“A paranoid is someone who knows a little of what's going on. ”
9h15 du matin, j’étais sortie toute la nuit, Indiana venait de me déposer au pied de mon immeuble. Heureusement Zoey était chez son père et là mon lit hurlait mon nom. L’ascenseur était en panne alors je pris les escaliers et je comptais les marches pour me maintenir en vie… Pour me maintenir éveillée au maximum.
Une marche, deux marches…
[…]
Quatre-vingt-onze marches… Enfin arrivée. Je mourrais de chaud… Ma vision n’était pas à cent pour cent nette, j’avais la tête explosée, le ventre en compote. Je marchais tant bien que mal dans le couloir, sentant des gouttes de sueur dégoulinaient le long de mes tempes jusqu’à qu’un visage m’interpella.
Je fronçais les sourcils, je plissais les yeux et là je reconnu cette inconnue pas si inconnue. C’était LA fille, celle qui refusait que mon voisin soit mon pote… J’étais pas bête ça faisait une semaine que je ne l’avais pas vu, normalement il toquait à ma porte quasiment tous les soirs pour venir fumer avec moi et là plus rien.
- Oh t’en fais pas… Ton super copain ne me parle plus ! Sois contente…
Je ne savais pas si je parlais ou si j’hurlais en disant cela. Je n’avais notion de rien tant j’étais hors service.
- Puis tu sais c’est pas le premier qui me dégage… Enzo, Saul… Lui… Puis pleins d’autres encore ! Maxyn l’alcoolo et droguée de service, bouhhh je suis pas une bonne personne…
Je parlais comme une gamine de 5 ans qui n’avait aucun vocabulaire et qui ne savait même pas articuler correctement. J’avais le combo gagnant de la « pitoyable attitude. »
- Où sont mes clés…. ?
Je m’étais arrêtée face à elle, cherchant tant bien que mal mes clés… Clés qui à peine trouvées tombèrent au sol.
- Non…
Je voulais me baisser légèrement pour les récupérer mais mon manque d’équilibre total me fit tomber à genoux lourdement. Je sentis mes genoux me brûlaient assez vivement mais je n’en disais rien.
- Ca va… Ca va…
Je disais cela sans même être sûre que ça l’ait inquiété même une misérable seconde…
Je quitte l'appartement de Jaco juste après qu'il se soit rendormi. Comme il est en vacances, ses journées se ressemblent. Tous les jours, il se lève à 14h, essaye d'émerger tout l'après-midi avant de sortir, traîner sa carcasse toute la nuit là où on voulait bien de lui. Aujourd'hui, il avait aussi prévu d'appliquer sa routine mais c'était sans compter sur ma visite matinale pour lui rendre son sac de linge, lavés et repassés par mes soins, pour le dépanner. Juste après avoir claqué sa porte, j'arrive sur le palier et mes yeux se pose sur la seule présence dans les lieux. C'est la loque blonde, celle dont j'avais fait la rencontre quelques semaines plus tôt. Malgré le dégoût qu'elle m'inspire, l'idée d'aller lui rappeler que j'étais toujours dans les parages pour veiller à ce qu'elle ne s'approche plus de Jaco me convainc d'aller la voir. Les grands esprits se rencontrent car avant même que j'ai prononcé un mot elle me crache à la figure ce que je voulais entendre. Je ne répondd pas tout de suite la laisse dans son délire, son monologue incompréhensible. « Je ne sais pas de quoi tu parles ma pauvre fille.. mais tu fais vraiment de la peine à voir. » Je ne suis pas avare quand il s'agit de commentaires pour rabaisser les gens. Je la regarde faire, le spectacle qu'elle me donne à voir fait pitié... elle fait vraiment n'importe quoi. Je lève les yeux au ciel quand elle se ramasse, par terre. Loin de moi l'idée de l'aider, je ne sais pas dans la charité. « Tu fais vraiment, vraiment de la peine à voir... » insistais-je. Je finis par céder. Il me fait moins d'une minute pour la devancer en ramassant ses clés par terre et à finir par ouvrir la porte au bout de ma troisième tentative. Je pousse la porte en grand, en la fixant, elle ne s'agite pas, la loque. Je souffle un grand coup avant de revenir vers elle, je ne peux pas la laisser végéter sur le palier alors je me penche, prend son bras pour essayer de la trainer. jusqu'à l'intérieur. Il faut qu'elle coopère sinon on n'y arrivera jamais. Agacée, je finis par l'engueuler. « Sacrée merde ! D'où est-ce que tu reviens ? C'est pas possible de finir dans un état pareil. » Elle l'avait vu emprunter les escaliers, sûrement le coup de grâce pour elle. Même si ça tenait du miracle, elle n'était plus qu'à un petit mètre de chez elle.
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Je parlais sans trop réfléchir à ce que je disais vraiment. J’étais déjà au plus bas, elle voulait me faire quoi de plus ? Elle me connaissait très bien apparemment… Je n’avais rien à prouver. Elle avait raison d’éloigner Jaco, comme les autres personnes ont raison d’éloigner leurs proches de moi.
Alors, j’étais là, à terre, tâtant le sol à la recherche de mes clés. J’entendais sa voix raisonner dans le couloir mais je ne comprenais qu’un mot sur cinq et encore j’étais gentille en évoquant cette statistique basée sur… Rien du tout.
« ma pauvre fille.. » « peine à voir »
Pourtant ces mots me blessèrent au plus profond de moi… J’étais là, misérable, à genoux… Essayant de récupérer mes clés tant bien que mal. Je devrais m’en ficher de cette fille, je ne connaissais même pas son prénom. Juste son visage. Quand Jaco me parlait d’elle il disait juste « ma pote » « ma pote » « ma pote » et il me répétait ça à longueur de soirée. Ca ne devrait pas me toucher mais là, en fin de soirée ou début de journée… Mes hormones étaient en ébullition.
Sauf que par je ne sais quel miracle, cette fille prit mes clés avant moi. Pourquoi ? Elle allait les jeter du haut d’une fenêtre pour que je refasse le chemin inverse ? Alors, voyant ça, je me mis sur mes fesses, essoufflées, je n’avais pas envie de me battre. Je baissais les yeux, restant dans mes pensées mais quand je sentis cette fille à coté de moi, mettre mon bras autour de ses épaules pour me lever… J’étais… Choquée.
Je la regardais, mes yeux étaient rouge vifs, perdus. J’aurais pu lui demander ce qu’elle faisait mais là… J’étais si fatiguée… Je me levais tant bien que mal, j’essayais de penser à Zoey… Et si elle me voyait comme ça… Qu’est-ce qu’elle se dirait ?
Je galérais à déplier mes jambes pour retrouver un certain équilibre mais m’appuyer sur elle m’aidait à me relever. Je n’avais aucune dignité là… Et une fois proche d’elle, j’entendais mieux ses mots mais avais-je vraiment la force de me justifier auprès d’une totale inconnue ?
- Merci…
Je ne répondais même pas à sa question, j’avais les larmes aux yeux de honte et car ses mots précédents m’avaient blessé. On avançait tant bien que mal jusqu’à chez moi.
- Le canapé…
Je lui faisais signe de me laisser là, j’allais me débrouiller toute seule. Elle me détestait et devait agir par pitié ou alors pour me piller ou je ne sais quoi… Sauf qu’à peine assise sur le canapé, ayant l’odeur du shit de la veille qui m’arrivait aux narines, une envie folle de vomir me vint.
- Ba… Bassine…
Je ne pouvais pas aller jusqu’aux toilettes, je devais m’empêcher de vomir mais là l’odeur en était juste insupportable… Une larme coula malgré moi, une larme de culpabilité. Et si cette fille connaissait Enzo ? Ou Saul ? Ou quelqu’un d’autre proche de moi ? Moi qui faisait tout pour me cacher, cacher ce mal-être… Là cette inconnue avait le pouvoir total sur la situation et était libre comme l’air pour tout divulguer et me mettre encore plus bas que terre.
J'avais déjà touché le fond et parmi mes compagnons de déboires, qui creusaient encore, certains étaient tombés si bas qu'ils n'étaient plus revenus. Son visage suppliant, confus me rappelle ces moments de ma vie, c'est plus que de la peine, c'était de la douleur. Cela ne suffit pas à attendrir mon coeur. Les filles comme elles, je les connais, le genre de nana désignée comme victime par la loterie de la vie. Elles n'auraient jamais la belle vie, elles attiraient les problèmes et c'était se fatiguer inutilement que de tenter de les aider, on ne pouvait pas lutter contre le destin. La loque, qu'elle essayer de soulever était littéralement un boulet... elle n'était pas si lourde mais elle ne faisait pas beaucoup d'efforts pour se relever. J'essayais de fixer l'entrée des yeux, mon objectif, de plus en plus agacée. Je savais que mes bras la lâcheraient toute seule si je la regardais se traîner. Petit à petit, de longues minutes plus tard, on passe enfin l'encadrement de la porte. Elle m'indique le canapé mais visiblement, elle veut faire l'effort final seule, je la lâche, un peu trop soudainement peut-être, pour être plus vite débarrassée. Elle marmonne quelque chose, le visage tout pâle. « Vas-y ?» l'interrogeais-je, comme un écho de ce que j'avais cru entendre. Je tempête contre le zombie, postée en face d'elle, la table basse nous séparant. « Je ne sais pas qui tu es, ni d'où tu sors et j'en ai rien à foutre de ta vie ou de tes histoires... mais il faut que tu... » Je m'interrompts. Putain, elle va dégueuler, la loque. Une bassine !!! Je percute, vu sa tête, je me précipite vite dans un endroit stratégique la cuisine. Rien en vue... même pas un sac plastique alors je me rabats sur une casserole. De retour, toujours aussi vive, je jette mon sac à main sur un fauteuil, sur mon passage, et me précipite sur elle, lui colle la casserole sous le nez. Réflexe de jet-setteuse, ma main soulève sa chevelure dorée, geste qu'on pourrait prendre de la solidarité féminine. Observant son visage de plus près, debout à côté d'elle, je vois le sillon humide sur sa joue.
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Je l'écoutais sans comprendre, je l'entendais sans l'entendre vraiment... Ce que je comprenais seulement c'était que mon ventre refusait toute substance de plus et que là je devais tout évacuer.... Je me retenais autant que je pouvais et quand je la vis revenir, je ne cherchais même pas à voir ce qu'elle avait pris en récipient que je vomissais instinctivement.... Je n'avais rien mangé depuis 24h, ça me faisait mal, ma gorge brûlait et mon estomac criait de douleur aussi. Je me vidais... du vide que j'avais en moi.
J'avais perdu 5 kilos en peu de temps, j'étais blanche vampirique, je ne ressemblais à rien. Heureusement que Zoey n'était pas là... Que Enzo n'était pas là... Juste cette fille... Fille qui me détestait et pourtant elle me tenait les cheveux pour que je vomisse correctement sans m'en mettre partout... Pourquoi? De la pitié?
- J'te force pas... à ... rester.... je...
Je n'avais même pas le temps de faire une phrase entière que je me remettais à vomir... de la bile encore et encore. C'était acide, dégueulasse, et ça me brûlait de l'intérieur. Ca me faisait si mal que les larmes aux yeux arrivèrent très bien.
- J'parle plus à Jaco... Promis...
Et encore une fois je vomissais. Je me sentais horriblement mal... car j'étais clairement malade à cause de l'alcool et mal car je savais qu'elle me détestait et que ça me gênait qu'elle soit là et mal aussi car elle avait une image de moi qui me dégoûtait... la nouvelle moi me dégoûtait et me dépassait mais je n'avais pas le choix... j'avais déjà tout perdu et dès que je m'attachais à quelqu'un, je perdais encore et toujours. Ca devenait une habitude... et elle avait dit.. elle s'en foutait de ma vie...
- Mer... merci...
Je tenais à moi toute seule la casserole désormais, j'essayais de me relever, de me tenir plus droite sur mon canapé mais là j'étais vraiment plus bas que terre, j'avais honte et je me dégoûtais.
- Je suis pas comme ça...
Je transpirais, je sentais les gouttes de sueur dégoulinaient le long de mes tempes, le goût de la bile encore sur les papilles de ma langue et la mauvaise odeur me revint vite au nez ce qui me fit encore "vomir". J'avais l'impression de vomir mes poumons tant j'avais plus rien à recracher. Je devais avoir une dégaine horrible, un maquillage qui partait en couille totalement, des yeux défoncés... elle devait bien me prendre pour une pauvre fille... pauvre fille qui avait raison de s'éloigner de Jaco... Jaco qu'elle chérissait tant tandis qu'elle me détestait tout autant.
Le bruit de dégueulis, l'odeur acide, ses hoquets à chaque fois qu'on flux de vomi la reprenait... tout ça me rendait mal. Non, ce n'était pas par dégoût mais plutôt par projection, je me voyais à sa place, au dessus de la cuvette des toilettes, devant les yeux de Bryn... dans un état similaire et ma folie avait atteint des sommets, une dizaine de jours plus tôt. La connexion se faisait dans mon esprit, j'avais encore le souvenir de mon mal-être parce qu'en réalité, c'était encore tapi en moi. La voir ainsi suffisait à me faire retomber vers mes propres démons. « Shhh... » Ne te fatigue pas à parler ma pauvre fille... Je lui tapote le haut du dos maintenant qu'elle tient la casserole toute seule. Elle essaye encore de parler, insiste pour Jaco et vu la situation, je ne peux plus douter de sa bonne foi. Elle me faisait penser à une éponge de malheur qu'on pressait, toute la noirceur, la tristesse, la souffrance en ressortait et au final... il ne restait plus qu'une pauvre carcasse vide. Mes gestes sont doux à son égard, mais je n'ai pas changé d'avis. Tous les gens souffraient, elle ne pouvait pas ni ne voulait tous les aider. « Pas comme quoi ? » Je la coupai d'une voix sèche, elle était toujours aussi insupportable à pleurnicher ainsi. « On ne récolte que ce que l'on sème dans la vie... » Cette phrase m'était venue. Je la laissais méditer sur ses paroles pendant que je lui enlevai la casserole des mains. J'avais vu pire et de plus près, mécaniquement, je vide le tout dans l'évier et y laisse la casserole. Je reviens avec un verre d'eau et un bol, si elle avait envie de se rincer la bouche. Geste de premiers secours, version fin de soirée, je maîtrisais. Je pose le tout devant elle, elle n'a pas l'air de mieux aller mais en la voyant, j'estime que ça ne peut pas être pire pour l'instant. Situation stable. Épuisée, je me laisse tomber sur le canapé en face d'elle et je la fixe.
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Elle me détestait clairement et la sentir à mes côtés me tordait encore plus l'estomac. Je me sentais toute petite, comme une bonne grosse merde qui ne demande qu'à être encore plus écrasée... Je voulais me cacher ou alors me réveiller et voir que ce n'était qu'un pur et simple et cauchemar...
Je ne savais même pas si ce que je disais était un minimum audible. Je sentais juste sa main sur son dos, son ton sarcastique... Et sa dernière phrase me cloua le bec... On avait ce qu'on méritait avait-elle dit?
J'essayais de déglutir tandis qu'elle avait pris la casserole et qu'elle m'avait ramené un verre d'eau. Elle ne semblait pas... dégoûtée de la situation mais que faisait-elle encore là? Prenait-elle son pied à me voir plus bas que terre? Sûrement... Je ne voyais que cela en solution logique.
Elle s'installa cette fois ci en face de moi, ma vision était encore troublée mais ça allait après avoir "vomi". Je pris la main tremblante le verre d'eau qu'elle m'avait poliment servi et je bus tout d'un trait pour m'hydrater ma gorge en feu et remplir mon estomac... en espérant que je n'allais pas vomir cette eau juste après.
Là, normalement quelqu'un de censé, devrait se justifier ou se défendre. Dire qu'il ou elle est innocente mais là je n'en avais pas la force. Elle avait raison... Je ne savais même pas ce qu'elle me reprochait, je savais juste que c'était négatif et par rapport à Jaco...
- Pourquoi tu m'aides si tu me détestes autant?
J'enlevais tant bien que mal mes chaussures, reposant ensuite le verre sur ma table basse tandis que j'essuyais ma bouche humide du revers de ma manche.
- Je ne vois plus Jaco je te le promets... Il peut tout te confirmer...
C'était ça qu'elle voulait... Une confirmation ? Je n'en savais rien. J'étais perdue, j'avais du mal à maintenir mes yeux ouverts même qu'un peu...
- Que veux-tu de plus?...
Je toussais comme une vraie maladie, comme si j'avais attrapé une grosse toue avant de replier mes jambes contre mon ventre, laissant mes pieds frottés le cuir du canapé... Je maintenais juste ma tête à la surface par politesse sinon elle serait enfouie contre mes genoux et je commencerais à dormir tant la nuit a été longue et rude.
Elle fait preuve d'une lucidité impressionnante. J'en suis agréablement surprise et un sourire s'affiche sur mon visage juste après sa question. Là où une vraie victime aurait profité du silence, insoutenable, intensifié par son regard dur et l'atmosphère peu chaleureuse qu'elle instaurait pour déballer tous ses problèmes et pleurnicher encore, mon interlocutrice sort les crocs. Ce n'est pas une attaque de plein fouet mais elle remet en cause mon comportement, paradoxal aux premiers abords mais complètement compréhensible quad on me connait.. «Qui à dit que je te détestais ? » m'amusais-je, avant de reprendre. « Tu n'es rien pour moi, je profite juste du spectacle, ça me fait rire, tes pleurnicheries et tout le tintouin... » Pour appuyer mes paroles, je laisse échapper un petit gloussement. Elle insistait pour Jaco, elle avait l'air de me craindre à sans cesse rappeler qu'elle avait cessé de le voir depuis que je l'avais menacée, après avoir appris leur lien et la mauvaise influence (involontaire) qu'elle était pour mon pote. Je lève les yeux au ciel. « Ça va, tu peux stopper ton refrain. Je te crois. » Sa prochaine question m'offrait l'ouverture que je désirais car j'étais curieuse, profondément intéressée par la nature humaine et ses tréfonds, je voulais explorer tous les sujets d'intérêt que je rencontrais. Elle en était une. Je ne pris pas de gant pour formuler ma question, estimant qu'elle n'était pas à sa première attaque de ma part... ni à la dernière. « Dis-moi comment on peut tomber aussi bas... » Mes paroles sont plein de venin et mon regard la transperce. J'aime à penser qu'elle se met en boule à cause de moi, pour se défendre de ma méchanceté. Je la juge de toute la grandeur, je ne parle pas de la taille, nous nous trouvons à la même hauteur puisque je suis assise, je parle de la grandeur de ma personne. Mes yeux parcourent la pièce et se posent sur des cadres photos auxquels je n'avais pas fait attention. « C'est ta fille ? » Cela rajoutait un élément au tableau, me laissant encore plus dans le flou pour cerner ce brin de femme en boule, assise en face de moi. L'air de porter tout le poids de la misère du monde sur ses épaules.
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Je me sentais clairement de trop dans cette pièce... alors que j'étais chez moi. Cette fille avait une telle prestance... et surtout autant de mépris envers moi même qu'elle me renvoyait la propre honte que j'avais à mon égard. Tant de travail pour oublier la vie, la réalité, grâce au shit, l'alcool, la danse et là en quelques minutes, j'avais juste l'effet "destroy" au fond de moi et surtout au creux de mon estomac.
J'écoutais ses mots, j'entendais sa voix, je sentais sa présence mais je me cachais sur mon canapé... les yeux rivés vers le sol tandis qu'elle me faisait comprendre à quel point j'étais une merde à ses yeux. Quand elle parlait je sentais bien le ton sarcastique qu'elle voulait me faire passer et surtout me procurer... qu'est-ce que je devais lui dire ? Ou ne pas dire... Je n'avais pas la force de faire un discours... logique, grand, bien argumenté, pertinent... rien.
Alors le silence prenait place dans la salle... mon silence.... jusqu'à qu'elle prononce une phrase qui me fit hisser les poils sur mes bras. Je levais les yeux vers elle, elle allait dire quoi? Que j'étais encore plus pitoyable en me sachant mère? Allait-elle m'insulter de la mère la plus indigne de la terre?
- Zoey... elle s'appelle Zoey.
Je ne voulais pas assister à ça, alors d'un instant de courage... de peur... ou de lâcheté surtout, j'allais vers ma salle de bain. En titubant... mais je voulais m'asperger le visage d'eau tiède et de prendre des pastilles contre le mal de gorge. C'était au miel en général donc si ça pouvait aider au niveau de l'haleine même si je me doutais que c'était le dernier des soucis de cette fille.... Mais je ne voulais pas rester là sur le canapé, à moitié morte, tandis qu'elle me mettait en plein visage tout ce que je savais déjà... tout ce qu'Enzo m'avait dit... toutes les rumeurs à mon égard... Jaco.... tout.
La salle de bain était non loin du salon, elle pouvait m'apercevoir de là où elle était. Je sentais toujours ses yeux bruns rivés sur moi, des yeux qui me donnaient froid dans le dos.... et là j'avais encore envie de vomir. Too much alcohol? Non, non... trop de dégoût envers moi-même alors qu'elle n'avait encore rien dit... mais le fait qu'elle sache à présent que je suis mère me faisait trop mal à l'estomac. Alors, je me passais encore et encore de l'eau sur mon visage.... je ne faisais que ça, gardant la tête à moitié dans le lavabo..... je me noyais dans cette eau si tiède et agréable pour flouter ma vue et oublier son regard....
J'étais juste intriguée, je voulais connaître les raisons qui avaient envoyé cette femme plus bas que terre. Evoulait entendre sa version de l'histoire. Elle n'est pas en état de subir un interrogatoire et même, je suis décidée à la jouer plus fine que ça. Quand j'avais quelque chose en tête, je ne pouvais pas me défaire de cette idée. Alors je la laisse partir, contente qu'elle ait tout de même réagi quand j'ai évoqué sa fille, elle qui semblait bloquée dans son mutisme. Je la suis un moment du regard, ne me détachant d'elle que pour attraper les photos et les regarder. Il me manque quelques pièces pour compléter le puzzle... Mais d'une manière, je me sens plus proche d'elle en entrant chez elle, dans son univers. En reposant le cadre, mon regard se repose sur sa maigre silhouette dans la salle de bain. Elle est pliée en deux, elle a carrément la tête dans l'évier et ça m'inquiète un peu, il suffirait de la perdre de vue pour qu'il y ait un accident et finir accusée d'homicide, pour peu que la demoiselle ait des pensées suicidaires. Je me lève pour contrôler ses agissements. Je m'appuie dans l'encadrement de la porte alors que l'eau coule toujours. Je ne suis pas sûre que ce soit une façon très efficace de se tuer, d'ailleurs, je me demandais si c'était possible de mourir noyé à cause d'un évier. Je restai silencieuse, faisant figure de présence pesante. Je fus décontenancée en revoyant son visage dans le reflet du miroir, elle m'effraya par sa tristesse. Instinctivement, j'avançai le bras pour toucher son épaule mais à peine nos deux peaux étaient en contact, j'avais retiré ma main. C'était pareil quand on touchait une plaque électrique chaude ou un fil de clôture, le même réflexe. Je n'avais pas eu la sensation d'être brulée ou électrisée mais c'était comme si mon corps m'avertissait d'un danger. « Tu pleures ? » l'interrogeais-je, d'une voix hésitante, encore troublée. Je me basais sur ses yeux, un cocktail de fatigue, de tristesse mélangée à la prise de substances diverses leur donnait un éclat brillant et terne à la fois. « Tu devrais peut-être te lâcher, on se sent mieux après avoir pleuré, tu sais. » Ma voix est étonnamment douce, contrastant avec mon visage fermé, celui avec mon expression hautaine habituelle. Pourtant, c'est bien un conseil, que je tente maladroitement de lui apporter derrière cette suggestion. Parce que je vois bien, je comprends même parfaitement que la seule chose dont cette fille a besoin, c'est de l'aide.
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Se noyer dans un lavabo était-ce humainement possible? Je doutais mais je ne lâchais rien... Je voulais me débarrasser de ses yeux rouges, de l'envie de pleurer, ce mal être qui m'empoisonnait, cette envie de tout arrêter... oublier tout... et repartir à zéro. Ravoir un accident de voiture où mon cerveau serait touché cette fois ci et non ma vue... mais la voix de cette fille me fit sursauter et je restais la tête hors de l'eau pendant quelques instants.
Pleurer? Je pleurais tous les jours sans savoir comment m'arrêter... je me disais sans cesse que cette peine devait s'arrêter mais j'avais l'impression qu'elle empirait au fil des secondes. Je regardais son reflet à travers le miroir et rien que ce reflet me força à m'asperger à nouveau de l'eau pour me réveiller davantage. Elle avait même essayé de me toucher l'épaule mais ça avait agit en elle comme un répulsif apparemment. J'étais donc cela pour elle? Une pomme pourrit prête à dépérir sur le reste de la colonie?
Je m'aspergeais encore de l'eau.... encore et encore jusqu'à me stopper et prendre une serviette de bain à ma droite. Je me séchais brièvement le visage, restant de dos à cette étrangère. Alors soit... j'étais cela? Une dépressive à ses yeux qui devaient pleurer?
- Je... Je....
Impossible de parler, j'avais un noeud dans l'estomac et une boule dans la gorge... et sans que je ne comprenne pourquoi je me mis à pleurer dans ma serviette de bain... comme pour camoufler le bruit et pour cacher mon visage tant j'avais honte. Mon cerveau était HS et je ne savais que faire avec cette inconnue.... inconnue qui me détestait et méprisait... et elle avait raison. Je me détestais autant que je me méprisais... Sauf que plus les secondes passaient plus je pleurais fortement, sentant mes épaules bouger sous chacune de mes larmes avant que je ne m'effondre à genoux dans ma salle de bain, étant presque en boule sur moi même. J'avais honte, j'aimerais que tout cela ne soit qu'un horrible cauchemar car là j'étais au maximum de ma détresse, de ma peur, de ma honte et surtout de ma haine et cela face à une inconnue des plus totales...
Une force plus puissante que ma volonté me retenait auprès de cette fille, elle me laissait parcourir son appartement sans-gêne aucune, on aurait pu penser que je suis familière à ces lieux. Ce n'était pas la première fois qu'on se parlait mais la nouveauté, c'était que je voyais au delà de sa réputation de trainée et de miséreuse, je voyais devant moi une personne profondément triste. De tous ses pores, elle suintait la détresse et la souffrance. J'en restais clouée sur place tant j'avais l'impression de me reconnaître car pour l'avoir vécu, je reconnaissais tous les symptômes du mal qui la rongeait. Je pouvais affirmer que la seule chose dont la blonde avait besoin, c'était de l'aide. Ce comportement excessif avec l'alcool, la drogue, le sexe, les larmes, la confusion... C'était des signaux d'alerte. Vu son appartement, elle ne vivait pas dans la pauvreté et son physique n'était pas ingrat, je pouvais comprendre pourquoi Jaco s'était laissé embarquer, il pensait pouvoir la sauver. Des yeux pareils, si grands, si beaux ne méritaient pas de laisser transparaître une telle expression de désespoir. Ceux-là même qui me transperçaient même à travers le reflet du miroir. Seulement, j'étais la première à me jouer des apparences, je n'allais donc pas m'y fier et encore moins me laisser attendrir. Qu'est-ce qu'elle essayait de faire en se foutant autant d'eau sur la gueule ? Pourquoi ? Qu'est-ce qu'elle cherchait la pauvre idiote ? J'eus mal au cœur de voir cette femme dans une vulnérabilité totale, la tristesse tellement lourde à porter qu'il lui devenait impossible de cacher ses larmes devant moi. Ses sanglots étaient étouffés par la serviette qu'elle s'était mise sur la tête mais la scène était toujours aussi... étrange. Je n'arrivais pas à trouver d'autres mots, alors que je restais plantée là, je ne parvenais pas à comprendre ce qui la rendait si... attachante. Je n'étais pas venue pour l'enfoncer, elle n'avait pas besoin de moi pour ça visiblement, alors je la laissais là roulée en boule sur le sol de la salle de bain. Elle pleurait toujours. Je n'avais pas bougé d'un pouce. Incapable de détacher les yeux d'elle, mon visage laissait transparaître le malaise qui me gagnait en la regardant. C'était l'émotion à l'état brut, dans sa version la plus vivante, la plus prenante. Quand elle eût l'air de se calmer, je lui tendis une main, la dominant de toute ma hauteur mais mon expression de supériorité avait disparu. « Relève-toi... euh... » Je ne savais pas son prénom mais je balayais cette hésitation. Dès qu'elle fut sur pied, comme elle me semblait trop fragile pour marcher, je lui tournai le dos, me penchait en avant avant d'étirer la tête en arrière vers elle. « Grimpe. » C'était sa façon de transporter ses copines ivres mortes, vu l'état dans lequel Blondie se trouvait, mieux valait s'assurer qu'elle arrive à destination. Prochaine étape : son lit. La loque avait clairement besoin de dormir.
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J'étais effondrée, brisée, corrompue, honteuse, je voulais disparaître. J'avais trop honte face à cette femme... Elle avait tellement raison de me mépriser de la sorte... Tout le monde devait penser comme elle, tout le monde. Je voulais juste disparaître... S'il vous plaît, aidez moi... Je voulais que cette douleur s'arrête, je voulais tout arrêter... s'il vous plaît, aidez moi... Je ne voulais plus souffrir....
Au sol, dos à elle, je sentais ses yeux rivés sur moi, elle devait rire, se réjouir et elle avait raison. J'avais ce que je méritais et pourtant je vis sa main, là tendue devant moi. Je relevais les yeux, son regard avait changé. Pourquoi? Je pris sa main, la mienne était tremblante au possible... J'étais tant bien que mal sur pied, le regard vitreux, les larmes m'empêchaient de voir correctement. Je la vis se pencher me faisant signe de grimper sur son dos. J'étais si bas que ça? Apparemment... et pourtant je n'avais pas la force de lutter... mes jambes étaient tremblantes et j'avais du mal à tenir debout face à elle dans cette misérable salle de bain... Alors, je sautais légèrement sur son dos, je sentais mes jambes glisser mais elle me rattrapait et me tenait.
J'avais l'impression de vivre un cauchemar... cauchemar oui car j'avais trop mal. J'avais mal à la tête, au ventre, j'avais du mal à respirer, mes jambes tremblaient, mon coeur battait trop vite... j'espérais me réveiller dans 2 secondes, en sursaut dans mon lit, en sueur et que cette inconnue ne soit pas là et que tout cela n'était que dans mon imaginaire. Et si ça avait été Enzo qui m'aurait trouvé ainsi, comment aurait-il réagi? Je me perdais totalement... et la chaleur du corps de cette inconnue m'apaisait un peu, elle semblait si réelle... mais je ne voulais pas qu'elle le soit tant j'avais honte mais j'étais trop faible...
Je me demande si elle connait ce genre de crises tous les jours. Jaco m'avait dit qu'elle était dans le mal. Mais est-ce qu'il l'avait déjà vu ainsi ? Est-ce que tous les jours elle vidait toute l'eau de son corps à travers ses larmes ? Est-ce que tous les jours elle se retrouvait dans un état aussi pitoyable ? Je me demandais comment on pouvait se laisser aller à ce point. J'en ai connu des crises mais mon besoin de contrôle me force à tout dissimuler et à tout intérioriser pour que personne ne soit témoin de ma déchéance. Elle, il semblerait qu'elle soit parvenue au bout du rouleau, que toute la misère qu'elle avait vécu ne pouvait plus être contenue par son petit corps. Je suis délicate en la transportant, consciente de ne pas porter une femme mais une poupée de porcelaine. Je me déplace lentement jusqu'à la chambre à coucher, sans connaître les lieux et grâce à son aide, ce n'est pas difficile car il n'y a pas non plus quarante-douze pièces. Arrivées au bord du lit, je me tourne de manière à ce qu'elle puisse s'asseoir dès que je me pencherai pour la déposer. Une fois le largage terminé, je reste postée debout devant elle. « Ne dis rien si tu n'en as pas la force.» dis-je, pour couper ses envies de me remercier ou de s'excuser comme une lépreuse. « Je vais t'aider. » Aussitôt dit, aussitôt fait. Je trouve une armoire où sonr rangés ses vêtements et essaye d'analyser le tout pour comprendre où elle pourrait ranger les pyjamas. Je trouve une robe de nuit, elle fera l'affaire, me dis-je, l'appartement est suffisamment chauffé pour qu'elle n'ait pas froid. Je retourne vers elle, mes trouvailles dans les bras. « Il va falloir que tu coopères un peu, maintenant. » Je doute qu'elle ait pu le faire seule sans s'écrouler car ses jambes ne la tenaient plus, c'est pour ça que je suis là. J'avais déjà déshabillé d'autres femmes mais dans des situations bien plus... intéressantes. Je la fixe, un air blasé sur le visage, attendant qu'elle se bouge pour me donner son feu vert. Vivement qu'elle tombe raide dans les bras de Morphée et que je puisse me barrer.
“A paranoid is someone who knows a little of what's going on. ”
Je rêvais, je rêvais, je rêvais. Rien n'était réel. Je me sentais partir, fatiguée... J'étais là sur le dos de cette inconnue, je me sentais planée, volée. Je me forçais de garder les yeux ouverts comme si ma vie en dépendait alors que mon corps et mon esprit me disaient "dors, dors, dors, dors, dors."
Le trajet avait duré 15 secondes, je reconnaissais les murs de ma chambre. Fallait que je dorme.... tout ça n'était pas réel. Pourquoi je rêvais de cette fille alors? L'avais-je aperçu en boîte? Etait-ce un fantasme caché? Mes fesses atterrirent sur mon lit, je reconnaissais sa douceur.... en me sentant ultra lourde.... si lourde que je tombais sur mon lit. Mes jambes étaient dans le vide, j'avais juste le haut de mon corps allongé sur mon lit, ma tête maladroitement installée sur l'oreiller. Mes yeux se fermaient et j'avais du mal à résister.
J'entendais une voix au loin sans y faire attention... jusqu'à que la voix devienne plus forte. J'avais juste entendu le mot "coopère". Pourquoi? Voulait-elle coucher avec moi? Si c'était un rêve, c'est que c'était mon fantasme non? J'entrouvais les yeux, je me remis en position assise sur mon lit... tant bien que mal en basculant un peu tant mon équilibre n'était pas... équilibré justement.
Mais si elle voulait coucher avec moi, qu'est ce qu'elle avait dans ses bras? Je n'essayais pas de comprendre. Je remontais ma robe à moitié amochée de cette longue nuit, de ma chute de tout à l'heure... je remontais le tissu jusqu'à mi-cuisse, passant ensuite difficilement mes fesses pour remonter jusqu'au nombril. Ma vision était floutée, j'avais perdu toute notion de distance. Je remontais encore le tissu jusqu'à ma poitrine mais à partir de là, ça bloquait. J'avais beau monté encore et encore, c'était bloqué et plus je tirais plus... je tombais à la renverse.
Je me retrouvais en string noir, seins nus face à elle, allongée entièrement sur mon lit tandis que mon visage était caché par ma robe, je n'avais plus de force dans mes bras pour tirer entièrement le tissu. J'étais HS.
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