« Je lui ai jamais rien chanté à Wendy. J’ai pas encore eu l’occasion. T’as donc ça de plus qu’elle. » Qu’il lui répond, ce qui contente Lene et le montre sur son visage, non pas qu’elle compte les points parce que Kane, c’est un plus un ami qu’une conquête. Même si elle sait que si elle le présente à des potes, elle n’ira pas jusqu’à le présenter comme s’il n’était personne ou juste un collègue. Mais, laissons Lene digérer son ressentiment et parler d’autres choses. « Et c’était beaucoup moins fun. » Quand il mentionne la vie à la caserne avant qu’elle n’arrive, elle imagine bien qu’avant, ça devait être plus convivial puisque personne ne se tirait dans les pattes. Mais, ça lui fait plaisir que Kane réponde que c’est mieux ainsi. Ça lui monte qu’ils ont une bonne entente, un vrai truc. Tout ça avec Mickey et ça la conforte dans le fait qu’elle aime son travail. Et le temps passe, pas de trace des filles. Non pas que ça la dérange tant que ça. « Elles sont peut être en train de se faire brancher. » Qu’il suppose comme idée. La grimace s’affiche automatiquement sur son visage. « Par quoi ? Des emo boutonneux qui continuent de porter des pantalons cargo ? Pitié ! » Parce que, y’a que ça autour d’eux. Des ado boutonneux qui ont trop forcé sur la coloration noire. Le genre de vision qui l’amène à se retenir d’être trop critique, trop méchante et d’éviter de laisser sortir la elle de quinze ans, qui prenait un malin plaisir à détruire tout estime de soi que pouvait ressentir quelqu’un qui n’était pas dans son code. C’est bien parce qu’elle est adulte qu’elle se se retient, ça le ferait mal que quelqu’un d’autre se suicide par sa faute, encore. « Je suis sûr que tu vas apprécier leur musique à la première écoute. En live en plus ! Et si tu passes une bonne soirée, je t’offre un tshirt du groupe pour avoir un beau souvenir. » Au moins, il sait comment adoucir le visage de Lene et lui faire penser à autre chose, c’est quelque chose que l’on peut reconnaître à Kane. « Oh cool ! Tu sais que je vais faire semblant d’adorer juste pour un truc gratuit ? » Ouais, il doit pas en être conscient encore de son caractère de pique-assiette sans gêne. Il l’a jamais vu aller au supermarché plusieurs fois dans la journée, juste pour des échantillons gratuit. « Quoique, t’es mieux de t’acheter ton propre tee-shirt et de me filer celui que tu as là. C’est un bout de brioche que je vois là ? » Et elle lui pince un peu le ventre gentiment pour rigoler, parce que c’est drôle, son tee-shirt a carrément rétréci au lavage. « Bon par contre quand elles reviennent, faut que je sois à côté de Wendy. Stratégique. » Qu’il annonce, l’air ferme, comme s’il décidait d’un plan de bataille. « Je lui ai promis que j’allais l’embrasser ce soir. » Et là, ça fait tilte dans la tête de Lene parce que Wendy est gay et à moins que ça ne soit un jeu, elle ne comprend pas. Et vu la tête que fait Kane, ce n’est pas un jeu. « Je crois que ce serait parfait pendant ‘Still into you’. » Et il s’emballe. Et elle ne dit rien. Parce qu’elle n’ose pas, parce qu’elle veut pas briser son p’tit cœur fragile, et puisque parce qu’il s’emballe trop, encore. « Du coup… Si tu veux que je te file des idées de conversation avec Ariane pour… Enfin tu vois. Toi avec Ariane, moi avec Wendy. » « J’ignorais que c’était un double date. Tu m’aurais dit, j’aurais changé de culotte ce matin. » Et c’est un peu blasée qu’elle lui répond, parce que justement, elle est tiraillée par le fait de ne pas savoir si elle doit avouer, vexée par l’autre greluche qui l’a rabaissée comme si elle se connait à peine, juste par honte, et pas très enchantée de savoir qu’on lui offre un date sans son avis, comme si elle avait besoin de ça. Et finalement, elle n’ajoute plus rien, parce que les filles reviennent, que c’est plus le moment de le dire et que bon, il le verra par lui-même. Wendy s’approche, lui tend un verre en lui disant un  " Désolée " qui se lit sur les lèvres. Lene la toise, observe le verre de bière qu’elle semble lui tendre avant de lui annoncer en lui tournant le dos « Je ne bois plus d’alcool depuis plus d’un an. » Concrètement, ses excuses, elle trouvera toute seule où se les mettre. Et comme si c’était pas assez, y’a Ariane qui en rajoute un coup, sûrement de bonne foi, ce qui fait que Lene prend sur elle pour ne pas l’envoyer chier. Après tout, maintenant qu’elle sait que c’est prévu qu’elles passent la soirée ensemble. « Il est aussi stressé qu’elle au moins? » « Regarde sa tronche. T’as pas besoin de plus pour lire en lui. » Non, vu la manie de Kane à rougir, y’avait pas besoin que Lene fasse un compte rendu, et tant mieux, parce que là, y’a que l’impulsivité qui demande à parler.

La remarque de Lene par rapport aux éventuels mec en train de draguer nos amies me fait sourire. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec elle, mais y’a du vrai dans ce qu’elle dit. Reste qu’il y a quand même une bonne moitié de mec plus ordinaire qui ont visiblement les mêmes goûts musicaux que Wendy et ça m’inquiètes. Je sais qu’une fille qui aime la même musique que moi m’intéressera certainement plus aux premiers abords. Pour ça que j’ai toujours fantasmé de trouver une fille à un show, et c’est chose faite avec Wendy. Sûrement pour ça que je la mets sur un piédestal.

Lene irait jusqu’à prétendre passer un bon moment pour un tshirt gratuit ? Ca te fait sourire.

« J’aimerai mieux que ce soit la vérité ! Même si ça reste un souvenir de cette soirée. »

Et qu’elle la garde en mémoire je trouve ça plutôt très cool. C’est la première fois qu’on va à un show ensemble. Peut être que ça ne sera pas la dernière fois ? Il est sûr que je lui proposerai de nouveau la prochaine fois. Bien sûr c’est à condition que je n’y aille pas avec Wendy. Peut être bien qu’un show à deux ça me ferait kiffer. Oui. Pas peut être. Ca me plairait vraiment trop.

J’ouvre grand la bouche quand elle parle de brioche. Choqué. Vexé. Un peu amusé aussi.

«  You bitch ! »

J’ai jamais été aussi fit de ma vie et elle le sait. Je m’entraîne énormément au boulot, entre autre, et j’ai souvent laissé glisser l’idée que j’avais de beaux abdos. Je me suis même fait prendre en plein matage dans les vestiaires. Mais je m’en fou. Je m’aime.

Je lui fais part de mon plan d’action pour la suite. Je fais une petite moue quand elle parle de double date et qu’elle n’a pas l’air ravi.

« Promis je vais pas te laisser de côté toute la soirée. »

Juste le temps que j’emballe Wendy. D’ailleurs les revoilà. Je récupère ma bière après leur avoir fait un petit sourire.

« Merci. »

Je me place à côté de Wendy, l’air de rien. Je suis un peu dég qu'elle se soit plantée pour Lene et la bière. J'aurai dû lui dire. Mais bon en même temps elles sont sensées se connaître un peu non ? Elles se connaissent pas si bien apparemment. Wendy demande si elles nous ont manqué.

« Enormément. »

J’esquive son autre question sur nos sujets de conversation.

Je me tourne vers Lene.

«  Je peux aller te prendre autre chose si tu veux. »

J'ai pas envie qu'elle reste sans rien à boire si elle a envie d'un truc. Ariane lance une boutade à propos de Hayley. Ca me fait sourire.

« T’as quelques trains de retard. »

C’est sûr si ils la suivent pas sur les réseaux sociaux ou si ils matent pas les derniers clips de leurs nouvel album, ils peuvent pas savoir. Je vois Ariane et Lene qui commencent à discuter et comme si tout était parfait, les lumières s’éteignent pour faire place à la première partie.

J’en profite pour me rapprocher de Wendy et glisser mon bras autour de sa taille. Je la lui caresse distraitement alors que je regarde la scène, essayant de m’imprégner de la musique. C’est Shadow de Bleachers qui joue. Ca ne me tape pas vraiment dans l’oreille et donc je reste plutôt focalisé sur Wendy et le contact qu’il y a entre nous. Alors que je lui jette des coups d’oeil, je réalise que sa bière est déjà bien entamé. Elle a une bonne descente. Peut être qu’elle est nerveuse. Je me mordille la lèvre en l’observant alors qu’elle regarde la scène. Elle doit sentir mon regard sur elle parce qu’elle tourne le visage et nos yeux se croisent. Je lui fais un sourire un peu timide et je sens mes joues s’empourprer. Heureusement qu’on est dans le noir, qu’elle ne me voit pas vraiment.

Les chansons s’enchaînent et je peux pas m’empêcher de tourner les yeux vers Wendy de temps à autre, discrètement cette fois. Pour que je puisse l’observer. Je réfléchis à plein de choses mais ce qui revient le plus c’est qu’elle est vraiment trop parfaite pour moi.

Le groupe quitte la scène non sans avoir annoncé que Paramore allait arriver et la foule, moi inclus, crie d’impatience. Les lumières se rallument et je jette un coup d’oeil à Ariane et Lene avant de prendre la parole.

« La dernière chanson était vraiment pas mal. Bleachers, je les checkerai sur Spotify. »

Et j’espère de tout coeur que personne ne va faire une remarque sur ce bras que j’ai toujours autour de Wendy. Je préférais quand on était dans le noir. Maintenant ça se voit que j’ai chaud.

La foule commence à scander PARAMORE et je me joins à eux. J'ai le coeur qui bat plus vite de savoir que Still into you n'est plus qu'à quelques minutes de là. Non je ne me dégonflerai pas.

« PA-RA-MORE ! PA-RA-MORE !. »

Ces choses là se voient ? Ah. Bon, je suppose donc qu'elle voit que je suis complètement paniquée à l'idée de me retrouver avec lui et de ne pas savoir quoi faire. Tout ça, c'est du délire complet, je ne sais pas ce que je fais, je suis en roue libre total, et je n'aime pas vraiment ça. Mais je n'ai pas le choix. Ou plutôt si, je l'ai le choix, et ce freestyle terrifiant est l'un de mes choix : celui de laisser rentrer Kane à nouveau dans ma vie. C'est surement le meilleur choix de l'année mais je ne le vois pas encore comme ça. En même temps, comment pourrais-je le voir de la sorte ? Quand elle me dit que son ex est le rebound de ma petite personne, je sens mes joues rosirent. J'aimerais tellement qu'elle ait raison mais je sais pas, il avait l'air attaché à elle quand on s'est vu l'autre fois. Je veux dire, il a rien essayé. C'est surement que c'est un homme bien. Et ça me fait encore plus culpabiliser d'avoir menti au sujet de Lene. Pour elle bien sûr, parce que c'est une nana extra, mais aussi vis-à-vis de lui et du petit pacte qu'on a fait il y a plusieurs jours, pacte qui consistait à répondre aux questions de l'autre sans mentir. Putain. Mais quelle conne je fais ! Il me faut vraiment une excuse pour filer et celle de ma mère est parfaite. Mais il sait que si je suis là c'est aussi parce qu'elle m'a poussé à venir et à profiter de ma jeunesse. Je me souviens encore de ses mots ; ne mets pas ta vie entre parenthèse pour moi parce que bientôt il n'y aura plus de moi. Face à cette vérité, j'avais pleuré de longues heures. Et là, je me retenais d'éclater en sanglots. J'enfonce mes ongles dans la paume de mes mains pour me retenir. Toutes ces émotions, cette roller coaster sur laquelle j'ai embarqué me rend à fleur de peau. " Oui… Ça fait plus de six mois qu'elle est hospitalisée " Et tout ça, ça s'est passé quand j'ai arrêté de répondre à Kane il y a six mois. J'étais complètement perdue à l'époque. Sonya, Kane, ma mère et j'avais fait les choix les plus simples mais surement les plus idiots. Et quand elle me disait que je ne suis pas folle, je relève doucement le visage et lui souris. Je peux la croire non ? Ariane n'a aucun espèce d'intérêt à me mentir. J'attrape le shot qu'elle me présente d'un coup de tête et je ferme les yeux alors que le liquide réchauffe mon corps. Je ferais bien de ralentir sur la boisson parce que ça va vraiment mal finir. Mais j'ai besoin de ça pour ne pas perdre toute contenance quand Lene me tourne le dos et refuse la bière que j'ai pris. C'est vrai qu'elle n'a pas énoncé de commandes tout à l'heure mais je pensais que… J'ai mal pensé, une fois encore. La voix d'Ariane raisonne alors que je pose le deuxième verre de bière sur le sol, entre mes yeux et je la fusille du regard. Si elle me prend en photo là, j'ai la même gueule que la biche qu'on aveugle avec ses phares sur la route en pleine nuit : yeux globuleux, bloqué en plein mouvement, effrayé et tout ce qui va avec. Mais ce n'est pas mon secret qu'elle balance et je me détends rapidement. Inspirer, expirer.

Les lumières se tamisent et finissent par s'éteindre. Ma bière en mains, je porte le verre à mes lèvres un nombre incalculable de fois. Au moins, avec quelque chose en bouche, je ne dirais pas de conneries supplémentaires et ce n'est pas plus mal. Je sens quelque chose se glisser dans mon dos et se poser sur ma taille et je me raidis instantanément. Kane ? Ça ne peut être que lui et pourtant, je glisse légèrement mes yeux sur cette main chaude. Je ne sais pas quoi faire ni comment réagir. Ça ne m'est jamais arrivé et là, je suis trop occupée à réfléchir plutôt qu'à agit. Ça finira bien par changer quand j'aurais fini ma bière, chose à laquelle je m'attèle, en relevant les yeux vers Kane lorsque je sens son regard sur moi. L'alcool me détend quelque peu et pendant le set de Bleachers, je bouge légèrement mes épaules et la tête, un léger sourire sur le visage. J'aime ce contact, cette main posée sur moi. Genre vraiment très beaucoup. Ma bière est finie une fois que les lumières se rallument et je m'abaisse pour ramasser le deuxième verre, la main du jeune homme toujours sur. J'ai envie qu'il m'attire vers lui et qu'il m'embrasse. Je me sens légère, libérée de mes craintes et quand je regarde Lene et Ariane, j'ai l'impression de voir de très vieilles et bonnes amies. Ne jamais boire d'alcool, ça me fait vite de l'effet, un peu trop vite même. " Vous avez aimé les filles ? " Que je leur demande avec un sourire. Je ne m'attendais à ce que ce soit la première partie. C'est bien le genre de choses auxquelles je ne fais jamais attention. Je passe mon bras dans son dos pour me pencher légèrement en avant vers les filles, une fois encore. " Vous connaissez leurs nouvelles chansons ou il n'y a que le fanboy parmi nous qui est intarissable sur le sujet ? " Je ris légèrement, les traits beaucoup plus détendus. C'est pas une critique contre Kane, loin de là, je trouve ça vraiment trop mignon cette passion, cette force et cette folie qu'il dégage. Personnellement, j'ai écouté le nouvel album mais pas tant que ça. Je voulais garder un peu de surprises pour ce soir. Mais j'ai déjà atteint ma dose de surprises en fait. Pas assez parce que je balance un large sourire à Lene suivi d'un " J't'ai connu plus souriante Lene ! T'es belle quand tu souris tu sais " Pourquoi je dis ça moi ? Ah. Parce que je n'ai pas de filtres et que j'avais envie de le dire. Je tourne doucement le visage vers Kane et… Qu'il est beau ma parole mais qu'il est beau ! Et là, à scander PA-RA-MORE, on dirait un enfant et je craque encore un peu plus. Les lumières se tamisent à nouveau et ma voix se joint à celle de Kane et à celle de tellement d'autres personnes.

C’est tendu de chez tendu. Entre Wendy qui flippe son existence entière dès l’instant où elle a mis le pied ici, Lene qui apparemment ne boit plus d’alcool depuis plus d’un an, et Kane qui a le regard perdu dans le vide et doit compter les secondes où il est capable de garder ses iris de trop dériver sur les courbes de Wendy, on fait pas plus difficile comme ambiance. Mais ça me plait bien les malaises, je les étudie à longueur de journée, je suis pas inconfortable, au contraire. Le verre de bière aux lèvres, je me la joue sociable avec l’autre brune à la moue dubitative, et elle me répond du revers. Je suis de bonne humeur ce soir, les piques viendront plus tard si elle y tient. « Bah, comme il rougit à tout, on est quand même larges. » et j’hausse les épaules, connaissant le personnage, c’était facile de savoir que c’était ce trait qui le vendait à chaque fois. Encore heureux que son date du soir le voit comme un type si mignon oh wow ses petits joues carmin je kiffe. Et je rigolerais presque du cliché dégoulinant de cheesy, si je n’étais pas foncièrement contente pour Kane. À l’avoir entendu parler de Wendy pendant presqu’un an sur la route, à l’avoir vu tout penaud la perdre une seconde fois lorsqu’il l’avait retrouvée à Brisbane, et à assister aux retrouvailles édition 40 000 ce soir, y’avait de quoi être fière de mon poulain. La musique se lance, mon attention se vrille à la scène et j’ignore si Lene râle encore toute seule dans son coin, si elle est toujours là à cuver son absence de virgin cocktail ou si elle s’est barrée en voleuse. La deuxième option ne m’étonnerait pas à voir comme elle rage pour une raison aussi évidente qu’usée à la corde. Pauvre Kane qui n’y voit que du feu. « J’suis une fille de classique, je reste sur les vieux trucs. » que je réponds, quand on me demande, pour Paramore. Valeur sentimentale on dira, et les soirées sur la plage le long de la côte australienne à remettre les mêmes chansons en boucle en mangeant des guimauves. Par contre, quiconque dévoile cette bribe de sentimentalisme, de nostalgie, se verra montré la porte, et un joli doigt d’honneur au passage. Fallait que je vous avertisse. Wendy toute en fleur qui complimente Lene, mon regard passe de l’une à l’autre, et mes dents mordent doucement le rebord de plastique de mon gobelet, me faisant violence pour ne pas lâcher un petit rire. C’est un champ de mines, c’est à calculer à quelle seconde Lene va exploser, et même si c’est malsain et absolument pas correct, je me surprends à prendre le pari dans ma tête. Rideau, musique, les premières notes s’entament, et je me joins aux deux autres bozos qui scandent, parce qu’entre ça ou commenter les débuts d’une nouvelle guerre froide, mon quota est limité. Ce n’est que lorsque la première chanson est déjà bien entamée que je me penche vers Lene, entre une espèce de compassion pour son plan cul qu’elle voit se faire tripoter par Kane sous ses yeux, et une réserve à ce que mon pote ne voit pas son propre plan cul en la personne de la même blondinette s’évaporer après tant d’attente. « Tu le dis si tu changes d'avis pour un verre. » que je souffle à son oreille, bonne joueuse, si ça a fonctionné avec Wendy. Pensant bien faire pour au moins un brin la détende. Pour une fois, faut en profiter.

« J’aimerai mieux que ce soit la vérité ! Même si ça reste un souvenir de cette soirée. » Elle n’est vraiment pas sûre de savoir si elle doit donner le fond de sa pensée et cracher la vérité comme elle sait le faire pour lui faire savoir que cette soirée est en passe d’être un souvenir très peu positif dans sa mémoire, ou si elle doit continuer de prendre sur elle, parce qu’il a l’air content d’être là, qu’il semble avoir prévu ses trucs et que si elle pétait un câble, là, en direct alors qu’il n’en a aucunement l’habitude, ça jetterait un froid sur leurs conversations à venir. Donc là, elle se retient. Allant même à tenter de s’alléger l’esprit en partageant un bref moment de complicité où elle se moque de son tee-shirt, rendu visiblement trop petit par les heures qu’il passe à la barre. «  You bitch ! » Qu’il répond, provoquant un rire et la remarque suivante presque instantanément. « Gras et susceptible. C’est moche. » Et c’est probablement là que se produit le seul rire sincère de la soirée, le petit instant de bonne humeur qui s’échappe au moment où Kane recause de Wendy, ou il parle d’Ariane et de ce date arrangé qu’elle ignorait et qui en fout un coup sur les boules qu’elle commençait à ne plus avoir. Elle est quand même incroyable cette capacité qu’il a à être maladroit et à toujours passer à côté des choses. « Promis je vais pas te laisser de côté toute la soirée. » Qu’il promet, parce que là, elle aura eu du mal à cacher que cette organisation ne lui plait pas et que s’il avait voulu que ce soit un double date, il aurait au moins pu lui laisser le loisir de choisir son +1.  « T’occupe pas de moi, je suis une grande fille. » Qu’elle rétorque, sourire forcé, alors que les filles reviennent vers eux, les mains aux prises avec leurs verres, Lene qui fout un verre royal à Wendy, parce que cette dernière commet le second affront de penser qu’elle laissera passer aussi facilement cette humiliation.  «  Je peux aller te prendre autre chose si tu veux. » « Mais je ne veux rien. » Et c’est la vérité. Si elle n’a pas répondu, c’est qu’elle n’a besoin de rien et si ça change, elle est capable de faire le déplacement comme une grande. Puis, c’est la première partie qui se met en route, la conversation qui se termine pour laisser place à la musique et Lene profite de ce moment pour prendre sur elle, pour pas gâcher la soirée des autres parce qu’elle a conscience que c’est très égoïste de sa part d’avoir juste envie d’en foutre sur la gueule de Wendy pour l’avoir catégorisé de simple voisine, alors que c’est elle qui est venue la chercher pour se consoler de son ex. Et c’est pas simple de garder son calme, parce que ça la renvoi à ce sentiment abject que d’être prise pour une conne et ça lui rappelle Matt et sans qu’elle s’en rende compte, elle se monte la tête. L’impulsivité se déclare. Il ne faut pas qu’elle explose qu’elle se répète en soufflant. Et c’est sans vraiment avoir profité, que la première partie se termine, que Kane, visiblement à côté de ses pompes pour tout ce qui s’agit de percevoir l’ambiance, commence à donner son avis. « La dernière chanson était vraiment pas mal. Bleachers, je les checkerai sur Spotify. » Elle hausse les épaules. Elle n’a pas écouté et elle s’en cogne à vrai dire. On dira que c’est ce genre de chose qui arrive, quand on va au concert d’un groupe qu’on aime même pas. " Vous avez aimé les filles ? " Et c’est le moment où elle désespérément envie que ce soit Ariane qui prenne la parole, qu’elle fasse son truc de copine avec Wendy pour que tout l’monde oubli son existence à elle. Visiblement, la rousse ne prend pas la perche et pour éviter un silence gênant, Lene se contente de répondre, au bluff. « C’était pas si mal. Je ne connaissais pas. » Et à vrai dire, elle ne connait toujours pas. " J't'ai connu plus souriante Lene ! T'es belle quand tu souris tu sais " Que Wendy ajoute, paroles qui lui monte directement dans les nerfs. A se demander si au final, elle la cherche ? Parce qu’elle était disposée à jouer la voisine, la nana qu’on planque vulgairement sous un tapis par honte, elle comptait ravaler sa fierté, pas faire de scandale. Mais si Wendy se fout de sa gueule. « Je peux savoir ce que tu en sais ? » Qu’elle réplique, avec une agressivité qui se discerne bien avant d’ajouter, des fois que la blonde ne saisisse pas la rhétorique. « Tu ferais mieux de réfléchir avant de l’ouvrir. » Conclusion. C’est le moment choisi par la foule pour scander le nom de la tête d’affiche. Peut-être que Kane n’est finalement pas à côté de la plaque, vu qu’il entre dans le jeu. Bien, passez à autre chose. Elle va continuer de prendre sur elle. « PA-RA-MORE ! PA-RA-MORE !. » Et les lumières s’éteignent. Le band fait son arrivée et discrètement, Ariane prend position et Lene ne comprend même pas pourquoi elle se donne cette peine. Elle est pas obligée de se forcer à ce que ce date donne quelque chose. « Tu le dis si tu changes d'avis pour un verre. » Et elle a envie de l’envoyer chier elle aussi. Parce que c’est pas un verre qui va la calmer. Parce que c’est une proposition ridicule. Parce qu’elle ne boit pas et que si elle y faisait une entorse, elle voit pas pourquoi elle le ferait en compagnie d’une inconnue. Mais là encore, elle ferme les yeux, se garde de passer pour la peste de service aujourd’hui. « Merci, j’apprécie, mais je n’en ai pas besoin. »

Je me sens vraiment mal à l’aise avec mon bras autour de la taille de Wendy mais je tiens bon. Je n’ai pas envie de me détacher. J’ai l’impression que j’aurai encore plus de mal à le repasser autour d’elle après. C'est complètement con mais je sens que je n’aurai pas deux fois le courage de le faire. Tout est encore trop nouveau entre elle et moi. Je ne suis pas à l’aise avec les démonstrations d’affection en public.

Quand elle parle de moi en tant que fanboy ça m’amuse. Elle me taquine. Je serre un peu plus mon bras autour de sa taille.

« Fanboy et j’assume ! »

Je bois une gorgée de ma bière. Ariane parle des vieux tubes du groupe et je me souviens qu’on les avait écouté assez souvent dans la voiture. J’avais tous les albums. Wendy lance à Lene qu’elle est pas souriante. Je me dis que c’est peut être pas la meilleure remarque à lui faire. Je regarde Lene du coin de l’oeil et je capte qu’elle n’est pas d’humeur. Mais c’est une grande fille comme elle me l’a fait justement remarquer. Je ne m’inquiète donc pas pour elle. Je suis happé par la foule qui scande le nom du groupe et je me joins à eux. Les lumières ne tardent pas à s’éteindre et c’est les notes de « Hard Times » qui jouent.

« Whooohooooo ! »

Oui je suis excité comme une puce. Je connais les paroles par coeur de celle là. Je chante tout le long comme le bon fanboy que je suis. Je garde mon bras bien autour de la taille de Wendy, je caresse doucement sa hanche alors que je bouge la tête en rythme. C’est ensuite au tour de « Ignorance » de jouer et pareil, je la connais sur le bout des doigts. Je sais aussi que la prochaine chanson qu’ils vont chanter c’est « Still into you » du coup je ne suis pas autant à fond dedans. Je suis déjà en train de penser à comment je vais m’y prendre pour embrasser la blonde. Ca y est. Je suis dans ma bulle. J’essaie de ne pas trop me monter la tête. Je jette des coups d’oeil à Wendy et je souris de la voir chanter quelques paroles. La chanson s’arrête et mon coeur s’emballe. C’est le moment. Je me mords la lèvre inférieure. Je suis tendu. Je ne chante pas cette fois. J’attends bien patiemment le refrain et je me lance direct. Je la tire vers moi et je chante le refrain intégralement, histoire de se souvenir de notre moment passé ensemble y’a de longues années. Quand on se chantait les paroles de Paramore et qu’elles nous parlaient. C’est pareil ce soir, pour cette chanson précisément.

« Cos after all this time, I’m still into you… »

Les mots se bloquent ensuite, mais je regarde Wendy dans les yeux alors que la suite du refrain fait son cours. Je veux lui dire que ces mots sont pour elle. Que je les pense tous. J'ai un air bien sérieux sur le visage, je suis concentré sur mon next move.

I should be over all the butterflies but I'm into you, I'm into you. And even baby our worst nights I'm into you, I'm into you. Let 'em wonder how we got this far. 'Cause I don't really need to wonder at all. Yeah, after all this time, I'm still into you.

Et j’y vais. Je vais poser mes lèvres sur les siennes alors que Hayley continue de chanter le deuxième couplet.  Nos lèvres se retrouvent après toutes ces années. Ma langue se joint à la sienne et je vais tout en douceur. Je ne l’embrasse pas pendant longtemps. Je me détache ensuite pour profiter de la fin de la chanson. Je continue de lui chanter les refrains en la regardant dans les yeux. Même si je ne pense pas qu’elle puisse douter de ce que je ressens pour elle après tous les SMS qu’on s’est envoyé ces derniers jours. Je lui fais un beau et large sourire, heureux d’être avec elle ce soir.

Les chansons s’enchaînent et contrairement à y'a 8 ans, je ne passe pas mon temps à l'embrasser. Etre juste là avec elle tout proche me suffit. Mon bras s'est retrouvé autour de ses épaules au fur et à mesure. J'ai terminé ma bière. Quand « Misery Business » commence je me détache de ma blonde et je vais vers Ariane pour chanter avec elle parce qu’on a beaucoup écouté ce titre pendant notre road trip.

« Whoa, well I never meant to brag, but I've gotten what I wanted now… »

On a ce moment ensemble et je vogue sur les souvenirs que j’ai avec elle. Le bon vieux temps. J’en reviens pas que ça remonte à 2010.

La chanson d’après me fait vriller. « Ain’t it fun » une de mes favoris. Je prends mon pied, me retrouvant à côté de Lene. Je lui mets un coup de hanche au passage. Je prends sa main et je tourne dessous. Je fais n’importe quoi. Je suis survolté et quand le groupe quitte la scène pour le rappel, j’ai encore la chanson bien trop en tête et je continue de chanter, regardant Lene, voulant lui faire comprendre que ces paroles là que je chante sont pour elles.

« Ain’t it fuuun ain’t it fuuun, baby now you’re one of uuuuus ! Ain’t it fun, ain’t it fuuuuun ! »

J'aurais peut-être du me retenir de lancer cette remarque pourtant pas assassine ni méchante du tout mais bon… Le jour où je réfléchirais avant de parler n'est pas près d'arriver. Après tout, j'ai bien présenté Lene comme ma voisine alors que bon… C'est un peu plus que ça. Mais pas tant que ça non plus. En fait, en y pensant et en y réfléchissant, je ne sais pas trop ce qu'elle est. Voisine, pour sûre. Un peu plus aussi mais c'est ma panique et mon malaise que je tente de cacher bien profondément. Mais quand elle me remballe sèchement, je cligne des yeux, un peu choquée et finis par m'intéresser au concert, par m'intéresser à ce qu'il se passe sur scène. Parce que, bien entendu, les zozos sur scène qui placent les micros et qui mettent tout en place pour Paramore, bah ça m'intéresse bien plus que n'importe quoi d'autres. Et je préfère faire abstraction totale sur tout ce que je ressens parce que peut-être que ça n'en vaut pas la peine. Et c'est même sûre : la seule qui vaut la peine pour moi à ce moment, c'est le bras de Kane autour de ma taille, sa main qui caresse ma hanche et chaque partie de mon corps qui s'électrise quand les premières notre de "Still into you" retentissent. Je sautille d'un pied sur l'autre, fredonnant les paroles avant que Kane m'attire un peu plus vers lui. Je lève les yeux et souris bêtement quand sa main arrive à mes oreilles. Cos after all this time, I'm still into you. Et c'est pareil pour moi. Mon corps s'électrise et mes yeux ne quittent pas son regard. Je suis hypnotisée et je souris à chaque mot qu'Hayley prononce et je prie. Plus que ça même. Je crois que j'invoque tous les dieux et déesses de la planète pour qu'il se décide enfin à réduire la distance entre nous deux. Plus rien ni plus personne n'a d'importance. J'oublie où je suis. C'est presque si tout n'est pas noir autour de moi et que la seule lumière, c'est lui. Oui, c'est ce qu'il me fait ressentir et c'est carrément fou, je le sais bien. Et je me foutrais surement de ma propre gueule demain matin, au réveil. Ou peut-être pas. Les paroles qu'il vient de prononcer retentissent à nouveau et ses lèvres touchent les miennes. Un simple baiser. Un baiser court et tellement chargé d'émotions, d'histoires. Ce n'est pas n'importe quel baiser, ce n'est pas avec n'importe qui… Et quand des milliers de papillons battent des ailes dans mon estomac, je sais que ça, ce que je ressens avec lui, c'est l'histoire d'une fois et pas plus. Et le concert file à vive allure. Ces moments, à jamais gravés dans mon esprit. Je suis si bien, son bras autour de mes épaules. Nos lèvres ne sont pas scotchées l'une à l'autre et c'est si agréable. On n'a pas besoin de se bouffer le visage pour s'avoir que tout ça, c'est important, que tout ça c'est peut-être le début d'un nouveau chapitre et quel chapitre… On a grandi, on est adultes maintenant. Et c'est si agréable. Tellement agréable que lorsqu'il file vers les filles pour partager un moment avec elle, un large sourire se dessine sur mon visage. Il est si mignon. Vraiment trop mignon. Et, le regard fixé sur la scène et sur le groupe, je danse et chante à l'unisson avec Hayley Williams. Je ris quand je vois Kane prendre la main de Lene et danser avec elle. C'est comme si mon cœur fondait un peu plus à chacun de ses gestes, à chaque mouvement qu'il entreprend. Alors que le groupe revient sur scène pour chanter Grow up, je me rapproche d'Ariane et lui souris légèrement. " Tu passes une bonne soirée ? " Parce que c'est important aussi, tout ça, de savoir comment elle va, ce qu'elle a pensé de cette soirée. Si elle a pu discuter avec Lene un peu et la "détendre". " If I have to, I'll leave him behind but I don't want to " Que je lui lance, plus ou moins en même temps que les paroles de la chanson nous parviennent aux oreilles. Ce ne sont pas les bonnes, je le sais bien mais ce sont mes intentions. Si je dois le laisser partir, je le ferais mais je n'en ai pas envie, loin de là même. Ce petit moment avec lui m'a fait réaliser que j'aurais dû l'inclure dans mes soucis de famille plutôt que de le repousser à cause de mon ex. Elle avait raison d'être jalouse, au final. Mais elle nous a fait perdre du temps. Elle m'a fait perdre mon temps avec lui. Et Dieu seul sait que le temps est précieux…

Bien sûr qu’il se la joue romantique le petit, à lui crier les paroles de la chanson à la tronche, à la ramener vers lui, à l’embrasser goulument. Il a pris du coffre Kane, il est plus aussi timide que je l’ai déjà vu, et si je baille doucement sur le rythme plus molo de la mélodie, c’est tout de même contente pour mon pote que j’assiste à ses premiers pas dans le monde des fantasmes accomplis ou presque. Damn qu’elle l’avait fait baver Wendy, blue balls and such, et maintenant qu’elle est dans ses bras, c’était pas dit qu’il allait la laisser partir aussi facilement. Bien fait. À mes côtés par contre, y’a Lene qui s’est fermée à tout potentiel de discussion, et si le blond m’avait parlé d’elle en long et en large, vanté son caractère tranchant et sa répartie d’acier, de suite, j’ai pas trop envie de la tester, de me faire chier à trouver comment la désamorcer. Si elle avait envie d’un verre, ça allait venir d’elle, et moi, ma bière et mon silence me contentent amplement. Les lèvres encore rosies du baiser qui s’est prolongé sur quelques minutes, Wendy finit par réaliser qu’il y a d’autre monde autour d’elle et tourne ses yeux brillants et ses paupières qui papillonnent dans notre direction. Ignorant Lene, elle me demande comment se passe ma soirée, et honnêtement, le mode tenir la chandelle ne me dérangeait pas trop, jusqu’à ce que je remarque un peu plus loin sur la distance une rangée complètes de food trucks qui viennent à peine d’arriver pour nourrir les gens présents. « Yep, mais elle risque de dériver par là. » que j’annonce, beaucoup plus pour Kane, pour qu’il sache que c’était cool, mon boulot ici était terminé, et qu’il avait la situation bien en main - littéralement. De toute, je doute que quoi que ce soit reste nécessaire de ma part, sauf un léger « Relaxe, tu conclus direct ce soir, pour sûr. » que je souffle à son oreille, lui glissant une capote de sûreté dans la poche de son jeans, me détachant dans la seconde l’air assuré. À Wendy par contre, c’est une toute autre sorte d’au revoir que je lui lègue. « Et toi, j’pense que t’as brûlé toutes tes chances d’un round two. » en passant près d’elle, je murmure le moindrement pour que mon pote n’en sache toujours rien, mais mon regard entendu vers Lene signifie à la blonde qu’avec elle, c’est clairement grillé. À Lene d’ailleurs, parlant d’elle, je me contente de lui pointer des yeux la bouffe qui est en retrait, sachant que pour le moment et peut-être même pour toujours, elle a pas particulièrement envie de bavasser de la pluie et du beau temps. Si elle veut suivre fine, si elle veut rester derrière à cuver sa rage, fine aussi. J’ai pas de temps à perdre à insister, et elle a pas de temps à perdre à gérer ça en plus du reste. Ma révérence tirée, j’en profite pour me faufiler en sens inverse dans la foule, rigolant des costumes exhibés des uns, des affiches illustrant des déclarations d’amour des autres. Une poignée de minutes plus tard, et quelques restes de bières que j’ai kické du bout de mes Converse on the way down, j’arrive devant ce qui risque d’être le meilleur plan pour moi toutes catégories confondues. « Les tacos, extra spicy. » la commande passée, je salive déjà et pour peu, la quantité de fromage que le dude ajoute à ma portion suffit à ce que tous les malaises du monde, toutes les crises amoureuses à gérer et toutes les chansons pas particulièrement connues du band se rachètent en une seule et unique bouchée.

Voilà quelque chose dont tout l’monde semble avoir pris connaissance : elle a zéro envie d’être là, et maintenant, elle est plutôt soulée que sa soirée en soit venue à ça et qu’elle ait perdu des heures qu’elle aurait pu foutre dans autre chose qu’un groupe qu’elle n’aime pas. Elle suppose que, ça lui apprendra à sauter les pieds joints dans les plans de Kane sans même s’être assurée qu’il ait pensé à tout. Désormais, sa soirée, c’est juste mater l’autre greluche sur scène tout en écoutant des chansons qu’elle ne connait même pas et qu’elle n’a pas envie de connaître non plus. Sans parler de son pseudo-date qui ne lui donne pas plus envie de s’adoucir. Et la soirée se poursuit, Kane semble conclure et réussir dans ce qu’il avait entreprit. Ce que Lene ne comprend pas, c’est que Wendy soit la bouche tout en cœur avec lui. Pour une lesbienne, elle semble vraiment trop peu au courant de comment se présente un service trois pièces. Elle sent déjà qu’elle va récupérer le blond en train de se morfondre pour avoir chopé la mauvaise meuf et malheureusement pour lui, elle est présentement suffisamment énervée après lui pour penser que c’est bien fait, et ce ne sera pas de lui chanter une chanson ou de tenter de danser avec elle qui atténuera quoique ce soit. Il a le temps d’un pas alors qu’il chantonne et Lene défait sa main de la sienne avant de faire un pas en arrière. Elle ne veut pas chanter, pas danser. Elle sait même pas ce qu’elle fout là-bas, et ce qui ne lui fait pas quitté les lieux directement, c’est le regard d’Ariane vers les food trucks et le fait qu’elle n’a pas payé une place pour rien donc qu’elle ferait mieux d’attendre la fin. Un singe de la tête et elle accepte de la suivre. Lene ne dit rien, elle ne se tourne même pas vers les deux autres. De l’énergie dépensée et mal investie. Marchant doucement derrière Ariane, elle ne peut s’empêcher de se demander si ce sera çasa soirée, se goinfrer de tacos avec une totale inconnue à qui elle n’a aucune envie de décocher un mot. En même temps, à quoi Kane pensait avec ses rendez-vous arrangés ? Tout l’monde n’a pas une vie sentimentale aussi désespérée que la sienne. « La même chose, extra-tout. » Qu’elle balance en soupirant au gars de la fourgonnette. C’est quand même triste de se faire chier ici avec un truc qu’elle aurait pu faire chez elle.

Sans vraiment rien comprendre, Wendy et moi on se retrouve tout seul parmi la foule. Pas que ça me dérange… mais si en fait ça me dérange. J’ai l’impression qu’elles ont passé une soirée de merde à cause de moi. Va falloir que je tente de me racheter, même si moi, j’ai passé une super soirée. Parce que oui, j’ai pu emballer Wendy comme je l’avais prévu. C’était pas un si gros challenge vu qu’elle avait l’air tout aussi partante que moi pour qu’on s’adonne à ce genre d’activité. On a quand même été beaucoup moins gourmand que dans nos plus jeunes années. On a profité du show, on n’a pas fait que s’adonner à des baisers, même si j’ai très envie de recommencer.

J’essaie de ne pas penser à Ariane et Lene pour la suite de la soirée parce que non, la soirée n’est pas encore terminée en ce qui me concerne. Je raccompagne Wendy chez elle et une fois devant sa maison, je me tourne vers elle et je me penche jusqu’à son visage afin de goûter ses lèvres de nouveau. Je reste beaucoup trop longtemps à l’embrasser. Je vais lentement. Doucement. Délicatement. Je déguste ses lèvres pour retrouver cette sensation délicieuse. J’ai l’impression de retourner 8 ans en arrière. C’est fou. Comment j’ai pu vivre sans ses baisers tout ce temps ? Je ne sais pas… Mais là je sais une chose, je ne veux pas que ça s’arrête. Alors on passe au moins une heure dans ma voiture à s’embrasser et puis vient le moment de se séparer pour de bon, pour aujourd’hui. Parce que clairement, je vais la revoir vite. Très vite. Il le faut.

« On laisse pas passer huit ans avant de se revoir cette fois hein… »

C’est que j’ai un peu peur quand même ouais. Je lui dépose un dernier baiser sur les lèvres avant qu’elle ne sorte de ma voiture. Je la regarde filer et je ne démarre le moteur que lorsqu’elle est à l’intérieur.

Une fois chez moi, je suis trop excité pour dormir, alors je suis dans mon lit, sur mon téléphone et j’envoie des SMS. A Wendy. A Lene. Et à Ariane.