise également qu’elle ne restera sûrement pas et qu’elle ira chez une amie pour manger. Je me retourne alors vers Ginny. « Alors qui c’est ce fameux Ben ? J’espère que ce n’est pas le genre de mec ridicule qui passe son temps à essayer de te faire rire. » Je me dois d’être plus compréhensif, même si ce petit voyage en soi me reste toujours en travers de la gorge et que ma déception est réelle, je ne peux pas lui en vouloir de voir d’autres hommes, je le fais bien. « J’espère également qu’il est au moins aussi sexy que moi, ça serait bête de perdre au change ! » Lui dis-je avec un petit sourire provocateur. Puis, je sens une drôle d’odeur. « MERDE ! » Et voilà, le karma, moi qui me suis vanté de mes talents de cuistot, ça se finit plutôt mal, j’étais tellement absorber par notre conversation que j’en ai oublié la poêle. « Et merde c’était mes derniers œufs… » Ce n’est peut-être pas une bonne idée de faire plusieurs choses en même temps alors que ma tête ne s’est toujours pas vraiment remis de ma petite nuit mouvementée. « J’espère que ton ventre peut encore attendre un peu. » Me passant la main derrière la tête, je ne sais pas vraiment quoi faire à part lui communiquer un grand sourire. Visiblement, je me suis peut-être lever un peu trop vite tout à l’heure et je commence à avoir ma tête qui se remet à tourner, je retourne donc dans le salon pour me poser. « Désolé, une petite pause. Si je suis assez intelligent, je ne suis pas prêt de recommencer à boire comme ça. » Paroles en l’air, je sais très bien que ça sera toujours plus fort que moi, je ne me considère pas vraiment alcoolique, mais pourtant je rentre bien dans la définition, je ne peux m’empêcher de boire quelques verres par jours.
The world was on fire and no one could save me. It's strange what desire will make foolish people do. No, I don't want to fall in love, this girl is only gonna break your heart. I would like to tell you, I would like to say that I knew that this would happen. That things would go this way . But I cannot deceive you, this was never planned.
J’aimais à croire que la vie mettait sur notre chemin les gens qui devaient y rester. Qui devaient y apporter quelque chose de plus, ou inversement, à qui on donnait mieux qu’une simple présence physique. Edward avait été mis sur mon chemin de force certes, il n’en restait pas moins qu’à deux, qu’à trois, nous avions tricoté un semblant de vie qui m’avait beaucoup apporté, comme à Noah. Et au Fitzgerald aussi que j'espérais, silencieusement. Malgré ce qu’on pouvait penser, malgré ce qui semblait être, je ne le détestais pas, bien au contraire. Je n’avais pas été une femme facile, simple, avenante, j’avais plus que ma part d’erreur dans l’histoire. Il n’était pas blanc comme neige lui non plus et ses incartades seraient pour beaucoup d'autres synonyme d'arrêt de mort. Pourtant, aussi dysfonctionnels pouvions-nous être, aussi différents et dérangés, aussi forcés, désemparés, désarticulés avions-nous été depuis les 5 dernières années, notre histoire n’avait jamais été au plus bas, au si pire. Le retour à Brisbane avait été difficile, le retour aux racines qui m’avait propulsé à des lieux de ce que j’aurais cru, ayant appréhendé bien loin du tiers de ce que je ressentirais, en revoyant ces rues, ces immeubles. En le revoyant lui. Edward ne portait pas Ezra dans son coeur, c’était maintenant plus que clair, et même si le Beauregard avait toujours une place spéciale dans ma vie - et logiquement, dans celle de notre fils - je ne pouvais pas blâmer mon mari. Il avait vu de suite que le retour de l’australien dans mon univers brusquerait le reste, me détruirait à petit feu. Edward avait été là, les nombreuses nuits où j’étais rentrée de l’hôpital en pleurs, où je n’avais pas trouvé sommeil, où les simples mots d’Ezra, envoyés à la va vite, avaient terrassé tout ce qui restait de bonne constance. Il avait fait au mieux de ses compétences, me laissant de l’air, ne voulant pas en ajouter pour pire, mais les faits étaient là. De l’extérieur, ce qui se passait entre Ezra et moi était beaucoup trop gros, beaucoup trop dur, beaucoup trop compliqué pour qu’Edward puisse y trouver sa place. Encore plus dans une famille qui s’émiette, qui s’évapore, au fil des respirations de plus en plus haletantes de Noah. Malgré tout ce que je pourrai lui dire, malgré mes justifications, malgré tout l’amour, différent, que je lui porte, il a tous les droits de craindre à l’expulsion. De ne pas se retrouver, dans ce chaos qui m’appartient. « Et le fameux grain de sable me semble plutôt être une plage entière ces jours-ci… » je lutte entre la blague et le dégoût, la déception. J’avais fait un travail de maître à Londres en gardant à l’intérieur la grande majorité de mes doutes, de mes émotions face à toute cette histoire. Mais les récentes révélations au sujet des magouilles de mes parents avaient tellement tout chamboulé que je perdais pied plus vite que prévu. Il me tarde de lui en parler, il me brûle de lui dire tout ce qu’ils ont pu faire pour et contre nous, mais aborder le sujet amènera aussi bien évidemment la séparation. Divorce. Et je ne suis pas encore prête à lui asséner ce coup-là. Même s’il est pour son bien autant que le mien. « Ignore-nous, alors. » que j’ajoute à la blague, sachant que ce n’est pas aussi facile. « Ignore-nous et donne tout ce que tu as à Noah. Ezra et moi… on n’a rien à faire dans votre relation de toute façon. » c’était la vérité, bien maladroitement amenée, mais la vérité quand même. Et il n'en tenait qu'à Edward de mettre cette histoire d’ex de côté s’il ne voulait pas perdre tout ce beau, tout ce doux qu’il avait créé avec Noah depuis le début. Doucement, la conversation coule vers l’humour. Je sens l’américain un peu plus à l’aise, un peu moins troublé, un peu plus détendu. Il se permet des piques et plusieurs, se laissant même guider vers la cuisine alors que je l’ai envahie, l’idée de cuisiner un petit-déjeuner pour accompagner nos confidences. Je rigole, puisqu’il a plus que raison, lui laissant la place et reculant, mains en l’air comme gage de soumission. « C’était qu’une seule fois! » que je gémis, gênée au possible, au bord des larmes tant je me moque de moi-même. « Tu avais dit que c’était bon, que je pouvais ajouter les légumes... » il fait bien sûr référence à cette fameuse fois où, dans notre cuisine à Marylebone, j’avais failli brûler un mur complet en jetant carottes et brocolis sur une casserole d’huile bien chaude, huile qui s’était répandue sur le four et qui avait occasionné d’immenses flammes au passage. Edward, en charge de la cuisine par la suite, avait cru bon me garder à une distance raisonnable des fourneaux pour cette raison. Depuis, j’étais passée maître dans l’art de la cuisine crue. M’installant sur un comptoir derrière lui, je le regarde s’activer l’oeil amusé. Comment voulait-il que je m’améliore s’il agissait de façon aussi protectrice avec moi? « Ouaip. » gamine au possible, je balance les jambes, assise sagement, suivant ses gestes et le voyant sortir les dits oeufs suite à ma réponse. J’en profite pour jeter un coup d’oeil au réfrigérateur qu’il entrouvre quelques fois, assemblant ses ingrédients, m'assurant qu’il a bien de quoi se nourrir lorsque je ne suis pas là. Fruits, légumes, protéines - ça va, il peut encore tenir. Amusée, je sourit un peu moins lorsqu’il mentionne Benjamin. Livide même, je me remercie d’avoir choisi une place qui se trouve derrière lui, et donc que son dos soit le seul témoin de mon teint qui pâlit à vue d’oeil. Pourtant, j’avais de la facilité à parler de Ben, Après une semaine passée ensemble, après nos conneries, après les dizaines de textos qu’on pouvait s’envoyer, après ces moments à deux où il allait à mon rythme, après tout ça et tout le reste, il me semblait encore irréaliste de parler du Brody avec Edward. Allez savoir pourquoi, puisque je n’avais rien fait de mal, peu importe ce que cela pouvait vouloir dire. J’avais dit à Ben d’attendre, il connaissait ma situation, il connaissait mes engagements, et il était un ami. Rien de plus. Mais alors pourquoi cette boule au ventre lorsqu’Ed en rajoute, questionnant de nouveau, laissant son nom frôler une seconde fois ses lèvres? Et là, j’espère à un miracle, n’importe quoi qui laisse cette conversation en suspens. Je serais presque prête à voir Vicky entrer en trombe dans le loft rien que pour éviter de discuter de ce sujet étrangement compliqué avec Edward. Yeux fermés, souffle qui se retient, ce sont ses exclamations qui me ramènent à la cuisine, surprise, dépassée même. On… a entendu mes prières?! Une odeur âcre de brûlé très distincte - parce que j’en suis passée reine - emplie la pièce, et bien vite, une fumée épaisse entoure le pauvre homme déçu de son échec. « On fait moins le malin... » je me reprends, une petite toux précédant mes paroles, ma gorge encore enrouée d’avoir trop espéré. Je saute du comptoir et passe devant lui, fermant le feu, retirant la poêle de l’élément pour réparer ce qui en reste, mais le résultat est tout sauf concluant. Complètement carbonisé, je pense à relancer d’une pique supplémentaire pour alléger le tout, mais voilà qu’Edward file direct au salon pour laisser son corps s’échouer sur le canapé. Et quand je dis échouer, c’est bien échouer… je n’aime pas du tout le voir comme ça, limite, je sens une vague d’inquiétude frapper ma conscience de plein fouet. Si seulement je n’avais pas autant tiré, si seulement je n’avais pas été aussi égoïste, il ne serait pas aussi mal. Et pas juste à cause de l’alcool. Les yeux rivés sur son corps qui prend maintenant tout le canapé, je le laisse souffler, fermer les yeux, inspirer profondément avant de bouger, en douceur. Je calcule chacun de mes gestes pour faire le moins de bruit possible, prenant sur mon chemin deux pommes, une grande bouteille d’eau fraîche et une boîte de céréales qui traîne dans le placard - ses préférées. Je fais l’aller-retour au salon, avant de retourner chercher une pinte de lait, deux bols et deux cuillères et fini ma tournée avec une couverture que je prends dans l’armoire. « Jouer au bad boy à presque quarante ans, c’est bon pour la cure de désintox quand tu en auras 50. » que je lui souffle, moqueuse, me faufilant au bout du divan où ses pieds se soulèvent un brin pour me faire une place. Je m’affaire doucement à assembler son repas, là au moins, pas de risque de brûler quoi que ce soit, et lui tend d’abord la pomme. J’attends de le voir ingurgiter le fruit au complet avant d’y aller avec le deuxième service, les céréales. En trame sonore, j’allume la télévision, laissant les chaînes se succéder, avant de tomber sur un vieux film en noir et blanc, un Chaplin comme je les aime, qui joue doucement, volume minimum. Assez parlé, assez exagéré surtout. Je laisse à Edward le temps qu’il faut pour grignoter ce qu’il veut, et ignore complètement le lait et les couverts, me servant lorsque mon tour vient à même la boîte. « Allez, repose-toi. Tu en as bien besoin. »
You will find as you look back upon your life that the moments when you have really lived, are the moments when you have done things without me and that's disappointing.
Je ne l’ai jamais retenu, je ne l’ai jamais forcé à rien, je lui ai même offert son atelier, me faisant à l’idée qu’elle ne passera quasiment plus à l’appartement, pensant que ça l’aiderait, que ça nous aiderait. Mais je ne pensais vraiment pas être mis de côté ce point, je me suis peut-être fait des idées, comme ce voyage à Disney. Les moments que j’ai passé avec Noah et Ginny ne se résumeront donc qu’à de simples visites à l’hôpital ? C’est ce qui me chagrine le plus, ce n’est pas vraiment mon genre d’être sentimental comme ça, mais je me suis attaché à eux, certes à ma manière, ce qui n’est peut-être pas la meilleure, mais le résultat est tout de même là. J’ai parlé de cette illusion, de ce mariage, mais peut-être que ce lien que nous avons créé en est un lui aussi. C’est tout de même incroyable, je me suis débarrassé de mes parents, mais pourtant j’ai l’impression qu’ils ont toujours un coup d’avance, qu’ils ont toujours une main sur ma vie, même après toutes ces années, ils arrivent encore à me faire souffrir. Je n’ai peut-être jamais su ce que c’était de s’attacher à quelqu’un, ça expliquerait pourquoi ça me fait si mal. Je ne sais même plus ce que je dis, j’ai l’impression de divaguer, d’être perdu, l’incohérence se mêlant à mes pensées. Je ne me souviens pas avoir été aussi mal au point, je déteste quand elle me voit dans cet état, je ne veux pas qu’elle se sente coupable même si une partie de moi le pense par rapport à ses récentes décisions, mais je ne peux pas me montrer égoïste envers elle. « Et le fameux grain de sable me semble plutôt être une plage entière ces jours-ci… » Visiblement je ne suis pas le seul à le penser, elle s’en rend elle-même compte. Je sais que ce qu’elle a vécu et je comprends d’une certaine manière cette distance qu’elle essaie de mettre entre nous. Elle a eu la chance ou plutôt la malchance de savoir ce que signifie le mot amour, de sentir jusqu’au plus profond d’elle ce bonheur d’aimer et d’être aimé, mais on le lui a arraché alors qu’elle était enceinte, je n’ose même pas imaginer le traumatisme que cela peut occasionner et c’est pour ça que je n’ai jamais cessé d’être là pour elle durant ces cinq dernières années. « Ignore-nous, alors. Ignore-nous et donne tout ce que tu as à Noah. Ezra et moi… on n’a rien à faire dans votre relation de toute façon. » Je ne sais pas si c’est par déni ou pour se convaincre de quelque chose, mais Ginny n’a visiblement toujours pas compris, il n’est pas question que de Noah, il est question de ce que l’on a vécu et du futur. Elle sous-estime clairement la place qu’elle a prise dans ma vie, je n’ai jamais été aussi proche de quelqu’un qu’avec elle. « Ginny, Ginny, Ginny, tu sais très bien que ça m’est impossible. Je ne peux pas faire comme s’il ne s’était rien passé ces cinq dernières années. » Je laisse paraître un large sourire, préférant masquer la déception qui pourrait se lire sur mon visage. Pour le coup j’ai peut-être surestimé ma valeur à ses yeux, l’ignorer… je ne sais même pas d’où lui est venu cette idée, ça me paraît tellement improbable et inenvisageable à mes yeux. Visiblement elle préfère changer de sujet, partant dans la cuisine, je ne veux pas m’y opposer, mais il n’est pas question que je retrouve mon appartement en feu. « C’était qu’une seule fois! Tu avais dit que c’était bon, que je pouvais ajouter les légumes... » Amusée au possible, jouant la carte de l’autodérision, elle se laisse faire tout en s’écartant et levant les mains en l’air sans aucune contestation. J’aime montrer que je suis compétent dans plusieurs domaines et la cuisine en fait également partie, oui ça ne se voit pas, mais c’est pourtant vrai, je suis un vrai cordon bleu. « Ouaip. » je ne suis vraiment pas le seul à être un gosse, c’est une habitude qu’elle a prise depuis un moment, dès que je me retrouve derrière les fourneaux, elle se pose avec excitation me regardant faire. Mais je sens bien que cette excitation a laissé place au désarroi. Visiblement le sujet Benjamin n’est pas facilement accessible avec elle. Je m’aperçois donc que rien n’a changé, sa relation avec les hommes est toujours compliquée, j’en suis le premier témoin. J’ai peur d’avoir peut-être touché un point un peu trop sensible, je n’ai toujours aucune réponse, elle reste là, derrière moi, silencieuse, on peut seulement entendre le bruit de la poêle et de la ventilation. Je m’en veux, je déteste la mettre dans l’embarras de cette manière, surtout que mon objection était de continuer à détendre l’atmosphère qui était redevenue un peu tendue depuis peu. Mais le pire s’ensuit, j’ai raté ma cuisson, les œufs sont cramés, impossible à récupérer, bizarrement ou presque, Ginny ne tarde pas à m’en faire la remarque. « On fait moins le malin... » Foutu karma, je ne l’ai jamais apprécié. « Aucun commentaire, c’est de ta faute comme toujours. » Dis-je sur un ton ironique et provocateur. « Tu as maudit cette cuisine ! » elle s’approche pour récupérer la poêle tout en me lançant ce genre de regard provocateur qu’elle aime bien me lancer, mais ma tête commence de nouveau à tambouriner, je préfère alors m’installer sur le canapé avant de perdre l’équilibre et de m’effondrer par terre. Mes paupières sont si lourdes, j’ai l’impression d’avoir veillé pendant une semaine. J'entends Ginny faire un ou deux allers-retours avant de revenir vers moi. « Jouer au bad boy à presque quarante ans, c’est bon pour la cure de désintox quand tu en auras 50. » Je veux en rire, mais mon mal de tête m’en empêche, je préfère donc lui faire un sourire forcé tout en ouvrant les yeux. « Presque quarante ans, presque, je suis encore jeune et en pleine forme. Je n’ai toujours pas une trace de graisse sur la peau ! » Elle s’installe finalement à mes pieds, les posant par la suite sur ses genoux. Elle me tend également une pomme, d’une petite gamine, elle passe à une maman poule, ce qui a pour effet de m’amuser, mais aussi de me rendre nostalgique du temps où on était à Londres, il ne manque plus qu’un film en noir et blanc que l’on appréciait tous deux. C’est comme si elle a lu dans ma tête. S’arrêtant sur un Chaplin à la télé, elle m’adresse de nouveau la parole. « Allez, repose-toi. Tu en as bien besoin. » Je ne sais plus quoi penser, d’un côté elle préfère que je m’éloigne d’elle, pensant sûrement à notre bien, mais de l’autre, elle prend soin de moi comme si j’ai encore de l’importance à ses yeux. Nos yeux sont rivés sur la télé profitant de ce temps de calme, avant que je décide de me lever quelques secondes. « Tu sais quoi ? On m’a toujours dit de vaincre le mal par le mal ! » J’attrape alors ma bouteille de bourbon sous la petite table de salon en verre ainsi que deux verres. « Tu veux que je t’en serve un ? » J’ajoute également un petit glaçon à ce breuvage. Je me pose de nouveau sur le canapé, ne faisant pas attention que c’était autour de ma tête de prendre place sur ses jambes toujours comme un gosse, action loin d’être prémédité. Même si j’apprécie Chaplin, je ne peux pas rester silencieux, c’est plus fort que moi. « Tu ne t’es jamais demandé comment ça se serait passé si nos parents ne s’étaient pas mêlés de nos affaires ? Aurait-on eu une chance de vivre quelque chose de plus sain, de plus réel ? Ou l'on n’a tout simplement jamais été fait l’un pour l’autre ? » Je ne veux pas qu’elle s’imagine quelque chose, je sais très bien ce que je ressens pour elle et Noah, mais à la base notre rencontre n’était pas organisée par nos parents, question légitime ou non, je me la suis régulièrement posée. « Je ne sais même plus ce que je dis. » Un léger sourire sur les lèvres, je pose mon verre sur ma tête afin de profiter de cette fraîcheur. Je tourne alors ma tête croisant son regard, je n’arrive plus à regarder ailleurs, prenant appuie sur une main, ma tête se rapprochant de la sienne, il m’est impossible de contrôler mon geste, je n’ai plus aucun contrôle. J’attrape le cou de Ginny avec mon autre main, laissant tomber mon verre par terre, avant de déposer un baiser sur ses lèvres. Cette action a peut-être duré quelques petites secondes, mais ça m’a paru une éternité. Conscient de la connerie de mon geste je me suis immédiatement redressé sur le canapé, toujours avec un appui, me tenant la tête, je suis vraiment qu’un con. Ce baiser, ce geste que je viens tout juste de faire n’avait rien d’intentionnel, c’était un baiser volé. J’aimerais mettre cette action sur le dos de l’alcool, mais ça serait lui mentir et me mentir à moi-même, mais je ne sais pas, je… je n’arrive pas à imaginer ce que je viens de faire, c’est sûrement la plus grosse connerie que j’ai pu faire jusqu’à ce jour. « Je… je… » Je n’arrive plus à parler, n’osant même pas la regarder dans les yeux, en aucun cas j’assume mon geste, il était plus que déplacé.
Made by Neon Demon
Dernière édition par Edward Fitzgerald le Lun 29 Mai 2017 - 1:47, édité 1 fois
The world was on fire and no one could save me. It's strange what desire will make foolish people do. No, I don't want to fall in love, this girl is only gonna break your heart. I would like to tell you, I would like to say that I knew that this would happen. That things would go this way . But I cannot deceive you, this was never planned.
Je ne mentirai pas, son erreur en cuisine me sauve in extremis. Je souffle un peu, et me permets même d’en rire, particulièrement fière d’assister à sa débandade. Edward avait cette fâcheuse tendance à se moquer de moi en cuisine - avec raison - et voilà qu’il m’offrait sur un plateau d’argent et sans que je n’y aie mis aucun effort pour le distraire une trêve particulièrement délicieuse. J’hausse le sourcil, lui lance un regard empli de malice, quelques piques supplémentaires pour bien mettre la table, et ramasse les cadavres gisant sur le comptoir. Je sens de suite qu’il grogne intérieurement, qu’il est déçu, que sa faute lui hérisse le poil et je ne m’éternise pas non plus sur l’affront, effaçant les dernières traces de la catastrophe d’un coup de chiffon. Même s’il tente de me mettre la faute entre les mains, même s’il y va de la malédiction que je traîne depuis des années et qu’il prend plaisir à mentionner dès que je pose le pied dans une cuisine, encore est-il qu’il ne me laisse que quelques secondes pour réagir, quelques secondes avant de quitter la cuisine pour le salon. Son visage est livide, ses yeux embrumés, sa démarche lente, difficile. Le pauvre et ses dommages collatéraux à lever la bouteille, un duo qui risquerait de durer jusqu’à demain, si je prenais pour acquis que la nuit qu’il avait passée dernièrement ne devait pas avoir été de tout repos pour lui. Laissant la maman parler, je le regarde d’un oeil inquiet s’affaler sur le canapé, relâcher un long soupir, et fermer les yeux. Je savais qu’Edward aimait les soirées bien arrosées, il n’y avait aucune surprise ici, et j’étais bien loin de le faire culpabiliser à ce sujet - l’état dans lequel il s’était mis suffisait amplement à lui faire regretter ses actions de la veille - toutefois, j’étais incapable de le laisser à son malheur encore plus longtemps. J’avais prévu passer à l’atelier et y rester toute la journée, inspiration soudainement rattrapée au vol, mais ce sera bien après avoir rassuré mes doutes face au fait qu’Edward serait en mesure de passer la journée sans mourir au bout d’une déshydratation, ou étouffé dans sa bile. Ces délicates pensées accompagnent le déjeuner improvisé que je lui livre au salon, avant de prendre place à mon tour sur le divan. De l’extérieur, je nous donnais l’impression d’être un vieux couple, alors que je lui envoie une vanne supplémentaire, amusée par son âge qui ne m’avait jamais vraiment dérangé. Mon historique voulant que je sois attirée par les hommes plus âgés depuis gamine, depuis Soren. Doucement, je lui passe élément par élément son repas, guettant du coin de l’oeil qu’il avale au moins un peu de tout, estomac vide qui est sûrement à l’origine de sa faiblesse. « C’est parce que tu as la bénédiction de ne boire que du bourbon. Tu aurais choisi la bière et là, ce serait ravage sur ravage pour ton pauvre tour de taille. » le voilà qui s’insurge, qui se défend, qui bombe le torse et qui m'arrache un éclat de rire supplémentaire. Aussi étrange cela puisse paraître, je n’avais jamais vraiment regardé Edward de cette façon là. Physiquement parlant, je veux dire. Je n’étais pas aveugle et je savais bien qu’il avait d’excellents gênes, pourtant je ne m’étais jamais attardé à détailler son physique, à m’en pâmer autant que les autres. Je n’étais pas insensible aux regards que les demoiselles croisées au quotidien pouvaient lui lancer, ni même à la façon dont il en jouait - parfois pour me faire soupirer et rouler des yeux, souvent par habitude, sans même s’en rendre compte. D’Ed, je ne connaissais que les expressions, que les manies, que les petits détails, les routines, les habitudes. Je ne garderais pas le souvenir du playboy au sourire ravageur lorsque notre situation changerait, mais celui d’un homme, d’un père, d’un ami, d’un mari qui a vu les pires côtés de moi, et qui malgré tout est resté. Je garderais des souvenirs d’un humain authentique, probablement un peu trop confiant certes, mais généreux, respectueux, brillant. D’une bonne personne, d’une belle âme. Le film en sourdine, la respiration un peu plus tranquille du Fitzgerald, mes paupières qui doucement se ferment, j’ignore combien de temps nous restons dans cette position sans bouger, sans parler, mais il me semble que plusieurs minutes s’écoulent alors que nous somnolons doucement, sans rien demander de plus. J’en arrive à laisser mon corps couler doucement le long des coussins, à m’y caler dans le but de faire une petite sieste, le décalage horaire commençant doucement à entrer. Mais Edward finit par s’agiter doucement, se relevant même du siège, quittant le cocon que j’avais improvisé, l’air décidé. « Mais moi je vais bien, j’ai aucun mal là, pas besoin. » que je gémis, enfant, le coup d’oeil furtif vers ma montre me confirmant qu’il était bien loin de l’heure décente pour descendre un verre d’alcool brûlant. Déjà si au quotidien je buvais peu, il me semblait même impossible de simplement concevoir cette option avant d’être beaucoup plus avancée dans la journée. Il ramène tout de même deux verres sur la petite table, reprenant place à mes côtés, se versant une part et laissant mon verre vide pour la peine. Merci à Edward de ne pas me forcer à faire quoi que ce soit contre mon gré - lui-même doit se douter qu’une lampée de bourbon si tôt dans mon processus de réveil risquerait de me transformer en créature maléfique et terrifiante. Le voilà donc que prend ses aises, déposant maintenant sa tête sur mes cuisses, s’assurant d’un regard que c’était ok pour moi. Et je soupire, doucement. Après 5 ans, après tout ce qu’on avait pu vivre, après tout ce qui s’était passé entre nous et autour de nous, j’avais encore cette distance, cette foutue distance que je mettais, et que je mettrais probablement jusqu’à la fin de ma vie. Il me le reprochait depuis que j’avais passé le pas de la porte, il me le faisait savoir depuis que j’avais une bague au doigt, jamais avec malice et méchanceté certes, mais tout de même. Et il avait absolument raison. La simple idée de ne jamais être en mesure de retomber amoureuse après tous ces traumatismes m’effleure l’esprit, mais je me consume, incapable de chasser ces réflexions si horribles qui remontent à l'instant. Incapable, parce qu’il me les souffle lui-même, ces réflexions, à demi-mot. Comment, et si, pourquoi, nous deux. Ces paroles qui résonnent, qui se cognent sur une parois de ma tête, qui s’y rattachent pour finalement continuer leur envol vers ma gorge, vers mon coeur. Tellement de non-dits, tellement de suppositions, tellement de doutes et au-delà de tout ça, l’un et l’autre, sa respiration et la mienne, le poids de son corps sur mes jambes, le poids du monde sur ma cage thoracique. « On ne le saura jamais, j’imagine. » que je laisse souffler, sachant qu’il s’agit là d’une piètre, d’une terrible réponse. J’ignore quoi ajouter pourtant, j’ignore d’où ces questions montent et surtout, pourquoi il a attendu aussi longtemps pour amener le sujet. Il me semble que notre première rencontre date d'une centaine d’années maintenant, que nous avons tout vu, tout vécu, et que ces pensées sont des évidences, pourtant, je reste sur mes gardes, impression d’inachevé, idées qui se bousculent, qui se chevauchent. « Et ce n’est pas plus mal. La vérité peut être beaucoup plus horrible que tous les mensonges qu’on s’invente. » ici, c’est le visage d’Ezra que je vois glisser derrière mes paupières closes, tête reposée vers l’arrière. Lorsque j’avais su qu’on s’était joué de lui, lorsque j’avais vu ce courriel, cet envoi que ma mère lui avait fait, à mon insu, et ce raz-de-marrée de secrets qui remontaient de plus en plus au fil des jours, je me demandais sincèrement si mon coeur n’était pas encore plus brisé de voir ce que la vérité cachait. À l’époque j’avais été blessée, profondément. En sortant de son appartement après avoir éclairci ce qui me semblait n’être que la pointe de l’iceberg, j’étais démolie. Terrassée, cassée. Pour toujours. Mon silence me pèse, beaucoup plus que le mutisme complice qui emplissait la pièce plus tôt. Et ce n’est que lorsqu’Edward bouge, lorsque je sens son corps se presser de nouveau, que j’ouvre les yeux, que j’ose enfin croiser ses iris, les imaginant bercés par la déception, par la hargne peut-être. L’impuissance. C’est un tout autre sentiment que j’y vois pourtant, et je manque un battement, souffle qui se retient, corps qui se crispe lorsque sa main épouse la courbe de ma nuque, lorsque le bruit très précis du verre qui s’éclate au sol précède le reste, la suite, ma surprise, son intensité. Ses lèvres trouvent les miennes pour l’une des rares fois où elles ont fait ce trajet, et si à la base le baiser flirte avec l'erreur, si je sens qu’il se retirera dans la seconde, son contact devient vite plus fort, plus pressant. Il rapproche mon visage du sien, enlace ce qui me reste d’issue et fait durer l’échange plus longtemps qu’il ne devrait. Sous le choc, je laisse l’étreinte aller, j’essaie d'attraper un peu d'air mais je ne me défile pas, aucun mouvement de recul, aucune déviation. Je lutte entre cette impression qu’on a tout faux, qu’on ne devrait pas, que c’est interdit, impossible, sale, déloyal et ce sentiment que tout aurait dû être ainsi depuis le début, que c’était la direction vers laquelle cette histoire, la nôtre, aurait dû aller. L’une ou l’autre de ces options n’arrive tout de même pas à gagner ma conscience au final, et Edward se dérobe, un soupir de plus. Muette, je ne peux plus bouger, penser, vivre, et je me fais l’impression d’être spectatrice de ce qui vient de se passer, de ne pas y avoir pris part, d’être une invitée, une voyeuse, une intrus dans l’horrible idylle de deux coeurs brisés. Ridicule. Les mains sur ses tempes, la mine déconfite, il est incapable d’expliquer son geste, incapable d’articuler quoi que ce soit, et pour avoir été dans cette situation un nombre incalculable de fois, je comprends la sensation horrible dont il doit être affligé. « Tu aurais pu te brosser les dents, avant. Au moins. » je me surprenais de plus en plus à prendre le rôle de celle qui rassure, qui adoucit, qui aide lorsque mon interlocuteur perdait pied. Le meilleur exemple était à quel point j’avais enfilé ce costume, ce masque au Nouvel An, devant un Ezra anéanti. Évidemment je blague, faussement moqueuse, me disant qu’un peu d’humour devrait encore une fois alléger les horreurs dont Edward pouvait bien se bombarder la tête et le coeur en ce moment. Croyant tout de même à une intervention nécessaire, je laisse mes doigts se déposer sur son bras, compréhensive, avenante. J’essaie de poser un geste amical, de ne pas lui envoyer de signaux erronés, de me montrer à l’écoute et présente, mais bien loin d’être guidée par un intérêt quelconque et malhonnête, malhabile. Le bras me semble donc être l’option la plus neutre. « On ne devrait pas faire ça, tu sais. » j’inspire longuement, espérant que sa tête se relève et que je puisse avoir de nouveau accès à son regard. Ma voix est douce, maternelle. « On ne devrait pas brouiller les choses plus qu’elles ne le sont déjà. » et je savais qu’elles l’étaient. Compliquées, dramatiques et illogiques, et tout sauf idéales à gérer. « T’as vu dans quel état notre mariage nous met? » un petit rire innocent, nerveux, glisse le long de mes lèvres. « Tu n’y survivrais pas si tu tombais amoureux de moi. » ce serait bien là la pire des ironies, la pire des malédictions pour lui.