Humidity's rising, barometer's getting low according to our sources, the street's the place to go, cause’ tonight for the first time, just about half past ten for the first time in history... It’s gonna start raining men.
luleaby
tempesta notturna
La nuit est tombée il y a seulement quelques heures. Il fait toujours chaud, très chaud même, l’air est lourd, chargé d’humidité. Malgré la noirceur de la nuit, je peux apercevoir au loin de gigantesques nuages noirs lestés d’orage, qui se rapprochent de plus en plus. Dans peu de temps, quelques heures peut être, le ciel nocturne sera déchiré par la foudre. Mais pour l’instant, je profite du balcon de mon loft, avachie sur une chaise, cigarette à la main. J’observe l’horizon, les quartiers lumineux et ceux qui sont baignés d’obscurité. J’observe les silhouettes des gens qui entrent et sortent des bâtiments comme ils veulent, seuls ou accompagnés. Du dernier étage de l’immeuble, je ne peux pas voir leurs visages. Alors je m’amuse à imaginer leurs vies, tout en expirant la fumée que j’inspire par bouffées. Peut être que cette femme est infirmière, médecin, et que si elle s’éloigne en courant de ce bâtiment, c’est parce qu’elle a reçu un appel d’urgence. Peut être qu’un de ses proches a eu un accident, que son fils est malade. Peut être que la silhouette masculine qui était avec elle ne lui plaisait pas assez, et qu’elle a préféré prendre la fuite, plutôt que de le blesser… Tant de possibilités. Je soupire. Pieds nus, vêtue uniquement d’un short fluide et d’un soutien-gorge gris acier, je laisse mes pensées vagabonder, essayant d’oublier la chaleur qui m’accable. Délaissant la vie des autres, je recommence à penser à la mienne. Aux rencontres que j’ai faites, à l’aide qu’on m’a apporté. Aux coups de fils passés tard la nuit, pour pouvoir communiquer de vive voix avec mon employeur qui se trouve à presque 20h de vol d’ici. Aux confrontations avec Nino, aux provocations. À la dispute assez violente avec Vitto. Je secoue la tête. À quoi je m’attendais, de toute façon, à venir lui demander des comptes jusqu’ici, en Australie? Je n’aurais pas pu espérer autre chose que le mépris qu’il m’a balancé à la figure. Alors bordel qu’est ce que je suis venue faire ici? Je n’en sais toujours rien. Pire, depuis ma rencontre avec Nino, je me suis rendue compte que je suis peut être même plus en danger ici qu’à Rome. Alors qu’est ce qui a bien pu me pousser à signer pour ce loft? Qu’est-ce qui m’empêche de reprendre un billet d’avion pour rentrer en Italie? Pourquoi prendre le risque de recroiser Nino ou un des ses « amis »? Je soupire à nouveau. À me torturer les neurones comme ça, en soirée, je risque surtout de me faire des noeuds au cerveau qui m’empêcheront de fermer l’oeil de la nuit.
Alors que j’écrase mon mégot dans un cendrier, j’entends le premier coup de tonnerre résonner au loin. Je me lève, retourne à l’intérieur tout en laissant la baie vitrée grande ouverte. La lumière est tamisée, et je vais m’assoir sur une chaise de bar, m’accoude sur mon plan de travail. Regarde un instant la bouteille de liquide ambré en face de moi, avant de m’en resservir un verre. Le deuxième de la soirée. Le premier ayant été savouré après une énième dispute au téléphone, avec mon père. Un père qui avait déjà eu du mal à accepter mon départ pour Rome. Et qui a encore plus de mal à digérer mon départ pour un autre continent. Lui qui m’a accusé de les abandonner, eux, ma famille, de renier ma patrie. Du grand n’importe quoi. Mais comme mon père a toujours eu du mal avec mes choix et mon envie d’indépendance, je ne suis pas vraiment étonnée. En passant devant le miroir mural dans le salon, j'observe un instant les marques qui meurtrissent mes côtes. Les bleus qui s'y étalaient sont en train de disparaître peu à peu. Les blessures de mon esprit, elles, sont encore bien vives. Verre à la main, je déambule doucement dans l’appartement, prêtant enfin attention à la musique émise par la sono. Chanson qui se termine, et une autre commence. Je reconnais immédiatement l’air, dès les premiers accords. J’attrape la télécommande, augmente le son, ferme les yeux. Laisse la musique, qui monte en puissance, m’électriser. Une chanson dont le titre s’accorde parfaitement au temps. Thunder. Une gorgée supplémentaire de whisky et je pose mon verre. Puis je danse. Je me déhanche, oubliant assez facilement tout ce qui m’entoure. Il n’y a plus que moi et cette musique entêtante. De la rue, on ne peut pas me voir. Et de l’immeuble d’en face, on ne peut voir l’intérieur de mon appartement que du toit. Je me sens donc libre de toute observation, je me laisse aller. La chanson est sur le point de toucher à sa fin, lorsque j’entends des coups frappés à la porte du loft. N’étant pas très sûre de ce que j’ai entendu, je baisse le son, et tends l’oreille. Et quand les coups se répètent, j’en déduis que ce n’est pas mon esprit qui me joue des tours. C’est peut être Leena qui est là, elle m’a dit qu’elle passerait, un soir. Moi qui pensais qu’elle me préviendrait par texto… Je cherche mon téléphone des yeux. Je ne me souviens pas d’où je l’ai mis, alors peut être qu’elle m’a prévenue, finalement. Je déverrouille la porte. Et reste pétrifiée face à la personne qui se retrouve en face de moi. S’il y a bien une personne que je n’aurais jamais pensé ici, c’est bien lui. Mon sourire s'efface. Troublée, je raffermis ma prise sur la porte. « Vitto? » Le couloir est sombre, les lumières ne se sont pas allumées. Je doute un instant de son identité, l’esprit légèrement embrumé par l’alcool. Mais en l’observant plus attentivement, je n’ai plus aucun doute. « Mais qu’est-ce que tu fais là? » J’attends encore quelques longues, très longues secondes, avant de m’écarter du passage, et de l’inviter à entrer d’un geste nonchalant de la main.
Dernière édition par Gaïa Salvatori le Jeu 30 Jan 2020 - 17:20, édité 1 fois
Sixteen Antlers. Le nom du bar brillait en néons colorés au-dessus du barman, faisant glisser vers lui le verre commandé quelques instants plus tôt. Boire seul ? Pas vraiment la came de Vittorio. Fréquenter les bars seul ? Pas sa came non plus, du moins le croyait-il avait l’arrivée à Brisbane qui avait tout bouleversé, tout déréglé. Accoudé au comptoir d’un bar on était toujours mieux que cloîtré dans une chambre de motel telle que la sienne, climatisation qui fonctionnait un soir sur deux et voisin de chambre habitué des « professionnelles », dont les cris trop forcés pour être sincères faisaient l’effet d’une craie sur un tableau noir. Est-ce qu’il regrettait d’avoir claqué la porte de sa colocation avec Bob ? Oui. Est-ce qu’il l’admettrait à qui que ce soit ? Jamais, et surtout pas au principal intéressé. « Bonsoir. » Lentement son regard s’était détaché du fond de son verre pour se poser sur celle à qui appartenait la voix sortie de nulle part, ou presque. Le tailleur et les stiletto qui allaient avec, la fine chaîne en or qui brillait autour du cou que la haute queue de cheval dégageait joliment, et le maquillage impeccable jusqu’au bout des cils : le cliché de la working girl, probablement à peine sortie de sa tour d’argent et s’accordant un verre et plus si affinités avant de regagner son appartement. Jolie, mais sans avoir l’air de sortir d’une couverture de Vogue. Parfum boisé, conventionnel. Ongles impeccables, sans surprise. A priori son genre à lui, quoi que … « Je suis venu accompagné. » Le mensonge était venu dans la facilité, et le ton avec juste ce qu’il fallait de résignation pour qu’elle s’en convainque sans avoir l’idée d’insister. « Bonne soirée, dans ce cas. » Sans honte pourtant les avaient-ils suivis du regard, elle et son fessier agréable à l’œil, tandis qu’elle s’éloignait pour rejoindre la terrasse et qu’il s’en remettait à son verre de vin – blanc. La lourdeur de l’atmosphère était à peine plus supportable ici qu’à l’extérieur, les dizaines d’étages séparant le rooftop bar de l’artère majeure de Spring Hill n’étant d’aucun secours et donnant même l’impression d’approcher de trop près l’orage à venir. Et il viendrait, aussi violent que fugace, comme l’italien avait fini par l’apprendre à mesure de mois passés dans cette ville. « Vous auriez des allumettes ? » Arborant la négation, le barman s’était permis d’ajouter « Vous ne pouvez pas fumer ici, Monsieur. » - « Même sur la terrasse ? » Même sur la terrasse, oui, et maudissant intérieurement ces australiens qui ne sourcillaient pas devant un alligator mais grinçaient des dents devant une cigarette, Vittorio avait terminé son verre et abandonné un billet pour sa consommation pour s’envoler déjà vers l’ascenseur qui le ramènerait à hauteur d’homme.
La nuit semblait plus noire, depuis le pied du gratte-ciel. La nuit semblait plus noire et l’air plus chargé en électricité, insufflant dans ses veines une poussée de mauvaise adrénaline - celle qui vous angoissait - dont la provenance réelle lui échappait. Là, sur ce trottoir de Spring Hill, il ne s’était jamais senti aussi minuscule et aussi peu en phase que depuis que son avion avait atterri, septembre 2016, une éternité avant. Mais il restait là. Nino restait là. Bon dieu, même Gaïa restait là, et c’était ce qui avait le moins de sens dans toute cette mélasse de faits et d’émotions qu’il devait se trimballer depuis des jours. Elle était là, Gaïa, à quelques blocs d’immeubles à peine, son nom signé en bas du bail d’un appartement dont il ne comprenait pas qu’elle l’ait loué, et Gaïa ne faisait jamais rien par hasard. « ‘Scusami ! […] Je peux ? » Il l’avait enfin obtenue, la flamme pour allumer la cigarette qui le démangeait depuis que ses lèvres avaient trempé dans l’arrière-goût sucré du vin blanc, et qui l’avait accompagné tandis qu’il remontait lentement le long de l’avenue, éclairée çà et là de la vitrine d’un magasin qui n’avait que faire de sa facture d’électricité. CRAC, et l’éclair qui zébrait le ciel et rendait aux environs la lueur du jour pendant un quart de seconde. Et la suite qui s’enchaînait, avec lui, malgré lui, l’inconscience autant que l’incompréhension guidant ses pas jusque devant l’immeuble maintes fois observé, une seule fois visité, la pluie s’écrasant sur le bout de ses chaussures et sur les bras dénudés par son tee-shirt tandis qu’il s’engouffrait dans le hall et abandonnait son mégot dans le caniveau, ou l’inverse. Si l’ascenseur avait eu un miroir il aurait pu y croiser son regard défait, son visage fatigué, et alors peut-être aurait-il rebroussé chemin … L’ascenseur avait peut-être un miroir. Il ne savait pas, il avait pris les escaliers, et s’essoufflait maintenant des marches montées deux par deux et des étages enchaînés jusqu’à cette porte-là. Cet appartement-là. « Vitto ? » La lumière échappant de l’appartement éclairait à peine le couloir dans lequel la pénombre le protégeait encore. De son incrédulité, de son regard. « Mais qu’est-ce que tu fais là ? » Elle ne l’aurait peut-être pas vu, le sourire narquois qui avait échappé à son compatriote tandis qu’elle dégainait cette question comme si c’était à elle de la poser. Et puis finalement … « Non. Toi. » Laissant planer quelques secondes le silence attendu, comme si elle s’était imaginée que sa phrase avait une fin qu’elle devait simplement attendre, il avait enfin pris le temps de dévisager la jeune femme et la tenue – légère – dans laquelle elle lui avait ouverte, haussant les épaules et appuyant l’une de ses mains contre l’encablure de la porte. « Toi, qu’est-ce que tu fais là. » Elle était là, la vraie question. Elle le tarabustait, le perturbait, le tenait éveillé même, sans qu’il ne veuille l’admettre. « Pourquoi t’es pas à Rome, Gaïa ? Pourquoi t’es là ? » Et ce n’était même pas de l’agressivité au fond, dans la voix, non. Même pas le mépris et la haine servis la dernière fois à son égard, mais une incompréhension amère à laquelle la pluie et le bruit du tonnerre donnaient un air lourd. Étouffant.
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luleaby
tempesta notturna
Et je suis toujours sous le choc. Me rendent compte que j’ai bloqué ma respiration, je prends une longue inspiration en dévisageant Vittorio dont la silhouette se détache de l’obscurité du couloir. Il fait tellement sombre en réalité que je loupe presque l’expression de son visage, son sourire narquois qui se moque ouvertement de la question que j’ai osé poser. D’ailleurs, la réponse ne se fait pas attendre. « Non. Toi. » Sa mimique a disparu. De longues secondes passent alors que je le dévisage sans la moindre gêne. Chose qu’il se permet de faire également, lentement, et brusquement ma tenue qui me paraît un rien trop légère. Je me sens rougir et détourne les yeux rapidement, reportant mon attention sur la main qu’il a posé contre le chambranle de la porte. Ridicule. Le silence se prolonge, et finalement, il finit par continuer, voyant que je ne semble pas décidée à répondre. En réalité, je suis tout bonnement incapable d’émettre le moindre son, à cet instant précis. « Toi, qu’est-ce que tu fais là. » Il a l’air fatigué, vraiment. Ses traits sont tirés, il semble décontenancé. Peut être parce qu’il vient de fournir un effort. Au rythme de sa respiration, je devine qu’il a choisi les escaliers, ce qui n’est pas forcément une bonne idée quand on sait que j’habite au dernier étage. D’ailleurs, je me demande comment il a eu mon adresse, même si je ne suis pas étonnée. S’il la voulait, il n’a pas du avoir trop de mal à l’obtenir. En attendant, je me demande encore ce qui l’a poussé à venir toquer à ma porte à… Presque minuit bon sang! Et il est là devant moi, avec cette lueur étrange au fond des yeux, comme s’il était tourmenté, comme s’il ne dormait plus, ou peu. « Pourquoi t’es pas à Rome, Gaïa ? Pourquoi t’es là ? » Et ce qui me frappe presque immédiatement, c’est le ton de sa voix. Envolé le mépris, envolée la violence de ses mots qui ont claqué à mes oreilles il y a peu de temps. Le détaillant toujours en silence, je finis par m’effacer, l’invitant sans un mot à entrer. On ne va pas rester sur le palier, ça c’est sûr. Je referme la porte, et me met en quête d’un haut alors qu’un éclair illumine brièvement l’appartement, tonnerre grondant au loin, pluie battant sur le balcon et contre la baie vitrée. Je retrouve, comme par miracle, un déshabillé noir sur le canapé, que j’ai jeté là il y a un moment, victime de la chaleur et de l’air lourd. Je l’enfile rapidement, jetant un coup d’oeil en coin à Vitto alors que je me rends du côté de la cuisine. L’ignorant le plus possible du regard, feignant d’admirer l’immense pièce qui sert de salon et de cuisine à la fois, je me mets sur la pointe des pieds pour atteindre le placard. « Tu veux un verre? » Je ne sais pas s’il va me répondre, s’il a soif, ou même s’il va accepter quelque chose de ma part. Alors machinalement, je lui pose un verre plein non loin de lui, avant de reprendre mon propre verre et de m’éloigner. Je n’ai toujours pas répondu à ses interrogations. J’aurais pu plaisanter, lui demander pourquoi moi aussi je ne pourrais pas voyager. Mais non. « Ça fait combien de temps que t’as pas dormi? » Assise sur l’accoudoir du canapé, j’observe ses réactions, tranquillement. Je détaille à nouveau ses traits, alors qu’il y a un peu plus de lumière ici. Pas beaucoup plus, mais quand même. Je soupire. « Tu sais très bien pourquoi je suis là. Je te l’ai expliqué l’autre jour, je t’ai même accusé, ça te rappelle quelque chose? » Je me relève et commence à faire les cent pas dans l’appartement, verre à la main, passant de temps à autre près de lui, évitant de le regarder. « Je voulais savoir, j’ai eu des informations et je me suis déplacée. Point. Ces informations étaient juste… Légèrement eronnées. Malheureusement. » Je me stoppe, bois une gorgée, cherche son regard. « D’ailleurs pour ce que ça vaut… Je suis désolée. » Et je repars pour un tour de la pièce, après avoir vidé mon verre, que je repose sur le comptoir en marbre de la cuisine. Je tourne moins longtemps cette fois-ci, et je finis par m’appuyer contre le dossier du canapé, à une distance raisonnable de l’italien. Je suis nerveuse maintenant, moi qui était si détendue avant son arrivée. J’hésite, je ne sais pas quoi faire. Est-ce que je dois lui dire que c’est son frère qui a commandité mon agression? Est-ce qu’il me croirait si j’osais lui avouer ça? Et même, en aurait-il quelque chose à faire, de toute façon? Baissant les yeux, je me mords discrètement la lèvre inférieure. L’orage gronde, et l’air est lourd, si lourd… Étouffant. « On m’a donné une piste, et j’étais tellement furieuse que j’ai tiré des conclusions trop vite. J’ai pris un avion… Pour finalement me rendre compte que je me suis trompée de personne… En fait je crois bien que je me suis trompée de frère. » La bombe est lâchée. J’ai tout déclaré d’un bloc, en le regardant droit dans les yeux. Et me voilà maintenant soutenant son regard, attendant de voir comment il va réagir, s’il va me croire, ou ne serait-ce qu’hésiter à me croire. De toute façon, je ne pense pas que ça pourrait être pire. Lentement, je croise les jambes, prêtant attention au bruit de la pluie jusqu’à entendre le bruit de sa voix.
Il était un peu tard pour regretter d’être venu, désormais, pas alors que derrière la porte il avait entendu la musique s’arrêter nette et les pas se rapprocher avant qu’enfin l’italienne ne se retrouve face à lui. Et ce n’était même pas une question de regrets au fond, Gaïa ne l’impressionnait pas plus qu’elle ne lui faisait peur, mais la pression du moment désormais redescendue il réalisait qu’il n’avait pas la moindre idée de pourquoi il était là, pourquoi il était monté jusqu’ici, pourquoi il avait subitement eu besoin de lui poser la question. Lui demander à elle, pourquoi, pourquoi était-elle encore là quand à priori rien ne la retenait en ville, ni même sur le continent. Elle était comme lui, pourtant, une de ces plantes italiennes qui ne pouvaient pas fleurir en dehors de leur climat natal, loin de leurs origines … Alors il ne comprenait pas. Et Vittorio avait ce besoin de comprendre, cette obsession de ne rien ignorer. Et si les premières secondes il s’était laissé distraire malgré lui par la tenue légère de la jeune femme et avait promené son regard de haut en bas plutôt que de la regarder dans les yeux, il s’était rapidement repris et avait cherché au fond de ses iris une réponse à sa question faute d’obtenir le moindre mot de la part de la concernée. Au lieu de cela, elle avait fait un pas ou deux sur le côté pour le laisser rentrer, l’italien d’abord méfiant et incertain à l’idée de mettre ne serait-ce qu’un pied dans cet appartement ; Mais la curiosité finissant par l’emporter sur le reste il s’était finalement exécuté, non sans couler vers elle un regard plein de scepticisme. « Tu veux un verre ? » Il avait haussé les épaules, observant avec plus d’attention qu’il ne l’aurait voulu tandis qu’elle ajoutait une couche de vêtements pour se couvrir et se dirigeait vers la cuisine pour lui servir un whisky qu’il n’avait pas accepté, mais pas refusé non plus. « Ça fait combien de temps que t’as pas dormi ? » La question lui semblait totalement hors propos, et malgré tout elle visait juste. Mais Gaïa visait souvent juste, trop juste. N’ayant pas osé s’aventurer trop loin dans l’appartement, mal à l’aise sans trop en connaître la raison, il s’était simplement appuyé contre le plan de travail et avait affiché un sourire amer au moment de demander « Ça t’intéresse de savoir comment se porte mon sommeil, maintenant ? » Une question supplémentaire, et toujours aucune réponse ni d’un côté ni de l’autre, et pourtant elle devait le connaitre suffisamment bien pour savoir qu’il ne repartirait pas sans. Maintenant qu’il était là, maintenant qu’il avait demandé, il ne repartirait pas sans avoir obtenu ce qu’il était venu chercher. « Tu sais très bien pourquoi je suis là. Je te l’ai expliqué l’autre jour, je t’ai même accusé, ça te rappelle quelque chose ? » Oh si, il s’en rappelait, et avec suffisamment d’amertume pour que remettre le sujet sur le tapis soit le meilleur moyen de réveiller ses instincts de colère, elle n’était parfois pas très maligne, Gaïa. Pour l’heure il tentait malgré tout de garder un visage impassible, et s’était contenté de susurrer d’un ton doucereux en faisant tourner la boisson ambrée dans son verre « Tu n’obtiendras pas d’aveux de ma part, Gaïa, peu importe combien de temps tu resteras ici. » Pas pour quelque chose qu’il n’avait pas fait, et pas même si c’était ce qu’elle avait envie d’entendre. Surtout pas si c’était ce qu’elle avait envie d’entendre. Semblant ne pas l’écouter, laissant échapper un soupir avant de quitter l’accoudoir sur lequel elle s’était assise, elle avait repris « Je voulais savoir, j’ai eu des informations et je me suis déplacée. Point. Ces informations étaient juste … Légèrement erronées. Malheureusement. » Erronées. Le mot avait fait tiquer Vittorio, dont le regard s’était automatiquement vrillé sur celui de Gaïa, immobile comme lui. « D’ailleurs pour ce que ça vaut … Je suis désolée. » Une fraction de seconde le masque d’impassibilité qu’il tentait de conserver depuis qu’il avait pénétré dans l’appartement s’était craquelé. Parce que Gaïa n’était pas comme ça, Gaïa ne s’excusait pas, elle assumait, pour le meilleur et pour le pire. Alors désolée de quoi, désolée pour quoi ? « On m’a donné une piste, et j’étais tellement furieuse que j’ai tiré des conclusions trop vite. J’ai pris un avion … Pour finalement me rendre compte que je me suis trompée de personne … En fait je crois bien que je me suis trompée de frère. » D’abord les narines s’étaient pincées, la respiration saccadée par la colère qui grandissait, se multipliait, explosait en un million de confettis de rage dans son esprit sinueux. Et avant même les mots c’était cette rage qui l’avait trahi et avait fait voler en éclats – littéralement – le verre qu’il tenait jusque-là serré dans la main, le sang se mêlant au whisky répandu sur le plan de travail comme une métaphore de ce qu’il se serait senti de faire subir à son cadet s’il l’avait eu lui entre les mains plutôt que le verre désormais brisé. Parce que c’était Nino. Bien sûr, que c’était Nino, et sa plus grande erreur avait été de ne pas y penser lui-même, de ne pas avoir un coup d’avance sur les agissements d’un cadet aussi prévisible qu’irrécupérable. Tremblant de rage, et toujours sans un mot, l’italien avait tourné le dos pour rejoindre l’évier et présenter sous le jet d’eau sa main blessée, fixant l’entaille sans vraiment la voir et incapable d’entendre autre chose que le bourdonnement dans ses oreilles et son cœur qui tambourinait à tout rompre dans sa poitrine. Gaïa aurait bien pu parler, questionner, qu’il n’aurait rien entendu ; Elle aurait bien pu le mettre à la porte ou l’approcher qu’il ne l’aurait pas vue. Et il ne l’avait pas vue, d’ailleurs, pas entendue approcher tandis qu’elle glissait à sa droite et posait une main sur son bras en lui donnant l’impression qu’elle le secouait violemment après un mauvais rêve. Et l’instinct qui lui avait fait saisir le poignet de la belle avec violence, d’abord, avait de réaliser ce qu’il était en train de faire et de la relâcher d’un seul coup, le regard presque hébété et la trace de ses phalanges en surimpression sur le bras de Gaïa comme dommage collatéral. « Pardon. » La voix blanche et le regard fuyant à nouveau pour revenir à l’évier, il avait recommencé à fixer sa plaie et l’eau rosie par le sang qui s’y mêlait, le prénom de Nino en boucle dans sa tête comme une litanie à laquelle il ne savait pas trouver de fin.
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luleaby
tempesta notturna
L’expression de son visage change de temps à autre, réagissant à certaines phrases que je prononce. Mais je ne m’attendais pas à cet éclat de colère intense dans se yeux, après les derniers mots que je lui ai adressé. Une rage vive qui tord les traits de son visage en une grimace assez effrayante. Le temps semble s’allonger durant quelques secondes, durant lesquelles je l’observe en détail, n’osant pas bouger. Puis son verre explose dans sa main, rompant ainsi ces quelques instants suspendus. Je reste immobile, le regard attiré par le rouge vif du sang de Vittorio qui goutte sur le plan de travail, se mêlant au liquide ambré qui s’y est répandu. Un peu hébétée par ce qui vient de se passer. Je ne m’attendrais certainement pas à ce genre de réaction de sa part. En y réfléchissant bien, je ne sais pas trop à quoi je m’attendais en lui avouant cela. Et à vrai dire, à cet instant précis, je ne sais pas s’il est en colère contre moi, pensant que je lui ai menti, ou à cause de ce que je lui ai dit, prenant la décision de me croire. De sa main tombent quelques débris de verre, derniers vestiges du verre parti en éclat. Et il me tourne le dos, faisant le tour de l’îlot central pour accéder à l’évier. De là où je me tiens, j’entends l’eau couler. Je me rapproche rentament, poussée par je ne sais quel instinct à aller le voir de plus près. Il tremble. Hésitante, je suspends mon geste, ne sachant pas trop si c’est la bonne chose à faire, surtout si c’est bien contre moi qu’il est en colère. Je soupire, et laisse mes doigts effleurer son avant-bras, doucement. Comme pour essayer de le sortir de sa torpeur, de le calmer, l’apaiser, au final je ne sais plus trop. Et l’instant d’après il me saisit le poignet brusquement et serre. Fort. Je gémis, autant de surprise que de douleur, une douleur aussi vive qu’éphémère, puisqu’il me relâche presque aussitôt, fixant la marque qu’il vient de laisser sur ma peau avec des yeux vides. « Pardon. » Il murmure d’une voix étranglée, son regard de nouveau scellé à sa paume entaillée, au filet d’eau qui termine de nettoyer la plaie. Je masse distraitement mon poignet tout en me rapprochant de l’Italien, dont l’état m’inquiète beaucoup plus que celui de mon poignet. Je le touche à nouveau, laissant à nouveau mes doigts parcourir ses bras en une longue caresse, observant les tremblements de sa peau s’apaiser peu à peu. Je ne sais pas si j’y suis pour quelque chose, probablement, ou pas, mais en tout cas, vu de l’extérieur, il semble un peu plus serein. Ce que je ne peux pas savoir, c’est ce qui se passe en ce moment à l’intérieur de sa tête. Je retire mes mains, et après un dernier regard dans sa direction je m’éloigne, après avoir constaté qu’il ne semble toujours pas me voir, perdu dans ses pensées. Je traverse l’appartement, me rendant dans la salle de bain, et je finis par dénicher ce que je cherche après avoir fouillé dans le placard. Je me fige un instant, après avoir croisé mon reflet dans le miroir. Les bleus ont presque tous disparus. Reste celui sur ma pommette, et quelques uns sur les bras. L'entaille sur mon front, presque cicatrisée. Et c'est tout. Le reste n'est pas visible. Seules ces marques restantes, et la douleur de mes côtes qui revient parfois, peuvent encore montrer au monde qu'on m'a agressé. Dans quelques semaines, il n'y paraîtra plus. mais je n'oublierai pas pour autant, c'est certain. Je reviens sur mes pas sans un bruit, je vois de loin qu’il n’a toujours pas bougé. Je me sens bizarre, presque mal à l’aise. Quand je suis de nouveau à son niveau, il ne redresse pas la tête, il ne se retourne pas. Est-ce qu’il peut seulement encore m’entendre? Je pose la gaze et le désinfectant sur le comptoir, avant de me rapprocher. Dans son dos, je me penche en avant et d’un geste coupe l’eau qui coule toujours à flots du robinet. Puis après une inspiration, je le saisis doucement mais fermement par les épaules, et exerce une pression pour l’inciter à se retourner, ce qu’il finit par faire, très lentement.Sans même lever la tête pour voir si finalement j’ai capté son attention, je saisis sa main blessée et l’observe. J’aimerais pouvoir dire quelque chose, n’importe quoi, lui poser des questions. Mais je ne trouve pas les mots. Quand je désinfecte la plaie, il tressaille. À cause du picotement de l’antiseptique, ou peut-être à cause de mon contact. Puis je pose une gaze dessus, et appuie. J’écoute le tonnerre qui gronde toujours dehors, alors qu’un éclair illumine totalement la pièce durant une seconde. J’observe sa paume, en me demandant soudain pourquoi est-ce que je suis en train de faire ça. Les yeux toujours rivés sur sa peau, je suis murée dans mon silence, n’osant pas relever les yeux vers lui, par peur de croiser son regard. Même si je n'oserais jamais me l'avouer à moi-même.
De toutes les choses que Vittorio avait appris à taire en quittant sa Naples natale, la colère sourde était la plus difficile à maîtriser. Il pouvait bien tromper son monde tant qu’il voulait, se faire passer pour ce qu’il n’était pas autant qu’il en avait envie, mais la colère et l’impulsivité qui allait avec étaient toujours tapies dans un coin, prêtes à briser leurs chaines à la moindre occasion en profitant des instants où l’italien se laissait aveugler par ses émotions. Les bonnes comme les mauvaises, les plus inoffensives comme les plus animales. Et cela relevait presque de l’animal, ce qui soudainement s’était réveillé dans son for intérieur lorsque Gaïa avait mis des mots sur ses insinuations et une identité sur ses accusations : Nino, encore. Le cadet semant les mauvais choix et les agissements discutables partout où il passait, particulièrement dans le sillage d’un Vittorio qui semblait ne jamais pouvoir en sortir pour de bon. Il aurait pu le frapper s’il avait été là, devant lui pour assumer ce nouveau fait d’arme. Il aurait pu le frapper encore, et encore, et écraser dans chaque coup porté un peu plus de la colère qu’il lui provoquait et de la rage qui en découlait. Et il avait tout du chien enragé au fond, Vitto, avec le regard vide et la respiration saccadée, les narines pincées et le sang s’échappant de sa main presque à l’hypnotiser. On lui aurait demandé d’expliquer ce qui provoquait une telle rage qu’il n’en aurait pas été capable, ni de se l’expliquer à lui-même ni de mettre le moindre mot là-dessus, le sentiment était simplement là, incontrôlable et prenant toute la place, jusqu’à l’instant où Gaïa l’avait brutalement ramené à la réalité en payant au passage furtivement le prix de l’impulsivité du napolitain, la trace de ses doigts imprimée sur son poignet comme preuve de culpabilité. Malgré tout elle avait comme rompu le mauvais sort et lui avait remis un pied dans la réalité, et l’esprit de moins en moins brument, les battements de son cœur de moins en moins assourdissants, il s’était à nouveau peu à peu laissé envelopper par le bruit de l’eau qui coulait dans l’évier et celui de la pluie qui tambourinait contre la porte fenêtre du balcon. Le coup de tonnerre suivant lui arrachant un bref frisson il avait remarqué alors que Gaïa n’était plus là, ni à côté ni derrière lui, simplement absente, et l’espace d’une demi-seconde il avait contemplé la possibilité de fuir comme un voleur et de quitter l’appartement sans demander son reste, peu importe que ce soit pour aller maudire Nino à son aise dehors ou pour cracher dans le caniveau le whisky à peine entamé ici et le vin trop vite descendu face au comptoir du Sixteen Antlers.
L’envie de prendre la fuite autant que sa possibilité s’était finalement évaporée lorsque l’italienne était reparue, son esprit à lui divaguant probablement encore pour ne pas l’avoir vue revenir et n’avoir pas non plus suivi à quel instant le plafonnier de la cuisine s’était allumé et à quel autre sa main s’était retrouvée non plus sous l’eau glacée mais sous le désagréable effet du désinfectant. La douleur jusque-là absente s’était réveillée d’un seul coup et lui avait arraché un sursaut bref, les doigts se refermant avec force autour de la gaze appliquée sur sa plaie sans qu’il ne soit dupe quant à la possibilité que cela ne soit pas suffisant. Et s’il devait en passer par les urgences, et par des points de suture qui l’empêcherait de faire cent pour cent du travail pour lequel la salle de sport le payait, qui allait-il encore blâmer ? Nino. Parce que c’était tellement plus simple, tellement plus rapide que d’écouter la voix doucereuse qui dans un coin de son crâne commençait à murmurer des faits que la colère l’empêchait jusqu’à présent d’entendre, et que la fierté lui faisait refuser d’écouter. « Merci. » qu’il avait pourtant fini par murmurer, rompant le silence artificiellement perturbé par l’orage qui grondait toujours dehors. Le regard baissé lui permettant d’éviter celui que la jeune femme rivait – peut-être – sur lui, il avait la voix rauque de celui qu’un bouillonnement intérieur venait d’ébranler. « Tu auras eu ce que tu voulais, finalement … » Le ton murmuré n’empêchait pas l’amertume, et lentement l’italien avait récupéré sa main et s’était séparé de celle de Gaïa « Une occasion en or de me tenir pour responsable des agissements d’au moins un de mes frères. » La boucle était bouclée, le sous-entendu en filigrane du torchon qu’elle avait rédigé sur lui devenait réalité. Tout juste s’il ne l’entendait pas jubiler, intérieurement, derrière les fausses excuses qu’elle baratinait lui devoir à peine quelques minutes plus tôt. « Tu sais le pire … » Marquant une pause, il avait hésité un instant et finalement relevé les yeux vers elle, lançant un regard amer en croisant le sien un bref instant « Y’a sans doute eu un bref moment, à une époque, où j’ai pensé que si t’apprenais d’où je venais un jour, tu serais la seule à même de comprendre. Le fait de pas vouloir se laisser définir par sa famille. De croire qu’on peut valoir mieux que ça. » Est-ce qu’elle s’imaginait qu’il avait attendu après ses confidences à elle pour se renseigner à son sujet ? Ce serait naïf de sa part, d’imaginer qu’il ait pu la fréquenter si longtemps sans chercher à savoir d’où elle venait, dans quoi elle avait baigné, à qui il avait affaire. « Mais je suppose que c’est plus acceptable chez soi-même que chez les autres … c’est ça ? » Stronzata. Elle n’était qu’une sale hypocrite, et ce n’était pas ses excuses tardives pour l’avoir accusé de quelque chose qu’elle n’aurait même pas dû lui imputer en premier lieu, si elle avait voulu ne pas être insultante, qui y changeraient quoi que ce soit. Et c’était d’avoir presque cru lui faire confiance et d’en avoir eu le retour de bâton si violent, qui faisait si mal à l’ego, et peut-être aussi mal ailleurs.
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luleaby
tempesta notturna
Il tressaille lorsque je commence à panser la plaie. Du désinfectant, de la gaze, une pression. Ça saigne beaucoup en fait, mais pas de quoi s’alarmer, les blessures aux mains sont souvent sanguinolentes. J’observe encore un instant l’entaille, la pensée qu’il n’y aura sûrement pas besoin de points de sutures me traverse l’esprit. Mais qu’en sais-je après tout? Je ne suis pas médecin. Il saura se débrouiller. Les yeux obstinément baissés, je vois ses doigts se refermer sur la gaze, presque sur les miens. Je m’apprête à lâcher sa main blessée, me demandant pourquoi je suis encore en train de la soutenir, quand j’entends son murmure. Un chuchotement entre deux éclats de tonnerre. « Merci. » Dehors les éléments se déchaînent. Je relève enfin les yeux vers lui, lentement, et constate que les siens sont rivés au sol. Apparemment je n’étais pas la seule à ne pas vouloir croiser le regard de l’autre. Je n’ai rien de particulier à répondre, alors je me contente d’un « je t’en prie » lâché dans un souffle, à voix basse. Je dois dire que je me sens un peu coupable. Il me remercie pour les soins rapides de sa plaie, alors que quelque part j’en suis la cause. C’est moi qui lui ait annoncé cette nouvelle qui l’a visiblement bouleversé. Qui l’a mit en colère. « Tu auras eu ce que tu voulais, finalement … » Je le regarde avec insistance. J’attends de voir comment il va finir sa phrase. Qu’est-ce que je voulais au juste? Méfiante, je plisse les yeux. « Comment ça? » Il reprend sa main, et quand la chaleur de sa peau disparait, j’en profite pour croiser les bras, comme pour essayer de me redonner une contenance. Je ne bouge pas d’un pouce, plantée immobile à moins d’un mètre de distance. « Une occasion en or de me tenir pour responsable des agissements d’au moins un de mes frères. » Je sens un éclair de colère me traverser, éphémère, en parfait miroir avec celui, le vrai, qui vient d’illuminer un court instant le salon. Nous y revoilà, encore. Comme un cycle qui se répète encore et toujours. « Je ne t’ai jamais tenu responsable de quoi que ce soit. Les responsables, ce sont tes frères. Ils sont de ta famille, peu importe comment ils ont tourné, en bien ou en l’occurence en mal. Et je sais à quel point la famille est importante pour toi, Vitto. » Il est silencieux. Il hésite. Et moi je suis à bout de souffle. « Tu sais le pire … » Et je le vois qui relève les yeux, enfin. Pour la première fois depuis un long moment, nos regards se croisent, et je vois cette amertume dans le sien, ce sentiment perturbant qui me fait frissonner. « Y’a sans doute eu un bref moment, à une époque, où j’ai pensé que si t’apprenais d’où je venais un jour, tu serais la seule à même de comprendre. Le fait de pas vouloir se laisser définir par sa famille. De croire qu’on peut valoir mieux que ça. » Je laisse échapper un soupire. Oui, je sais d’où il vient. « Mais je suppose que c’est plus acceptable chez soi-même que chez les autres … c’est ça ? » Je sens le rouge me monter aux joues. Moi qui prône la justice et l’égalité, ce genre de commentaire a le pouvoir de me faire sortir de mes gonds. « Basta! Tu sais d’où je viens, je sais d’où tu viens. Et oui ça n’a pas d’importance, oui on peut se battre pour prouver qu’on vaut mieux que ces préjugés que beaucoup ont sur tel ou tel endroit. Et tu vaux mieux que ça. Je le sais, tu le sais. Il suffit de voir jusqu’où tu as réussi à aller, à force de persévérance. Ce que j’ai pointé du doigt, c’est simplement le lien entre frères. La famille ne nous définit pas. Mais on protège notre famille. » Sans même lui jeter un regard, je le contourne pour accéder au plan de travail où gisent les éclats de verre restants, gisants dans le whisky. Franchement agacée de devoir m’expliquer encore une fois, je commence à nettoyer le marbre des débris… Et mon manque d’attention et de précautions se solde par une entaille et des éclats sur le sol avec d’autres. Je me fige et regarde le sang, rouge sombre, perler. Cos'è, è uno scherzo? Moi qui était de bonne humeur, ma soirée commence sérieusement à devenir catastrophique. Secouant machinalement ma main endolorie, je me retourne lentement vers l’italien, qui ne semble pas avoir bougé. « Si ma présence t’es aussi insupportable que ça, que je te dégoûtes à ce point, tu peux t’en aller tu sais. D’ailleurs je n’ai toujours pas compris ce qui t’as mené ici ce soir. » La tête haute, je me rapproche de lui, jusqu’à me retrouver à nouveau bien assez proche. « Tu sais où est la porte. » Ma main complètement oubliée, je cherche son regard que je croise, l’espace d’un instant. Puis je baisse les yeux. Je n’ai pas la force d’encaisser une nouvelle dispute ce soir. Le temps où nous nous entendions bien, même très bien parfois, me semble tellement loin, d’un coup… Et pourtant, j’aimerais pouvoir le retenir. J’aimerais pouvoir lui faire enfin comprendre que même si je ne regrette pas la parution de mon article, et que s’il fallait en repasser par là je referais exactement la même chose, je ne cherchais pas à le blesser. Ni à lui attirer des ennuis. Mais on ne peut pas toujours tout contrôler. Même si je ne l’avouerai jamais à voix haute, cet article a eu bien plus de retombées négatives que ce que j’avais envisagé. En réalité je n’aurais jamais pensé que ça irait aussi loin. Je lève une dernière fois les yeux, guettant sa réaction. « Je ne vais pas m’excuser encore une fois, puisqu’apparemment tu n’en as rien à faire. » Et j’attends de voir s’il va partir, ou riposter, ou je ne sais quoi encore. Il ne semble pas décidé à bouger en réalité. Je suis fatiguée, à moitié nue, j’ai une main en sang -que j’ai totalement oubliée-, et par dessus tout, je commence vraiment à perdre patience.
C’était plus fort que lui. La rancœur prenait aisément le pas sur les autres sentiments susceptibles de l’habiter, le guidait dans ses décisions et sur ce qu’il laissait ou non sortir de sa bouche. Gaïa pouvait bien se tenir là devant lui, les stigmates d’une agression pour laquelle elle l’avait injustement tenu pour responsable à peine effacée, les mains délicates tandis qu’elle s’appliquait à nettoyer ses blessures, la voix chaude et les courbes aussi désirables que dans ses souvenirs, tout cela ne suffisait pas à effacer l’affront qu’elle lui avait fait et la trahison dont il s’était senti victime de sa part deux ans plus tôt. Un peu plus de deux. Peu importe, Brisbane avait cet effet sur lui qui le faisait hésiter entre s’y trouver depuis une éternité, et se rappeler du dernier appel pour son vol dans le hall de l’aéroport de Fiumicino. Et au fond elle la tenait désormais, sa revanche. « Comment ça ? » qu’elle avait pourtant questionné comme si elle ne voyait pas où il venait en venir, comme si elle aussi ne contemplait pas l’ironie de toute cette situation avec autant d’amertume que de délectation. « Je ne t’ai jamais tenu responsable de quoi que ce soit. Les responsables, ce sont tes frères. Ils sont de ta famille, peu importe comment ils ont tourné, en bien ou en l’occurrence en mal. Et je sais à quel point la famille est importante pour toi, Vitto. » Et quel intérêt trouvait-elle désormais, à jouer à celle qui le connaissait quand elle s’était elle-même arrangée des conclusions plutôt que de lui donner l’occasion d’énoncer les siennes. « Gaïa, Gaïa … Tu penses que de t’être fait une place dans mon lit suffit à m’avoir cerné ? » La voix s’était faite doucereuse, et provocatrice la main épargnée était, elle, venue glisser le bout de ses doigts sur le cou, sur le buste et jusqu’à la lisière de ce que le déshabillé nonchalamment enfilé à son arrivée camouflait à peine … avant de s’en détacher, la langue sifflant « Y’a un monde entre ce que tu sais, et que ce tu crois savoir. » pour ébranler ce qu’il pouvait des certitudes faussées qu’elle brandissait en étendards à sa maigre défense. Elle aurait pu comprendre pourtant, elle était faite du même matériau que lui, de ce même penchant individualiste qui faisait songer que parfois, sacrifier la famille était la seule manière de se sentir totalement libre de ses mouvements, comme tant d’espèces sauvages qui en atteignant l’âge adulte provoquaient ceux qui leur avait donné la vie pour un bout de territoire, pour une place de chef de meute qui ne s’obtenait pas en jouant la carte de la loyauté. « Basta ! » Et l’accalmie temporaire de voler en éclats, sans surprise et presque au rythme du tonnerre qui roulait au loin en zébrant la nuit de ses éclairs. « Tu sais d’où je viens, je sais d’où tu viens. Et oui ça n’a pas d’importance, oui on peut se battre pour prouver qu’on vaut mieux que ces préjugés que beaucoup ont sur tel ou tel endroit. Et tu vaux mieux que ça. Je le sais, tu le sais. Il suffit de voir jusqu’où tu as réussi à aller, à force de persévérance. Ce que j’ai pointé du doigt, c’est simplement le lien entre frères. La famille ne nous définit pas. Mais on protège notre famille. » Et dieu merci le verre qu’il tenait peu avant était déjà brisé en mille morceaux, sans quoi l’affront que représentait à ses yeux la remarque de Gaïa aurait probablement persuadé Vittorio de le jeter avec colère. « Si je vaux mieux que ça, quel besoin tu avais de me traîner dans la boue, hein ? Pourquoi ? » Ecoutant à peine, ou refusant de justifier les choix et les actes dont elle s’était – aux yeux de Vittorio au moins – rendue coupable, Gaïa s’était éloignée pour lui tourner le dos, avec l’excuse de ramasser les débris laissés derrière lui après un énième coup de colère de sa part. « Si ma présence t’es aussi insupportable que ça, que je te dégoûte à ce point, tu peux t’en aller tu sais. D’ailleurs je n’ai toujours pas compris ce qui t’as mené ici ce soir. » Faisant à nouveau volte-face elle était revenue vers lui, son « Je … » étranglé interrompu avant qu’il n’ait eu le temps de formuler une réponse par un « Tu sais où est la porte. » abrupt, juste le temps pour lui de retrouver une contenance et la hargne qu’elle avait presque réussi à ébranler l’espace d’une demi-seconde. Aboyer pour répliquer, ou simplement prendre la porte et la laisser nettoyer les ruines alcoolisées de leur discussion, il semblait avoir fait son choix et serrait les poids autant que les dents quand de son côté Gaïa, pas encore repue, ajoutait encore « Je ne vais pas m’excuser encore une fois, puisqu’apparemment tu n’en as rien à faire. » en essayant presque de se faire passer pour la victime de l’histoire. Comme si elle était celle des deux qui avait le plus perdu. « Bien sûr que j'en a rien à faire de tes excuses, merde ! » Et de s’éloigner à son tour, tournant le dos et prenant le chemin de la porte – celui-là même qu’elle avait si bien indiqué – avant de faire volte-face au dernier moment, la main brûlante et poisseuse de sang là où la jeune femme semblait elle aussi avoir fait les frais du verre tranchant « Un de mes frères croupie en taule depuis bien avant que je passe procureur, et j’étais prêt à laisser l’autre y pourrir de la même façon tout ça pour honorer ce putain de serment que j’ai fait envers la loi ! Et tout ça pour quoi ? Pour qu’une teigne dans ton genre foute tout en l’air pour avoir sa minute de gloire ! » Est-ce que cela avait valu le coup, au moins ? Qu’avait-elle gagné au juste à publier cet article ? Une augmentation, une promotion ? Ou peut-être juste la satisfaction d’avoir gagné la partie d’échecs qu’elle et lui semblaient visiblement se disputer sans qu’il n’en ait conscience, sans qu’il veuille le voir. « Et tu sais, tous ces dossiers sur lesquels j’ai travaillé, toutes ces mises en détention qui ont été signées, tamponnées, qui ont transité par mon bureau et qu’on a probablement déjà rouvert parce que des avocats de la défense se seront empressés de s’engouffrer dans la brèche pour faire croire que c’est mon incompétence qui a mis leur client en taule … Tous ces types qu’on remettra peut-être dehors avant l’heure, juste parce que mon nom apparait sur une petite page d’un dossier tripe épaisseur … Pour ça aussi, t’es désolée ? Ça valait vraiment la minuscule satisfaction personnelle que t’as eu en ayant été la plus maligne de nous deux ? » Mais ça aussi, elle dirait qu’elle n’y avait pas pensé. Qu’elle n’avait pas envisagé l’effet papillon que pourrait avoir son article, bien trop occupée à se cacher derrière l’étendard de vérité qu’elle prétendait défendre, comme si toute vérité était forcément bonne à dire. « C’était pas un jeu, Gaïa … Même nous, cette espèce de petite compétition malsaine entre toi et moi, c’était pas censé être sérieux. Pourquoi t’es pas venue m’en parler avant bon sang … Pourquoi t’as à ce point voulu me la faire à l’envers, après tout ce temps ? » Il ne se souciait pas de ses excuses, de ces désolés beaucoup trop faciles à dire mais qui absolument pas gage de sincérité … Un désolé ne répondait pas aux questions, ne mettait pas les points sur les « i » et ne calmait pas sa rancœur. Elle avait tout gâché, elle les avait gâchés eux, et jusque-là à peine conscient que ce « eux » avait de l’importance il se retrouvait désormais à vouloir comprendre ce qui avait déconné, et comment ils en étaient arrivés là. Deux chiffonniers par un soir d’orage, le goût acre de l’amertume dans la bouche, et lui incapable de dire clairement que c'était ce pourquoi qu'il martelait qui l'avait mené jusqu'ici ce soir-là.
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luleaby
tempesta notturna
« Gaïa, Gaïa … Tu penses que de t’être fait une place dans mon lit suffit à m’avoir cerné ? » Son ton me mets immédiatement sur la défensive. Cette voix doucereuse que je sais loin d’être sincère, et qui me donne l’impression d’être prise pour une idiote. Sa remarque me fait fulminer… Et me blesse, plus que je ne l’aurais voulu. Impassible, désormais sous l’emprise d’un colère froide, je l’observe sans un mot, sans bouger, alors que ses doigts glissent sur ma peau, traçant un chemin de ma gorge jusqu’à la naissance de mes seins, que dévoile le déshabillé. Puis sa main se retire, et sa voix claque. « Y’a un monde entre ce que tu sais, et que ce tu crois savoir. » Et… Je ne trouve rien à répondre, pour une fois. Un peu désemparée, je cherche désespérément quelque chose à dire mais… Rien. Et plus il me balance ces phrases cinglantes à la figure, plus je sens certaines de mes convictions s’ébranler. Mes pensées filent à toute allure, et je peine à en aligner deux cohérentes, l’espace d’un instant. Désorientée, je sens la panique se frayer un chemin, lentement et sûrement. Et puis j’explose, le glacier se transformant à nouveau en volcan. Je lui balance quelques phrases cinglantes, avec lesquelles une infime partie de moi espère le convaincre, ou l’ébranler, comme il a réussi à le faire avec moi. Je voudrais pouvoir l’atteindre. Mais je n’y parviens pas. Au contraire. Et en voyant l’éclat de colère dans ses yeux, je l’ai sûrement énervé encore plus. « Si je vaux mieux que ça, quel besoin tu avais de me traîner dans la boue, hein ? Pourquoi ? » Et je m’éloigne, à nouveau à court de mots. Décidément… L’espoir que j’avais de le convaincre, est en train de mourir à petit feu. Je peux presque voir la flamme vaciller devant mes yeux, alors que je ramasse les débris de verre restants sur le plan de travail. Je m’entaille le tranchant de la main, grimace, avant de m’agacer à nouveau. Et d’inviter Vittorio à dégager le plancher s’il ne supporte pas ma présence, s’il ne veut pas écouter mes excuses. Qu’il semble toujours croire fausses et dénuées d’honnêteté, malgré tout ce que j’ai pu lui dire. Et j’en ai assez. S’il ne veut pas me croire, il n’a qu’à partir. Je me retourne, et lui coupant la parole, lui qui semblait vouloir ajouter quelque chose, je l’invite à nouveau à prendre la porte. Je le regarde qui serre les points, le regard noir, il semble hésiter sur la démarche à suivre. Partir ou essayer de répliquer encore une fois? S’il essaye la dernière option, je me sens d’assez mauvaise humeur pour le mettre à la porte à coups de pieds. Ou d’essayer en tout cas. Avant de répliquer, j’observe son visage, entendant presque ses dents grincer. « Bien sûr que j'en a rien à faire de tes excuses, merde ! » Un nouveau cri. Et alors qu’il s’éloigne, je ne peux pas m’empêcher de demander à nouveau, exaspérée. « Alors qu’est ce que tu es venu faire ici ce soir bon sang! » Il a disparu de mon champ de vision. Il a peut être décidé de partir pour de bon, cette fois-ci, n’en pouvant plus de se disputer, ou de me voir, plus simplement. Mais je le vois soudain réapparaître devant moi, sa main gouttant d’un peu de sang sur le parquet. J’ai un léger mouvement de recul en le voyant revenir si près. « Un de mes frères croupie en taule depuis bien avant que je passe procureur, et j’étais prêt à laisser l’autre y pourrir de la même façon tout ça pour honorer ce putain de serment que j’ai fait envers la loi! Et tout ça pour quoi? Pour qu’une teigne dans ton genre foute tout en l’air pour avoir sa minute de gloire ! » Ma minute de gloire? Bon sang, bien sûr que j’aime qu’on admire mon travail, j’adore ça même! Mais si j’avais réfléchis un peu plus aux conséquences qu’auraient mon geste, nous n’en serions sûrement pas là. Je prends une inspiration, n’osant rien répondre alors qu’il semble décidé à m’achever. « Et tu sais, tous ces dossiers sur lesquels j’ai travaillé, toutes ces mises en détention qui ont été signées, tamponnées, qui ont transité par mon bureau et qu’on a probablement déjà rouvert parce que des avocats de la défense se seront empressés de s’engouffrer dans la brèche pour faire croire que c’est mon incompétence qui a mis leur client en taule … Tous ces types qu’on remettra peut-être dehors avant l’heure, juste parce que mon nom apparait sur une petite page d’un dossier tripe épaisseur … Pour ça aussi, t’es désolée ? Ça valait vraiment la minuscule satisfaction personnelle que t’as eu en ayant été la plus maligne de nous deux ? » Il n’a pas encore fini, je le vois dans ses yeux. Et chacune de ses tirades me met un peu plus à terre. Il est en train de me mettre en face des conséquences de mon article. Certaines que j’avais envisagées, et jugées négligeables dans un acte pour la justice… Et d’autres auxquelles je n’avais pas pensé. Tout bêtement. Et m’en rendre compte maintenant fait mal. Qu’est-ce qui se passait dans ma tête à ce moment précis, deux ans, auparavant, pour que cela m’échappe? « C’était pas un jeu, Gaïa … Même nous, cette espèce de petite compétition malsaine entre toi et moi, c’était pas censé être sérieux. Pourquoi t’es pas venue m’en parler avant bon sang … Pourquoi t’as à ce point voulu me la faire à l’envers, après tout ce temps ? » Oui, pourquoi? Et aussitôt prononcée, cette question tourne dans ma tête, encore et encore, surpassant toutes les autres. Et peut-être pour la première fois depuis cette fameuse dispute datant de deux ans, je me la pose sérieusement. C’est vrai ça, après tout, pourquoi? Qu’est-ce qui m’a empêché d’aller le voir lui, de lui demander sa version, au lieu de publier presque instantanément des informations obtenues d’un tiers? Un tiers auquel je n’accordais aucune importance, que je ne connaissais même pas de visu, contrairement à l’Italien…? Pourquoi, pourquoi, pourquoi… Non, je ne suis pas la plus maline, moi qui aimait prétendre l’être, cette situation le prouve bien. Et je percute enfin. Certes, dans mon article, j’ai été relativement tendre avec Vittorio, plus que ne l’aurais été un autre journaliste avec ce genre d’informations, ne le traînant pas véritablement dans la boue, émettant juste des réserves sur son impartialité… Mais c’était déjà trop. Bien trop. Bien sûr que je devais publier cet article, mais pas comme ça. Pas par derrière, parce qu’au final, c’est bel et bien ce que j’ai fait. Soudainement prise de vertige, je recule de quelques pas, pour m’appuyer contre le plan de travail. « Je ne sais pas. Je ne sais plus. La raison qui m’a poussé à publier sans t’en parler avant, je ne m’en rappelle pas. Elle devait me paraître suffisante à l’époque, mais le fait que je ne m’en souvienne même pas prouve le contraire. » Je sens mes mains trembler, et je crispe mes mains sur le bord du meuble, cherchant à ne pas perdre pieds. « Je n’ai pas réfléchi, ou peut-être pas assez. Cette compétition entre nous comme tu dis, non ce n’était pas sérieux, de mon point de vue non plus. Alors ne me demande plus pourquoi, parce que je suis incapable de te répondre, là, maintenant. J’étais sûre de faire ce qu’il fallait. » Je crois bien que je n’ai jamais été désorientée comme ça. Il a réussi à me faire comprendre que j’ai eu tort d’écrire cet article. Ou du moins, que j’ai eu tort de l’écrire de cette façon. « Je suis désolée, Vitto. » J’ai été aveuglée par ma propre fierté, et ça m’a poussé à publier ce que je savais, sans attendre, sans chercher à comprendre. Pressée par mon patron qui voulait son article, et par les autres journaux, qui m’auraient causé des problèmes en publiant avant moi. Moi qui était sûre de protéger Vittorio, en un sens, en le formulant à ma façon. Mais ça avait été un échec cuisant, au final. Ça avait provoqué un tel scandale que j’avais été promue. Une promotion dont l’éclat s’était ternit quand j’avais appris pour l’Italien… Avant de me convaincre moi-même qu’il s’en sortirait très bien, et que j’avais fait mon devoir. Me fourvoyant en ce qui concernait les conséquences de l’article. Bien plus graves que ce que j’avais imaginé, dans ma précipitation. Oui je suis désolée... Et surtout, je suis perdue. Est-ce que c’est l’alcool qui décuple les sensations que j’éprouve à l’instant? Et quand je finis par lever les yeux vers lui, l’effort me paraît surhumain.
À se rejeter la faute et à se battre comme deux chiffonniers, à coups de mots plutôt qu’à coups de poings, ni elle ni lui ne remarquaient qu’ils courraient après la même chose. Pourquoi elle était là – à Brisbane, pourquoi il était là – chez elle, prompt à vouloir obtenir la réponse de l’autre mais bien trop fiers pour y répondre eux-mêmes, l’énième « Alors qu’est-ce que tu es venu faire ici ce soir bon sang ! » de la jeune femme claquant dans la pièce avec fracas et Vittorio faisant volte-face pour décharger ce qui n’était qu’une infime partie de la rancœur qu’il nourrissait depuis son départ de Rome. Elle l’avait chassé de son paradis, celui qu’il s’était créé à la sueur de son propre front, celui qu’il avait apprivoisé et appris à aimer jalousement chaque fois que juché sur son vélo il levait la tête vers un monument, ou vers le balcon fleuri d’un appartement à mille lieux du ghetto dans lequel il avait grandi. Elle l’avait chassé d’une vocation, lui dont le métier était pratiquement toute sa vie, tout ce qui occupait ses journées, ses pensées, son intérêt. Et par-dessus tout elle avait égratigné son ego, blessé sa fierté d’homme qui ne laissait personne, et encore moins une femme, le prendre à revers ; Et ça non plus il ne parvenait pas à le digérer, et continuait de s’en crisper chaque fois qu’il posait les yeux sur elle en martelant le Pourquoi qui lui tordait les veines. « Je ne sais pas. Je ne sais plus. » Le ton incertain, et reculant d’un pas ou deux pour aller s’appuyer contre le plan de travail, la jeune femme avait repris avec lassitude « La raison qui m’a poussée à publier sans t’en parler avant, je ne m’en rappelle pas. Elle devait me paraître suffisante à l’époque, mais le fait que je ne m’en souvienne même pas prouve le contraire. » Près de la porte, la main brûlante et la pluie battant contre la vitre en lui donnant une fausse impression de tournis, Vittorio réceptionnait en silence des justifications qu’il espérait voir alléger ses rancœurs et tarir ses incompréhensions. « Je n’ai pas réfléchi, ou peut-être pas assez. Cette compétition entre nous comme tu dis, non ce n’était pas sérieux, de mon point de vue non plus. Alors ne me demande plus pourquoi, parce que je suis incapable de te répondre, là, maintenant. J’étais sûre de faire ce qu’il fallait. » Et Dieu seul savait comment, pourquoi, les paroles de la jeune femme avaient accroché Vittorio avec le succès qu’elles n’avaient pas obtenu les fois précédentes ; Les mots mieux choisis, et la lassitude prenant le pas sur la colère sourde et aveugle, peut-être. Et l’italien un quart de seconde capable de se mettre à sa place, presque, d’entrevoir ce sentiment d’avoir fait ce qu’il fallait sans que la volonté de nuire ne soit la priorité. « Je suis désolée, Vitto. » Frissonnant, blâmant la pluie plutôt que ses émotions, il avait baissé la tête à l’instant où celle de Gaïa s’était relevée vers lui. « Je sais. » Mais ça ne changeait rien, pas vrai ? La trahison avait toujours un goût amer, les conséquences étaient toujours indélébiles, et le sang coulait toujours aussi rouge sur leurs mains blessées telle une mauvaise métaphore de leurs actes. Et Vittorio ne pardonnait pas. Au nouveau coup de tonnerre qui avait fait grésiller l’éclairage, il était revenu sur ses pas en ignorant cet espèce de mouvement de recul permanent qu’il semblait inspirer chez elle. « J’ai toujours pas prévu de te frapper. » qu’il avait seulement fait remarquer avec une pointe de sarcasme, attrapant la main dont les doigts s’étaient maculés de sang et la sentant vaciller légèrement. « Viens, j'ai des pansements dans mon sac. » La voix baissant à mesure des mots, faisant fi de la vague résistance qu'elle avait opposée avant de rejoindre le canapé, il avait récupéré le sac à dos abandonné près de la porte à son arrivée et s'était assis sur le bord de la table basse. Sa propre main amoindrie par l’entaille qui lui zébrait la paume là où l'explosion du verre entre ses doigts semblait déjà un souvenir flou, et pour laquelle n'importe quel pansement ne suffirait pas, il avait utilisé l'autre pour fouiller dans son sac et en ressortir la boîte éventrée de pansements qu'il utilisait normalement pour ses phalanges usées par le cuir des gants de boxe. Se permettant un court aller retour jusqu'à l'évier pour nettoyer à nouveau sa propre main, il l'avait enroulée d'un torchon comme on mettait un sparadrap sur une jambe de bois et était retourné vers Gaïa un morceau d’essuie-tout imbibé d'eau dans l'autre main. Ses genoux cognant contre ceux de la jeune femme lorsqu'il s'était de nouveau assis face à elle, il avait attrapé sa main en silence et l'avait grossièrement nettoyée, tendant à l'italienne l'autre extrémité de l'emballage du pansement pour qu'elle l'aide à faire ce qu'il ne pouvait pas faire d’une seule main. « Cette nuit j’ai ... » Marquant une pause, il avait refermé les doigts de Gaïa sur eux-mêmes et refermé sa propre main par-dessus, fixant ainsi leurs mains quelques longues secondes avant de reprendre à voix basse, et sans relever les yeux « J’ai rêvé que tu étais là pour te venger. Que tu étais venue pour ça, et que cette histoire d'agression dont tu es venue m’accuser c’était simplement un leurre, pour … je ne sais pas. Ne pas avoir été taillé pour le costume que j'avais enfilé en intégrant le bureau du procureur. Et plus tu parlais, plus je comprenais que c’était toi qui tirait les ficelles, avec les mains aussi sales que celles des gars qui passaient en face de moi dans le bureau du juge. Que t’étais précisément ce sur quoi tu prétendais cracher, et je ... » La fin de sa phrase se perdant dans un souffle, il avait secoué la tête en réalisant qu’il s’épanchait trop, et qu’il n’avait pas à lui faire le plaisir de creuser plus loin dans un ego qu'elle avait bafoué. « Quand je me suis réveillé, ça m’a semblé plausible. Gros, mais plausible … on ne voit jamais ce qui est devant son nez, pas vrai ? » Le cynisme à peine voilé, il avait lâché sa main et soupiré, assénant telle une vérité générale, le haussement d’épaules pour aller avec « J’étais venu là pour ça. Pour en avoir le cœur net. Et la vérité était devant mon nez, au final … juste pas là où je la pensais. » Nino était une réponse tellement évidente, en fin de compte. Évidente et ironique de cruauté tant elle donnait raison à Gaïa et sa croisade imaginaire contre les ennemis de la justice. Au moins aurait-elle eu la réponse à son propre Pourquoi, Vitto certain que maintenant serait le moment propice pour quitter l’appartement, mais malgré tout incapable de quitter son bout de table basse et la silhouette de la jeune femme plus proche qu’il n'en avait eu conscience durant l’intermède sparadrap.
Humidity's rising, barometer's getting low according to our sources, the street's the place to go, cause’ tonight for the first time, just about half past ten for the first time in history... It’s gonna start raining men.
luleaby
tempesta notturna
Et dans la pénombre je crois voir son visage se détendre. J’ai relevé la tête et l’Italien, lui, semble en pleine contemplation de ses chaussures. Je ne sais pas si à un moment il a relevé la tête pour me regarder, ou si il est resté figé dans cette position. Ce que je sais, c’est que ses traits se sont adoucis, légèrement. À moins que ce soit moi qui me fasse des idées…? De là où je me tiens, je crois le voir frissonner légèrement. Et moi je me sens faible, lasse. Je n’ai plus envie de me battre, et ce soir je n’en ai plus la force. Pour la première fois depuis des années, je me sens vulnérable. Et je déteste ça. Quand il murmure, je peine à l’entendre, et je me demande le temps d’une seconde si je n’ai pas rêvé sa réponse. « Je sais. » Dehors la pluie a redoublé d’intensité, et le ciel gronde de plus belle. Les éclairs se font plus fréquent, illuminants complètement la pièce de temps à autre, et le vent s’est finalement levé pour parfaire le tableau. Un autre coup de tonnerre, et la lampe qui éclaire la pièce de sa lumière tamisée grésille. Encore une tension comme ça et nous nous retrouverons dans le noir. Je ne vois qu’il est revenu vers moi qu’au dernier moment, et quand il tend la main vers moi, je sursaute. « J’ai toujours pas prévu de te frapper. » J’ai bien relevé le sarcasme dans sa voix, mais je ne fais pas de remarque. Bien sûr qu’il ne le ferait pas… Et j’ai honte en repensant qu’à un moment, j’ai pensé que c’était lui qui était derrière l’agression. Embarrassée, je secoue lentement la tête. « Je sais. » Quand il saisit ma main, je frisonne, et j’essaye de me convaincre que c’est à cause de la douleur éphémère causée par le geste. Il tire légèrement sur mon bras, m’incitant à le suivre. « Viens, j'ai des pansements dans mon sac. » Je me raidis. « C’est qu’une égratignure Vitto, pas besoin de pansement… » Mais il semble totalement sourd à ma pauvre plainte, et je finis par céder alors qu’il m’emmène jusqu’au canapé. Il me laisse un instant, le temps d’aller chercher ledit sac. Puis il revient et s’assoit en face de moi, sur la table basse. Sans un mot, je l’observe attentivement. Je le regarde lorsqu’il cherche une boîte de pansements, quand il se lève pour retourner un moment à l’évier. Quand il revient, et que ses genoux heurtent les miens. J’écoute l’orage, toujours plus intense, et je le laisse me prendre la main, murée dans mon silence. Pendant qu’il nettoie la plaie avec le bout de sopalin humide qu’il tient, je regarde distraitement sa main blessée, enroulée dans un torchon, tout en me demandant si il n’aurait pas besoin d’un ou deux points de suture. Je l’aide en maintenant un bout du pansement quand il m’en fait la demande silencieuse. « Cette nuit j’ai ... » Manipulant mes doigts, il referme sa main sur la mienne. Je frissonne en percutant que c’est la première fois qu’il me touche de cette manière depuis qu’on s’est retrouvé à Brisbane. Se crier dessus oui, se toucher non. « J’ai rêvé que tu étais là pour te venger. Que tu étais venue pour ça, et que cette histoire d'agression dont tu es venue m’accuser c’était simplement un leurre, pour … je ne sais pas. Ne pas avoir été taillé pour le costume que j'avais enfilé en intégrant le bureau du procureur. Et plus tu parlais, plus je comprenais que c’était toi qui tirait les ficelles, avec les mains aussi sales que celles des gars qui passaient en face de moi dans le bureau du juge. Que t’étais précisément ce sur quoi tu prétendais cracher, et je ... » Il s’est déplacé jusqu’ici pour un rêve. Un rêve qu’il a fait. Simplement. Un rêve qui l’a marqué suffisamment pour qu’il se déplace. Il peine à terminer sa phrase. « Quand je me suis réveillé, ça m’a semblé plausible. Gros, mais plausible … on ne voit jamais ce qui est devant son nez, pas vrai ? » Et ça me blesse. « Tu as trouvé ça… Plausible? » Ma voix s’éteint. Je ne peux pas lui en vouloir, c’est son subconscient qui lui a suggéré ça. Et de toute façon, ma trahison l’a suffisamment blessé pour qu’il ait déjà pensé au moins une fois à ce genre de choses. Il lâche finalement ma main, et hausse les épaules. « J’étais venu là pour ça. Pour en avoir le cœur net. Et la vérité était devant mon nez, au final … juste pas là où je la pensais. » Je le regarde toujours, en me demandant s’il finira par relever les yeux. Je reprends sa phrase comme pour essayer d’atténuer la culpabilité qu’il ressent peut-être pour Nino. « On ne voit pas toujours ce qui est juste sous nos yeux. » Il semble hésiter sur la conduite à tenir. Je me demande pourquoi il n’a pas encore levé le camp. Mais il semble pétrifié dans la pénombre. Et mes jambes à moi sont tout aussi inertes. D’un geste impulsif, je me saisis de sa main blessée, retire le torchon pour pouvoir examiner sa paume. L’entaille est assez grande, mais ne semble pas très profonde. Elle saigne toujours un peu, malgré les pauvres soins qu’on y a déjà apporté. Et on ne peut pas faire grand chose de plus. Il faut juste un peu de temps. De la pulpe de l’index, je suis l’entaille, de haut en bas. Et au bout d’un moment, je fige. « Je ne comprends toujours pas pourquoi tu m’as crue si facilement, quand je t’ai dit pour Nino. Après tout ce qu’il s’est passé… » Je laisse ma phrase en suspend. Je n’attends pas vraiment une réponse en vérité. Une branche vient s’écraser avec fracas contre la baie vitrée, qui s’ouvre d’un coup, me faisant sursauter. Dans la seconde qui suit, la lumière de la lampe vacille puis s’éteint. Dans l’obscurité, je relâche la main de Vittorio et me lève, courant presque pour aller refermer la grande fenêtre, avant que cela cause des dégâts. Apparemment, le courant a sauté dans tout le quartier, maintenant plongé dans le noir. J’y arrive sans trop de difficultés, profitant d’une bourrasque moins puissante, et je veille à bien verrouiller, cette fois-ci. Soufflant, je me retourne vers l’Italien, toujours assis sur sa table basse, que je peux voir uniquement grâce à quelques rayons de lune qui filtrent à travers les nuages d’orage. Hésitante, je me rapproche un peu, avant de m’immobiliser. « Peut-être que tu devrais rester ici ce soir. » Comme pour appuyer ma phrase, un éclair illumine la pièce. Je ne sais pas à quoi m’attendre comme réponse, mais ce serait plus prudent. Fébrile, attendant sa réponse, je viens me rassoir en face de lui, prenant garde à ne pas heurter nos genoux à nouveau. S’il dit non, je le raccompagnerais jusqu’à la porte, sans forcément insister davantage. De toute manière il est assez grand pour décider seul… D'un geste de la main, je tapote le tissu du sofa, juste à côté de moi. « J'ai un canapé de libre... »
Il restait encore ces instants fugaces où, malgré l’implication de son cadet révélée comme un coup de tonnerre, Vittorio continuait de voir dans le regard de Gaïa cette méfiance qu’elle accordait à quiconque était susceptible de s’en prendre physiquement à elle ; À moins que tout cela ne soit que dans sa tête, et une paranoïa qu’il se créait de toute pièce ? Reste qu’il y avait quelque chose de déplaisant dans le regard qu’elle coulait sur lui alors qu’il se laissait guider tel un automate à la diriger jusqu’au canapé et décorait sa main des pansements toujours glissés dans un coin de son sac de sport. Sa main à lui, continuait de l’engourdir d’une douleur lancinante qui lui faisait déjà à toute allure songer à ce que seraient ses prochains jours de travails – ses prochaines semaines, peut-être. Mal soignée la main pourrait devenir un frein, un handicap à ce métier plus gratifiant que celui offert par Cora, un véritable drame pour lui dont les gants de boxe étaient une seconde peau, l’illustration d’une passion profondément ancré dans son ADN. Les doigts engourdis de serrer trop fort le torchon, les fourmis picotant entre ses phalanges, l’autre main brûlait d’un autre feu en se refermant sur celle de Gaïa tandis que sa langue se déliait, mettait des mots sur l’impulsion insensée qui l’avait amené au pied de cet immeuble, après que le vin n’ait pas suffi à calmer ses ardeurs. « Tu as trouvé ça … Plausible ? » Le dernier mot plus que tout le reste semblait avoir retenu son attention et égratigné son orgueil, et lâchant finalement sa mai Vittorio s’était contenté de relever l’ironie de sa propre situation, celle de n’avoir pas vu ce qui finalement aurait pu – du – lui sauter aux yeux bien plus tôt, et sans qu’elle ne soit celle qui le mettait devant l’évidence. « On ne voit pas toujours ce qui est juste sous nos yeux. » Et l’amertume de l’entendre avoir raison lui serrant la gorge, il avait esquissé ce sourire abattu qu’il se permettait peu de dévoiler à autrui. Il n’avait rien vu pour Nino, Dieu sait qu’il n’avait rien vu pour elle non plus, et c’était sans doute de s’être laissé berner ainsi à deux reprises qui égratignait le plus son ego et sa fierté. Au lieu de se dérober pourtant, de se soustraire à celle dont la trahison était toujours une douleur cuisante dans un coin de son orgueil, il n’avait pas opposé la résistance qu’on attendait et avait laissé Gaïa saisir sa main blessée avec précaution. Le frisson des souvenirs qu’il y attachait plus que de la température ambiante glissant le long de sa colonne s’était figé lorsqu’elle avait repris « Je ne comprends toujours pas pourquoi tu m’as crue si facilement, quand je t’ai dit pour Nino. Après tout ce qu’il s’est passé … » et haussant les épaules en récupérant sa main et le torchon qui l’entourait au mépris des règles d’hygiène, il avait soufflé avec résignation « Parce que ça fait sens. Parce que j’aurais pu y songer tout seul … Et parce que je suppose que je ne t’apprends plus rien en te disant qu’il est à Brisbane. » Tant d’efforts pour s’éloigner d’elle et de lui, de la trahison et de la mauvaise graine, pour finalement les retrouver là tous les deux, sur ce caillou de malheur qu’il détestait encore même après les mois qui s’étaient enchaînés et le brin de routine qui s’était installé. Qu’elle ait découvert son véritable coupable ne pouvait vouloir dire qu’une chose, Nino et elle s’était vus, mauvais augure s’il en fallait davantage. « Mais je ne sais pas pourqu- … » S’écrasant avec violence contre la porte-fenêtre et l’ouvrant à la volée, la branche d’arbre venue les interrompre avait coïncidé avec le blackout qui avait suivi, plongeant la pièce dans un chaos momentané auquel Gaïa avait mis fin en se levant pour refermer la fenêtre. Immobile, Vittorio avait suivi la scène presque comme spectateur, fasciné depuis toujours par la capacité des éléments à se déchaîner, fasciné depuis quelques instants par les contours de Gaïa que le contrejour de la lune dessinait en ombres chinoises sous son déshabillé, allumant dans un coin de son regard l’étincelle de ses instincts de chasseur. « Peut-être que tu devrais rester ici ce soir. » Dans une lenteur sans doute calculée elle était revenue s’asseoir face à lui, la main glissant sur l’assise du sofa au moment d’ajouter « J'ai un canapé de libre ... » et le regard de son compatriote attrapant les doigts, remontant le long du bras et atteignant le regard de la jeune femme à peine perceptible dans la pénombre. « Je n’ai pas sommeil. » Pas plus ici qu’il ne l’aurait dans sa chambre de motel miteuse, coincé entre les mites et les ébats sonores de sa voisine de chambre, mais le sous-entendu à peine voilé il avait laissé leurs genoux se rencontrer à nouveau et emmené sa main remonter avec lenteur le long de sa cuisse, son regard soutenant celui de l’italienne dans l’attente d’une réaction et de la lueur qu’il tentait d’y allumer.
Humidity's rising, barometer's getting low according to our sources, the street's the place to go, cause’ tonight for the first time, just about half past ten for the first time in history... It’s gonna start raining men.
luleaby
tempesta notturna
Non, je ne comprends pas pourquoi. Est-ce qu’il avait déjà eu des soupçons avant que je lui dévoile ce que je pense de Nino? Ce que je crois seulement, parce que je n’ai eu aucune preuve à lui montrer, du moins, pas pour l’instant. Et heureusement qu’il ne m’en a pas demandé, ça aurait sûrement été une énième source de dispute. Il récupère sa main, et le torchon souillé qui va avec. Il ne dit rien, ce n’est pas son genre de se plaindre, mais je vois dans ses yeux que la blessure le fait souffrir. « Parce que ça fait sens. Parce que j’aurais pu y songer tout seul … Et parce que je suppose que je ne t’apprends plus rien en te disant qu’il est à Brisbane. » Alors il est au courant lui aussi. Ça ne m’étonne pas qu’il le sache, après tout il s’agit de son frère. Reste à déterminer si leur rencontre était calculée, par l’un ou par l’autre, ou simplement due au hasard. Il a beau dire le contraire, j’ai du mal à imaginer qu’il n’y ait jamais pensé auparavant. Après tout, il connaît les tendances de son frère… « Oui je suis au courant. Je l’ai déjà croisé, il m’a abordée dans une ruelle. C’était vraiment déplaisant comme expérience. » Pour ne pas dire horrible. J’ai beau ne rien montrer, et surtout pas à Nino, cette entrevue m’a rendue nerveuse, et m’a laissé un goût amer. Tout ce que j’espère, c’est que je n’aurais pas à le recroiser à l’avenir. Du moins, pas tant que ce ne sera pas dans un poste de police. Et de préférence, avec une vitre nous séparant. « Mais je ne sais pas pourqu- … » Il est interrompu par le fracas d’une branche percutant la fenêtre et l’ouvrant au passage, alors que l’obscurité s’est abattue sur tout le quartier. Les plombs ont sauté… Sans attendre davantage, je laisse un Vitto immobile en plan près du canapé, pour aller refermer la baie vitrée, veillant à ce qu’elle reste fermée, cette fois. Quand je me retourne lentement, j’aperçois son ombre, les contours de son corps, et malgré l’obscurité, je crois voir son regard sur moi. L’orage semblant gagner en ampleur, éclairs et tonnerre à l’appui, j’hésite un instant avant de lui proposer de rester ici. Sur le canapé bien sûr, ce serait une décision plus prudente que de ressortir maintenant. La prudence… Est-ce que c’était prudent justement, de lui proposer de rester? Une proposition seulement, pas une demande… Je reviens vers lui, reprends ma place dans notre face à face, en prenant garde à ne pas le toucher. Il ne répond pas tout de suite, prenant son temps pour le détail, son regard accrochant parfois une courbe, un angle. Des doigts jusqu’à se replonger dans le mien, son regard déclenche un frisson qui me parcourt toute entière. À moins que ça ne soit dû qu’à la bourrasque de vent qui s’est infiltrée dans l’appartement peu de temps auparavant. Foutaises… M’habitant peu à peu à la pénombre, qui semble destinée à durer un long moment encore, je commence à percevoir les traits de son visage, qui semblent émerger lentement de l’obscurité. « Je n’ai pas sommeil. » Je ne bouge pas d’un cil, véritable statue de marbre, et en silence, je le vois qui commence à bouger. Il se rapproche, de façon à ce que nos genoux ne se frôlent à nouveau. Avec un geste calculé, il se penche un peu, approche une main, qui rapidement se retrouve sur ma peau. Effleurant, glissant sur ma cuisse, se rapprochant du déshabillé qui finalement n’a jamais dissimulé grand chose. Je frissonne à nouveau, étonnée par ce geste. Et ce frisson, encouragé par la lueur que je vois finalement dans ses yeux, se transforme en vague de désir. Un désir aussi inattendu que violent, surprenant, presque douloureux. Toujours immobile, mon esprit me torture, tentant désespérément de prendre une décision. Quelle conduite adopter? Ses mains frôlent toujours ma peau, rappelant à mon esprit des souvenirs que j’avais jusque là réussi à délaisser. Que j’avais réussi à mettre suffisamment de côté, à défaut de pouvoir tout oublier. Et finalement, quelque chose cède. Mes mains glissent sur ses bras, de ses poignets à ses épaules. « Tu veux la jouer comme ça? » Je l’invite à se lever pendant que mes doigts finissent leur remontée, frôlant son cou, et, me rapprochant au maximum, je noue mes bras autour de son cou, une main trouve sa place sur sa nuque. Le temps suspendu le temps d’un battement de coeur. Et ignorant l’alarme qui s’est allumé dans ma tête, j’écrase mes lèvres sur les siennes en un baiser brûlant. Un temps, je savoure la sensation de sa peau effleurant la mienne, les courbes de sa bouche. J'ai la sensation que la température vient d'augmenter, brusquement. Et soudain... Reprends-toi! Instantanément, je m'écarte, sonnée par cet élan de lucidité sorti de nulle part. Déstabilisée, à tel point que je le repousse vivement et qu'il vacille, mettant ainsi un peu de distance entre nous. « Stop. » M'éloignant encore d'un pas, je tente de reprendre ma respiration, chassant la panique qui menace, et finit par relever les yeux vers lui. « Ça… » Je me sens vulnérable, à cet instant précis et je déteste ça. J’appuie sur le mot, cherchant avec soin quoi dire ensuite. « C’est vraiment une très mauvaise idée. » Ridicule. La vérité, c’est que je ne comprends pas vraiment son geste. Pourquoi maintenant? Qu’est-ce qui a changé, au juste, depuis qu’il a débarqué chez moi ce soir? Peut-être que maintenant il a un peu moins d’aversion à mon égard, mais je ne pense pas qu’on soit arrivé à l’étape du pardon. Alors pourquoi? Une vengeance peut-être? Je secoue la tête. Non, pas son genre. Fébrile, je le regarde dans les yeux, debout à quelques pas de lui. Luttant entre mon esprit indécis et mon corps qui semble à deux doigts de me trahir.
Et maintenant il en venait à douter. Lequel était arrivé en premier, qui de Nino ou de Gaïa avait foulé le sol australien en premier et dans quel but ? Lequel des deux avait suivi l’autre, lequel des deux fuyait l’autre, peut-être … Et si Nino avait en tête non pas simplement de faire peur à la jeune femme mais de lui nuire, véritablement ? Et si Gaïa ne restait dans les parages que pour mieux obtenir vengeance ? Il ne pouvait pas laisser ça se produire, dans les deux cas, et lorsque la jeune femme avait admis « Oui je suis au courant. Je l’ai déjà croisé, il m’a abordée dans une ruelle. C’était vraiment déplaisant comme expérience. » Vittorio n’avait pu empêcher le roulement d’yeux qui lui avait échappé, parce que Nino avait ce sens du timing et du mauvais endroit pour se rendre encore plus coupable que les faits ne le rendaient déjà. Reste que c’était donc lui qui était allé aborder la jeune femme et pas l’inverse, c’était donc lui qui cherchait, lui qui avait une idée derrière la tête et de la suite dans les idées lorsqu’il s’agissait de nuire à autrui. L’italien se demandait simplement pourquoi, en définitive. Pourquoi s’en prendre à celle qui avait arraché l’aîné à son piédestal et lui avait fait perdre ce pourquoi Nino estimait avoir, lui, été abandonné ; Rome la belle, et la carrière juridique florissante qui était allée avec à force de travail et de sacrifices. Et Nino en était définitivement un, de sacrifice. Sans lui laisser le temps d’aller au bout de son questionnement pourtant, la météo était venue interrompre leur conversation et avait comme redistribué les cartes dans l’esprit de l’italien : Nino était passé au second plan, et le corps peu vêtu de la journaliste avait provisoirement anesthésié la rancœur au profit d’un désir que Vittorio n’était pas homme à réprimer. Les doigts glissant contre sa cuisse avec équivoque, il s’était contenté d’un sourire narquois et d’un silence calculé lorsqu’elle avait laissé échapper « Tu veux la jouer comme ça ? » et avait senti la chair de poule lui parcourir les bras à mesure que les mains de Gaïa s’y étaient aventurées. Instinctivement il s’était remis debout, entraînant avec lui la jeune femme dont les bras étaient venus s’enrouler autour de sa nuque, et les lèvres s’aplatir contre les siennes avec urgence. Il avait provoqué le premier et malgré tout il y avait eu la demi-seconde où elle l’avait pris au dépourvu, avant que ses sens ne l’éveillent à nouveau, que ses mains viennent attraper et enserrer sa taille, que sa langue aille jouer avec celle de Gaïa par défi, par envie, par un soudain besoin de réveiller les souvenirs attachés à son odeur et à la sensation de leurs peaux l’une contre l’autre. Et puis … « Stop. » Un pas fait en arrière pour s’éviter de perdre l’équilibre, et la pénombre ne l’empêchant pas de jeter à la jeune femme un regard incrédule, Vittorio la fixait le souffle court « Ça … C’est vraiment une très mauvaise idée. » et malgré lui un roulement d’yeux presque impatient lui avait échappé. Ce n’était pourtant pas le genre de Gaïa, de faire état de ce qui était raisonnable ou pas, de ce qui était une bonne idée ou pas. « Et … ? » Peut-être que c’en était une, c’est vrai. Une mauvaise idée. Comme l’idée pour lui de venir ici, comme le fait qu’elle soit dans ce satané pays plutôt qu’à Rome, comme les décisions de Vittorio concernant Nino et comme un tas d’autres choses, alors une mauvaise idée de plus ou de moins ? « Quelle importance. » Refaisant un pas en avant sans la quitter du regard, il avait tiré sur la ceinture du déshabillé pour la dénouer, et laissé le bout de ses doigts se promener de son nombril au bas de son sternum. « Ose me dire que tu n’en as pas envie. » Pourtant c’était elle, quelques instants plus tôt, qui avait choisi d’écraser ses lèvres contre les siennes avec envie plutôt que de décliner directement l’offre tacite qu’il lui proposait. « Ose me dire que ça ne te rappelle pas des souvenirs … » L’obscurité, le bruit de la pluie contre la vitre, la chaleur qui émanait d’elle et de lui et l’ivresse qui semblait en découler. Ce ne serait pas la première fois, et comme les précédentes il n’y avait besoin ni de promesses ni de confidences, il n’y avait bien que le continent qui diffère dans l’envie de récidive qui animait l’italien et qui, il en était persuadé, habitait également la jeune femme. Et revenant à la charge il avait passé une main autour de sa taille pour l’attirer à lui, laissé ses lèvres glisser contre l’arête de sa mâchoire en attendant qu’elle cède, qu’elle abandonne la subite bonne conscience derrière laquelle elle se cachait, et lâché au sol sans s’en rendre compte le torchon souillé de sang qu’il lui avait emprunté. Maintenant qu’il s’était mis en tête de la vouloir il n’avait pas l’intention de se contenter de tergiversation et de demi-mesure, elle voudrait ou ne voudrait pas, mais aussi sûr qu’il était de vouloir terminer de lui retirer ce déshabillé qui lui bloquait la vue elle devrait être sûre de vouloir le mettre à la porte si elle attendait de lui qu’il décolle ses lèvres de son cou.
Humidity's rising, barometer's getting low according to our sources, the street's the place to go, cause’ tonight for the first time, just about half past ten for the first time in history... It’s gonna start raining men.
luleaby
tempesta notturna
Je vois encore son sourire narquois, j’entends toujours ce silence dans lequel il s’est muré quand je me suis rapprochée de lui, poussée par cette impulsion sortie de nulle part, par cette soudaine envie d’aller le provoquer encore une fois… Par cette envie tout court. Je le sens frissonner sous mes mains, je goûte presque la surprise sur ses lèvres. Une brève pensée traverse mon esprit -il ne s’y attendait pas- avant que ce dernier ne cesse de fonctionner correctement. À ce moment précis, plus rien d’autre n’existe, que ses bras enserrant ma taille, que ses lèvres répondant aux miennes. Je n’entends plus le tonnerre qui gronde, alors que je me délecte de la saveur de sa bouche. Mais il y a cet éclair de lucidité qui me fait soudain lâcher prise, le repoussant presque comme si son contact m’avait brûlée. Sonnée, j’entrevois son regard, je perçois son souffle, aussi heurté que le mien. Et la seule chose que j’arrive à articuler, c’est que ce n’est pas une bonne idée. Oh non, ça c’est sûr. « Et … ? » Et tu m’en veux encore. Tout simplement. Et je ne sais pas exactement ce que je veux, pour une fois. C’est d’ailleurs probablement la première fois que je suis aussi hésitante… En particulier avec lui. « Quelle importance. » Toujours incapable d’émettre le moindre son, je l’observe sans bouger se rapprocher à nouveau, et amorcer un geste pour ouvrir mon déshabillé, et un nouveau frisson me parcourt toute entière quand il laisse glisser ses doigts sur ma peau, suivant un tracé bien défini. « Ose me dire que tu n’en as pas envie. » Je le regarde, hésitant un instant entre lui dire la vérité, cette vérité qui est en train de me torturer, et mentir effrontément. Mentir serait bien plus facile à faire, mais suis certaine qu’il s’en rendrait compte. Je devrais mentir, et le chasser d’ici aussi vite que possible, avant qu’on atteigne le point de non-retour. J’aurais dû le repousser dès qu’il a posé les mains sur moi, redéfinir des limites. Mais… « J’en meurs d’envie. » Et c’est bien le problème. Il faudrait être morte pour ne pas le désirer, à cet instant précis. Et aux dernières nouvelles, je suis bel et bien vivante, subissant toutes les émotions contradictoires qu’il est possible d’éprouver en même temps. « Ose me dire que ça ne te rappelle pas des souvenirs … » Bien sûr que ça me rappelle des souvenirs. Malgré tous mes efforts, ils sont revenus en masse au moment même où j’ai aperçu cette lueur dans son regard, cette étincelle que je pensais bien ne jamais revoir. Cette même lueur que j’ai aperçu tant de fois dans un autre lieu, dans un autre temps. Il agrippe mes hanches, m’attire à lui sans la moindre difficulté, faisant fi de la vague résistance que j’essaye de lui opposer. Je ne réponds pas à sa dernière phrase, laissant simplement échapper un gémissement quand je sens ses lèvres se mouvoir sur ma mâchoire, son corps collé contre le mien. Avec l’obscurité, les sens se sont décuplés. L’air est lourd, chargé d’humidité, et je ne peux apercevoir distinctement l’Italien que par les flashs des éclairs, qui illuminent momentanément les traits de son visage. Un coup de tonnerre fait vibrer l’air, puissant, en parfait écho avec le désir grandissant, qui menace de me faire céder, à mesure que sa bouche descend, venant effleurer ma gorge. Au fur et à mesure, je sens ma volonté faiblir. Cherchant toujours désespérément la bonne conduite à adopter, je laisse néanmoins mes mains s’introduire sous son t-shirt, pour caresser sa peau, chaude. Sous mes doigts, je sens sa poitrine se soulever au rythme sa respiration, rapidement. Ses effleurements se font de plus en plus insistants. Il n’attend qu’une chose, que je capitule, ce que je vais certainement finir par faire. Et puis, pourquoi pas après tout? Il ne m'en voudrais pas plus. Nous pourrons recommencer à nous crier dessus, à nous chamailler, dès demain. Et quand je réalise cela, je m’immobilise complètement. J’attends de longues secondes, avant d’attraper ses mains, dans mon dos. Lentement, je desserre l’étreinte, en silence, le regard fixé au sien. Avant de reculer, mettant un peu de distance entre nous, de nouveau. Mais pas pour la même raison, cette fois-ci. Je relève le menton, un sourire mutin sur les lèvres. D’un mouvement d’épaules, je fais glisser le déshabillé le long de mes bras, et l’étoffe va s’échouer au sol en une flaque de soie. Ravie de mon petit effet, je fais quelques pas en avant, prenant garde à maintenir quand même un espace. « Tu as raison. Quelle importance? » Bien campée sur mes deux jambes, qui ont cessé de trembler à la minute où j’ai compris qu’on était pas à une mauvaise idée près, je l’observe attentivement, de nouveau immobile, cherchant le moindre frisson, la moindre réaction de sa part. « Si c’est le déluge que tu attends, il est bel et bien arrivé… » Et un grondement de tonnerre pour accompagner ma phrase et le bruit de la pluie, battante contre les vitres. Le regard toujours plongé dans le sien, je mors ma lèvre inférieure, espérant le faire réagir, et bien décidée à reprendre les devants s’il ne bouge pas dans les cinq secondes.