Le raisonnable. Merde au raisonnable. Comment rester tranquille quand elle m’enivre autant d’un simple passage de ses mains dans mes cheveux ? Quand elle s’agrippe au col de ma chemise ou passe si doucement ses doigts sur mon torse ? Quand je sais parfaitement qu’un geste innocent pourrait faire glisser les miens de ses côtes à sa poitrine ? Je sens ma conscience m’échapper, mes pensées ne devenir qu’un océan tourmenté, et je me laisse noyer dedans avec plaisir. Non, je ne le dois pas. Non, on n’oublie pas le raisonnable. Ce mot qui me revient soudainement, perçant au milieu de ce brouillard de pensées qui s’est installé dans mon crâne comme les phares d’une voiture dans la nuit. Encore une fois, mes lèvres s’appuient sur celles de Joanne. Je dois demander un instant de répits à mon corps. Une seconde de calme afin de remettre mes pieds sur terre. Ce baiser prenant fin, ma main se plaque sur l’omoplate de la jeune femme assez fermement pour qu’elle ne puisse pas le prolonger en s’approchant à nouveau. Je prends une grande inspiration, comme sortant d’une longue période d’apnée. L’oxygène afflue dans mon cerveau et aide mes idées à se remettre en place, étrangement, très rapidement. Mon front posé contre celui de la belle, je garde les yeux fermés un instant, sans pouvoir empêcher un grand sourire reprendre le contrôle de ma bouche malgré tout. Mon cœur frappe sur mes tempes, mes muscles sont tendus. Je retrouve les calculs et les faits, si rassurants dans ces moments où je sais que tout m’échappe. J’ai dit que j’attendrais, que je ne lui forcerais pas la main. Que c’est elle qui décide. Et temps que rien ne me fait comprendre que le bon moment est venu, je dois me tenir à ma parole, quitte à couper court à un élan allant en ma faveur. Ma main libre reste collée à sa peau, ne comptant pas s’en défaire pour le moment. Quand je parviens à l’arracher aux hanches de Joanne, c’est pour mieux la déposer sur sa joue. Son visage est brûlant. Je veux bien croire que le mien l’est aussi. Je caresse doucement du pouce ses pommettes rougies. Je rouvre les yeux et capte les pupilles dilatées, brillantes, de la jeune femme. La moindre dose de lumière est aveuglante. Elle décide, pont barre. Je devine dans mon regard un besoin d’être guidé, de savoir si je fais bien de calmer le jeu ou pas. De savoir ce qu’elle veut, bon dieu, parce qu’entre les mots et les paroles, difficile de savoir où donner de la tête. Retombé au niveau d’exaltation en dessous, je peux laisser glisser mes doigts sur son cou et appuyer sur sa nuque pour rapprocher son visage du mien et retrouver les lèvres de la belle pour un baiser tendre. Une partie de mon attention se rend sur ses doigts accrochés à la chemise, mon vêtement légèrement remonté sur mon dos pour qu’elle puisse atteindre mon épiderme. Là, entre nous deux, imperceptible, il y ce petit espace où son haut s’est aussi dégagé de ses côtes, et où je peux sentir son ventre contre le mien. Ce n’est que, quoi, deux malheureux centimètres carrés qui m’interpellent et me hurlent une envie de la découvrir un peu plus, de la sentir entièrement contre moi. Je joue la sourde oreille autant que possible. Je me contente de ces deux centimètres carrés.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne était perdue. Son corps disait oui, alors que sa raison criait non. Elle l'avait dit elle-même un peu plus tôt. Qu'elle avait encore besoin de temps, qu'elle trouvait important de se connaître, qu'elle tombe complètement amoureuse de lui. Pendant qu'il reprenait son souffle, elle le regardait silencieusement, remettant un peu les pieds sur terre. Ce n'était qu'à ce moment qu'elle réalisait à quel point son ambivalence ressortait dans la situation. Elle aurait pu demandé à s'arrêter là. Mais avant même qu'elle ne songe vraiment à prendre la parole, ses mains s'étaient déjà perdues à parcourir le bas du dos de Jamie. Leur baiser était peut-être moins intense que celui d'avant, mais ne manquait pas de sentiments et de tendresse. Ca aidait Joanne à se calmer un peu, autant au niveau de sa respiration que de ses pensées. Ses doigts quittaient son dos afin de retrouver son visage, et son cou. Ce n'était peut-être rien pour lui, mais elle sentait cet infime contact direct qu'ils avaient au niveau de leur ventre. Elle décida de quitter doucement ses lèvres, afin de le regarder, d'effleurer son visage du bout de ses doigts, de reprendre du contrôle sur soi. Ces derniers sonnaient de manière étrange dans la tête de Joanne. Retrouvant une respiration peu à peu correcte, elle admirait son visage sur ses détails. Ses joues, ses lèvres, son nez, son menton, son front. Elle déposa un doux baiser sur ce dernier. "Je...Je suis désolée" dit-elle, pourtant souriante. Elle se mordit sa lèvre inférieure avant d'ajouter, presque amusée. "J'avais oublié que j'étais celle qui n'avait strictement aucun contrôle sur ses émotions." Joanne parlait à voix basse, comme si elle ne voulait pas qu'on les entende, alors qu'ils étaient bien seuls dans son appartement. Une de ses mains couvraient un moment ses yeux, un peu honteuse et embarrassée d'avoir été aussi contradictoire entre ce qu'elle disait et ce qu'ils étaient en train de faire. Ca ne l'empêchait pas de sourire.
Elle voulait quand même qu'il reste dans cette position, il pouvait même s'allonger un peu sur elle, ça ne lui aurait absolument pas dérangé, bien au contraire. Joanne lâchait un long soupir, retrouvant une attitude qu'elle maîtrisait un peu plus. "J'aurai jamais pensé que ça pouvait être tellement... enfin que ça soit si vite..." On retrouvait la une Joanne qu'on connaissait bien, celle qui ne trouve plus ses mots. Sa main caressait tendrement sa joue, le regardant silencieusement pendant quelques instants. "Il faut croire que ton charme opère un peu trop bien sur moi..." dit-elle, avec un sourire gêné. C'était vrai. Après tout, ça faisait plus d'un an qu'elle n'avait pas désiré un homme. Peut-être que l'inverse s'était déjà produit, mais ce n'était en aucun cas sentimental. Il était normal que ses hormones explosent et envahissent sa circulation sanguine lorsque Jamie posait toute son attention et ses sentiments sur elle. "J'espère que je ne t'ai pas troublé... avec tout ça... ce n'était pas dans mes attentions... enfin si, mais... que c'est plus fort que soi comme ça... ça fait longtemps que je n'ai pas ressenti tout ça..." ajouta-t-elle, sa main toujours en contact avec sa joue. Elle leva légèrement la tête afin de déposer un doux baiser sur ses lèvres. Ses iris bleus le regardaient, envoûtée par la beauté irrationnelle de Jamie. Elle était sereine, elle était heureuse ainsi. "Je pourrai passer des heures comme ça..." La jeune femme sourit. "...à te savoir près de moi, à te regarder."
Je me doutais que Joanne allait s’excuser. Cela me fait sourire. Elle semble mal à l’aise, mais pas perturbée. Elle n’est pas la Joanne qui fond comme une glace au soleil, elle est souriante. Si adorable à voir, sa main devant ses yeux pour dissimuler sa gêne. Je ne peux m’empêcher de rire doucement. Elle pense être celle qui ne contrôle pas ses émotions ici. Sur le moment, j’avoue que j’en doute. Elle sait les exprimer, c’est important pour elle de suivre ses sentiments. Moi, j’attends juste le moment d’exploser, et là alors tout me file entre les doigts. Ce n’est que parce que je ne veux pas la décevoir, la brusquer, que je ne sais quelle force m’a fait contenir cette envie de simplement me laisser perdre le contrôle. Du bout des doigts, je frôle son front pour dégager toutes les mèches blondes qui barrent son beau visage. C’est vrai que tout va vite. Je ne saurais pas dire, cela m’est étranger. Mais j’ai en effet le pressentiment que les événements s’enchaînent avec une telle facilité… Les moments douloureux laissent place à des rires, les instants de gêne se transforment en complicité, et tout cela nous rapproche petit à petit pour arriver à des jours comme celui-ci. « Je me demande… s’il y a vraiment un timing pour ce genre de choses. » dis-je. Je ne cherche pas à la faire glisser vers mon avis qui est que, non, en fait, il n’y a de bon moment que celui où on sent qu’il l’est, celui où tout nous attire l’un vers l’autre, comme celui-ci. Un rire m’échappe à son compliment. Je détourne le regard une seconde. Non, je ne suis pas troublé. J’ai du mal à comprendre quoi faire, ce qui est attendu de moi dans pareille situation. Joanne se lance à nouveau dans ses phrases qui n’ont pas vraiment début et encore moins de fin. « Ne te justifies pas. Je suis comme toi. » dis-je afin de la rassurer, posant un doigt sur sa bouche pour qu’elle cesse de se lancer dans les déclarations inutiles. Elle sait comment tout cela fonctionne, elle l’a vécu par le passé, et même si cela remonte à au moins un an, ça reviendra. Je n’ai jamais ressenti tout cela. Je suis complètement perdu. Mais je n’ai jamais été aussi heureux d’être perdu. Je laisse glisser derrière la nuque de Joanne le bras qui me servait jusqu’à présent à me maintenir au dessus d’elle. Je suis ainsi un peu plus proche, collé à elle. « Tu sais pourquoi je suis dans la radio ? » je demande avec un sourire amusé. « Parce qu’être fixé me rend terriblement mal à l’aise. » A mon tour, je pose une main sur ses magnifiques yeux bleus. C’est un peu à contrecoeur que je masque son regard, mais sur le moment, c’est amusant. « Faisons comme ça. Je reste autant que tu veux, mais tu te contentes de ma voix. » Je gigote un peu dans le canapé afin de m’installer plus confortablement. Je resserre mon étreinte autour de ses épaules. Je glisse mon visage près du sien, frôlant sa joue avec mes lèvres. « Comme ça, tu ne pourras pas deviner quand je t’embrasserai. » Je passe sur ses lèvres sans appuyer, juste pour glisser un souffle sur sa peau. Puis je reviens vers son oreille où je m’amuse à parler très bas. « Je peux… te faire un flash info, ou dire ton horoscope… » Je ris doucement. « …te raconter une histoire, te chanter une chanson… » Je dépose un baiser sur sa joue, discrètement. Bouche fermée, je fredonne Love me Tender d’Elvis Presley. Je sais que je suis capable d’être un vrai jukebox humain parfois, mais c’est toujours celle-ci que je chantonne. Ma favorite.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Il était toujours d'une grande délicatesse avec elle. Joanne pensait qu'il allait prendre mal certaines choses, il n'en était rien. Il lui souriait, dégageait quelques mèches de son visage. Elle était tellement heureuse qu'il ait eu l'idée de venir la voir la veille, qu'il se soit endormi ici, et qu'il veuille rester. Une accumulation de coïncidences et d'actes manqués qui rendaient l'instant encore plus beau à vivre. Ils n'avaient pas besoin de grand chose pour profiter de cette journée, ils ne s'avaient que l'un et l'autre et c'était amplement suffisant. "Tu as certainement raison." finit-elle par lui dire. Il n'y avait pas de convention particulière qui demandait qu'il fallait un certain temps de fréquentation pour être attiré l'un à l'autre comme ils venaient tout juste de l'être. Ils ne vivaient plus au XVIIème siècle après tout. Joanne ne put s'empêcher de sourire lorsqu'il fuit un instant son regard après qu'elle l'ait complimenté. Malheureusement pour lui, c'était une chose dont elle ne se laissait jamais de faire. Elle avait ensuite essayé de traduire le fond de ses pensées et fut interrompu par le doigt de Jamie qui se déposa doucement sa bouche. Elle se tut immédiatement. La bel homme s'installa ensuite plus confortablement, passant son bras sous la nuque de Joanne. Cette dernière posa spontanément sa main sur son flan, leur corps tout près l'un de l'autre. Elle souriait continuellement. La jeune femme le regardait d'un air interrogatif et amusé lorsqu'il lui demandait si elle savait les raisons qu'il avait de travailler dans le monde la radio. Bien sûr que non, mais elle n'allait pas tarder à le découvrir. La main de Jamie vint recouvrir ses yeux, elle se mit à rire de son action. "Je crois que je pourrai survivre à ça" dit-elle en riant. Elle jouait le jeu, et ferma ses paupières. Joanne savait qu'il était tout près, sentant l'air chaud qui sortait de sa bouche se répandre sur sa peau. Elle s'en mordait la lèvre inférieure. Parcourue d'un frisson, elle saisit à nouveau la chemise de Jamie avec la main qui était posée sur lui. Il jouait avec elle, et avait l'air de bien s'y plaire. Elle adorait ça, mais comptait bien trouver une astuce pour avoir aussi sa part. La jeune femme l'écoutait fredonner une des plus belles chansons d'Elvis. Elle le laissait aller jusqu'au bout de cette dernière, un sourire léger pendu aux lèvres. Joanne aimait aussi beaucoup cette chanson, et aurait bien chanté ses paroles, mais elle ne voulait pas gâcher le moment. Elle préférait écouter sa voix, c'était tellement agréable, apaisant pour elle. Joanne n'avait pas bougé d'un millimètre pendant ce temps. Restant silencieuse un moment après qu'il ait terminé, elle se blottit un peu plus contre lui. "Et dites-moi, Monsieur le rédacteur en chef, vous arrive-t-il de diffuser des reprises, je ne sais pas moi... à tout hasard, Your Song, chanté par Ewan McGregor pour Moulin Rouge...?" dit-elle d'une voix douce, souriant à pleine dents. Elle le taquinait juste un peu.
Restant toujours aveugle, Joanne finit par lui dire, rieuse. "Le soucis, c'est que moi, j'adore te regarder. On va avoir un problème." Elle réfléchit un moment, songeant à ce qu'elle pouvait faire. Après tout, elle voulait qu'il reste. Elle eut enfin une illumination, très simple, mais qui était très ingénieuse pour elle. "Je ne peux peut-être pas te fixer, mais ton contrat n'indique en rien que je ne peux pas te toucher." Ses dents saisirent à nouveau brièvement sa lèvre inférieure. Ses doigts libérèrent enfin le tissus qu'elle détenait depuis de longues minutes, puis se mirent à glisser en direction de ses épaules, puis de son cou, qu'elle caressa tendrement pendant quelques secondes. Sa main parvint enfin au niveau de son visage, où elle redessinait du bout de ses doigts son front, ses sourcils, suivi de son nez. Il s'attardèrent plus longuement sur sa bouche, à en esquisser les moindre détails. Sa main se posait finalement sur sa joue, afin d'y rester. D'un sourire malicieux, elle lui chuchota "Vous ne m'aurez pas si facilement, M. Keynes." avant de déposer un baiser sur sa bouche. Elle ne pouvait décidément pas s'en passer.
Sagement, Joanne attends la fin de la chanson. Je crois que je n’ai pas remarqué moi-même que j’ai poursuivi jusqu’à la fin. Et qu’elle l’a écouté sans bouger, sans m’interrompre. Elle ne peut pas le voir, mais je souris, gêné. Je ne me suis jamais vanté d’avoir une voix hors du commun. On m’a souvent dit qu’elle passait très bien à la radio, à l’époque où j’étais à l’antenne, derrière le micro, et non pas derrière un bureau. J’ai toujours chantonné. Beaucoup. Comme mon frère quand il me bordait quand j’étais gosse. Ma mère disait qu’elle aimait m’écouter fredonner quand je jouais au piano à la maison. Je n’ai jamais osé vraiment mettre de la voix. Une seule fois, elle m’a surpris en train de chanter. Tous les Noëls, elle m’embarrassait avec ça jusqu’à ce que j’accepte de chanter devant toute la famille – et les invités. Etrangement, c’est une des rares choses agréables dont je me souviens d’elle. C’est une des seules choses qu’elle aimait de moi, du vrai moi, et non pas de la pâle copie d’Oliver qu’elle adorait que je sois. C’était dans ces moments, une à deux fois par an, que j’avais ma place. Chantonner, fredonner, est devenu la dernière trace du Jamie. C’est terriblement agréable. Joanne me demande si je sais aussi faire des reprises. Je ris doucement. « Oh, je suis tombée sur une de ces jeunes femmes romantiques qui rêvent qu’Ewan McGregor vienne leur chanter la sérénade. » dis-je pour la taquiner à mon tour. Heureusement qu’elle n’est pas de la catégorie de ces fans de Grey’s Anatomie, je ne veux plus jamais entendre parler de cet acteur avec le charisme d’une moule anémique. Parick Dempsey, c’est ça ? « Désolé, tu devras te contenter de moi pour le moment. » j’ajoute en déposant un furtif baiser sur le bout de son nez. En espérant que cela soit une moindre consolation pour elle. Au moins, sans me voir, elle peut imaginer être avec qui elle veut. Elle dit adorer me regarder. Je ris, mal à l’aise. Finalement, elle trouve la manière de prendre le dessus sur moi malgré ses yeux bandés par ma main. Ses doigts partent pour une longue minute d’excursion sur le haut de mon corps et les traits de mon visage. Je pense toujours faire plus vieux que mon âge, un peu trop. C’est un instant étrange, et agréable à la fois. Je l’observe, elle et son sourire malicieux, tout découvrir à l’aveugle. Je me demande ce qu’elle voit ainsi. Je suis captivé par le contact sur mes lèvres. Elles réclament les siennes, et ne sont pas tardées à être servies. Oui, visiblement, Joanne se débrouille toujours pour réussir à me déstabiliser. C’est inhabituel de la voir si sûre d’elle. « Je vois ça ! » dis-je en riant après son baiser. Très bien, puisqu’elle tient à son droit de m’observer, nous n’avons qu’à échanger les rôles. « Eh bien je peux fermer les yeux, comme ça je ne saurais pas si tu me regardes. » Et j’aurais moi aussi le droit de laisser mes doigts parcourir son corps. Quelque part, ce n’est peut-être pas une bonne idée. La sonnerie de mon téléphone nous interrompt. Non, pitié. C’est mon jour de repos, ne me l’enlevez pas. Je soupire, je grogne, je fourre ma tête dans l’accoudoir du canapé. Mon bras s’étire jusqu’à la table basse où mon cher smartphone vibre comme un marteau piqueur. C’est Roxy. « Je devrais répondre, c’est la patronne… » dis-je tout bas. J’ai presque envie qu’elle n’ait pas entendu cette phrase. « Je… » Les sonneries s’enchaînent. Mon regard se pose sur Joanne. Je sais que si je réponds, il y a de grandes chances pour que cette journée se termine immédiatement. Je mords ma lèvre inférieure. Mon doigt glisse sur l’écran vers la gauche. Rejeté. « Je devrais. Mais je suis trop débordé pour cela. » Je repose le téléphone sur la table. Mon sourire reprend ses droits. « Où j’en étais, mademoiselle Prescott ? » Immédiatement, j’attrape ses lèvres. Il me semble que c’était à peu près là.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
"Romantique, peut-être" dit Joanne en souriant. Sinon le bouquet de fleurs qu'il lui avait offert durant leur dîner au restaurant ne lui aurait pas fait cet effet là. Elle ne demandait pas non plus des feux d'artifice ou des déclarations d'amour affichés sur d'immenses buildings - ça aurait été bien de trop pour elle de toute façon. Non, les gestes simples, sincères. Un rien pouvait la combler. "Et puis... tu viens de me fredonner une des plus belles chansons d'amour... Je n'ai pas besoin d'Ewan McGregor." ajouta-t-elle. Et c'était entièrement vrai. Ses mains avaient parcouru une partie de son corps, découvrant ainsi sa musculature, les détails de son visage à l'aveugle. Les toucher avec ses doigts lui permettaient d'épouser une nouvelle perspective. Elle savait déjà qu'elle aimait beaucoup son physique, visuellement, et elle était en train de le découvrir par le toucher. Vous pourrez lui dire ce que vous voulez, Joanne pensera toujours que Jamie est un très bel homme, en de très nombreux points. Elle ne savait pas si c'était du au fait de ne rien voir, mais Joanne avait trouvé en elle une certaine assurance qui lui avait permis de faire des choses qu'elle ne pensait jamais être capable de faire. C'était peut-être aussi grâce à la présence de Jamie, le fait qu'il se connaissait mieux. Joanne se comportait toujours de façon très différente lorsqu'elle était avec quelqu'un avec qui elle était particulièrement proche. La jeune femme venait tout juste de l'embrasser, et Jamie lui suggéra une autre option afin que leurs regards ne se croisent pas. Elle lâcha un soupir. "L'autre souci est que j'aime aussi regarder tes yeux." dit-elle à voix basse. Sa main vint doucement retirer celle qui recouvrait ses iris bleus. Ces derniers furent éblouis pendant quelques secondes en redécouvrant la luminosité de la pièce. Soudain, le téléphone portable de Jamie se mit à retentir. Il était exaspéré. Joanne glissa un de ses mains sur lui avec affection avant qu'il n'aille saisir le mobile. Elle avait deviné de quoi il s'agissait avant même qu'il ne le lui dise. Ayant du mal à cacher sa déception, ses yeux restaient rivés sur lui à attendre qu'il réponde. A sa grande surprise, il fit l'inverse. Elle caressa son visage. Joanne s'en voulait un peu. Il s'en était déjà prise une pour avoir éteint son téléphone durant le repas, voilà qu'il raccrochait au nez de sa patronne. Comprenez que la belle blonde se sente un peu fautive dans tout ça.
Elle ne pouvait néanmoins pas cacher sa satisfaction lorsqu'il dit qu'il était déjà bien occupé, avant de venir à nouveau capturer ses lèvres. Joanne posa sa main juste en dessous de l'oreille de Jamie, tout en continuant de l'embrasser tendrement. Après quelques minutes, elle quitta doucement sa bouche et glissa sa main dans ses cheveux bruns. Elle le regardait, pensive, hésitant à partager ses songes. Finalement, elle finit par lui chuchoter. "Tu es sûr de ne pas vouloir la rappeler... ?" Embarrassée, elle prenait du temps entre chaque phrase pour trouver ses mots. "Tu t'es déjà fait sermonner la dernière fois un peu à cause de moi, quand tu avais éteins ton portable..." La jeune femme savait qu'elle aller un peu regretter ce qu'elle allait dire, à se rabaisser une nouvelle fois. Mais elle se souciait beaucoup plus de lui qu'elle-même. "Je... Je peux comprendre que tu veuilles faire passer ton travail avant... tout ça... avant moi." Elle trouvait que ces deux derniers mots sonnaient d'une manière terriblement égoïste. Joanne restait ensuite silencieuse, continuant de l'effleurer de ses doigts au niveau de son visage et de son cou. Elle n'attendait que sa réponse. Dans les deux cas, elle comprendrait.
J’étais absolument persuadé que Joanne serait capable de faire comme si de rien n’était. Mais comme à son habitude, elle ne peut s’empêcher de laisser les fins fonds de sa pensée s’exprimer. Elle me demande si je ne souhaite pas rappeler Roxy. Bien sûr que non. Je n’ai aucune envie de rappeler cette patronne qui se complait autant dans la planification de tous les moyens possibles pour me mettre des bâtons dans les roues. « Non, je… » La jeune femme me rappelle la rouste que je me suis prise la dernière fois que j’ai osé éteindre mon téléphone. La mauvaise idée le mauvais soir. Rien ne pouvait être aussi urgent aujourd’hui, si ? Je ne peux le savoir, et j’avoue que ça me tracasse. Peut-être qu’ils ont vraiment besoin de moi. Et moi… je n’ai pas besoin d’un nouveau sermon. Joanne ajoute qu’elle peut comprendre que le travail passe avant elle. Mes yeux ronds traduisent ma pointe d’offuscation. « Tu plaisantes ? » Je colle un baiser sur ses lèvres avant qu’elle ne dise une nouvelle bêtise plus grosse qu’elle (ce qui n’est pas vraiment difficile en soi). « Que ce soit clair, le travail ne passe pas avant toi. » lui dis-je en caressant sa joue. Je soupire. Malgré tout, elle a raison. Mon téléphone se remet à sonner. Je hais les téléphones. A cet instant, je hais la totalité du monde extérieur à cet appartement qui m’en extirpe, m’en arrache avec si peu de délicatesse. « Il est juste… envahissant. » J’essaye de résister à l’appel de cette fichue sonnerie. En vain. Si elle insiste, c’est que cela peut-être important. Je me mords la lèvre. « Je t’en prie, ne le prends pas pour toi. » je souffle à Joanne. J’espère vraiment qu’elle ne se sentira pas comme secondaire à cause de mon geste. Actuellement, elle et notre escapade en Angleterre sont mes réelles priorités. Juste avant la dernière sonnerie, je décroche et colle le téléphone à mon oreille. La voix de la directrice de la station se devine. « Allô Roxy ? » Le rédacteur en chef du soir est malade. C’est pour ma pomme. Pour être dans les temps, je dois avoir commencé la conférence de rédaction hier. Je soupire. Ce genre d’urgences sont partie intégrante du métier, mais sont loin d’être la partie agréable de la chose. J’acquiesce, me voyant mal la laisser dans la panade pour le reste de la journée. Je n’en serais que mieux payé. « Je serais là dans une heure. » dis-je avant de raccrocher. Mon regard se pose sur Joanne, puis se baisse, coupable. « Tu m’en veux à mourir, hein ? » Forcément. Voir notre premier moment d’intimité avorté par le travail, il n’y a rien de plus frustrant. Je prie pour qu’elle ne m’en veuille pas trop. Doucement, je me redresse. Le monde me semble soudaine beaucoup trop réel. Je vois le thé de la veille sur la table. Je me demande ce qu’aurait été ma soirée d’hier si je n’étais pas venu. Si la fatalité m’avait aussi appelé au bureau si je serais resté seul. Je me relève, retrouve de la sensation dans mes jambes. Ma chemise est défaite, froissée, mes cheveux très légèrement en bataille. J’imagine bien que je ne suis pas vraiment présentable pour aller à la station. Je me tourne vers Joanne, un sourire gêné aux lèvres. « Je sais que j’abuse, mais est-ce que je peux emprunter ta douche ? » Mauvaise idée, s’il en est. « J’aimerais me rafraîchir avant d’y aller. » Parce que, définitivement, je ne peux pas aller travailler dans cet état. Je n’ai pas souvenir d’un jour où je ne suis rendu à la radio sans être impeccable. M’en voulant terriblement, je m’accroupis face à Joanne et prends ses mains dans les miennes. Je dépose un baiser sur ses phalanges. Mon regard cherche le sien. « Je te promets qu’à Londres il n’y aura plus rien pour nous interrompre. » Mais je ne peux pas en être moins sûr, en réalité. Je ne sais pas ce qui peut nous tomber dessus là-bas. Les lunettes de soleil du parfait type incognito seront de mise.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne ne s'attendait pas à une réponse particulière. Elle savait qu'il aimait beaucoup son travail, elle n'aurait pas été dérangé qu'il dise qu'il laissait la priorité à ce niveau-là. Mais elle n'allait pas se mentir, et ne put cacher son émotion lorsque Jamie lui avoua que son métier ne passait pas avant elle. Pour certains, c'était une chose évidente, qui allait de soi, ça l'était beaucoup moins pour la jeune femme. Il l'embrassait, lui caressait la joue afin de la rassurer et ça marchait. Mais la supérieure de Jamie était assez persévérante, et renouvela son appel. Il était contraint de répondre et précisa avant décrocher qu'elle ne devait pas le prendre pour elle. Plus facile qu'à dire qu'à faire, mais Joanne préférait garder ses pensées pour elle cette fois-ci. Elle n'avait pas bougé d'un pouce, attendant silencieusement le verdict. Il suffisait d'entendre la phrase qu'il dit à sa patronne pour comprendre qu'on avait besoin de lui dans les plus brefs délais. Même si elle comprenait tout à fait la situation et pensait qu'elle n'aurait de toute façon pas son à mot à dire là-dessus, Joanne avait du mal à cacher sa déception. Elle ne pouvait pas non plus lui en vouloir, il n'y pouvait strictement rien. D'un sourire discret, elle lui dit. "Ce n'est pas grave." A cet instant, elle se demandait si cela allait toujours se passer de la même façon, si leur relation venait à devenir plus concrète. A être interrompu par les informations de dernières minutes et les catastrophes naturelles qui se passaient de l'autre côté du monde. "Les priorités changent malgré nous, parfois..." ajouta-t-elle. Il n'y avait là aucun ton accusateur ou colérique, elle l'avait dit très simplement, et le pensait vraiment.
Remettre les pieds sur terre était quelque chose de particulièrement difficile pour Joanne. Le monde lui semblait à nouveau moins joyeux, moins naïf, un peu moins beau. C'était assez déchirant comme moment pour elle, de savoir que tout allait redevenir normal une fois qu'il aurait franchi le seuil de la porte. Alors que Jamie se mettait debout, Joanne restait assise. Elle se frotta les yeux et passa la main dans ses cheveux afin de le mettre un petit en arrière. La fatigue l'avait rattrapée la minute où elle s'était assise. Il lui demanda ensuite s'il était possible de prendre une douche. En effet, Jamie n'était pas réellement présentable tel qu'il était. A qui la faute ? Joanne se mit à sourire. "Bien sûr. La salle de bain et par là." lui dit-elle en indiquant de sa main la porte correspondante. Il s'accroupit face à elle, prenant ses main où il y déposa un doux baiser. Il voulait la rassurer, lui disant que leur semaine à Londres ferait exception à cette règle d'être constamment dérangé. Elle lui caressa le visage et déposa un baiser tendre sur ses lèvres. "J'ai hâte d'y être, alors." dit-elle en chuchotant, ne pouvant cacher son enthousiasme. Depuis quelques jours, elle ne pensait qu'au voyage, à être avec lui et rien qu'avec lui pendant toute une semaine. Cela relevait encore de l'utopie pour elle, et cela lui procurait des sensations oubliées. La jeune femme enchaîna ensuite trois brefs baisers, et se permit encore de le contempler un peu avant qu'il n'aille se laver. Il fallait que Jamie parte, mais Joanne ne le voulait pas vraiment. "Je te laisse déjà aller à la salle de bain, je vais juste aller te chercher une serviette propre" dit-elle, presque à contre-coeur. Elle se levait ensuite du canapé afin de se rendre dans sa chambre. Les serviettes et draps de bain étaient rangés dans son armoire. Elle en prit une, puis se dirigea vers la pièce d'eau afin de la lui donner. Passant devant son miroir, elle avait totalement oublié quelle tenue elle portait, et avait du mal à croire qu'elle s'était présentée à lui de cette façon. Elle aussi, avait clairement besoin de se rafraîchir.
Le devoir appelle, comme qui dirait. Et je ne peux pas refuser cet appel. Malheureusement. Je sens bien Joanne déçue, et rien que ses mots me suffisent à comprendre que ce n’est pas aussi peu grave que ce qu’elle prétend. C’est flatteur en soi. Très flatteur même. Et pourtant triste. La réalité, les obligations sont difficiles à retrouver. Je préférerais passer ma journée, mon unique journée de repos avec elle. Même si cela doit se résumer à être allongé dans son canapé à ne rien faire d’autre que profiter pleinement de sa présence, de tout ce qu’elle m’inspire. De son regard bleu. Tout en décide autrement, et les minutes passent. Je gratte la moindre seconde au contact de sa peau. C’est étrange, drôle et ridicule à la fois cette impression qu’elle me manque déjà alors qu’elle est encore face à moi. Je suis là, mais mon esprit est déjà en route pour le travail. J’ai déjà hâte de la prochaine fois où nous aurons la chance d’être à nouveau en tête-à-tête. Même si cela ne doit pas arriver avant Londres. Trop d’espoirs reposent sur cette semaine à l’autre bout du monde. Nous risquons d’être déçus. Mais c’est le cadet de mes soucis. Pour l’instant, le devoir appelle. Joanne m’indique la salle de bain. Elle se lève afin d’aller me chercher une serviette. « Merci. » dis-je dans un souffle. Je me dirige vers la salle d’eau. Un à un, j’ôte mes vêtements. Seigneur, ma chemise est dans un sale état. Je repère un radiateur sur laquelle la poser ; la chaleur détendra assez le tissus pour rétablir les dégâts, cela fera illusion. Pantalon, rien à signaler. J’observe le système de robinets, histoire de comprendre le fonctionnement. J’en tourne un, puis l’autre, et espère simplement pour que l’eau ne soit ni gelée, ni brûlante. En attendant que la température se stabilise, je jette un œil dans le miroir face à moi. Je respire un grand coup, passe une main dans mes cheveux. Je crois que ces dernières douze heures comptent parmi les plus étranges dont je me souvienne. Les plus mémorables aussi. J’entre finalement dans la douche. L’eau est légèrement trop chaude, mais je ne m’en soucie pas. C’est agréable. Je sens les gouttes tomber de toutes mes extrémités, mes cheveux se plaquent contre ma nuque et mon front. Je baisse la tête afin de laisser le jet frapper ma nuque et mes épaules. Les yeux fermés, l’eau glisse sur ma peau et dégage toutes les pensées de mon crâne jusqu’à le vider entièrement. Quelques minutes plus tard, après avoir lavé mes cheveux et ma peau, je ferme les robinets. Immédiatement, la température ambiante me semble plus froide. J’ouvre le rideau de douche… Et pas de serviette. « Euh… Joanne ? » Pas sûr qu’elle m’entende. Je l’appelle une seconde fois un peu plus fort. « Joanne ! Je vais avoir besoin de cette fameuse serviette. » dis-je avec un léger rire. Je reste à moitié caché par le rideau de douche –n’ayant pas mieux sous la main. Quand elle arrive finalement, s’attrape la serviette et la fixe sur ma taille avant de sortir de la baignoire. Mes doigts passent dans mes cheveux pour les rabattre en arrière. Il me faut une poignée de secondes pour me souvenir que la jeune femme est encore là. « Soit tu te déshabilles, soit tu te tournes, mais il faut être équitable. » dis-je avec un sourire, histoire de cacher ma grande –non, énorme- nervosité. Une partie de moi réclame que Joanne me donne une bonne raison de finalement rester. L'autre sait que ce n'est pas raisonnable. La première n'a jamais autant haï ce mot.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
La serviette en mains, Joanne avait l'intention de la lui rapporter rapidement. Mais elle se mit à penser à ce tout ce qui s'était passé depuis la veille. Tellement de choses. Tellement qu'il était difficile pour elle d'y croire. C'était comme un rêve, comme si rien de tout ceci était réel. La jeune femme adorait être avec lui, le sentir près d'elle, même si ce n'était que pour parler de la pluie et du beau temps. Il était là, et c'était tout ce qui comptait pour elle. Perdue dans ses songes, Joanne finit par s'asseoir sur le bord de son lit, trifouillant la serviette qu'elle avait en main. Il avait généré un tel tournant dans sa vie, elle avait peur de ne pas arriver à suivre. Et deux semaines plus tard, ils seraient tous les deux partis en Angleterre. Elle était très impatiente d'y aller, bien qu'il y avait en elle une part d'appréhension. Peut-être était-ce à cause de l'inconnu, elle ne savait pas. Joanne réalisait alors qu'elle voulait vraiment qu'il reste. Ce n'était tellement pas habituel chez elle, de se sentir si égoïste, presque un peu possessive. Penser de la sorte la perturbait, la mettait mal à l'aise. Et même si à ce moment précis, seule dans sa chambre, elle se sentirait presque prête à lui dire le fond de sa pensée, elle savait qu'elle serait totalement démunie une fois qu'il serait face à lui. Jamie l'appela. Ah oui, elle ne lui avait toujours pas apporté la serviette. La jeune femme se leva alors immédiatement afin de se diriger vers la salle de bain. Elle ne soupçonnait pas même un instant qu'il aurait déjà pu finir de se doucher. Tous ses membres s'enraidirent en voyant la situation dans laquelle il se trouvait. Joanne était tellement gênée. Bien sûr qu'elle avait déjà vu des hommes dénudés dans sa vie. Mais ça faisait longtemps. Et là il s'agissait de Jamie. Elle lui tendit la serviette de manière machinale, incapable de dire quoi que ce soit. Ses yeux se baissaient jusqu'à ce qu'il sorte de la baignoire. Joanne se demandait ce qu'elle faisait encore là, plantée debout, rouge de honte. La bel homme ne tarda pas à essayer de détendre l'atmosphère, suggérant deux options à la blonde. La première n'était même pas concevable pour elle. Joanne était une personne très pudique. Elle ne s'était jamais sentie à l'aise lorsqu'elle se dévêtait devant quelqu'un, encore plus si c'était en face de l'homme qu'elle aimait. Elle manquait de confiance en elle, son divorce et sa fausse-couche n'avaient rien arrangé, si ce n'était que pour empirer ce sentiment, qui s'apparentait presque parfois à de la honte. Joanne se retourna tout en s'excusant.
Il fallait qu'elle se reprenne un peu. Elle attendit quelques dizaines de seconde, laissant le temps à Jamie de se vêtir au moins le bas. Ses yeux regardèrent par dessus son épaule, constatant qu'il était dans une tenue un peu plus décente. Il était quand même encore torse-nu, largement suffisant pour retourner le cerveau de la belle blonde. Celle-ci restait toujours aussi silencieuse. Elle devrait sortir et le laisser terminer de se préparer pour qu'il puisse partir au plus vite. Elle devrait. Jamie se trouvait dos à elle. Joanne se rapprochait doucement de lui, commençant à effleurer à peine du bout de ses doigts la peau de son doigt. Suite à celui, elle vint déposer sa tempe contre lui, tout fermant les yeux. Sa main s'était déposée au même endroit. Elle aurait presque pu s'endormir à ce moment là, mais elle tâchait plutôt de profiter de sa présence au maximum. "La prochaine qu'on se verra... ce sera pour Londres, c'est ça ?" Elle se doutait que la réponse était positive. Cela semblait si proche, mais si loin en même temps. Joanne savait bien aussi qu'il serait bien pris par son travail, elle ne s'attendait pas à ce qu'elle repasse une soirée avec lui comme ils venaient de le faire. Elle restait silencieuse, collée contre lui. Elle hésitait à poser sa prochaine question, ce qui expliquait son bégaiement. C'était peut-être une sorte de force qu'émettait Jamie qui l'incitait à dire ce qu'elle pensait réellement. Elle regrettait déjà ses mots avant même de les avoir prononcé. "Est-ce que... est-ce que je paraîtrai complètement égoïste si je... je disais que je ne voudrais pas te voir partir ?" Mais, elle utilisait toujours sa fidèle conjugaison au conditionnel. A cette idée, Joanne trouvait qu'elle était une mauvaise personne. Quelqu'un de pas très raisonnable. "La prochaine fois qu'on se verra... ce sera pour Londres, c'est ça ?" Elle se doutait que la réponse était positive. Cela semblait si proche, mais si loin en même temps. Joanne savait bien aussi qu'il serait bien pris par son travail, elle ne s'attendait pas à ce qu'elle repasse une soirée avec lui comme ils venaient de le faire. Elle restait silencieuse, collée contre lui. Elle hésitait à poser sa prochaine question, ce qui expliquait son bégaiement. C'était peut-être une sorte de force qu'émettait Jamie qui l'incitait à dire ce qu'elle pensait réellement. Elle regrettait déjà ses mots avant même de les avoir prononcé. "Est-ce que... est-ce que je paraîtrai complètement égoïste si je... je disais que je ne voudrais pas que... que tu partes ?" Mais, elle utilisait toujours sa fidèle conjugaison au conditionnel. A cette idée, Joanne trouvait qu'elle était une mauvaise personne. Quelqu'un de pas très raisonnable.
Joanne prends l'option de se tourner. Un léger rire m'échappe. Je ne sais pas trop pourquoi je me tourne aussi. Une sorte de réflexe. Après avoir passé la serviette sur mon corps, je récupère mes affaires et enfile de quoi être un peu plus présentable. Je sèche rapidement mes cheveux dont s'écoulaient encore des gouttes d'eau. Alors que je commence à m'étonner de ne pas entendre Joanne fermer la porte de la salle de bains derrière elle en partant, je sens sa main se poser dans mon dos. La surprise dresse mon échine et coupe ma respiration. Sa tête posée là fait exploser mon coeur, et j'imagine bien que son oreille peut capter ses puissants battements. J'oublie de respirer, alors je prends une grande inspiration avant de complètement manquer d'air. Mes doigts se serrent autour de la chemise que je m’apprêtais à remettre. La jeune femme me demande si la prochaine fois que nous nous verrons sera le jour du départ pour Londres, dans deux semaines. « Je suppose oui... » dis-je à regret. Je réfléchis une seconde, mes dents mordant ma lèvre inférieure. Finalement, j'arrive à ajouter quelque chose ; « Mais tu sais… Si tu veux, je peux passer après le travail un autre jour... » Après tout, l'appartement de Joanne est sur mon chemin, pile entre la radio et chez moi. Rien ne m'empêche de passer, même une poignée de minutes, si elle le souhaite. « Il suffit de m'envoyer un sms pour me dire quand tu veux me voir. » Et j'arrive en courant dans la minute, pourrais-je ajouter. Je ne sais pas pourquoi je n'ose pas me tourner pour lui faire face. J'aime le contact de son visage sur ma peau. Je sens légèrement son souffle dans mon dos. Joanne me fait comprendre qu'elle ne veut pas que je m'en aille. Moi non plus, si elle savait… « Joanne... » Je repose ma chemise et me tourne finalement. Je retrouve son regard bleu, l'envie de l'embrasser, de rester. Je prends ses mains dans les miennes, l'air sincèrement désolé. Elle se doute de ma réponse. Je n'ai pas envie de la lui donner et la voir encore plus déçue. Il le faut bien pourtant. « Je me suis engagé à y aller, ils ont besoin de moi. » Je ne peux pas me permettre de simplement rappeler en disant que j'ai changé d'avis, que je ne viens pas, et qu'ils peuvent bien se débrouiller sans moi. Je pourrais leur dire que, merde, c'est mon jour de congé, je l'ai mérité. Mais après avoir posé une semaine entière de vacances et vu la tension qui qui règne parfois entre Roxy et moi, je ne préfère pas tenter le diable. Je soupire. Quelle plaie. Un index sous le menton de la belle, je relève doucement son visage. Une caresse sur sa joue suffit à me faire fondre. J'attrape délicatement ses lèvres pour y déposer un baiser léger. « Je préférerai vraiment rester... » dis-je dans un souffle.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Aucune de ses réponses n'était une surprise pour elle, mis à part la suggestion de Jamie qui était qu'elle devait lui écrire lorsqu'elle voulait qu'il passe. A ces mots, Joanne ne put s'empêcher d'esquisser un sourire. Si elle écoutait le véritable fond de sa pensée, elle lui écrirait tous les soirs. Mais la jeune femme savait que ce n'était pas raisonnable. Raisonnable. Encore ce mot. Par moment, il perdait tout son sens, ne signifiait plus rien. Bien sûr qu'elle allait l'appeler, même si ce n'était que pour boire une tasse de thé, ou rien que le plaisir de le revoir à nouveau. Deux semaines sans le voir s'apparentait à une éternité pour elle. Joanne n'oserait jamais autant lui écrire de toute façon, de peur de le déranger dans son boulot, elle se disait aussi qu'il voudrait peut-être voir d'autres personnes qu'elle d'ici là. "Le thé sera toujours prêt, de toute façon" dit-elle à voix basse, souriante. Elle entendait son coeur battre au travers de sa cage thoracique. Même si c'était un phénomène indispensable à la vie, les battements de Jamie avaient un son tout particulier aux oreilles de Joanne. C'était agréable, apaisant. Il ne tarda pas à se retourner afin d'être face à elle. Cette dernière avait presque oublié qu'il était torse-nu, ses yeux s'étaient rapidement orientés vers le visage de Jamie. Elle avalait difficilement sa salive, regrettant amèrement les quelques mots qu'elle avait pu dire. Elle avait bien conscience qu'il avait un travail plus que prenant, et qu'il fallait qu'il parte. Elle-même ne comprenait même pas pourquoi elle avait tenté de persévérer. C'était inutile. Baissant un peu la tête, elle dit "Je sais...". Ils était tous les deux sûrs de se revoir, au plus tard le jour du départ pour Londres. Joanne avait attendu un an pour qu'un homme entre à nouveau dans sa vie, elle serait capable de se passer de lui pour deux semaines, normalement. "C'était égoïste de ma part d'avoir dit ça, je suis désolée." souffla-t-elle. La main de Jamie vint chercher le menton de Joanne afin de se redresser sa tête. Ses yeux ne tardèrent pas à se plonger dans les siens, subjuguée par son charme. Il l'embrassa doucement, puis ajouta une phrase qui fit sourire timidement la belle blonde. La plupart du temps, il ne lui fallait pas grand chose pour qu'elle soit rassurée, comblée. Parfois, quelques mots, ou un regard, ou un geste commun, signifiait beaucoup pour elle.
Joanne déposa à son tour un baiser sur ses lèvres, puis le regarda avec tendresse pendant une poignée de secondes. "Je... Je devrais laisser finir de te préparer." dit-elle doucement, caressant son visage. "Si jamais tu as besoin d'autre chose, dis-le-moi." La jeune femme sortit ensuite de la salle de bain, fermant délicatement la porte derrière elle. Lâchant ensuite un soupir, elle réalisait enfin qu'il y avait un homme à moitié nu dans sa salle de bain. Pour beaucoup de femmes, cela faisait partie des choses des plus normales dans une vie de couple, ou pas. Couple. Joanne ignorait si l'on pouvait déjà employer ce terme pour eux deux, tout était encore très flou. Il n'y avait pas encore les fameux trois mots magiques, même si les sentiments s'étaient en partie révélés la veille au soir. Elle se mit à débarrasser et ranger la pièce afin de lui changer un peu les idées, revenir à la normale. Pendant qu'il finissait de s'habiller et de se préparer, elle allait poser les tasses de thé dans son évier, ranger la boîte de loukoums dans le placard, ramener le plateau de petit déjeuner minutieusement préparé par Jamie et auquel elle avait à peine touché. Elle souriait, appréciant son attention. Dès qu'elle entendait la porte de la salle de bain s'ouvrir, Joanne retourna dans la salle de séjour. "Tu as tout ce qu'il te faut ?" D'un rire gêné, et en se grattant le bas de sa tête, elle ajouta. "De toute façon, si tu oublies quelque chose... ce ne sera pas perdu."
Je dois y aller, je n'ai pas vraiment le choix. C'est idiot à quel point devoir simplement aller au travail devient un déchirement. Il faut dire que nous sommes dans cette période magique d'une relation naissante où nous sommes avides de la moindre seconde passée ensemble. Je ne pensais vraiment pas en arriver là un jour, atterrir sur cet espère de nuage dont mon entourage m'a souvent parlé et me semblait aussi réaliste que Moïse divisant la mer noire. J'ai envie de l'embrasser, la prendre dans mes bras. Etrangement, parce que je suis encore à moitié nu, je n'ose pas la toucher (alors que je ne demandais que ça il y a quelques heures). Joanne me dit se trouver égoïste. Pour dédramatiser, je prends un air sérieux, fronce les sourcils et lui dis ; « Terriblement égoïste. Tu es vraiment une personne horrible. Hors de ma vue. » Un sourire s'incruste rapidement sur mes lèvres avant qu'elle ne les attrape. Quelques secondes plus tard, elle ferme la porte de la salle de bain en partant, me laissant finir de me rhabiller. Je prends ma chemise et l'enfile rapidement. Devoir fermer les boutons un à un fait partie de ces moments d'une longueur interminable. Comme les minutes du micro-ondes, qui ne sont certainement pas des minutes normales. Après quelques rectifications stylistiques consistant à simplement rabaisser mon col, refermer les boutons de mes manches et vérifier que malgré le fait qu'elle soit froissée, cette chemise soit encore acceptable. De toute manière, je n'ai pas le choix. Après un dernier passage de mes mains dans mes cheveux, je suis prêt. Je sors de la salle de bain et vois Joanne qui a rangé tout l'appartement. Plus une trace de notre soirée, ni de ce matin. La belle s'assure que tout va bien, et j'acquiesce d'un signe de tête. « Je devrais peut-être laisser quelque chose ici, exprès, pour t'obliger à me demander de venir. » Mes mains jouent entre elles nerveusement malgré mon air assuré et détendu. Je pense qu'il est assez clair que j'espère vraiment recevoir un message de sa part me demandant de passer dans la semaine. Même si deux semaines n'est pas un délai insurmontable, je préférerais pouvoir ne serais-ce que boire un verre avec elle avant notre départ pour Londres. Alors une idée me vient. Je remonte légèrement une manche de ma chemise pour dévoiler ma montre. Je la détache de mon poignet et la pose sur la table basse du salon. « Oups. » dis-je en adressant un clin d'oeil à la jeune femme. Elle peut très bien me la rendre à Londres, mais j'ai bon espoir qu'elle m'appelle pour la rendre plutôt. Nous nous dirigeons tous les deux vers la portée d'entrée. De sortie. Un court moment de silence s'impose. Je ne sais pas vraiment quoi faire avant de m'en aller. A part dire au revoir, bien sûr. Alors je reste fidèle à cette habitude que Joanne m'a inspirée ; j'approche d'un pas et déposer un baiser sur son front, une min passant doucement sur ses cheveux. « A très vite. » Me voilà parti. Je retrouve l'Audi en bas de l'immeuble, mes affaires, cette fichue cravate que je noue autour de mon cou avant de démarrer la voiture.