Concert de Paramore, nous y voilà enfin. Comme je l'avais deviné, je n’ai pas revu Wendy depuis qu’on a été boire et manger un bout ensemble y’a deux semaines. Mais on s’est rattrapé en SMS. Comme au bon vieux temps. Ca fait un bien fou et je dois avouer que je me sens plus à l’aise derrière l’écran de mon téléphone. Je lui ai même fait comprendre qu’elle me plaisait et c’est réciproque d’après ce que j’ai compris. Du coup j’ai de grandes attentes pour notre futur rencontre. Et cette rencontre c’est ce soir. C’est maintenant.

J’avais prévenu pas mal d’amis pour ce concert et je n’ai pas eu beaucoup de retour. Au final je devais y aller juste avec Lene, qui je pense n’était pas plus emballé que ça pour ce show. Je ne crois pas qu’elle écoute Paramore, mais j’ai trouvé ça bien cool de sa part de vouloir m’accompagner. Ensuite y’a eu Wendy. J’ai pris ce prétexte pour la recontacter, parce que Paramore entre nous c’est un big deal. Trop de souvenirs. Ca va me faire bizarre de la retrouver dans cette même configuration. Ok techniquement on s’est déjà retrouvé. Deux fois. L’année dernière et y’a deux semaines. Mais là ça va être un vrai date. Enfin je crois. J’ai évoqué à plusieurs reprise l’idée de l’embrasser ce soir et elle l’a plutôt bien pris. Je me sens donc en pleine possession de mes moyens. Ca devrait le faire. Surtout que y’a Ariane qui vient aussi ce soir. Histoire de ne pas laisser Lene tenir la chandelle. Elle m’a proposé de venir étudier le comportement de Wendy, même si je ne pense pas que ça devrait être nécessaire. Surtout quand elle va nous voir nous lécher le visage… Ca va être une bonne soirée avec elles toutes. Je le sens.

J’ai donné rendez vous à 17h30, pour l’ouverture des portes. Je suis bien évidemment en avance. Il est 17h et je ne me mets pas dans la file. Je reste planté devant l’entrée. Je n’ai pas envie d’être tout devant pour le show. Plutôt au fond tranquille pour profiter, danser, chanter, sans être trop bousculé. J’espère que les filles sont partante pour ce plan là.

Je regarde un peu autour de moi, à la recherche de têtes connues mais non personne. Enfin, pas vraiment, en voilà une qui arrive vers moi, en avance elle aussi. Je lui fais un large sourire alors que je la regarde s’approcher.

" Merci, merci, merci. T'aime, t'aime, t'aime " Que je lance, accrochée au coup de mon collègue. Austin a accepté de venir un peu en avance pour couvrir la fin de mes heures. Et moi, je viendrais en avance mardi soir pour qu'il puisse partir comme moi aujourd'hui, à 16 heures. Toutes les infirmières sont au courant de ce changement pour éviter qu'elles me cherchent partout dans le service des urgences et donc leur faire perdre du temps. C'est exceptionnel, elles ne diront rien, enfin je l'espère parce que je ne suis là que depuis un mois. Enfin, j'ai tout pris avec moi pour me changer. Je file vers les vestiaires et fond vers les douches où j'enlève ma tenue bleu foncée pour me doucher. Je vais très vite, ne souhaitant pas perdre de temps et surtout avoir le temps d'aller jusqu'à Riverstage pour le concert. J'enfile mon short noir, un débardeur noir et je passe rapidement ma chemise en jeans préférée. Il fait chaud, on risque d'avoir encore plus chaud après alors je ne prends rien de plus. Sauf ma casquette noire, histoire de me protéger du soleil. Lunettes de soleil sur le nez, je fais bien attention d'avoir mes papiers, ma carte, mes clés et surtout, le saint Graal, j'ai nommé mes places de concert. Je suis toute excitée et sautille en quittant les urgences.

Il me faut une bonne demi heure pour atteindre le lieu du concert mais je suis un peu en avance. Il y a tellement de monde, je ne vais jamais retrouver Kane et ses amis. C'est impossible de s'y retrouver ici. Bon, au pire je profiterais de ce concert toute seule, ça ne me dérange pas plus que ça, j'ai l'habitude de sortir seule. Mon regard scanne la foule et au loin, je reconnais Kane. Je vois ses cheveux ondulés et un léger sourire se dessine sur mon visage. J'accélère le pas et à chaque mètre que je fais, mon estomac se resserre et se tord. Putain. Merde. Pourquoi j'ai été si con par texto ? Pourquoi j'ai dis tout ce que je pensais sans mettre de filtre ? Non parce que là, je ralentis alors que je suis à quoi, deux mètres de lui et... Je me sens mal à l'aise. Mon sourire s'efface et je regarde à sa droite et sa gauche, personne. " Haaan, c'était qu'une excuse tes potes en fait ! T'étais tout seul pour venir... " Ouai, on va dire ça. Trouve toi toutes les excuses du monde pour parler, pour ne pas le regarder et tout ce qui va avec. " Ça va ? Pas trop longue la journée à la caserne ? " J'espère que ses amis vont vite arriver parce que, lorsque mon regard croise le sien, je me liquéfie sur place. Je ne sais plus qui je suis, ce que j'ai dis et ce que je suis venue faire ici. Ça ne m'arrive jamais d'être mal à l'aise. Pourquoi maintenant ? Pourquoi lui ? Oh, because he's special, dear.

Qu’est-ce que je ne pouvais pas faire pour les beaux yeux de Kane, et pour ses joues rosées? Fallait dire que sa naïveté me manquait, ses petites remarques perdues, sa tête dans les nuages. Depuis qu’on était revenus de notre roadtrip, on tentait toujours de se réserver au moins une date, chaque mois, où on allait prendre une bière, où on lorgnait sur les sites de voyage, à deux doigts d’acheter notre prochain billet d’avion, de train. C’était jamais le bon moment, jamais la bonne date, jamais les fonds nécessaires, mais c’était cool de se dire qu’un jour on repartirait. Parce qu'aussi chiante je pouvais être, aussi candide il pouvait se targuer, y’avait rarement quelqu’un qui avait pu me supporter, et que j’avais pu supporter, aussi longtemps. « Hey, stranger. » je le reconnais à travers la foule, sa tête blonde qui dodeline et ses yeux bleus perçants que je rattrape dans la seconde, ne me gênant pas du tout pour dépasser les autres gens présents dans la file. On râle un peu, on me regarde de haut, mais j’arbore l’air fier de la conquérante lorsque je me pose aux côtés de mon ami, et fait taire les réprimandes d’un sourire malin. « Wendy. » et je salue la lady en chef, LA raison de ma venue, ou du moins, le potentiel fun de la soirée. Je savais bien que Kane n’avait pas besoin de moi dans ce domaine, et que son charme timide faisait craquer bien plus de nanas qu’il ne pourrait jamais le réaliser, mais l’idée de jouer aux espionnes me rappelait les débuts de ma carrière, avec toutes les soirées de stalking que ça pouvait occasionner. Et je tends la main à la fameuse, et je fais les choses bien. « J’sais pas si tu te souviens, Ariane. »  aka la nana qui était aux côtés de Kane le soir du festival, avant que tes amygdales prennent le relais. J’avais jamais vraiment su si elle m’aimait ou pas, compte tenu du fait que j’avais passé plus de 6 mois en roadtrip avec la fleur de son désir, et accessoirement offert mon corps au garçon une nuit à la belle étoile.  

« J’ai écouté quelques chansons d’eux sur le chemin, ils sont cool. Ça m’a rappelé de bons souvenirs. » que je raconte, voulant de suite afficher mes couleurs à savoir que j’étais ici pour la bière, pour le pote, pour me changer les idées aussi, pour faire autre chose que bosser, écrire, et renouer avec le passé dans les bras de Tad. L’envie de vivre une bonne soirée prend le pouls sur mon attitude plus sauvage habituellement, et je m’étonne moi-même de jacasser au rythme où la file avance, maintenant un peu plus près de la porte. « Et on vient définitivement de trouver leur plus grand fan. » quelques minutes plus tard à peine et je désigne du menton un petit nouveau dans la game, cheveux orange et jaune à l'effigie de old Hayley, t-shirt, pantalons, sacs et tatouages assortis au groupe. Le dude avait vraiment tout donné, et j’étais presque déçue de ne pas avoir pensé à faire pareil, question de gêner Kane un maximum.

Le compteur de gros mots s’agitent à toute vitesse derrière son volant, Lene n’a jamais été d’un calme olympien et ça se démontre alors qu’elle insulte la mère de toute personne se présentant près d’elle sur la route. Elle est en retard, et pour elle, l’entière population de l’Etat devrait s’accorder sur la route pour lui céder la priorité partout afin que ce retard ne s’allonge pas. Ce n’est pas tant de peur de rater son rendez-vous qu’elle rage autant, juste que voilà, elle est incapable de rester calme. L’idée d’aller était venue de Kane, pour qui elle avait eu un peu pitié d’apprendre qu’il allait aller à ce concert, d’un groupe qu’il affectionne beaucoup, seul. Certes, elle aurait pu se lancer dans de grands discours plein de motivation pour l’amener à se trouver des pépés sur place, mais, émue par ses grands yeux de chiots et ses boucles blondes, elle avait proposé de se joindre à lui. Elle n’avait aucune idée de là où ça allait l’amener. Et là, elle doit vivre avec le regret de ne pas avoir annulé – parce qu’aussi près de la date, ça ne se fait pas – en apprenant qu’il avait finalement réussi tout seul à s’entourer. Comme quoi, leçon pour plus tard, ne jamais douter de ce garçon. Et puis, elle doit ajouter que l’air de rien, il y’a dans cette sortie de quoi la sortir, lui changer les idées sans que personne ne vienne lui demander comment vont Eva, Tony et Matt. Pensée pour plus tard : renouveler l’intégralité de sa liste d’amis pour des gens moins inquisiteurs.

Ses jurons finissent par la porter sur le parking, puis au beau milieu d’une foule dans laquelle elle essaie de reconnaître un visage connu. Pas besoin de préciser qu’elle est présentement blasée à se trouver au milieu d’adolescent émo-gothique-punko-bizarre, chose qu’elle n’aimait déjà pas quand elle était ado et qu’elle ne comprend pas que cette espèce ce soit reproduite, et également entourée de gamine qui ressentent à chaque minute le besoin de chantonner les chansons qu’elle va probablement avoir la joie d’entendre dans une heure. Concrètement, si on file à la chanteuse un micro, c’est pour pas forcer les gens à se faire saigner les oreilles par des gamines en recherche d’attention, donc autant garder ça à l’esprit et se taire. Et c’est là, quand elle est au beau milieu de toute sa réflexion, où elle râle intérieurement contre tout ce qu’elle entend qu’elle aperçoit les boucles blondes du collègue, entouré de deux nanas. Vraiment, il aurait pu lui dire que c’était plus nécessaire qu’elle vienne boucher le trou de sa solitude. Mais, elle oublie cette pensée aussitôt qu’elle reconnait Wendy à ses côtés. La surprise est là, et en même temps, il est vrai que la blonde était fan de ce groupe aussi. Main dans les poches, lunettes de soleil sur le nez, Lene s’approche. « Bonsoir ! » Qu’elle donne à l’annonce du groupe, les trois regards se tournent vers elle, le premier de la rousse qui doit se demander d’où elle sort, le second de Wendy qui doit se demander pourquoi elle dit bonjour à tout l’monde et ce qu’elle fout là et celui de Kane, qui pense juste qu’on attendait qu’elle et qu’ils peuvent y aller. Et elle a le sourire en coin, celui de la gamine qui est amusée à l’idée de revoir une ex. Et elle a le regard qui s’échange entre Wendy & Kane. Le sourire qui s’élargit. Et elle ajoute. « T’auras pas besoin de me présenter. » Elle se tourne vers la rousse. « Je suis Lene, je bosse avec Kane. » Poignée de main douce. Pas d’embrassade. Pas comme ça. Et là, elle tourne vers la blonde. « J’aurais dû me douter que je tomberais sur toi ici. On va avoir des choses à rattraper. » Clin d’œil, avant de s’adresser à la troupe. « On y va ? »

C’est Wendy qui arrive en premier et mon sourire s’agrandit d’un coup. Je suis trop content de la voir. Elle est tellement parfaite. Mon dieu. Cette fille me rend fou. J’essaie de pas trop la mater. Elle est habillé tout simplement mais je trouve que ça lui va parfaitement. Moi je suis en bermuda avec une chemise manches courte ouverte sur un tshirt « Paramore ». Il me va d’ailleurs un poil trop petit, parce qu’il date, mais j’avais envie de le mettre pour l’occasion.

Je souris encore plus largement si c’est possible quand Wendy me taquine d’entré.

« Non en fait je les ai lâché pour me retrouver tout seul avec toi. »

Je plaisante à mon tour. Elle me demande à propos de la caser et je fais signe négativement.

« C’était la nuit dernière plutôt. Du coup j’ai eu le temps de me reposer avant le show. »

Je ne cherche pas à la toucher parce qu’elle ne le cherche pas non plus. Oui, je dois avouer je me suis demandé comment lui dire bonjour, mais là ça commence à faire trop longtemps donc rien du tout fera l’affaire, sinon ce serait trop bizarre là. J’ai pas le temps de retourner la question à propos du boulot parce que Ariane fait son apparition.

« Hey Miss. »

Je vais naturellement lui faire une petite étreinte parce qu’on est proche comme ça ouais. Même si on se voit beaucoup moins qu’avant. On se fait toujours une petite place à un moment dans le mois pour pas qu’on devienne des étrangers quand même. Heureusement avec les SMS on est jamais bien loin. Je regarde Wendy, me demandant si elle se souvient de Ariane, parce que c’est vrai qu’on avait un peu oublié les autres au festival. On était dans notre bulle.

Au tour de Lene de montrer le bout de son nez, et on s’est vu y’a pas si longtemps donc je dis bonsoir pour la forme. Je réalise qu’elle ne connait pas mes compères alors je vais pour présenter mais elle le fait d’elle même. Je lève un sourcil quand Lene parle à Wendy comme si elle l’a connaissait. What ?? Des choses à rattraper ? On bouge, on se met dans la file pour entrer à l’intérieur. Ca avance plutôt vite et Ariane fait sa remarque sur les chansons du groupe, j’hoche la tête.

« Dommage qu’ils chantent pas beaucoup de chansons des débuts. Ils ont fait trop d’albums. »

Je souris quand elle parle du plus grand fan et j’ouvre un peu plus grand ma chemise pour lui montrer mon beau tshirt. Moi aussi je suis fan !

« Bon ok je suis pas au niveau. »

A notre tour d’être fouillé et d’avoir nos tickets vérifié. Nous voilà enfin dans l’enceinte du concert. En plein air d’ailleurs le show. On a de la chance qu’il fasse souvent très beau en cette période de l’année. On arrive à l’intérieur de l’arena, je me démerde pour me retrouver à côté de Wendy, je pose même un bref instant ma main dans son dos, pour pas la perdre dans la foule - tousse - oui ok c’est qu’une excuse. Je récupère ma main pour pas être trop collant puis je regarde Wendy, et Lene, je pose la question qui me brûle les lèvres.

« Donc vous vous connaissez toutes les deux ? Va falloir m’en dire un peu plus… »

Y’a que Ariane et Lene qui ne se connaissent pas.

« Du coup tout le monde se connait déjà… A peu près. Je suis sûre que vous allez bien vous entendre toutes les deux. »

J’indique Lene et Ariane d’un geste de la main.

Il va vraiment falloir que j'arrête de parler autant par texto si c'est pour que je me transforme en poule mouillée après. En tout cas, quand je vois Ariane arriver, je me sens détendue. Ça ne devait pas être prévue qu'elle vienne puisqu'il ne m'en a pas parlé la dernière fois alors que je lui ai demandé si elle venait. Enfin, j'ai d'abord demandé si Ariel venait. Ariane, Ariel, c'est du pareil au même non ? Non, ok, pas vraiment. " Oui oui je me souviens " Soufflais-je avec un large sourire sur le visage. " Je suis contente de te revoir en tout cas " C'est totalement vrai et puis, on est plus que tous les deux, Kane et moi alors ça enlève un poids de mes épaules.

Et c'est à croire que mon karma n'a pas envie de me laisser tranquille puisqu'alors que je me sens un peu plus détendue, Lene arrive et quand je croise son regard - et son sourire - je suis incapable de bouger, presque même de respirer. C'est une blague ? C'est un piège, un guet apens ou comment ça se passe ? Je les suis quand on avance dans la file et je souris légèrement. " J'suis quand même toujours aussi triste qu'ils ne fassent pas Crushcrushcrush " Lançais-je avec un sourire avant de glisser le regard vers celui que Ariane décrit comme "le plus grand fan" et Kane ne met pas longtemps à ouvrir sa chemise pour nous montrer son t-shirt. Je ne peux pas m'empêcher de rire légèrement. " T'es trop mignon comme ça " On dirait un petit enfant. Enfin non, mais je trouve ça craquant. Et c'est le moment que je déteste le plus lors d'un concert : la fouille. Je déteste me faire tripoter de partout - même par une femme - quand je n'en ai pas envie. Et là, c'est bien la dernière chose dont j'ai envie. Je préfère encore passer au détecteur de métal type aéroport. Mais bon, je n'ai pas trop le choix. Une main dans mon dos alors que l'on avance, je fais comme si je ne sentais rien. Son contact est vraiment agréable... C'est comme si une source de chaleur venait de se poser à cet endroit là.

Et alors que j'aurais préféré que personne ne relève la remarque de Lene à mon égard mais Kane le fait. Ravie. Je suis ravie. Et je m'empresse de répondre pour ne pas laisser cette chance à Lene. Au moins là, j'ai le contrôle de ce que je veux dire. " Oui, on s'est rencontré en soirée il y a quelques temps et on habite le même quartier, rien de fou " Je souris légèrement et je sens mon estomac se rétrécir comme un bout de viande dans une poêle. Forcément, faut que toute l'eau sorte avant de pouvoir cuir convenablement. " Mais ça fait quelques temps qu'on s'est pas croisé... Avec mes horaires à l'hôpital et tout, c'pas facile d'avoir une vie sociale, tu le sais bien " Lâchais-je en posant ma main sur son épaule avec un large sourire. Il le sait bien et elle aussi, puisqu'ils bossent ensemble. Mais je préfère ne pas y penser. Non non non. J'aime vraiment bien les gens en uniforme et si je pouvais arrêter de m'imaginer Lene et Kane en uniforme, ça serait cool. Putain. Le rêve. " Il fait quand même super chaud ici ! Je vais aller me chercher un truc à boire, quelqu'un veut quelque chose ? " Demandais-je en faisant un pas en arrière, prête à entendre les commandes mais surtout prête à aller me détendre un peu plus loin. Parce que là, je vais imploser. Penser à demander le nom de ses potes, la prochaine fois. Vivement que le concert commence que je ne sois plus si mal à l'aise.

Si le groupe de ce soir me disait vaguement quelque chose parce que Kane m’en avait bombardé les oreilles pendant des kilomètres et des kilomètres, c’est presque rassurée que je l’entends me confirmer que ce soir, ce ne seront pas les énièmes classiques que je connais par coeur qui figureront au programme. Mes tympans sont sauf - les leurs aussi. « Ça vous sauvera d’entendre ma voix de crécelle au moins. » je bats des cils, jouant à l'innocence, sachant très bien que je trouverai tout de même le moment de chanter faux d'ici la fin du show. Et on suit le mouvement vers l’avant, je laisse mon regard dériver, capte ce qui, à mon sens, est un vrai joueur de haut niveau, un fan pur de chez pur. Le blond est presque déçu de ne pas avoir été aussi extraverti que son nouveau némésis, mais Wendy lui lèche l’ego du revers de ses compliments avec une cuteness encore inégalée. Of course, il rougit. « Il est encore temps de te teindre les cheveux. » orange et jaune lui iraient bien au petit, et ça le fera rire de s’imaginer ainsi - rire qui chassera la gêne de ses pommettes, on l’espère toutes un peu.

La conversation passe vite à ce qui semble être particulièrement intéressant ; que la fameuse Lene et la cachotière Wendy se connaissent déjà. À entrevoir l’empressement avec lequel l'infirmière s’assure de poursuivre, je sais d’or et déjà que toutes les deux cachent quelque chose. Mon intérêt n’est en que plus décuplé quand je partage un regard avec Lene, insistant sur mon « Ouais, j’imagine. »  qui accompagne le babillage de Wendy sur sa vie sociale, son quartier, son boulot, name it. C’est d’ailleurs elle qui propose la première de passer chercher à boire une fois nos places choisies, et ma curiosité se joint à la chaleur australienne pour motiver la main que je lève, présente. « Je viens avec toi, je veux juger leur carte de bières. » excuse à la con, sachant très bien que l’alcool qu’on vend en club reste toujours bien fade et dilué. M’enfin, même si l’endroit me semble plutôt cool, j’ai appris à vivre avec de jolis préjugés sur les cartes toutes faites, et c’est le coeur léger les pas intéressés que je suis la jeune femme au comptoir. À peine quelques minutes arrivées et les commandes passées, mon attention se dirige directement sur elle, le sourire en coin difficile à nier. « Alors, c’est Kane qui te donne chaud comme ça... » la suspension la tue presque, ou alors c’est la fin de ma question qui porte le coup ultime. « Ou Lene?  »  à force de passer mes journées entières à gérer les histoires de coeur et de fesses de tout Brisbane, je finissais par reconnaître certains signes qui ne trompent pas.  

Elle ne tarde pas à faire savoir qui elle connait afin d’éviter des présentations longues et toute une conversation sur ce hasard qui fait si bien les choses. Si elle est surprise de croiser Wendy ici ? Non, pas vraiment. C’est exactement là qu’elle l’aurait imaginé si on lui avait demandé. Si elle est surprise de la croiser en présence de Kane ? Oui, parce que merde, le monde ne peut pas être si petit que ça non ? Toujours est-il qu’elle ne cache pas un semblant de joie. Elle trouve que c’est plutôt cool, l’occasion de faire une pierre deux coups, de passer une bonne soirée, de renouer un peu. Et la conversation tourne sur ce qu’ils vont entendre au concert. Lene n’a aucune idée de là où elle met les pieds, alors elle se tait, elle les laisse tous débattre de ce qui sera au programme, elle écoute Ariane assurer que, c’est pour le mieux qu’elle ne connaisse pas une seule de leur chanson et Lene avance en pure spectatrice. Même le gamin, habillé en fan boy ridicule qui lui arrache une grimace de dédain ne lui fait pas ouvrir la bouche. La fouille passe rapidement. Il faut dire qu’elle n’a pas grand-chose sur elle à fouiller. Ses uniques possessions sont ses clés de voiture et un billet de vingt dollars, des fois qu’une petite soif se fasse sentir. Et aussitôt fini, Kane pose la question qu’il devait très probablement mourir d’envie de poser, vu l’air détaché qu’il tente de se donner : comment se sont-elles connus ? Et c’est Wendy qui répond, avant que Lene explique rapidement en quelques mots qu’elles ont eu plus ou moins un truc. Comme avec lui. Que c’était no big deal. Et justement, la comparaison avec lui s’applique plutôt bien, puisque comme lui quelques mois plus tôt à la caserne, elle ment éhontément (ou du moins ne dis pas toute la vérité) sur les raisons de leur rencontre. Donc ce soir, elle sera la voisine. Elle se retient de lancer un regard à Wendy montrant toute la déception qu’elle ressent à ce moment-là, juste pour pas amener une conversation dont la blonde n’a finalement pas l’air de vouloir. Non, à la place, c’est l’autre fille qui le capte. De toute manière, vu qu’elle se dérobe bien vite, le sujet est clos. Et la rousse l’accompagne. Lene reste seule avec Kane. La conversation ne lui vient pas facilement, il faut dire qu’elle a la veste de Wendy à digérer là. « Et sinon, t’as d’autres surprises ? Si jamais il s’avère que tu connais ma sœur, t’éviteras de nous mettre face à face. » Le sarcasme pour se calmer, ronger son frein. C’est ça qui marche. « Du coup, Wendy et … ? Non parce que si je dois bien m’entendre avec ta pote, j’ai besoin de son prénom. » Et elle le fait remarquer. Elle s’est présentée et si tout la tatouin a éclipsé l’autre fille, quitte à passer la soirée avec elle, autant la connaître.

Moi aussi je suis triste qu’ils ne jouent pas Crushcrushcrush. Ca aurait été mon ticket pour l’embrasser direct. En souvenirs du bon vieux temps. Mais non. Il va falloir que je trouve une autre parade. Parce que oui je vais l’embrasser ce soir. Je lui ai dit déjà que je le ferai, alors il faut que je tienne ma parole. Pas comme si ça me dérangeait. J’ai qu’une envie quand je la vois c’est de la serrer fort contre moi et l’embrasser doucement. Il faut juste que je trouve le bon moment. J’essaie de ne pas trop sourire quand elle dit que je suis mignon. Un rien me fait plaisir venant d’elle. Mon coeur bat même déjà un peu plus vite depuis qu’elle est entré dans mon champ de vision. Ariane me conseil de me teindre les cheveux et je lui fais une grimace pour toute réponse. Jamais je ne ferai ça.

A l’intérieur, je suis à l’affut de l’explication de Lene ou Wendy à propos de leur lien à toutes les deux. C’est la blonde qui me répond. Elle me présente quelque chose de banal. Non rien de fou effectivement. Mais elle a pas l’air tout à fait à l’aise de le mentionner, ou bien je me fais des idées ? Sûrement. J’hoche la tête quand elle dit qu’elle ne se sont pas vu depuis longtemps. Je veux bien la croire. On s’est loupé pendant 9 mois tous les deux, je suis content de savoir que je ne suis pas le seul qu’elle ait mis de côté. Le contact de sa main sur moi me fait un peu trop plaisir. Je lui réponds par un doux sourire, je crois que je ne me souviens déjà plus de quoi on était en train de parler. Elle propose d’aller prendre à boire et avant que je puisse me proposer Ariane le fait. Alors je ne vais pas laisser Lene toute seule. Elles seront assez de deux pour prendre toutes les boissons.

« Je veux bien une bière s’il te plaît. Je te laisse la choisir. »

Je les regarde filer toutes les deux et je me tourne vers Lene qui me parle de surprise. Je fais une petite moue parce qu’elle a pas l’air très contente de croiser Wendy.

« Vous vous entendez pas toutes les deux ? »

Ce serait le drame de la soirée je pense. Je n’ai pas envie de les mettre dans une situation délicate. J’ouvre grand la bouche quand Lene me balance que j’ai pas fait les présentations.

« Ariane ! Elle s’appelle Ariane. Oh mon dieu désolé. Comme vous vous connaissez avec Wendy j’ai supposé que tout le monde se connaissait alors que… bref. Ariane. »

Je parle trop. Je suis devenu rouge. Bien sûr. Mais je m’en veux de pas avoir présenter Ariane comme il se doit.

« Je crois que j’ai pas toute ma tête ce soir… »

Je fronce un peu le nez puis je fais mes petits yeux de chien battu pour la prendre par les sentiments si ça marche. Je suis pas sûr que ce soit le cas. En tout cas je réalise à ce moment que ce soir, je suis accompagné de deux filles avec qui j’ai couché, et une fille qui a dérobé mon coeur depuis 8 ans. Et oui, c’est vrai, j’ai bien envie de coucher avec Wendy, mais on va commencer par l’embrasser ce sera déjà pas mal.

« Je t’ai jamais parlé de Wendy ? La fille pour qui j’ai écrit une chanson en une heure ? »

J’en ai beaucoup parlé de cette chanson au boulot quand je l’ai écrite. J’étais trop fier. Je crois que j’en ai saoulé plus d’un.

« Ah mais en fait t’étais pas encore arrivé à la caserne. »

Je réalise. Mais ça reste pas impossible qu’elle en ait entendu parler de toute manière. C’est presque devenue une joke au boulot. Je ne le prends plus mal. Ca me fait sourire plus qu’autre chose.

Je ne sais pas trop ce qu'il me prend mais c'est plus fort que moi. Je n'arrive pas à me contrôler et à calmer mon rythme cardiaque. Je suis plus que mal à l'aise et ça se voit à quatorze mille kilomètres. Ouai, je pense clairement que mon père en Allemagne le voit. Et je crois surtout qu'il a autant envie de m'en coller que j'ai envie de le faire. Je me déteste de réagir de la sorte. Pourquoi est-ce que je m'enflamme au juste ? On a juste couché ensemble mais ce n'est rien ça. J'ai une vie sexuelle tout comme les trois autres personnes autour de moi. À moins que… Bon, je ne pourrais avoir qu'un doute sur Ariane parce que je me doute que Kane jouait aux dominos avec son ex petite amie. Enfin, je préfère me trouver une excuse pour filer, pour fuir loin de cette dynamique qui ne me convient pas des masses. Pourquoi est-ce que j'ai menti au juste ? Ariane me suit et je suis presque rassurée que ce soit elle et pas Lene. Je pense qu'elle m'aurait emplâtrée sur le champ et je ne suis pas prête pour ça. Et si ça avait été Kane… Ne pas y penser, ne pas y penser. En tout cas, je me fais silencieuse pendant que l'on commande des boissons. Chacun une bière. La jeune rousse a bien fait de venir avec moi sinon, j'aurais été incapable de tout porter. J'aurais pu boire ma bière sur le champ. Alcool but cul sec, chaleur… Ouai, superbe idée pour me détendre !

Sauf que cette idée n'a pas le temps de se réaliser qu'Ariane lance et une bombe. Et quelle bombe putain. Je la regarde, les yeux grands ouverts et je suis carrément choquée. " Comment ça ? " Ma voix monte dans les aigues et je tousse quelques secondes, comme pour me laisser le temps d'irriguer mon cerveau en oxygène. Heureusement qu'elle n'a pas balancé ça devant les deux concernés, j'en aurais fait un malaise. " Je… sais pas ? " Demandais-je en levant les yeux vers elle, un très léger sourire sur le visage. " Kane " Finis-je par souffler, sur de moi. Kane, c'est Kane. C'est lui que je veux embrasser, c'est lui que je veux charger mais voir la sulfureuse Lene c'est… voilà. " Pfff je.. " Je passe une main dans mes cheveux et alors que la première bière arrive, je plonge les lèvres dedans. " Non mais sérieusement, de toutes les nanas qu'il connait, il fallait qu'il invite la seule femme avec qui j'ai couché ces six derniers mois limite ! " Je lève les yeux au ciel, excédée. Excédée contre moi-même, bien entendu. " Il manquerait plus qu'il ait couché avec toi ou elle tiens, ça serait le comble… Ce soir ce n'est pas le plan à trois mais à quatre ! Allez hop là ! " Que je crie presque. Bah oui, Lene est super sexy mais Adriane est clairement pas mal. Puis Kane. Bah… Kane y a rien besoin de dire. C'est le seul mec qui me fait cet effet, c'est le seul mec qui me ravage l'estomac en un clin d'œil. " Achèves moi Ariane, par pitiéééé " Et vivement que ce concert commence ! Je l'ai attendu un bon bout de temps mais j'attends aussi vite de rentrer chez moi… Et puis j'arrêterais de parler comme ça au moins. C'est pas mal ça aussi.

À peine arrivée au bar, les billets donnés et les bières commandées, je m’attaque à ma mission de la soirée ; à savoir rendre le plus de gens mal à l’aise en un temps record, non pardon, m’assurer des intentions de Wendy envers Kane. « Je pensais pas que ce serait si facile de te faire avouer. » et elle rend le travail déjà tout mâché, elle me sert sa réponse sur un plateau. Son empressement, ses joues qui rougissent, ses explications, ses justifications. Elle se débat, et je reste silencieuse, profitant des bières servies pour lui tendre la sienne, et boire tranquillement la mienne en l’observant avec scrupule. Ils se sont bien trouvés, ça c’est assuré, à voir comment tous les deux partent dans des délires à trop réfléchir et à voir la situation 1000 fois plus grande, plus pire qu’elle pourrait l’être. « Ouhhhhh. » ah ouais quand même, elle a couché avec Lene donc. Un coup d’oeil dans la foule pour retrouver la brune des yeux et faire une étude plus poussée du spécimen, et Wendy attrape à nouveau mon attention maintenant qu’une question une seule me brûle les lèvres.  « Et il sait? » curiosité déplacée certainement, additionnée à une question rhétorique qui se répond d’elle-même. Bien sûr que non, elle n’a pas parlé de cette histoire à Kane. Si elle se met dans cet état pour me le dire à moi, pour lui ce serait la crise cardiaque assurée avant même d'avoir dit ses premiers mots. « Bah, ça change rien. » et je force mon ton à être plus posé qu’à l’habitude, moins sec. Pauvre petite brebis égarée qui s’en fait pour rien, que j’ai presque envie de secouer simplement pour lui remettre les idées à la bonne place; néanmoins je me retiens, Kane ne me pardonnerait jamais de toucher à sa précieuse blonde. « Qu’il ait couché avec tous les gens présents ici, ou que toi t’aies fait pareil. » et je précise, parce que dans les faits, on s’en balance. Ils sont libres de faire ce qu’ils veulent, ils n’ont jamais été en couple à proprement dit, ils ne se doivent rien l’un l’autre, encore moins pureté et chasteté en période de relation longue distance non-confirmée. Bien sûr, ça m’arrange que Wendy ne sache pas que Kane et moi avons partagé une nuit, une fois. Je n’ai pas nécessairement envie de lui mentir, elle est sympa la petite, mais c’est surtout que de rajouter une couche sur son anxiété tout sauf justifiée , et un brin mal gérée à mon sens, ça serait trop. Je ne suis pas méchante, encore moins mal intentionnée. Note mentale de penser à glisser cette révélation pendant un jeu d’alcool, une soirée où elle et Kane se seront déclaré leur flamme un nombre incalculable de fois avant pour faire passer la pilule. « Je pense pas qu'on ait besoin d’être membre de la MENSA pour voir qu’il en pince pour toi plus que pour quiconque. » et le verdict tombe, pas du tout gênée de confirmer à la jeune femme que les intentions de mon ami sont claires. Je sais bien qu’il lui en a parlé, qu’il est up front, qu’il ne cache pas que le charme de Wendy ne le rend pas insensible, mais un petit rappel me semble tout à propos, alors qu’on prend les verres, et entame le retour vers le duo.

Et elle se mord la langue. Elle cache l’amertume. C’est pas qu’elle s’attend à des fleurs, des hapilly ever after, ou même une part d’engagement, mais la moindre des choses qu’on s’insère dans son lit est de ne pas la cacher sous les meubles comme une vieille chose honteuse. C’est une chose qui ne passe pas et le fait que ce soit l’exact comportement que Kane a eu à son égard à la caserne rappelle cette rancœur qu’elle n’avait pas encore complètement laissée d’arrière elle. « Vous vous entendez pas toutes les deux ? » Qu’il demande, innocemment alors qu’elle vanne, qu’elle vide ses nerfs. « Ma sœur ou Wendy ? » Parce que là, elle sait pas trop de qui on parle. Bien que Kane ait zéro intérêt à lui parler de sa frangine. « Du calme, tu l’as entendu, c’est ma voisine. Tant que mon chien ne défèque pas devant sa porte, on est en bon terme. » Et elle aurait tort d’admettre que cette excuse balancée au hasard ne lui donne pas d’idée. Mais, ce serait bien trop enfantin non ? Ce n’est plus le genre de Lene ce genre de vengeance. Si seulement. Mais, plutôt que de rester là à ruminer, elle passe à autre chose, cette autre meuf que Kane a ramenée pour qu’elle ne se sente pas trop troisième roue. C’est sûr que maintenant qu’elle sait que Wendy est là, elle aurait déjà cédé à l’impulsivité depuis plusieurs minutes. « Ariane ! Elle s’appelle Ariane. Oh mon dieu désolé. Comme vous vous connaissez avec Wendy j’ai supposé que tout le monde se connaissait alors que… bref. Ariane. » Elle note, en observant de loin la rousse qui lui laisse une impression de déjà vue sortie d’elle ne sait où. « Non, je connais du monde, mais pas la ville entière. » Qu’elle répond, lançant un clin d’oreille, offrant un regard dédaigneux à la masse qui les entoure. Quand elle aperçoit des gamines, habillée en émo, elle remercie le ciel de ne pas être liée à ça. « Je crois que j’ai pas toute ma tête ce soir… » Qu’il ajoute comme excuse, ce qui fait hausser les épaules de Lene plutôt que de la faire compatir. « Je t’ai jamais parlé de Wendy ? La fille pour qui j’ai écrit une chanson en une heure ? » Non, il a omis ce détail. Remarque, il a bien fait de ne pas lui en parler parce qu’elle aurait eu du mal à ne pas lui dire sur le moment qu’elle connait la fille en question et qu’elle n’a rien d’hétéro. Sur le moment, Lene ignore si elle doit lui lancer l’information ou le laisse le découvrir. « Moi qui pensais être la seule pour qui tu as jouais des chansons, merci de me faire sentir ordinaire. » Qu’elle balance pour la joke mais son air renfrognée ne la rend pas si drôle que ça sur le moment. « Ah mais en fait t’étais pas encore arrivé à la caserne. » Qu’il réalise et elle sourit. « Et oui, ça parait absurde mais, il y’a eu une vie avant moi. » Et probablement une bien plus simple où il se faisait pas bousculer tous les jours. Mais ça, c’est une autre histoire. « Sinon, elles sont parties la chercher où leur bière ? » Qu’elle demande, en levant les yeux au ciel, même si les filles sont à portée de vue. « Tu crois que ça me perdre pendant le concert si je te dis que j’ai même pas daignée m’intéresser à leur playlist spotify ? »

« Wendy. »

J’éclaircis les choses quand elle me pose la question de savoir à propos de qui je parle. Je suis soulagé de voir qu’elles s’entendent bien. Ca aurait été horrible dans le cas contraire. Non, tout peut continuer dans les meilleurs termes possibles. Oui c’est une soirée à thème bisounours que je voudrais idéalement. Avec plein de bisous surtout. Tout ce que j’ai en tête c’est qu’il faut que j’embrasse Wendy avant de la quitter ce soir. Et puis en plus c’est son anniversaire à minuit, je ferai durer la soirée jusque là avec elle. Je lui ai promis.

Lene parle des chansons que je chante pour les filles. Je la regarde l’air de dire « ah tu crois m’avoir eu » avec un petit sourire en prime.

« Je lui ai jamais rien chanté à Wendy. J’ai pas encore eu l’occasion. T’as donc ça de plus qu’elle. »

Si jamais elle comptait les points entre elles. Quelque part j’aime bien cette idée, qu’elle soit un tant soit peu jalouse. Ca veut dire qu’elle tient à moi. Mais je suis sûr que ce n’était que sarcastique tout ça. Lene n’est pas attaché à moi. Pas de cette façon là. Je dois avouer qu’après qu’on ait couché ensemble récemment, j’ai peut être développé un petit quelque chose pour elle. Lene ne me laisse clairement pas indifférent. Ca a pas été si facile que je le disais, de faire comme si de rien n’était à la caserne. Heureusement qu’il y a Wendy qui me rend dingue pour ne pas trop penser à Lene.

Il y a eu une vie avant elle à la caserne, c’est vrai.

« Et c’était beaucoup moins fun. »

Je lui fais un sourire entendu. Elle est rapidement devenue une de mes personnes favorites là bas et ça ne passe pas inaperçu. Surtout quand je file au Starbucks avant d’arriver au boulot et que je prends de quoi pour elle et Mickey. C’est mon squad.

Je tourne la tête vers le bar pour tenter de voir Wendy et Ariane mais y’a trop de monde et c’est légèrement trop loin pour vraiment discerner quoi que ce soit.

« Elles sont peut être en train de se faire brancher. »

C’est la première chose qui me vient en tête. Ca m'arrache une grimace. Ca me saoulerait ça. Pas pour Ariane, mais pour Wendy. Je n’ai pas besoin de compétition ce soir. Au premier créneau disponible je l’embrasse. Oui je n’arrive pas à penser à autre chose. Je retourne la tête vers Lene quand elle avoue ne pas s’être intéressé au groupe qu’on est venu voir.

« Je suis sûr que tu vas apprécier leur musique à la première écoute. En live en plus ! Et si tu passes une bonne soirée, je t’offre un tshirt du groupe pour avoir un beau souvenir. »

Parce que je suis gentil comme ça. J’ai pas été voir le merch, mais doit bien y en avoir un qui vaille la peine. Peut être même que je ferai la folie d’en prendre quatre. Un pour chacun. Oui je suis enthousiaste comme ça. Si j’arrive à embrasser Wendy c’est clair que je risque de le faire tellement je serai heureux.

« Bon par contre quand elles reviennent, faut que je sois à côté de Wendy. Stratégique. »

C’est limite si je suis pas en angoisse à l’idée de pas me retrouver à proximité. Comment l’embrasser si y’a quelqu’un entre nous ? Impossible. Je jette un coup d’oeil vers le bar au cas où Ariane et Wendy seraient sur le retour. Mais non. Personne. Alors je me lance.

« Je lui ai promis que j’allais l’embrasser ce soir. »

Je m’explique. Je ne fais que penser à ça en même temps. Fallait bien que ça sorte à un moment ou un autre. Je me mordille la lèvre inférieure.

« Je crois que ce serait parfait pendant ‘Still into you’. »

Je viens juste d’y penser mais je trouve que c’est de l’ordre du génie. Comme ils font pas crush crush crush, la chanson sur laquelle on s’est embrassé à l’époque, faut bien trouver autre chose et cette chanson est juste parfaite. Pourquoi j’y ai pas pensé avant ? C’est tellement important la musique. Ca va décupler mes sensations sur le moment. Je veux un souvenir parfait de ce baiser, de ce concert.

« Du coup… Si tu veux que je te file des idées de conversation avec Ariane pour… Enfin tu vois. Toi avec Ariane, moi avec Wendy. »

Là je me prends clairement trop la tête pour la suite de la soirée. Je suis sûr que ça va se faire naturellement tout ça.

Je n'ai jamais eu de filtre quand je parle et je n'en aurais surement jamais. Je n'ai pas été élevée comme ça, à réfléchir à ce que je dis et à tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de l'ouvrir. Oui, je n'ai jamais été comme ça et c'est pour cela que je me livre si vite à Ariane. Si elle attendait à ce que je joue la mystérieuse, c'est mort de toute façon. Et je hausse les épaules quand elle l'admet. Moi, pendant une guerre comme la seconde guerre mondiale, il vaut mieux me tuer le premier jour. Quoi que, si j'avais quelque chose à cacher, quelqu'un à sauver, ce serait surement différent. Mais là, je n'ai rien à cacher : les deux m'attirent mais sur deux plans bien différents. Kane, c'est plus sensuel, posé, c'est un désir vieux de plusieurs années. Et Lene c'est plus.. sexuelle. Elle est magnifique et elle est tout sauf décevante au lit. Je bois un peu de ma bière pour me donner du courage. On dirait Rajesh Koothrappali dans Big Bang Theory. Et je me frapperais pour ça parce que je n'en ai pas besoin et je suis plus ridicule qu'autre chose. J'avale presque ma gorgée de travers quand elle me demande s'il sait. " Non non non ! Ça va pas ! " Je m'excite presque sur place et secoue la tête de droite à gauche. Il ne manquerait plus que ça. Je ne sais vraiment pas comment réagir dans cette situation. C'est la première fois qu'un homme me fait cet effet. Je ne comprends pas pourquoi ni comment. Cela fait plus de douze ans que je suis sûre de moi. Les hommes, ce n'est pas fait pour moi mais pourtant, face à lui, ce ne sont pas des cafards qui grouillent dans mon bas ventre mais bien des petits papillons. Je suis complètement sous son charme et je déteste ça. Je l'écoute et la regarde droit dans les yeux. Est-ce que ça ne change absolument rien ? J'ai peur. Vraiment. Peur qu'il se sente mal à l'aise face à cette idée, face à cette révélation. Est-ce que je dois lui dire ? Est-ce que je risque de le perdre si je lui en parle ? Est-ce que je dois faire une liste de toutes les personnes qui ont vu mes parties intimes ? Parce que, je dois bien l'avouer, il y en a un petit nombre. Bon, la plus part vive à Sydney mais tout de même. S'il me demande, je lui dirais mais sinon, à quoi bon ? Je regarde vers le duo Kane-Lene et soupire doucement. Trop de questions, trop de questionnements et de prise de tête pour peut-être rien. " T'es sûre ? Comment tu sais ? " Si elle le dit, c'est que c'est vrai nan ? Ariane le connaît bien mieux que moi, le petit, au final. Et j'aimerais tellement qu'elle ait raison. " J'ai un peu peur parce que je veux pas être un rebond… Et que j'ai jamais ressenti ça pour un mec " C'est tout nouveau ça. Lui. C'est si nouveau pour moi. Et je ne veux pas faire d'erreur. Je ne veux pas lui faire perdre son temps ni le mien en fait. J'ai bien trop à perdre. Une partie de mon âme, de mon innocence, mon désir pour lui. Mais qui ne tente pas ne sait pas. " Si je garde tout pour moi, est-ce que ça fait de moi une égoïste ? Ou alors je dois lui dire plus tard ? Je suis trop loin de ma zone de confort pour risquer de le perdre " De le perdre encore une fois. Et cette fois-ci, ça serait définitivement. J'ai déjà merdé deux fois et je refuse de rentrer dans les statistiques. On arrive presque à leur niveau et je regarde Ariane. " Non non, je peux pas… " Je souffle légèrement et porte mon verre à mes lèvres. J'en siffle une bonne dose cul sec. Si je pouvais tout boire, je le ferais. Mais j'aurais l'air bête de revenir sans rien à boire. Et refaire la queue, non merci. " Je devrais peut-être plutôt donner sa boisson à Kane et partir. Si je dis que ma mère a eu ses résultats et qu'ils sont mauvais… C'est la vérité après tout " Mais j'ai tellement attendu sur ce concert pour le revoir, pour le retrouver… " Est-ce que je suis folle ? " Je pense que sa réponse va être sans appel : T'es complètement tarée ma pauvre Wendy. Et je le sais. Il va vraiment falloir que je reprenne contenance et plus vite que ça. On n'est vraiment plus très loin de Lene et Kane et je continue de boire ma bière comme si c'était de l'eau. À leur hauteur, il me manque presque la moitié de ma boisson. Je m'approche de Lene et lui tends le verre plein que j'ai dans l'autre main. J'articule un " Désolée " que seule elle peut voir sur mes lèvres puisqu'aucun son ne quitte mes lèvres. " Alors, vous avez parlé de quoi ? On vous a pas trop manqué ? " Finis-je par demander, un sourire sur le visage, en me glissant près de Kane. Je pouvais survivre aux regards de Lene, quel qu'ils soient. Mais le questionnement de Kane dans le sien, absolument pas.

Je me doute bien que tout ça n’est pas mes affaires, à savoir que la déformation professionnelle se faisait un chemin dans ma vie perso au moindre moment opportun. Kane ne me tuerait pas de préparer le terrain avec Wendy, surtout sachant qu’il lui avait clairement parlé de ses intentions pour eux deux avant ce soir. Et pour ce qui est de la blonde, elle ne se mettrait pas dans un tel état si elle n’avait pas besoin de chill out un peu. Voyons ceci comme une expérience bénéfique en société, ou au mieux ma bonne action du trimestre. « Je m’avance pas pour lui, mais ce genre de choses-là ça se voit. » fallait être sacrément aveugle pour ne pas voir comment il bavait en la présence de la gamine ; et j’étais probablement la mieux placée pour en témoigner. Entre le roadtrip où il m’avait bassinée avec Wendy sur des kilomètres, et son retour dans sa vie qui l’avait laissé sans dessus dessous, Kane n’était clairement pas remis. Et ça, c’était tout à l’honneur de la Carmichael. Pourtant, elle arrive encore à se mettre des craintes en tête, des barrières, presque comme si elle voulait stopper la chose elle-même. Je me doute que c’est tout le contraire, qu’elle souhaite juste que ce soit parfait, que ce soit comme avant - et qu’au passage, elle a bien besoin d’être rassurée. « Oh, tu parles de l’autre avant? Si tu veux mon avis c’était elle le rebound de Wendy circa 2010. » Nina avait l’air d’être un sacré personnage et je l’avais toujours trouvée louche avec Kane, leur rupture n’aidant pas du tout à sauver ses arrières. Néanmoins, depuis la passage de Wendy dans la vie du pompier, y’avait aucune autre nana qui avait pu compétitionner et ce, malgré leur potentiel de perfection. Des filles bien, y’en avaient à la tonne, mais Kane était passé en mode coup de foudre pour Wendy, et ce genre d’amour, on ne le vit que très peu souvent. Voilà qu’elle cumule les justifications boboches et que je roule des yeux, buvant une longue, très longue gorgée de bière en attendant qu’elle ait fini son monologue, et de m’assurer qu’elle prenne au moins une respiration à travers tout son babillage. De tout ce qu’elle a pu me baratiner avant de lever son pauvre regard de brebis égarée vers moi, un duo d’éléments a retenu mon attention. De un. « Ta mère est malade? » parce que si c’est le cas, qu’est-ce qu’elle fait ici? Le simple fait de penser à maman en mauvais état me file un frisson de compassion le long de la colonne. Et de deux. « T’es pas folle. » d’un signe au barman qui revient à notre hauteur, je lui commande une tournée de shots, le truc facile, coloré, le spécial de la maison qui finit en deux shooters chacune qu’il pose sous nos yeux. J’encourage la blonde à prendre les siens du menton, un regard voulant tout dire. Elle a besoin de relaxer, de prendre des forces, de se donner un petit coup de remontant avant de retourner affronter la bête aux mèches parfaitement dorées par le soleil. Quelques minutes plus tard et nous retournons en direction de Kane et Lene, Wendy qui traîne des pieds, et mon sourire qui ne fait que s’agrandir lorsqu’elle fait comme si tout allait bien. « Wendy m’a dit un truc fou. » la tentation est trop forte, l’envie de lui faire une petite frousse avant de la laisser chiller avec Kane est trop belle. Je laisse de longues secondes passer avant de rependre la parole, une gorgée de bière qui s’allonge. « Apparemment, la chanteuse est blonde maintenant. »  et je souris, et je rigole, et je rejoins les côtés de Lene qui doit se douter que ce soir, on tient la chandelle en duo. Les gamins se font les yeux doux, je me penche à l’oreille de la brune. « Il est aussi stressé qu’elle au moins? »  je parie que Kane a déblatéré sur Wendy pendant les quinze minutes qui ont fondé notre absence.