Elle est tellement silencieuse sur mon dos qu'elle me donne l'impression d'être endormie. Je n'entends rien d'autre que sa respiration un brin irrégulière à mon oreille... j'ai l'impression de transporter un ourson. Mes doutes se confirment quand je décolle mon nez de son armoire, je jette un coup d'œil vers elle et qu'elle est tombée allongée de travers sur le lit. Je ne peux pas m'empêcher de la tirer de sa torpeur, avec toute ma délicatesse et je suis sur le point de répéter mon ordre quand elle s'exécute, mollement, mais j'ai compris que ce n'était pas une histoire de mauvaise volonté. Je le sais parce que sans connaître tous les détails, son état me touche autant que sa faiblesse me dégoûte. C'est un peu confus ce que je ressens parce que c'est sur le moment, j'écoute mon instinct, j'agis et c'est tout. Lui qui murmurait qu'il fallait que je sois là, sans que mon cerveau puisse trouver une raison valable, faisait que je restais devant elle à la regarder ôter sa robe noire. Elle dévoilait devant mes yeux son corps maigre et blanc, trop fatiguée pour s'effarroucher de mon regard sur elle. Peut-être qu'elle n'était simplement pas pudique vu toutes les rumeurs qui circulaient sur elles. Je laisse échapper un soupir, ma présence ne suffisait pas à faire des miracles, elle était toujours aussi douée... Je jette la nuisette à côté d'elle pour la sauver de sa mort imminente par étouffement. Mes mains se posent sur ses bras tendus et j'anticipe le frisson qu'elle doit ressentir à ce contact en lâchant un 'désolé' murmuré. La température de mes mains s'accordent à celle de mon cœur, elles sont généralement glacées. Je fais glisser le tissu noir jusqu'au dessus de sa tête puis la libère enfin. J'ai l'impression d'être face à un zombie, c'est à peine si elle cligne des yeux ou que ses traits rendent son visage vivant. Sa nudité accentue sa vulnérabilité et le spectacle est si désastreux que je me dépêche de la cacher. Je prends sa robe de nuit et étape par étape, j'essaye de la lui faire enfiler. Je lève une main, la passe sous le bretelle, puis l'autre, ensuite sa tête. Elle se laisse faire comme une poupée entre les mains. En descendant la longueur de tissu sur son corps, mes doigts froids frôlent la peau sur ses côtes, une zone chaude. Un peu troublée, je me rends compte que je me suis stoppée dans mon mouvement enfin, plutôt j'ai beaucoup ralenti mon geste. La précipitation dont je fais preuve quand je reviens à moi souligne mon comportement bizarre. (Cela se passera de commentaires.) Une fois ma poupée habillée pour dormir, il faut l'installer. Je soulève sa couette puis tape sur son oreiller pour la guider sans parler.
“A paranoid is someone who knows a little of what's going on. ”
Je n'étais définitivement plus de ce monde. Tout était noir soudain, je me sentais si légère, comme si j'étais entièrement nue... Ce qui était peut être le cas. Après tout j'étais avec cette fille... dans mon rêve... mon fantasme. C'était logique d'être nue dans ce genre de situation, on allait pas jouer aux petits chevaux. Pourtant là de suite je me sentais toute faible, épuisée... Jusqu'à que je sente une main se poser sur mes bras. Voulait-elle me plaquer contre le lit tandis qu'elle me dominait de tout son corps en me bandant les yeux? Sans doute... ce n'était pas pour me déplaire.
Un bref gémissement qui devait plus ressembler à un... bref... sortit d'entre mes lèvres à ce contact. Elle avait les mains froides mais ce contact sur ma peau me réveilla... Avant que je retrouve la vue. Elle était là, tout près de mon visage mais il était toujours aussi flou. Je me mordais ma lèvre inférieure de plaisir... c'était instinctif chez moi mais le reste des opérations fut tout aussi... flou.
Mes bras restèrent en l'air, ma poitrine à porté de mains, mon corps étalé sur tout mon lit et je sentis un tissu glisser le long d'un de mes bras. Je levais un peu la tête pour voir ce qu'elle me faisait... elle m'habillait? Peut-être ce tissu était un de ses... fantasmes? Je me laissais faire, gentiment, comme une bonne petite soumise à sa maîtresse d'une nuit mais la situation m'échappait complètement.
Je sentais désormais ce qui ressemblait de près comme de loin à une nuisette... je n'étais plus nue et j'étais... nauséeuse. J'essayais de maintenir mon regard sur elle mais elle bougeait trop vite pour moi.
- Pourquoi tu fais ça?
Cette phrase était sortie comme un murmure de ma bouche... je sentais encore ses mains sur moi quand elle m'ajustait ce bout de tissu... je sentais sa peau effleurer mes côtes puis soudain... aucun contact. Plus rien. Je voyais une "image" bougeait devant moi, une image très floutée oui... Jusqu'à qu'elle soulève ce qui me servait de couette, tapotant un oreiller. Je devais dormir? Mes yeux étaient lourds mais... elle ne voulait pas coucher avec moi. Je regardais dans le vide sa main sur cet oreiller qui m'appelait. Mon cerveau avait dû mal à transmettre l'information mais une bonne minute plus tard, je bougeai tant bien que mal pour aller jusqu'à cet oreiller. Peut-être voulait-elle dormir pour mieux me réveiller...
- Pars pas...
J'arrivais tant bien que mal jusqu'à l'oreiller, passant machinalement mes jambes sous la couette et j'attrapai la première chose qui ressemblait de près ou de loin à une partie du corps humain... une main... j'entrelaçais tout aussi naturellement mes doigts dans les siens et je répétais cette phrase...
- Pars pas, pars pas, pars pas, pars pas...
Disais-je au moins cela en vrai? Je disais bien "pars pas" ou alors d'autres mots sortaient de ma bouche à cet instant? Je luttais pour maintenir mes yeux ouverts mais plus ça allait, plus ça devenait une véritable épreuve.
Penchée sur elle, j'ai les lèvres au niveau de sa tempe et elle, la tête dans mon cou. Je ne me rends compte de notre proximité que quand je m'écarte un peu... ce qui fait qu'on se retrouve nez à nez, yeux dans les yeux. Seuls quelques petits millimètres nous séparaient. Dix ou moins, quelquel chose comme ça, j'étais juste assez prêt pour voir son grain de peau, la naissance de chacun de ses sourcils ou même un grain de beauté caché, j'aurai pu distinguer tous ces détails si je ne m'étais pas perdue dans ses yeux. Inconfortable face à l'emprise qu'elle avait sur moi, je fronce les sourcils et me force à poursuivre ma tâche sans me distraire. Mais c'est dur, c'est dur quand votre corps s'y met aussi et que votre palpitant s'agite, qu'il s'acharne à vous rendre essoufflé sans même bouger. Ses apparences d'ange déchu me magnétisaient, c'était électrique, physique, j'aurai même pu invoquer la sorcellerie. La situation m'énerve, mon manque de self-control me donne envie de fuir. Mes muscles refusent de m'obéir. Son corps appelle mes mains, même à travers le tissu, je sens sa chair et ça satisfait un désir inconscient. J'enrage toute seule. Je tire une dernière fois sur le vêtement pour couvrir ses cuisses en la coupant sèchement. Tais-toi. Qu'elle la ferme, qu'elle ne me rebalance pas la réalité en pleine face. Je me détourne d'elle pour qu'elle se couche, je veux m'en aller et l'oublier. Je m'écarte comme si elle était atteinte d'une maladie contagieuse ; c'est un peu le cas, je sais que je pourrais être atteinte par sa fragilité si je me laissais trop attendrir. Alors une fois qu'elle est allongée, je me bouge, pour ramener la couverture sur elle mais la loque me coupe dans mon élan. Je la regarde, intriguée, pour comprendre qu'elle pensait que j'allais m'en aller. Ses doigts étreignent mes doigts mais je romps ce contact, elle n'a pas le droit de me toucher, de me faire sentir comme ça. Je voulais qu'elle sorte de ma tête. Lâche-moi, tu me dégoûtes. crachai-je entre mes dents. Dors. Un conseil sous forme d'ordre mais ma froideur apparente tranche avec l'infinie douceur de mon geste. Comme une caresse du vent, mes doigts frôlent le haut de son front avant de glisser dans ses boucles blondes.
“A paranoid is someone who knows a little of what's going on. ”
Dans les vapes, inerte... Entre la réalité et le sommeil. J'avais semblé avoir eu une main entre la mienne durant un laps de secondes mais celle-ci me fuyait autant que je fuyais la vérité... cette vérité qui me tétanisait et me donnait l'envie d'en finir avec tout.
J'avais les yeux à moitié ouverts, je suivais toujours "cette forme" devant moi. Forme qui semblait si loin et si près à la fois. Je lui demandais de rester, j'étais déjà en manque de ses mains froides sur mon corps brûlant. Elle semblait me rejeter mais était toujours là. Je sentais cette couverture à moitié tiède recouvrir mes jambes nues pour venir jusqu'à ma poitrine. Devais-je dormir?
J'essayais de retenir cette forme qui m'échappait, j'entendis son ton dégoûté qu'elle empruntait pour me parler. Je plissais mes yeux comme pour lui demander "pourquoi". Je sentais Morphée m'appelait et pourtant je n'avais pas envie de dormir à ses côtés. J'étais décalée. Elle m'avait blessé pourtant et là je la trouvais... attirante. Si je la dégoûtais tant en quoi était-elle encore là? D'où elle m'offrait son aide?
Puis quand je sentis sa main dans mes cheveux je ne pus m'empêcher de trembler... encore. Je me mordais ma lèvre inférieure en fermant mes yeux pour me concentrer sur sa main dans mes cheveux qui ne devaient plus ressembler à rien après cette longue nuit...
- Tes caresses sont si douces...
Je souriais en coin, sentant tous les muscles de mon corps se décontractaient et semblaient être apaisés face aux caresses qu'elle me donnait au niveau de mon cuir chevelu. Je me mettais maladroitement sur mon dos, si maladroitement sur je sentais le tissu de ma nuisette s'accrocher au drap, laissant quasiment à découvert ma poitrine une nouvelle fois. J'avais senti mes tétons légèrement dur frottés ma nuisette tandis que ma main droite vint chercher à nouveau le contact de cette inconnue. Je sentais toute la chaleur de son corps à proximité... arrivant tant bien que mal jusqu'à sa cuisse. Cuisse que je caressais timidement du bout de mes doigts, me contentant de faire des petits cercles de mon pouce.
Ce contact est trop surprenant et même si je ne comprends pas tout de suite ce qu'elle essaye d'entreprendre, ça m'apparaît brusquement en la regardant toute entière. Elle ferme les yeux alors que mes mains se perdent dans sa chevelure, un geste que je ne saurai expliquer. Il y a sa lèvre qui se colore quand elle la mord, ses cheveux en bataille, le tissu léger sur sa peau qui la recouvre à peine. Elle est tentante, comme une diablesse, encore plus quand je vois une bretelle glisser de son épaule et qu'elle murmure un truc. Elle me déroute complètement, elle qui était plus tôt dans les vapes, semble prendre son pied... avec moi. C'était sûrement son état qui la rendait comme ça et je sens le malaise me gagner face à cette situation trop bizarre. Elle est belle, c'est indéniable mais elle ne m'attire pas. Elle n'est qu'une fouteuse de merde doublée d'une paumée de la vie, à force de se mettre dans le mal comme elle le faisait. Si elle pensait qu'elle résoudrait tous ses problèmes ainsi, elle allait sombrer encore plus profond mais elle n'était pas en état de le réaliser visiblement. Je fronce les sourcils à cette pensée, me demandant sur quelle genre de tarée je viens de tomber mais sentant qu'on touche ma cuisse, je reviens dans la réalité avec elle. Elle me surprend et j'ai un mouvement de recul, quand je vois sa main, se poser dans une zone qu'on ne laissait pas les inconnus toucher, généralement. Trop hébétée pour parler, seul un grognement sort de ma gorge alors que je recule, m'éloigne du lit et sans réfléchir, je fuis la tigresse. Une porte claque, celle de l'entrée de son appartement puis me forçant à ne pas y repenser, mes talons claquent chaque marche d'escalier avant de quitter l'immeuble. J'ai chaud, le souffle court et je ne comprends toujours pas ce qui vient de se passer.