And drink imaginary tea - And speak a language only we can understand znd I will fight back the tears As we fly through the years and I’ll keep you as close as I can
Nous avons fêté les deux ans de Daniel la veille. Simple soirée en famille, Joanne, Irene, Ezra et moi devant un petit garçon engloutissant goulûment un gâteau et ouvrant ses cadeaux avec excitation pendant que nous partagions verre de vin, anecdotes, et jeux avec la vedette du jour. Il adore son parrain et sa marraine, et cela était la toute première fois que nous étions réunis tous ensemble. Ce fut sans prétention, mais agréable, de quoi marquer le coup. Rien dont Daniel ne se souviendra malheureusement, mais peut-être que l'année prochaine nécessitera plus de recherche de notre part. Une fois les invités partis et la porte refermée derrière leurs voitures qui s'éloignaient de la maison, Joanne et moi avons couché le bonhomme et rejoint notre propre lit. Et j'ai passé un long moment à la regarder dormir, comme de nombreux soirs depuis quelques semaines, songeant que les soirs sans elle et Daniel sont moroses, que je ne veux plus m'endormir dans des draps vides, et avoir pour seule compagnie les aboiements des chiens qui s'occupent sans leur petit maître. Que je veux des soirs comme celui-ci tous les soirs, pour toujours. Bien sûr, la fête du lendemain ne m’avait pas quitté l'esprit, et une idée avait germé à ce sujet. Tant et si bien qu'il fut difficile de m'endormir et qu'elle me travailla quelques heures. Cette fois, je n’étais pas sûr de moi. Mais une partie de moi ne me laissait pas le choix. J'en ai eu l'estomac noué toute la journée, l'esprit ailleurs, incapable de me concentrer. Ni le matin ni l'après-midi n’avait l'air de passer, et chaque minute était plus interminable que la précédente. Lorsque j'ai compris que cette pensée me torturerait jusqu'à ce que je me décide à aller dans son sens, j'ai fini par envoyer un message à Joanne lui donnant rendez-vous sur King Georges Square après le travail, laissant sous-entendre une soirée rien qu'à nous deux pour l'occasion. Je suis arrivé avec une demi-heure d'avance, et des fleurs.
Il est dix-huit heures et il fait encore plein soleil. C'est une très belle nuit d'été qui s'annonce, comme on en connaît qu'en Australie. Je me souviens de l'époque où la petite blonde travaillait ici, les quelques fois où je suis venu la chercher pour déjeuner ou pour rentrer ensemble à l'ancienne maison de Logan City que nous partagions. Et cela semble remonter à une éternité. Je me souviens surtout du soir du gala du musée, ce qui compte, dans nos récits officiels, pour notre première rencontre. Le soir où je suis véritablement tombé sous le charme. Et ce fut le début d'une histoire digne de montagnes russes, de films, de livres et de thèses sur la capacité qu'ont deux personnes de s'aimer au point de se détruire et d'en redemander. Je ne sais pas si ce cycle cessera un jour, je veux le croire en tout cas. Que cette fois est la bonne, que nous serons toujours une famille. Peut-être que c'est cette idée qui me travaille désespérément. Enfin sa silhouette se détache du reste de la foule. Nous sommes un couple parmi d'autres qui se rejoignent sur cette place. Sans attendre, avec un sourire, je lui tends les bien trop nombreuses roses emballées dans le papier en soie blanche par le fleuriste qui a simplement indéfiniment additionné les tiges écloses les unes au autres jusqu’à ce que je sorte d’une léthargie momentanée au bout de, peut-être, la quarantième. “Joyeuse Saint-Valentin.” je souffle et lui dépose un baiser sur le coin des lèvres. J’ai peu d’attention pour ses éventuels remerciements, je ne suis même pas certain de lui laisser le temps d’en articuler avant de reprendre la parole. Les mots ont besoin de sortir, après tant d’heures à me nouer de l’intérieur, du ventre à la gorge en passant par le coeur. Mon regard s’arrache à ses iris bleus, soudainement si intimidants. Les mains dans le dos, je commence à me dire que l’idée n’est pas si bonne et qu’il n’est pas question de se défiler tout à la fois. “J’ai quelque chose à te proposer, et c'est peut-être ce qu'il peut y avoir de moins romantique qui existe pour une Saint-Valentin, et tu vas trouver ça dingue.” La mise en bouche n’est guère appétissante et encore moins rassurante j’imagine, mais je préfère anticiper l’éventuelle réaction de Joanne en la préparant à un discours susceptible de ne pas lui plaire, peut-être la décevoir, la laisser amère -je n’en sais rien à vrai dire, et cela est le plus effrayant. Cette fois, je ne peux pas lire en elle et je dois simplement prendre le risque de me jeter à l’eau. “Nous pouvons nous marier ce soir.” dis-je sans prendre de détour. Et j’ai l’impression de jeter un pavé dans la marre, de gâcher autant de choses que j’en propose de nouvelles tandis que je reprends immédiatement, ressentant le besoin pressant de justifier cette proposition pouvant paraître précipitée, irréfléchie, complètement irréaliste. “Ca fait déjà deux robes qui ne seront jamais portées, quatre bagues qui ont été bannies, mais bientôt trois ans que tu fais partie de ma vie, deux ans que Daniel est né... Je vous aime, je suis incapable d'imaginer le futur sans vous. Et c'est cliché, mais je sais maintenant que tout peut s'arrêter du jour au lendemain.” L’histoire du type qui revient d’entre les morts et qui se lance dans de grandes résolutions, qui décide de changer de vies, d’habitudes, qui croit qu’il le peut en tout cas et laisse le naturel revenir au galop, celui qui prend peur, qui se précipite, qui veut profiter de chaque minute d’une vie dont il a enfin saisi toute la valeur ; c’est connu, c’est du réchauffé, pourtant il n’est pas meilleur moyen de remettre toute sa vie en perspective, de songer à ses priorités, et d’avoir envie d’agir pour obtenir ce dont on rêve. Et depuis des années maintenant, ce rêve n’est autre que ma famille. “Nous n’avons pas besoin de la robe, du buffet et de la pièce montée pour que ce soit réel, concret. Ca l’est depuis toujours, ça va au delà de ça. Tu auras la cérémonie que tout ceci mérite, je te le promets, je te le jure. Mais puisque nous sommes conduits par les promesses et les rêves que nous partageons, et que tu sais comme moi que nous avons besoin de ça…” Cela ne s’explique pas. Un mariage, ce n’est qu’un papier que l’on signe, pour beaucoup ce n’est qu’un contrat comme un autre, comme on souscrit une assurance. Et il est vrai que je songe à la sécurité de Joanne et Daniel en agissant ainsi. Mais cela s’est rapidement imposé comme une condition de notre relation, cet objectif de se dire oui, dans la continuité de cette volonté de s’appartenir l’un l’autre. Cette évidence qu’est de vieillir à deux, cette chimère qu’est la poursuite de notre histoire au delà de la mort, qui a vécu avant nous, et qui nous survivra ensuite. Nous savons, tout au fond, que cette signature nous rassurera, nous liera plus fortement qu’avant. Qu’une fois qu’elle sera mon épouse, et moi son mari, une part de doute s’envolera à jamais. Nous accordons tous deux énormément d’importance à cette démarche, une valeur sacrée. Joanne est de celles qui rêvent de robe de princesse et d’une grande fête entourée de tous ses proches, et c’est pourquoi je crains son refus autant que je le comprendrais ; elle mérite sûrement mieux que ce qui ressemble à un coup de tête. Un coup de tête réfléchi depuis trois ans. Mon regard est toujours bas. Plus je parle et moins il me semble probable que la jeune femme accepte. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas de marche arrière possible. Dans le City Hall, tout est prêt, aussi modestement et secret cela soit. Il ne manque que la future mariée, si elle consent à m’accorder cette folie-là. “Si je n’avais pas été un parfait idiot, cela ferait un an qui tu serais ma femme. Alors peut-être que nous ne sommes plus à un an près… ou peut-être que nous pouvons le faire ce soir.”
Ces dernières semaines se passaient merveilleusement bien. Chaque weekend se déroulait à Bayside, comme s'il s'agissait d'une évidence et le couple faisait en sorte de se voir en milieu de semaine. Parce qu'attendre le weekend suivant était souvent incroyablement long. Rattraper le temps perdu, profiter de l'instant présent, tout était mélangé et Joanne vivait depuis avec une légèreté certaine. Le beau était au rendez-vous, les températures estivales la mettaient de bonne humeur. Le jour de l'anniversaire de Daniel était arrivé et la soirée fut plutôt modeste mais la jeune femme n'en aurait pas voulu. Les fêtes d'anniversaire à thème avec activités allaient arriver bien assez vite, autant profiter d'un moment dans une sphère plus intimiste tant qu'ils le pouvaient encore. La jeune femme dormait avec Jamie, et il était devenu presque habituel que ce soit elle, désormais, qui finisse par s'endormir la première. Elle, l'insomniaque, qui avait pendant longtemps erré dans la nuit en quête d'un but, poursuivie par ses idées noires. Mais elle ne se doutait pas qu'elle était contemplée, des heures durant, par un amant particulièrement pensif. Le lendemain était un jour aussi particulier. Beaucoup résumait la St-Valentin comme une fêtre plus que commerciale, la grande romantique que Joanne était pensait que c'était un jour à ne pas vraiment manquer. Elle n'en demandait pas des mille et de cents, elle ne demandait rien du tout d'ailleurs. Mais le simple présent lui faisait plaisir. Bien sûr qu'il fallait célébrer l'amour tous les jours, et ils le faisaient dans la mesure du possible. Elle ne cachait pas un certain enthousiasme lorsqu'elle avait reçu le message de Jamie. Difficile de lui faire quitter de ses lèvres ce sourire presque niais qu'elle avait pendant toute la réunion. En sortant du bureau, en début de soirée, elle tombait nez à nez sur le principal donateur du musée, Henry Connor, qui lui lançait. "Avez-vous réfléchi à ce que je vous ai dit la semaine dernière ?" "Pas vraiment encore, non. Mais j'y songe tous les jours." "Bien." dit-il en acquiesçant la tête. Il la salua et la quitta sans plus de cérémonie, il semblait bien songeur. Joanne n'avait même pas vraiment eu le temps de se pomponner un peu avant de rejoindre le bel homme, elle n'était pas en avance, ni en retard non plus. Du haut de ses talons, elle retrouvait Jamie sans grand mal, et son visage s'illumina lorsque ce fut le cas. Il lui offrit un immense bouquet de roses. Les fleurs étaient magnifiques, et en cette période de l'année, elles devaient aussi surtout être hors de prix. Elle répondit amoureusement à son baiser et compter le remercier davantage mais il semblait bien peu attentif. Cela avait de quoi laisser perplexe la jeune femme, qui fronça légèrement les sourcils, soucieuse. Il parlait d'une proposition dingue, en ce jour de Saint-Valentin. Joanne avait de quoi être perplexe; et elle avait bien raison. Elle aurait pu s'attendre à peu près à tout, mais certainement pas à un mariage. S'il voulait un effet de surprise, Jamie avait bien réussi. Il ne la regardait plus vraiment dans les yeux, il devait appréhender ses expressions, sa réaction. Sans attendre, il reprit la parole pour justifier ce besoin si soudain de s'unir avec celle qu'il adorait appeler mon ange. Elle sentait subitement son rythme cardiaque s'accélérer, s'alarmer de plus belle. Il savait pourtant combien Joanne accordait de l'importance au mariage. La cérémonie, le repas, la décoration, l'ambiance. C'était très protocolaire dans sa tête et jusqu'ici, elle n'avait jamais songé à se marier autrement. Elle n'avait jamais eu affaire à de cérémonie religieuse, mais il y avait absolument tout le reste. Et énoncer des voeux, échanger des alliances sans la tenue adéquate était ce qu'il y avait de plus perturbant pour elle, comme si quelque chose clochait. Jamie ne désirait pas tous ces artifices, il ne voulait qu'un oui, que sa future épouse porte enfin son nom, et que toutes les promesses qu'ils s'étaient faits au cours des dernières années prennent tout leur sens. Et Joanne savait que toutes les décisions de Jamie semblaient précipitées pour les autres, pour lui, tout était mûrement réfléchi et tout avait un sens, un but. Certes, il n'y avait pas besoin de robe blanche, mais Joanne y tenait. Mais Jamie tenait là un point essentiel. Ce mariage, ils en avaient besoin. Autant pour la symbolique que pour tout le reste. C'était cette même union qui allait leur permettre de se rappeler, durant les coups durs de leur couple, pourquoi ils avaient décidé de porter des alliances. Que, malgré tout, ils s'aimaient et que c'était la seule vérité à prendre en compte. Oui, à partir de cela, la cérémonie semblait plus pompeuse qu'autre chose, une mise en scène. Mais que Joanne voulait avoir. Ce n'était pas un caprice. C'était un moment précieux pour elle, très important. Et même s'il devait y avoir une cérémonie, elle craignait que la magie ne soit plus la même. Ils étaient déjà mariés, alors il s'agirait de quoi ? D'un remariage ? Elle ne trouvait pas de nom à accorder à cet événement qui lui était pourtant si cher. "Tu le jures pour de vrai, qu'il y aura une cérémonie ?" finit-elle par demander avec timidité, ayant l'impression de trop en demander. Parce que bien des questions fusaient après coup. Jamie était Lord, la jeune femme aurait donc le titre de Lady si elle acceptait. Ce n'était peut-être qu'un titre sur un morceau de papier, mais ça l'impressionnait beaucoup. Il semblait aussi regretter amèrement son comportement de l'année passée, regrettant peut-être des réactions, des gestes, qui avaient ainsi avorté leurs fiançailles. On devinait dans ses paroles que c'était ce qu'il désirait le plus au monde. Rien ne se ferait dans les règles de l'art, ça le serait dans leurs règles à eux. "On en a déjà fait, des choses dingues." finit-elle par dire, alors qu'elle était toujours très songeuse. "Londres, le fait que nous ayons emménagé ensemble rapidement, les demandes de fiançailles... Mais tout était évident, à chaque fois." Leur relation était hors du commun. Bien sûr qu'elle se demandait quel serait l'image de leur couple une fois que l'on apprendrait leur mariage. "J'y tiens vraiment, à cette cérémonie, tu sais." Tout semblait laisser croire que Joanne allait refuser. Mais elle-même à ce stade ne savait pas encore quoi répondre. Il y avait mille et une promesses qui s'associaient avec un mariage. L'amour était le premier. Un dévouement que l'on accordait à l'époux ou à l'épouse, la sincérité des sentiments. Ce n'était pas qu'une signature. "Et tous les voeux, toutes les promesses, tous les sentiments qu'il y a avec tout ça." Les alliances scellaient le tout. Joanne se demandait également comment elle allait pourrait l'annoncer à ses parents. Ils savaient qu'elle s'était remise avec Jamie et avaient accepté d'accorder le bénéfice du doute au britannique, lui laissant ainsi l'opportunité de montrer une meilleure image de lui. "Je t'aime, Jamie. Tu sais que je t'aime plus que tout." commença-t-elle. "Et je te fais confiance. Je n'envisage pas ma vie sans toi, c'est une évidence. Comme tu l'as dit, nous avons nos rêves, nos promesses, et je m'y tenir. Nous avons perdu beaucoup trop de temps à pousser nos limites, à nous chercher, à constater ce dont nous étions capables sur l'un l'autre. Autant les plus beaux plaisirs que les plus insupportables souffrances. Ce sont deux choses dont nous sommes parfaitement capables et qui fait, qu'en dépit de tout, on parvient toujours à s'aimer autant, sinon plus." Elle ne comptait plus les recherches de limites, les jalousies, les tests pour voir jusqu'où l'autre était capable d'aller par amour. Ils avaient atteints des extrêmes qui en étaient même parfait effrayants. "Je ne veux plus jamais te voir souffrir, Jamie." dit-elle avec la douceur qu'on lui connaissait. "Et je veux me marier avec toi." Une fois cette étape franchie, ils pourront avoir d'autres rêves, se fixer d'autres objectifs, tout leur semblerait plus facile. Mais il était apparemment indispensable que ceci soit fait avant de pouvoir envisager quoi que ce soit d'autre. Joanne ne cachait pas sa nervosité, se remettant à peine de cette proposition, mais elle était sûre de ce qu'elle comptait lui dire. "Je veux me marier avec toi ce soir."
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Relever les yeux est à cet instant le mouvement le plus difficile qui soit. Je crains autant son regard que l’expression sur son visage qui me feront peut-être deviner sa réponse. J’ai eu bien des heures pour concevoir l’hypothèse d’un refus de sa part. Je dois même dire que je n’en serais pas étonné. Oui, je sais à quel point elle tient à ce que tout soit fait selon l’ordre des choses, les traditions, qu’elle rêve d’une robe, d’échange de vœux devant son entourage le plus proche, d’un dîner protocolaire, d’une première danse. Je sais qu’elle en rêve, que rien ne l’en déviera, et que même toute la conviction que je mets dans mes paroles afin de la convaincre pourrait ne rien y changer. « Je le jure. » je lui répète à nouveau, toujours avec autant de sincérité. Car telle occasion mérite une cérémonie, un rassemblement, une fête, des souvenirs, et qu’il m’est impensable de s’en passer. Même après coup, cela resterait un mariage, des vœux, une promesse. Néanmoins, rien n’est moins certain qu’une Joanne acceptant que les traditions en prennent un coup. Je l’ai envisagé, j’y suis préparé, et cette déception ne changerait rien. Dans le fond, cela ne serait que partie remise. A dire vrai, je ne sais même pas d’où vient l’urgence, pourquoi maintenant, pourquoi ce soir ; pourquoi ce doit être fait et pourquoi cela compresse ma poitrine au point de ne plus me laisser d’air. C’est sûrement insensé après tout ce qu’il s’est passé, après plus d’un an de séparation et seulement quelques semaines de retrouvailles. Pourtant, à nous voir, et nous connaissant, s’il n’est ni possible de recommencer du début ni de reprendre où nous nous en étions arriver, autant aller de l’avant. Ce n’est pas brûler les étapes lorsque l’on a été fiancé deux fois déjà avant ce jour, lorsque l’on a déjà un fils et encore bien de l’amour à partager. « Ça… dis-je en désignant cet instant, ce moment présent, cette proposition peut-être absurde, ce mariage qui n’attend qu’elle, c'est aussi une évidence pour moi. » Je suis convaincu que ça l’est pour elle aussi. Malgré des conditions qui ne sont pas idéales, malgré ce côté très improvisé et spontané, Joanne sait aussi bien que moi que ce soir, ou demain, ou dans un an, nous nous dirons oui de toute façon. Alors pourquoi attendre et s’encombrer de superflu alors que nos pourrions sceller cette promesse maintenant ? Pourquoi laisser plus d’opportunités à la vie de décaler indéfiniment ce moment ? J’espère que la jeune femme verra au-delà du timing, de la cérémonie, et qu’elle ne laissera pas une convention se mettre entre nous, pas après nous être dits que ces règles ne nous atteignent pas. Pourtant à l’entendre insister à ce sujet, je me décourage peu à peu. “Je sais, je murmure dans un souffle résigné. Je sais…” La tirade dans laquelle elle se lance sonne comme la conclusion d’un refus qui tarde trop à franchir ses lèvres, et à nouveau mon regard se baisse en attendant que le couperet ne tombe, le choix penchant plus vers un allongement d’un attente à laquelle nous sommes habitué, abonnés, plutôt que vers un coup de tête. Ca ne l’est pas, pour moi. C’est précipiter la venue de ce que nous attendons depuis deux ans, c’est déclencher quelque chose, c’est défoncer des portes, mais c’est surtout se rendre à l’évidence. Mais peut-être qu’à ses yeux, malgré tout ceci, nous devons encore nous chercher, et nous trouver. C’est pourquoi mon souffle se coupe et mes yeux s’arrondissent lorsque Joanne accepte finalement. Mon rythme cardiaque décolle, tiraillé entre le soulagement, la joie, et ce brin de panique à l’idée que tout soit bel et bien réel alors que cette possibilité venait d’être reléguée au rang de chimère et de fausse bonne idée. « Tu le veux ? Vraiment ? » J’ai l’impression de ne plus pouvoir me fier à mes sens soudainement, que mes oreilles ont déformé la réalité et que cet enthousiasme n’est qu’un sursaut de faux espoir. Pourtant, je sais que j’ai bien entendu, je sais que cela est vrai. Je n’ai besoin que d’un signe de tête pour le confirmer et prendre d’assaut les lèvres de la jeune femme. J’ai envie de rire et de hurler tout à la fois, les poumons gonflé d’une exaltation qui consent à se traduire sagement par un sourire d’oreille à oreille. « Je n'aurais jamais pensé que tu accepterais. » je confesse, et je pense qu’elle non plus. Et comme à chaque fois, on ferme les yeux, on se tient la main, et on saute à pieds joints dans ce qui semble être une immense folie. Le couronnement de toute notre déraison. « Je t'aime tellement… » Je n’ai pas de doutes concernant cette décision et c’est avec une vraie joie que je peux me dire, intérieurement, « je me marie ce soir ». Dans moins d’une heure, Joanne sera mienne, et je serai sien, liés par un engagement, une promesse, si sacrée pour elle et moi qu’elle ne saurait être brisée. J’escorte donc la jeune femme à l’intérieur de l’hôtel de ville. Heureusement, la pièce dans laquelle nous nous rendons, petite pour les cérémonies en comité réduit, possède une belle ambiance malgré tout. Nous attendent trois employés de la mairie ; un adjoint du maire, et deux autres servant de témoins. J’aurais aimé mettre des personnes que nous connaissons dans la confidence et être entourées d’au moins deux êtres chers, mais le risque de refus de la part de la petite blonde étaient si élevés que je ne souhaitais pas prendre le risque de faire perdre son temps à qui que ce soit, ni de se retrouver dans la position inconfortable de partager la déception d’un énième mariage qui n’aura pas lieu. Néanmoins, ces trois visages qui nous entourerons sont inconnus mais sympathiques, et de la bienveillance se lit sur leurs traits quand ils me voient revenir en compagnie de celle pour qui j’ai tant multiplié les sollicitations ces derniers jours. « La fameuse mariée. » L’adjoint nous serre la main chaleureusement. Je devine Joanne tendue, nerveuse, autant que je le suis. Tout s’enchaîne, tout est rapide, et peut-être se voit-elle partir en courant lorsque l’homme s’éclaircit la voix d’un ; « Si vous êtes prêts, nous allons commencer. » Je serre sa main un peu plus fort. « Tu peux encore changer d'avis. » je lui assure tout bas, craignant qu’elle prenne la perche pour tout arrêter autant qu’elle ne se force à adhérer à ceci uniquement pour me faire plaisir. Il faut qu’elle le veuille, qu’elle soit sans doutes et sans regrets.
Il était facile pour Joanne de deviner ce que Jamie pouvait ressentir. Il suffit d'un regard, d'un geste, d'une attitude, pour qu'elle sache. Et là, il était anxieux, nerveux, peut-être même déjà un peu abattu alors qu'il pensait avoir deviné la réponse de la jeune femme. Ce n'était pas une proposition qu'il avait faite à la légère, on sentait qu'il y avait longuement songé, des heures durant. Pas de genou à terre ou de bague de fiançailles, ils l'avaient déjà fait deux fois. Certains verraient cela comme deux échecs cuisants, Joanne se disait que ce n'était que la preuve d'une volonté qu'elle partageait toujours avec lui. Il n'y avait plus de bon endroit ou de bon moment. Il fallait que ça se fasse, il fallait enfin concrétiser tout ceci même s'ils étaient à nouveau en couple que depuis quelques semaines. Ils ne vivaient pas encore ensemble, mais passaient beaucoup de temps avec leur petit garçon. Ils allaient mieux, ils avaient pu faire des progrès, se remettre en question afin d'aller de l'avant. Parce que la vie continuait, il fallait avancer, et cette demande de mariage singulière était un énorme pas en avant. Mais Joanne tenait énormément à cette cérémonie et bien qu'il le lui avait promis un peu plus tôt, elle voulait le réentendre. Et Jamie le jurait. Ca ne lui arrivait pas souvent, et même, d'après ses souvenirs, c'était la première fois qu'elle l'entendait parler ainsi. C'était évident pour lui qu'il fasse sa demande ce jour-ci, le lendemain de l'anniversaire de leur fils, le jour de la Saint-Valentin. L'on pourrait croire au plus gros des clichés, ça n'en était pas un pour elle. Oui, le discours de Joanne laissait comprendre qu'elle allait le refuser. Mais à côté, elle pensait beaucoup, et elle avait finalement donné une réponse affirmative. Jamie était plus que surpris. Il ne s'y attendait absolument, si bien qu'il voulait être sûr d'avoir bien compris. La petite blonde lui sourit, et elle fit un simple petit signe de tête. Il n'en fallait pas plus pour qu'il vienne se jeter sur ses lèvres pour lui offrir un long baiser, plus amoureux que jamais. "Je ne savais pas quoi répondre, au début, j'avoue." confessa-t-elle avec un rire nerveux. Mais c'était ce qu'elle voulait, ce qu'elle désirait le plus au monde bien que ce n'était pas la façon dont elle s'imaginait les choses. La finalité restait la même. "J'ai pensé que..." Puis, timidement, elle secoua négativement la tête. "Tu me trouverais ridicule, si je te le disais." Elle rit nerveusement et dissimula quelques secondes son visage au creux de son cou. "Après, peut-être. Il y a plus important à faire maintenant." Joanne sentait son coeur s'emballer, sa respiration s'accélérer alors qu'ils approchaient peu à peu l'édifice. Il n'était guère étonnant que Jamie ait tout prévu, toutes les personnes qui devaient être là étaient présentes. Il n'en fallait pas plus, pour officialiser l'union Ils avaient tous l'air profondément bienveillants, et touchés par cet événement qui allait finalement avoir lieu. Apparemment, on attendait plus qu'elle. La petite blonde serrait les mains des personnes présentes et déposait son bouquet de roses sur une chaise qui se trouvait là. La quarantaine de fleurs qui la composait le rendait assez encombrant. Tout était si réel et pourtant, elle peinait à le réaliser. Bien sûr qu'elle était nerveuse au possible, c'était un mariage. Elle sentait la main de Jamie serrer la sienne un peu plus fort, geste qui contraster totalement ce qu'il lui disait. Discrètement, Joanne secoua négativement la tête avec un sourire attendri. "Je ne veux pas changer d'avis." lui répondit-elle. "Tu l'as dit toi-même, c'est une évidence. C'est quelque chose que nous attendons depuis si longtemps, et qui nous a glissé entre les doigts bien trop de fois." Elle croisa délicatement ses doigts avec les siens. "C'est ce que nous sommes, Jamie. Et ça, ce papier, c'est ce que nous avons besoin d'être. C'est ce qui nous manque, c'est ce qu'il nous faut pour que nous puissions continuer à avancer comme nous le faisons actuellement. Je ne veux plus stagner, encore moins reculer. Avec ça, nous aurons tout ce dont nous aurons besoin pour continuer à poursuivre nos rêves." Son visage caressait délicatement le sien, pendant quelques secondes, juste le temps de lui souffler un je t'aime près de son oreille. L'adjoint attendait patiemment, le sourire aux lèvres. C'était à son tour de parler, de façon bien plus officielle. Joanne eut un léger vertige lorsqu'elle entendait ces premiers mots. Rien de désagréable, loin de là. "Je suis dûment autorisé par la loi à célébrer ceci, votre mariage, selon la loi de l'Australie." Ils se tenaient tous les deux face au maire, comme cela devait être, mais Joanne ne pouvait pas s'empêcher de regarder de temps en temps Jamie. Pour voir comment il était, ce qu'il ressentait, comment il se sentait. Alors réalisait et se disait "je vais me marier à cet homme" et cela l'exaltait au possible, son coeur battait la chamade, et l'émotion prenait rapidement le dessus. Quelque chose de parfaitement incontrôlable et qu'elle ne pouvait ni voulait retenir. "Avant que vous, Miss Joanne Prescott et vous, Lord Jamie Keynes, soyez réunis en vous mariant en ma présence et en celle de ces témoins..."Réunis C'était le juste mot. Ils se réunissaient, ils se retrouvaient enfin. Après des années de relation compliquée, en dent de scie. Mais aussi, selon les croyances de Joanne, après toutes ces vies passées où cela ne s'était pas terminé comme cela aurait du être. Oui, c'était ce qu'il y a à faire. "..., Je suis tenu de vous rappeler le caractère solennel et contraignant de la relation dans laquelle vous comptez vous engager." Pour Joanne, il n'y avait rien de contraignant, bien au contraire. C'était un épanouissement, l'ouverture de nouvelles portes, de nouveaux rêves. "Selon la loi australienne, le mariage est l'union d'un homme et d'une femme à l'exclusion d'autres, volontairement engagés à vie." Il n'en fallait pas vraiment plus que les yeux de Joanne se borde de larmes, submergée par un bonheur indescriptible. Elle ignorait comment elle allait gérer tout ceci une fois que le papier sera signé, une fois que tout ceci sera officiel. Elle se frotta rapidement un oeil, espérant garder un minimum de contenance jusqu'au bout – mission qui s'annonçait particulière haut. Le sourire ne quittait pas ses lèvres. Elle se sentait à sa place, là où elle devait être, et c'était ce qu'il y avait à faire. Parce que c'était eux.
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Alors il n’y avait plus l’ombre d’un doute. Je n’interroge plus et, au contraire, remercie le grain de folie qui pousse Joanne à me suivre sur ce chemin. Elle a refermé la dernière porte de sortie en assurant que ce choix est bien le sien, qu’elle souhaite tout ceci autant que moi. Et encore une fois, nous allons trop vite, encore une fois nous ne faisons pas les choses dans l’ordre. L’enfant avant le mariage, la signature avant la cérémonie ; c’est décousu, c’est une route pavée de détours. Mais toujours, la volonté est la même ; être ensemble, envers et contre tout. L’évidence est partagée, cette impression que malgré l’aspect précipité des événements, tout se passe selon le plan, que tout ira bien à la fin. La jeune femme croise ses doigts avec les miens et je sens sa certitude, elle qui, il n’y a que quelques minutes, n’était pas sûre d’accepter. La surprise passée, il ne reste que l'implacable logique qui est la nôtre ; ce doit être ainsi, pas autrement. Un simple papier pour tout changer, pour enfin aller de l’avant. On ne fait pas plus radical pour effacer l’ardoise, faire table rase des échecs passés. J’acquiesce d’un simple signe de tête, nerveux au possible, et indique au représentant du Maire que de fait, nous sommes bel et bien prêts. Sa voix qui s’élève et débute les formules officielles résonne un peu dans la salle trop vide, mais aussi dans mon crâne qui réalise au mot à mot. C’est la seconde fois que je passe par cette étape, mais celle-ci n’a rien à voir avec la précédente. Le faste, le pompeux et l'hypocrisie du mariage avec Enora n’est qu’une mauvaise blague à côté de ce moment, même s’il ne ressemble qu’à un brouillon, même s’il n’y a que nous. Au moins il compte, il signifie quelque chose. Le trac n’est pas le même, la joie est réelle et je sais que l’avenir n’en sera que meilleur. Je me marie par amour à celle que mon coeur a choisi et pour nul autre profit que celui de notre famille ; en cela, tout ceci est une première fois. Du coin de l’oeil, je jette des regards furtifs à Joanne, un sourire absolument impossible à effacer flottant discrètement au coin des lèvres. L’engagement à vie est une notion théorique, vague, pour d’autres ; en notre fort intérieur il en est tout autrement et nous savons que nous pouvons compter l’un sur l’autre pour embrasser cette promesse au pied de la lettre. Ce n’est pas une perspective qui m’effraie, au contraire. C’est simplement ainsi que cela sera. Elle et moi, grandissant, nous épanouissant, vieillissant ensemble. Je devine la jeune femme retenant une larme du dos de l’index, gardant contenance du mieux qu’elle le peut. Mon pouce glisse sur sa main dans une légère caresse réconfortante. La parole me revient et, sur le moment, entre ma gorge serrée et ma bouche sèche, je me demande comment il m’est possible d’articuler quoi que ce soit. D’un autre côté, la nervosité aux revers étranges agrandit mon sourire. “Moi…” Je sais exactement ce que je dois dire. Néanmoins, je n’ai jamais été vraiment Lord vis-à-vis de Joanne, et ce titre a toujours quasiment relevé de la taquinerie entre nous. Il me paraît soudainement fort solennel. De même, je n’ai jamais été James pour elle. Comme pour tout le monde, elle m’a connu et m’a toujours nommé Jamie. Alors il me semble presque parler au nom de quelqu’un d’autre lorsque j’use, en entier et dans les règles, mon nom afin de formuler ma partie de la promesse après une grande inspiration, une bouffée de courage ; “Moi, Lord James Keynes, te prends, Joanne Prescott, pour épouse légitime.” Finalement, les mots traversent mes lèvres avec une étrange facilité, fluides et certains. Pourtant mon coeur explose dans ma poitrine. Il me faut lâcher sa main et porter la mienne jusqu’à la poche intérieure de ma veste ; j’en sors l’écrin des alliances. Hors de question que cette symbolique-là manque à l’appel et que nous sortions d’ici sans bague au doigt. Celle de Joanne est fine, élégante. Un cercle de diamants qui épousent la forme des vagues qu’elles sertissent, donnant l’illusion d’un mouvement perpétuel allant de paire avec une relation aussi houleuse que l’océan où baigne ce pays d’adoption. La bague glisse le long de son doigt et y trouve sa place définitive. Pour ma part, un anneau sobre à la platine brossée n’attend plus que les paroles de Joanne pour orner mon annulaire, et mes lèvres brûlent de sceller le tout dans un baiser.
Alors qu'ils étaient en face de l'adjoint, Joanne se rappelait de toutes ces émotions. Les mêmes qui la traversaient à chaque fois qu'une décision prise avec Jamie semblait hâtive. Le voyage à Londres, l'emménagement, les fiançailles. Tout ce qui sortait du raisonnable. Sortir des sentiers battus, des lignes bien tracées par la société, avait quelque chose d'inexplicablement excitant. Avec Jamie, pour Jamie, elle se sentait prête à braver n'importe quoi, surtout depuis qu'elle avait laissé loin derrière elle cette horde d'idées noires qui la pourchaissaient et qui la saisissaient durant des mois entiers. Là, à ses côtés, il n'y avait plus grand chose qui pouvait lui faire peur, hormis la réaction de ses parents lorsqu'ils apprendront qu'elle était mariée. Elle ignorait comment leur annoncer la nouvelle, ou s'il fallait tout simplement attendre que la cérémonie se fasse pour qu'elle leur en parle. Pour le moment, elle désirait garder égoïstement ce mariage pour eux. C'était un moment célébré en toute intimité juste avec et le strict minimum nécessaire. Plus de place au doute, il ne méritait pas qu'on lui accorde plus d'importance. L'émotion était palpable, Joanne peinait à retenir ses larmes lorsque l'adjoint commençait la cérémonie. Le brun l'avait remarqué, étant donné qu'il s'était mis à caresser délicatement la peau de sa main avec son pouce. Un peu de douceur pour apaiser des émotions qui ne faisaient qu'alimenter des larmes de joie. C'était un deuxième mariage pour eux deux, mais le précédent avait été bien différent de l'un l'autre. Jamie voulait provoquer ses parents en épousant une mannequin pour qui il ne ressentait pas grand chose, Joanne avait eu la chance d'avoir un premier mariage d'amour. Mais tout lui semblait différent. La précipitation de la décision bien qu'évidente, le fait qu'il manquait une robe blanche, les plus proches. Ce n'était pas un mal. C'était juste différent et sur le moment, quand l'adjoint parlait, cela ne gênait plus vraiment Joanne. Il lui avait juré qu'il y aurait une cérémonie, qu'elle aurait droit à tout ce dont elle rêvait pour fêter un tel événement. Une union qui méritait de marquer les esprits et qui méritaient d'être fêté comme ils l'entendaient. Elle tenait à sa robe, elle tenait à voir le regard de Jamie lorsqu'il la découvrirait dedans. Des moments uniques qu'ils se devaient de vivre. Ils le méritaient. C'était au tour de Jamie de prononcer ces quelques mots, d'officialiser un peu plus leur union. Ils étaient face à face, ses yeux bleus particulièrement brillants ne le quittaient pas un seul instant. Son regard s'embrumait alors qu'il prononçait cette phrase déconcertante. Joanne avait envie de lui sauter au cou, de l'embrasser de plus belle. Il avait même pensé aux alliances et Joanne peinait à dissimuler sa surprise en voyant la beauté faite de diamants et de platine qui allait orner son annulaire à tout jamais. Jamie avait toujours eu d'excellents goûts, il avait toujours su ce qui allait le mieux à Joanne, ce qui lui correspondait le plus. Il l'avait toujours énormément gâté, lui offrant des parures plus belles les unes que les autres, persuadé qu'elle était méritante de porter de pareils ornements. L'alliance était à la fois simple et sophistiqué, bourré d'une symbolique dont ils étaient les seuls à pouvoir comprendre. Une relation houleuse, aussi imprévisible que l'océan. Mais aussi la pureté, de par les couleurs et le choix des pierres. Cette quête insatiable d'amour à l'état brut, tout ce qu'il y avait de plus vrai, de plus pur et de plus sincère. Joanne plaça sa main libre devant sa bouche pendant que Jamie lui mettait délicatement la bague au doigt. Elle ne manquait pas une miette de ce moment. L'alliance de Jamie lui semblait bien plus modeste; quoiqu'elle ne le voyait pas porter une bague similaire à la sienne. Elle lui ressemblait également et elle l'adorait tout autant. "Moi, Joanne Prescott, te prends, Lord Jamie... James Keynes, pour époux légitime." C'était bien la première fois qu'elle l'appelait James. Cette petite erreur de sa part, qui n'en était pas vraiment une en soi, avait fait sourire tout le monde, avec un brin d'amusement et de tendresse. Et le titre de Lord l'impressionnait toujours autant malgré tout, même si cela avait été pendant longtemps utilisé sous une forme d'affection ou alors de taquinerie selon les circonstances. La petite blonde lui enfila à son tour l'alliance avec la délicatesse et l'émotion qu'on lui connaissait bien. Son regard s'illuminait de plus en plus en voyant leurs alliances, cette promesse enfin exaucée. Ce qu'elle ressentait était parfaitement indescriptible. Mais c'était ce qu'il y avait de plus beau. Ce mélange d'amour, de bonheur, un sentiment de complétude. Cette certitude qu'elle était là où elle devait, qu'elle était devenue ce qu'elle devait être, l'épouse de Jamie Keynes. Et il n'y avait rien de plus précieux que cet instant, rien de plus pur, ni rien de plus lumineux, si ce n'est l'apparition de Daniel dans leur vie. Elle ne retenait plus ses larmes, ses mains tremblaient légèrement. Elle était si heureuse. "Vous pouvez embrasser la mariée." se permit de dire l'adjoint. Il n'en fallait pas plus à vrai dire, pour qu'ils scellent pour de bon cette promesse. Joanne avait passé ses bras par dessus ses épaules. L'une de ses mains s'était glissée dans ses cheveux, l'autre appuyait délicatement sur sa nuque afin de prolonger ce baiser plus qu'amoureux. Ses joues étaient un peu plus humides, mais en ces circonstances, toute larme de joie méritait d'être versée. Elle se sentait entière, complète. A la fin de leur baiser, elle le serrait dans ses bras, le plus fort qu'elle pouvait, laissant échapper quelques rires de bonheur. Son visage parfois dans son cou, puis elle l'embrassait à nouveau, ils s'échangeaient les regards les plus amoureux et les plus attendris qui soient. Il ne manquait plus qu'à signer les papiers officiels en présence des témoins. Tout se concrétisait à la pointe du stylo qu'ils se passaient pour signer ce morceau de papiers. Joanne sentait son coeur exploser dans la poitrine, tout ceci lui semblait si irréel tant ils en avaient rêvé. "C'est fait." lui souffla-t-elle en se blotissant contre lui. "Enfin." Tant d'attente, tant d'espoirs, tant de déceptions. Mais ils y étaient parvenus, envers et contre tout. Joanne prit ensuite sa main gauche afin d'embrasser son alliance, comme pour marquer sur le bijou cet amour au fer blanc, comme si elle y laissait sa trace. Un énième signe d'amour, mais aussi d'un peu de sa possessivité, très certainement. "Je t'aime tellement." lui dit-elle alors que ses yeux se bordaient à nouveau de larmes et que sa main caressait délicatement sa joue.
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Les mots sont prononcés, solennels, officiels, face aux témoins attentifs. Un sourire en coin, l’on entend tous Joanne buter furtivement sur mon prénom puis se reprendre. L’occasion le nécessite, mais cela sera sûrement la seule et unique fois qu’elle le prononcera. Les doigts délicats de la jeune femme saisissent l’anneau argenté restant dans l’écrin, et suite à sa parole, glisse à son tour l’anneau autour de mon doigt. Nul besoin de discours, les vœux attendront le jour de la cérémonie que je lui ai promise. Cela sera sûrement le coeur de cette célébration-là. Bien des couples mariés renouvellent leurs vœux de nos jours suite à plusieurs années de mariage ; les nôtres interviendront lorsque tout notre entourage sera réuni. Pour le moment, rien de plus n’est nécessaire, si ce n’est le traditionnel baiser qui scelle le tout. Les lèvres de Joanne sont salées par les larmes d’émotion. Mes bras la serrent de toutes mes forces, les mains dans son dos collant son corps au mien. Un baiser passionné, certainement plus qu’il ne l’aurait été face à une plus grande assemblée. La joie de la petite blonde est palpable, tandis que la mienne, plus retenue mais pas moins réelle, se traduit dans le regard et le sourire que nous échangeons avant de nous pencher sur les documents à signer. Au dernier trait de stylo sur le papier, c’est officiel ; Joanne et moi sommes mariés. Une partie de moi ne le réalise toujours pas, celle là même qui était persuadée que la jeune femme refuserait pareille folie. L’autre savoure le moment, et cette sensation que les étoiles sont enfin dans le bon alignement, que tout est en place, sur les rails, et qu’il n’est plus rien pour nous faire quitter la route. A partir de maintenant, il s’agit de nous contre le reste du monde, de préserver et chérir notre univers, notre bulle, et nourrir cet amour qui connaîtra sûrement d’autres aléas mais que rien ne saurait remettre en question. Une nouvelle fois, je me penche sur les lèvres de celle qui est désormais mon épouse. « Je t’aime. » je lui réponds dans un murmure. Son regard bleu ne désemplit pas de larmes. Ses joues sont roses et chaudes dans mes mains. Et tout le bonheur que je devine en elle et en moi à cet instant ne la rend que plus belle encore. C’était la bonne décision, et maintenant que cela est fait, je sais qu’il n’aurait pu en être autrement. Avant de quitter la salle et la mairie, nous ne manquons pas de remercier l’adjoint et nos témoins improvisés qui nous adressent toutes leurs félicitations. C’est le coeur gonflé de joie et d’optimisme que je retourne sur la place avec Joanne, sa main dans la mienne. L’air extérieur, un peu plus frais que tout à l’heure sous un ciel un peu plus sombre, n’est pas sans faire le plus grand bien afin de se remettre de ces émotions. Néanmoins, ce brin d’euphorie ne me quitte pas et ne le risque pas avant bien des heures, peut-être les jours. « C’était très bizarre de t’entendre m’appeler James. » je fais remarquer, taquin. Je sais qu’elle préfère Jamie autant que moi, non seulement parce que c’est ainsi qu’elle m’a toujours connu, mais aussi parce qu’il me convient le mieux. Et puis, c’est encore mieux lorsque cela est articulé au son de sa voix, avec toute la tendresse qu’elle sait y mettre. « En revanche, Joanne Keynes, ça c’est quelque chose qui sonne parfaitement bien. » j’ajoute avant de lui voler un baiser. Le titre, lui, n’est pas important. Aussi intimidant soit-il, il ne signifie rien. Joanne reste Joanne à mes yeux, à ceci près qu’elle porte désormais mon nom et que cla ne la rend que plus précieuse pour moi. Elle est mon monde, et cela est d’autant plus concret depuis une poignée de minutes. Le pas un brin hâtif, je la conduis de l’autre côté de la place. « Viens. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de cérémonie aujourd’hui que la soirée ne doit pas être un peu spéciale. » Nous rejoignons la voiture. Daniel entre de bonnes mains, nous pouvons encore nous accorder du temps. J’ouvre la portière côté passager de l’Audi et invite la petite blonde à s’installer avec un « Milady » affectueux autant que malicieux. Elle n’est plus Miss Prescott maintenant. La route est courte et nous mène sur l’autre rive du fleuve. Derrière des palmiers, la devanture boisée du Stockhouse se devine, surplombée par l’un des ponts de la ville. Des grandes baies vitrés fuit la lumière de l’intérieur. La salle ne manque jamais de clients et ce soir de semaine est tout particulier. D’innombrables tables de deux sont disposées à la place des plus grandes tablées habituellement disponibles. La notre est près de la baie vitrée, de là où nous pouvons voir le fleuve et les quelques bateaux qui le parcourent ainsi que les immeubles du centre-ville. Je m’installe en face de Joanne et demande immédiatement une bouteille de champagne. Avant de songer à me pencher sur le menu, ma main trouve la sienne et mon pouce glisse délicatement sur les diamants qui ornent désormais son annulaire. « J’espère qu’elle te plaît. » Cette preuve pour moi, pour tout le monde, qu’elle est ma femme. Qu’elle est mienne. Mais d’elle ou de la bague, c’est bien Joanne qui est le trésor le plus précieux.
S'il y avait bien une chose qu'ils adoraient tous les deux, c'était bien d'être transportés loin de la réalité, qui avait bien été trop souvent rudes avec eux. Ils créaient leur rêve sans pour autant se bercer d'illusions. Ils concrétisaient leur choix, chaque pas forgeant un peu plus un univers qui leur était propre et qui leur ressemblait. Ce n'était pas un monde parallèle, ni une alternative au monde réel, encore moins un endroit totalement chimérique. Peut-être les qualifieraient-on de grands rêves, mais eux, ils parvenaient à les réaliser. Avec une détermination qui aurait pu faillir plus d'une fois, à chaque rupture. Et pourtant, les voilà mariés, à s'embrasser comme si leur vie en dépendait. Ils venaient à peine de signer le papier qui officialisait le tout. Aux yeux de la loi, de leur pays, ils étaient mari et femme et il n'y avait pas plus beau sentiment. Ils avaient fait ce qu'ils devaient faire, ce qu'il y avait de juste et de mieux. Pour eux, pour leur couple, pour Daniel. Il n'était pas vraiment en âge de comprendre, mais il allait bien vite assimiler qu'il aurait droit de voir ses parents tous les jours, jusqu'à la fin. D'ailleurs, une vive pensée traversa l'esprit de Joanne, son côté pratique et logistique. Aussi traditionnaliste était-elle, il lui était impossible de songer que, dorénavant, ils vivaient dans différentes maisons alors qu'ils étaient mari et femme. Ca ne collait pas, ça ne fonctionnait pas comme ça. Ils y viendraient forcément plus tard, et elle était certaine que Jamie ne l'entendrait pas de cette oreille là, non plus. Un de leurs points communs était bien la vision qu'ils avaient du mariage, son caractère sacré sans prendre en compte tout l'aspect religieux. Il y avait là des valeurs, des principes qu'il ne fallait absolument pas transgresser. Une fidélité et une loyauté sans bornes, des promesses qui se devaient d'être tenus jusqu'au bout. Jamie avait été amusé d'entendre la petite blonde l'appeler par son véritable prénom. "Ce sera l'une des très rares fois." lui assura-t-elle en riant. Même si Jamie était déjà un pseudonyme, jamais ne l'entendrait-on l'appeler Jay. Même pour n'importe qui, Joanne n'utilisait jamais de diminutif pour qui que ce soit. "Je pense que je prendrai très vite l'habitude qu'on m'appelle ainsi. J'aime beaucoup." L'entendre dire par Jamie illuminait de plus belle son regard bleu. "C'est que ça devait être ainsi." Une évidence parmi tant d'autres. "Je suppose que tu vas désormais t'amuser à m'appeler Lady à tout va." ajouta-t-elle avec un rire amusé. Il se prêtait déjà bien à ce jeu alors qu'ils étaient fiancés, nulle doute que cela le reprendra maintenant qu'elle avait la bague au doigt. "La petite roturière autochtone obtient un titre, juste ciel." s'amusa-t-elle à dire. On pourrait être surprise que Joanne fasse plus preuve d'auto-dérision que d'une faible estime de soi. Pendant longtemps, elle se rabaissait constamment, encore moins par amusement. Sans surprise, Jamie avait prévu une suite pour cette série, qu'il y ait mariage ou non. Il avait réservé une table dans un restaurant, et ils étaient plutôt bien situés, en étant près de la baie vitrée. Il fallait arroser cet événement malgré tout et il avait commandé d'emblée une bouteille de champagne. "Je te laisserai vider la bouteille, tes pensées traverseront plus rapidement ta bouche. s'amusa-t-elle à dire avec un regard malicieux. Et elle aimait bien ces petits instants, où Jamie trouvait plus de facilités à exprimer tout ce qu'il ressentait. Cela ne le rendait que plus adorable, avec ses rires et ses sourires nerveux ou embarrassés. "Elle est parfaite." lui assura-t-elle en regardant Jamie caresser du bout de son doigt le bijou en question. "D'un côté, je pense que tu savais qu'elle me plairait. Tu connais beaucoup trop bien mes goûts." Mieux qu'elle ne connaissait les siens, à vrai dire. Il lui arrivait encore à faire de sacrés faux pas en matière de cadeaux et rien que d'y songer la mettait encore affreusement mal à l'aise. "Elles sont toutes les deux parfaites." précisa-t-elle en indiquant d'un signe de tête la propre alliance de Jamie. Elle posa sa main gauche sur la sienne. "D'un sens, je trouve qu'elle nous corresponde. Je ne saurais pas trop dire pour quoi, mais c'est le premier sentiment qui me vient en tête." En voyant ainsi leur main, elle se dit qu'à l'occasion, il faudrait les prendre en photo. Leurs mains, leurs alliances, tout ce que cela signifiait. "Qu'est-ce que ça te fait ? Qu'est-ce que tu ressens ?" lui demanda-t-elle, l'air à la fois curieux, et bienveillant. Il se contenait assez, parce qu'il était ainsi. Il y avait une fois en particulier où il avait bien été incapable de contrôler une telle joie, et c'était le jour où Joanne lui avait appris sa grossesse. Où, à l'antenne, il avait explosé de joie, rendant le tout particulièrement contagieux. Un moment tout aussi émouvant que celui qu'ils vivaient actuellement. "C'est certainement la chose la plus dingue et la plus spontanée que j'ai pu faire de toute ma vie. J'avais peur de penser autrement avec un peu de recul, une fois le moment lui-même passé, mais il n'en est rien." Joanne lui sourit avec tendresse. "J'ai ce sentiment d'être où je le devrais, avec la bonne personne, que nous avons fait ce qui était à faire au bon moment. Comme si tout s'était réuni pour que ce moment là puisse exister." Bien sûr qu'il y avait un peu de mystique, bien sûr qu'il y avait un peu de magie; parce que Joanne le croyait. Il y avait quelque chose, et cela lui semblait de plus en plus évident. Le serveur arrivait avec les flûtes et les remplit de champagne tout en diposant au centre de la table une assiette avec quelques amuse-bouches afin d'ouvrir l'appétit de ses deux clients fraîchement mariés. "D'où t'es venu cette idée, de nous marier ce soir, maintenant ? Tu y songeais depuis longtemps où tu en as eu l'illumination en te levant ce matin ?" A moins que ce ne soit les deux ans de Daniel, deux années tumultueuses pour lui aussi, mais il ne semblait pas en avoir trop pâti. Au contraire, il semblait être le plus heureux des petits garçons, maintenant qu'il avait ses parents réunis. Joanne prit avec grâce la flûte de champagne et la leva un peu. "A toi, mon mari. A nous." Qu'il était encore un peu étrange, de le nommer ainsi, mais ô combien appréciable.
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À peine le mariage concrétisé, le statut de mari et de femme s'impose naturellement. Aucune question ne se pose à propos du changement de nom de Joanne qui prend effet immédiatement. Elle est Mrs Keynes désormais, Lady pour la forme, ce qu'elle n'oublie pas et qui prendra la place de nos anciennes taquineries affectueuses. « Je n’en abuserai pas. » je lui assure néanmoins. Si le titre l'intimide, pour la part il m’est inconfortable. Je ne me vois pas dans cette peau, dans ce rôle, pas depuis ce pays, pas dans la vie que je mène. Et l'Angleterre est bien loin. Je doute que la nouvelle du mariage ne voyage jusque là bas. Je ne compte pas en parler à ma mère et quand bien même, soit elle n’en aurait cure, soit elle ne s'en souviendrait pas en quelques jours. La seule britannique de mon entourage pouvant être au courant sera Irene, et elle saura respecter la discrétion que je souhaite à ce sujet. Je n’ai aucune honte, là n'est pas la question ; mais quitte à donner une cérémonie malgré tout afin d'affirmer la chose, autant faire profil bas en attendant. L’anneau au doigt suffira à faire deviner le mariage bien assez tôt sans que nous n'ayons à ouvrir la bouche. Il y aura sûrement des vexés de ne pas avoir été mis au courant immédiatement, mais chaque chose en son temps. Ces pensées sont loin tandis que nous sommes attablés au restaurant, profitant simplement du moment, d'un nouveau climat prospère. Le champagne est commandé, et Joanne me rappelle quel effet cela peut avoir sur moi avec un grain de malice. « Je dois encore nous reconduire à la maison en un morceau. » je souligne néanmoins, il n’est donc pas question d'abuser de la boisson. Simplement de célébrer en attendant la véritable fête dont la date sera choisie bien assez tôt sans doute. Sans pour autant remettre en question mon choix en matière d'alliance, je m'assure que le bijou convienne à Joanne. Je ne doutais pas vraiment qu'elle l'aimerait, mais je craignais qu'il ne conviendrait pas, à ses yeux, comme anneau à porter tous les jours dès lors. Qu'elle ne soit pas pleinement convaincue en somme. « J’avais quand même mes appréhensions. » j'avoue. Tout le soin à été apporté dans le choix de sa bague plus que dans la mienne, bien que je me sois assuré qu'elles soient assorties. Le motif en vagues sur la tranche est discret, et une gravure sera sûrement apportée plus tard avec la date de ce jour particulièrement important. Il ne m'en faut pas plus. Elles nous correspondent, oui, c'est également ainsi que je l'ai ressenti en les choisissant. Comme si Joanne en verrait toutes les significations possibles d'un simple coup d'œil. Les émotions qui me traversent lui sont, elles, moins évidentes. Il faut dire que j'ai plus de facilités à me laisser aller aux explosions de rage que de joie. Mais le bonheur est plus aisé à traduire dans un sourire ou un regard. « Honnêtement, j’ai l’impression que mon coeur va exploser. » dis-je avec un petit rire. J’hausse les épaules ; c'est un bonheur à la fois si intense et simple que les mots sont difficiles à trouver pour le traduire. « Je suis juste… heureux. Du genre de bonheur si grand qui tombe si soudainement qu’il laisse sans mots, sans souffle. Juste… à apprécier le moment. » Cela peut sembler bien en dessous de ce que l'événement mérite, mais Joanne ne peut que croire en ma parole et comprendre qu'il n’est rien pour parfaitement traduire ce que je ressens. Le pire aurait sûrement été que ce mariage sans cérémonie laisse finalement la jeune femme amère. Qu'elle n'en soit si contente, ni satisfaite, et qu'elle souhaite un retour en arrière. Mais les minutes passent et Joanne semble plus s'accommoder de son nouveau statut d'épouse que de s'en plaindre. « Eh bien je suis plutôt soulagé qu’il n’y ait pas de regrets après coup. Tu n’as pas vraiment eu beaucoup de temps pour réfléchir après tout. » Ce qui n’était pas un coup de tête pour moi en appelait un de sa part, et sans cette petite flamme aventureuse en elle, rien n'aurait pu être possible. Et Joanne aurait pu me rire au nez, me débouter, même m'en vouloir de donner l'impression de prendre cet enjeu à la légère. Cela n’a pas été le cas. La jeune femme me connait mieux que quiconque et sait que ces impulsions ne proviennent pas de nulle part. Elle a souvent foi en mon jugement, mais cette fois seul son coeur et sa conscience pouvaient effectuer ce choix de concert. Je ne sais pas ce qui l’a poussée à accepter, quant à elle, curieuse, elle me demande ce qui m’a inspiré pareille demande. « Depuis que tu viens plus régulièrement à la maison avec Daniel, j’ai remarqué que c’était à chaque fois un peu plus difficile de vous laisser repartir pour Toowong quelques jours. Et ces jours-là, vous manquiez, quelque chose n’était pas à sa place. J’ai réfléchi, à propos de nous deux, de notre famille, et ça me paraissait ridicule de recommencer du début pour la énième fois alors que nous avons déjà une famille ensemble. Quant à repasser par l’étape des fiançailles… J’ai eu l’impression que nous nous freinons parce que, soit disant, il le fallait. Parce que les gens normaux prennent le temps après une rupture comme la notre. Mais au fond, ce qu’il nous fallait pour guérir de tout ça, c’était uniquement d’aller de l’avant. » Nous avions répété le même cycle assez de fois et cela.ne nous avait pas réussi. Néanmoins nous prenons tous deux les engagements d'un mariage bien trop au sérieux pour que, à l'avenir, notre couple soit entièrement remis en question à nouveau. Il y avait eu assez d'épreuves, de tests. Assez pour créer des certitudes. « Et je ne sais pas trop pourquoi, hier a été un déclencheur, et je n’arrivais pas à penser autre chose, que c’était ce qu’il fallait faire. » Je hausse les épaules, un peu gêné, espérant que ces explications suffisent. Le serveur fait interruption avec le champagne. Les deux coupes pleines tintent délicatement. « A ma Lady. » j'ajoute avant de prendre une fin gorgée. Certes, il n’y a pas de traiteur et deux cent invités autour de nous, mais ici, tout près de la baie vitrée, en tête à tête, un peu de magie fait quand même son effet. « Parlant de cette division entre deux maisons… » je reprends. Le fond de ma pensée est évident, surtout pour Joanne qui ne me connaît que trop. Elle doit se douter de la suite de mes paroles, si elle n'y a pas songé elle-même avant moi. « Nous pouvons rapatrier tes affaires et celles de Daniel chez moi dès ce week-end. Une famille doit être sous le même toit. » Cette séparation ne peut durer plus longtemps, cela est impensable. Et l'idée de pouvoir retrouver ma femme chez nous tous les jours élargit mon sourire.
Bien que Joanne tenait énormément à avoir une cérémonie et que Jamie lui avait promis qu'il y en aurait une, elle appréciait la discrétion de leur union. Une preuve qu'ils étaient capables d'être excessivement modestes, à la recherche du plus simple et naturel, du plus pur peut-être. Pas d'artifices pour enjoliver quoi que ce soit, rien qui pouvait potentiellement gâcher la cérémonie. Tout le monde avait été bienveillant durant la signature des papiers, personne ne s'y était opposé. C'était un élément supplémentaire de leur petite bulle. Joanne se doutait bien qu'ils n'allaient pas vraiment en parler autour d'eux. On verra peut-être sa bague, on supposerait qu'il y ait des fiançailles, mais elle ne dirait rien si personne venait à le lui demander. C'était comme un secret sans en être véritablement un. Mais c'était quelque chose qui mérité d'être chéri et d'être protégé de toute âme qui s'y opposerait d'une façon ou d'une autre. Jamie ne comptait pas trop abusé de l'alcool ce soir là, il devait encore conduire par la suite. Mais juste de quoi marquer le coup, fêter l'événement comme il se doit. Il préférait se concentrer sur l'alliance de son épouse, ayant eu un brin d'appréhension en se demandant si elle allait véritablement lui plaire ou non. "Tu n'as plus à en avoir." répondit-elle avec un sourire tendre, lorsqu'il parlait de ses appréhensions. Jamie était méticuleux, il adorait tout autant le sens des détails qu'elle et il avait certainement cherché à ce que chaque élément ait une signification. Parce que Joanne adorait les messages cachés. Il n'y avait pas de place au hasard, ni à la coïncidence. Tout comme elle adorait étudier les tableaux de très près, où chaque peintre se devait de peindre tel ou tel artifice, donner telle couleur à un vêtement, afin d'y présenter tout ce que le client désirait que l'on y voit. Certains artistes, astucieux, y glissait leur propre message, et tout ceci était ce qu'il y avait de plus fascinant. En somme, Joanne adorait cette alliance. La petite blonde avait ensuite à savoir ce qu'il ressentait exactement. Il n'avait certainement pas l'habitude d'être aussi heureux, étant bien plus sujet aux accès de colère et de frustration. Il avait raison, il n'y avait pas forcément les mots nécessaires pour traduire cet élan d'euphorie qui regonflait le coeur à bloc. Jamie avait bien d'autres moyens d'exprimer son amour, son bonheur, tous ces sentiments positifs auxquels il peinait tant trouver des mots aussi forts que toutes ces émotions. "C'est le plus important, que tu sois heureux. Que nous le soyons tous les deux. Et Daniel aussi." Parce que c'était le genre de choses qui se transmettaient à l'un l'autre. Que si l'être aimé était bien, alors on l'était aussi, et inversement. Une dépendance qui avait aussi un revers de la médaille mais qui allait grandement s'altérer grâce au choix qu'ils avaient fait ce soir. "Je me suis dit... Que j'ai largement eu le temps de réfléchir. Qu'il y a eu toute une année compliquée et intense derrière qui m'ont permis de faire la part des choses. Nous revenions à chaque fois à la même évidence, qu'il faut se marier. Nous n'attendions que ça pour avancer. Bien sûr que j'ai été prise un peu de court quand tu me l'as demandé. Mais nous en avions besoin, nous désirions plus que tout cette preuve là." Ils auraient été mariés depuis plus longtemps s'il n'y avait pas eu tous ces événements qui avaient tout balayé sur leur passage. "Et tu vas me trouver peut-être ridicule m'entendant dire cela, mais..." Elle rit nerveusement en replaçant une mèche de cheveux derrière son oreille. "J'ai eu une brève pensée qui m'a fait rappeler Grace, si le livre dit tout vrai. Elle a voyagé jusqu'en Italie pour aller le voir, pour lui expliquer la situation et en un claquement de doigt, elle a décidé de rester et d'épouser Celso, comme ça, parce qu'il le fallait, parce qu'ils étaient incapables de vivre séparément." A force d'avoir lu et relu le roman en question lorsqu'elle l'avait en sa possession, la petite blonde avait fini par avoir une très forte admiration pour l'Anglaise qui avait du braver bien des choses au courant de sa vie. Comme un exemple à suivre, une force de caractère qu'elle rêverait d'avoir. "Et je me suis dit que nous aussi, nous avons attendu longtemps, qu'il y avait aussi des personnes qui s'opposaient à ce mariage. Je me suis dit que nous en sommes aussi capable, que nous avons aussi cette force là. Je sais que j'ai eu des doutes, mais quand tu me l'as proposée, quand tu m'as dit tout ce que tu pensais, tout semblait si clair, comme de l'eau de roche. Quelque chose d'évident, et que personne ne pourrait transgresser." Parce qu'un mariage, c'était sacré. C'était le béton qu'ils recherchaient si ardemment pour solidifier leur union, pour les empêcher de se faire autant de mal et de multiplier à nouveau les séparations. Il en était hors de question. Depuis qu'ils étaient ensemble, devoir se quitter devenait effectivement de plus en plus difficile. On s'habituait très vite à la présence de l'être aimé, à partager des moments ensemble, à passer des nuits dans les bras de l'un l'autre, pour être réveillé aux aurores par un petit garçon en pleine forme. Même Daniel n'avait pas perdu ses habitudes, d'ailleurs. "Et nous sommes en train d'aller de l'avant, et pas qu'un peu." conclut-elle en venant croiser ses doigts avec les siens. Ce jour allait rester dans les mémoires, et s'ajoutait dans leurs plus beaux accomplissements. Le champagne était ensuite arrivé, ils trinquaient ensemble et dégustaient la boisson comme il se devait. L'évidence même coulait de source pour la suite des événements. Jamie avait pensé exactement comme elle : ils devaient vivre ensemble. C'était une obligation, mais une obligation qu'ils allaient largement apprécié. "C'est l'une des premières choses à laquelle j'ai pensé dès que nous somme sortis de la salle." avoua-t-elle avec un petit rire. Ils ne pouvaient plus vivre séparément une fois mariés, cela était inconcevable. "Il faut que je me dépêche de faire mes cartons, alors." dit-elle avec un sourire malicieux, la phrase suffisant d'elle-même pour signer ce nouvel accord. "J'ai plus hâte qu'autre chose, à vrai dire." confessa-t-elle avec un enthousiasme qu'elle contenait ; que si elle ne le faisait pas, elle se lèvera et irait se jeter sur ses lèvres. "Et il faudra revendre des meubles, et la maison aussi." Beaucoup d'administratif à venir, et ce n'était pas ce que Joanne préférait faire, loin de là. Mais il le fallait, et ce n'était que pour avoir des jours meilleurs par la suite. "J'espère que ce sera assez grand pour quatre chiens." La petite blonde rit. Il y allait avoir plus d'animaux que d'humains sous ce nouveau toit. Ca n'allait pas manquer d'animation, loin de là. "Il y a tant à faire." songea-t-elle, passant en revue le programme de ces prochains jours. Le serveur passait ensuite pour prendre rapidement commande des entrées et du plat principal. "J'ai hâte d'être ce weekend. De me dire, qu'à partir de ce moment là, je rentrerai tous les soirs pour te retrouver. Qu'il n'y a plus à attendre les weekends ou à se demander à quel point la journée doit rempli pour savoir si nous pouvons juste passer dire bonjour et échanger un baiser. Retrouver cette sensation là me réjouit tellement." Joanne n'avait plus devant elle d'interminables journées à combler comme lorsqu'elle était enceinte ou quand elle avait Daniel qui était encore tout petit. Il dormait encore beaucoup à cet âge là et Joanne passait le plus clair de son temps à attendre que Jamie ne rentre à la maison, en somme. Elle se doutait bien qu'en plus de cette évidence que de vivre ensemble suite à un mariage, Jamie se sentirait peut-être plus rassuré. Il avait malgré un instinct protecteur et ils avaient suffisamment vécu de traumatismes pour nourrir cette envie de les protéger, de les avoir près de lui. Une forme de sécurité, tout comme lui se sentait en sécurité dès qu'il venait se blottir dans les bras de Joanne. "Tu me feras une petite place dans ton dressing ?" le taquina-t-elle avec un regard pétillant. Nul doute que Jamie trouverait un moyen de faire de la place où il faut dans la mesure où ce serait pour elle qu'il le ferait. "Ca va être aussi bénéfique pour Daniel, de ne plus changer régulièrement de maison, de voir ses parents ensemble tout le temps, et ses chiens aussi. Enfin, il me semble que depuis que nous sommes à nouveau ensemble, il a l'air encore plus épanoui qu'il ne l'était déjà. Je ne dis pas qu'il était malheureux quand je m'occupais de lui, ce n'est pas ça, mais... Enfin il n'a jamais véritablement caché l'envie de vouloir voir sa famille à nouveau réuni, avec ses multiples tentatives de câlins groupés et l'envie qu'il exprimait pour que nous jouions tous les deux avec lui." expliqua-t-elle avec un rire, en se remémorant ces instants là avec amusement.
And drink imaginary tea - And speak a language only we can understand znd I will fight back the tears As we fly through the years and I’ll keep you as close as I can
Quelque chose s'était brisé, il y a un peu plus d'un an de cela. Tout laissait penser que le fossé qui s'était formé serait insurmontable. Néanmoins, avec ce vide entre nous, ces retards et ces paroles d'étrangers que nous avons échangés durant des mois, quelque chose d'autre avait surgi. Le fossé était devenu le vide à combler et les mots des sos. Une fois les deux morceaux d'un monde réunis, il tourne de nouveau rond. Et le ciment de ce tout est la plus inattendue des déclarations. C'est l'année passée qui, au final, a mis en avant la nécessité de cette union. Pour les uns, il s'agit de forcer ce qui ne peut pas être, ce qui n’a jamais fonctionné, de recoudre les membres de cette relation façon monstre de Frankenstein et contraindre la vie d'animer cette chose morte-née. Comme si une bague au doigt pouvait changer quoi que ce soit. En quoi cela absolument tout changer ? Parce que ce voeu est sacré. Parce que cet amour n’est jamais vraiment mort. Parce qu'il est quasiment dans notre nature d'être poussés l'un vers l'autre, écrit dans les gènes, parce qu'elle est l'autre moitié de cette âme qui ne trouve la complétude nulle part ailleurs. Joanne veut croire qu'il y a quelque chose encore au delà, quelque chose qui n’est pas tant à propos de nous, mais dont nous sommes des acteurs parmi d'autres. Un fil d'Ariane dans le temps. Elle y tient beaucoup, à cette chimère ; quant à moi, malgré le bénéfice du doute que j’offre à ces théories, je conserve un pied sur terre. Je souris à la jeune femme, attendri, sans lui rire au nez. Elle ne me paraît pas ridicule, simplement rêveuse, imaginative et maladivement romantique, ce qui ne sont pas des défauts en soi. “Well, le parallèle me convient tant qu'il n’est pas question que je termine sur un bûcher.” dis-je avec un petit rire, car je n’oublie pas le destin tragique de l’homme du récit, celui-là même qui aurait peint tous les tableaux que nous sommes allés voir à Rome, brûlé par son ambition, ses désirs de vengeance, et les flammes supposées purifier son coeur d’où s’était échappée la foi. Il y a quelque chose d’angoissant à subir le comparatif d’un homme pareil, quelqu’un qui a ruiné absolument tout ce qu’il avait, qui n’a pas su s’arrêter, et qui n’a pas pu voir ses enfants grandir. Joanne n’y voit que la beauté mystique et dramatique d’une histoire d’amour ; j’y décèle bien d’autres morales. Il est désormais question de son emménagement à la maison, qu’elle et Daniel quittent Toowong afin de me rejoindre sur la côte. Il n’y a aucune bonne raison pour que cela prenne du temps, il paraît absolument nécessaire que la famille soit réunie et il n’y a pas de questions à interposer à ce souhait. Il est évident que cela s’appliquera dès ce week-end, puis plus progressivement le reste se mettra en place. “Nous verrons les détails plus tard.” je balaye d’un revers de la main. De toute manière, je prendrait sûrement en charge la paperasse -ou quiconque d’engagé pour cela le fera. La maison sera probablement ajoutée au patrimoine de la famille plutôt que d’être vendue et trouvera des locataires sans attendre. En attendant, la place de Joanne et de notre fils est avec moi. Nunki et Sirius s’ajoutent à l’équation, et je réalise que nous manquerons peut-être d’espace en comparaison avec mon standard habituel. Après tout, ma nouvelle habitation était pensée pour un homme entretenant son célibat, moins pour une vie de famille. “Je devrais pouvoir te libérer un tiroir et trois cintres.” je réponds à la petite blonde, l’air sérieux arboré trahi par un sourire en coin. Quant à notre garçon, il est évident que ce changement sera pour le mieux. Je ne pense pas qu’à son si jeune âge il ait réellement compris que ses parents étaient séparés ni que, aujourd’hui, ils sont à nouveau ensemble. Cela s’est uniquement traduit par plus de temps passé avec sa mère et un père ne répondant pas présent dès qu’il était appelé à plein poumons. Je doute que cela ait été plus difficile et traumatisant pour lui que pour nous. Mon regard se laisse distraire un court instant par la vue. Il fait de plus en plus sombre, et les lumières brillent plus fortement de minute en minute. Le trafic baisse, les bureaux du centre-ville s’éteignent les uns après les autres, ceux des plus obstinés en dernier. C’est un jour de semaine comme les autres pour tous ces gens que je devine fourmiller dans les rues de l’autre rive, une Saint-Valentin banale pour ceux qui le fêtent. Mais pour nous deux, tout petits à l’échelle de tout ceci, il s’agit d’un des jours les plus importants de notre vie. C’est étrange comment, pour une seconde, un petit moment, cela semble presque irréel. Sur la baie vitrée finit par se dessiner la silhouette du serveur approchant avec les plats, et cette odeur là qui me taquine les narines me fait revenir sur terre. Je reprends une gorgée de champagne avant d’attaquer l’assiette. “J’espère que nous ne serons pas trop les uns sur les autres, la maison est bien plus petite que celle de Logan City.” je reprends avec le premier coup de fourchette. Nous verrons bien, me dis-je en haussant les épaules. “Tu comptes en parler à tes parents ? Est-ce qu'ils savaient que nous nous revoyions ?” Me concernant, la question ne se pose pas. Mais pour Joanne, malgré une relation fluctuante avec son père et sa mère, il est naturel qu’elle veuille leur dire qu’elle s’est remariée. La nouvelle ne serait pas tant un problème si l’époux en question n’était pas aux antipodes du gendre idéal, et la signature effectuée dans un élan de spontanéité. La question est plutôt de savoir à quelle sauce je me ferai manger, quel calibre de revolver je trouverai dans leurs regards.
Bien qu'au début il feignait ne pas s'intéresser et encore moins y croire, Jamie n'avait jamais empêché sa belle d'y croire et de laisser bercée par ce dont elle était persuadée. Comme si elle avait cette nécessité d'avoir un peu de fantastique dans sa vie, une part d'inexplicable. Elle savait bien que ça ne justifiait pas tout, loin de là, mais elle n'avait jamais été une grande croyante en matière de coïncidence et de hasard. Le bel homme la regardait avec tendresse, sans jugement et sans moqueries. Il était bien plus cartésien qu'elle, c'était certain. "Je ne laisserai pas faire, de toute façon." lui répondit-elle avec un sourire, lorsqu'il faisait allusion au destin tragique de Celso, si le livre disait effectivement vrai. Sa bien-aimée l'avait pourtant averti plus d'une fois, de ne pas se laisser aveugler par la soif de pouvoir, d'une justice qu'il voulait à tout prix exécuter afin de promettre l'empire le plus grandiose à son épouse. Il le lui avait promis, comme s'il s'agissait d'une motivation supplémentaire, il ne la voyait pas autrement qu'impératrice. Il voulait lui promettre le plus beau tout en récupérant ses droits et ses biens, et cela lui avait coûté la vie, laissant femme et enfants derrière lui. Une triste fin, une conclusion faisant office de morale, certainement. Mais le tout semblait si crédible, l'histoire tenait tellement bien la route que Joanne adorerait avoir un jour le fin mot de l'histoire : n'était-ce le rêve d'un artiste qui rêvait d'obtenir tout ceci, ou avait-on cherché à faire oublier cet homme qui aurait pu redéfinir l'intégralité de l'Histoire ? Une question fascinante et qui restait constamment dans l'esprit de la petite blonde. Mais pour le moment, il était avant question d'emménagement, de déménagement, et de savoir quoi faire de tous ces biens. Jamie ne voulait pas s'y attarder outre mesure, il allait très certainement prendre toutes les choses là en main. Il aimait toujours avoir un certain contrôle en s'impliquant énormément dans la gestion de tous ces détails à revoir. Il fut ensuite particulièrement rêveur, à regarder le paysage qui s'assombrissant en l'absence d'un soleil qui s'était dissimulé au-delà de l'horizon. Joanne profitait simplement de ce temps là pour le regarder, ou plutôt l'admirer, tout en tentant de réaliser qu'il était bel et bien son époux. Cette idée embellissait son coeur d'une agréable aura et lui donnait aussi l'envie de l'embrasser. "Je pense que les chiens ne galéreront pas trop à se trouver une place." dit-elle avec un rire. "Et s'il le faut, je resterai constamment collée à toi s'il faut en gagner." Difficile d'oublier la maison à Logan City, cela dit. Ce toit avait abrité sous son toit de merveilleux moments, mais aussi les pires. Mais pas question de tout oublier, ceci faisait partie de leur histoire d'amour, aussi singulière pouvait-elle être. "Je ne me fais pas de soucis pour ça, nous trouverons comment faire." lui assura-t-elle avec un doux sourire pendant qu'elle continuait de manger son plat. Mais Jamie arrivait à un point important qui effaça peu à peu le sourire de sa belle. Ses parents. La petite blonde restait longuement silencieuse, ne sachant pas elle-même comment elle devrait s'y prendre. "Ca fait des mois que je ne les ai pas revu, j'ai été très occupée ces derniers temps." L'hospitalisation de Jamie, sa convalescence, un travail dense, et tous les impératifs qu'elle avait à faire par rapport à son foyer avaient eu raison du temps qui passait. "J'ai souvent ma mère au téléphone cela dit, elle sait que je suis restée auprès de toi après ce qu'il t'est arrivé, que ça allait mieux entre nous même si nous ne savions pas sur quel pied danser, que tu as repris la garde de Daniel." Joanne avait la tête bien basse, plus songeuses qu'autre chose. "Et pour le baiser aussi. Enfin, elle l' a deviné d'elle-même. Elle sait que je suis toujours amoureuse de toi. Mais je ne l'ai pas eu au téléphone depuis le début de l'année, sauf pour Nouvel An. Je passais tous les weekends chez toi, et en semaine c'est compliqué. De plus, ils veulent encore un petit peu rester à Perth, ils y étaient pour les fêtes de fin d'année. Je pense que Maman comprendrait, pour Papa, je l'ignore, à vrai dire." Mais avoir la désapprobation de ses parents étaient pires que tout pour elle, elle était terrifiée à la simple idée d'imaginer son paternel lui lancer un regard noir. "Je suis certaine que Nanny aurait approuvé. Les événements spontanés de ce genre, elle a toujours adoré." Sa grand-mère lui manquait toujours énormément. Au moment de son décès, et des mois qui ont suivi, tant de choses étaient en train de se passer dans sa vie qu'elle n'arrivait pas vraiment à s'accorder du temps pour la pleurer et pour faire son deuil. Le manque était encore bien présent, et elle peinait à s'y résoudre. "J'ignore quoi faire..." admit-elle dans un soupir. Ca la dépitait plus qu'autre chose à vrai dire, d'envisager la plus grande des désapprobations de ses parents. Elle avait gardé une certaine distance avec eux malgré tout, que s'ils cherchaient à faire quoi que ce soit, elle se refermait immédiatement comme une huître. Elle les adorait, elle les aimait plus que tout, là n'était pas le problème. Mais de n'avoir eu que très peu de soutien ces derniers temps, qu'ils prenaient les mauvaises décisions en pensant l'aider, n'avait guère facilité les choses. "Pouvons-nous parler d'autre chose ? Je n'aimerais pas m'étendre sur ce sujet plus longtemps. Je ne veux pas que ça gâche cette soirée, ni de près, ni de loin." Certes, cela ne faisait que reporter la problématique et Joanne y serait forcément confrontée. Mais pas là, pas alors qu'ils profitaient de leur premier dîner en tant que mari et femme, à peine mariés. Soit Jamie comprendrait, soit il désapprouverait à son tour qu'elle reporte le sujet. "On pourrait plutôt parler de nos prochains projets. Le plus imminent est l'emménagement, bien sûr. Mais nous devrions aussi nous concerter pour savoir si nous devrions partir en vacances, même si ce n'est qu'une semaine. Mais il y aura aussi la cérémonie, le voyage de noces..." Son regard était malicieux, peut-être presque enfantin. Bien sûr que non qu'elle n'oubliait pas tout ceci ; Jamie le lui avait juré après tout. Songer à tout cela la faisait sourire à nouveau. "Il faut aussi décider dans quelle école maternelle Daniel ira l'année prochaine, certaines réservent des places extrêmement tôt." L'école, déjà. "Je veux avoir plein de projets avec toi, de nouveau. Que ce soit personnel, professionnel, qu'importe. J'adore que nous nous fixions des buts. Avec toi, je sais que nous y parviendrons, coûte que coûte, tu me procures cette certitude là. Que nous sommes capables de tout." Et pour une petit blonde qui avait tendance à trop se remettre en question, c'était plus que nécessaire. Celui lui prodiguait un certain perfectionnisme, certes, mais aussi des doutes si elle voyait trop d'obstacles à franchir pour atteindre son but. Elle savait qu'avoir Jamie à ses côtés, et elle du sien, ils étaient presque invincibles. Ils s'étaient toujours soutenus, même durant leur séparation, alors de quoi étaient-ils capables maintenant qu'ils sont mariés ?
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La volonté de réemménager ensemble s’accompagne de premières concessions en matière d’espace et d’organisation. Pour moi qui ai toujours aimé avec beaucoup -trop- d’espace au mètre carré par personne, être à trois humains et quatre chiens me paraît être la capacité maximale de la maison près du bord de mer que j’habite actuellement. Je suppose que cela est une question d’habitude et de point de vue et qu’aux yeux de Joanne nous ne manquerons sûrement pas de place. Mais je ne peux pas m’empêcher d’avoir une grimace intérieure à l’image des boules de poils s’accaparant tout ce petit salon. La perspective d’avoir la jeune femme près de moi est en revanche bien moins désagréable. « J’apprécie grandement ce sens du dévouement. » dis-je avec un sourire. Et puis, finalement, le bon côté des choses me revient en mémoire, et j’ai soudainement hâte de retrouver ces soirées agglutinés les uns aux autres, de devoir faire de la place sur le canapé à un Nunki et un Sirius devenus bien grands, d’avoir Milo pour jouer avec Daniel et Ben sur mes pieds pendant que la petite blonde, ma femme, sera blottie dans mes bras -faisant de son mieux pour m’empêcher de m’endormir au milieu d’un film sur la télévision. Il y a pire scénario à imaginer. Je ne sais pas moi-même pourquoi il a fallu que je mette le sujet des parents de Joanne sur le tapis. A mieux à réfléchir, s’il avait fallu en parler, la jeune femme aurait abordé la chose elle-même et aucun malaise n’aurait été provoqué. Coupable, je parle peu, j’acquiesce beaucoup. Visiblement les paris sont en ma défaveur et cela sera peut-être un problème à venir. C’est lorsqu’elle évoque sa grand-mère que sonne l’alarme de la soirée en péril et que ma main trouve celle de la petite blonde afin de calmer toute vague d’émotion en approche. « Hey, je sais que leur approbation compte pour toi. Mais c’est fait, nous sommes mariés, et je t’aime. Je prendrais soin de toi et de Daniel. Qu’ils soient pour ou contre n’y changera rien, ils devront simplement s’y faire. On leur montrera qu’ils ont tort de s’en faire. » Actuellement, je peux comprendre la réticence. Avec le temps, je suis certain que tout ira mieux. Encore faut-il passer par la première étape, en parler, et prendre le pouls en fonction de leur réaction. Mais Joanne préfère rapidement changer de sujet,et ce n’est sûrement pas moi qui insisterait. « Bien sûr. » Ma main caresse la sienne un court instant puis la laisse reprendre ses couverts. A peine une bouchée plus tard, la jeune femme propose des sujets bien plus optimistes et surtout, qui ne concernent que nous. Nous avons notre bulle et un monde à reformer, cela commence par les fondations, les projets, tout ce qui nous fera regarder dans la même direction pour les années à venir. Elle ne manque pas de rappeler qu’il y a, avant toute chose, une cérémonie à organiser et un voyage de noces à choisir. « Tu ne perds pas le nord, n’est-ce pas ? » dis-je avec un sourire amusé. Rien au monde ne lui ferait oublier la promesse que j’ai formulée plus tôt, et il n’est pas question de me défiler non plus. Des vacances prochaines me semblent proscrites pour quelques temps, mes débuts au travail à base d’absences à répétition n’ayant pas aidé à me forger une place. S’il n’y avait pas de Joanne, pas de Daniel, je sais que je pourrais m’imposer un marathon de plusieurs mois sans arrêt. C’est ainsi, lorsque je décide d’avoir la tête dans le guidon sans penser à autre chose. Mais bien des choses ont changé et aujourd’hui, le bourreau de travail change des couches et doit choisir une école maternelle. Mes yeux s’arrondissent face à cette réalité que je n’étais pas préparé à entendre. « C-comment ça ? Déjà ?! » Encore un an seulement avant de mettre mon fils à l’école. Je subis la seconde plus grande désillusion de toute vie après la découverte de la véritable identité du Père Noël ; celle d’un parent qui comprend que sa progéniture ne sera pas pour toujours ce petit être joufflu aux doigts potelés qui tient dans les bras. Qu’ils grandissent bel et bien trop vite, et que le temps file. Joanne a déjà des aspirations plein la tête. Elle se laisse bien moins porter qu’avant et se comporte plus en partenaire, en coéquipière. Et cela fait naître une petite chaleur dans mon coeur de la voir marteler que tout est possible, plutôt que de douter de chaque pas et craindre chaque option. L’optimisme lui va bien, l’enthousiasme aussi. Cela lui donne l’air un peu plus lumineuse. « Tu as raison. Nous sommes capables de tout. A commencer par régler cette question qui n’a jamais trouvé de réponse... » Avant de poursuivre avec ce qui sera de toute évidence une plaisanterie afin de la taquiner, je pose mes couverts, passe ma serviette par le coin de ma bouche et bois une gorgée de champagne. « Est-ce que nous devons vraiment avoir des choux à la crème pour le dessert du mariage ? » Ce sujet a tant agacé les deux camps la dernière fois que cela en est aujourd’hui comique. A quel point toutes ces disputes que nous nous sommes infligés à propos de la cérémonie, finalement annulée, ont l’ait désormais dérisoires ? De plus, pour avoir obtenu le consentement de Joanne pour un mariage civil particulièrement discret ce soir, la jeune femme pourra bien avoir la cérémonie de son choix. Mon stylo sera prêt à signer les chèques. « Tu sais quoi, j’ai une brillante idée. » Non, pas du tout. « Nous devrions engager Vee comme wedding planner. Je suis certain que les serviettes jaune poussin seront parfaitement assorties aux les nappes léopard avec elle. » Hors de question, mais l’image a de quoi faire sourire. D’ailleurs je ne doute pas que s’il doit y avoir une personne de mon entourage à noter l’alliance à mon doigt à la première heure demain, à GQ, ce sera bien elle et son œil affûté qui ne laisse pas le moindre détail passer. Et j'imagine déjà un tel cri que bien des vitres se briseront.
Peut-être qu'ils finiraient à manquer de place, effectivement. C'était impossible à prévoir. Mais il fallait admettre que chacun avait un peu besoin d'espace bien que toutes les relations soient fusionnelles, qu'il y ait cette possessivité qui rendait parfois jaloux au sein même de cette famille. Daniel aimait bien avoir son petit coin à lui, il décidait s'il désirait avec la présence des chiens et parvenait à bien se faire comprendre pour que sa mère fasse le nécessaire pour qu'il soit seul. Jamie avait à l'époque son atelier à Logan City dans lequel il aimait se retirer, mais aussi retrouver Joanne, s'enfermant ensemble dans leur bulle. Ils adoraient passer des moments en famille tout autant qu'ils avaient besoin d'intimité, juste eux deux. Nunki et Sirius adoraient jouer entre eux, Ben était amateur de siestes et Milo avait besoin de se défouler couramment dans le jardin. Chacun avait des besoins. Mais il fallait s'adapter, et faire avec. Que si la situation devenait trop compliquée à gérer à cause du manque d'espace, ils trouveraient une solution. Peut-être que tout allait trop vite, mais Joanne avait déjà une idée en tête à ce sujet, qui germait peu à peu dans son esprit. Le tout était de savoir si Jamie approuverait, mais ils n'en étaient pas encore à ce stade. Pour une raison qui échappait à la petite blonde, il avait très, et peut-être trop, rapidement abordé le sujet de ses parents. Troublée, Joanne ne savait que faire. Elle savait d'avance que la réaction allait plus négative qu'autre chose, la seule question qui se posait était : à quel point ? Ca la rendait nerveuse, et la mettait terriblement mal à l'aise. Jane se montrerait bien plus compréhensive, c'était une certitude. Elle allait certainement en parler à sa mère d'abord, et voir avec elle la suite des événements. Tout ceci lui rappelait également sa grand-mère. Sa disparition l'affectait encore énormément. Le beau brun prit rapidement sa main pour la caresser avec tendresse. Elle échangeait avec lui un faible sourire, acquiesçant d'un signe de tête en l'écoutant parler. "Je t'aime aussi." lui répondit-elle d'une faible voix. En y repensant, là était certainement la dernière chance pour ses parents –surtout son père– de faire preuve de compréhension et d'ouverture d'esprit. Dans le cas contraire, les ponts seraient définitivement coupés, Joanne se refermerait comme une huître devant eux et ils ne pourraient plus espérer la revoir, elle ou son petit-fils. Elle en avait assez d'avoir un entourage qui allait à l'encontre de ses choix, ou qui ne la laissaient pas choisir. Il fallait accepter cette évidence, qu'elle était mariée à Jamie, et que ce n'était pas en la reniant qu'ils pourraient espérer la récupérer, leur précieuse fille. Bien sûr, cette idée bouleverserait Joanne et l'attristerait pendant longtemps. Mais elle aimait Jamie et elle ne comptait pas se séparer de lui. Elle balayait le sujet d'une simple phrase, même si une partie de ses pensées était tourné vers cette prochaine étape à franchir. Pour l'heure, elle préférait se concentrer sur des choses plus réjouissantes, des projets qui allaient leur tenir à coeur et qui leur permettrait de se reconstruire. "C'est important." lui répondit-elle d'une voix douce, lorsqu'ils discutaient de la cérémonie à venir. "Le plus important a été fait, mais il y a tout le reste. Nous n'avons pas encore fait les voeux, toutes ces promesses, les personnes qui voudront bien partager ce bonheur là avec nous, la robe... Tout ce qui compte pour nous. Toutes ces petites choses qui solidifieront encore plus notre mariage de ce soir." Joanne rêvait de le voir, beau comme tout, dans le costume sur mesure qu'il aurait choisi pour un des jours les plus importants de sa vie. Elle voulait voir sa réaction en la voyant dans une robe de mariée, elle rêvait de ces échanges de regard qu'il y aurait à leur première danse, elle mourrait d'envie d'entendre ses voeux de mariage, de partager une coupe de champagne, d'être dans cette ambiance festive et légère, dans la décoration dont ils rêvaient tous les deux, entouré de leurs proches. Pour l'heure, Jamie se remettait à peine du fait que Daniel allait se rendre à l'école l'année suivante. Leur petit bout de choux devenait alors bien grand. "Sa toute première rentrée sera l'année prochaine." confirma-t-elle non sans émotion dans sa voix. Bie sûr que Joanne allait demander sa journée pour ce jour-là, autant pour l'accueil que pour le récupérer en fin d'après-midi, afin d'entendre tout ce qu'il aurait à raconter. Et bien évidemment, même si ce n'était que la maternelle, elle comptait bien dénicher l'établissement idéal dans lequel il pourrait le plus s'épanouir. Joanne rit en entendant son époux relever une question qui fut un jour bien épineuse. Cela lui semblait tellement lointain désormais. "Ca, mon cher, ça reste à négocier." lui répondit-elle, malicieuse et joueuse au possible. "A quoi aurais-je droit en échange, si je renonce aux choux ?" Son sourire s'élargit alors, amusée au possible. Elle pouffait discrètement avant de prendre une gorgée de champagne. Le serveur ne tardait pas à récupérer les assiettes vides afin de pouvoir entamer la suite du repas. Le vin fut également choisi. "Juste ciel, non." répondit Joanne, rieuse, quand il proposait avec plaisanterie que Vee soit celle qui organise tout pour leur mariage. Elle ferait une cérémonie bien trop pompeuse et bien loin de ceux que pouvaient désirer les jeunes mariés. "Elle sera totalement hystérique lorsqu'elle verra ton alliance." remarqua-t-elle. Vee aimait tellement les voir ensemble qu'elle était attentive au moindre indice, au moindre détail qui la ferait deviner qu'il y a du nouveau. Son enthousiasme les amusait plus qu'autre chose, mais il mettait parfois aussi mal à l'aise la jeune femme. "Nous devrions déjà lui laisser du temps pour trouver la tenue idéale. Ce sera totalement discret et pas du tout over the top, à n'en pas douter." plaisanta-t-elle. Au moindre silence, Joanne sentait son coeur s'emballer dès qu'elle avait les yeux posés sur le beau brun. Ces battements rapides lui rappelaient combien elle l'aimait, combien elle était heureuse d'avoir franchie cette étape avec lui. Elle lui prit délicatement sa main posée sur la table, elle avait toujours ce besoin d'avoir un contact physique avec lui. Parfois, il n'y avait pas les mots. Les échanges de regard suffisaient d'eux-mêmes, ainsi que ces quelques gestes de tendresse. "Pour la cérémonie, tout sera à redéfinir, même le lieu." finit-elle par dire, songeuse. Ils ne possédaient plus leur maison en campagne – et c'était quelque chose qui manquait beaucoup à la jeune femme. "Mais étrangement, je me sens plus sereine que la dernière fois. Nous savons déjà ce que nous ne voulons pas, c'est déjà un bon début." dit-elle avec un sourire amusé. "Mais pour le moment, j'ai tout simplement hâte de profiter des prochains jours, des prochaines semaines en tant qu'épouse. Tout simplement." Cela ne changera pas grand chose de leur quotidien, mais Joanne le vivrait bien différemment que si Jamie n'avait pas pris cette initiative audacieuse ce soir-là. Un rôle qu'elle prenait très au sérieux et qui avait quelque chose de particulièrement épanouissant pour elle. Les plat principaux finirent pas arriver. "Comme premier cadeau de mariage, je peux te faire lasagnes, gaufres et loukoums ce weekend, afin de célébrer notre emménagement comme il se doit." Une offre qu'il n'allait certainement pas refusé, parce que depuis Noël, il avait parlé de ces loukoums faits maison plus d'une fois. "Je viens de penser que Daniel voudra à tout prix qu'on mette son tipi quelque part. Là, oui, il pourrait effectivement y avoir un problème de place, finalement." dit-elle dans un rire, passant en revue tout ce qui devait être bougé de Toowong à Bayside.
And drink imaginary tea - And speak a language only we can understand znd I will fight back the tears As we fly through the years and I’ll keep you as close as I can
L'importance de la cérémonie, aussi purement symbolique soit-elle désormais, est inchangée et Joanne le fait bien comprendre. A mes yeux, l'idée est avant tout de partager un moment avec nos proches, de nous entourer de ceux qui comptent pour finaliser l'engagement. De marquer le coup d'une manière plus officielle et traditionnelle. Ce n’est pas tant la robe qui importe, qui change quoi que ce soit, qui compte. Mais la jeune femme est fidèle à la princesse, la petite Lady au fond d'elle qui réclame un évènement en grande pompe. Je souris en coin, j’acquiesce. Je fais mine d'engager une première bataille sur un sujet qui fut, un jour, particulièrement sensible et qui est aujourd'hui bien ridicule. Elle ne s'en offusque pas, feint la négociation à la dure, et je ris devant son adorable petit air de caïd. “La perspective de deux nuits de noces ne suffit pas comme monnaie d'échange ?” je réponds, malicieux, taquin, m'attendant à la voir rougir et l'entendre bafouiller comme à chaque fois que je mentionne notre vie intime. Puis je reprends, à peine plus sérieux ; “Je plaisante. Tu peux avoir ce que tu veux. Tu pourrais vouloir arriver en haut de l'allée dans un char tiré par des chevaux roses que ça ne poserait pas de problème.” La théorie est vraie, la pratique serait quelque peu controversée, mais pour ce qui est du dessert, comme de bien d'autres sujets concernant l'organisation de cette cérémonie, la petite blonde aura le dernier mot, point à la ligne. Néanmoins, juste pour l'image, le grotesque, je propose Vee à la tête de ce projet ; nous savons tous deux à quel point ses ambitions ne nous correspondraient pas, et que cela serait bel et bien inoubliable uniquement selon les standards de notre amie. “Non ? Pourtant elle saurait marquer le coup avec, par exemple, une reprise deep house de la marche nuptiale accompagnée d'une chorégraphie de la part d'une demi-douzaine de mannequins en speedo. Ça serait dommage de s'en priver.” Joanne balaye quand même l'idée dans un rire et je fais mine de me renfrogner derrière ma coupe de champagne remplie par les soins du serveur. “Tu sais quoi, je lui dirai que tu as refusé de réaliser son rêve et elle t'en voudra pour toujours.” Et sous ses airs de grande copine de toutes les personnes qui croisent sa route, Vee est bel et bien capable de se montrer particulièrement rancunière -mais pas pour un sujet pareil, et l’option ne sera d'ailleurs jamais envisagée, jamais réellement suggérée. “Je compte aller au travail avec des bouchons d'oreilles demain.” j'ajoute au sujet de la réaction que celle-ci aura en comprenant qu'il y a eu mariage du jour au lendemain. Au sein de GQ et Vogue, le secret n’en sera rapidement plus un. C'est définitivement le sujet de la cérémonie qui reprend le dessus dans l'esprit de Joanne, bien plus pragmatique, songeant déjà au lieu. La maison de campagne revendue, notre premier choix n’est plus une option. Pour ma part, un brin songeur, je demeure silencieux. J’observe le mouvement de ses lèvres et écoute l'enthousiasme dans sa voix alors qu'elle évoque la suite, autant les prochains jours que celui des voeux, plus lointain. Elle m’a l'air heureuse, sans entraves, sans compromis à ce bonheur. Et c'est une satisfaction de la voir sourire, de remarquer cette lueur particulière dans son regard. Pour ce soir, tout le reste n’est que détail à mes yeux. Rien qui ne puisse être traité plus tard. Le contact de sa main sur la mienne prend fin quand les plats arrivent. Joanne suggère de fêter son emménagement ce weekend, sorte de prolongations pour ce mariage discret. “Comment on dit déjà ? “Le chemin pour toucher le coeur d'un homme passe par l'estomac”, hm ?” dis-je avec un petit rire, mais pas moins intéressé par sa proposition. De toute manière, il est hors de question de refuser une tournée de nos traditionnelles gaufres. D'autant que depuis que Daniel est en âge d'en déguster avec nous, ces goûters là sont définitivement les plus drôles qui soient. Concernant son tipi, le problème n’en est pas vraiment un. “Je devrais pouvoir caser ça dans sa chambre.” je réponds avec un haussement d'épaules. Du reste, le dîner se poursuit calmement -si l’on omet le moment où, en essayant de dérober un peu de dessert dans l'assiette de Joanne, je manque de renverser tous les verres d'un mouvement du coude malhabile, attirant ainsi sur nous tous les regards de ces autres couples bien sages. Nous traînons un peu la patte sur le chemin de retour vers la voiture, main dans la main. Avant de monter dans le véhicule, j’enlace doucement Joanne, les mains sur ses reins. Je dépose un baiser sur son front, son nez, le coin de sa bouche. Mon épouse, ma femme ; les mots se murmurent délicieusement dans un coin de ma tête. “J’ai une idée.” Une vraie, cette fois. “Nous avons aussi droit à deux lunes de miel, non ?” Autant pousser le vice jusqu'au bout. Je poursuis le fil de ma pensée ; “Et si nous partions, le weekend prochain ? Nous pourrions retourner à Sydney.” Nul besoin d'aller bien loin, simplement de changer d'air pour quelques jours. Nous avions aimé la ville, elle recèle de bons souvenirs, et il y en a sûrement d'autres à se créer.