You will find as you look back upon your life that the moments when you have really lived, are the moments when you have done things without me and that's disappointing.
Pour la deuxième fois de ma vie, je suis en proie au doute, ce sentiment que tu ressens quand tu ne sais pas ce que tu dois faire, quand tu remets en question ta présence sur terre. J’aimerais tellement que ce soit moins compliqué, mais ce n’est pas le cas et ça ne le sera sûrement jamais. Douter quand on s’aperçoit que l’on s’est trompé ou que l’on a été trompé, ce n’est pas difficile, je voudrais même dire que cela n’avance guère, ce doute forcé est comme une violence qui nous est faite, ça ne peut nous donner que tristesse et faiblesse, c’est un regret d’avoir cru, et une confiance trompée. Le doute est l'état d'une âme indécise qui s'arrête prudemment sur le bord d'une résolution, qui refuse ou évite d'embrasser une opinion ou de faire un choix. C'est une attente de la lumière au milieu des ténèbres, ou une hésitation craintive en face de l'évidence, ou bien encore, une impassibilité qui défie le monde et ses déceptions. Le doute est omniprésent en moi, il me ronge de l’intérieur, la plupart du temps j’arrive à y faire face, à le combattre, le vaincre, mais il revient toujours plus fort et à ce moment présent, il n’a jamais été aussi fort, il ne m’a jamais fait perdre autant la tête. Si je peux le comparer, je dirais que le doute ressemble à ces mouches importunes que l'on chasse et qui reviennent toujours. Quant à nous, nous sommes toujours là, sur le canapé, regardant un film de Chaplin, laissant ce silence entrecoupé par des pics de Ginny, qui prenait elle aussi un certain plaisir à me provoquer. S’il n’y avait pas ce problème de mariage, je pourrais dire que nous avons tout ce qui peut ressembler à un vieux couple, profitant d’un bref moment de bonheur qui est si rare de nos jours. Ce n’est peut-être que le début de la journée, mais si elles pouvaient toutes commencer de cette façon, je peux vous assurer qu’il n’y aurait aucune place à ce doute que j’ai décrit un peu plus haut. Malgré tout, j’avais aussi l’espoir, l’espoir qu’un jour je pourrais enfin retrouver l’assurance dont je faisais preuve autrefois. « C’est parce que tu as la bénédiction de ne boire que du bourbon. Tu aurais choisi la bière et là, ce serait ravage sur ravage pour ton pauvre tour de taille. » Ma réaction lui arrache une fois de plus un éclat de rire, un rire qui a pour effet d’arrêter mon cœur le temps d’une seconde, une seconde où je me demande ce qui se passe, une seconde où je me demande ce que je suis en train de faire, une seconde où je me questionne sur cœur qui manque un battement avant de reprendre de plus belle. Nos regards ne font que de se croiser, puis se quitter avant de mieux se retrouver. « Tu sais très bien que je n’ai jamais vraiment apprécié la bière. » Lui dis-je avec un léger sourire avant de tourner ma tête vers la télé. Ce calme, cette sérénité, ce moment inaltérable, j’aimerais qu’il dure plus longtemps, qu'il s’installe dans une boucle temporelle où le temps peut être arrêté afin de pouvoir en profiter un maximum avant le retour à la réalité, avant une énième frustration et sentiment d’impuissance, une réalité que j’aimerais quitter l’espace d’une journée. Une personne m’a récemment donné un conseil. Entre la pression au travail, ma soudaine remise en question, je n’ai pas été dans une très grande forme et elle m’a été d’une grande aide, je n’aurais jamais pensé que le stéréotype sur un ou une ami(e) gay pouvait être vrai. "On se dit que notre vie sera complète quand les choses iront mieux, quand on possédera une famille, une plus belle voiture ou une plus grande maison, quand on pourra aller en vacances, quand on sera à la retraite. La vérité est qu’il n’y a pas de meilleur moment pour être heureux, que le moment présent. Si ce n’est pas maintenant, quand serait-ce ? La vie sera toujours pleine de défis à atteindre et de projets à terminer. Il est préférable de l’admettre et de décider d’être heureux maintenant qu’il est encore temps. Pendant longtemps, j’ai pensé que ma vie allait enfin commencer. La vraie vie ! Mais il y avait toujours un obstacle sur le chemin, un problème qu’il fallait résoudre en premier, un thème non terminé, un temps à passer, une dette à payer, etc. Et alors, là, la vie allait commencer ! Jusqu’à ce que je me rende compte que ces obstacles étaient justement ma vie. Cette perspective m’a aidé à comprendre qu’il n’y a pas un chemin qui mène au bonheur. " Voilà ce qu’elle m’a dit, j’aimerais vraiment partager son avis, mais j’ai l’impression que c’est au-dessus de mes forces, peut-être qu’un jour j’arriverai à oublier le passé afin de pouvoir me concentrer sur un avenir qui me conviendra mieux. « Mais moi je vais bien, j’ai aucun mal là, pas besoin. » Alors que j’étais perdu dans mes pensées tout en cherchant la bouteille, Ginny me ramène de nouveau à moi, répondant à ma précédente question. « Je pensais que tu ne me laisserais pas boire seul, mais soit, à la tienne. » Tout en levant mon verre accompagné d’un clin d’œil, je reprends place sur le canapé, m’appuyant cette fois-ci sur ses cuisses sans aucune gêne, sans mauvaise intention. Je sais très bien, que malgré son approbation, elle n’est pas à l’aise, je veux simplement qu’elle comprenne qu’elle n’a pas à avoir peur de moi, qu’elle n’a pas à avoir peur de ce qu’il pourrait se passer ou non. Un autre silence s’installe entre nous, mais il ne dure pas longtemps. J’avais toujours des questions qui étaient en attente de réponses. « On ne le saura jamais, j’imagine. » Elle souffle un coup, quant à moi je la regarde, me demandant ce à quoi elle peut bien penser. Sa réponse ne m’a pas vraiment satisfait est-elle elle aussi en proie aux mêmes doutes que moi ? Je ne veux pas trop en rajouter, l’ambiance ayant déjà changé depuis les petites blagues de tout à l’heure. « Et ce n’est pas plus mal. La vérité peut être beaucoup plus horrible que tous les mensonges qu’on s’invente. » Bizarrement, j’ai l’impression qu’elle ne parle plus de nous, qu’il n’est plus question de notre relation, mais d’une autre histoire, une histoire qui ne m’est pas si inconnue. Puis arrive cette action, celle que je n’ai en aucun cas prévu, celle qui me fit basculer à un tout autre état. Elle s’est comme emparée de mon corps, mon regard croisant pour l'énième fois ses yeux, ses pupilles, ceux que j’ai si longtemps admirés avant de revenir à la réalité. Je n’arrivais plus à bouger, je n’arrivais plus à penser, à réfléchir, tout se passa tellement rapidement, mais les battements manquants de mon cœur me donnèrent l’impression que ça a duré une éternité. N’arrivant toujours pas à me libérer de son étreinte invisible, ne pouvant toujours pas réagir, ma main se posa délicatement sur sa nuque la tenant fermement sans l’intention de la lâcher. Mes lèvres se rapprochèrent peu à peu des siennes, à chaque centimètre de gagné mon souffle devenait de plus en plus lent, de plus en plus pressé. Nos fronts se touchèrent en premier, tenant nos lèvres à une distance plus que ridicule les unes des autres, mes paupières se fermèrent, puis j’ai finalement réussi à sortir quelques mots avant de terminer ce que mon corps avait entamé. « Je… je suis désolé… » Puis mes lèvres se posèrent finalement sur les siennes, aucun signe de contestation, aucun signe d’approbation, je ne savais même pas ce que pouvait bien ressentir Ginny à ce moment, si elle s’est sentie trahie, si elle se doutait que ce moment arriverait un jour ou l’autre. Le baiser se fit de plus en plus intense avant que je n’ouvre finalement de nouveau mes yeux. Reprenant enfin mes esprits, je commence peu à peu à me rendre compte de mon geste, de ce que je viens tout juste de faire. Je me sens tellement coupable de ce baiser passionné ou plutôt volé, je n’arrive pas à mettre des mots sur ce geste, mettre des mots sur ce baiser que l’on a jamais partagé jusqu’à aujourd’hui. Je me redresse alors immédiatement sur le canapé, toujours avec un appui, tout en me tenant la tête. Je ne peux pas vous décrire ce qui se passe actuellement dans ma tête car comme il y a quelques secondes, il ne s’y passe rien, un vide complet, un vide pour ne pas avoir à m’insulter à haute voix. Puis j’entends un souffle venant de la part de Ginny, un souffle lui donnant la force de me parler. « Tu aurais pu te brosser les dents, avant. Au moins. » Elle veut sûrement détendre l’atmosphère, oublier ce qu’il vient de se passer, mais je n’ai même pas la force de lui répondre, de lui montrer n’importe quel signe en réponse. Je sens alors la chaleur de sa main au contact de ma peau, me prenant le bras dans un geste de tendresse, un geste délicat. « On ne devrait pas faire ça, tu sais. » Ses mots résonnent dans ma tête, je le sais, je sais que tout ceci ne devrait jamais arriver, mais c’était plus fort que moi, une attirance que je n’ai jamais ressenti jusqu’à présent, que j’avais sûrement refoulé, mais qui a fini par sortir avant de m’exploser à la figure. « On ne devrait pas brouiller les choses plus qu’elles ne le sont déjà. T’as vu dans quel état notre mariage nous met ? » Il n’est plus question de mariage, enfin de mon avis. « Je… Je… » J’essaye par tous les moyens d’aligner deux mots, mais je n’y arrive toujours pas. « Je... je ne pense pas qu’il faut tout le temps rejeter la faute sur notre mariage, on est aussi responsable de nos actes, de ce que l’on ressent, ce que l’on fait. » Oui, même si à l’heure actuelle j’ai du mal à expliquer ce geste, ce geste plus que maladroit. J’essaye toujours de fuir son regard, de fuir ce regard déçu peut-être même avec une pointe de rancœur qu’elle pourrait avoir à mon égard, mais son autre main vient se poser sur ma joue, me forçant à la regarder dans les yeux. « Tu n’y survivrais pas si tu tombais amoureux de moi. » Je ne sais pas si c’est vraiment ce genre de sentiment que j’éprouve pour elle, mais ce que je sais c’est que je me dois de le vérifier, je me dois de savoir si j’ai fait la connerie de partager sa vie sans jamais m’apercevoir de ce que je ressentais vraiment pour elle. Je sais que ce pseudo mariage ne va pas durer encore très longtemps, que ce n’est qu’une question de mois, de semaines, peut-être même de jours, je pense donc que c’est un mal nécessaire. Puis sa main caressant ma joue, mon regard toujours plongé dans le sien, je sens de nouveau cette pulsion, celle que j’ai ressenti il y a quelques instants, fermant les yeux avant de les rouvrir, basculant par la même occasion Ginny sur le canapé. « Pourquoi continues-tu de m’hypnotiser ? » Lui dis-je avec un léger sourire. Je n’arrive plus à me détacher de son regard, ne faisant même pas attention au sms que je viens juste de recevoir de Vicky. " Finalement je ne vais pas pouvoir rentrer, je dois finir quelque chose. Vraiment désolée. " Ma main touche à son tour son visage, la caressant délicatement avant de descendre vers son cou, effleurant sa peau puis son t-shirt quand mes doigts arrivent vers le creux de sa poitrine avant de finir sur son bassin, lui volant un deuxième baiser. Mon souffle toujours coupé, malgré ce vide présent dans ma tête, j’ai cette retenue, celle d’aller trop loin, de faire quelque chose que je pourrais encore plus regretter.
The world was on fire and no one could save me. It's strange what desire will make foolish people do. No, I don't want to fall in love, this girl is only gonna break your heart. I would like to tell you, I would like to say that I knew that this would happen. That things would go this way . But I cannot deceive you, this was never planned.
J’aurais pu fuir, j’aurais dû fuir. Le plus simple aurait été de me fier à ma nature, à cet élan originel qui me garde de m’engager, de retomber amoureuse, de refaire confiance. Mais mon corps reste figé devant l’interdit, devant ce qui ressemble un peu trop à un écho, un cri du coeur, une complainte qui ne trouve pas réponse autre que dans un geste fou, une impulsion, la sienne, la nôtre. Parce qu’il n’était pas seul dans cet échange, et que malgré les baisers rares qu’avait vus cette relation, celui-ci avait une toute autre consonance. Un adieu? Un début? Une fin? Un regret? Je ne sais plus et je m’en balance, je ne sens que la pression de ses lèvres contre les miennes et je me dérobe. Trop en si peu, c’est incorrect, c’est sale, c’est mon mari, c’est mon passé. S’il s’est excusé d’abord, il répète de nouveau ces paroles qui sortent de nul part lorsque son front s’éloigne du mien et que le moment n’est plus que malaise, souvenir vague. Edward en perd ses mots, j’en perds le souffle, et il me faut plusieurs secondes avant de reprendre mes esprits et de sentir mon sang qui recommence sa course dans mes veines, mon coeur reprendre un rythme normal. Cette journée me semblait aussi longue qu’un millénaire, entre le vol, Noah et son retour à l’hôpital, Benjamin et tout ce qu’il signifiait, les incartades d’Edward au grand jour, cette complicité, puis ceci. Cela. Je pose distraitement un doigt sur mes lèvres, sentant leur chaleur, moites. Si j’avance la blague au départ, ce n’est bien sûr que pour dédramatiser le tout, nous éviter de sombrer un peu trop creux, un peu trop vite. Il était si tard pour les regrets, pour succomber, pour imaginer quelque chose, et il le savait tout aussi bien que moi. Malgré tout ce qu’il pourrait dire, je savais déjà d’emblée que je ne serais jamais en mesure de lui offrir vraiment ce qu’il voulait, ce qu’il méritait et que de ce fait, je ne serais que poison pour lui, pour son coeur, pour son envie de devenir autre, mieux. Je l’articule même, nous blâmant, laissant ma main se poser, presque maternelle, sur son avant-bras. Je le traite comme un gamin alors que je précise ma pensée, que je tente de justifier, que j’essaie, j’espère y voir une lueur, une raison, une hypothèse qui le convaincra de ne pas avoir peur, de ne pas avoir mal, d’oublier, de passer à autre chose. Est-ce que c’est ce que je veux, vraiment? Je l’ignore, laissant l’humour adoucir la suite, trop d’émotions et de vertiges pour deux corps aussi meurtris. « Edward… Ed, regarde-nous. Regarde-moi. On est ridicules. » que je laisse glisser, ultime effort, ses prunelles toujours perdues derrière ses remords. Il bégaie, il cherche ses mots, il rebondit sur mes propres plaintes, il démenti ce mariage et y va de nos pulsions et je secoue la tête, incapable de mettre des mots sur ce qui est vrai ou faux. Sur ce qui est blanc ou noir. Sur le bon du mauvais. Il y a longtemps que j’avais enterré la simple et unique possibilité que quoi que ce soit puisse se tisser entre nous, et l’entendre me brise le coeur d’avantage. L’impression d’être passée à côté de ma vie, et de l’avoir forcé à faire de même, me cisaille le ventre et ce n’est que lorsqu’il relève les yeux dans ma direction que je statue, clairement, qu’il serait maudit s’il tombait amoureux de moi. Comme Ezra. Exactement comme lui. Ses pupilles sont voilées et je tente, bien humblement, de chasser la douleur qui y reste en avançant doucement mes doigts à sa joue, attention qu’il rattrape avidement. La pression de sa main sur mon poignet me fait froncer les sourcils d’incompréhension, avant de sentir l’élan qu’il donne et qui m’allonge bien vite sur le canapé. Si précédemment j’avais laissé la surprise prendre toute la place, c’est bien consciente de la suite des choses que j’assiste à une nouvelle embrasée du jeune homme. Il me questionne, il me retient, il me met au pied du mur et trop vite, je sens le contact qui se décuple, d’abord chaste, maintenant plus intime. Chaque parcelle de peau touchée croit qu’elle sera la dernière, chaque avancée me semble n’être qu’une apogée, signal qu’il mettra fin à cet échange des plus déstabilisants pour la bulle que j’avais pris tant de temps à construire autour de moi depuis notre mariage. Bulle qu’il n’avait jamais même osé approcher, bulle qui le gardait loin lors des nuits à Londres où nous partagions le même lit sans sentir la chaleur de l’autre, bulle qui l’avait motivé à me donner le loft, l’atelier, comme ultime forteresse de solitude. Bulle qui éclate sous ses lèvres qui s’emparent de nouveau des miennes, baiser bien loin du premier, bien loin de l’erreur qu’il semblait vouloir y associer. Plus affirmé, plus invitant, plus étouffant même. J’en perds le reste, conscience envolée, culpabilité qui crève, et ma cage thoracique qui se referme sur moi alors que la pression de son torse me paraît insupportable, nécessaire. D’une main délicate, implorante, je finis par me dégager doucement, séparant de force nos visages. S’il est toujours allongé, je retrouve un semblant d’air le temps de l’empêcher de faire pire, de se blesser au passage. Muette, je rassemble toutes mes idées, ma respiration, ses iris qui s’aimantent aux miens. « Je ne t’hypnotise pas. Je ne t’ai jamais hypnotisé. » les mots me semblent venir facilement, simplement, maintenant que je suis tout sauf dans ma zone de confort. Étrange sensation. « Il n'y a rien qui a changé, rien qui est différent. Mis à part que je m’éloigne. Et c’est ton instinct de chasseur qui parle. Tu n’as jamais été à l’aise de perdre Edward, de ne pas mener la danse. Je le sais, parce que je suis pareille. Sans sentir que j’ai le contrôle, que je suis libre, je perds pied et je ne sais plus ce que je fais. Et j’agis impulsivement. » un rire nerveux s’échappe de mes lèvres alors que la position dans laquelle nous nous trouvons toujours a tout d’un résultat impulsif. « You’re a mess, so am I. » et c’est la vérité. Aucun de nous deux n’allait bien, aucun de nous deux n’était au meilleur de sa forme. Loin du reproche, j’y voyais là une constatation. « C’est tout sauf le moment de s’inventer une belle histoire, une belle finale. Si on fait ça là, c’est parce que ce sera désespéré. Ce sera notre dernier recours. » j’ignore si c’est la nostalgie qui parle, la déception, le doute, ou un peu des trois. Ma voix est triste, lasse, épuisée d’avoir été un tel fardeau, et de lui en rajouter encore un peu plus sur les épaules. Son silence me tue, et bien vite je me confie sans plus aucune gêne. « J’y survivrais pas si je tombais amoureuse de toi. » mon coeur en a trop vu, en a trop vécu pour même penser à une nouvelle idylle. Si le sien avait encore la chance de pouvoir s’ouvrir, de trouver l’amour, de rayonner, le mien avait lâché prise depuis belle lurette. Finissant par me glisser vers l’arrière, je prends appui sur les coussins qui font office d’appui tête. Un soupir plus tard, paupières closes, esprits qui s’arriment, il me semble que la scène est tellement irréelle que garder les yeux fermés n’en serait que plus logique. « J’y pense parfois. Ça serait tellement plus simple... » je mentirais si je disais que je n’avais pas espéré des centaines de fois tomber amoureuse de lui, vivre ce conte de fée dont on rêve toutes gamines, offrir à ce mariage de princesse et à mon gamin les yeux pleins d’étoiles une vie simple, belle, douce, sans artifices. Mais je n’en étais pas capable. L’art de pétrarquiser, l’art d’aimer platoniquement quelqu’un, sans vouloir aller plus loin que nature. « Je... j'en ai pas la force. » ces couples qui pullulent autour de nous et pour qui tout semble si facile, inné, me fascinent. « Je sais pas comment faire, je n'ai jamais su. » mariage arrangé soit, mais l’impression de l’échec me pend au nez comme la pire des risées. Pourquoi est-ce si difficile? La réponse me vient d’elle-même et elle est toute simple. Parce que nous n’avons jamais été vraiment mariés. Façade.
You will find as you look back upon your life that the moments when you have really lived, are the moments when you have done things without me and that's disappointing.
Qu’est-ce qui peut bien se passer ? Je ne me reconnais plus, je ne sais plus qui je suis, je ne me souviens plus de ce que je désirais. Pourquoi suis-je ici ? Pourquoi suis-je en train de franchir cette ligne, cette ligne qu’avait placée Ginny entre nous et dont j’ai me suis si longtemps tenu à l’écart ? Qu’est-ce qui m’arrive ? Qu’est-ce qui nous arrive ? C’est un trop-plein de questions qui fusent dans ma tête, des questions dont je suis incapable d’y répondre actuellement, je suis même incapable de faire sortir un seul mot de ma bouche, de mes lèvres, des lèvres qui ont été attirées depuis cinq ans vers les siennes, des lèvres qui se sont si rarement touchées. J’ai le cœur en panne, dans mes yeux s’y trouve une larme que j’essaie désespérément de cacher, ce n’est pas à cause d’elle le responsable c’est seulement moi. Je ne sais par où commencer, je ressens tellement de choses, des sentiments dont je n’ai pas l’habitude d’écouter, des sentiments qui n’ont jusqu’à aujourd’hui jamais fait surface. Elle est différente des autres par sa manière de me regarder, elle ne me regarde pas avec dégoût, ni avec moquerie, juste avec invisibilité. Le bonheur m'a été accessible grâce à elle, elle a chassé mes larmes, mes peines, mes peurs et ma souffrance lorsque j’étais perdu, lorsque j’avais perdu tout espoir en ce mot : Famille. Ça a peut-être l’air de je t’avoue mes sentiments et ce que je ressens, mais intérieurement je le sais, je sais que notre histoire, notre mariage, va bientôt se finir, je n’espère pas réussir à sauver cette histoire, je n'espère plus rien de nous, je me suffis de mes rêves. L’espoir rend faible, il n’est présent que pour mieux nous décevoir par la suite et c’est pour ça que je ne peux pas me permettre d’avoir de l’espoir, de continuer à avoir cet espoir. À ses yeux tout ceci n’a sûrement jamais existé, elle oubliera sûrement cette journée et c'est sans doute mieux ainsi, elle n’aura pas à avoir ce sentiment qu’elle a eu quand elle a quitté Brisbane avec son enfant. Cet amour est certes impossible, mais ça ne m'empêche pas de l'aimer et pas qu'un peu. « Edward… Ed, regarde-nous. Regarde-moi. On est ridicules. » Toujours le regard livide, cherchant désespérément à fuir le sien, ses mots résonnent comme un porte-à-faux dans ma tête, mais alors pour, pourquoi ne m’a-t-elle pas rejeté ? Psychologiquement, il est impossible d’être juste ami avec quelqu’un dont on est tombé " amoureux ", essayer de faire cela peut rendre fou, impulsif, c’est peut-être bien ce qui m’arrive actuellement. Nous n’avons jamais vraiment mis de règles entre nous, nous n’avons jamais fait le point sur ce que l’on pouvait bien ressentir ou non l’un pour l’autre. Malgré ce mariage, je voulais être ce mec qui rendait ses jours meilleurs, ce mec qui lui aurait fait dire Ma vie a changé grâce à toi, mais la réalité est bien plus cruelle. Quand elle regardera derrière elle, quand elle regardera les moments qu’elle aura réellement appréciés, ses moments de bonheur, elle n’y trouvera que des choses faites sans moi et j’aurai donc échoué à ce que j’ai toujours voulu faire : la rendre heureuse. Puis, elle pose de nouveau sa main sur ma joue, me forçant à la regarder, me sortant de mes pensées. La chaleur de sa peau au contact de la mienne réveille une fois de plus cette pulsion en moi, cette pulsion qui nous a valu toute cette tension, ce malaise de savoir ce qui est bien de faire ou non. Ce n’est plus le même contact, plus intense, plus passionné, plus affirmé, j’ai peut-être finalement trouvé la raison qui me pousse à perdre mes moyens. Serait-ce un adieu ? Un ultime contact avant de tout perdre une nouvelle fois ? Je ne peux pas en être certain, mais une chose est sûre, c’est que j’aurai ma réponse plus vite que je ne le voudrais et rien ne sera plus pareil. Ma main parcourant ses courbes, ce ne sont plus seulement mes lèvres qui sont aimantés vers les siennes, c’est tout mon corps qui l'est et il me paraît peser plusieurs tonnes, m’empêchant de sortir de ce champ magnétique qui s’est emparé de moi, mais une infime petite partie de conscience qui me reste m’empêche de pouvoir aller plus loin alors que Ginny vient de poser une main délicate sur mon torse, me demandant de ne rien faire que l’on pourrait regretter, s’interdisant toujours ce contact trop personnel. « Je ne t’hypnotise pas. Je ne t’ai jamais hypnotisé. » Je sais pertinemment que ce ne sont pas des situations dont elle a l’habitude de faire face et pourtant c’est elle qui me parle, c’est elle qui arrive à sortir des mots alors que j’en suis tout simplement incapable, mon cœur s’arrêtant à chacun de ses mots, à chacun de ses souffles que je peux toujours sentir contre ma peau. « Il n'y a rien qui a changé, rien qui est différent. Mis à part que je m’éloigne. Et c’est ton instinct de chasseur qui parle. Tu n’as jamais été à l’aise de perdre Edward, de ne pas mener la danse. Je le sais, parce que je suis pareille. Sans sentir que j’ai le contrôle, que je suis libre, je perds pied et je ne sais plus ce que je fais. Et j’agis impulsivement. » Il y a peut-être une part de vérité, je sens cette histoire m’échapper, je sens que tout m’échappe. Mon impulsivité m’a joué souvent des tours, mais il m’a également été d’une grande utilité dans les moments difficiles ou je devais prendre une décision et c’est peut-être ce qui se passe actuellement. « You’re a mess, so am I. C’est tout sauf le moment de s’inventer une belle histoire, une belle finale. Si on fait ça là, c’est parce que ce sera désespéré. Ce sera notre dernier recours. » Je peux toujours sentir le contact de sa main contre ma peau, ces infimes chocs électriques que je peux sentir sortir de ses doigts, me transperçant et parcourant tout mon corps, je dois lutter, lutter contre ce qui pourrait être un point de non-retour. « J’y survivrais pas si je tombais amoureuse de toi. » Ses mots… ses mots, elle les a déjà employés, ils ont comme un effet électrochoc pour mon cœur, le relançant, mes souvenirs se mélangent à cette nouvelle scène de notre vie, me rappelant exactement la situation dans laquelle on se trouvait au moment où j’ai entendu ses mots pour la première fois. C'était il y a tellement longtemps, au tout début de notre rencontre, avant même que l’on soit marié - enfin on avait déjà été marié sur le papier, mais la cérémonie n’avait pas encore eu lieu - Ginny arriva devant chez moi fatiguée, épuisée même, essoufflée, me suppliant de l’accueillir. Je ne comprenais pas vraiment pourquoi, pourquoi m'avait-elle choisi ? Ce n’est pas comme si on avait été trompé, mais j’ai vite compris ce qu’il s’était passé, elle s’est alors effondrée après avoir passé le seuil de la porte, j'ai pu la rattraper au dernier moment. J’ai reçu un message de ses parents me disant qu’elle avait essayé de suicider, de mettre fin à ses jours et que je devais la ramener chez elle si je la voyais. Avant de leur répondre, je me suis dirigé vers ma chambre, la posant délicatement sur mon lit, elle me supplia de ne rien leur dire, de ne pas les informer. Je me souviendrai toujours de ce regard qu’elle m’a lancé, de ce courant qui s’est propagé de sa main à la mienne, circulant partout dans mon corps, c'était exactement la même sensation que j’ai actuellement avec sa main posée sur mon torse. J’ai finalement décidé de l’écouter et d’écouter ce que mon cœur me disait. Je me suis donc occupé d’elle, je l’ai nourri, lavé, j’ai tout fait pour qu’elle soit au meilleur de sa forme. Ce fut également à ce moment-là que nous avons échangé ce premier baiser, celui qui fut si rare. Cette période nous a vraiment rapprochés, mais je n’ai pas su la rassurer, je n’ai pas su trouver les mots, mais elle oui et ils furent exactement les mêmes, J’y survivrais pas si je tombais amoureuse de toi. J’avais fait le choix de respecter cette bulle qu’elle voulait mettre autour d’elle, j’ai fait le choix de ne jamais la faire éclater et pourtant j’étais certain de ce que je pouvais ressentir, au-delà de ce mariage, au-delà d’avoir été forcé, j’éprouvais réellement quelque chose pour cette fille qui était loin d’être comme les autres. Elle bouge de nouveau, reculant de quelques centimètres, tout en prenant appui sur les coussins. « J’y pense parfois. Ça serait tellement plus simple... Je... j'en ai pas la force. » Reprenant peu à peu le contrôle de mon corps, de mes esprits, c’est comme si je suis en train de revivre cette scène que je vous ai décrite, comme si on me donne une seconde chance, même si j’ai la certitude de ne pas en avoir réellement. Posant à mon tour ma main sur sa joue, la caressant le plus délicatement possible. « Tu as toujours été forte, beaucoup plus que je n’ai pu l’être… Que ce soit simple ou compliqué, ça doit seulement être notre choix, en écoutant notre cœur. » « Je sais pas comment faire, je n'ai jamais su. » « Tu n’es pas seule, tu ne l’as jamais été. Nous avons seulement fait le choix de fermer les yeux, préférant la simplicité. Mais il n’est jamais trop tard pour revenir dessus. » Je commence enfin à retrouver l’usage de la parole, je ne sais pas où ça va nous mener, si ça changerait vraiment quelque chose pour nous ou si c’est bien trop tard, mais je me dois de lever ce voile qui a trop longtemps pesé sur nos épaules, ce voile qui retient tout ce que l’on peut ressentir l’un pour l’autre. « On a trop longtemps essayé de s’éviter de peur de tout gâcher, de gâcher le peu qu’il y avait de bon dans notre mariage, ce n’était peut-être pas la bonne solution… » Passant maintenant ma main dans ses cheveux, elle a beau me dire qu’elle ne m’hypnotise pas, mais c’est faux, je n’arrive pas à fermer les yeux de peur de la voir disparaître. « On doit arrêter d’avoir peur, arrêter de laisser notre passé dicter nos choix. Que ce soit toi ou moi, nous n’arriverons jamais à avancer, non, aucun de nous deux. Il est peut-être temps de placer ce voile sur ce passé et lever celui que l’on côtoie depuis bien trop longtemps. » Je n'ai jamais imaginé que l'on peut être à ce point hanté par une voix, par un cou, par des épaules, par des mains. Ce que je veux dire c'est qu'elle a des yeux où il fait si bon d'y vivre que je n'ai jamais su où aller depuis et c’est peut-être pour ça que je suis actuellement perdu, cherchant désespérément mon chemin. « L'amour, c'est très compliqué. C'est à la fois la plus extraordinaire et la pire chose qui puisse arriver. On le découvre un jour. Mais l'amour, ça peut faire très mal. On ne doit pas pour autant avoir peur de tomber, et surtout pas de tomber amoureux, car l'amour, c'est aussi très beau, mais comme tout ce qui est beau, ça nous éblouit et ça nous fait mal aux yeux. C'est pour ça que souvent, on pleure après, mais il faut savoir se relever pour pouvoir ressentir ce bien-être une fois de plus. » Je viens vraiment de dire ça ? Je ne savais même pas que je pouvais sortir de tels mots, des mots portant sur ce sujet. Je m’approche une nouvelle fois de son visage, essayant de lire au plus profond d’elle. Jusqu’à aujourd’hui c’était un chemin rarement entrepris par mes lèvres et ce en presque six ans de mariage, mais aujourd’hui j’ai l’impression que tout a changé, en bon ? en mauvais ? Je ne le sais pas encore, mais je sais que j’aurai ma réponse tôt ou tard. Ma main a toujours été jusqu’à présent là pour la rassurer, lui enlever cette peur et sûrement pour satisfaire cette envie en moi de casser sa bulle et d’enfin faire partie de son monde. Je l’attrape une fois de plus par la nuque, toujours tout en délicatesse, ne voulant pas la brusquer. « Tu l’as bien dit, nous n’avons plus à faire semblant, nous n’avons plus à ignorer ce que l’on ressent, nous n’avons plus à avoir peur. Il est peut-être trop tard pour avoir des regrets, mais ça ne l’est jamais pour écouter notre cœur. » Pour la troisième fois ou peut-être la quatrième, nos lèvres s’effleurent cherchant toujours désespérément à savoir si c’était bien ou mal, mais cette question s’envole très vite, laissant place à un énième baiser, passant ma main sur ses courbes, jusqu'à arriver à son bassin, mon cœur manque un nouveau battement avant de partir au quart de tour, le souffle coupé une nouvelle fois. Il n’y a alors plus aucune place pour l’hésitation.
The world was on fire and no one could save me. It's strange what desire will make foolish people do. No, I don't want to fall in love, this girl is only gonna break your heart. I would like to tell you, I would like to say that I knew that this would happen. That things would go this way . But I cannot deceive you, this was never planned.
Je voulais ignorer ce flot de souvenirs qui remontait, pourtant, c’était moi-même qui l’avait fait revenir sur le sujet, dans nos vies. Ces mots que je venais de répéter, qui avaient tant de sens entre nous, que j’espérais voir résonner en lui, passer dans ses iris, quelque chose. Mais c’est un voile qui s’y glisse, et que je reconnais, qui me rappelle ces jours moins heureux, nos débuts. La Ginny brisée d’avoir voulu en finir, démolie par elle-même et par le reste, qui avait fuit l’hôpital après y avoir passé la nuit en salle d’observation. Je refusais de revenir au petit matin avec mes parents, j’anticipais avec méfiance de mettre un pied puis l’autre dans cette maison, cette cage, qui m’avait gardé prisonnière depuis notre arrivée en Angleterre, de retomber dans mes vieux démons, de retenter l’irréparable. Il était extérieur à tout ça, il n’en avait jamais été la cause, il n’avait rien à voir et pourtant c’était à sa porte, frigorifiée, terrifiée, que j’étais allée cogner. Edward avait toujours était patient, et il me semblait illogique de lui infliger ça, pourtant, ma carcasse se trouvait sur son perron à une heure impossible, implorant en silence qu’il me cache le temps que tout aille mieux. Il m’avait gardée plusieurs jours, j’en avais perdu le compte. J’étais l’enfant, la loque, la larve, l’esseulée qui errait à travers son appartement, à manquer de force, à dormir des heures durant. Sans un mot, sans un jugement, il m’avait soutenue, béquille d’appoint qui m’avait prouvé sa valeur, sa bonté, son intégrité, le temps que je me reconstruise. Je ne m’étais pas sentie en danger, pas plus qu’en ce moment, et même si ses avancées charnelles étaient plus enflammées – et presque intrusives à connaître ma pudeur légendaire – je savais que je n’avais rien à craindre de lui. Il ne m’effrayait pas, il ne me faisait pas peur, il m’avait toujours respectée et pour cela, je lui en serais éternellement reconnaissante. C’est probablement ce sentiment de sécurité, malgré notre étonnante proximité, qui incite mes confidences. Je ne comptais plus le nombre de fois où j’avais espéré me réveiller à ses côtés et être tombée amoureuse de lui. Éperdument et foncièrement amoureuse de l’homme qu’il était, de celui qu’il aspirait à devenir aussi. L’un de mes plus grands échecs serait de ne pas avoir su lui ouvrir mon cœur, et d’ainsi avoir gaspillé 5 années de sa vie en tentant en façade de lui offrir une famille qui ne lui convenait pas, qui n’était pas à sa hauteur. Malgré tout ce qu’il pouvait dire et répéter encore et toujours, je savais que ce vide lui pesait et que par ma faute il n’avait reçu aucun amour et aucune appartenance depuis trop longtemps. Le contact de ses doigts sur ma joue me rassure un peu, à peine, alors que je sens son cœur brisé qui parle pour lui. Encore et toujours, il s’applique à me réconforter, à m’excuser surtout, et je ne trouve qu’une pâle excuse pour lui répondre, pour lui affirmer à quel point je suis incapable de quoi que ce soit, autant j’aurais voulu essayer, autant je n’en avais plus la force. « T’as pas à faire ça… » que je commence, secouant la tête, déçue de moi-même. « T’as pas à toujours être celui qui tente de me remonter. Je ne comprendrai jamais pourquoi tu le fais encore. » ma remarque était légitime, pleine d’incompréhension, le sourire déçu qui s’y accroche, le jeu de l’enfant qu’on se passe depuis tout à l’heure. Même si je ne l’avais jamais obligé à rien, même s’il avait toujours été libre de faire tout ce qu’il voulait, je ne comprenais toujours pas ce qui le rattachait aussi fort à nous, mis à part l’espoir qu’un jour je laisse tomber mes gardes. Le pauvre. Rebondissant sur mes propres mots, voilà qu’il y trouve un autre sens, comme si le fameux fossé que j’avais creusé entre nous n’était qu’un mirage, qu’une idée sans fondement qui aurait entraîné notre perte. À ne rien vouloir bousiller, on avait fini par se gâcher tout autant. De ma joue ses doigts se glissent dans mes cheveux, doucement, prendre son temps, étape par étape, pas à pas. Je ne bouge pas, je suis la trajectoire de l’index qui épouse la boucle, sans y voir de menace, peut-être un peu trop candide même. Comme une dernière fois. Il ne se tait pas, il poursuit et étrangement, je n’ai pas envie qu’il arrête, je ne m’en donne pas le droit. Edward n’était pas de ceux qui s’ouvrent, Edward détestait mettre des mots sur ses idées, sur ses sentiments, et elles étaient rares les occasions où j’avais pu le voir autant partager, autant déballer son cœur, exposer ses craintes, ses pensées que maintenant. Interdite, je l’écoute, silencieuse, minimisant jusqu’à ma respiration pour ne pas le brimer dans ce qu’il tente de me confier à demie-voix. Il se perd même dans ses mots, il s’arrête, il observe, il recommence et il laisse venir à mes oreilles des pensées que je n’aurais jamais cru entendre de sa part, des réflexions qu’il me semblait avoir encaissées en silence depuis des années et qui sortaient maintenant au grand jour. Pourquoi avions-nous attendu aussi longtemps pour être si honnêtes l’un envers l’autre, et avec nous-même ? De quoi avions-nous peur ? De nous, justement. « On ne dit pas "tomber" pour rien. » que je laisse glisser entre mes lèvres, alors qu’Ed ressent le besoin de raisonner à voix haute, de décrire ce sentiment qui me fait tellement peur, que je me refuse depuis si longtemps. « Est-ce que tu as déjà été amoureux toi, un jour ? » je ne lui avais jamais demandé, j’avais pris pour acquis que cet aspect de sa vie n’était pas pour moi, aussi ironique cela puisse-t-il être. J’avais imaginé autant de scénarios que d’histoires à son sujet, entre deux nuits blanches, le voyant tantôt Casanova des temps modernes, et ensuite épris de l’amour de sa vie qui avait péri bien avant que je lui cède à l’autel. Le fond de l’histoire ne m’était jamais venu toutefois, et sa facilité à communiquer me donne envie d’en savoir plus, mieux. Pour toute réponse, voilà maintenant que je sens sa paume se lover contre ma nuque, y trouvant une place qu’il n’avait encore jamais osé prendre, ni moi lui donner. Dans un souffle, il balaie les regrets, il refuse mes peurs et s’aventure de nouveau sur mes lèvres. Entreprenant, avide, il se presse sans laisser aucune question se faufiler entre nous, et pourtant je sais bien qu’il n’y en a qu’une seule, interrogation ultime, qui se doit d’être articulée, d’être posée avant la fin, notre fin. « Est-ce que c’est vraiment ça qu’il te dit, ton cœur ? » je sais bien que non, je sais bien qu’il ne s’agit que d’une dernière chance, tentative de sauver le raté que nous traînions sur nos épaules depuis si longtemps. « Si c’est vraiment ça que tu veux, si c’est vraiment ça que tu espères, ce dont tu as besoin, profondément. » mes mots sont chuchotés, son visage encore si près du mien, sa présence encore si lancinante. S’il veut d’un mariage qui n’a rien de beau, de neuf, de facile, de simple, s’il veut d’une femme qu’il devra constamment apprivoiser, qu’il perdra un nombre incalculable de fois, qui lui brisera le cœur sans pouvoir lui offrir mieux, s’il veut d’une famille éclatée, malhonnête, vile, qui n’attendra pas la prochaine occasion de le trahir, de nouveau, si tout ça et pire encore, il ne bougera pas. Et pourtant, je poursuis. « On n’aurait pas pu Edward. On a eu 5 ans pour l’essayer, pour se donner une chance, et on ne l’a pas fait. » ni lui ni moi n’avait poussé plus fort, n’avait tenté quoi que ce soit. Je m’étais rétractée, il n’avait pas cherché à troubler ma solitude et nous nous étions enlisés sans vraiment rien vouloir changer. « Si on avait vraiment voulu, si c’était vraiment de ça dont on avait besoin, on n’aurait pas attendu aujourd’hui. » ma bulle avait bien sûre été la troisième roue du carrosse, mais il aurait pu tenter plus fort, j’aurais dû le laisser faire du moins. Paresse, oisiveté, engourdissement. « On n’aurait pas attendu si longtemps. » sachant très bien qu’il est assez intelligent pour comprendre que je prends le blâme, et qu’il n’en est que le dommage collatéral. Délicatement, avec parcimonie, je laisse mes lèvres se déposer sur les siennes chastement, caressant sa joue avec toute la douceur du monde. Un goût d’adieu qui me serre le ventre, qui me confirme que notre sort est scellé. Je remonte doucement vers son front, bienveillant, y abandonnant un deuxième baiser pudique qui annonce mes couleurs mieux encore que mes mots ne pourraient le faire. « Bourbon ? » me détachant de lui, il me semble logique de couronner nos au revoirs d’une lampée de cet alcool qui a tout commencé.