Alors que tu as entraîné Lydia avec toi sur la piste de danse, au milieu de tous ces corps qui bougent déjà en cadence, il n’est pas difficile d’oublier, d’oublier, aidé un peu par l’alcool qui coule à flot dans tes veines, que la Lydia qui est devant toi est la Lydia déprimée, mariée plus ou moins de force à ton ami pour lui permettre de rester en Australie. Non, ce soir Lydia est Lydia, tout simplement. Une belle jeune femme à qui tu as envie de faire oublier ses problèmes. Toi aussi tu as des problèmes à oublier, toi aussi tu as envie de t’amuser, de te changer les idées et cela paraît si simple ce soir. Alors que ton corps se met à bouger, que celui de Lydia se met également en mouvement au même rythme que le tient, c’est facile de se détendre, de profiter de cette soirée comme si vous veniez de vous rencontrer alors que vous étiez encore à la faculté. Si Lydia n’avait pas déjà Xavi dans sa vie à l’époque, il ne fait aucun doute que tu aurais essayé de la draguer, au moins de tenter quelque chose. Mais elle regardait Xavi avec trop d’admiration dans les yeux alors vous aviez formé une belle amitié à la place et Lydia était devenue une de tes meilleures amies. Tu fronces les sourcils, tu oublies déjà cette pensée alors que tu vois un sourire sur les lèvres de la jeune blonde et que tu la voies se perdre dans la musique. Tu te perds avec elle, l’accompagnant, l’aidant à oublier autant qu’elle t’aide ce soir. Et puis soudainement il fait trop chaud, tu as terriblement envie de sortir d’ici alors tu proposes à Lydia de te suivre. Elle n’hésite pas avant de te répondre : « Oui allons-y. » Tu attrapes une nouvelle fois sa main pour l’entraîner vers la sortie du bar. Tu ne vois pas le regard soulagé du barman qui commençait sérieusement à se faire du souci par rapport à votre état d’alcoolémie. Vous sortez et l’air frais sur ta peau te fait du bien. Vous n’attendez pas longtemps avant de monter dans un taxi, l’un comme l’autre incapable de reprendre votre véhicule. C’est en titubant que vous arrivez à monter à l’intérieur sans vous rendre réellement compte de ce détail. Et puis Lydia donne ton adresse et vient se blottir contre toi. Tu poses ta tête contre la sienne, jouant avec ses belles boucles blondes le temps d’arriver devant ton immeuble. Tu payes le taxi avec les espèces qu’il te reste et puis soudainement, dans cet air frais du milieu de la nuit, Lydia hésite en te demandant : « Je, hm, on monte ? Ton coloc est là ? » Tu secoues la tête, il a pris quelques jours de vacances et il est parti tu ne sais où avec ses copains. Orion est comme ça, du jour au lendemain il peut partir quelques jours, faire des plans sur la comète. Toi, ce n’est pas ton genre, tu aimes planifier ce genre de déplacement, enfin en général. « Viens. » Dis-tu simplement en sortant les clés de ta poche et en bipant pour entrer. Vous montez les escaliers sans un mot, il n’y en a pas réellement besoin. Quand vous arrivez devant ton appartement, tu dois t’y prendre à plusieurs fois pour mettre la clé dans la serrure, preuve que l’alcool qui coule dans tes veines peine à redescendre. Mais finalement la porte s’ouvre et vous rentez à l’intérieur. Soudainement c’est étrange, peut-être trop mais alors que tu allumes la lumière, tu as l’impression de voir Lydia sous un autre jour. Une partie de ton inconscient te dit de reculer, que tu vas le regretter mais tu n’y arrives pas, bien trop attiré par la vision de Lydia que tu as devant toi, par ce désir qui t’a envahi depuis cette danse partagée. Tes yeux plongés dans les siens, tu finis par déposer tes lèvres sur les siennes, hésitant au début, tu attends une réaction de celle qui ce soir n’est plus ton amie, plus vraiment à cet instant précis, plus seulement.

Elle se laisse aller à danser avec Arthur, ne se soucie plus de rien pendant les quelques minutes que durent leur danse. Elle a tout oublié, ses problèmes et ses tracas envolés avec le son de la musique. Lydia ne réfléchit pas lorsqu'il lui demande de s'en aller. Si elle est bien là, elle n'est pas contre partir, partir avec Arthur, même si cette idée lui semblera saugrenue le lendemain matin, presque un peu trop absurde. Mais elle ne sait plus trop où elle est, ni même qui elle est à cet instant, la Lydia d'ordinaire ayant été balayée par les trop nombreux verres d'alcool qu'elle a ingurgité ce soir. Ils sortent, oubliant la chaleur du bar pour retrouver la fraîcheur de la nuit. Sans trop réfléchir Lydia appelle un taxi, ni lui, ni elle ne sont en état de conduire, et elle est encore assez lucide pour s'en rendre compte, même si tout autour d'elle semble bouger. Ils attendent deux minutes, peut-être dix, elle n'a plus la notion du temps, son esprit est trop embrumé pour qu'elle sache encore quelle heure il est. De mémoire elle parvient tout de même à se rappeler de l'adresse d'Arthur, qu'elle donne au chauffeur sans trop avoir à réfléchir. Le trajet se fait dans le silence, tandis qu'elle vient se blottir contre son ami le temps du trajet. Une fois sortis du taxi, elle demande un peu timidement si le colocataire d'Arthur est là. Sans trop le connaître, elle n'a pas envie d'avoir à affronter de moment gênant si jamais ils venaient à tomber sur lui. Mais il n'est pas là, pas ce soir, c'est ce qu'elle comprend. Alors elle suit Arthur, d'un geste de la tête elle acquiesce, sans plus trop se poser de question. Elle regarde le brun essayer d'ouvrir la porte péniblement après tous ces verres, et elle sourit, se permet même de laisser échapper un petit rire, avant qu'il ne finisse par y arriver et qu'ils entrent tous les deux dans cet appartement qu'elle a déjà eu l'occasion de voir des dizaines de fois mais qui lui paraît bien différent ce soir. Tout comme Arthur lui paraît différent une fois la lumière allumée. Elle le regarde s'approcher d'elle, ne bronche pas quand il pose ses lèvres sur les siennes, elle prolonge même le baiser, passant une de ses mains derrière la tête d'Arthur. Elle pourrait tout arrêter là, mais elle n'a plus au fond d'elle cette conscience qui lui dit qu'ils ne devraient pas faire ça, qu'ils vont le regretter le lendemain. Elle a simplement envie de se laisser aller, d'oublier, de tout oublier, et Arthur est là ce soir, il est là pour ça. Elle a envie de tout oublier dans ses bras, sans percevoir l'erreur qu'ils sont en train de faire. Ils ne sont plus en état de savoir ce qui est raisonnable ou pas. Alors elle se laisse aller, elle continue même à l'embrasser, fiévreusement, avec toute la peine qui l'habite mais qui semble ce soir s'être envolée après quelques verres. Elle le regarde dans les yeux, essayant de chercher des réponses, mais l'alcool lui dit de foncer, que c'est sans doute une bonne idée, sans trop réfléchir aux conséquences. Elle pourrait reculer, ils pourraient reculer tous les deux, mais passer une nuit en compagnie d'Arthur n'est pas l'idée la plus déplaisante dans son esprit à ce moment-là. Alors sans trop réfléchir, elle lui enlève son t-shirt et vient reposer ses lèvres sur les siennes, parce que ça lui fait du bien, parce qu'elle a l'impression que tout va bien à ce moment-là.

L’alcool avait coulé à flots, tu n’avais pas essayé de l’arrêter. Malgré les soirées que tu avais enchaînées pendant des années, tu n’étais jamais devenu alcoolique, veillant toujours à ne pas boire trop mais sans jamais te priver de boire non plus. Et puis il y avait ces soirées où rien ne va, où pendant un temps tu trouves que c’est une bonne idée, un bon moyen d’oublier alors qu’au fond, ton subconscient te dit que c’est la pire idée du monde. Tout comme l’est le dernier pas que tu as fait pour venir poser tes lèvres sur celles de Lydia. La pire idée du monde et pourtant, à cet instant précis la meilleure. La plus délicieuse, celle qui t’arrache un soupire de plaisir. Tu en as besoin, ce soir tu as besoin de l’illusion d’être aimé, certainement comme Lydia. Elle ne t’a pas confiée ce qui ne va pas mais elle n’a pas besoin de le faire. Tu peux voir ses regards langoureux en direction de Xavi, des regards jamais rendus, des regards qui se perdent depuis des années dans la nature. Tu ne sais pas comment elle a survécu depuis toutes ces années, comment elle survit. Toi tu as fermé ton cœur, décidant de profiter des plaisirs charnels, pauvre substitut mais suffisant pour l’instant. Alors tu as envie de lui faire oublier que Xavi, sans le vouloir, la blessera certainement toujours. Tu l’embrasses, encore et encore et elle ne t’arrête pas. C’est certainement ça qui te fait arrêter de douter, de te poser des questions. Soudain, sous tes yeux, Lydia semble autre. Comme si elle était habitée, comme si elle s’était transformée en quelques secondes. Tu frissonnes alors que ses mains passent sous ton t-shirt avant de l’enlever sans cérémonie. Toi, tu as toujours connu Lydia la gentille, Lydia la timide mais ce soir, tu goûtes à une autre Lydia et ça te rassure de savoir qu’elle existe, que de temps en temps elle sait lâcher prise, lâcher cette timidité, ce besoin de s’effacer. Alors tu continues d’explorer toi aussi, toujours un peu plus, toujours un peu plus loin pour entendre ces petits gémissements qui te semblent si doux à tes oreilles. Et puis tu entraînes Lydia dans ta chambre et tu ne réfléchis plus, tu laisses vos gestes vous guider. C’est plaisant, c’est bon, c’est ce qu’il vous faut même si vous le regretterez plus tard, vous aviez besoin de cette soirée tous les deux. Quand tout est terminé et que le seul bruit qui résonne dans la chambre est celui de vos respirations haletantes, tu reprends ton souffle et tu souris. Tu regardes Lydia sans rien dire et tu la vois fermer les yeux. Il n’y a rien à dire, c’est mieux ainsi de toute manière. Tu recouvres son corps des draps qui ont terminé au fond du lit et tu l’accompagnes dans les bras de Morphée. Tu ne sais pas que le lendemain matin elle aura disparu, tu ne sais pas que tu ne la reverras pas avant plusieurs jours, avant cette discussion. Tout ce que tu sais c’est qu’à cet instant, tu es incapable de te sentir coupable alors tu t’endors, tranquille, sans penser à demain.

the end