Please, no more words, thoughts from a severed head. No more praise. Tell me once my heart goes right. Take me home.
Le petit soleil a bien besoin de se coucher. La présence de ses parents lui avait donné du courage, le dîner, quelques forces, mais la maladie ne tarde pas à refaire des siennes. Son front, ses joues sont chaudes, sa tête engourdie, montrant bien que malgré son léger regain d'énergie lorsque nous étions dans la chambre d'hôpital était purement passager. Ses membres mous se laissent complètement manipuler afin que je l'installe à l'arrière de la voiture de sa mère. Il a sûrement hâte de retrouver son lit à lui, sa chambre, ses peluches, sa maison. Ses paupières lourdes le font somnoler à peine la portière fermée. Quelques jours pénibles l'attendent avant d'aller mieux, et cela ne sera pas une partie de plaisir pour Joanne non plus. C'est pourquoi je me demande s'il est très judicieux de lui demander à ce moment-là le jour où, éventuellement, nous pourrions passer à nouveau un moment tous les deux. Elle aura bien d'autres chats à fouetter à vrai dire, entre un fils à soigner, l’entretien au musée, son voyage à Perth, et la dernière fois a été un rappel sans subtilité qu'il n’est pas question de se précipiter. Alors peut-être que je presse trop, en m’y prenant ainsi, même s'il n’y a pas de mal à exprimer mon envie de passer du temps avec elle en soi. En tout cas, elle ne paraît pas contre l'idée, ce qui est un bon point pour commencer. J’acquiesce d'un silencieux signe de tête quand elle me confirme qu'une prochaine sortie attendra deux bonnes semaines. "Ce n'était qu'un cinéma tu sais..." dis-je avec un haussement d'épaules. En extérieur, certes, mais il restait question d'une toile, d'une projection et de pop-corn -du moins, cela était le programme de base, le déroulement est toujours fort relatif. Finalement une idée traverse l'esprit de Joanne. Bien sûr que je connais le Story Bridge ; en six ans, je l’ai parcouru en long, en large et en travers. Un incontournable non seulement pour les touristes mais aussi pour les habitants de Brisbane, un symbole de la ville à vrai dire. En revanche, monter dessus, cela ne s’est jamais présenté à moi -je n’ai jamais pensé à m’informer pour savoir si cela était seulement possible. J’arque un sourcil ; drôle d’idée, pour un rendez-vous. Original, comme elle le voulait. Je souris en coin, me disant pourquoi pas, après tout. "Je ne te savais pas aussi adepte de sensations fortes." dis-je. Malgré ça, je ne vois absolument pas Joanne sauter en parachute et encore moins attachée à un élastique. Peut-être que je la juge mal, la petite blonde aux allures de brindille frêle et fragile, peut-être qu’elle peut me surprendre encore. "Ça me plairait bien, oui. D'accord." J’espère que cette fois se déroulera mieux que la précédente. A vrai dire, à chaque fois que je vois Joanne, j’espère en sortir en un seul morceau, et non avec quelques morceaux de moi-même à devoir recoller entre les mains. Cela serait bien malgré elle, je le sais. Elle ne peut pas décider qui aimer, ni quand. Et peut-être que cela ne sera plus jamais le cas pour moi, peut-être que cette flamme ne se rallumera pas. Peut-être qu’il y aura encore un baiser qui ne compte pas, des mots qu’elle ne pensera pas assez, qui sait. L’incertitude est une sensation angoissante. La jeune femme sait ce que je ressens, que mon coeur ne veut qu’elle, que je n’attends qu’elle reprenne sa place dans ma vie. A elle d’en faire ce qu’elle veut. Ainsi va l’amour ; on se donne sans garantie. Et Joanne est, à cet instant, le facteur le plus incertain qui soit. Qui peut vraiment se déclarer certain de ce qui se trame sous ce crâne blond ? Je me demande comment elle, elle se sent lorsque nous sommes face à face. Lorsqu’il faut dire au revoir et que, moi, je ne sais jamais quoi dire. Il y a toujours ces quelques secondes, qui ne sont que des secondes, mais qui me paraissent longues. J’évite son regard, le trouve, m’en arrache à nouveau. J’aperçois ma voiture plus loin derrière elle, par dessus son épaule, qui me dit qu’il est temps de partir pour moi aussi. Timidement, je dépose un baiser sur la joue de Joanne, et j’hésite à lui en faire un second sur l’autre joue pour paraître plus formel -mais un seul fera l’affaire. "Appelle-moi s'il y a besoin de quoi que ce soit." dis-je avec un léger sourire avant de la laisser, jetant un dernier coup d’oeil à l’intérieur de son véhicule pour y voir un Daniel endormi.