Deux mois s’était écoulés depuis le retour de Daniel, deux longs mois durant lequels les minutes avaient semblé s’étirer comme des heures, le temps en suspens attendant que quelque chose se passe. « Elle a accepté qu’on fasse une thérapie conjugale. » Attrapant de sa main droite une prise sur le flanc de la montagne, Gauthier s'était contenté d’un « Mhhh. » Comme simple réponse, comme à chaque fois que le sujet déviait sur Elisabeth.
Quand Daniel était venu le trouver chez lui - le lendemain de son arrivé, les émotions du trader avait été plus que contradictoires, le bonheur de revoir son ami se mélangeant à cette culpabilité. Toutes les choses qu’il avait aujourd’hui à lui cacher le bouffant de l’intérieur. Plus d’une fois il avait prétexté des excuses bidons pour ne pas le voir - pour écourter leurs entrevues, laissant toujours Daniel dans une incompréhension la plus totale jusqu’à ce que quelques mots de la part de celui qui avait été son meilleur ami ne tire la sonnette d’alarme. « Tu m’évites ou je rêve ? J’ai fait quelque chose de mal ? » Une simple accusation qui avait permis à Gauthier de comprendre que son attitude suspect ne ferait que de rendre les choses plus compliquées, que d’éveiller les soupçons sur un secret qu’il n’était pas prêt à dévoiler. La plainte qu’il avait lu dans les yeux de Daniel ce même jour - comme une souffrance de le voir fuir à nouveau - l’avait finalement décidé à se rendre plus disponible. Mais chaque minute passée avec Daniel semblait n’être qu’une trahison de plus - une souffrance qui pesait de plus en plus lourd sur la conscience de Gauthier.
« Tu le dis si je t’ennuie avec mes histoires. » Baissant la tête pour regarder Daniel qui galérait quelques mètres plus bas à trouver une bonne prise il avait rit un peu. « Non je suis concentré, pour pas me transformer en tortue comme toi. Fait gaffe à la vitesse à laquelle tu vas, tu pourrais bien fusioner avec le mur. » Tourner la conversation à la dérision était encore le meilleur moyen pour changer de sujet - pour ne pas entendre trop souvent parler de la blonde ou de son fils et de tous les efforts que Daniel mettait en place pour les récupérer sans sa vie. Ou pire encore… entendre parler de l’enfoiré qui avait fait un gosse à sa femme et dont elle taisait le nom… Plus le temps passait plus une certitude s'inscrivait d’ailleurs en lui - tant que Daniel ne saurait pas le nom de l’homme, il ne pourrait pas pardonner… Et petit à petit l’idée se formait dans l’esprit de Gauthier, ils devraient lui dire… Même si ça voulait dire perdre Daniel pour toujours, même si ça voulait dire plus de retour en arrière, plus de sourire, plus aucune relation - pas même celle difficile qu’ils entretenaient en ce moment et ou la culpabilité le rongeait de l’intérieur… Mais c’était une décision qu’il ne pouvait pas prendre seul, et il n’était pas prêt à parler à Elisabeth, pas plus que de la revoir. C’était d’ailleurs un savant exploit que de réussir à l’éviter depuis deux moi - pas un mot, pas un geste ni un regard… Il n’entendait parler d’elle que dans la bouche de Daniel… « T’es libre samedi matin ? Pour venir grimper en montagne… J’aurais même une surprise. » Il grimace un peu alors qu’il atteint une plateforme, s’asseyant sur cette dernière pour attendre Daniel, le souffle court et les bras un peu engourdis. « Tu sais que je n’aime pas les surprises. » L’anglais qui vient le rejoindre aussi transpirant de sueur que lui. « Celle-là tu vas l’aimer ! » Il hoche la tête Gauthier, sans savoir, sans se douter… Une journée en montagne avec Daniel, ça ne peut rien avoir de si terrible.
***
Il est à l’heure Gauthier, comme toujours - à une minute près il arrive en bas de la montagne là où Daniel lui donné rendez vous - la voiture de location de ce dernier déjà garée sur le parking vide - il est trop tôt pour la plupart des gens - pas pour eux - il n’est jamais trop tôt pour la montagne. Une sensation étrange le prend quand il arrive sur le lieu de rendez vous - quand rapidement ses yeux semblent décerner deux silhouettes. Sa main qui se crispe un peu sur le volant alors qu’il gare sa voiture. Il n’a pas fait ça, non il ne l’a pas amenée elle… il déglutit avec difficulté, sort de sa voiture le souffle qui se coupe quand ses yeux se posent sur la blonde. « Elisabeth ? » Sa voix tremble un peu - même ça il n’est pas capable de le cacher alors que son regard se poser sur cette femme qu’il a tant désiré, sur l’objet défendu. Puis il regarde Daniel, l’interrogation qui se lit dans son regard. « Je t’avais dit que j’avais une surprise, elle a finalement accepté de venir et je me suis dit que… On pourrait faire ça comme au bon vieux temps… Le décors n’est plus le même mais nous on a pas vraiment changé… Et ça me manque. » Pas un mot ne sort de la bouche du trader alors qu’il a l’impression de palir. Il regarde Elisabeth, il sent ce malaise qu’ils partagent maintenant, leurs regards rivés sur Daniel comme s'ils espéraient à tout moment qu’il change d’avis, que ça ne soit qu’une vaste blague. « Vous en faites de drôles de tête vous êtes pas heureux ? » Il se reprend Gauthier aussi vite, enfile son sac sur son dos. « Si bien sûr… Pourquoi on ne le serait pas… » Il voudrait disparaître sous terre à cet instant même, hait le destin qui se moque bien d’eux - qui les punit pour leur trahison peut-être…
« Du coup tu as arrêté le boulot ? » Comme tous les jours depuis son arrivée, Daniel est là, tentant à tout prix de me faire changer d’avis. « J’ai eu droit à un congé, mais je dois bosser d’ici tout de même. » Génial, ça te fera moins de temps pour me tourner autour. Je ne sais pas pourquoi il n’abandonne pas, bientôt deux mois qu’il a posé bagage et je n’accepte même pas la cohabitation avec lui, il devrait baisser les bras non ? Pourtant, je ne peux qu’applaudir ses efforts. J’avoue, il m’a manqué. Seulement, avec sa présence, j’ai simplement l’impression de retomber dans des habitudes, une rengaine sans vraiment d’intérêt. Je suis incapable d’être méchante éternellement avec lui, de le faire fuir totalement, car après tout, il reste lui. Daniel, l’homme au sourire tendre, au regard parfait, au parfum musqué, celui qui connait tout mon monde, mes petits secrets, mes habitudes bonnes ou mauvaises. Il me connait par cœur. Un seul point d’ombre reste présent, celui qui a détruit notre mariage avant même son début. Un secret que je ne peux lui dévoiler. Un secret partagé avec un autre, celui qui fait également parti de mon cœur, celui qui l’a dérobé au même instant, celui à qui je pourrais le donner entièrement s’il me le demandait… Tentant de ranger les affaires de Gabriel éparpillé dans la maison, je m’occupe l’esprit alors qu’il fait les cents pas derrière moi. « Tu as changé. » Bonne ou mauvaise nouvelle ? « Ah. » En même temps, en dix mois, on a le temps d’en vivre des choses ! « En bien, je te rassure. C’est juste… » « Oui ? » Mon dieu parle, ses phrases non finies que j’aimais tant deviner ou finir à l’époque ne m’amuse plus du tout. « Je ne crois pas me souvenir de t’avoir vu à la maison avant sept heures un soir de semaine… » Mon regard se fixe sur lui, je ne suis pas sûre qu’il paraisse aimable. « Il faut que je m’occupe de Gabriel maintenant, je lui ai promis. » Je vois dans son visage, crois presque lire dans son regard, je sais qu’il voit donc cela comme un mal pour un bien. Ce n’est peut-être pas faux, mais en attendant, il me gêne à faire les cents pas de cette manière. « Rends toi utile s’il te plait, tu peux m’aider à monter les affaires dans sa chambre ? » Mon dieu, comment un si petit être peu faire autant de bazar ? Il acquiesce et prend un paquet de jouer alors qu’avec le reste dans les bras, je prends les devant, nous menant dans la chambre de mon fils. « Amour… » Je grimace, ce surnom ne me convenant plus tellement… « Je pensais… tu as regardé les documents sur les thérapies ? » Je roule des yeux. Ce n’est pas vrai qu’il remet ça ! « J’ai vu. » « Tu serais d’accord ? » « Daniel… » Sa mine triste me bouleverse, je n’aime pas le blesser, il le sait et il en joue. « Ça n’oblige en rien ! » Juste à repousser la date de notre divorce, non ? « Ça ne changera rien… » Un peu honteuse de l’avouer, mais j’en suis persuadée. Les derniers mois auprès de Gauthier me l’ont prouvé, mon mariage avec Daniel a pris fin le jour où il a découvert ne pas être le père de notre fils, peut-être même le jour où avant même de lui avoir dit oui, mon corps a gouté à celui de son meilleur ami… Une thérapie ne servirait qu’à nous mettre mal à l’aise tous les deux, à le rendre ridicule, me faire à nouveau passer pour l’horrible méchante –que je suis probablement, je ne le nie pas- et à retarder l’inévitable. « Ça facilitera peut-être nos discutions, je pourrais te comprendre et… » Non, nous ne pourrons pas aussi simplement recommencer. Je l’aime, mais retomber amoureuse de lui, je ne sais pas si j’en suis capable. « Laisse-moi tenter, s’il te plait. Tu nous dois bien ça. » Le jeu du chantage, c’est dégueulasse. Je ferme les yeux, laissant tous les jeux en place et sortant de la chambre. « C’est une perte d’argent. » Et de temps. « Je paierais. » Je le toise du regard. Pourquoi se fait-il toujours autant de mal ? « Je viendrais mais je ne te devrais plus rien, d’accord ? » Finis le chantage sur le fait que je lui doive tout dû à mon ‘erreur’. « Merci. »
« Est-ce que vous passez des moments offert l’un à l’autre ? » « Comment ça ? » Assise aux côtés de Daniel, face à cette femme qui parle toujours par énigme. Troisième séance, une vraie perte d’énergie. Je sais qu’il y met toutes ses tripes, mais l’envie me manque. Cependant, je ne peux le nier, je n’ai plus tant envie de le rayer de ma vie, seulement, il ne peut continuer ce chemin commun avec moi en tant que mari. « Oui, est-ce que vous tentez de faire plaisir à l’autre ? Vous remettre dans vos souvenirs ? Faire quelque chose pour l’autre. » J’hausse les sourcils. Se rappellent-elles de ce que j’ai dit lors de notre première séance ? Je ne suis pas là pour raviver une flemme, juste pour lui faire comprendre que cette histoire n’a plus d’issue autre que la fin. « Qu’est-ce qui vous a rapproché, ce qui a allumé la flemme entre vous la première fois ? » Alors que Daniel hésite un instant, je ne laisse pas une seconde s’écouler, la réponse est simple au final, absurde peut-être, mais réelle… « L’alcool. » Je ris d’un rire retenu, accompagné de mon mari alors qu’elle fait les gros yeux en face. Quoi ? Il m’a appelé la muette pendant toute la première semaine, avant de connaître mon prénom, il n’y a pas de secret là-dessous. « Et par la suite, ce qui l’a entretenu? » Un sourire, plus délicat cette fois se fige sur mon visage. Je sais qu’elle est fière d’elle. Je soupçonne Daniel de l’avoir payé pour tout faire pour me faire à nouveau tomber dans ses bras. Sauf qu’il ignore le fait que cet amour pour la montagne et la nature qui nous a rapproché m’a également permis de passer du temps, peut-être trop avec Gauthier… Gauthier qui ne répond plus, qui laisse un vide immense en mois depuis un mois et demi. Gauthier qui pourtant à son rôle dans toute cette affaire, celle qui suit : Gabriel. J’ai prévenu la psy dès le début, je ne souhaite pas aborder cela en séance, pas pour l’instant, un point c’est tout. Je refuse que mon fils soit une approche pour tenter de nous rassembler et le sujet de la paternité est plus à voir entre nous et peut-être un avocat qu’avec une juge psychologique et subjective bien plus qu’elle ne dit l’être. « Je vous laisse faire peut-être des tentatives. Nous nous revoyons dans une semaine pour voir les avancées. » Allez Daniel, donne-lui donc ses 100 dollars et partant loin de ce charlatan.
« Admets-le, elle est inutile. » « Tu veux du vin ? » C’est ça, ignore la question ! « Oui. » Je reste faible. Pianotant sur mon portable, je retourne sur notre dernière conversation avec Gauthier. Rien de bien diabolique, seulement les détails pour notre sortie en mer. Ironie. Je me perds dans son écriture, voyant la date et fermant les yeux un instant. Je sais que nous ne devons pas nous voir, mais à quoi tout cela rime ? Daniel arrive, deux verres à pied dans les mains et une boite sous le bras. Je fronce les sourcils, ne me rappelant pas de cela dans mes affaires. « Je suis tombé sur ça dans ta chambre d’ami la dernière fois. » Bien, monsieur avait pris ses aises à ce que je vois. « Rappel moi de ne pas te laisser trainer trop longtemps seul dans ma maison la prochaine fois. » Il sourit, j’y réponds tout aussi élégamment. Je prends mon verre et trinque avec lui avant de le porter à mes lèvres alors qu’il ouvre la boite. Mon cœur s’arrête, ma respiration se bloque lorsque je découvre son contenu qui me revient en tête. Des photos par dizaine, représentant notre passé. Dix ans sur du papier glacé, figé et s’arrêtant à l’année dernière comme notre vie commune. « Regarde ça. » Il me tend une photo où je redécouvre nos premiers rendez-vous. Un concert de Coldplay ou je découvrais qu’il ne connaissait pas une parole du groupe alors qu’il m’avait juré les suivre depuis leur création simplement pour m’impressionner. Vêtu comme des hippies, nos sourires sont simplement parfaits sur ce bout de papier. « Le concert avait fini sous la pluie. » « Tu en avais bien profité, non ? » Il rit. En effet, nos t-shirt blanc n’avaient pas fait long feu et nous avions gentiment fini comme de vrais hippies notre nuit dans sa voiture, enfin celle de son père, ce qui m’avait empêché de regarder cet homme dans les yeux pendant plus d’un an. « Oh, oh, il a tellement grandi… » Pleines d’émotions mes pupilles s’arrêtent sur la photo de Gabriel devant son gâteau de ses un an. Je le vois pourtant s’arrêter sur l’autre photo, l’air triste, je pourrais presque juger voir le début d’une larme au coin de son œil. Notre mariage. « Nous étions heureux. » Ce n’est pas bon de vivre dans le passé, Dany… « Oui, nous l’étions. » Son regard se fixe dans le mien, la tristesse s’y lisant parfaitement dans le vert profond de ses iris. « C’est dommage, il n’était même pas là… » Je le vois piocher une nouvelle photo. Sur fond de montagne, trois compagnons sourissent à l’objectif heureux de leur ascension. « C’était le bon vieux temps. » J’ai dû mal à déglutir et me réfugie dans mon verre pour faire passer mes paroles. Je ne sais pourtant pas si je souhaiterais y revenir, je sais même refuser le revivre, cela resterait une torture, pour lui, moi sans que jamais Daniel ne comprenne… « Il se fait tard, Daniel, je travaille tôt demain… » « Je comprends. » Je pose les photos et mon verre, le mettant gentiment dehors. J’aime ces moments avec lui, mais ressasser le passé ne sert à rien, surtout en ce moment, je ne sais pas à quoi il joue, mais il n’est pas sûr la bonne voix avec des photos de Gauthier… « Elie ? » « Oui ? » Je le regarde tendrement pour l’encourager à continuer. « Tu serais libre samedi ? » Je l’interroge du regard, ne comprenant pas où il veut en venir. « On pourrait demander à Kaylan de prendre Gab et se faire une petite virée en montagne, ça te dirait ? » Je repousse ce moment depuis deux mois, je ne peux plus faire marche arrière… « D’accord. » Heureux, je le vois repartir avec un énorme sourire alors que toutes mes pensées vont sans explication vers un autre homme…
Gabriel a passé la nuit chez mon cousin, me laissant seule dans cette maison, bien trop grande pour une personne. Levée avant même l’aurore, je monte rapidement dans ma voiture pour aller chercher Daniel comme promis. Je le laisse déposer un baiser sur ma joue, tout en ayant cette même tête renfrognée comme à chaque baiser qu’il me livre. J’accepte de passer du temps avec lui, cela reste des instants agréables, il reste Daniel, mais cette affection qu’il tente de me donner me fait presque froid dans le dos et petit à petit, j’en deviens sûre, je serais incapable de le lui rendre à nouveau… « Roule. » « Ok maman ours. » Je le défis du regard et il sourit. Gentil abruti va. « J’espère que j’ai choisi un bon endroit. » « Oui, c’est magnifique tu verras. » « Tu as déjà tout visité dis moi ! » « Dix mois Dany, dix mois. » Il roule des yeux et souris tandis que je croise les bras contre mon torse, tournant le visage sur la route jusqu’à notre arrivée le laissant faire seul la conversation. Enfin, je peux sortir de la voiture et dégourdir mes jambes. L’air est frais, le ciel encore sombre, le paysage dégagé. « C’est parfait. » « Et le meilleur reste à venir ! » Je plisse les yeux. « Attends, ça ne doit pas tarder à venir.[/color][/b] » « Tu sais que je n’ai jamais été fan des surprises Dany… » A nouveau je le vois rouler des yeux avant de tenter de m’attaquer à coup de guili. « Allez, souris, laisse-toi aller, s’il te plait. » A mon tour de lever les yeux aux ciels. Quel imbécile. Pourtant je ris mais m’éloigne rapidement de son étreinte entendant alors des roues, un moteur et me stoppant net. « Enfin. » Mon sang se glace, le temps se fige. Je connais cette voiture, je la reconnaitrais entre mille, et la silhouette à l’intérieur… Qu’a-t-il fait ? Au moins, une chose est certaine, ce n’est pas ainsi qu’il arrivera à me retrouver… Mon visage se terre dans un monde parallèle alors que l’homme dans la voiture apparait. Ma poitrine me fait presque mal, mon cœur est lourd. Entre l’envie de courir le rejoindre et partir de l’autre sens, je ne sais pas quoi suivre et reste plantée là, alors que la main de Daniel s’empare de la mienne et me tire vers son ami. « Elisabeth ? » Tirant d’un coup sec, je retire la main de mon mari de la mienne et tente un sourire, en vain. Mon regard se perd à la re-découverte de son corps, son visage, crispé, je vois parfaitement son malaise qui doit également se lire sur le mien. J’y discerne également des traits de fatigue et de nervosité que je n’avais pas vu depuis un temps… « Je t’avais dit que j’avais une surprise, elle a finalement accepté de venir et je me suis dit que… On pourrait faire ça comme au bon vieux temps… Le décors n’est plus le même mais nous on a pas vraiment changé… Et ça me manque. » Parlez de moi comme si je n’étais pas là, ça ne me dérange pas du tout… Je tente tout de même d’étirer mes lèvres pour sa tentative, mais en suis incapable. Mon regard se tourne vers Daniel, il ne comprend vraiment rien, n’a jamais rien remarqué et ne le fera donc jamais ? Pantoise devant tant de naïveté de la part de mon mari, je n’ose même plus tourner le regard vers Gauthier, sous peine de ne plus tenir… « Vous en faites de drôles de tête vous êtes pas heureux ? » Dans l’angle de mon champ de vision, je vois le brun se reprendre tout de même, alors qu’il me faut un peu plus de temps pour reprendre la raison. « Si bien sûr… Pourquoi on ne le serait pas… » Un sourire parfait et faux s’étend sur mon visage, mimant un bonheur qui n’est pas là. Je suis heureuse de voir Gauthier, mais pas comme ça, pas ainsi et encore moins aussi bien accompagné… Attrapant à mon tour mon sac, je ne peux faire autrement que de me lancer dans cette aventure qui risque d’être plus difficile que prévu. « Allons-y… » La ride du front de Daniel se former, ne comprenant probablement pas notre entrain minimum à cette balade. Après tout, le soir où il est arrivé, il nous a vu ensemble, non ? Pourquoi tant de tension tout d’un coup ? Laissant les garçons prendre les devants, je me mets à l’arrière pour l’instant, souhaitant éviter tout contact avec Gauthier et Daniel. Le début de notre marche se passe dans un silence, coupé de temps en temps par des tentatives échouées de mon mari qui y met pourtant toute son âme. Arrivant à un premier mur, nous nous arrêtons pour préparer notre équipement, au moins, dans ce silence, nous sommes efficaces, comme si nous nous étions mis d’accord d’écourter cet instant le plus vite possible. « Bon… » La voix de mon mari me surprend, un frisson parcourant mon échine. « Dites-moi, ce qu’il y a, je sais que vous n’êtes pas les personnes les plus bavardes de la terre, mais tout de même, il y a quelque chose. Vous vous êtes disputés ? » Je me tourne vers lui. « Qu’est-ce que tu racontes ? » « Vous ne parlez pas, êtes froid, qu’est-ce que j’ai pu faire pour vous mettre dans cet état-là, ou bien, est-ce entre vous ? » Si tu savais à quel point… Appliquant de la magnésie sur mes paumes, je les secoue pour le pas m’en mettre dans les yeux en grimpant. Un regard vers Gauthier, mon cœur se serre, mon cerveau s’arrête avant que je me tourne vers la roche. « Je suis fatiguée, c’est tout… » Mensonge, mais après tout, nous ne sommes plus à un mensonge près, si ?
Dernière édition par Elisabeth Donovan le Sam 22 Juil 2017 - 16:43, édité 1 fois
Il ne passe pas à côté de ce geste de tendresse entre eux, de cette main nichée dans celle de Daniel, d’un coup elle l’enlève mais c’est comme un retour aux sources - comme ses longues années où Daniel était le seul - celui à qui elle avait offert son coeur, son corps, son âme. A l’époque pourtant, son coeur ne se serrait pas à cette idée - cette impression d’injustice ne lui tenait pas les entrailles. Mais pourtant c’est son choix - il en est conscient, c’est aussi lui qui n’a jamais essayé de se battre pour elle - c’est lui qui préférait la voir avec Daniel. Parce qu’il ne veut pas être la raison, parce qu’il ne peut pas vivre avec cette impression d’avoir gâché un peu plus ce mariage… Si il doit finir alors ça ne sera pas par sa faute. Si elle doit le quitter il ne pourra pas être le remplaçant, parce qu’il ne sera jamais Daniel.
Un sourire étire le visage de la blonde et il le sait forcé, comme le sien, comme cette envie d’être là qu’il force pour ne pas décevoir Daniel, pour ne rien montrer de ce que cette randonné lui procure. L’impression d’étouffer, de ne pas être à sa place, de devoir mentir à nouveau, comme à chaque fois qu’il est avec Daniel. Il ouvre la marche, connaît bien les lieux, les chemins les plus courts, les murs les plus ardus mais qui n'ont pas de quoi leur faire peur - ils ont vu pire - ils ont surmonté pire. Le sérieux a pris place sur son visage, une certaine concentration aussi parfois entrecoupée par quelques mots de Daniel auxquelles ils répondent à demi-mots. Le premier mur se dessine, la première possibilité d'évasion. Il sort ses affaires avec des gestes minutieux, répétés mille fois. « Bon… Dites-moi, ce qu’il y a, je sais que vous n’êtes pas les personnes les plus bavardes de la terre, mais tout de même, il y a quelque chose. Vous vous êtes disputés ? » C’est presque étrange, qu’il s’en rend compte - qu’il capte quelque chose entre eux, alors pourtant qu’il a été aveugle pendant des années - qu’il n’a jamais vu un regard de travers ou eu l’impression que quelque chose clochait. Tout comme il ne s'est pas posé plus de question en les voyant ensemble à son retour. « Qu’est-ce que tu racontes ? » Il ne répond rien Gauthier, comme si plus de mensonge risquait de lui brûler la gorge, comme s’il n’en était plus capable. « Vous ne parlez pas, êtes froid, qu’est-ce que j’ai pu faire pour vous mettre dans cet état-là, ou bien, est-ce entre vous ? » Enfin il semble percevoir quelque chose Daniel, comme s'ils avaient perdu leur pouvoir - celui de prétendre qu’ils sont amis peut-être, que tout va bien - qu’ils n’ont pas fauté. « Je suis fatiguée, c’est tout… » C’est tout… Les mots sonnent faux presque comme un aveu alors que le regard de Daniel se pose maintenant sur Gauthier. Le trader qui garde son masque, son visage ne laissant rien transparaître du malaise qui l’anime. « Tu sais ce que je pense des babillages en montagne. » Il le dit d’un ton amusé, presque complice, il compartimente Gauthier, il veut oublier le reste pour quelques heures, pour offrir à son ami ce qu’il demande, un retour dans le passé, avant que tout ne change.
Cette fois l’expression de Daniel change, le sourire un peu enfantin qui se dessine sur son visage. « Que c’est une perte de temps. » Souvent Gauthier l’a dit, souvent il s'est moqué de Daniel qui parlant se retrouvait quelque bons mètres derrière lui. Toujours avec le sourire, aujourd’hui il se cache derrière une boutade, derrière cette complicité crée entre eux. Il déteste ça, il se déteste de le faire et pourtant il ne faut rien montrer de cette sensation. Rien montrer de cette envie qu’il a de lui demander de partir - de rentrer en Angleterre et de ne plus jamais revenir - avec ou sans sa famille il ne sait que dire mais il a la certitude qu’il faut qu’il se passe quelque chose, que ça ne peut pas durer comme ça - qu’il n’a pas fuit à des milliers de kilomètre pour être aujourd’hui rattrapé par son passé. « Ca ne m’empêchera pas d’être plus rapide que toi. » Un nouveau sourire, un peu moins forcé cette fois. « J’aimerais voir ça. » Il ne lui dit pas Gauthier mais il prend le pan le plus dur - il se met des bâtons dans les roues parce que malgré les capacités de Daniel, il est meilleur et tous deux le savent. Elisabeth reste un peu en retrait de cet échange, et ce n’est qu’en relevant les yeux qu’à nouveau il pose son regard sur elle - se frisson qui le parcourt, ses yeux qui se détournent aussi vite. Il finit de se préparer pour dompter le mur - cherchant les meilleures prises pour partir avant de s’élancer.
Daniel arrive quelques secondes avant lui - il avait presque oublié cette histoire de course avant qu’il ne pose son regard sur son ami tout sourire. « Tu vois quand tu gardes le silence ça marche mieux. » Il lui dit un peu amusé alors qu’Elisabeth les rejoint au sommet. « Et ça marche encore mieux quand j’ai un mur plus facile que toi. » Il n’est pas idiot Daniel, il connaît bien la montagne et sait juger de la difficulté d’un mur avec sans doute autant de facilité que Gauthier. « Mais ça fait quand même de moi le vainqueur. » Qu’il rajouter pas totalement peu fier de lui en se tournant vers sa femme. « Un baiser pour le vainqueur ? » Il avait oublié ce petit rituel, ce baiser comme signe de victoire - celui qu’il demandait à sa femme il y a des années et qui pourtant n’avait alors jamais créé un tel malaise chez Gauthier. Lui aussi y avait eu le droit - évidemment plus soft un baiser sur la joue… Une sorte de récompense. Un jeu ou un rituel qui aujourd’hui semblait ne plus avoir sa place au milieu de leur trio. Ce n’est toute évidence pas ce que pense Daniel, ses yeux toujours emplit d’amour qui se posent sur la blonde… Il l’aime encore c’est l’évidence… Il ne repartira pas sans elle, et ce constat fait à nouveau frissonner Gauthier alors qu’il détourne le regard.
J’étouffe. Alors que la montagne est l’endroit où je me sens bien, le seul à me rendre ma pleine conscience, mon énergie et mon souffle, cette situation me vole tout, jusqu’à m’étouffer. Nous avons régulièrement fait des marches tous les trois, augmentant la tentation et l’envie d’aller vers Gauthier, mais aujourd’hui les choses sont différentes. Différentes parce que je n’arrive plus à faire semblant, à cacher mes sentiments. Peut-être parce que ceux éprouvés pour mon mari sont bien moindre que les autres ? Me retrouver entre ces deux, ne m’arrange pas, j’aurais tout fait pour l’éviter et je me sens prise au piège, sans réussir à outrepasser ce sentiment. Daniel ne cesse de me couver de ce regard amoureux qu’il a toujours eu envers moi mais qui aujourd’hui provoque un malaise constant chez moi. Alors que sa présence est de plus en plus facile à supporter chaque jour, je deviens incapable de lâcher mon flux de mauvaise énergie sur lui mais toujours incapable de lui montrer un geste d’affection qu’il attend. Quand à Gauthier, je n’arrive même à mettre de mots sur ce qu’il me fait ressentir. Même après deux mois sans l’avoir vu, mes sentiments ne font que croître, comme s’il était devenu impossible pour moi de me passer de lui, mais également de passer du temps avec lui tellement mon cœur risque l’explosion. En même temps, je sais que tout ça est mauvais, et ne cherche même plus son regard sachant qu’il ne le voudrait pas. « Tu sais ce que je pense des babillages en montagne. » Cette phrase, je l’ai entendu des dizaines de fois, je ne sais pas comment il fait pour tout mettre de côté, et simplement être lui avec Daniel, mais je l’en remercie parce que pour l’instant, j’en reste incapable. « Que c’est une perte de temps.» La voix de Daniel m’atteint comme un coup en plein cœur. Il est heureux et j’aimerais qu’il le reste, seulement, je garde cette culpabilité grandissante en moi et ne sait même plus bien comment la prendre. Je me concentre sur mon mur, où fait tout comme, alors que je vois parfaitement qu’ils sont entrains de se lancer une compétition rituelle. Je ne peux retenir un sourire qui vient traverser mon visage. Comme au bon vieux temps. Je ne sais pas si c’est une bonne chose de vivre dans le passer, refaire ces balades et tenter de raviver de vieux souvenirs, mais en cet instant, maintenant que nous sommes ici, Gauthier doit avoir raison, tout mettre de côté pour qu’il profite de cet instant…
Alors qu’ils se dépêchent tous les deux pour arriver en premier au sommet, le silence prend le dessus et je me décide enfin à grimper profitant de cet instant pour tout mettre de côté, ne plus faire attention à tout ce qui me gêne et tenter de profiter, faire comme si, au moins le temps de cette journée. « Tu vois quand tu gardes le silence ça marche mieux. » Un sourire envahi mon regard en voyant Daniel sur son rocher, en train d’attendre son ami, faisant bien trop le fier. « Et ça marche encore mieux quand j’ai un mur plus facile que toi. » J’appuie sur mes bras afin de me remonter un peu mieux et les rejoindre alors que mes prises m’ont légèrement éloignées de leur point d’arrivée. « Mais ça fait quand même de moi le vainqueur. » Alors que son visage se tourne vers moi, une boule se forme au creux de ma gorge, je sais ce qui va suivre pour l’avoir vécu bien trop de fois. « Un baiser pour le vainqueur ? » Son regard sur moi m’oblige à me morde l’intérieur de la joue pour ne pas dévier, ne pas aller chercher les yeux de Gauthier à cet instant. Je souris, tendrement, mais suis incapable de me baisser pour l’embrasser, je ne pourrais pas, et encore moins en présence de Gauthier. Pourtant, mes deux mains passent sur ses épaules alors que je me positionne derrière lui et me baisse à son niveau amenant mon visage proche de son oreille, pas trop non plus… « Et si tu te contentais d’un sourire pour l’instant ? » Je vois parfaitement qu’il boude mais me relève sans vraiment y faire attention alors qu’il hausse les épaules en se mettant debout à son tour. « Je crois qu’un sourire fera l’affaire. » C’est déjà mieux que rien, jeune homme ! Dans un mouvement, je me retrouve face à Gauthier et mon cœur s’arrête, un frisson parcours ma colonne alors que je m’oblige à rompre ce contact. Alors que les mains de Daniel viennent se poser sur mes hanches et ses lèvres déposer un baiser sur mes joues que je suis loin d’avoir demandé, il reprend son dû, crispant tous les traits de mon visage, alors que mon regard évite à cet instant soigneusement l’emplacement du trader. Je sais qu’il ne pense pas à mal, qu’il pense que cette proximité me fera réagir, mais en plus de ne raviver aucune passion en moi, cela m’irrite plus qu’autre chose. Ce n’est pas parce que je suis sa femme qu’il a tous les droits. Seulement, je ne ferais pas une scène, laissant couler pour ne pas tendre encore plus l’atmosphère. « On y retourne? » Je n’attendais que cette proposition. Avançant alors d’un pas déterminée, je vois parfaitement où est notre prochain mur, ce n’est plus trop long, nous arriverons là-haut avant le lever du soleil, une chance d’être en hiver. « J’vous laisse deux secondes, pas de bêtises ! » Comment fait-il pour agir exactement comme avant ? Sans prendre conscience de tout ce qu’il se passe ? Je roule des yeux, alors que je sais pertinemment qu’il a bu trop de thé ce matin, comme à chaque fois, l’empêchant de tenir plus d’une heure. Alors qu’il va vers un arbre plus loin, je me mords la lèvre, seule avec Gauthier. Je me tourne enfin vers lui, croisant son regard sans savoir si je dois le tenir ou non. « Est-ce qu’on pourra parler, sans… ? » Sans Daniel. Je ne veux pas le mettre à nouveau mal, je pourrais même mettre mes émotions de côté, ce n’est pas de ça que je souhaite parler, mais d’un sujet auquel il ne pourra pas échapper, pas aussi facilement : Gabriel. Le fait de voir beaucoup moins Gauthier à la maison ne lui a pas échappé et reste un mystère pour mon fils. Alors qu’il est persuadé que son père et l’anglais sont meilleurs amis, il ne comprend pas pourquoi les cadences des visites de l’oncle de son ami se font moindres et pourquoi il ne peut pas participer quand ils se voient ? Je n’ai plus d’explication à lui donner à part que c’est trop dangereux ou qu’ils ont du temps à rattraper mais il commence à ne plus y croire, à être blessé par tout ça, et je ne peux lui en vouloir… Quelques secondes suffisent pour que Daniel soit de nouveau avec nous, toujours ce regard amusé, fier et joyeux sur le visage, j’aimerais tellement le partager réellement, pourtant, c’est une façade qui se créait sur mon visage à son retour. La matinée risque d’être longue…
Il n’a pas envie de voir ça, un baiser entre eux. N’a pas envie d’assister à une scène de pseudo bonheur en plus - encore une qui sonnera faux, encore une qui lui donnera envie de prendre ses jambes à son cou. Mais il n’a pas plus envie de le voir rejeté non plus, d’observer ce regard qu’Elisabeth porte sur lui… Parce qu’il a changé, parce qu’il n’y lit plus l’amour qu’il pouvait voir avant. Quelque part ce regard avait été rassurant pendant de longues années, l’assurance qu’Elisabeth était heureuse, que Daniel l’était aussi et que c’était peut-être la seule chose importante à savoir. Aujourd’hui il ne voit plus le bonheur sur le visage de la blonde, et la regarder lui est alors plus douloureux. « Et si tu te contentais d’un sourire pour l’instant ? » Il a détourné le regard, pensait qu’elle le ferait mais les mots le ramène à la réalité. A la déception de son ami qui croise son regard. « Je crois qu’un sourire fera l’affaire. » Il sourit Daniel, cache ses émotions lui aussi, cette impression qui le ronge que plus jamais les choses ne seront comme avant. Il l’a confié à Gauthier pourtant, cette crainte de perdre sa famille pour de bon - de ne jamais réussir à pardonner ou à se faire pardonner. Il essaye pourtant, les mains qui se glissent sur les hanches de la blonde et le baiser qu’il dépose sur sa joue. Gauthier reste stoïque lui - spectateur involontaire. Il finit par détourner le regard. « On y retourne? » La proposition lui convient. marcher, grimper, vider son esprit en s’enivrant de la nature et en oubliant le reste. Même la présence des deux humains à ses côtés semble pouvoir s’oublier quand il se ressource, quand il cherche la meilleure prise, son corps puissant se hissant jusqu’au sommet de ce deuxième mur. Pendant quelques secondes il y est vraiment seul - son regard vers l’horizon, l’impression de dominer le monde alors qu’une partie infime de l’australie se trouve sous son regard. Finalement il est rejoint par Daniel et Elisabeth… Un sourire vers eux, qu’il essaye sincère. Il voudrait que les choses soient aussi simples que par le passé - profiter de ses instants ensemble…
« J’vous laisse deux secondes, pas de bêtises ! » Il devrait sans doute être plus anxieux de se retrouver seul avec elle - parce qu’elle va lui parler - parce qu’Elisabeth est comme ça et qu’elle voudrait arranger les choses même quand ça n’est pas possible. Il tourne son regard vers elle, un demi sourire. Peut-être qu’elle peut y lire des excuses, parce qu’il sait à quel point cette situation la met mal à l’aise… Parce qu’il se sent coupable en un sens, même si tous les deux le sont. « Est-ce qu’on pourra parler, sans… ? » Sans Daniel… Il a compris, pas besoin qu’elle finisse sa phrase. Il hoche la tête de haut en bas, peut-être avec peu de conviction mais tout de même. « Oui… » Il cède, plus facilement que prévu sans doute mais elle ne sait pas… Elle n’imagine pas à quel point elle lui manque - plus encore que lors de leur première séparation - elle ne sait pas qu’il pense souvent à Gabriel aussi, sans vraiment se le permettre, avec toujours cette culpabilité sous jacente. Cette situation n’est pas tenable, il le sait, elle aussi… Et il a sans doute besoin autant qu’elle de la voir - même si il ne parle pas - même si c’est juste pour l’écouter. « Plus tard… » Evidemment l’endroit n'est pas revé, pas avec Daniel à quelques pas d’eux. Daniel qui est d’ailleurs déjà entrain de les rejoindre. Son sourire aux lèvres, cette excitation qui l’anime comme si il avait besoin d’être heureux pour trois… Parce que les deux autres n’en donnaient pas assez. « On pourrait rester là pour profiter du lever de soleil. » Ils obéissent Gauthier et Elisabeth, posent leurs sacs et tous trois vont s'asseoir au bord de la falaise pour observer le spectacle… Dans le silence.
Daniel est placé au milieu, tel un bouclier, le soupire d’aise qui sort de sa bouche devant le spectacle de cette nature magnifique. « J’aurais jamais pensé qu’on se retrouverais les trois… Ici… » Il y a un sourire sur le visage de Daniel, sa main qui va attraper celle d’Elisabeth, qui lie ses doigts aux siens sans savoir - sans se rendre compte de ce qu’il fait - le regard de Gautheir qui fixe un instant ce contact avant de revenir sur l’horizon, sa mâchoire qui se serre. Pas un mot. Aucune réponse de la part de Gauthier, pas plus d’Elisabeth… Mais cette fois il ne s’en préoccupe pas plus. « J’ai toujours pensé que ma vie était en Angleterre, mais au final j’ai peut-être besoin de changement aussi… » Il voudrait faire quelque chose Gauthier, dire non, protester, trouver une excuse pour qu’il ne reste surtout pas ici. Mais il ne fait rien, il ne dit rien. Imagine les mensonges et les faux semblants qui vont suivre, les années de culpabilité à faire face à Daniel dans le silence. Ca lui donne presque le tourni. « Je reviens… » Comme un trop plein il s’éloigne. Sort de leur champs de vision pour aller souffler un peu - peut-être trop longtemps il perde un peu la notion, adossé à un arbre, le souffle irrégulier et les pensés qui lui inondent la tête. La vérité c’est qu’il n’a pas envie d’y retourner, juste de fuir encore. Comme un lâche… Peut-être ce qu’il est au fond.
Alors que pour nous la journée a débuté il y a déjà plusieurs heures, le soleil ne fait que se lever actuellement. J’ai l’impression d’être ici depuis des années et en même temps, même si je déteste être entre eux deux, je ne peux que trouver l’endroit magnifique. Quand Daniel s’éloigne, mon esprit s’échappe, tout d’abord vers la terre qui m’entoure, m’ouvrant enfin les yeux sur ce que je refuse même de voir depuis le début de notre balade. Nous sommes entourés de végétation, tout en étant dans un désert de fleurs. Les roches font l’objets de décoration et la vue est de plus en plus spectaculaire au fur et à mesure que nous grimpons les murs nous menant au sommet. Puis sans attendre bien longtemps, je suis rappelée à la présence qui me tient depuis qu’il est arrivé. Gauthier est là, juste à mes côtés alors que plus loin mon mari ne peut nous entendre. Je ne peux plus faire attention à la beauté de la nature en éveil car toute mon attention est portée sur lui et seulement lui. Son regard, un sourire, comme s’il voulait s’excuser sans que je connaisse la raison. Sans savoir de quoi je dois le pardonner, je dois me faire force pour ne pas sombrer dans ses yeux et rester ancrée dans le sol. Une requête. Je ne souhaite que pouvoir lui parler. Dans un lieu public s’il le souhaite mais il faut que nous ayons une réelle discussion. Mais aussi parce que j’ai besoin de le voir, simplement et sans que je ne puisse rien y faire… Je m’attends à un rejet, je sais qu’il ne voudra pas à nouveau se mettre dans une position délicate, avec la possibilité de devoir à nouveau détruire une partie de ce qu’il reste de mon couple mais aussi de nous. Seulement, lorsque sa tête s’agite, doucement, mon cœur fait un bon. Oui ? « Oui… » Un saut en parachute me fait probablement moins d’effet et je dois me mordiller la lèvre pour ne pas sourire dans un esprit de victoire. Il a accepté. Je suis ridicule. On dirait une jeune connaissant son premier amour, rougissant au premier mot mignon de son petit ami, alors que je suis mariée et qu’en agissant ainsi je le trompe à nouveau, même si ce n’est pas par la chair… Je ne sais pas pourquoi il dit oui, l’ignore et en suit réellement étonnée, seulement je ne veux pas gâcher tout cela et ne dit plus rien, acquiesçant simplement des paupières. Il a accepté et juste pour ça, je ferais peut-être plus d’effort dans la suite de notre ascension. « Plus tard…» En même temps, je n’allais pas tenter une discussion sur l’avenir de mon fils et peut-être le nôtre juste le temps que Daniel fasse pipi… Je ne peux retenir un sourire et détourne le regard, devenu trop difficile à tenir sans laisser mes émotions prendre le dessus, sans ne plus pouvoir regarder Daniel en fasse, sans lui demander de partir avec moi tout de suite, maintenant… Plus tard. Nous verrons donc. Plus tard sans le regard perçant de mon blond de mari et son sourire. Ce sourire qui pince tout de même mon cœur, ce sourire si contagieux et aimant, celui qu’il garde, qu’il a sur les photos de sa mère fière de montrer les exploits de son fils âgé alors de seulement six ans. Ce sourire qui m’a eu, ce sourire qui a su me conquérir à de nombreuses reprises. Ce sourire qui a mis fin à un nombre incalculable de début de disputes. Ce sourire qui atteint mes lèvres et les étends même si j’aurais préféré ne pas le faire. Il le sait, il en est fier et je ne peux pas lui enlever ça. Il reste Daniel après tout… « On pourrait rester là pour profiter du lever de soleil. » Vaincu, nous nous laissons avoir, se posant au sol, les sacs derrières et sur le côté. Gauthier, Daniel et moi, comme avant, comme au bon vieux temps et pourtant sans que rien ne soit pareil…
En face de nous, le soleil nous offre un spectacle lumineux et splendide alors que minuscule à côté de ce tableau, nous restons là, immobile et loin de tout. « J’aurais jamais pensé qu’on se retrouverais les trois… Ici… » A qui le dis-tu… La main de mon mari vint se poser proche de la mienne, alors que délicatement, ses doigts se lient au mien, mon cœur devenant lourd. Ce contact autrefois si rassurant ne l’est plus et alors que je n’ai jamais été très tactile avec Daniel devant Gauthier, aujourd’hui, je ne peux plus l’être réellement. Je sens le regard du trader se poser sur nos mains et j’ai envie d’exploser, me concentrant alors uniquement sur les rayons de ce levé de soleil. « J’ai toujours pensé que ma vie était en Angleterre, mais au final j’ai peut-être besoin de changement aussi… » Incapable de faire le moindre geste, je sens mon cœur s’arrêter dans ma poitrine et mon sang ne faire qu’un tour. Je tremble et tente de me contrôler pour qu’il ne le ressente pas. Je ne peux tourner le regard, la mâchoire probablement aussi crispée que celle de Gauthier de l’autre côté. Il ne peut pas. Et si… Et si même sans moi, Daniel décidait de rester à Brisbane ? S’il décidait de poser ses valises pour rester tout de même proche de nous, avoir des réponses qu’il n’a toujours pas, garder contact avec Gabriel… En serait-il capable ? Pourrait-il nous faire ça ? Nous hanter sans jamais se rendre compte des conséquences de ses actes ? Je sais que nous sommes les coupables mais aujourd’hui, ne serait-ce pas son attache trop importante qui fait souffrir autant de monde ? Pourquoi rester si c’est sans nous ? Pourquoi dire ça en présence de Gauthier si c’est uniquement pour me faire passer un message ? Le message répondant à mes dires, ceux que je lui réplique depuis deux mois : aujourd’hui Brisbane, c’est chez moi, et je ne rentrerais pas avec lui… Tétanisée, je ne vois plus rien sauf le noir que je broie et sa main brûle la mienne plus que jamais. « Je reviens… » Sa voix, presque faible, mais toujours aussi forte et droite que lui m’atteint comme un dernier coup de poignard. Ne pars pas. Alors qu’il se lève, je retire sèchement ma main de celle de Daniel, me recroquevillant sur moi-même. Je ne sais le temps qui est passé, une, deux minutes, peut-être des dizaines, mais mes pensées vers Gauthier sont presque incapables d’écouter les dire et inquiétude de l’anglais à côté de moi. « Qu’est-ce qu’il lui arrive ? » « J’ai fait quelque chose ? » « Il ne va pas bien en ce moment, si ? » Mon regard presque noir se colle sur lui, son sourire s’effaçant d’un coup. « Je vais le voir. » « Euh…ok. » Je me lève, presque heureuse de pouvoir respirer un peu plus facilement tout en cherchant Gauthier du regard. Un instant, je ne le trouve pas et mon cœur se met en vrac, s’il avait fait demi-tour ? S’il lui était arrivé quelque chose ? Mais mes yeux devenus habitués à la faible lueur du soleil remarque enfin cette silhouette que je chéri tant. Doucement, je m’approche tout en voulant lui laisser de l’espace. Je ne suis pas sûre de devoir être là, mais je ne pouvais rester là-bas et encore moins le laisser broyer du noir. Un léger regard vers l’herbe plus loin où se trouve mon mari et je continue mon chemin. « Gauthier… » Je ne saurais rien rajouter, il n’y a rien à dire, rien que je puisse faire ou expliquer, à part m’excuser, ce que je passe ma vie à faire. Doucement alors que son dos me fait face, ma main se pose sur la sienne, caressant de la pointe des doigts son épiderme. Fermant les yeux, je me rends compte que ma présence n’était probablement pas utile mais une fois encore, ce sont ses doigts que j’ai besoin de sentir contre les miens, et non ceux de l’homme que je devrais tenir à cet instant. C’est lui que je veux rassurer, lui que je veux tenir et embrasser, mais je dois me contenter d’être là, simplement, lui laissant le maximum d’air que je peux lui offrir, tout en abandonnant à nouveau, celui à qui j’ai promis de tenir jusqu’à ce que la mort nous sépare…
Les minutes passent, le silence qui s’installe, qui l’apaise alors qu’il se retrouve dans la nature. Un instant, il arrive presque à chasser le malaise qui l’a pris - celui que cette situation semble infiltrer en lui sans qu’il n’ait de réel contrôle là dessus. Cette envie qui le prend de retourner là bas et de leur demander de partir - clairement sans prendre de gants - de retrouver le pouvoir sur cette situation qui lui échappe. Comme s’ils empiétaient sur son territoire. Mais il ne le fera pas - parce que même si tout son être lui demande de le libérer de ce poids il est incapable de leur demander ça, incapable de les faire fuire tous les deux alors pourtant qu’ils font partis des gens les plus importants de sa vie. Alors que cette autre partie a tant envie de les garder près de lui. « Gauthier… » La voix qui raisonne, qui le fait frissonner alors pourtant qu’il garde les yeux fermés et reste prostré. L’impression que de cette façon elle ne pourra pas le voir - pas le trouver. Mais déjà il sent le contact de sa peau contre la sienne, tout son corps qui réagit à cette chaleur irradiante. Il devrait enlever sa main, mais n’en fait rien, ses doigts qui cherchent à taton ceux de la blonde dans un geste désespéré de réconfort. Toujours cette honte qui se lit dans son geste, ses yeux qui restent fermés et son souffle qui se fait court. « Pas ici… » Il murmure les mots mais ne se détache pas d’elle pour autant. Tout en sachant que Daniel est là - tout proche - tout en sachant qu’il pourrait surprendre ce geste à tout moment - il s’enivre encore un peu de ce toucher si léger - le seul qu’il aura sans doute avant longtemps, parce qu’ils ne peuvent se permettre plus.
« Bordel !!! »
Le cri de Daniel les sépare d’un coup. Les mains qui se délient, leur regard alerte qui se tourne vers la provenance du bruit avec la peur au ventre. Daniel n’est pas là, mais ils l’entendent encore jurer, avec force, comprenant que quelque chose cloche et qu’il est en souffrance. Tous deux courent, sans plus se poser de question. Gauthier qui arrive le premier, son ami au sol et qui tient sa jambe. « Qu’est ce qui c’est passé ? » Il serre les dent Daniel, la souffrance qui se lit sur son visage. « Je voulais voir rejoindre, je l’ai pas vu… Le serpent j’ai marché sur… » Même prononcer quelques phrases semble difficile, la douleur prenant le dessus. « Il t’a mordu ? » Si il garde son calme d’un coup tous les signaux d’alerte s’enclenche dans la tête de Gauthier alors qu’il s’approche de la jambe de son ami. « Laisse moi voir. » Les serpents ce n’est pas son domaine de prédilection, mais quand on est un habitué de la nature Australienne il vaut mieux s’y connaitre un peu. « A quoi il ressemblait ? » La question fait un peu peur - parce que par ici rodent des serpent dont les morsures sont bien plus dangereuses que ceux qu’ils ont pu rencontrer dans leur divers périples… Mortelles même. Et ils sont au milieu de nul part. « Je ne sais pas, j’ai pas vraiment eu le temps de voir, il avait la couleur du sol, à peu près deux mètres de long, peut-être plus. » La couleur du sol, cette précision ne l’aide pas vraiment. « Essaye de te concentrer Daniel ! » Il le dit d’un ton autoritaire, un peu paternaliste. « T’es drôle toi ! Figure toi que je me suis fait un peu distraire quand il m’a mordu. » Il se radoucit alors que Daniel lève ses mains pour laisser entrevoir la morsure. Nette et précise elle semble déjà un peu bleutée aux pourtours mais le simple fait que Daniel soit encore en train de parler est bon signe.
Du coin de l’oeil il voit Elisabeth qui tente d’appeler les secours, ses doigts tapotant avec insistance sur le téléphone comme si cela allait changer quelque chose au réseau inexistant dans cette partie de la montagne. « Eli, attrape la trousse de toilette dans mon sac. » Elle le fait, avec aplomb, toujours prête à affronter les situations compliquées - il la connaît bien la blonde et ce n’est pas la première fois qu’une situation de ce type se produit. Combien de fois ont-ils trouvé des alpinistes en détresses - des randonneurs du dimanche partie sans le bon matériel. « Il faut qu’on immobilise ta jambe. » Il regarde Daniel, puis Elisabeth qui comprend aussitôt et part chercher des bouts de bois de taille adéquates. « T’es devenu un professionnel du serpent toi maintenant ? » La touche d’humour de Daniel lui arrache tout de même un vague sourire alors qu’il désinfecte la plaie comme il peut. « Il faut bien quand je me promène avec des gens qui regardent pas devant eux. » Il rit un peu mais même dans le rire de Daniel se lit la souffrance que lui procure cette morsure. Déjà Elisabeth les a rejoint elle tend les bâtons et lui bande comme il le peut - sans faire de garrot - la bande évidement trop petite pour faire son travail comme il se doit. « Okay… On va t’aider à descendre maintenant ! Ne pose pas la jambe par terre sauf si c’est vraiment nécessaire. On se rapproche un peu de la civilisation et dès qu’on a du réseau on appelle. » Il ne sert à rien de prendre plus de risque que ça en le mobilisant sur plusieurs mètres. « T’inquiète pas tu seras à l'hôpital dans peu de temps. » Il l’espère du moins - l’endroit est reculé et la première étape va être de le faire redescendre cette première parois qu’ils viennent d’escalader… Et pour ça il ne voit qu’une solution, le prendre sur son dos.
« Pas ici…» Mes lèvres se pincent alors que ses doigts cherchant les miens laisse un frisson s’emparer de moi, laissant une chaleur brulante au creux de moi. Cette chaleur, ce désir que lui seul est capable de me procurer, que je n’ai pas ressenti depuis deux mois et que je n’imagine plus être capable d’atteindre qu’un millième avec mon véritable mari… Pourtant innocent mon geste était loin de vouloir le mettre mal à l’aise. Je veux être là, lui faire comprendre qu’il n’est pas seul, que je le suivrais ou l’écouterais quoi qu’il décide. Ce contact entre nous, paraissant innocent, amical et loin de ce que Daniel pourrait penser s’il nous voyait actuellement. Ironiquement, je sais que s’il nous voit ainsi, il sera heureux que j’ai enfin de l’attention pour son meilleur ami, que j’accepte d’être là et même de le rassurer alors que tant de fois j’ai refusé de partir en montagne avec eux à cause de la présence du brun, tant de fois je suis restée lointaine et froide… Si seulement, il savait… Toute cette situation est exactement ce que j’ai toujours cherché à fuir pour respecter mon engagement envers lui, engagement parti depuis longtemps, arraché par un destin différent au quel je n’ai même plus envie d’échapper… Silencieuse, je ne réponds pas, ne souhaitant pas le froisser, simplement répondre à son besoin de silence, tout en lui montrant qu’il n’a pas à être seul, même si je sais qu’il se retrouve ainsi, il ne doit pas brouiller du noir ainsi, ne pas laisser la phrase de Daniel l’atteindre à ce point. Si Daniel doit venir ici, je partirais. C’est aussi simple. Ce n’est pas à lui de changer sa vie pour nous à chaque fois, il l’a déjà fait une fois de trop, plus jamais il ne devra subir ça…
« Bordel !!! » Un sursaut et tout le naturel revient au galop. Mes sourcils se froncent, mon regard tombant dans celui intense de Gauthier alors que nos mains sont déjà à des années lumières l’une de l’autre. Non, ce cri n’est pas pour nous, il ne vient pas de nous voir. Les battements de mon cœur n’ont pas le temps de se reposer, l’inquiétude prenant le dessus. Si ce n’est pas nous, alors c’est lui. Nos pas se font rapides, une course, pour arriver à hauteur de Daniel qui jure encore tout en se tordant presque de douleur sur sa jambe. « Qu’est ce qui s’est passé ? » Nous avons l’habitude de tout cela, mais l’inquiétude doit tout de même traverser mon visage. Que lui arrive-t-il ? « Je voulais voir rejoindre, je l’ai pas vu… Le serpent j’ai marché sur…» Mon myocarde reprend un rythme plus rapide. Je ne m’y connais pas réellement dans ces bêtes-là, et je préfère les éviter. Sans le voir autour de nous, j’écoute d’une oreille l’échange entre les deux meilleurs amis sans y faire réellement attention, retenant pourtant chaque mot tout en tenter de trouver du réseau. Mon portable tout comme celui des garçons est inutile, rien ne passe, même pas les urgences, ce qui a le don de m’agacer et de laisser mon pouce s’enfoncer un peu plus sur l’écran de mon téléphone. Je jure intérieurement alors que je vois parfaitement les regards se poser sur moi. « Eli, attrape la trousse de toilette dans mon sac. » Sans céder pour autant à la panique, je garde mon calme, cela ne servirait à rien autrement. Me dirigeant vers le sac de Gauthier, je trouve rapidement la trousse dont il me parle et lui ramène rapidement en jetant à nouveau un regard sur mon écran, aucune chance… Je le range, pensant alors me rendre plus utile et allant chercher de quoi bloquer la jambe de mon mari. Ce n’est pas autour de nous trouverons de quoi faire une belle attelle de fortune, mais nous ferons avec ce que nous avons… « Il faut qu’on immobilise ta jambe. » Je n’ai pas besoin de plus pour partir les récupérer et les tendre quelques instants plus tard au trader qui s’agite autour de la jambe mordue avec des gestes professionnels, prenant son rôle de soignant au sérieux. Etrangement, je le revois bander ma main cette soirée et je ne peux empêcher le rose me monter aux joues. Reprends toi Elie… « Okay… On va t’aider à descendre maintenant ! Ne pose pas la jambe par terre sauf si c’est vraiment nécessaire. On se rapproche un peu de la civilisation et dès qu’on a du réseau on appelle. » Aidant Daniel à se maintenir sur nous, il est plus complexe d’avancer, mais rien d’insurmontable. A son regard, j’ai l’impression qu’il s’amuse presque de la situation. Les regards sont à nouveau portés sur lui, nous sommes inquiets pour lui et alors qu’il tourne le visage vers moi, comme un grand blessé, je ne peux faire autrement que de lui sourire, tentant d’être rassurante. Je sais parfaitement ce qu’il attend et il sait parfaitement qu’il joue à un jeu devenu dangereux avec moi. Pourtant mon cœur se pince à son air un peu tiré et blessé restant pourtant si joyeux. « Tu auras un bisou magique que si tu ne te plains pas trop et que si tu arrives à tant aux secours. » Je plisse le regard, alors que nous arrivons déjà au premier mur, épreuve bien plus complexe lorsqu’une personne ne peut plus le descendre.
« T’inquiète pas tu seras à l'hôpital dans peu de temps. » Je vois le regard de Gauthier et ses gestes, je sais ce qu’il compte faire et même s’il en a l’habitude, cela reste assez dangereux à mes yeux. « C’est dangereux Gauthier… » Je sais qu’il ne m’écoutera pas et sors déjà ma corde d’escalade. Je ne l’utilise que rarement dans ce genre de marche, mais nous ne savons jamais et je pense que pour le coup je suis assez heureuse de ne pas l’avoir abandonné à la maison. Nous ne pourrons faire de vraies attaches mais déjà, elle servira à les maintenir tous les deux. « Je vais devoir vous attacher, vous ne descendez pas autrement. » Et personne ne contredira ce propos. Sans même attendre leurs protestations je m’évertue déjà à les attacher ensemble. Heureusement que le mur n’est pas trop grand, nous aurions plus de problème autrement. « Je descends en tête, je vous pare, ce sera plus prudent. » Je sais qu’il en est probablement capable, mais cela reste dangereux et on ne sait pas ce qui a piqué Daniel, s’il devient d’un coup un poids mort, rien de tout cela serait sécurisant et je ne veux en perdre aucun dans la manœuvre. Attachant la corde à mon short, je laisse Gauthier s’occuper de créer un harnais de fortune sur lui. La corde passait dans un trou, je suis déjà plus rassurée quand à cette descente et me lance sans trop de soucis vers le sol quelques mètres plus loin où ils me rejoignent grâce à l’habilité et l’habitude de Gauthier. Alors qu’il touche le sol, je sors mon téléphone et mon cœur se libère légèrement. On capte. Sans attendre, la tonalité résonne déjà contre mon oreille alors que je tente d’aider les garçons à se démêler. « On les attends là, où on arrivera à atteindre les voitures ? » Je ne sais pas réellement auquel des deux je pose la question. « Ça va aller toi ? » Cette fois-ci c’est vers Gauthier que je me tourne, ce n’est pas comme si c’était Gabriel qu’il venait de porter sur le dos à la puissance de ses bras… Récupérant Daniel de son dos, je l’aide à s’assoir. « Je ne suis pas contre une pause, personnellement. » « Tu sais qu’il ne faut pas que tu te poses de trop, Dany… » « Tu es inquiète que je ne reparte pas maintenant ? » « Ne joue pas à ça. » Oui, je suis inquiète, je ne l’ai jamais caché. Je ne cesserais jamais de le faire pour lui, je l’aime, il est ma famille et ça je ne sais pas comment cela pourrait vraiment être changé… M’accroupissant, je regarde sa jambe qui n’a pas fière allure. Délicatement, je passe mon pouce dessus, agissant probablement tendrement avec lui pour la première fois depuis un an… « Si j’avais su qu’il fallait une simple piqure de serpent pour attirer ton attention, je serais venu me faire piquer avant. » Il rit, regardant son ami avant de poser un regard amoureux sur moi. Moque-toi, oui. L’ignorant totalement, je me tourne vers Gauthier alors qu’enfin les secours me répondent. Je reste avec eux le temps qu’ils puissent nous localiser. Sans faire attention au choix de Daniel, je parle uniquement à Gauthier en me mettant à sa hauteur. « Ils préfèrent qu’on reste ici, ils nous localisent au mieux. Par contre, tu penses que tu peux identifier le type de serpent que ça peut-être ? Ils ont des médecins capables de nous donner plus d’indications en fonction… Ils seront là dans environ trente minutes… » Ce qui s’annonce être déjà assez long… Pourquoi faut-il que nous nous retrouvions toujours avec une situation d’urgence ? La tempête, la crise d’allergie de Gabriel et maintenant ça ? Joli destin…
Toute autres préoccupations avaient disparu au regard de la situation. Daniel était blessé, et la gravité était encore à définir, si il restait souriant, son teint pâle et la rougeur de sa jambe semblaient être eux des indications plutôt inquiétantes. Gauthier avait retrouvé son sérieux, fini son mal-être il ne se concentrait plus que sur son ami, l’inquiétude rongeant son visage alors qu’il tentait pourtant de la dissimuler, son regard se posant sur l’obstacle qui les attendait. « C’est dangereux Gauthier… » Le regard qui se pose sur la blonde, furtif, à peine perceptible alors qu’il a déjà pris sa décision. Il ne laissera pas son ami mourir ici, elle non plus et sur ce point ils sont d’accord alors ils doivent le faire. « Je vais devoir vous attacher, vous ne descendez pas autrement. » Les deux hommes hochent la tête - pas prêt à prendre plus de risque que nécessaire, le coeur battant un peu plus vite à l’idée de ce qui l’attend. « Je descends en tête, je vous pare, ce sera plus prudent. » Ils sont prêts, prient pour que les choses se passent bien, pour qu’il ait la force de ramener son ami sain et sauf. La descente est rude, le poid de Daniel sur ses épaules qui semble d’intensifier un peu plus à chaque mètre, lorsque qu’enfin il touche terre Gauthier est épuisé. Ses jambes et ses bras prêts à lâcher. Il regarde Elisabeth, voit sur son visage qu’elle capte enfin, celle lueur de soulagement alors qu’elle porte le téléphone à son oreille. « On les attends là, où on arrivera à atteindre les voitures ? » Le dilemme reste présent et il espère que les secours seront leur dire quoi faire. « Je crois qu’il est recommandé de ne pas trop bouger. » Les mouvements pouvant permettre de répandre le venin plus rapidement. « Ça va aller toi ? » La blonde le regarde lui mais il met pourtant quelques instants à comprendre que cette question lui est destinée. « Oui ça va. » Il n’a pas envie de se plaindre, encore moins dans cette situation même si les légers tremblements de son avant bras le trahissent alors qu’il attrape l’eau que Daniel lui tend, ce dernier ayant enfin retrouvé le sol et libéré Gauthier de son poids.
Il écoute à peine l’échange entre Elisabeth et Daniel, préfère peut-être ne pas le faire, ne pas sentir cette sensation d’être de trop - d’être le traître qui se fait passer pour le héro. « Si j’avais su qu’il fallait une simple piqure de serpent pour attirer ton attention, je serais venu me faire piquer avant. » Il entend la blague pourtant, celle qui ne fait rire que lui. Le regard inquiet d’Elisabeth comme toute réponse Daniel la regarde amoureusement. De ce regard que Gauthier lui ne peut plus supporter. Il prend un peu de distance pour dégourdir ses jambes, sa nuque… Se préparant à la possibilité de devoir continuer à porter Daniel sur son dos, il en est capable il le sait mais la fatigue est présente dans ses membres, il regrette maintenant les heures qu’il a passé en montagne le jour précédant, le peu d’heure de sommeil et le travail éreintant qui a fatigué son corps. « Ils préfèrent qu’on reste ici, ils nous localisent au mieux. Par contre, tu penses que tu peux identifier le type de serpent que ça peut-être ? Ils ont des médecins capables de nous donner plus d’indications en fonction… Ils seront là dans environ trente minutes… » Il hausse les épaules un regard vers Daniel. « Des serpent brun d'à peu près deux mètre il y a en a des tonnes, il me faudrait plus d’informations. » Cette fois c’est Daniel qui hausse les épaules. « J’ai pas vu… Je peux pas dire… » Il tousse un peu après cette affirmation. Amenant un nouveau rictus d’inquiétude sur le visage de Gauthier. « Passe les moi. » Il prend le téléphone et décrit la plaie, l’état de cette dernier le taille de la morsure, posant quelques questions à Daniel aussi sur son état de santé. Il énumère les quelques serpents qu’il a déjà vu dans le coin sans aucune certitude pourtant et écoute les recommandations. « Oui, nous patientons. » Quand il raccroche finalement son regard se fait plus neutre, esperant ne rien laisser paraître de son inquiétude. « Ils disent qu’il ne faut pas bouger, qu’on a bien fait de stabiliser la jambes et qu’ils arrivent très bientôt. » Déjà d’ailleurs il lui semble entendre le bruit des hélices de l’hélicoptère. « Si je m’en sors pas… » Il le le dit sur le ton de la rigolade Daniel, mais les deux autres n’ont pas le goût à ça. « Arrête, dis pas ça. » Il est un peu autoritaire. « Tu feras attention qu’elle se trouve pas un imbécile pour me remplacer. » Un nouveau regard amoureux vers Elisabeth, il va chercher sa main avec tendresse, tentant de faire renaître la complicité entre eux alors que pour sa part c’est la malaise qui prend Gauthier. « Tu t’en chargeras toi même. » Il ne dira rien de plus. L’hélicoptère est au dessus d’eux.
Il faudra encore cinq bonnes minutes pour qu’il se pose, regardant les trois personnes avec dépit. « On ne peut prendre qu’un accompagnant. » Le regard qu’il échange avec Elisabeth est rapide, elle est sa femme et sa place et proche de lui. « Je vous retrouve à l'hôpital. » De toute façon il sera plus rapide pour redescendre à pied. Et une fois l’hélicoptère partie c’est au pas de course qu’il retrouve sa voiture, son corps totalement épuisé par les événements de la matiné c’est une bonne heure et demi après que l’hélicoptère ait emmené Daniel qu’il retrouve enfin l’hôpital. « Elisabeth ! » Sa voix qui résonne dans le couloir blanc de l’hôpital alors qu’il se dirige vers elle. Il voudrait la prendre dans ses bras, la rassurer comme tout bon ami l’aurait fait mais il n’ose pas, il est trop loin encore mais sait qu’il restera froid… « Comment ça va ? » Elle ? Lui ? Il n’aime pas les cernes qu’il devine sous ses yeux et le teint pâle qu'elle a encore… Il n’aime pas qu'elle ne soit pas avec Daniel mais dans ce couloir à attendre.
Les secours me parle, je ne sais pas comment mais je semble comprendre ce qu’ils me racontent. Je ne dois pas m’affoler, je le sais et je ne le fais pas. J’écoute, et je traduis aux deux garçons, peut-être plus au trader, plus apte à y voir clair. « Des serpent brun d'à peu près deux mètres il y a en a des tonnes, il me faudrait plus d’informations.» Mais ça… « J’ai pas vu… Je peux pas dire… » Bon nous n’en serons pas plus, ça ne sert à rien de tenter plus longtemps d’argumenter sur ce sujet. « Passe les moi.» Presque lointaine à mes oreilles, sa voix fait tilt d’un coup et alors que Gauthier reprend l’appareil de mes mains, je dois me concentrer sur la situation pour ne pas céder à une panique légitime. Seulement, j’ai l’habitude et maintenant à part jeter des coups d’œil réguliers à l’état de mon mari, mon cœur à reprit son rythme normal et je veux simplement que les secours arrivent le plus rapidement possible pour qu’il ne subisse aucun véritable dégât. Son état n’a pas l’air pour l’instant grave, il sourit, mais tousse légèrement, il parle mais grimace de temps à autre. Je ne sais pas si je dois réellement m’inquiéter et je crois que c’est ce qui m’inquiète le plus. Je laisse le brun finir avec les secours et essai de sourire à Daniel, je ne suis pas sûre que ce soit réussi, mon inquiétude un peu trop présente. Je m’avance alors vers lui, me mettant à son niveau, devenant plus douce avec lui que je ne l’ai été ces derniers mois. « Ça va ? » Son regard se fait tendre et presque heureux, heureux qu’enfin je m’intéresse à lui, que je lui pose une question autre que pour lui demander quand il signera nos papiers de divorce. Alors qu’il hoche de la tête, je pose ma main sur son front. « Tu es brulant… » « Je suis plus fort que ça, ne t’inquiète pas. » Il attrape ma main libre, laissant l’autre prendre soin de son visage. Sans échanger plus de mots, nous restons ainsi jusqu’à ce que Gauthier rompe son appel téléphonique et se tourne vers nous. « Ils disent qu’il ne faut pas bouger, qu’on a bien fait de stabiliser la jambes et qu’ils arrivent très bientôt. » Je souris, enfin. Daniel commence à trembler à mes côtés, et je n’aime pas réellement ce présage même si je n’en laisse rien paraitre. « Si je m’en sors pas…» Je roule des yeux et plisse les sourcils. Il est sérieux là ? Son regard vers Gauthier m’inquiète un peu mais en même temps de redouter ses mots, j’ai surtout envie de le frapper pour tenter ce genre de phrase. Il faut arrêter le drama Daniel ! « Arrête, dis pas ça.» Merci Gauthier ! « Tu feras attention qu’elle se trouve pas un imbécile pour me remplacer. » Cette fois-ci je ne peux me retenir et alors qu’il tente de sceller un peu mieux nos mains, celle proche de son visage ne se fait pas attendre pour une légère tape sur le haut du crâne avec un regard noir en prime. Un tu t’en sortiras tout seul, deux je peux choisir qui je veux, trois si seulement tu savais que Gauthier serait premier de la liste… En même temps, est-ce qu’il serait contre ? Avec qui d’autre souhaiterait-il que je finisse ? « Tu t’en chargeras toi même.» J’hoche la tête. Oui, parce qu’il le faudra bien une fois que tu auras compris que même si je t’aime de tout mon cœur Daniel, tu ne seras mon éternel… Le bruit plus fort de l’hélicoptère se fait entendre, coupant court la conversation. Je remercierais les dieux plus tard, en attendant, il faut rapidement le monter là-dedans et le soigner, parce que même si je souhaite vivre sans Daniel en tant que mari, je ne pourrais pas vivre dans un monde sans Daniel.
« On ne peut prendre qu’un accompagnant.» Mon cœur se serre. Pourquoi ? Le regard de Gauthier croise à peine le mien, nous savons qui sera l’accompagnant mais… « Je vous retrouve à l'hôpital.» Je m’assure que Daniel est en train d’être installé dans son transport et me tourne à nouveau vers Gauthier, la boule au ventre. Je m’avance rapidement et aussi vite, je le prends par le bras et dépose un baiser sur sa joue. « Fais attention à toi… » Je me mords la lèvre, ne pouvant faire plus. Je n’ai pas envie qu’il finisse ce périple tout seul. Je ne suis pas tranquille de le laisser seul alors que nous savons maintenant que des serpents rodent. Il fait toujours sombre, il n’est pas parfaitement reposé, et même s’il a l’habitude, je l’ai vu tenter de se détendre tout à l’heure. Je me rappelle de son bras et je dois me retenir pour ne pas l’obliger à monter dans l’hélicoptère à ma place. Il refusera de toute manière et comme je suis la personne de confiance de Daniel… « Madame ! » Je recule, montant dans l’engin et me retournant en me faisant violence vers Daniel. C’est lui qui a besoin de moi en cet instant. J’ai l’impression que le vol dure des heures et quand le regard de mon mari quitte le mien pour rouler dans ses orbites ma main lâche les siennes. « Qu’est-ce qu’il a ? » Levant les bras aux ciels, je laisse les professionnels faire leur boulot mais je sens la peur, la vraie prendre possession de tout mon être. Peut-il réellement y rester ? Nous commençons notre descente et il ne se calme pas. J’entends faiblement les médecins dire que c’est nerveux, et qu’il ne faut pas que le venin se propage dans le cerveau. Je vois flou, j’ai l’impression de suffoquer, il ne doit rien lui arriver, s’il vous plait… Ils l’emportent, me tirent par le bras pour que je quitte le cockpit et je ne sais pas comment, mais je me retrouve dans un couloir, seule, voyant vaguement les personnes en blouse entrer et sortir du couloir où ils l’ont amené. Une infirmière m’apporte un verre d’eau, c’est gentil mais ce n’est pas ça dont j’ai besoin… Je dois me concentrer, fixer mon regard sur un point, respirer, me calmer, reprendre le dessus.
« Elisabeth !» Ma gorge se serre, mon regard se tourne à nouveau, plus rapidement, le cherchant du regard. Voilà qui sera mieux qu’un verre d’eau. Je me lève mais n’avance pas. Je n’ai pas le droit, pas tant que Daniel est dans cet état, pas comme ça, pas pour ça, pas avec lui… Je ne le forcerais pas à avoir le moindre geste pour moi et le simple fait qu’il soit là et peut-être déjà de trop. « Comment ça va ? » Sans même m’en rendre compte, je lève les épaules et ma tête va de gauche à droite. Je n’en sais rien. « Ils s’occupent de lui… Encore. Je crois qu’ils vont l’amener bientôt en salle de repos. Il a fait une crise de nerf dans l’hélicoptère et a fait un malaise en arrivant… Ça a atteint les nerfs Gauthier… » J’ai peur. Réellement. Je m’en rends compte maintenant, mais je ne peux pas vivre ça. Pas la perte de Daniel. Il est bien trop pour moi. Il représente une partie de mon monde, il signifie bien trop pour moi et je ne veux pas qu’il lui arrive quelque chose, pas comme ça, pas aussi bêtement, jamais… « Ils m’ont rien dit de plus… J’ai… » Je soupire, tentant de reprendre un peu de sens. « J’ai appelé Kaylan, il doit aller au travail, Maia va chercher Gabriel… Gauthier… S’il lui arrive quelque chose ? » Enfin, mon regard trouve le sien mais sans y chercher quoi que ce soit. Je ne veux pas de réconfort, pas de mots gentils, pas de phrases bidons, je veux simplement que quelqu’un sorte pour me dire si mon mari va bien. Je ne veux pas qu’il meurt, je ne veux pas le laisser ainsi, j’ai besoin d’être avec lui. Pourquoi je dois attirer tant de mal dans sa vie ? Il ne serait pas revenu pour se battre pour moi, jamais il ne serait dans cet état et je redoute déjà le prochain appel que je dois faire… Ses parents… En attendant, je m’accroche tout de même à ce regard face à moi, au seul pouvant soutenir le mien à cet instant, le seul me donnant un sens et qui pourtant devrait également être aux côtés de Daniel et non le mien. « Ça a été pour toi le retour ? » Je ne sais pas d’où cette inquiétude me sort, mais mon regard se dirige vers son bras, vérifiant qu’il ne tremble pas puis l’inspecte pour voir s’il n’a eu aucun problème pendant sa descente. Il est là, je peux maintenant m’inquiéter que pour une personne mais mon esprit court dans tous les sens et mon cœur bat trop fort, répandant des secousses dans tout mon corps alors que celui-ci fait un pas vers le trader, voulant se rassurer de son état à lui…
Son coeur bat un peu plus vite dans sa poitrine alors qu’il s’approche de la blonde, en regardant au delà de son visage stoïque l’angoisse lui tient les tripes. Est-ce qu’il l’a voulu ? Voir Daniel disparaître est-ce qu’il y a pensé parfois ? Il n’ose même pas se laisser dériver à ce type de raisonnement qui risquent de le bouffer de l’intérieur. Avec pudeur il s’approche d’elle sans la toucher, sans oser tenter de la rassurer ou d’être une réelle présence, ses mains se frayant un chemin jusque dans ses poches comme pour s’empêcher de commettre une geste regrettable. « Ils s’occupent de lui… Encore. Je crois qu’ils vont l’amener bientôt en salle de repos. Il a fait une crise de nerf dans l’hélicoptère et a fait un malaise en arrivant… Ça a atteint les nerfs Gauthier… » La peur se lit sur son visage, dan sa voix, le regard qu’elle pose sur lui, plein d’un détresse qu’il ne peut calmer. Il voudrait pourtant, fait un pas en avant, ses mains qui ressortent de ses poches sans pouvoir pourtant les bouger plus. Il sait que les mots de la blonde sont mauvais signe mais ne laisse pas la panique le prendre, il veut se croire plus fort encore et éviter de penser aux conséquences si les choses venaient à déraper… Si Daniel ne s’en remettait pas. Le pire au final n’étant peut-être pas la mort… Parce qu’il est comme lui Daniel, il ne pourra pas vivre sans la montagne, sans la liberté, sans cette indépendance cruciale. « J’ai appelé Kaylan, il doit aller au travail, Maia va chercher Gabriel… Gauthier… S’il lui arrive quelque chose ? » Il ne détourne pas le regard quand celui de la blonde se plonge dans le sien, incapable de trouver les mots pour l’aider. Son regard désolé, son corps statique il ne dit mot, est mauvais pour ça il le sait - mauvais pour être un réel soutien.
« Ça a été pour toi le retour ? » Il ne comprend pas, comment elle peut penser à lui. Secoue un peu la tête en cachant son bras qu’il a égratigné dans sa descente trop hâtive. Il a été imprudent, ça ne lui ressemble pas pourtant. « Ne t’inquiète pas… » Il ne sait pas si il le dit pour lui - pour Daniel… Si c’est la culpabilité qui le ronge qui lui fait faire un nouveau pas en arrière… S'ils n’avaient jamais fauté tout ça ne serait pas arrivé. « Tu veux… Boire quelque chose ? » Un pas de plus vers l’arrière il prend la fuite une fois de plus - a peur de ce qu’il pourrait faire peut-être. « Je vais aller chercher un thé… Tu devrais boire. » Il est plus autoritaire maintenant, ne doute pas qu’elle n’a pas pris le temps de se poser et de penser à elle, il ne faudrait pas qu’elle fasse un malaise elle aussi. Rapidement il s’éclipse, soupirant lourdement alors qui tire de l’eau chaud pour lui et une boisson pour Elisabeth, la retrouvant assise dans ce même couloir, il prend place à côté d’elle sur une chaise inconfortable dans ce couloir beaucoup trop blanc et vide de vie. Lui tendant sa boisson dans le silence. Il n’y a pas un mot entre eux… Peut-être qu’il n’ose pas. Son regard qui s’échappe de temps à autre pour se poser sur Elisabeth. Il peut sentir sa peur - elle se propage à lui. La main de la blonde qui gigote avec angoisse, le tremblement léger de sa lèvre. Il pose finalement sa main sur celle de la blonde, le frisson qui le prend, la douceur de sa peau contre la sienne, cette chaleur réconfortante, elle lève son regard vers lui et il lui sourit tristement. « On va prendre les choses comme elles arrivent… Ne te torture pas l’esprit. » Il sait qu’elle y pense aussi au raison de leur présence dans cette montagne. Au futur si ça se passe mal mais il n’a pas de réponse à sa question de toute à l’heure. Tout comme elle… Qu’est ce qui se passera si il ne s’en sort pas… S’il est diminué...
Sa main n’a pas quitté celle de la blonde - il a tord peut-être mais au lieu de la retirer il enlace ses doigts aux siens en les serrant un peu plus fortement. « Daniel est du genre tenace… Pas le type d’homme à se faire terrasser par un petit serpent. » Il sourit un peu difficilement. Voudrait que ses mots soient une certitude, mais c’est plus comme un moyen de croire en lui - de chasser la peur. « Il ne partira pas tant qu’il n’a pas eu ce qu’il veut… » Et ce qu’il veut c’est elle. C’est Elisabeth qu’il veut aujourd’hui - à nouveau - dans sa vie. Sans elle il n’a aucune raison d’être ici, et il y a fort à parier que si il se raccroche c’est pour cette famille, la blonde et son fils… Le fils de Daniel, celui qu’il a élevé et que Gauthier ne peut lui reprendre… Le fils qu’il ne partagera pas… Encore moins avec celui qu’il pense être son ami mais qui l’a honteusement trahi.
Face à moi, il est là, présent et pourtant si loin. Gauthier ne bougera pas, je le sais et cela me va parfaitement. Je ne veux pas qu’il s’approche, sinon je finirais dans ses bras et ne pourrait jamais en sortir. J’ai besoin de lui et pourtant je souhaite qu’il soit le plus loin de moi possible. Pour mon propre bien mais aussi pour le sien et par respect de Daniel qui n’est qu’à quelques mètres de nous… Mais lorsqu’il bouge son bras à ma demande, je fronce les sourcils. S’est-il refait mal au bras ? « Ne t’inquiète pas…» Si justement… Un du mauvais côté du couloir me suffit amplement, je ne souhaite pas que lui aussi joue avec sa vie, qu’il me cache ne serait-ce qu’une égratignure. Je ne veux pas qu’il aille mal, qu’il ait mal, que tout ne tourne pas rond dans son monde. Si je m’inquiète. Je m’inquiète pour lui, je m’inquiète pour Daniel, je m’inquiète également pour mon fils qu’est-ce que je pourrais lui dire s’il arrive quelque chose à l’homme qu’il pense être son père ? Qu’est-ce que je lui dirais même le jour où je lui annoncerais que ce n’est pas son père, même si Daniel n’a rien ? Je m’inquiète pour ma mère, Maia, je m’inquiète pour Kaylan et le monde entier mais à cet instant les deux hommes de ma vie sont dans le haut de la liste et avec des alertes bien trop importantes pour que j’accepte un ‘ne t’inquiète pas’. Pourtant, je ne réponds pas, je ne réplique rien, sans force. Je ne suis plus capable de lui tenir tête, même si j’aurais aimé voir ce bras encore affaiblit par la tempête des mois plus tôt… J’aurais voulu m’assurer que ces quelques mots sont juste, que je ne dois pas m’en faire…
« Tu veux… Boire quelque chose ?» Je veux quoi ? Alors que sa phrase m’atteint tout juste, je prends conscience que je n’ai rien bu depuis des heures, que mes sens sont en éveil et que tout mon corps me tire comme jamais. « Je vais aller chercher un thé… Tu devrais boire. » Incapable de répondre, surtout avec le ton qu’il emploi, je reste plantée là, un instant, le voyant partir, regardant son dos s’éloigner à nouveau. Il faut réellement qu’il arrête de faire ça. De partir. Me laisser seule de cette manière. Un vide intense s’empare de moi, mon cœur se fait encore plus lourd et je dois m’assoir de nouveau pour tenter de respirer. Je n’ai que rarement été dans cet état, peut-être lorsque Daniel est venu me voir pour m’annoncer que Gauthier partait vivre en Australie, quand j’ai appris que j’étais enceinte ou bien ce soir où Daniel m’a demandé de partir, de quitter sa vie, et ce jour où Gabriel m’a regardé fixement en me disant que je ne le comprenais pas et que sans son père, je n’étais pas réellement sa mère. Ces instants je peux les compter sur une seule main mais aujourd’hui, j’ai l’impression que mon monde s’effondre. Daniel se bat contre un venin possiblement mortel, Gauthier s’éloigne toujours plus et mon fils vit dans un mensonge monté depuis avant même sa venue au monde… Je dois pourtant me concentrer sur lui, Daniel, ce mari que j’ai de trop nombreuses fois trompé, ne serait-ce que par la pensée, ce mari que j’aime et que pourtant je ne cesse de rejeter. Mon cœur se réchauffe doucement à l’approche de Gauthier. Je récupère ma boisson faisant bien attention de ne pas effleurer sa main. « Merci. » Dans un souffle, je ne suis pas capable de lui offrir plus. Incapable de relever le visage, le regard, de bouger. Je dois avoir l’air maligne ainsi, mon corps tremblant et mes pensées allant dans tous les sens, alors que je ne souhaite qu’une chose : qu’une personne vienne enfin nous rassurer sur l’état de celui que nous avons mené ici… La main de Gauthier sur la mienne provoque un frisson en moi, libérant une énergie que j’ignorais avoir encore, une chaleur réconfortante. Enfin, mon regard quitte le sol et ma tasse pour se diriger vers son visage magnifié par un sourire que seul lui peut avoir. Dans une habitude, je me mords la lèvre alors que je lui réponds presque aussi tristement comme les deux amants peinés que nous pouvons être.
« On va prendre les choses comme elles arrivent… Ne te torture pas l’esprit. » J’aimerais que les choses soient aussi simple. Seulement, si les choses ne sont pas bonnes ? Si mes derniers actes envers lui n’ont été que du rejet ? Si le venin a réellement atteint le cerveau ? Il est là par ma faute, parce que j’ai préféré écouter mon cœur, j’ai préféré lui faire du mal pour qu’un jour peut-être tout retourne dans l’ordre, mais si cet ordre ne peut jamais arriver ? Il ne nous aurait jamais demandé de faire cette randonnée si nous avions été honnête dès le début. Notre mensonge, notre peur, l’ont mené ici, et je ne suis pas sûre de pouvoir, ne pas me torturer l’esprit à cause de ça. Nous aurions dû lui dire. Je le sais et quand les doigts du trader s’enlacent aux miens, j’en suis alors persuadée. Ce n’est pas notre trahison qui l’a mené ici, mais notre mensonge. Je suis inquiète pour lui, jusqu’à me ronger jusqu’au sang, mais je le sais parfaitement maintenant. Je m’occuperais de lui, je serais là, à jamais mais je ne peux plus être sa femme, je dois lui dire, nous devons le faire car sinon nous finirons par en mourir tous les trois… De nouveau, je me tourne vers lui, ancrant mon regard dans le sien et plongeant dans l’océan de ses iris, mon cœur bondissant dans sa direction. « Daniel est du genre tenace… Pas le type d’homme à se faire terrasser par un petit serpent. » Je souris, plus sincèrement. « Je le sais. » Daniel n’est pas quelqu’un que l’on met à terre de cette manière, il se bat jusqu’au bout, et a toujours ce qu’il souhaite. « Il ne partira pas tant qu’il n’a pas eu ce qu’il veut… » Une boule se forme dans ma gorge, ça je ne pourrais pas lui offrir, alors il ne partira jamais. Je refuse dans un signe de tête, je refuse d’entendre cela. Mes sourcils se froncent et mon regard se cale à nouveau sur mon gobelet alors que mes dents mordillent ma lèvre et mon souffle se fait encore plus court. Pour un dernier tour, je relève le visage. « On doit lui dire. » Ma main exerce une légère pression sur la sienne et quand mes iris croisent les siens, il doit comprendre ce que je veux dire. On le lui doit et il ne me fera pas dire le contraire. Nous devons lui dire la vérité, même si elle fait mal. Il est possible qu’au final, elle nous fasse plus de mal à nous qu’à lui, car nous perdrons l’homme le plus important pour nous deux…
Il voudrait revenir en arrière, effacer les erreurs, les instants d’hésitation et ce premier regard échangé avec Elisabeth. Il voudrait que les choses soient différentes pour ce tour là, qu’ils réécrivent l’histoire. Mais ça n’est pas possible, tous deux bloqués dans une réalité qui les effraye et qui les enferme. Daniel n’est pas loin - sans doute quelques mètres à souffrir dans une solitude qui n’est pas imposé que par le contexte, eux dans ce hall, sa main enlaçant celle d’Elisabeth. Il ne devrait pas une fois de plus - parce que garder ses distances semble le plus adéquate et le moins dangereux, mais il s’en trouve presque incapable. Il n’aurait peut-être même pas du venir - sa place n’est pas ici - elle n’est pas près d’eux pas quand il leur fait plus de mal que de bien - pas quand il a trahi et menti et que le désir qu’il éprouve pour Elisabeth à tout instant ne fait qu’empirer les choses. Il voudrait qu’elle le repousse pourtant - qu’elle soit fidèle à son engagement parce que les choses seraient beaucoup plus simples, parce que Daniel est là pour la récupérer et qu’en lui donnant ce qu’il souhaite il retrouverait sa place loin de lui… Mais ce n’est pas le cas. « On doit lui dire. » Son corps se crispe à ces quelques mots, sa main qui serre un peu plus celle de la blonde. Il sent son regard sur elle, mais ne peut se résoudre de suite à l’assumer, à le confronter. Il pince les lèvres les yeux rivé sur le sol, cherchant les mots, remettant tout en perspective. « Je sais… » Il le sait depuis longtemps au fond, peut-être même que le premier soir il a su que c’était la bonne chose à faire mais s’en est trouvé incapable. « Vous ne pourrez pas aller de l’avant tant qu’il ne sait pas… » Parce que c’est une cachoterie de plus - un mensonge qu’il n’est plus prêt à accepter et si il souhaite vraiment voir les choses s’améliorer entre eux alors il doit être capable de se sacrifier… De toute façon il n’est plus personne dans la vie de Daniel - une vieille amitié parti loin de Londre rien de plus. « Tant que tu ne peux pas être honnête… » Parce qu’elle le fait sans doute pour le protéger lui - il le sait bien - lui et cette amitié fragile qui le lie aujourd’hui à Daniel. Jamais pourtant il ne le lui a demandé, mais l’accord était tacite, comme une évidence et Elisabeth était trop bienveillante pour en parler à Daniel dans son dos.
Sans brusquerie ses doigts se démêlent, il se sépare d’elle, ses main venant entourer sa tasse de thé encore chaude comme pour combler le le vide et le froid laissé par la main de la blonde. « Vous allez rentrer en Angleterre ? » Il ne sait pas trop ce qu’il attend de cette question, son côté terre à terre bien conscient que c’est la meilleure solution, que c’est ce qui serait le plus facile à gérer pour lui… Tout le reste de son être conscient que ce départ serait un déchirement même si il ne veut pas l’avouer. Il voudrait que sa paternité n’ait aucun impact - il voudrait vraiment s’en détacher comme il s’était promis de le faire mais les choses ne sont pas si simples et mettre de plus en plus de personnes au courant semblait rendre cette idée plus vraie… Beaucoup trop vraie même. Chacun avait son avis, son conseil mais jamais ça ne l’aidait vraiment. Gauthier avait besoin de calme et de sérénité pour réfléchir, un était qu’il n’avait pu pleinement atteindre depuis le retour d’Elisabeth dans sa vie - ses pensées sans cesse perturbée par la blonde et les révélations qu’elle lui avait faites.
Je ne sais pas pourquoi au départ nous sommes partis dans ce mensonge. Si seulement nous nous étions avoués avant ce qu’il se passait, si nous avions pris la décision de parler et de le dire à Daniel dès le début, où serions-nous aujourd’hui ? Au lieu de ça, nous avons agis dans le plus grand secret, même entre nous, et aujourd’hui, tout cela semble risible. Peut-être que nous aurions agis comme des adultes au départ, Daniel ne serait pas dans un lit en train de se battre pour pouvoir revoir un jour cet enfant qui n’est pas le sien et reprendre un combat perdu d’avance… Maintenant, il est temps. Il est temps d’avouer la vérité à Daniel, de lui dire, de tout lui mettre sur un plateau, cela ne serve à rien qu’il imagine tout et n’importe quoi. Mieux vaut qu’il sache et qu’il ne cherche plus à battre ce qu’il ne connait pas. « Je sais… » Ma respiration se fait encore plus difficile, je ne pensais pas qu’il capitulerait aussi vite. Je ne pensais pas qu’il n’émettrait aucun jugement, et qu’il serait d’accord. Sa réaction me soulage presque et la chaleur de sa main dans la mienne devient un peu plus brûlante à mes yeux. « Vous ne pourrez pas aller de l’avant tant qu’il ne sait pas… » Ma mâchoire se crispe, et mes idées s’envolent. Il rigole ? J’ai l’impression de voir rouge, vert, toutes les couleurs sauf les normales. Qu’est-ce qu’il raconte ? Pire qu’une douche froide, ses mots me font mal et je n’arrive plus à comprendre. Mon but n’est plus de me remettre avec Daniel, mais il a raison, peut-être qu’ainsi nous pourront aller de l’avant, ainsi il saura et acceptera ma décision… « Tant que tu ne peux pas être honnête… » Mon regard se sépare trop facilement du sien et mes sourcils se froncent. Je dois me mordre la lèvre, même la joue pour ne pas répliquer. Ce n’est ni le lieu, ni le moment de le faire. Mon mari reste tout près et je n’ai de toute manière pas envie de faire une scène ou de me battre avec Gauthier. C’est peut-être moi, maintenant qui veut éviter cette conversation le plus possible. Dans un silence de plomb, je le laisse délier nos doigts, un poids se déposant sur mon cœur quand il s’éloigne de cette manière. Nous devons faire un beau tableau, tous les deux, assis sur un banc dans un couloir d’hôpital, nos mains contre nos tasses de thé et le regard dans le vide ou fixé au sol.
« Vous allez rentrer en Angleterre ? » D’un coup, ma tête se tourne vers lui, le regard peut-être plus dur que je ne le souhaite. Puis passant à la surprise, je reste un instant sans voix. Si nous allons rentrer en Angleterre ? La seule manière de le faire, serait que lui, me le demande. Me dise en face que nous sommes de trop, qu’il ne veut plus nous voir et qu’il ne veut rien à faire dans la vie de Gabriel, ensuite, nous partirons. Autrement, quoi qu’il se passe, je souhaite rester ici. Gabriel s’y plait, je m’y sens parfaitement et si jamais Daniel arrive je ne sais comment à me convaincre de reprendre quelque chose, il bougera. Nous ici chez nous maintenant, et seul Gauthier pourrait me demander de partir, Gauthier et ma mère… « Non. » Sec et presque froid, je ne comprends toujours pas pourquoi il pousse sans cesse dans ce sens alors que je lui ai dit, je lui ai expliqué que je ne souhaitais pas me remettre avec Daniel, quoi qu’il se passe, je ne me vois plus vieillir à ses côtés et ça, je ne sais pas comment ils pourraient le changer. « Daniel fait ce qu’il veut, mais pour ce qui est de Gabriel et moi, nous restons. » Je ne sais pas dans quelle langue il faut le lui dire mais là, je suis à court d’argumentation. « Sauf si tu me le demandes, sauf si tu le veux. » Là alors, nous partirons car ce n’est pas à lui de partir, pas encore. Je me lève, ne pouvant plus réellement rester en place. Déjà que je m’inquiète pour mon mari de l’autre côté, je dois en plus tenir une discussion qui ne me plait pas tant que cela ici. Décidément, j’aurais dû rester au lit ce matin. « Il n’y a plus de nous Gauthier. Daniel, Gabriel et moi, nous ne formons plus un nous. Daniel et moi encore moins. » Quoi qu’il se passe, quoi qu’il arrive, je l’ai trop blessé, il m’a fait trop de mal, Je m’appuie contre le mur, n’ayant même plus assez de force pour rester debout trop longtemps. Mes iris fixées sur lui, c’est donc à moi de poser la question à dix mille dollars ? « Tu voudrais te détacher de nous ? Ne rien avoir à faire avec ça ? » Je n’aime pas le forcer là-dessus, mais un jour que ce soit oui ou non, il devra me donner une réponse. « Tu ne veux pas être impliqué dans la vie de Gabriel ? » Parce que c’est ce que j’entends dans sa question. Beaucoup plus douce, plus calme, ma voix n’est pas contre lui, mais offre une véritable interrogation. Je ne lui en voudrais pas, je comprendrais même parfaitement mais avec le retour de Daniel dans nos vies, sa réponse est devenue plus urgente que prévu. A quel point veux-il être impliqué ? Veux-il l’être ? Ou est-ce que tout cela devient moins fun avec Daniel hors de champs, est-ce que Gabriel aura un impact sur lui ? Est-ce que notre histoire n’en sera jamais une ? Je ne demande pas tout ça, je ne le lui demanderais jamais, je ne le veux même pas de lui, je veux simplement qu’il soit en accord avec lui-même et qu’il arrête de penser aux autres en prenant ses décisions, simplement à lui et ses sentiments…
Elle semble blessée, vexée peut être il a de la peine à savoir - de la peine à la comprendre aussi. Peut-être parce qu’il ne l’écoute pas vraiment, parce qu’il veut se convaincre que les choses vont aller dans un sens et pas dans l’autre. Parce que la fuite était plus simple, ne pas savoir, ne pas avoir à prendre de décision, il s’était fait une raison… Il vivait bien de cette façon puis Elisabeth était venu tout bouleverser, elle lui avait mis ce petit garçon sous les yeux, lui avait annoncé cette paternité, elle était restée proche, si proche qu’il avait fauté plus d’une fois. Qu’il n’avait pas su résister à l’envie de connaître cet enfant, en se cachant derrière des fausses excuses, en gardant pourtant un périmètre de sécurité, parce qu’une part de lui avait bien trop peur… Peur que Daniel ne reprenne sa place et qu’il soit relégué au second plan - qu’il redevienne le mensonge et le traître et c’était ce qu’il se forçait à ressentir. Parce que c’était bien plus politiquement correcte que d’accepter l’idée qu’il la voulait elle - qu’il voulait Gabriel et qu’il ne voulait pas partager. « Non. » Le mots résonnent dans sa tête sans qu’il ne sache pourtant y relier une émotion. « Daniel fait ce qu’il veut, mais pour ce qui est de Gabriel et moi, nous restons. Sauf si tu me le demandes, sauf si tu le veux. » Il ne répond rien Gauthier, ses yeux qui se perdrent dans son thé, son corps qui se crispe un peu plus parce qu’il ne peut pas répondre. Parce qu’il n’en a pas envie et qu’il déteste cette situation.
Elle se lève mais lui ne bouge pas, son regard qui ose à peine se relever sur elle - à peine observer ce corps qu’il a tant désiré est qui est aujourd’hui pris par l’angoisse et la peur pour un autre homme. Pris aussi d’un agacement qu’il ne veut pas voir et qui cette fois lui est réservé. « Il n’y a plus de nous Gauthier. Daniel, Gabriel et moi, nous ne formons plus un nous. Daniel et moi encore moins. » Cette vérité il refuse de l’accepter. Il refuse de penser qu’il puisse avoir joué un rôle la dedans - que sans cette écartade qui a donné Gabriel la vie aurait été bien différente pour eux tous. « Je ne comprends pas pourquoi…. » Pourquoi elle est si dur avec lui - pourquoi elle ne peut pas comprendre qu’il a été autant blessé qu’elle… Est-ce que l’amour c’est envolé d’un coup ? Il en doute, il a vu le regard de la blonde - la peur qui l’a prise quand Daniel a été blessé et qui la tient encore. « Tu l’aime encore pourtant… » Ce n’est pas une question, il le sait, il le sent, sous la rancoeur et la colère, le sentiment est encore là, vif et bien présent. « Tu voudrais te détacher de nous ? Ne rien avoir à faire avec ça ? » Il a un nouveau silence entre eux - le regard qu’il ne peut affronter, la question qu’il ne peut resolver. « Je… » Il n’en dit pas plus, les mots qui se bloquent dans sa gorge, le regard qui ne bouge pas. Comme sur pause, c’est elle qui continue. « Tu ne veux pas être impliqué dans la vie de Gabriel ? » Ses yeux qui enfin s’activent, qui se posent sur la blonde. « Je… n’aurais pas dû apprendre à le connaître. » Un mince sourire sur son visage alors qu’il pense à lui. « Il est parfait… » Il est ce fils qu’il aurait pu avoir avec Elisabeth, celui qu’il aurait pu élever si il n’avait pas été idiot. « Il a pris beaucoup de toi… » peut-être tout - parce qu’il se retrouve peu en lui - peut-être aussi parce qu’il n’a pas envie de le voir. « Je sais que ce n’est pas une réponse mais… C’est trop tard… Il fait déjà parti de ma vie Elisabeth… Parce que même si lui ne sait rien… Je le sais moi… » Et c’est sans doute la première fois qu’il l’assume vraiment, se lien qui les unit et qu’il a voulu pendant si longtemps oublier - prétendre que ça n’a pas d’importance, que ce n’est qu’une histoire de sang et rien de plus.