Une éternité avait eut le temps de s’écouler depuis que Rose n’avait pas reçu un vrai cadeau à déballer. Grand-mère Leoni était plutôt du genre à lui verser un peu d’argent sur son compte, pensant que c’était la meilleure façon de satisfaire une jeune femme. La rouquine n’avait jamais osé lui dire que le repas qu’elle lui concoctait, ainsi que sa présence, la rendaient bien plus heureuse que n’importe quelle somme sur son compte en banque. Elle pouvait bien lui offrir une paire de chaussettes, l’intention était le plus important lorsqu’il s’agissait de cadeaux. Et là, de réaliser que Lene avait pensé à elle, penser à lui offrir quelque chose, c’était plus que qu’elle ne pouvait rêver. C’était doux, c’était adorable et Rose se voyait déjà blottie contre son koala, emmitouflée dans sa couette, les rêves tournés vers sa belle brune. La peluche dans un bras et Lene dans l’autre, l’étudiante ne savait plus où donner de la tête. Elle aurait voulu rester contre elle encore, ne jamais cesser de respirer l’odeur de ses cheveux ou de sentir sa peau contre la sienne. Mais c’était sans compter sur l’appel de ses amies, des autres cadeaux. Oui, une fois encore, elle en oubliait le reste du monde. Alors elle avait stoppé cette étreinte, une mine d’enfant déçue sur le visage. Pourtant très rapidement, le contact des autres lui avait fait retrouver le sourire. Elle avait déposé la peluche sur un coin du canapé, histoire de se libérer et d’ouvrir ce qui l’attendait encore. Elle n’en revenait pas d’avoir été si gâtée. Plantées devant elle, ses deux camarades de classe trépignaient d’impatience pendant qu’elle retirait l’emballage. Ses yeux azur se mirent à briller lorsqu’ils découvrirent la pochette en cuir usé, visiblement de seconde main mais pas dénuée de valeur pour autant. « Les filles, elle est superbe, où est-ce que vous l’avez trouvée ? » hurla-t-elle presque, bien trop émue par cette nouvelle intention à son égard. Pas peu fières d’elles, les deux étudiantes lui contèrent l’histoire de la pochette et des dizaines de friperies qu’elles avaient parcouru pour mettre la main sur le cadeau idéal. Si bien que le temps fila à toute vitesse et que Rose avait fini par louper l’ouverture des cadeaux de Simon.
Fermant la porte de l’appartement après un dernier échanges de bisous avec ses amies de l’école, Rose laissa échapper un petit soupir de satisfaction et reporta son attention sur la pièce animée. Chacun s’était de nouveau dispersé par petits groupes, Simon était encore une fois bien entouré et Lene semblait elle esseulée. Naturellement, la rouquine s’avança vers elle avec son plus grand sourire et s’installa auprès d’elle. « Hey ! Tes amies sont parties alors ! T’as aimé tes cadeaux ? » Aimer était un euphémisme, néanmoins, mieux valait ne pas trop en montrer si elle voulait garder en maturité face à elle. « Oui, totalement. Je pensais pas que j’allais être autant gâtée. Ça fait plaisir! » Son visage pâle s’illumina de joie tandis que son regard plongeait inlassablement dans celui de son interlocutrice. « Le koala est vraiment adorable, t’as bien choisi. Faudra que je le trouve un petit nom » Parce que oui, malgré ses vingt quatre ans, Rose continuait de nommer toutes ses peluches par principe. Ce n’était pas encore gagné niveau maturité. « Une idée ? » l’interrogea-t-elle d’une petite voix enthousiaste avant de s’approcher davantage. Une légère hésitation marqua son visage, puis sans prévenir, elle vint déposer un léger baiser sur sa joue. « Merci encore » souffla-t-elle, la poitrine chancelante.
La vérité est là, sous son nez, on ne peut plus grosse au fur et à mesure qu’elle tique dès qu’un des autres invités a le rire ou même la phrase de trop. Ça parvient jusqu’à ses oreilles, ça l’irrite, ça la fait râler intérieurement parce qu’elle se retrouve devant le fait accompli : elle n’est plus de cette génération. Elle le sait. Elle le savait même avant de venir, quand elle s’est dit qu’elle passerait bien volontiers la soirée à jouer à la console plutôt que de faire mine de socialiser avec les amis de Simon. Elle est déçue également, parce qu’elle était venue pour lui, pour qu’il y’ait au moins un de ses anniversaires où elle aurait participé, mais rien n’a suivi. Simon n’a pas quitté ses amis et même si Rose s’est montrée une bonne hôte et qu’elle a cherché à la distraire, cela ne retire rien à sa déception. C’est ce qui l’amène à rester dans son coin, à attendre que l’heure de partir sans que ça ne fasse mémé arrive, ou bien que juste la motivation de le faire apparaisse. Une de ces choses décidera du reste de la soirée. Lene n’a jamais eu de problème à perdre du temps à ruminer.
Les minutes passent, les gens défilent. La soirée reprend son cours. Les potins fusent. Lene doit faire face à la déception que représente la vie ennuyeuse des amis de Simon. Rose revient vers elle après avoir dit au revoir à ses amies. L’heure du small talk arrive. . « Oui, totalement. Je pensais pas que j’allais être autant gâtée. Ça fait plaisir! » Elle n’a pas assisté à la suite de la distribution, mais elle arrive à très bien faire semblant de ne pas en avoir perdu une miette. « Le koala est vraiment adorable, t’as bien choisi. Faudra que je le trouve un petit nom » Qu’elle annonce, le propos tenu ne faisant que paraître plus enfantin couplé à sa petite voix d’enfant. Lene arcque un sourcil, avant d’hausser les épaules plutôt que de se moquer. C’est vrai que c’est un truc de filles, de vrai, ce que Rose est donc, elle ne peut pas vraiment critiquer. « Une idée ? » Alors là, aucune. « Tu demandes ça à une fille qui a appelé son chien « Paté en croute. » » Qu’elle lui fait remarquer, soulignant le fait qu’elle n’est peut-être pas la personne la plus disposée à l’aider sur ce coup. « Prend le prénom du premier personnage de dessin animé que tu regarderas demain matin. » C’est une idée. A vrai dire, elle n’en a pas d’autre et vu que Rose est forcément de ces personnes à regarder les émissions pour enfant, il y’a des chances que l’idée la séduise. « Merci encore » Qu’elle ajoute, ce qui surprend Lene parce que, même si le koala en question n’était pas pour elle, elle l’offrait à Simon pour s’en débarrasser et elle ne comprend pas l’engouement que l’on peut avoir pour un attrape poussière du genre. De s’entendre dire merci toutes les cinq minutes ne rend pas la chose plus compréhensible et en devient gênant. « A ce propos, Rose. Je dois te dire. » C’est pas simple, de regarder les yeux de la rousse à l’affut de ses propos. Si elle lui dit la vérité, elle voudra sûrement rendre l’ours à Simon, alors que Simon, il doit bien s’en fiche pas mal de ce truc. Autant que ça revienne à quelqu’un qui apprécie. Lene se ravise et jette un coup d’œil à l’heure. « Je dois me lever tôt, je pense que je vais rentrer. » Le visage de Rose fonce un peu. Lene se sent coupable de la laisser là, au milieu d’une fête nulle même s’il s’agit techniquement de son environnement social. « Mais, ça m’a fait plaisir de te revoir. Faudra qu’on sorte un de ces jours. » Qu’elle propose en posant sa main sur sa cuisse avant de se lever, Rose qui suit derrière pour l’accompagner jusqu’à la porte. « Essaie de profiter de ta soirée. » Ses derniers mots. Elle l’embrasse malgré tout sur la joue, avant de repartir, dévaler les escaliers et rentrer à la maison.