Joanne n'avait pas fermé l'oeil de la nuit. Jusque là, rien de très nouveau. Mais ce n'était pas une nuit blanche habituelle. La veille au soir, Daniel n'était pas vraiment dans son assiette. Il n'avait pas faim, il était moins malicieux et joueur que d'habitude. Tout ce qu'il voulait, c'était rester dans les bras de sa mère. Un vrai petit koala, il n'y avait pas moyen de s'en défaire une seule minute. Puis Joanne avait constaté qu'il avait plus chaud que d'habitude. Mauvaise surprise en prenant la température du petit, bien que cela expliquait beaucoup de choses. Ce n'était pas non plus une très forte fièvre, mais cela n'empêchait pas d'inquiéter Joanne. L'une des assistantes maternells lui avait dit qu'il y avait plus d'un virus qui se promenait dans la crèche, certains parents n'ayant apparemment pas assez de conscience de garder leurs enfants à la maison même si ceux-ci étaient déjà malades. Il fallait s'attendre à ce que Daniel finisse par attraper quelque chose, bien qu'il avait hérité de la santé de fer de Jamie. Elle avait alors veillé sur lui toute la nuit, elle l'avait gardé auprès d'elle dans sa chambre, à observer le moindre signe qui pourrait s'avérer alarmant. Elle lui avait donné ce qu'il fallait pour traiter la température. Cela ne l'empêchait d'avoir les joues bien rouges, qu'il n'ait pas un sommeil reposant. Il avait même commencé à tousser en fin de nuit, ça l'avait réveillé, et ça le faisait pleurer. Joanne n'avait pas attendu plus longtemps pour se lever, s'habiller, et emmener directement Daniel aux urgences pédiatriques, surtout après avoir recontrôlé la température. Il n'avait rien voulu avalé avant de partir, pas une seule goutte du contenu de son biberon. Joanne l'avait emmené dans le sac, si jamais l'appétit lui venait durant l'attente. Il y avait toujours beaucoup de monde aux urgences pédiatriques. L'endroit de toutes les mamans inquiètes, même pour trois fois rien. Une plaie à la lèvre, une joue plus rouge que l'autre, un bébé de mauvaise humeur. Les pédiatres leur disaient qu'au moindre signe alarmant, il fallait venir à toute heure aux urgences, mais tout le monde n'avait pas la même notion d'urgence et de gravité. Même s'il était quatre heures du matin, elle envoyait un message à Jamie pour le prévenir de la situation. Elle ne voulait pas non plus qu'il se déplace dans la minute. Ils avaient toujours convenu de se tenir informé s'il y avait quoi que ce soit par rapport à leur plus précieux de tous les trésors. Il y avait beaucoup d'attente. Daniel était assis sur ses jambes, la tête posée contre son torse, la tétine en bouche. Joanne lui caressait doucement les cheveux, y déposait régulièrement des baisers tout en lui chantonnant des mélodies qu'elle avait en tête. Ca l'apaisait. Elle le devinait fermer les yeux, et bien qu'il soit couvert de sueur, il n'était pas contre la chaleur de sa mère. Elle observait certaines mamans s'énerver contre les infirmières, se plaignant du temps d'attente alors que certaines étaient arrivées après la petite blonde. Il était cinq heures, puis six heures, le temps était terriblement long, l'attente, elle, insupportable. Daniel n'allait pas franchement mieux. Vers sept heures, le Dr. Winters commençait son service et passait rapidement par les urgences pédiatriques pour récupérer des notes de service. Il était surpris de voir sa patiente présente. Il s'approcha d'elle et la salua, demandant la raison de sa venue. Ses yeux s'arrondirent lorsqu'elle énuméra les quelques symptômes, puis il s'alarma lorsque Joanne lui parlait du temps d'attente. Il s'éclipsa rapidement pour aller chercher un de ses confrères, qui avait été de garde de toute la nuit. Apparemment, on ne l'avait pas informé de la présence du petit, ou du moins, on ne l'avait pas présenté de la sorte. C'était sans attendre davantage que le petit fut prise en charge. Daniel, déjà bien épuisé, n'était pour le coup pas à l'aise de voir autant de visages inconnus, ça l'apeurait beaucoup. Joanne restait constamment auprès de lui, le rassurant comme elle le pouvait. Il fallait faire une prise de sang, il fallait faire tout une série d'examens tantôt douloureux, tantôt angoissants. Joanne se sentait pâlir lorsque le médecin lui dit qu'il était nécessaire de faire une ponction lombaire pour diagnostiquer ou non la méningite, étant donné que le petit avait tout de même quelques symptômes. Mais afin de prévenir quoi que ce soit, ils voulaient déjà lui poser une perfusion et administrer des antibiotiques à titre préventif. Tant de choses qui effrayaient énormément la jeune maman, que l'on dut faire asseoir le temps de tout assimiler. Elle parvenait à garder la tête froide. Elle écrivait absolument tout à Jamie. Une manière comme une autre de se décharger. Une fois la série d'examens fait, on trouvait une chambre pour que Daniel soit hospitalisée, le temps d'attendre le résultat des examens. Par la perfusion passait deux antibitioques, et une hydratation étant donné qu'il n'avait rien mangé et rien bu depuis la veille. Il était surveillé de près, le passage des infirmières puéricultrices était on ne peut plus fréquent. A chaque fois, l'estomac de Joanne se serrait, craignant qu'elles n'apportent de mauvaises nouvelles. Assise sur une chaise près du petit lit de Daniel, elle lui tenait la main, et de ses autres doigts, elle caressait sa joue. Il avait vomi une fois, que de la bile et ne parvenait pas à fermer les yeux. Alors son regard se plongeait dans celui de sa mère, où il y trouvait un certain réconfort. La porte s'ouvrit une nouvelle fois, et c'était Jamie qui apparut. Ca la soulageait de le voir. Sans dire un seul mot, elle se précipita dans ses bras pour y trouver un peu de réconfort. La nuit avait été particulièrement longue, les dernières étaient interminables. "On attend les résultats." souffla-t-elle tout bas, lâchant quelques larmes. Elle passa ses mains sur son visage. "Il n'arrêtait pas de pleurer, surtout pour la ponction lombaire, c'était juste..." Horrible à vivre pour une mère.
Please, no more words, thoughts from a severed head. No more praise. Tell me once my heart goes right. Take me home.
Le réveil est brutal. Une demie-douzaine de messages de Joanne m'accueillent de bon matin tandis que j'émerge à peine. Si le nombre de textos de la part d'une jeune femme n'en envoyant quasiment jamais de peur de déranger étaient suffisants pour m'inquiéter, leur contenu nécessitait de rester bien assis afin de digérer toutes les informations. Cela ne commence que par une fièvre, laissant penser que comme bon nombre de mères Joanne s'est inquiétée d'un rien. Cela se termine en ponction lombaire, en éventuelle méningite, et en une angoisse innommable. Elle ne répond pas au téléphone, il y a des chances pour que ça ne capte pas au sein de l'hôpital ou qu'elle soit tout simplement occupée. Mon second coup de fil est pour le travail ; ils ne me verront pas aujourd'hui, qu'importe les urgences. Eva Adams sera seule à tout gérer, et je sais d'avance qu'elle en sera enchantée. Je saute dans les vêtements de la veille sans me soucier de ne pas passer par la case douche, j'attrape mes clés et je quitte la maison en dix minutes montre en main. Je déjeunerais là-bas, me dis-je, connaissant par coeur l'emplacement des distributeurs et le contenu de chacun. L'hôpital est quasiment une seconde maison, après tout. J'aurais néanmoins préféré m'y rendre pour mes rendez-vous habituels que pour mon fils. Le trajet, je pourrais l'effectuer les yeux fermés, qu'importe l'itinéraire. A l'accueil, la secrétaire a les yeux ronds ; habituellement, je sais où je vais, je n'ai pas besoin de passer par elle si ce n'est pour dire bonjour. Sa moue est bien plus grave lorsque j'explique la raison de ma venue et qu'elle m'indique le chemin. Je force un sourire, mais honnêtement, je traîne derrière moi mon angoisse comme un boulet à ma cheville. Plus j'approche de la chambre, plus il s'alourdit. Le dernier message de Joanne remonte à quelques heures, je ne sais pas dans quel état je vais trouver mon garçon. Lorsque j'arrive enfin, la jeune femme fond sur moi comme un projectile et se réfugie dans mes bras. Je l'y serre aussi fort que je le peux. Elle est fébrile, paniquée, et je n'en mène pas large non plus. « Je suis vraiment désolé d'arriver si tard. » Comme si avoir un sommeil lourd ne suffisait pas, les médicaments m’assomment toujours d'une manière inutilement efficace. Impossible d'entendre les vibrations ou les sonneries de mon téléphone pourtant posé près de moi ; le travail pourrait avoir besoin désespérément de ma présence que je n'aurais pas pu être plus réactif. Je ne lâche la petite blonde que pour m'approcher de notre fils. Il a son doudou avec lui, j'imagine qu'il ne l'aurait laissé pour rien au monde durant cette épreuve. Il a de petits yeux, la bouille bien rouge, la mine épuisée. Il n'a même pas l'énergie pour réclamer un câlin. « Alors mon bonhomme, qu'est-ce qu'il t'arrive ? » Je caresse sa petite tête chaude, puis l'embrasse sur la tempe. « Maman m'a dit que tu as été très courageux toute la nuit et pendant que les médecins t'examinaient. » Une partie de moi s'estime heureux de ne pas avoir à être présent durant la ponction, autant qu'elle admire Joanne pour avoir tenu le coup, car je crois que mes nerfs auraient lâché. C'est une opération particulièrement impressionnante à voir, je ne peux même pas me l'imaginer. « Ils vont s'occuper de toi, trésor. Ca va aller mieux. » Il acquiesce sans grande conviction. Il a surtout peur des gens, des machines, de ne pas comprendre ce qui lui arrive. Il veut croire ce que je dis, parce que c'est moi qui le dit, mais lui, il n'est qu'un tout petit garçon dépassé par les événements. Au moins, ses parents sont là. « Je t'aime fort. » Je redresse la tête et adresse un léger sourire à Joanne. Elle aussi, elle a été courageuse. « Tu peux te reposer un peu Joanne. Prends l'air, dégourdis-toi les jambes, va te chercher quelque chose à boire ou à manger... » Non, bien sûr que non. Elle ne bougera pas. Elle ne laissera Daniel pour rien au monde, elle est menottée à son lit, plongée dans l'angoisse, pendue aux lèvres du moindre soignant qui passe. Chaque bruit de pas dans le couloir semble nous être d'abord destiné avant qu'ils ne s'éloignent. Et les nouvelles, si elles arrivent, sont autant attendues que redoutées. « ...ou je vais y aller. Je vais te trouver un truc à avaler. » dis-je finalement. Moi, je ne suis pas de la catégorie de ceux qui tiennent en place. Je quitte la chambre quelques minutes, juste le temps de mettre la main sur un distributeur et de lui soutirer une bouteille d'eau, une autre de jus, et deux barres aux céréales pour ne pas garder l'estomac vide. Je laisse Joanne choisir ce qu'elle préfère dans ce petit stock, sans lui laisser l'opportunité de refuser. De toute manière, elle sait à qui elle se frotte si elle ne daigne pas prendre au moins une gorgée d'eau. « Il veut peut-être poursuivre la tradition familiale des abonnés aux hôpitaux. Si toute la famille s'y met, tu crois qu'on aura une carte premium ? Ou ils pourraient au moins offrir le snack. » Il manque une chaise dans la chambre pour que je puisse m'asseoir, mais cela m'importe peu. Je reste près de Daniel, et je caresse machinalement ses cheveux. Mes lèvres pincées tentent de contenir toute cette panique qui m'envahit dès que je réalise une nouvelle fois, à chaque fois que je pose les yeux sur lui, que mon fils, mon unique trésor, est dans un lit d'hôpital. « Quand est-ce que nous aurons les résultats ? » je demande à Joanne, la gorge serrée, sans savoir si elle aura cette information plus que moi.
Joanne ne devait pas vraiment avoir meilleure mine que son fils. Les traits de son visage n'étaient plus que tirés par l'inquiétude et l'angoisse, sa pâleur prouvait son manque cruel de sommeil. Elle se demandait elle-même comment elle avait pu faire pour ne pas craquer avant. Sûrement parce que Daniel avait besoin d'une figure forte à ses côtés, quelqu'un sur qui s'appuyer. Joanne ne pensait pas être forte, elle disait même qu'elle était tout l'inverse. La petite blonde trouvait refuge dans les bras de Jamie, même si ce n'était que pour quelques secondes. Elle se relâchait un petit peu plus, se laissait aller l'espace de ce temps là. Mais si elle se détendait totalement, elle ne tiendrait même plus debout sur ses jambes. A son tour, le père s'approcha de Daniel afin d'échanger quelques mots avec lui, lui montrer qu'il était là lui aussi et qu'il serait pour le soutenir. Etre à l'hôpital en étant si jeune, Joanne trouvait cela particulièrement injuste. Elle maudissait les mamans ayant emmenés leurs enfants malades à la crèche. Quoi qu'il ait, il l'avait attrapé là-bas, c'était certain. La période d'incubation collait un peu trop bien avec le jour où il commençait à ne pas être bien. Jamie suggéra à la petite blonde de s'éclipser un peu, de prendre un bol d'air frais et de quoi s'alimenter un petit peu. Il avait très vite compris qu'elle ne comptait pas quitter cette chambre une seule seconde. Rien qu'à sa posture, elle imposait son choix tout comme lui imposait le sien, lorsqu'il comptait aller lui chercher quelque chose à avaler. Elle devait manger, point à la ligne. Bien qu'il venait à peine d'arriver, Joanne savait qu'il avait besoin, contrairement à elle, de marcher, de se vider la tête d'une manière ou d'une autre en attendant d'avoir des nouvelles. Durant le temps de cette courte absence, Joanne s'était à nouveau installée auprès de son fils, à lui faire quelques sourires, à lui chantonner quelque chose tout en lui caressant la tête. Encore une fois, il se focalisait sur son visage, la seule chose qu'il reconnaissait, en plus de celui de Jamie, dans ce milieu qu'il ne connaissait absolument pas et qui lui faisait peur. Lorsque Jamie réapparut, elle prit de ses mains le jus de fruits et une barre de céréales, sachant pertinemment qu'il la forcerait à manger d'une manière ou d'une autre. "Merci." Malgré le manque d'appétit, elle allait de petite bouchée en petite bouchée. "J'espère que non." répondit Joanne avec un vague sourire. "Aux urgences, j'avais vu plus d'une maman qui venait consulter parce que leur bébé, plus jeune que Daniel, enchaînait les otites, les bronchites ou que sais-je encore. En constatant ça, je me suis dit qu'on a quand même un fils sacrément solide et qu'il en faut beaucoup pour qu'il se sente aussi mal." C'était la première fois que Daniel tombait véritablement malade, c'était aussi pour ça que c'était particulièrement difficile à gérer pour Joanne. Du moins, elle avait l'impression de ne pas gérer. Elle haussa les épaules en entendant la question de Jamie. "La prise de sang ne devrait pas prendre trop de temps, la ponction prendra plusieurs heures. Ils m'ont dit que ça prenait du temps, pour voir s'il y avait une infection ou quoi." Joanne ne s'y connaissait pas trop en médecine, elle répétait bêtement les réponses des infirmières lorsqu'elle avait posé la question auparavant. "Je suis... vraiment très en colère." dit-elle au bout d'un moment. "Quand j'avais récupéré Daniel à la crèche la semaine dernière, l'une des assistantes maternelles m'a dit que certains parents laissaient leur gamin à la crèche, alors qu'ils étaient déjà malades en arrivant. Ils repartaient sans même se retourner. Déjà, de base, on sait tous que c'est un endroit où circule des tas de germes, mais que des parents laissent leur enfant en toute connaissance de cause, ça... ça m'énerve." Oui, Daniel devait consistuer son système immunitaire, oui, il y aura des maladies auxquelles il n'échappera pas. Ce n'était tout de même pas une raison de l'exposer de la sorte à tout ce qui pouvait traîner. Joanne avait horreur d'être énervée, ou en colère. Ca ne lui arrivait que très rarement et elle n'avait jamais véritablement su comment gérer cette émotion là. Souvent, c'était aussi des larmes. Mais elle se contenait énormément. "Ce n'est pas parce qu'ils paient des très grosses sommes pour cette crèche qu'ils peuvent se permettre d'avoir aussi peu d'humanité." Parce que Jamie et Joanne voulaient le meilleur endroit possible pour Daniel, et ce n'était pas la crèche qui était à remettre en cause, mais bien le comportement. Elle fixa Jamie. "Si c'est une méningite, ou si c'est quoi que ce soit qui peut être potentiellement grave, je te le promets, je vais..." Et l'on toqua à la porte une nouvelle fois. Joanne sentit son rythme cardiaque s'accélérer lorsqu'elle vit le pédiatre entrer et refermer la porte derrière. "Nous avons les résultats du bilan sanguin. La seule anomalie à noter est le très haut taux de globules blancs et de la CRP - qui est un autre indicateur d'une infection ou une inflammation. Au niveau cardiaque, rénale, hépatique, il n'y a rien à signaler. Nous avons tout de même envoyé un échantillon en bactériologie pour s'assurer qu'il n'y a pas de bactéries dans le sang. Et nous voudrions lui faire passer une échographie cardiaque, afin d'éloigner également l'endocardite, qui est une inflammation du coeur et qui peut expliquer les symptômes également. C'est un examen tout à fait inoffensif, ça part du même principe de vos échographies lorsque vous étiez enceinte, Miss Prescott, par exemple." Joanne ne connaissait pas ce pédiatre, mais appréciait le fait qu'il prenne du temps à expliquer des termes que Jamie et elle ne pourraient pas comprendre. Elle échangea un regard avec Jamie pour voir s'il approuvait autant qu'elle cet examen. Cela permettra aussi peut-être de tuer un peu le temps avant d'avoir les résultats de la ponction.
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Sans chercher à s'opposer à moi, Joanne attrape de quoi boire et manger, juste histoire de garder assez de forces pour être au chevet de Daniel. Il a besoin de sa mère, aussi forte qu'elle peut l'être, pour le rassurer. Le trait d'humour aurait pu particulièrement mal passer, mais j'imagine que n'importe quelle occasion de décrisper ces traits si tirés est bonne à prendre. Bien sûr, je n'espère pas que notre fils hérite de nos tares et donc de notre manie à multiplier les admissions à l'hôpital. Ils nous connaissent bien ici, à force. J'aimerais autant qu'ils ne soient pas aussi familiers à la présence de Daniel. Joanne a toujours déclaré que le petit à ma santé. Il est vrai que je ne tombe jamais malade. Mes maux sont ailleurs. Je suis loin de l'esprit sain dans un corps sain. Mais Daniel jusqu'à présent ne présentait pas le moindre problème. Seule la poussée de ses dents lui avait causée quelques misères, et encore, cela ne durait que quelques jours pendant lesquels il se montrait plus grincheux. Notre bébé ne pleure pas si cela n’est pas nécessaire, et aujourd'hui, ses yeux bleus sont rougis par des litres de larmes déversées à cause de cette maladie qui n’a pas encore de nom. “C'est parce qu'il est solide qu'il ira mieux très vite.” dis-je à Joanne avec un léger sourire. Nous sommes rapidement de retour sur nos deux jambes dans la famille. Même le pire ne nous terrasse pas. Des durs à cuire dira-t-on, tenaces. D'après la petite blonde, ce sont les autres enfants de la crèche qui ont rendu notre fils malade. Ou plutôt, leurs parents. Pour ma part même si je comprends ce que Joanne veut dire j'ai bien du mal à blâmer qui que ce soit ; les maladies vont et viennent dans la vie, on peut tenter de les éviter, de s'en prémunir, mais il n'y a pas vraiment de responsable. “Tu sais, s'ils payent si cher c'est parce qu'ils ont un travail important qui le leur permet.” je me risque à expliquer à la jeune femme afin qu'elle se mette à la place des autres parents. Et cela n’est que pour citer les plus aisés. D'autres ne sont pas bien riches mais vont quand même se saigner pour bien placer leur progéniture dans le meilleur environnement. Rien n’est trop beau pour nos enfants. Pour toutes ces personnes, un, deux, trois jours de travail de perdus sont parfois des jours de trop, sans oublier les responsabilités qu'ils doivent abandonner sans préavis pour s'occuper d'un petit malade. On ne sait jamais de quoi est faite la vie d'autrui. Je peux comprendre qu'on se dise qu'une toux, une petite poussée de fièvre, ce n’est pas si grave et que le temps fera son affaire. Joanne reste en colère à ce sujet, je doute qu'elle révise son point de vue. De toute manière avant que nous puissions continuer de parler, un médecin fait son entrée. Le jargon médical le perd, mais je comprends qu'il est question de s’assurer que le problème n’est pas cardiaque, et je retrouve subitement ce poids qui écrase ma poitrine. De la culpabilité. Il me faut quelques secondes pour amortir cette possibilité, puis je remarque que les regards rivés sur moi attendent l’autorisation d'effectuer les examens nécessaires pour écarter cette hypothèse. J’accepte d'un signe de tête, et la main balayant l'air, l'air de dire qu'il n’est pas utile de me demander mon avis pour chaque test. Je ne suis pas le médecin ici. Avec notre accord, l'échographie sera faite. Je me tourne alors vers la petite blonde, nerveux au possible, la poitrine prise au piège dans un étau. “Joanne, il faut que je te dise quelque chose…” Son regard me dissuade immédiatement de parler. Non, ce n’est pas le bon moment. Je ne saurais pas comment lui en parler, comment gérer sa réaction. Ça attendra. Je ne sais pas jusqu'à quand, mais ça devra attendre. “Après l’examen.” Devinant la jeune femme particulièrement à fleur de peau, je me permets d'approcher encore pour la reprendre dans mes bras. “C'est sûrement rien...”
Elle espérait de tout coeur qu'il se remette au plus vite. Au moins qu'il parvienne à fermer les yeux, et dormir. Mais quelque chose n'allait pas et tout ce que Daniel semblait vouloir, c'est d'avoir ses parents dans son champ de vision. Elle pouvait comprendre qu'il ne parvienne pas à dormir dans cette chambre. Il est bien rare qu'il y ait des patients qui parviennent à se reposer sereinement la nuit dans un hôpital. Joanne n'y avait jamais trouvé de sommeil profond entre ces murs. Ce sentiment de ne pas être chez soi. Elle espérait que Jamie ait raison. Qu'il soit solide et qu'il guérisse le plus rapidement possible. Révoltée par le comportement des parents des autres petits de la crèche, la petite blonde avait bien du mal à accepter la moindre excuse que Jamie voulait bien donner. Peut-être qu'ils avaient un travail, peut-être qu'ils payaient en conséquence. Mais la jeune femme payait le même tarif. La règle était générale pour toutes les crèches: en théorie, ils ne prennent pas en charge des enfants malades afin de limiter les risques de contamination. Apparemment, l'argent permet de passer par-dessus le règlement et la question de la santé publique ne se pose alors même plus. "Et c'est parce qu'ils ont un travail important qu'ils ont le droit de se permettre de rendre d'autres enfants malades par le biais du leur ?" vociféra-t-elle, les sourcils bien froncés, se rendant compte la seconde après que Jamie ne devait pas être la personne contre laquelle elle devait s'énerver. Elle retrouva immédiatement son calme et baissa les yeux. "Pardon." dit-elle d'un ton qui lui ressemblait beaucoup plus. "Je suis fatiguée." Et énervée, et angoissée, et terriblement inquiète. Tout un tas d'émotions qui la rendait particulièrement à fleur de peau. Joanne avait certainement besoin de trouver un capable. "Quand les médecins ont commencé à parler de méningite, j'ai commencé à regarder ce que c'était, les risques, les causes, et..." Joanne retenait ses larmes. "Il y avait ce site, un groupe de recherches de médecins. Et... j'espère juste avoir réagi assez tôt." Les descriptions faisaient froid dans le dos. Joanne avait vérifié plusieurs sources, elle avait eu tout le temps pour ça, mais tout se rejoignait. "Pour les méningites bactériennes par exemple, c'est 10% de décès parmi les infectés, et à peu près 30% de séquelles. Retard mental, retard moteur, surdité... Ca se transmet par la salive principalement, il suffit qu'un gamin tousse devant l'autre ou lui donne une balle qu'il vient de mettre en bouche. Pour certains, ça se résumera à une toux ou un gros rhume, pour d'autres, ça remonte jusqu'aux méninges." expliqua-t-elle une fois que le médecin avait quitté la chambre. "Du coup, si par malheur Daniel à ça, s'il lui arrive quoi que ce soit, faudra-t-il que je me dise que toute façon, leur travail était plus important que sa vie ?" Son ton était des plus calmes. Mais dans le fond, Joanne restait particulièrement amère. Difficile d'oublier ces statistiques effrayer, de se dire que son fils avait peut-être contracté cette maladie là, et qu'il fallait encore attendre des heures avant d'avoir une véritable réponse. Le regard lancé à Jamie était peut-être un peu trop dur lorsque ce dernier disait qu'il devait annoncer quelque chose. Il avorta son annonce et décidé finalement d'en parler une fois l'examen passé. Silencieuse, la petite blonde reporta son attention sur son fils, qui tenait fermement les doigts de sa mère. Ca lui faisait tellement mal au coeur de le voir dans cet état, elle avait l'impression qu'on lui arrachait cet organe à mains nus. Ca la rendait tout aussi malade, intérieurement, elle vivait ce mal tout autant que lui. C'était peut-être un mauvais penchant de leur relation fusionnelle. Joanne s'était remise debout, ayant assez de rester constamment assise. Le beau brun s'approcha de Joanne par l'arrière et l'entoura de ses bras. Joanne reposa sa tête contre lui et lâcha un long soupir. "Je l'espère." souffla-t-elle tout bas. Elle se retourna pour pouvoir le prendre dans ses bras à son tour et se blottir contre lui pendant quelques minutes. Une infirmière toqua et entra dans la chambre pour annoncer que Daniel aura son échographie d'ici une petite heure. "De quoi voulais-tu me parler ?" demanda-t-elle en relevant la tête pour aller trouver son regard. "Nous n'avions rien à faire de particulier jusqu'à l'échographie, si ce n'est d'attendre et de veiller sur le petit." Celui-ci était d'ailleurs relativement calme. Joanne aurait adoré le prendre à nouveau dans ses bras mais elle craignait de faire des bêtises, avec la perfusion. Toujours fiévreux, il n'avait sur lui que sa couche. L'infirmière avait dit qu'il était important de vérifier s'il y avait une apparition d'éruptions cutanées, mais ce n'était pas le cas. "Quoi qu'il ait, je n'aime pas le savoir malade, le voir comme ça. C'est insupportable de le voir comme ça." Voir sa chair et son sang aussi affaibli et beaucoup moins vif que d'habitude était difficile. Elle n'avait qu'une hâte : de le revoir sourire à nouveau, dormir sereinement, courir partout, et retrouver cet éclat de malice dans ses yeux qui manquait à l'appel depuis la veille.
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La jeune femme est à la recherche désespérée d'un coupable. À vrai dire, elle s'en est trouvé et ne compte pas en démordre. Il est plus rassurant après tout de trouver une cause logique et facilement explicable aux événements plutôt que d’admettre que le flou dans lequel nous sommes est encore plus grand que ce que nous croyons. Peut-être qu'elle a raison, à ce stade il est impossible d'en être certain. Pour ma part je me tiens à bonne distance de toute colère inutile. Je dois déjà composer avec l'angoisse que toute cette situation me fait vivre, et j'ai bien assez d'une émotion aussi oppressante à la fois. La petite blonde à le ton et le regard durs par moments, mais je ne lui en tiens pas rigueur. Elle, elle n’a pas dormi, et elle a suivi Daniel au fil des heures sans rien pouvoir faire d'autre que s'inquiéter. “Je sais, c'est rien.” Comme toujours, l’erreur consiste à vouloir s'informer soi-même sur la moindre maladie que l’on nous suggère, même la pire -surtout la pire. Pour savoir. Savoir à quoi s'attendre, les cas de figure possible. Mais il n'y a pas de nuance dans ces recherches, rien de vraiment fiable, qu'importe le sérieux des sites sur lesquels on tombe. Internet n’est pas médecin. Nous non plus. Les autres parents non plus. “On ne sait pas.” je murmure en haussant les épaules. “Et tu sais qu'Internet n’est qu'un excellent moyen de paniquer.” Qu'importe à quel point Joanne souhaite avoir des réponses, il n’y a qu'ici que nous en aurons. Le reste, ce n’est que la peur qui parle. L'échographie nous permettra peut-être d'y voir plus clair. Je réalise, un peu tard, que je ne devrais pas parler trop vite. D'autant plus que Joanne est à fleur de peau, plus que jamais, et qu'il est impossible de prédire ses réactions. Ce n’est pas le moment d’en rajouter. La jeune femme pourrait faire de moi le nouveau coupable et je n’y tiens vraiment pas. Le résultat de l’examen déterminera ce qu'il est nécessaire de dire ou non. “Ca peut attendre. Pour le moment l'important c'est de savoir ce qu'il a.” dis-je en passant mes mains dans son dos pour la rassurer. Je réponds à ses angoisses par un baiser sur le front. Il n’y a rien d'autre à dire où à faire que d'espérer que ce n’est rien de grave, et que Daniel ira mieux. Je prends la place de Joanne dans la chaise près du petit. Ma main, qui a toujours l'air immense par rapport à son visage, caresse tendrement sa joue toute douce mais bien trop chaude. “Ça va aller, trésor. On est là…” D'un geste machinal, je remets la peluche tout contre lui, ses petites forces la lui faisant glisser petit à petit. “Et ton doudou aussi, il veut que son copain aille mieux pour retourner jouer.” Furtivement, je me dis que je pourrais profiter d'avoir mon propre fils dans le service pour voir si Ginny n’y est pas aussi. Quand j’aurai un moment j’irai probablement vagabonder à sa recherche, histoire de prendre des nouvelles d'elle et de son petit. Puis mes pensées reviennent dans l'instant, dans la chambre, auprès de Daniel, ma main toujours posée sur l'ourson. “Il faudrait lui trouver un nom un jour, comme pour Dug.” Faute de réussir à prononcer duck correctement malgré toute la bonne volonté du monde, le canard en peluche de mon fils a adopté pour nom cette petite faute de diction que je n’avais même pas à coeur de lui corriger tant je trouvais ça adorable. La petite tête de Daniel glisse un peu sur l'oreiller, lourde, brûlante. Il a une moue si fatiguée. S'il a un peu de temps devant lui avant l'échographie, autant qu'il se repose. “Tu veux une histoire ?” je propose, sachant que cela l’aide toujours à s'endormir. Une histoire, une chanson, et c'est un garçon endormi que nous pouvons lover au fond de son lit. Et s'il ne dort pas, cela passera le temps. Faute de livre, l’ourson fait office de marionnette pour lui raconter la quête du pouvoir magique qui guérit tout, et qui n’est autre, à la fin, qu'un baiser sur le bout du nez.
Certains parviendraient à justifier la colère de Joanne, d'autres non. Elle avait eu des heures pour y penser et elle avait certainement besoin de trouver un coupable. Jamie ne tenit pas rigueur de ces instants de colère qu'elle avait besoin d'évacuer après ces interminables heures d'attente et une nuit sans sommeil, à surveiller le moindre détail pouvant potentiellement apparaître auprès de Daniel. Comme elle avait énormément de temps à tuer, la jeune femme avait fait de longues recherches sur internet pour voir de quoi les médecins parler. Elle n'avait que ça à faire. Une part d'elle avait parfaitement conscience que ce n'était pas fiable, qu'il ne fallait pas croire mot pour mot ce que certains disaient. Mais la fatigue, l'inquiétude, et l'éternelle naïveté de Joanne pourraient lui faire gober n'importe quoi à ce stade. Et pour se décharger, elle avait besoin d'un coupable, de quelque chose de concret et d'existant sur lequel elle pouvait s'acharner. Donc oui, au fond, le web n'était qu'un excellent moyen de la faire paniquer davantage. Jamie la gardait contre elle, caressant son dos alors qu'elle continuait d'angoisser. En revanche, le bel homme ne semblait toujours pas enclin de partager ce quelque chose qu'il avait à dire. Ce simple comportement laissait comprendre qu'il ne s'agissait pas d'une bonne nouvelle ou quelque chose qui avait bonne augure. Ceci ne fit que décupler l'angoisse de la jeune femme, qui commençait à faire quelques pas dans la chambre en jouant avec ses doigts. Jamie s'occupait de rester auprès de leur fils, de le rassurer à son tour. La petite blonde n'écoutait pas vraiment ce qu'il se passait. Sentant ses jambes faiblir, elle s'adossa contre l'un des murs de la chambre et finit par se laisser glisser jusqu'à ce qu'elle soit assise par terre. Le sol était froid, bien peu confortable. Sa tête lourde finit par s'appuyer contre le coin de la pièce, puisqu'elle se trouvait à cet endroit là. Ses paupières finirent par se fermer. Elle ne savait pas combien de temps elle avait somnolé, mais ce n'était que quelques minutes au fond. Elle rouvrit les yeux en sursaut, préférant lutter contre le sommeil plutôt que de cauchemarder encore une fois. Joanne finit par se relever, et se rapprocha du lit de son fils qui était distrait par Jamie avec ses petites histoires inventées. La jeune maman finit par sortir la tétine de son sac, se disant qu'il apprécierait tout de même par suçoter quelque chose en attendant, et Daniel accepta volontiers. Le temps était affreusement long, chaque moment de silence, pesant. La porte finit par s'ouvrir, faisant apparaître un cardiologue, muni d'un échographe. Le médecin était particulièrement froid, voire même antipathique. Il était bien difficile de lui arracher un simple bonjour. Son visage était de marbre derrière des lunettes qui le rendaient particulièrement sévère. "Il n'y a pas d'endocardite." souffla-t-il tout en rangeant son matériel. C'était la phrase la plus longue qu'il avait dit durant toute la durée durant laquelle il se trouvait dans la chambre. C'était un premier soulagement, bien que Joanne était un peu abasourdie par le comportement du cardiologue. Quelques minutes plus tard, Daniel avait fini par s'assoupir. Joanne sourit légèrement en le voyant, rassurée qu'il parvienne enfin à se reposer un tant soit peu. On le voyait toujours suçoter activement sa tétine. Près du lit, elle l'observait avec tendresse. "Il est tellement beau." souffla-t-elle tout bas. Même malade, même mal en point. "Comme son papa." C'était loin d'être la première fois qu'ils se félicitaient d'avoir un bébé si bien constitué. Elle se pencha pour embrasser Daniel sur son front et lui caresser les cheveux. Les heures défilaient, c'était interminable. Enfin, le pédiatre fit son apparition, l'air serein. "Nous avons les résultats de la ponction." dit-il dans un premier temps. Le regard insistant de Joanne ne le fit pas attendre le plus longtemps "Il a effectivement une méningite, mais c'est une méningite virale. C'est bénin, et Daniel n'a pas besoin d'être sous antibiotiques." expliqua-t-il. "Cependant, je préférerai le garder en surveillance pour le reste de la journée, pour voir s'il se réalimente. Si c'est le cas, il pourra rentrer à la maison. En général, ça prend une bonne semaine pour que la totalité des symptômes disparaisse, parfois deux. Mais le plus difficile pour lui sont les premiers jours. Penser bien à lui donner du paracétamol en systématique pour la fièvre, c'est ce qui le gêne le plus. Il se peut aussi qu'il soit par moment intolérant à la lumière, il suffira d'assombrir la pièce le temps que le malaise ne passe. Mais rien d'alarmant, je vous assure." ajouta-t-il. "Je repasserai ce soir pour voir ce qu'il en est. N'hésitez pas à demander aux infirmières de rapport de quoi manger pour le petit. Qu'importe si ce n'est que du sucré, que du salé, à partir du moment qu'il accepte de se nourrir, c'est pour le moment le plus important." Il fit un signe de tête amical avant de quitter la pièce, laissant derrière lui une Joanne bien soulagée, bien que toujours épuisée, avec encore une certaine inquiétude, mais qui ne concernait désormais que la réalimentation de Daniel.
Please, no more words, thoughts from a severed head. No more praise. Tell me once my heart goes right. Take me home.
Daniel a récupéré sa peluche lorsqu'il en eut assez des histoires et qu'il préférait somnoler au calme en sa compagnie. Atonique, il n'a véritablement la volonté de rien. Régulièrement, je passe le dos de ma main sur sa joue, son front, afin de constater que la fièvre baisse un peu ou non. Mais a force, je ne le sais plus vraiment moi-même. Le silence ne me dérange pas plus que de ne rien faire, alors je déambule dans la chambre et le couloir, dans l'attente du cardiologue. Lorsque celui de montre, aussi aimable qu'une porte de prison, nous n'échangeons pas un regard, pas un mot. Il déballe son matériel, fait l'examen, remballe et lâche son diagnostic. Rien à signaler. De soulagement, ce poids en moins sur mes épaules, je me rasseois et souffle. "Merci." Pas tant le médecin que la bonne étoile qui a Daniel à la bonne décidément. Je sens que Joanne accueille aussi cette nouvelle bien volontiers, même si elle n'a pas encore l'esprit tranquille ; savoir ce que le petit n'a pas, ce n'est toujours pas savoir ce qu'il a. Il reste les résultats de la ponction à connaître. Pendant que Daniel dort un peu, je laisse la jeune femme avec lui le temps de partir à la recherche de Ginny comme j'y songeais plus tôt. Après tout, il n'y a rien de mieux à faire que d'aller fournir et recevoir du soutien, et la belle brune et moi n’avons pas tant que ça l'occasion de nous voir. Certes, de meilleures circonstances auraient été appréciées. Je la trouve bel et bien auprès de Noah et nous échangeons quelques mots sans grande importance, mais qui suffisent à nous faire prendre une pause dans nos rôles de parents inquiets. Dans les couloirs je trouve de quoi grignoter à nouveau ; Joanne est peut-être capable de se nourrir comme un oiseau pendant vingt-quatre heures mais cela ne fait pas partie de ma constitution. Après tout, se rendre malade ne fait strictement rien avancer. Les prochaines nouvelles que l’on nous donne prennent encore quelques heures avant de nous parvenir. C'est le pédiatre lui-même qui nous livre la bonne nouvelle elle ; même si le mot méningite est prononcé, il s'agit d'une forme bénigne dont Daniel se remettra en quelques jours. S'il se repose et s’alimente correctement, il sera parfaitement sur pieds d'ici deux semaines. Une fois seuls, je m’approche de Joanne et pose mes mains sur ses épaules sûrement plus légères elles aussi ; "Tu vois, ça n'était rien de grave." dis-je avec un sourire, enfin apaisé. Puis je me fais une petite place au bord du lit de Daniel pour m'asseoir à côté de lui. "Tu rentreras bientôt à la maison." Il somnole, sonné, engourdi. Sa tête roule sur l'oreiller jusqu'à se poser contre mon bras. "papa..." il souffle tout bas en émergeant un peu, pour mieux se rendormir. Joanne devrait prendre exemple et se reposer également. Désormais il n’y a rien d'autre à faire qu'attendre qu'il aille mieux. Au bout d'une heure, Daniel se réveille pour de bon, ses tout petits yeux ont néanmoins bien du mal à s'ouvrir et supporter le poids de ses paupières. "Tu sais ce qui ferait plaisir à papa ? Que tu boives un petit peu." Je tends mon bras vers la tablette près de nous et atteint le biberon du bout des doigts. Le petit troque sa tétine contre celui-ci, et avec un peu d'aide, il boit deux ou trois petites gorgées pour la forme. "C'est parfait bonhomme." C'est surtout mieux que rien. Il reçoit un baiser sur le haut du crâne en récompense et peut reprendre son câlin contre mon bras. Le silence qui règne dans la chambre ne me pousse pas à meubler cette fois. Joanne est sûrement trop fatiguée pour parler de quoi que ce soit, et il m’arrange bien de ne pas avoir à revenir sur ce que j'aurais pu lui dire tout à l'heure. Il serait encore mieux qu'elle l’oublie tout simplement. Cela n’a plus d'importance de toute manière. Plus tard, voulant me dégourdir les jambes et m’arracher à l’ennui, je me lève et ne prend avec moi que mon téléphone afin de rester joignable. "Je devrais faire un saut à la radio pour voir les dégâts de la journée, je pense que je serai de retour dans deux heures max." dis-je à Joanne en attendant son approbation pour partir.
Joanne avait le coeur bien plus léger, mais tout n’était pas encore gagné. C’était une chose d’avoir pu poser un diagnostic. On pouvait traiter les symptômes, faire en sorte que le petit vive au mieux les jours à venir, mais il fallait aussi espérer qu’il accepte de se nourrir à nouveau. Joanne ne pouvait que bien le comprendre. Lorsque l’on est malade, même les aliments que l’on préfère ne nous donne guère d’appétit et il faut se forcer pour espérer guérir un peu plus rapidement. D’autres assiettes donnent la nausée et même l’eau semble avoir mauvais goût en bouche. Une fois qu’ils étaient laissés seuls, Jamie s’approcha de la petite blonde pour poser ses mains sur ses épaules. Oui, finalement, ce n’était pas si grave, bien qu’il y avait eu largement de quoi s’inquiéter. Il fallait juste qu’il accepte de se nourrir afin d’espérer que le petit ne passe pas la nuit à l’hôpital. Elle acquiesça d’un signe de tête et passa une main sur son propre visage en lâchant un long soupir pour évacuer ce trop plein de stress. Jamie s’approcha ensuite de leur fils pour le rassurer également. Les bras croisés, la petite blonde regardait cette petite scène de tendresse de ses yeux fatigués. Daniel acceptait même de boire quelques gorgées de son biberon de lait. Ce n’était rien comparé à son appétit habituel, mais c’était la première fois qu’il acceptait d’avaler quelque chose depuis la veille, ce qui, en soit, était déjà une merveilleuse nouvelle. Il continuait de somnoler ensuite tout contre son père, blotti contre lui. Joanne avait quelques moments d’absence tant elle était fatiguée. Elle ne savait pas elle-même comment elle parvenait à tenir debout sur ses deux jambes. Jamie, quant à lui, n’arrivait plus vraiment à tenir en place. Joanne le reconnaissait bien là. Il se leva et récupéra ses affaires, annonçant qu’il comptait faire un tour à la station radio pour voir ce qu’il avait pu se passer en son absence. “Jamie…” l’interpella-t-elle tout bas en levant les yeux vers lui. “Tu voulais me parler de quelque chose tout à l’heure.” Elle haussa les épaules. “Nous avons eu les résultats d’examen, nous avons eu un diagnostic, alors tu peux m’en parler maintenant.” Elle avait l’étrange impression qu’il tentait d’éviter le sujet, à force de se donner toujours des prétextes pour retarder l’échéance. Ce ne devait pas être une bonne nouvelle, ou peut-être qu'il s'agissait de quelque chose dont il n'était pas particulièrement fier. Joanne voulait tout de même savoir. “Ca avait l’air d’être important.” Le petit se mit à se manifester, réclamant la présence d’au moins un de ses parents juste à côté de lui. Joanne s’approcha alors du lit pour s’asseoir auprès de lui. Elle déposa un baiser sur son front et lui tint la main, qu’elle caressait également avec son pouce. Sa gestuelle laissait comprendre qu’il voulait bien plus qu’un petit baiser ou qu’on lui tienne la main. Bien qu’elle n’était pas trop confortable à cette idée, la jeune maman finit par le prendre dans ses bras en faisant extrêmement à la perfusion que l’on avait posé à son pied. Avec un peu de chance, il ne la gardera pas bien longtemps. Daniel était tourné vers elle, tout contre elle, la tête lourdement posée contre son torse. Joanne lui caressait doucement le dos et faisait un léger mouvement de balancement pour le bercer. Quelques heures de sommeil ne lui feraient pas vraiment de mal. “Est-ce que ce serait trop… demandé de ramener à manger de l’extérieur, quand tu reviendras ? Quelque chose de chaud. Un traiteur chinois, des pâtes, qu’importe.” demanda-t-elle. Elle avait de l’appétit, mais pour quelque chose de salé, et quelque chose de chaud. Joanne prit d’une seule main son porte-monnaie dans le sac à main qu’elle avait posé juste à côté du lit de Daniel pour en sortir quelques billets qu’elle tendit au bel homme. “Prends toi quelque chose pour toi aussi, en passant.” S’ils doivent dîner ici, autant qu’ils le fassent ensemble. “Ca ne sera pas un restaurant quatre étoiles, mais il y a d’excellents traiteurs au centre-ville.” dit-elle avec un fin sourire. “Et ça reste bien meilleure qu’un plateau d’hôpital.” Joanne se permit même de lâcher un petit rire, quoi que celui-ci fut un peu nerveux. Lui comme elle savait bien que la nourriture ici n’était pas la meilleure qui soit, ils avaient suffisamment d’expérience en la matière.
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Avant de partir, Joanne l’interpelle sur ce que j'ai failli lui dire un peu plus tôt, avant l'échographie de Daniel. Les sourcils froncés, je la dévisage, l'air de ne pas comprendre de quoi elle parle, de ne pas me souvenir. “Vraiment ?” La bouche pincée, je secoue négativement la tête ; non, décidément, ça ne me revient pas. Mais elle, elle n’oublie pas, elle ne laissera pas passer ce non dit. Faire l’idiot ne me tire pas d'affaire, alors cette fois je fais comme si un éclair de lucidité me traverse l'esprit et que la mémoire me revient grâce à une intervention divine. “Ah, ça… Ça n’était pas si important. Je t'assure.” Je balaye le sujet d'un geste de la main. Bien sûr, c'est un mensonge. Ou disons, un report de vérité. Cela peut bien attendre un meilleur moment. C'était important avant, maintenant, il n'y a plus de raisons d'inquiéter qui que ce soit. La seule chose qui importe, ce n’est pas cette phrase qui n'a jamais été terminée, c'est que Daniel s'en sorte bien et qu'il soit bientôt sur pieds. Voyant qu'il n'y a rien à me soutirer, et que le petit réclame une présence à ses côtés, le sujet est abandonné. Je fais un nouveau pas vers la sortie, et suis à nouveau interrompu par la petite blonde qui propose que j'apporte le dîner pour tout le monde en revenant de la radio. “Bien sûr, pas de problème.” dis-je avec un large sourire. La jeune femme sort des billets de son sac à main et suggère que je prenne quelque chose pour moi aussi -ce qui laisse la désagréable impression que je n'étais pas prévu dès le départ et qu'elle me fait une fleur en me permettant de dîner avec eux finalement, comme si j'étais un invité dans la chambre d'hôpital de mon fils, une option dans le décor. Je regarde les billets avec amertume, mais je garde le sourire, comme si de rien n'était. “Sérieusement Joanne ? C’est pour moi. Tu pourras nous payer le vrai resto quatre étoiles la prochaine fois si tu veux.” Je retourne furtivement auprès de Daniel le temps de l'embrasser sur le front et de lui dire que je reviens vite, puis cette fois, je mets les deux pieds hors de la chambre. Prends toi quelque chose en passant, je me répète. Comme si j'avais besoin d'une autorisation pour être auprès de Daniel. Nous serions chez elle, je comprendrais de devoir attendre d'être invité à rester, mais ici ? J’attends dans le parking, les mains sur le volant, le temps de faire passer cette pensée à coups de grandes inspirations. J'essaye d'avoir l'esprit clair avant de conduire. Ce n’est qu'une fois que mon esprit est dégagé de ses nuages que je démarre le moteur et prends la route d’abc. Ce n’est qu'une courte visite afin de m'informer des événements de la journée, obtenir quelques comptes rendus ici et là, m’assurer que l'open space n’a pas explosé en mon absence. Tout s’est bien passé sans moi. Au moins, je peux être sûr qu'ils ne seront pas tous perdus lorsque je partirai, et je ne laisserai pas un champ de bataille derrière moi. L'arrêt suivant est chez un traiteur chinois dont je suis habitué. Lorsque nous avions envie de ce genre de cuisine avec Joanne, c'était ici que nous commandions. J’avais donc cessé de venir. Cela me semblait être une bonne opportunité de revenir. Et finalement, j'ai changé d’avis. L’odeur de la nourriture a complètement envahi l’habitacle de la voiture, puis elle m’accompagne et me suit dans les couloirs de l'hôpital où je suis regardé tantôt de travers, tantôt avec amusement. Lorsque je retrouve la chambre de Daniel, mes bras sont chargés de deux grands cartons. “Quoi ? On avait pas dit pizza ?” dis-je avec mon air faussement étonné. “J’aurais juré que tu avais dit pizza. Une quatre fromages et une reine. Je m'en souviens très bien. Enfin, maintenant qu'elles sont là… autant les manger, hm ? Il ne faudrait pas gâcher.” Avec mon sourire de grand gosse, je dépose le tout sur la tablette du lit de Daniel, que l'odeur rend soudainement bien plus éveillé. Les belles couleurs du fromage fondu et de la sauce tomate brillent dans ses grands yeux bleus. “Tu sens ça ? Est-ce que ça t'inspire, Daniel ?” Qu'importe la maladie, qu'importe la fatigue, l'angoisse, qu'importe l'émotion à vrai dire et qu'importe l'occasion, avec ou sans faim, personne ne dit non à une part de pizza.
Joanne n'aimait pas cette impression qui se mit à régner dans la pièce. Finalement, il avait décidé que ce n'était pas important de dire quoi que ce soit, alors qu'un peu plus tôt, il avait jugé bon de le partager au moment où leur fils était au plus mal. Apparemment, ce n'était pas si grave, selon lui. Le geste de la main concluait ce sujet de conversation là. Joanne baissa les yeux et se passa de tout commentaire. Que pouvait-elle dire de plus ? Le comportement de Daniel et son envie d'être bichonnée était certainement une aubaine pour son père, du fait que cela permettait de couper court à la conversation et d'empêcher Joanne de se montrer insistante. Après quoi, Joanne avait eu l'impression que ce fossé s'était à nouveau creusé entre eux, par le simple regard que lançait Jamie sur les billets qu'elle lui tendait. Il souriait, certes, mais cela ne concordait pas avec l'expression de ses yeux. Il y avait certainement un énorme quiproquo. Si elle l'avait invité à se prendre quelque chose, c'était uniquement pour s'assurer qu'il pense bien à lui et qu'il se nourrisse également. Bien sûr qu'elle l'avait inclus d'office pour dîner le soir-même, bien sûr qu'elle savait qu'il allait revenir pour rester auprès du petit. Elle ne comprenait pas pourquoi il se montrait d'un coup si susceptible alors qu'ils ne s'étaient tout simplement pas compris. Joanne ne voulait que se montrer bienveillante, mais c'était appremment bien raté. Aussi, elle ne savait pas si elle devait prendre ce qu'il lui avait répondu sur le ton de la plaisanterie, pour le restaurant quatre étoiles. Joanne ne se permettrait déjà pas de se payer un tel luxe, surtout que son contrat était bien fini et qu'elle n'avait pas de nouvelles des candidatures qu'elle avait envoyée. C'était une ambiance particulièrement étrange et froide que Jamie laissait derrière lui en quittant la chambre. Joanne cherchait à comprendre ce qu'elle avait mal fait, encore une fois. Daniel était bien calme, tout collé contre elle. Comme à son habitude, elle pensait, elle pensait beaucoup trop. Le bel homme réapparut quelques heures plus tard avec des pizzas en main, comme si de rien n'était. Il avait un large sourire et l'expression quelque peu enfantine, bien fier de son coup. L'odeur des pizzas envahit rapidement toute la chambre d'hôpital et titillait même le nez gourmet de Daniel, qui ouvrit avec beaucoup moins de mal qu'auparavant ses paupières. "Merci beaucoup." répondit-elle avec un large sourire. Les pizzas posés sur l'adaptable, le regard du petit s'illumina dès que Jamie ouvrit le carton. "Papa a ramené le remède miracle, c'est ça ?" dit-elle avec un petit rire. Tout en gardant la tétine en bouche, il fit un sourire sacrément malicieux en guise de réponse à la question posée par Jamie. Ca faisait énormément plaisir à Joanne, de le revoir sourire ainsi. "C'est le meilleur des docteurs, papa, tu ne crois pas ?" lui souffla-t-elle en embrassant le haut de sa tête. Joanne fit délicatement pivoter son fils afin que celui-ci puisse s'adosser contre sa mère. Il commençait à agiter un peu ses bras d'enthousiasme en voyant Jamie bien recouper les tranches de pizza. "Oui, oui, ça vient." Il crachait même sa tétine et retenait sa respiration en voyant la main de Jamie lui apporter un petit morceau jusqu'à sa bouche. Joanne prit également une part, commençant à sentir son estomac grogner un peu – phénomène assez rare chez elle. "Tu nous a conquis tous les deux avec ce choix de pizza." dit-elle après avoir mangé une première part, et voyant que Daniel semblait aussi être très satisfait du dîner. "Les pizzas sont vraiment délicieuses, tu les as trouvé où ?" Le reste du dîner se passait sans encombre. Le petit mangeait bien plus que qui que ce soit n'aurait pu l'espérer. Ce n'était pas non plus une quantité vertigineuse, mais il semblait avoir gagné en vitalité en mangeant un petit peu. Le pédiatre, une fois qu'il était rentré dans la chambre, fut surpris du dîner improvisé dans la pièce, mais était satisfait que le petit ait déjà autant repris du poil de la bête. "C'est un costaud, ce petit." commenta-t-il avec un discret sourire. Il annonçait ensuite qu'il allait envoyer une infirmière pour retirer la perfusion, mais qu'ils allaient encore devoir patienter un petit peu le temps de faire toute la paperasse pour que tout soit en ordre, notamment les ordonnances des médicaments qu'ils pourront utiliser si jamais les symptômes commençaient à trop gêner Daniel dans les jours à venir. Joanne remercia chaleureusement le pédiatre. "Quelle journée." soupira la jeune femme en baillant discrètement. "ABC n'a pas implosé durant ton absence ?" demanda-t-elle avec un léger rire Joanne savait que malgré l'ambiance régnante à la station, la présence de Jamie était souvent primordial et peu voulait reconnaître que l'on dépendait encore beaucoup de lui. Elle se souvenait de ces moments où il était sollicité en permanence. Mais Joanne ne lui en avait jamais tenu rigueur, et cela semblait surtout embêter Jamie sur le coup, d’être ainsi dérangé constamment. “J’ai le livre dans mon sac à main, je me suis dit que tu voudrais peut-être le récupérer.” Parce qu’elle savait qu’il viendrait. “Tu disais que tu voulais le numériser pour l’envoyer aux chercheurs…” Elle sourit discrètement. Que Jamie et elle aient une connexion avec le deux amoureux ou non, malgré leurs très nombreuses similitudes, cela restait une belle histoire. Une histoire tragique, avec une fin difficile à lire. Mais c’était une preuve pour Joanne que l’amour pouvait être insurmontable. Que ni même la maladie, la différence de caractère et de milieu ne pouvaient défier. Et ça, elle avait besoin de le savoir, pour la grande romantique qu’elle était, pour celle qui perdait espoir, et qui, finalement, avait fini par se dire que ce en quoi elle croyait était bel et bien réel.
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Les pizzas sot accueillies avec des sourires et des petites étincelles dans les yeux. La bouille de Daniel me rappelle un peu Florence, la hâte qu'il avait dès qu'il s'agissait de déguster des spécialités italiennes. Autant sa mère est passionnée par l'Histoire du pays, le petit garçon s'est lui pris de passion pour ce qu'ils mettent dans leurs assiettes. Il ne mangera sûrement pas grand-chose, mais quelques bouchées seront déjà mieux que rien, et je sais que ce goût lui fera bien plus plaisir que de la nourriture d'hôpital. Autant se forcer un peu pour quelque chose d'agréable -quoi que je ne pense pas qu'il aura à se forcer. Je ris parfois, en le voyant s'agiter dès que j'ouvre les cartons et dévoile les pizzas, quand l'odeur embaume toute la chambre et ouvre l'appétit de tout de monde. Un remède miracle, oui, si on veut. Mieux que n'importe quel médicament. Quand l'apétit va, tout va, après tout, n'est-ce pas ? « Bien sûr qu'il l'est, personne ne sait mieux que papa comment guérir son bonhomme. » dis-je en adressant un clin d'oeil à mon fils qui a déjà hâte de croquer le premier morceau. Pour le faire patienter, je lui en tends un qu'il mâchouille gaiement. Puis c'est au tour de Joanne puis au mien de goûter à ces délices. Il n'y a rien à redire, que ce soit à propos de la pâte que de la fraîcheur des ingrédients ou de la cuisson, une part glisse dans l'estomac après l'autre sans efforts. « La pizzeria juste à côté du chinois où nous avions l'habitude de commander. » je réponds à Joanne avec un petit sourire, un brin nostalgique, ne sachant pas si c'est une bonne chose d'avoir eu en l'idée d'aller chez eux dans un premier temps, en me disant « comme avant ». Le choix final me semble préférable quoi qu'il en soit, faisant l'unanimité. J'observe Daniel qui grignote volontiers, bout après bout, les morceaux que je lui coupe. Il remplit un peu son petit estomac et retrouve quelques forces, ce qui ne laisse présager que des bonnes choses pour les prochains jours. Comme le dit le médecin qui passe nous rendre visite à l'improviste pendant que je range les cartons des pizzas bien entamées, mon garçon est un costaud. « Comme son papa. » j'ajoute avec un sourire malicieux, en espérant que cela soit bien vrai. Plus tard, quelqu'un viendra ôter la perfusion de Daniel et nous aurons la liste des médicaments à lui administrer tous les jours. Enfin, que Joanne devra lui administrer. La prochaine fois qu'il viendra chez moi, je le retrouverai sûrement en bien meilleure santé. Pendant sa digestion, Daniel joue avec sa peluche. La jeune femme, elle, prend des nouvelles de ce travail qui m'a éloigné de hôpital une poignée d'heures. « Non, ils se débrouillent très bien sans moi. Ma collègue a pris le relais. Je pense qu'elle s'en sortira très bien seule quand je ne serai plus là. A vrai dire, je pense que ça sera un soulagement pour tout le monde. » Bien sûr, personne à la radio ne sait que je compte partir pour le moment, mais c'est dans l'air, quelque part, ils peuvent s'en douter. Je n'ai pas la même implication, la même passion qu'avant pour ce poste. Je suis lassé, écoeuré, je ne demande qu'à découvrir de nouveaux horizons et laisser la place à quelqu'un qui sera plus motivé que moi. Et pour une position pareille les prétendants courent les rues. Je n'attends que le feu vert de GQ pour déposer mon préavis et débarrasser mon bureau, en espérant que cela se fasse aussi vite que possible. J'ai besoin de changer d'air. Je suis comme un hamster dans sa roue lorsque je ferme la porte de mon bureau. Joanne, sachant que nous nous retrouverions ici, a apporté le livre qu'elle m'avait emprunté afin de me le rendre. « Si tu as terminé avec, oui, volontiers. » Elle n'a pas oublié que je dois en communiquer le contenu à l'équipe en Italie, car ils pourraient en faire bon usage. « J'espère qu'ils en tireront quelque chose et que nous n'avons pas tiré de conclusions trop hâtives. » Auquel cas, eh bien, nous aurons eu une bonne occasion de faire marcher notre imagination ensemble. J'ai toujours été plus pragmatique que Joanne, mais elle savait me faire rêver et me rendre songeur. Elle savait créer des mondes pour nous deux et m'y faire voyager. En investissant dans ces recherches c'est moi qui, à ma manière, ait tenté de nourrir ses fantaisies. J'y crois plus qu'elle désormais, c'est assez désolant, mais l'investissement n'a pas été vain. Elle a pu rêver au sujet de Grace et Celso quand elle en avait besoin. Elle a pu s'éprendre d'eux, s'en passionner quand les temps étaient durs. Je vivais simplement dans le joli rêve que toutes ces découvertes suffiraient à balayer ses doutes et à l faire revenir vers moi. C'était idiot, de la part d'un homme qui n'est habituellement pas aussi naïf. « Des nouvelles du QAGOMA ? » je demande à mon tour, étonné que le sujet ne soit pas revenu sur le tapis depuis que j'ai mis la jeune femme en contact avec Peter. J'aimerais tant pour elle qu'elle obtienne ce poste, qu'elle puisse faire ce qu'elle aime dans un endroit aussi remarquable. Peter avait l'air emballé, reste à savoir si son sourire n'était qu'une façade ou si le recrutement est une question de temps.
"Même pas maman ?" demanda alors Joanne avec un regard taquin. Ce n'était que par plaisanterie, bien évidemment. Jamie était papa, et même s'il se jugeait maladroit ou peut-être parfois pas fait pour être père, l'instinct revenait au galop et il avait très vite eu le coup de main. Que ce soit pour le porter, le changer, le nourrir ou guérir n'importe quel mal. Joanne n'avait jamais douté de ses capacités d'être père, même à la période où il disait clairement qu'il ne voudrait jamais être père, tant il avait peur qu'il hérite des traits de sa famille. Apparemment, le petit avait hérité de tous ses atouts. Il ne faisait pratiquement jamais de colère, mais Joanne était restée touchée par le comportement que le petit avait eu lorsqu'ils étaient à Londres, lorsqu'il refusait catégoriquement que sa mère soit auprès de lui. Parfois, Daniel était un peu contrarié parce que Joanne. Le petit, là, mangeait avec un appétit quasi inespéré. La pizza avait toujours un franc succès chez les enfants, peut-être encore plus chez Daniel, qui avait pris un sacré goût à la gastronomie italienne durant leur séjour à Florence. Le bel homme répondit qu'il avait trouvé ces pizzas juste à côté du chinois où ils allaient habituellement, pendant un temps. Joanne se demandait alors s'il avait d'abord l'intention de passer par ce dernier avant de se laisser charmer par la pizzeria. A moins que la symbolique et les souvenirs derrière ce traiteur chinois l'aient incité à voir ailleurs. Le pédiatre passait pour là pour voir comment les choses se présentaient, et semblait satisfait de voir ce qu'il voyait, même si cela lui semblait tout du moins insolite. Daniel avait fini de manger et il prit ses aises sur les genoux de sa mère, se vautrant littéralement contre son torse pour démarrer sa digestion. C'est plus que Joanne n'aurait pu l'espérer. Aussi solide que son papa, au moins autant d'appétit que lui aussi. Il tenait bien plus de Jamie que lui-même ne le penserait. La jeune femme était soulagée de voir que rien qu'en une journée, son fils allait un peu mieux. Certes, il y allait avoir des périodes où il allait être un peu moins bien, mais elle savait quoi faire. A la station radio, rien à signaler. Joanne devinait dans le ton de sa voix qu'il avait tout simplement hâte de quitter la station et de passer enfin à autre chose. C'était tout ce qu'elle espérait pour lui, vraiment. Elle était certaine qu'il s'y plairait, à GQ. Un tout autre domaine dans lequel il avait déjà un oeil expert, il allait énormément apporter à ce magazine, elle le savait. "Je suis certaine que tu t'y plairas. Qu'ils te prendront déjà. Et ce sera bénéfique pour toi, mais aussi pour GQ." dit-elle avec un ton on ne peut plus sincère. La jeune femme lui proposait ensuite de lui restituer le livre qu'elle avait eu le temps de lire et de relire encore et encore. Elle se pencha alors pour fouiller d'une main dans son sac à main. Elle tendait le livre à Jamie, tenant l'ouvrage avec toujours autant d'attention et de délicatesse. "Je pense que oui, j'ai bon espoir." Peut-être qu'il y avait des moments écrits qui étaient un peu fantaisistes, mais Joanne se disait qu'il devait y avoir au moins un fond de vérité, des parties de cette histoire, de leur histoire, qui étaient vraies. Jamie s'intéressait ensuite au futur professionnel de Joanne, certainement perplexe qu'elle n'en ait pas parlé davantage jusque là. "Peter m'a appelée la semaine dernière, pour me confirmer qu'il avait bien reçu mon CV et ma lettre de motivation et il m'a dit qu'ils commençaient les entretiens d'embauche. Et qu'on me contacterait pour fixer le mien, mais je n'ai pas encore de nouvelles." Elle haussa les épaules. "Difficile à dire s'il a été convaincu parce qu'il a lu ou pas, je n'ai pas su deviner quoi que ce soit dans le timbre de sa voix. Mais je suppose que c'est déjà une bonne chose, que l'on va me proposer une date pour un entretien." Bien évidemment, Joanne rêverait d'être embauchée, que tout se passe bien et qu'elle ait déjà fait bonne impression auprès de son éventuel futur supérieur. "J'ai hâte d'avoir une date, que ça se passe, et que je sois fixée. C'est un peu stressant, cette attente. Et j'adorerais avoir ce poste."confia-t-elle avec un sourire timide. "Et d'un côté, j'appréhende un petit peu. Ce sera de nouveau un temps plein et j'ai un petit peur de ne pas parvenir à gérer mon temps, entre Daniel et le boulot. Ca prendra du temps avant que je parvienne à me trouver un rythme, mais je pense que ça va être assez sportif si tout fonctionne comme je l'espère." Elle rit doucement. Etre parent et reprendre une vie active complète après autant de temps allait être épuisant au premier abord. "On a chacun un beau projet professionnel, j'espère que nous y parviendrons tous les deux. Ca nous ferait du bien, à chacun." Pour Jamie, ça lui permettrait de changer l'air et pour Joanne, de prendre tout simplement l'air. L'infirmière apparut pour retirer le cathéter à Daniel, libérant son petit pied. Joanne le rhabillait un petit peu pour qu'il n'attrape pas froid. Il n'y avait plus que les papiers à attendre. "La semaine prochaine, quand tu auras Daniel, j'irai à Perth. J'ai... J'ai envie de voir Nanny. Je n'y suis pas retournée depuis son enterrement." Elle savait que Jamie pourrait comprendre. "Mais je serai là à temps pour le récupérer. Ca fera un weekend court là-bas mais je ne pense pas vraiment avoir besoin de plus." Elle voulait juste se recueillir devant sa tombe, c'est tout.
Please, no more words, thoughts from a severed head. No more praise. Tell me once my heart goes right. Take me home.
Il y a deux facettes de la vie qui ont tendance à m'étouffer ; ne pouvoir voir mon fils qu'un weekend sur deux pour commencer, car l'attente de deux semaines entre chaque salle moments passés avec lui est affreusement longue et rien ne peut vraiment se substituer à sa bouille, puis le travail pour lequel je n'ai plus grand intérêt. Autant je m'attendais-je pas à avoir la côte auprès de mes collègues suite à ma rapide condamnation, et d'autant plus pour le motif en question, j'aurais pourtant espéré que les regards lourds restent à la porte du bâtiment de la chaîne et ne me suivent pas jusqu'à mon bureau. Je comprends pourquoi j'ai été éjecté des ondes, je ne remets pas cette décision en question non plus. Mais je crois que j'aurais encore préféré être remercié plutôt que d'avoir à supporter un air aussi plombé pendant des semaines. Des mois. Je ne me sens plus le bienvenu. Peut-être que cela n'est plus autant le cas que lorsque l'affaire était toute fraîche, mais il est trop tard. J'ai commencé à vouloir ce poste chez GQ, puis à m'en faire un objectif. Le genre d'objectif qui donne du courage jour après jour. Mon esprit est déjà loin d'ABC, ma motivation, ma passion aussi. À vrai dire, je ne devrais pas être aussi sûr de moi et de ce poste promis sur un coin de table. Je ne devrais pas être certain de ma capacité à faire oublier tout ce qu'il s'est passé. Tout le monde n'a pas la mémoire aussi courte que celle de Joanne, ni sa tolérance. Je sais qu'il est encore tôt, mais je ne sais pas pour combien de temps j'en ai encore. "Croisons les doigts pour eux alors." je réponds à la jeune femme avec un sourire malicieux, elle qui est si sûre que je peux apporter quelque chose de bien au magazine qui me fait de l'oeil. Tout ce que je sais, c'est que je m'y vois. À mon tour je prends des bijoux elles des aspirations professionnelles de la petite blonde, n'ayant pas eu de retour concernant sa candidature au poste de conservatrice au QAGOMA. Je mets une option sur un doute à propos de ce poste pour elle ; bien qu'elle ait les compétences, Joanne n'est pas du genre à se battre pour ce qu'elle veut, elle l'a prouvé de nombreuses fois, plus par peur que par mauvaise foi. Elle ne cherchera pas à avoir le poste de ses rêves, à faire en sorte qu'il ne lui passe pas sous le nez, quitte à forcer le destin de toutes les manières possibles. Je l'y ai déjà aidée en lui présentant Peter, le reste ne dépend que d'elle. En tout cas je pense qu'un entretien bien mené lui permettait de mettre en avant sa motivation, et elle n'en manque pas. L'on ne peut pas y être complètement insensible. Quelques battements de cils sur fond du prunelles bleues et l'emploi peut être dans sa poche. Je souris, amusé à la simple idée que Joanne puisse tenter de jouer de ses charmes ; ce n'est absolument pas elle. Le faux pas serait qu'elle se surprenne à étaler au RH tous les doutes qu'elle m'expose, à propos du numéro de jonglage qu'elle devra mettre en place pour équilibrer sa vie professionnelle et sa vie de mère. "Mais c'est pour la bonne cause." je la reprends. C'est pour qu'elle puisse faire le seul métier qui l'ait jamais profondément passionnée, et c'est une partie vitale de chaque jour. C'est ce qui permet de tenir par bien des occasions ; savoir que l'on passera une grande partie de la journée à faire quelque chose que l'on aime, qu'importe à quel point le reste tombe en morceaux. C'est ce qui m'a cruellement manqué quand nous nous sommes séparés. Nous sommes interrompus par une infirmière venant retirer la perfusion du petit pied de Daniel. Il grimace un peu, mais au moins il est libre de ses mouvements désormais. Rhabillé par sa mère, il se montre particulièrement calme et docile, sûrement frappé par un coup de fatigue. Pendant ce temps, la jeune femme m'informe de son futur week-end express à Perth afin de se recueillir auprès de sa grand-mère. Je me demande ce qui lui en fait ressentir le besoin -avant de réaliser qu'il n’y a pas besoin d'une raison précise pour ce genre de choses. "Tu peux prendre le temps que tu veux." je lui assure. Plus tard, les différents papiers nous sommes fournis, instructions, prescriptions, entre autres. Enfin libres de partir avec notre petit, nous ne nous faisons pas prier pour quitter cet endroit que nous connaissons malheureusement trop bien. "Tu vas pouvoir rentrer à la maison avec maman." dis-je en tapotant le nez de Daniel. Il comprend que nous pouvons partir, alors il tend immédiatement les bras en ma direction pour se faire porter -hors de question de marcher. "Viens-là." Je le prends dans mes bras, il s’accroche à mon tronc comme un petit koala, la tête molle posée sur mon épaule. Sur le chemin à travers les couloirs, je caresse tendrement ses cheveux, le berçant ainsi un peu. Il dormira sûrement dans la voiture. "Ne nous fait plus des frayeurs comme ça, hm ? Qu'est-ce qu'on ferait sans toi, notre petit rayon de soleil ambulant ?" La vérité, c'est que je ne peux plus imaginer mon existence sans lui. Je me revois dire que je n'aurais jamais d'enfants, et j'ai envie de coller une belle baffe à cette ancienne version de moi qui n’avait décidément pas la moindre idée de ce qu'il disait à l'époque. Et Daniel n’a pas hérité de les travers pour le moment, ou de ceux de Joanne. Il est magnifique, adorable, parfait. Quelle triste vie j'aurais mené sans lui. Mais le meilleur reste de savoir que ce n’est que le début, que nous avons encore bien des bêtises à faire ensemble, bien des aventures à mener, bien des leçons à apprendre l'un de l'autre. J’embrasse son front encore chaud avant de le déposer dans le siège auto de la voiture de Joanne. Je l'attache, puis l'embrasse à nouveau. "On se revoit bientôt." Dans un peu plus d'une semaine. Cela ne semble pas si difficile, dit comme ça, n’est-ce pas ? Pourtant je lâche un soupir avant de sortir la tête de l'habitacle. La portière fermée, je me tourne vers la petite blonde et lui adresse un fin sourire, quoi qu'un peu nerveux. "Et nous ? je demande timidement. Quand est-ce qu'on pourra se revoir ?" Sûrement après son retour de Perth, ce qui fera une attente encore plus longue. Mais c’est ce qu'il est convenu, de prendre le temps.
Si Joanne ne se lançait pas davantage pour obtenir ce poste qui était à ses yeux un emploi de rêve, elle avait peur. Elle se disait qu'elle en ferait de trop si elle appelait régulièrement pour voir où ça en était, elle aurait peur de déranger. Elle était plutôt du genre à attendre son tour, à rester à sa place sans forcer quoi que ce soit. L'on dirait qu'elle ne veut tout simplement pas se battre. Elle n'osait pas. Ce n'était pas un juste reflet de son envie d'obtenir ce poste. Ca ne se voyait peut-être pas, mais c'était bien là, en elle. Joanne comptait bien faire ses preuves, mais durant l'entretien d'embauche. Elle savait qu'elle était capable d'endosser un tel emploi, elle allait apprendre à gérer le prestige et la renommée du musée. A côté de cette volonté, il y avait l'appréhension. Gérer sa vie personnelle et professionnelle maintenant qu'elle avait un petit être à s'occuper à côté. Sa place était garantie à la crèche, ce n'était pas ça le problème. C'était en rentrant à la maison, jongler avec tout et faire en sorte que le petit ne se couche pas trop tard. Tout une réorganisation à prévoir si elle obtient ce poste. "Oui." répondit-elle lorsque Jamie précisait que c'était pour la bonne cause. Ca valait le coup d'essayer. La jeune femme savait que ça pourrait la sauver, en quelque sorte. Retrouver enfin un équilibre de vie, être une mère active, elle avait tout à y gagner en obtenant ce poste, elle en avait très bien conscience. Sa vie devait être cadrée par des impératifs, et le seul qu'elle avait en ce moment, c'était son fils. Elle avait ses consultations avec son psychologue. L'infirmière était venue retirer la perfusion de Daniel, et la jeune femme ne tardait pas à le rhabiller une fois que la soignante était partie. "Je ne pense pas que j'aurai besoin de plus de temps que le weekend." Joanne ne comptait pas vraiment s'y éterniser, bien que Perth soit sa ville natale. Une fois que tout était en ordre, personne ne se laissait prier pour partir loin d'ici. Daniel avait envie d'être dans les bras de son père et se laissait largement comprendre par de simples gestes. Il avait la tétine en bouche, des petits yeux, et voulait se blottir contre son géniteur. Joanne pliait les ordonnances et les mit dans son sac, espérant qu'une pharmacie était encore ouverte quelque part afin qu'elle puisse se procurer les médicaments dont elle pourrait avoir besoin si Daniel n'allait plus très bien. Elle avait toujours en réserve ce qu'il fallait pour faire baisser la température, mais pas le reste. Jamie avait bien raison: que feraient-ils sans lui, que seraient-ils ? Joanne ne préférait pas y penser, parce que ce n'était certainement rien de très positif. "Juste un petit rayon de soleil ?" souleva Joanne avec un large sourire. "C'est le soleil tout entier, oui !" Elle s'approcha embrassa Daniel sur sa joue. Ils sortient tous ensemble de l'hôpital, l'on pourrait croire qu'ils étaient une véritable famille. Jamie se chargeait de l'installer dans le cosy qui était dans la voiture. Il allait bientôt le revoir, mais une semaine avec un travail que l'on n'aimait, ça devait être particulièrement long. Une fois la portière fermée, Jamie s'adressa à Joanne. Elle ne s'y attendait pas vraiment, surtout après le regard que Jamie lui avait lancé un peu plus tôt, cette amertume. A vrai dire, la réflexion de la jeune femme l'avait même mené par se dire qu'il ne voudrait peut-être pas de rendez-vous galants avec elle pour le moment, vu le fiasco de la dernière fois. C'était une agréable surprise, qu'il ait toujours cette forte volonté malgré les gaffes constantes de celle qu'il aimait tant. "Eh bien... La semaine prochaine risque d'être assez compliquée, Daniel ne sera pas à la crèche et... J'ai pas mal de choses de prévu, et de choses à faire, que je dois vraiment faire." Des objectifs que Joanne tente de se donner, semaine après semaine, conseillé par son psychologue. Juste histoire de donner un sens à sa vie e tous les jours. "Et le weekend d'après, je ne suis pas là, donc la semaine suivante ?" demanda-t-elle. "J'avoue que je n'ai pas d'idées aussi originales que ce que tu as eu la dernière fois." dit-elle avec un rire nerveux. Etait-ce à elle de trouver une idée ? Joanne en avait l'impression. Soudain, Joanne avait une soudain illumination. "Oh, je sais !" Elle ne savait pas vraiment d'où lui était venue cette idée mais elle se disait que c'était quelque chose qu'il adorerait faire, à moins qu'il ne l'ait déjà fait. "Est-ce que tu as déjà fait le Story Bridge ?" demanda-t-elle alors. "Je veux dire, je pense bien que tu as déjà roulé ou vu de loin, mais est-ce que tu as déjà grimpé dessus ?" Elle se souvenait que Sophia l'y avait emmené dès que la petite blonde était arrivée à Brisbane. Un excellent moyen d'avoir une vue de la ville et de la connaître un peu, avec ce soupçon d'aventures. Elles s'étaient beaucoup amusées, ce jour là. "On est vêtus de combinaisons très sexy, c'est sécurisé, et tu as une vue incroyable, de là-haut. On peut même y admirer le coucher de soleil, et c'est à couper le souffle, je pense que ça te plairait."