Mardi. Maze avait exceptionnellement pris un jour de congé aujourd'hui. Fatiguée, irritée, elle était responsable d'une grosse programmation musicale à venir et avait passé ces quatre derniers week-end au travail. Elle se sentait sur le point de taper plusieurs agents artistiques qui lui menaient la vie dure avec des demandes -ou plutôt, des exigences- plus farfelues les unes que les autres. Afin d'éviter de craquer (la Chargée de projet événementiel qui se met à tabasser ses clients, ça n'était pas du meilleur effet avouons-le), Maze s'était accordée un jour de repos. Et elle comptait bien le mettre à profit, en commençant par se préparer un bon repas pour le déjeuner. Un repas sain. Un repas équilibré. Un repas recherché. C'était donc pleine de bonnes intentions.....qu'elle avait fini par faire réchauffer des pâtes et du jambon dans une poêle. Ah, les talents culinaires légendaires de Maze. A croire que, de temps à autre, elle était restée bloquée à sa période étudiante, où se nourrir correctement n'était définitivement pas une priorité. Cependant, depuis qu'elle était diabétique, la jeune femme faisait davantage attention à ce qu'elle mangeait et essayait de cuisiner correctement de temps en temps. Mais sa motivation à faire quoique ce soit était proche de zéro ce jour là. Pourtant sa cuisine était bien équipée, tout comme le reste de son appartement d'ailleurs. Lorsque vous passiez la porte d'entrée du numéro 18, vous vous retrouviez directement dans une grande pièce composée à la fois d'un salon et d'une cuisine américaine. Plus loin, une porte donnait sur la chambre de Maze, qui donnait elle-même sur la salle de bain. Niveau décoration, le mot d'ordre était « musique ». Peu étonnant pour une personne chargée de la programmation de festivals. Des centaines de CD et de vinyls s'étalaient sur des étagères recouvrant pratiquement chaque mur de l'appartement. Cette collection était précieuse aux yeux de la jeune femme, peut-être même plus que son canapé, son téléviseur, et son abonnement à Netflix qui étaient ses compagnons de soirée. Cet appartement n'était pas gigantesque, mais juste à la bonne taille avec un loyer raisonnable. Maze avait emménagé il y a plusieurs mois de cela et se sentait parfaitement bien dans ce quartier. Bon point : il était très fréquenté et Maze se plaisait à croiser régulièrement ses voisins ou à découvrir de nouvelles personnes. Mauvais point : le bruit omniprésent à toute heure du jour et de la nuit. Heureusement, s'endormir n'était pas un problème pour elle qui, à force de rentrer très régulièrement en plein milieu de la nuit en revenant des concerts, avait appris à s'endormir dès que sa tête touchait l'oreiller. Mais revenons-en à ce repas très élaboré qui était en train de cuire dans la cuisine. Le temps que les pâtes réchauffent, Maze les avait abandonnées pour mettre un CD à un volume raisonnable (non, d'accord, elle avait en fait décidé de faire hurler ses baffles....ses voisins étaient habitués depuis le temps de toutes façons) : Set the world on fire, de David Bowie (ô, belle ironie). Elle s'était ensuite dirigée vers la salle de bain, refermant la porte derrière elle...En vraie fille caricaturale qu'elle était, elle pouvait y passer plusieurs heures sans s'en rendre compte. Cela avait peu d'importance puisque Maze vivait seule...personne n'allait la faire sortir de force. En revanche, cela devenait plus problématique quand un plat était en cour de cuisson en parallèle. En effet, alors que Maze vivait sa vie dans sa salle de bain, ses pâtes en faisaient de même de leur côté et s'étaient mises à dorer un petit peu trop....puis griller....puis cramer, pour finir totalement carbonisées. Elles étaient maintenant complètement attachées à la poêle et une fumée noire avait commencé à se former, emplissant doucement mais sûrement la cuisine et le salon de Maze. Cette dernière, toujours dans la salle de bain, ne se doutait absolument pas du spectacle et future catastrophe qui était en train de se produire dans la pièce adjacente. La fumée devenait maintenant très présente et avait commencé à s'échapper sous la porte d'entrée de la jeune femme, donnant directement dans le couloir de l'immeuble. Mais Maze ne voyait rien, n'entendait rien, et surtout -on ne sait par quel miracle- ne sentait absolument pas l'odeur de brûlé dérangeante et inquiétante qui emplissait maintenant entièrement la pièce principale de son appartement.
Il n'attendait plus grand chose de sa mère, ou peut être simplement une courte libération. De l'espoir. Le tout semblait vain en apparence et pour cause, sa belle génitrice n'avait plus le goût de rien et certainement pas de vivre. Pourtant, Wren avait encore l'envie d'y croire parce qu'il la revoyait dans ses belles robes blanches en été, le grand sourire aux lèvres alors qu'elle l'emmenait courir au bord de l'eau. Wren avait été le plus heureux des enfants à cette époque, seule avec sa mère, à se sentir géant. Il ne l'était pas encore néanmoins, petit garçon qui avait peur des crabes qui était loin de lui courir après mais il le pensait réellement. Jeune idiot, jeune naïf mais qui avait perdu son innocence bien trop tôt. Dès l'adolescence, Wren avait endossé des tonnes de responsabilités, se perdant dans les rues infâmes pour chercher du travail de bas étage, juste de quoi remplir les caisses de la famille pour une soirée ou deux. Il avait grandi bien trop vite et forcément, sa mère s'était fané dans le même temps que lui avait perdu toute naïveté. Wren était grand, il était fort, c'était sur lui qu'on comptait et il n'était plus question de fuir face à ses responsabilités comme il avait pu détaler devant de misérables crabes en son temps. Aujourd'hui, il regardait la vérité en face, assis sur le divan de fortune que son frère avait dû voler dans un squat du coin, ce qui valait mieux que rien pour entretenir l'appartement où résidait sa mère. Les jumeaux n'étaient plus là, certainement étaient-ils partis en vadrouille quelque part, laissant la renfrognée face à la force de sa solitude. "Jer, son, est-ce que ça te dérangerait de m'amener jusqu'au lit? Je suis vraiment trop fatiguée aujourd'hui..." Au début, Wren se battait, lui assommant des banalités pour qu'elle comprenne que se lever pour retourner se coucher moins de vingt minutes après, ce n'était pas vivre, ce n'était même pas faire acte de présence en soi. Il avait arrêté de lutter, hochant simplement la tête en mettant son fagot dans le cendrier avant de venir soulever sa mère de terre pour la porter jusqu'à sa chambre. Dans le temps, elle lui aurait souri pour lui signifier qu'elle lui était reconnaissant du moindre effort qu'il pouvait faire pour elle. Désormais, elle n'avait l'air que de le mépriser et Wren en tremblait d'effroi. Pour preuve, il la déposait peu délicatement sous les draps, cherchant à la froisser, ce qu'il fit forcément en entrouvrant les rideaux sans ménagement. "Tu sais pas ce que tu loupes dehors. Tu mourras seule ici et à force, je me dis... Que tu le mériterais." La colère le rongeait alors qu'il détalait, attrapant sa veste au paysage pour aller se calmer dans le couloir.
Il tentait de retrouver une respiration normale, un fait peu aisé après ce qu'il venait de laisser entendre à sa mère. Sa chair, son sang. Son tout. Et voilà, il se haïssait, serrant les poings et sentant une odeur âcre investir ses poumons. Une odeur de fumée. De feu. De la beauté incarnée. Il respirait beaucoup mieux en sentant ce parfum exaltant et il s'endormait face à cette douce réalité. Rien n'était beau en réalité et en ouvrant les yeux, il comprit qu'un incendie démarrait dans un appartement voisin. Wren mit quelques secondes à réagir, perdu dans cette folie que son père incarnait encore à ses yeux mais il finit par avancer, tapant du poing sur la porte en bois. "EH! Y A QUELQU'UN? EH, VOUS ALLEZ FAIRE CRAMER L'IMMEUBLE BORDEL!" Et une partie de lui aurait aimé contempler le spectacle, l'autre, bien évidemment, était plus perplexe à ce sujet. Impatient, son instinct le poussa à défoncer la porte d'un grand coup d'épaule, ses yeux de lynx cherchant rapidement l'origine de la fumée. Il ne mit pas bien longtemps à voir la nourriture qui se consumait sur le feu à l'autre bout de la pièce. Wren accourut rapidement pour tout éteindre et balancer l'affaire dans l'évier, un brin de soulagement faisant soulever sa poitrine. La rage prit la suite, c'était normal quand il était dans cet état de colère imperceptible, autant contre lui même que contre le monde qui lui avait volé sa chère et tendre mère. Il entendait l'eau d'un robinet qui coulait et idiot qu'il était, Doherty ne put pas se contrôler. Il fallait qu'il y aille, ouvrant la porte de la salle de bain sans même chercher à respecter la moindre convenance. "Juste pour vous signaler que se refaire une beauté quand on cuisine, c'la règle élémentaire quand on veut faire cramer ses voisins... Alors, félicitations, vous avez gagné la médaille de pire voisin du siècle. Sur ce, madame..." Il n'avait vraiment aucune gène et le pire, c'était qu'il ne faisait même pas attention au fait qu'il avait pu faire peur à la jeune femme en débarquant ainsi pour lui faire ce genre de discours avec une voix complètement stoïque, le coeur lourd... La mort dans l'âme de tout ce qu'il était devenu, Wren.
Maze observait son reflet dans le miroir, les yeux dans le vague, perdue dans ses pensées. Elle réfléchissait à tout ce qu'il lui restait à faire une fois de retour au travail, aux problèmes qui pouvaient survenir, à des scénarios totalement improbables qui pourraient faire capoter le projet dans son intégralité. Son cerveau ne faisait jamais de pause. La jeune femme se posait des questions en permanence et remettait souvent tout ce qu'elle faisait en question. Cela lui pourrissait souvent la vie. Cependant ce jour là elle fut rapidement ramenée à la réalité. Ne venait-elle pas d'entendre un bruit sourd dans la pièce d'à côté ? Difficile à dire avec la musique qui jouait toujours à un volume indécent. Elle s'écarta de son lavabo et, alors qu'elle s’apprêtait à ouvrir la porte de sa salle de bain, elle regarda celle-ci s'ouvrir d'elle-même devant ses yeux ahuris. La bouche grande ouverte, elle se trouvait maintenant face à un jeune homme qui lui était totalement inconnu et qui, bien qu'elle l'aurait probablement trouvé très séduisant dans d'autres circonstances, n'avait actuellement pas vraiment l'air amical. Que se passait-il ? Maze ne comprenait plus rien à la situation. Pourtant actrice et même protagoniste principal de ce qui était en train de se produire, elle agissait comme une parfaite spectatrice. Perdue, n'arrivant pas à articuler quoique ce soit, elle ne saisissait même pas ce que cet homme était en train de lui dire. Son cerveau tournait en revanche maintenant à plein régime : était-ce un de ses voisins ? Non, il ne lui disait rien. Avait-elle fermé la porte à clé en arrivant ? Oui. Allait-elle se faire assassiner dans les 5 prochaines minutes ? Peut-être. Y avait-il un couteau à portée de main dans la salle de bain ? Absolument pas. Mais si elle courait assez vite jusqu'à sa cuisine...Attendez, qu'est-ce qu'il racontait ? "Cramer les voisins" ? Le regard de Maze revint se poser brutalement sur l'inconnu alors qu'elle commençait seulement à saisir la situation. Elle prit soudain conscience de l'odeur qui envahissait maintenant sa salle de bain. "Putain, c'est pas sérieux..." murmura-t-elle le souffle court. Sur ces mots, elle bouscula sans grand ménagement l'homme qui lui faisait face pour se précipiter dans son salon. Elle plaqua immédiatement son avant bras sur son visage pour se couvrir le nez et la bouche, dérangée par l'odeur et la fumée qui régnaient dans la pièce. Maze se dirigea en courant vers ses fenêtres pour les ouvrir en grand, et arrêta la musique qui jouait toujours. Puis elle se retourna et réalisa enfin pleinement ce qui venait de se passer. Ses yeux se posèrent tout d'abord sur ses plaques de cuisson, desquelles avait disparu la poêle qui s'y trouvait pourtant quelques minutes auparavant. Son regard continua son chemin vers l'évier, où gisaient maintenant les tristes restes de son repas. "Merde." Enfin, ce triste spectacle se termina par la vision de la porte de son appartement complètement défoncée. C'en était trop pour elle. Elle se dirigea d'un pas décidé vers l'inconnu qui avait fracassé sa porte d'entrée et s'arrêta à quelques centimètres de lui. Elle décida finalement de reculer d'un pas, par sécurité...il n'avait pas l'air beaucoup plus sympathique qu'elle à ce moment précis. "Je...". Elle ne savait pas par où commencer: est-ce qu'il venait de lui sauver la vie et probablement celle de ses voisins par la même occasion ? Après un court silence qui ne lui avait pas véritablement permis de choisir ses mots avec soin, elle s'exclama : "PUTAIN ! Ça vous arrive souvent de défoncer la porte d'entrée de parfaits inconnus ?! Pour ensuite venir les surprendre et les insulter ?". Maze lui faisait face, à la fois très confuse mais bien énervée. Elle prenait lentement conscience de ce qu'elle venait de dire....et de sa mauvaise foi complète. Elle avait manqué d'attention, avait fait cramer son repas, et avait été à deux doigts de faire brûler tout l'immeuble au passage. Elle aurait pu y rester et avait mis la vie de plusieurs personnes en danger. Et l'homme qui lui faisait face l'avait très certainement sauvée. Fatiguée et encore en état de choc, la jeune femme réalisait bien tout cela et l'absurdité de sa réaction. Mais sa fierté la poussait maintenant à continuer sur sa lancée. "Qu'est-ce que je suis supposée faire de ma porte maintenant ?!" La faire réparer pour commencer était probablement un bon début Maze. "Je fais open bar dans mon salon pour tout l'immeuble ? Quitte à craindre que n'importe qui puisse rentrer chez moi, autant que je sois à l'origine de l'invitation !". Toute la frustration qu'elle avait accumulée ces derniers jours était en train de se déverser très injustement sur son sauveur. Maze était pourtant bien consciente que la seule personne qui méritait des claques actuellement, c'était elle. Mais sa mauvaise foi était sans limite, et elle s'en voulait. Si son cerveau lui disait qu'elle aurait dû remercier cet homme, les mots qui sortaient de sa bouche étaient bien différents...
C'était toujours sur lui que les situations merdiques tombaient. Pourtant, il y avait du monde dans le coin, tout un tas d'appartements peuplaient la résidence mais non, c'était Wren qui était là, dans le couloir à sentir le brûlé qui sortait de chez le voisin. A croire que le karma le poursuivait, l'implorant d'épouser sa part sombre pour ne plus jamais revenir vers la lumière. Un jour, peut être, il craquerait et il n'y aurait plus grand chose à réparer... Wren Doherty serait parti pour toujours, ombre de lui même, laissant de côté son complexe du héros pour entrer dans la catégorie des vilains. Rien n'était noir ou blanc pourtant, il y avait toujours des nuances et peut être que tout n'était pas encore totalement perdu pour lui. De toute manière, le pompier avait bien du mal à penser à tout cela. Il était bien trop aigri des mots qu'il avait osés prononcer à l'égard de sa mère, comme s'il voulait vraiment qu'elle meure. Il l'aimait plus que tout et c'était là sa tragédie: aimer quelqu'un qui ne désirait plus être aimer, qui ne désirait même plus vivre de tout. Comment se battre contre l'abandon? Wren n'avait pas les clés et après dix années de lutte sans merci, il était normal qu'il se retrouve las, à faire tomber les armes et laisser échapper des mots bas, des mots âpres et qui faisaient mal. Des mots aiguisés au couteau. De toute façon, Wren n'avait jamais été du genre à faire dans la dentelle, trop honnête pour son bien, il n'avait jamais pris garde à mettre un filtre sur ses pensées. Quand quelqu'un l'énervait, il avait une certaine tendance à lui dire haut et fort sans être très cordial. On lui avait appris les bonnes manières pourtant, mais l'élégance n'avait pas fait partie de son vocabulaire depuis ses quinze ans et sa période pubère. Depuis, Wren était un peu comme un chien de combat, incapable d'être retenu en laisse plus de dix secondes, juste prêt à sauter à la gorge du premier venu, surtout quand il s'agissait de quelqu'un qui envisageait de lui faire du mal. Encore, qu'on le blesse, lui, cela ne lui posait pas de réels problèmes mais il avait un peu plus de mal à digérer quand il s'agissait des gens de sa famille, sa chair et son sang, les seuls pour qui il vendrait totalement son âme au diable. Enfin, à l'heure actuelle, Wren pensait à la survie de sa mère, sa mère traumatisée, sa mère au fond du trou, sa mère qui avait peur du feu, sa chère mère qui ne voulait plus voir la lumière du jour depuis des lustres... Le feu lui rongeait déjà ses pores et cette image rendait le pompier fiévreux. Déjà nauséeux.
Défoncer la porte avait été la seule solution qu'il avait trouvé pour sauver la situation, même s'il savait pertinemment que la locataire de l'appartement n'apprécierait pas le résultat. Doherty, lui, s'en fichait quelque peu, n'ayant que son instinct de survie pour le mener à gérer le feu qui menaçait de naître sous ses yeux ébahis. L'odeur ne tarda pas à atteindre ses narines, en même temps qu'un excès de rage montait jusqu'à son cerveau en accourant vers la salle de bain. La bienséance aurait voulu qu'il toque, au moins, mais vu qu'il avait déjà détruit la porte d'entrée et fait comme s'il était chez lui, Wren n'était plus à une surprise près. Les bras croisée devant lui, voilà qu'il crachait déjà son venin face à une inconnue qui avait l'air totalement désarçonnée. Il fallait dire que ce n'était pas tous les jours que quelqu'un débarquait chez vous, éteignait un feu sans y être invité avant de venir vous lancer des incivilités alors que vous étiez joyeusement en train de prendre un peu de temps pour vous dans la salle de bain. Maze mit un peu de temps à se remettre du choc, Wren la regardant passer par toutes les émotions possibles et imaginables avant qu'il ne puisse véritablement réagir à ces attaques. Le jeune homme restait totalement impossible, la laissant hurler, probablement parce qu'il était habitué à ce genre de réactions au quotidien. Faire face à un caractère comme le sien amenait toujours une sacrée dose d'étincelles, même si celle-ci n'était pas nécessairement toujours bienvenue. "Pour vous répondre honnêtement, les portes, oui ça m'arrive souvent de les défoncer, ça fait partie de mon métier... Pour le côté surprise et insultes, je vous dirais que j'essaye de me canaliser mais c'est assez dur quand je me retrouve dans le couloir d'un immeuble et que je sens une odeur de cramé assez violente qui risquerait de faire calancher une p'tite dizaine de personnes, voyez." Il n'élevait jamais la voix et certainement pas à ce moment là alors qu'il laissait la jeune inconnue prendre en note tous les détails de la scène. Le salon de son appartement semblait bien moins accueillant avec une porte sans dessus dessous et une odeur de brûlé à vous tuer votre odorat. Maze ouvrit d'ailleurs la fenêtre, ce qui permit à Wren de respirer plus convenablement, même s'il était habitué à tuer ses poumons de toutes les manières possibles, entre la cigarette et son travail. "Votre porte, sérieusement? Bah, je sais pas, vous pouvez envisager de la transformer en planche de surf... Tiens, non, idée de génie, faites en un détecteur d'incendie, ça évitera des merdes certainement." Être âcre faisait partie de ses pires défauts, surtout que la jeune femme ne méritait pas un tel traitement. Elle avait simplement fait une petite erreur de jugement en s'absentant quelques minutes, rien de plus. Néanmoins, Wren avait pensé à sa mère et le fait que cette inconnue l'avait mise en danger pesait énormément dans sa balance de gentillesse. "Je vous assure que c'était pas si difficile d'entrer avec une porte verrouillée déjà... Mais soit, vous avez des outils ou quelque chose? J'peux essayer de réparer un peu l'affaire." Il s'approcha de la scène de crime, constatant qu'il pouvait certainement faire quelque chose, même si ce serait loin d'être brillant. "Dites moi, parce que sinon je m'en vais, j'pense que j'ai déjà eu mon quota de services rendus aujourd'hui..." Et son quota de femmes énervantes, surtout.
Il était certain que si Maze avait eu la moindre idée de ce que Wren avait traversé, elle aurait très rapidement baissé d'un ton et relativisé les choses. Mais elle n'en savait rien, et toute les conditions étaient réunies pour qu'elle réagisse très égoïstement comme la dernière des connes. Son salon était en piteux état actuellement, mais il n'avait pas pris feu. Son repas était brûlé, elle avait faim, mais elle pouvait se faire livrer. Sa porte était défoncée, mais cela lui démontrait qu'elle n'était pas très résistante à la base et que n'importe qui aurait pu s'introduire chez elle. Il y avait donc malgré tout des côtés positifs à la situation. Mais Maze se bornait à les ignorer pour l'instant. Elle reporta son attention sur le jeune homme. Qu'est-ce qu'il venait de dire exactement ? Que défoncer des portes faisait partie de son métier ? Il était donc bien cambrioleur ? Non, non...il était plus que temps qu'elle commence à faire marcher son cerveau correctement. Un policier ? Un...pompier ? Maze ouvrit la bouche pour lui poser la question mais se ravisa bien vite. Connaître le métier de son interlocuteur était-il véritablement la priorité actuellement ? Ou plutôt, avait-elle vraiment envie de passer un peu plus pour une idiote si ce mec était vraiment pompier ? Elle observa Wren durant de longues secondes, essayant toujours d'assimiler tous les éléments de cette situation complètement grotesque. Le jeune homme restait impassible, calme. Et pourtant, il continuait de lui répondre très ironiquement, de manière plutôt passive agressive. Son ton était à la fois surprenant et vraiment troublant. Mais il lui fallait bien ça pour redescendre elle-même d'un ton et commencer à se calmer. Elle abandonnait quelque peu la Maze furie qui avait fait son apparition quelques minutes auparavant. Ne le quittant pas des yeux, elle répondit d'un même ton impassible : "L'idée de la planche de surf, j'aime beaucoup. Mais je pense que je vais plutôt en faire du petit bois et allumer un feu dans mon salon pour réchauffer un peu l'atmosphère." Drôle, très drôle Maze. Tout à fait approprié à la situation et pas du tout déplacé. Son regard fut soudainement attiré près de l'entrée. L'un de ses voisins se tenait hébété dans le couloir, devant l'emplacement où sa porte se situait jadis. Plutôt en bons termes avec son entourage en général, l'entente cordiale avait néanmoins ses limites. Elle lui lança regard froid lourd de sous-entendus. S'il avait l'intention de lui faire une quelconque remarque, il n'allait pas regretter le déplacement. Il prit finalement la très bonne décision de passer son chemin. Maze soupira avant de reporter son attention sur Wren, qui lui proposait maintenant de réparer sa porte. Donc en résumé, il sauvait la situation, faisait front face à l'hystérique qui lui était tombée dessus, et proposait finalement de réparer sa porte ? Elle ne savait pas comment réagir. Mais la dernière pique du jeune homme fit rapidement remonter en elle toute sa fierté. "Non merci, ça ira. Vous en avez bien assez fait je pense." Sur ce, elle se dirigea d'un pas décidé vers son canapé, telle une gamine partant bouder dans son coin. Une fois assise, elle se mit néanmoins à réfléchir très rapidement : sa porte était défoncée. Elle n'allait pas dormir sans porte dans son appartement. Elle pouvait appeler quelqu'un pour réparer tout cela mais il ne serait peut-être pas disponible immédiatement...et demain Maze travaillait, elle ne pouvait pas se permettre de prendre d'autres jours de congés en ce moment. Pas avant le festival. "Attendez." Elle lâcha un énième soupir exaspéré puis laissa tomber sa tête en arrière sur le canapé, ce qui lui donnait maintenant une vision renversée d'un Wren se tenant près de l'entrée. Il était grand temps qu'elle arrête d'agir comme une abrutie. "Non, en fait...". Elle marqua une pause puis finit par lâcher très rapidement : "Si vous avez moyen de faire quelque chose pour ma porte, oui j'ai une boîte à outils." Nouveau silence. Elle releva la tête afin de ne plus avoir le jeune homme dans son champ de vision. Elle n'avait pas vraiment envie d'affronter son regard pour ce qui allait suivre. "Désolée..." Désolée de quoi, elle ne l'avait pas précisé. Mais Wren pouvait bien choisir ce qu'il voulait : désolée d'avoir manqué d'attention, désolée d'avoir presque mis le feu au bâtiment, désolée de lui avoir crié dessus alors qu'il avait eu une réaction plus qu'appropriée, désolée de ne pas avoir été reconnaissante... "Maze...Je m'appelle Maze." Fantastique entrée en matière pour se présenter.
Résister à l'envie de commettre un meurtre, c'était un combat quotidien pour Wren. Le monde était peuplé de gens qu'il ne comprenait pas, à moins que c'était lui qui figurait en premier de liste parmi les gens incompréhensibles du coin, il n'aurait pas su le dire. Enfin, il avait tout de même conscience de ne pas être dans la normalité avec sa taille de géant, ses manières de rustre et sa capacité à se lancer dans des situations périlleuses sans qu'on lui demande quoique ce soit. Avec un peu de recul, Doherty comprenait pourquoi ses supérieurs avaient envie de lui en mettre un au moins cinq fois par jour, en moyenne, vu qu'il n'était jamais d'accord avec personne et qu'il passait son temps à ne pas écouter les autres. Il avait toujours mieux à faire qu'avoir le cerveau connecté avec la terre ferme de toute façon et il se fatiguait très vite quand des gens se lançaient dans des diarrhées verbales de quinze minutes d'affilée. Il fallait avoir un sacré ego pour croire ne serait-ce qu'une seule seconde qu'autrui pouvait être suffisamment intéressé par ce que vous aviez à dire pour enchaîner autant de mots sans faire une seule pause. Wren, lui, n'usait que très peu de la parole, simplement parce qu'il n'avait pas le vocabulaire nécessaire pour s'exprimer correctement. C'était quelque chose qui était peu développé chez les Doherty de manière générale: on ne parlait pas pour échanger des banalités déjà, alors comment s'attendre à des conversations à coeur ouvert dans ce genre de cas? Le pauvre Wren avait tiré le meilleur numéro en naissant en tête de ligne de cette famille, là où rien n'était dit et tout était grave, de manière simultané. Si des mots avaient été prononcés auparavant, peut être que sa mère n'aurait pas été une sorte de légume déplorable, peut être que son père aurait pu éviter de devenir un monstre... Et que dire des jumeaux? Peut être qu'ils auraient été équilibrés, c'était eux qui en était le plus proche en tout cas. Wren, lui, avait déjà la sensation d'avoir laissé courir sa chance et il était très certainement trop tard pour envisager que la roue tourne incessamment sous peu. En soi, il n'en était pas tellement dérangé, être original était un cadeau du ciel dans une société où le conformisme était l'artère de tout. Lui se marrait quand il voyait les publicités qui poussaient les moutons à acheter le dernier produit à la mode quand il se promenait encore avec un vieux machin qui lui servait de téléphone.
Rien de plus normal, alors, qu'il s'agace du moindre mouvement 'autrui et du moindre mot de travers qu'on pouvait lui lancer... Alors qu'il était franchement plus mauvais que les autres. Il ne semblait pas s'en inquiéter plus que cela en regardant Maze s'essouffler face à lui avec tout ce qu'elle avait à lui dire. Wren se contentait de la regarder, c'était ce qu'il faisait mieux de toute manière, observer les gens qui passaient et se demander comment ils avaient pu en arriver là. D'ailleurs, c'était une excellente question à se poser en ce qui concernait la jeune femme en face de lui: comment avait-elle pu terminer sa journée en ruinant un plat ô combien gastronomique? Ce devait être un retour de karma d'envergure à vrai dire puisque ce cher pompier avait débarqué en ruinant sa porte d'entrée, une vraie rencontre des plus charmantes surtout vu les joyeusetés qu'ils se lançaient dans la figure depuis cinq bonnes minutes. Au moins, le feu avait été évité et la vie pouvait reprendre dans l'immeuble. Enfin, pour cela, il aurait fallu que les voisins qui passent ne se sentent pas obligés d'analyser la situation sous tous les angles avant de quitter les lieux. Wren avait presque envie de faire un commentaire sur la question mais la brune se chargea d'un regard froid pour faire fuir l'inopportun du moment. "Comme quoi, tout n'est pas perdu, vous arrivez à faire un peu d'humour malgré une porte en moins. Bien." Doherty se déridait un peu plus, coupant certainement son envie d'user de sa répartie légendaire pour continuer cette joute verbale d'un intérêt certain pour la tête brûlée qu'il était. L'urgence était ailleurs, puisqu'il y avait une porte à remettre sur ses gonds, s'il était vraiment capable de réparer quoique ce soit. Ce n'était pas dit mais il proposait toujours, essuyant un refus de la brune. En un sens, il était presque soulagé, sortant même une cigarette de son fagot car, oui, fumer dans ce genre de circonstances était tout à fait de mise. Enfin, il se disait que l'odeur de fumée étant déjà présente, ce n'était pas si grave si on rajoute une dose de nicotine par dessus l'enfer ambiant. Il l'alluma en s'apprêtant à sortir de l'appartement, ne regardant qu'à peine Maze se poser sur son canapé, en proie à des questions existentielles certainement. Wren, lui, aspirait un peu de sa drogue au moment où elle ouvrit de nouveau la bouche pour changer d'avis. Décidément, c'était un truc qu'il n'arrivait jamais à saisir chez les femmes, cette capacité à dire noir puis blanc, tout cela en l'espace de moins de vingt secondes. "Pas de problème. On m'attend pas à la caserne avant deux bonnes heures t'façon. Cette boîte à outils serait pas de refus, clairement." Et c'était avec la clope encore au bec qu'il retira sa veste pour analyser l'état de la porte. Il n'y avait pas à dire, il avait fait un job de titan et se maudissait un peu pour cela d'ailleurs. "Désolée pour quoi exactement? Le quasi incendie ou l'accueil? Les deux sont mon quotidien et quelque part, ça me rassure donc..." Il maugréait avec sa cigarette collé aux lèvres, sans regarder la jeune femme pour autant. L'agent du chaos qu'il était aimait cela au bout du compte, que ce ne soit pas spécialement chaleureux, voire au contraire, presque dangereux. Wren finit par se retourner vers Maze lorsqu'elle se présenta à lui. "Wren." Il ne disait jamais enchanté parce qu'on ne pouvait pas vraiment l'être de le rencontrer en toute logique. "Bon, au boulot. Hésitez pas à continuer votre vie dans votre salle de bain ou je sais pas ce que vous faisiez avant que je foute en l'air votre tranquillité hein... Maze." Wren retroussa ses manches, réparateur du dimanche qu'il était, à croire qu'il préférait mettre le feu que de l'éteindre et payer les conséquences. Un comble pour un pompier.
Le caractère du jeune homme intriguait complètement Maze. Il avait l'air plutôt concilient dans ses actes -après tout, il avait proposé de faire quelque chose pour sa porte-, mais bien moins dans ses paroles qui restaient très acerbes. Étrangement, et maintenant que le drame était passé, cela plaisait plutôt à Maze. Dans son boulot, elle était entourée de deux types de personnes : d'un côté, ceux qui lui léchaient les baskets à longueur de journée pour obtenir ses faveurs, lui extirper des tickets gratuits, avoir avoir accès aux coulisses ou même rencontrer leurs célébrités préférées. De l'autre, les clients, les agents, les musiciens....ceux à qui Maze avait bien souvent envie de tordre le cou. Et aujourd'hui elle n'avait ni la force de se retrouver face à quelqu'un de mielleux et d'hypocrite, ni le courage d'affronter quelqu'un dont elle voulait tordre le cou. Si Wren s'était dangereusement rapproché de cette deuxième catégorie quelques minutes plus tôt aux yeux de la jeune femme, à présent elle appréciait presque ses piques. Ou tout du moins, elle était ravie de pouvoir lui répondre sur le même ton sans qu'il ne parte en courant. Il avait l'air de pouvoir encaisser...pas mal de choses. Maze décida qu'il était peut-être temps de se bouger les fesses et de chercher sa boîte à outils. Elle se leva du canapé et sentit assez rapidement un vertige arriver. Deux scénarios : soit elle s'était levée trop vite -et elle priait pour que cela soit le cas-, soit sa glycémie faisait des siennes -et dans ce cas, la situation risquait d'être moins drôle-. On avait diagnostiqué à la jeune femme un diabète de type 1 il y a plusieurs années de cela. Si elle avait eu du mal à encaisser le choc de la nouvelle les premiers jours, elle avait tout de même fini par s'y faire. Des piqûres d'insuline au moment des repas, avoir une bonne hygiène de vie (on repassera avec les pâtes et le jambon cramés), il y avait pire. Néanmoins, sa glycémie ne dépendait pas que de cela et pouvait être impacté par tout un tas de facteurs : la fatigue, le stress, la prise de médicaments, l'alcool, le café,...bref, un joyeux bordel. Autant dire qu'un incendie qui avait manqué de se déclarer et l'apparition soudaine d'un parfait inconnu dans son appartement avait très certainement influencé la glycémie de Maze. Il s'agissait maintenant pour elle de savoir de quelle manière. Une hyperglycémie ? Ok, elle traiterait ça plus tard. Une hypoglycémie était en revanche bien plus dérangeante et les vertiges pouvaient justement en être un symptôme. Il fallait qu'elle prenne rapidement du sucre si elle ne voulait pas se retrouver en plus à moitié inconsciente au milieu de son salon. C'est bon, Wren en avait fait assez pour la journée, il n'était décidément pas nécessaire qu'il finisse encore aux urgences avec elle. Maze jeta un coup d'oeil à sa table basse : stylo d'insuline, aiguilles....non, ça n'était pas ce qu'elle cherchait. Les gens la regardaient souvent de travers lorsqu'elle sortait ce matériel. D'abord irritée, elle avait fini par en rire et se faisait régulièrement passer pour une droguée. Quitte à ce que les gens soient outrés, autant qu'ils le soient pour une bonne raison. Oui, on repassera pour l'humour de bon goût. Son regard balaya rapidement la pièce et s'arrêta sur l'accoudoir de son canapé sur lequel se trouvait un morceau de sucre. Son appartement en était jonché et, si les gens jetaient un coup d'oeil un peu plus attentif, ils verraient certainement ce morceau de sucre dans sa bibliothèque, ou celui oublié près de sa desserte à l'entrée, ou encore ceux posés sur le comptoir de sa cuisine. Elle attrapa rapidement celui du canapé, le déballa et le croqua discrètement -aussi discrètement que faire se peut avec un morceau de sucre...-. Puis elle se dirigea vers sa chambre pour revenir avec sa caisse à outils qu'elle déposa aux pieds de Wren avant de s'asseoir à même le sol. Si sa glycémie était effectivement basse, mieux valait qu'elle soit le plus proche du sol possible et qu'elle évite de trop gesticuler. Si le jeune homme trouvait ce comportement étrange, tant pis. Il ne devait plus être à ça près. Maze leva ensuite la tête vers le jeune homme pour se rendre compte qu'il était en train de fumer. "Fumer ? Vraiment ? Si vous pouviez arrêter, ça m'arrangerait. Je déteste l'odeur de la fumée et j'aimerais beaucoup que cette pièce n'empeste pas." Elle marqua une pause de quelques secondes tout en soutenant le regard de Wren, avant de finir par esquisser un sourire (le premier de la journée !) lui signifiant clairement qu'elle n'était pas sérieuse. Enfin tout du moins pas aujourd'hui, pas après ce que son salon venait de vivre. Bon, ils connaissaient maintenant leurs prénoms respectifs, les choses avançaient. Elles avançaient lentement, mais elles avançaient. Maze venait également d'apprendre que les incendies et les accueils hystériques étaient le quotidien de Wren. Cela venait définitivement renforcer son idée de départ: il était pompier. Ou pyromane ? L'accueil que réservaient les gens aux pyromanes ne devait pas être particulièrement chaleureux. Elle leva un sourcil interrogateur suite à la dernière remarque de l'homme qui lui faisait face de toute sa hauteur. Hauteur plutôt impressionnante alors qu'elle-même était maintenant assise par terre. Elle pouvait continuer sa vie pendant qu'il réparait sa porte ? Cette remarque était-elle légèrement misogyne ? Elle laissa passer; ça n'était vraiment pas le moment de lancer un débat à la con sur le droit des femmes. "Je bosse au quotidien avec des gens qui montent et démontent des scènes de spectacle en un tour de main....J'ai bien dû apprendre quelque chose d'utile depuis tout ce temps..." Sur ces mots, elle reporta son regard sur sa boîte à outils et l'ouvrit. Ok, elle avait probablement appris des choses utiles mais, maintenant qu'elle y réfléchissait, il y avait rarement des portes sur les scènes de spectacle....
Être complètement normal, une belle utopie qui faisait beaucoup rire Wren. Il avait été confronté ce phénomène de conformité des plus dérangeants. Bon nombre de fois, lorsqu'il croisait ses cousins à des réunions de famille, il les voyait habillés tous de la même manière à arborer les mêmes outils technologiques et à prononcer exactement les mêmes répliques comme s'ils étaient de jolis robots bien sous tous rapports. Wren avait vite fait d'avoir envie de les encastrer contre un mur, pour être tout à fait honnête, mais jusqu'ici, il avait toujours réussi à résister à cette image mentale de leur faire manger le parquet du salon de son cher oncle. La société était responsable de cette belle mascarade où tout devait toujours aller plus vite, plus fort, plus loin. Il ne fallait pas s'arrêter une seule seconde, quitte à s'épuiser et s'écrouler à terre. Evidemment, dans ces cas là, il était hors de question de s'appuyer sur une épaule amicale: c'était chacun pour sa pomme et le premier qui franchissait la ligne d'arrivée gagnait le pactole. D'ailleurs, Doherty se demandait à quoi ressemblait ledit pactole pour que tout le monde soit lancé dans ce marathon. Lui se contentait de regarder de loin ce joli bal de conneries se jouer. En coulisses, on s'amusait bien plus parce qu'on ne prenait pas le risque de finir harassé sur le béton ou à manger les pissenlits par la racine pour suivre un mode de vie qui ne pouvait pas convenir à d'autres profils que celui de la grande Rotschild. Wren était pauvre, au moins c'était un fait établi et vu l'état dans lequel était son appartement, on n'avait que peu de doutes à avoir sur son mode de vie des plus élémentaires. Il avait déjà largement augmenté son standing en s'achetant une télévision au cours de l'hiver qui venait de passer, autant dire qu'il avait un retard monstrueux à rattraper sur les hits du moment. Comme si tout cela l'intéressait en réalité, il n'avait pas besoin de cette pacotille et puis, il avait déjà suffisamment de drames à gérer dans sa vie personnelle pour allez s'occuper de ceux de la famille Kardashian. La preuve, il en était encore à sauver le monde quand il avait enfin un micro jour de repos. Sa journée aurait pu être tellement tranquille, lui en train de siroter un bon cocktail sur le bord de la plage, seul ou en bonne compagnie, avant de partir en piste et rentrer à des heures improbables. A la place, il avait fallu qu'il joue au fils modèle, tout cela pour échouer misérablement vu comment il avait quitté sa mère. Pour sûr qu'elle devait être en train de sangloter au fond de son lit, sans savoir que son rejeton était à moins de dix mètres en train de jouer à Superman, sans l'uniforme hideux heureusement mais avec les mêmes idéaux fantasques.
Le pompier était le héros du jour, oui, mais ce qu'on ne raconte jamais dans les bandes dessinées de super héros, c'est l'épopée de la reconstruction et en l'occurrence, la remise sur gond d'une porte qu'il avait plus ou moins martyrisé. Voilà qu'il n'allait pas tarder à regretter d'avoir développé une force musculaire avec son travail ou alors de ne pas avoir de quoi crocheter une serrure au fond de sa poche pour avoir un résultat un peu plus propre que son affaire. Wren se creusait la cervelle sur la marche à suivre, jetant tout de même un regard en coin vers Maze de temps en temps, histoire de s'assurer qu'elle ne vivait pas un stress post-traumatique. Forcément, il ne fit aucun commentaire en l'entendant avaler un sucre et puis, ce n'était pas ses affaires. S'il y avait bien une qualité ce cher Doherty, c'était celle-là, il n'était pas curieux pour un sou. Il récoltait les indices sans le vouloir réellement en règle générale, se faisant une idée globale des secrets bien gardés des gens qui l'entouraient mais il n'était pas de ceux qui allaient récolter des ragots dans le voisinage. De toute façon, il n'aurait même pas le besoin de le faire pour l'événement qu'ils étaient en train de vivre puisque tout le voisinage pouvait voir que la porte avait cédé et l'odeur ne mentait pas non plus sur ce qui avait pu se passer. A moins que ce ne soit la cigarette de Wren qui balançait un parfum aussi fort que celle d'un rat musqué en rase campagne. "Je voudrais pas ruiner le parfum rose des bois, c'est vrai." Ce n'était pas pour autant qu'il éteignait le fagot, se contentant de regarder Maze s'asseoir non loin de lui, la sentant fortement intéressée par cette histoire de réparation de fortune. Il la laissa fouiller dans la boîte à outils alors qu'il entreprit de replacer la porte sur ses gonds, à défaut de pouvoir obtenir quelque chose de lisse, elle semblait tenir plus ou moins le coup. "J'espère que c'est vous le spectacle en question au quotidien parce que, sinon, le public louperait un one-woman show d'enfer, j'en suis témoin." Il s'approcha à son tour de la boîte à outils, trouvant quelque chose qui semblait lui plaire pour fortifier le tout le temps que Maze trouve une porte de substitution. "A l'avenir, je ferais plus attention en défonçant une porte... Je me rends compte du travail que c'est de remettre ça en place, un beau merdier. Je passerais le message aux collègues aussi, rien de mieux que les fenêtres, messieurs les pompiers." Il finit par aller se débarrasser des cendres de sa cigarette dans le cendrier devant la porte d'entrée de sa mère. "Ca fait longtemps que vous squattez l'immeuble? Non, parce que je vous ai jamais vu en fait..." Non pas qu'il faisait attention aux gens, mais tout de même. Wren tendit un autre outil à Maze, voyant bien qu'elle avait envie de contribuer à ce chef d'oeuvre. "A vous l'honneur de finir le job." Et Wren restait assis dans le couloir à côté de l'entrée de chez Maze, le cendrier d'un côté, le regard perdu droit devant lui. Le sentiment d'un travail accompli au fond du coeur.
Maze observa le jeune homme replacer la porte à sa place d'origine. Ca n'avait pas l'air si catastrophique finalement. Mais elle songeait tout de même à déplacer l'un de ses meubles devant la dite porte pendant la nuit afin de pouvoir dormir sur ses deux oreilles. Cela n'empêcherait peut-être pas quelqu'un de rentrer, mais elle l'entendrait au moins arriver; cela lui laisserait donc au minimum le temps de se lever en catastrophe et de s'échapper par la fenêtre de sa chambre en empruntant les escaliers de secours. Et pour le lendemain ? Quand elle retournerait au boulot ? Peut-être arriverait-elle à convaincre l'un des mecs de la sécurité travaillant avec elle de venir garder sa porte. Tout à fait plausible comme scénario...Le schéma de pensées de la jeune femme était un vrai mystère, même pour elle. Elle se demandait souvent pourquoi son cerveau semblait être réduit à deux activités : se poser trop de questions et imaginer les scénarios les plus improbables au possible. Toujours était-il que pour le moment, elle avait au moins un semblant de porte. La remarque de Wren sur son one-woman show la fit sourire. Elle s'était clairement et très littéralement donnée en spectacle aujourd'hui. "Non malheureusement, mais je vais songer à me reconvertir. Pour l'instant, je me contente de mettre le feu aux coulisses. Et à mon appartement à l'occasion, mais ce show là est plus intimiste. J'ai pas encore de quoi accueillir 10 000 personnes par ici, donc ça reste pour les privilégiés pour le moment." Le verdict finit enfin par tomber de lui-même : Wren était bien pompier. Et Maze était bien ridicule. "Un pompier, sérieusement ? Je manque de mettre le feu à l'immeuble au moment où un pompier passe dans mon couloir ? J'hésite entre trouver cette situation incroyablement ironique, ou me dire que j'ai eu une chance dingue. Je ne suis pas certaine que Mr Thompson, mon voisin de 87 ans, aurait réussi à défoncer ma porte si vous n'aviez pas été là. Ceci dit...maintenant que j'y pense, si cela avait été le cas, ma surprise aurait été encore plus grande." Elle l'observa s'approcher d'une porte voisine et se demanda si elle avait un pompier comme voisin depuis tout ce temps, sans le savoir. "J'ai emménagé il y a quelques mois de cela maintenant, mais j'ai des horaires de travail assez improbables....J'me souviens pas vous avoir déjà croisé non plus. Vous habitez là ?" Elle s'empara de l'outil que lui tendait Wren et se leva pour finaliser ce semblant de porte. Mais, plutôt étonnamment, ça n'avait pas l'air si mal; la porte faisait au moins illusion à défaut d'empêcher de gros costauds de rentrer chez elle. Autre bonne nouvelle: elle n'avait plus de vertiges. Les urgences étaient évitées pour le moment. Maze jeta un coup d'oeil à sa porte, satisfaite du résultat et reconnaissante envers Wren du fait qu'il ne l'ait pas abandonné à son triste sort. Et qu'il ne l'ait pas laissée brûler vive aussi accessoirement. Elle s'éloigna quelques instants pour aller remettre un CD en route, veillant soigneusement à ranger celui qu'elle écoutait quelques minutes plus tôt...Si Maze n'était pas particulièrement bavarde et ne prenait pas plus que ça plaisir à écouter son entourage parler des heures durant, elle n'était pas non plus fan du silence. Lorsqu'elle avait quitté la maison de ses parents pour commencer ses études, elle avait choisi de prendre un appartement seule. La colocation, très peu pour elle. S'il devait y avoir de la vaisselle sale dans l'évier, il fallait que ce soit la sienne. Si un bordel monstre devait régner dans son salon, elle préférait en être à l'origine. Elle s'était donc rapidement habituée à mettre de la musique dès qu'elle rentrait chez elle, soit parce qu'elle en avait envie, mais le plus souvent pour avoir un simple bruit de fond. Cela suffisait au moins à la détendre et à l'empêcher de se poser des centaines de questions inutiles. Une fois la musique lancée, elle se retourna à nouveau vers Wren et lança : "Un café ?". Elle n'était pas certaine qu'il ait envie de s'attarder par ici; après tout il n'avait pas prévu de venir empêcher un incendie à la base et avait peut-être autre chose à faire. Mais un café était la moindre des choses après tout ce qui venait de se passer. Avec un "merci" également, mais ce dernier avait encore un peu de mal à sortir. Son égo ne s'était pas tout à fait remis de ce qui venait de se passer. Par ailleurs, Wren lui semblait bien mystérieux et il continuait de l'intriguer. Si elle aurait bien aimé en apprendre un peu plus sur lui, elle n'allait pas non plus le faire rester de force -elle n'aurait pas vraiment fait le poids face à lui...- pour lui faire passer un interrogatoire. Mais c'était tentant. Peut-être que si elle lui injectait une petite dose d'insuline, cela suffirait à l'endormir assez longtemps pour qu'elle puisse le ligoter et lui poser toutes les questions qu'elle voulait. Wow, stop le cerveau aux scénarios tordus. On arrête ça tout de suite.
Il fallait une bonne dose de persévérance pour désirer entrer dans le monde des Doherty. Ceux-là n'étaient pas les énergumènes les plus faciles à aborder, encore moins à apprivoiser avec leurs traumatismes à la noix et ce caractère si singulier. Wren était l'aîné de cette bande à éviter à tout prix et on ne pouvait pas dire qu'il était là pour montrer l'exemple à ses cadets. Dans le fond, il désirait simplement les protéger de toutes les emmerdes qui pouvaient leur tomber dessus parce qu'ils n'étaient pas nés sous la meilleure étoile. Il ne s'inquiétait peu pour sa jeune soeur, qui avait toujours eu les ressources pour aller de l'avant, même si elle chancelait parfois. Ce qui le tourmentait bien plus, c'était l'avenir de son petit frère. Il avait l'air relativement mal parti et Wren avait conscience qu'il avait gardé des contacts très proches avec leur géniteur... Autant dire qu'en termes de modèle, on pouvait définitivement faire pire. Ce n'était pas pour autant que le pompier pouvait empêcher son cadet de se rendre à la prison pour rendre visite au grand Doherty. Un jour, peut être, il oserait s'incruster à l'une de leurs entrevues pour lancer les centaines de vérités qu'il gardait encore tues pour ne pas blesser le peu de Doherty qui restaient encore sur cette planète. Son petit frère, c'était une de ses plus grandes fiertés, Wren l'avait même hébergé chez lui pendant un temps pour qu'il arrête d'inquiéter leur mère. Evidemment, l'affaire n'avait duré qu'un temps puisque le plus jeune était incapable de faire les efforts nécessaires à une vie en collectivité. Quelques mois plus tard, il s'était fait arrêter pour un deal de drogues des plus basiques et voilà qu'il se traînait à faire des travaux d'intérêt général en passant le balai sur les trottoirs crasseux du coin. Wren avait bien failli passer par les mêmes étapes que lui mais il s'était donné corps et âme dans son travail, risquant d'ailleurs bien souvent la mort. Il continuait de jouer les têtes brûlées, refusant les ordres de tout le monde, pour des idéaux qui ne ressemblaient pas à grand chose si on s'y intéressait de plus près. Au bout du compte, Wren passait le plus clair de son temps à tenter un suicide indirect, comme si c'était sa seule manière de s'empêcher de faire le mal autour de lui. Peut être que perdre un fils tirerait la sonnette d'alarme chez sa chère et tendre mère, même si l'aîné en doutait fortement. Elle était morte à l'intérieur et c'était une tragédie que rien ni personne ne pouvait contrecarrer désormais.
Au moins, Wren avait accompli quelque chose de bien ce jour là, empêchant Maze de brûler au fin fond de sa salle de bain. Celle-ci avait l'air reconnaissante mais elle ne se sentait très certainement pas de remercier le grand dadais qui avait été plus agressif qu'autre chose jusque là. Cela dit, il avait tout de même fait un effort pour réparer ce qu'il avait détruit, la porte d'entrée de la brune reprenant forme assez rapidement. Bon, ce n'était pas du grand art et ce n'était pas dit que les cambrioleurs de la région n'y voyaient pas une opportunité en or de trouver le pactole de la décennie. Enfin, Maze-était-elle vraiment riche? Wren en doutait un peu vu qu'elle habitait dans le même immeuble que sa mère mais après tout, on disait toujours qu'il ne fallait pas se contenter des premières impressions. En l'occurrence, sa première impression ne devait pas ressembler à grand chose puisqu'il était tombé nez à nez avec elle devant la porte de sa salle de bain alors que le monde menaçait de tomber en lambeaux autour d'eux. On aurait presque pu faire un grand film de leurs aventures, même s'ils avaient l'air bien moins vaillants assis par terre à terminer les travaux de la porte d'entrée. Cela n'empêchait pas Wren de jouer la carte de l'humour, une carte qu'il utilisait suffisamment rarement pour que cette date finisse par être notée dans un calendrier collector. "Le feu aux coulisses? Et bah, vous donnez du travail aux pompiers, vous, c'est affolant... Dommage, pensez à agrandir votre appartement alors pour lancer un phénomène culturel de proximité." Il s'imaginait déjà le concept de faire une représentation en intérieur, se recréant la scène de la fois où l'appartement de Maze avait failli brûler, et les voisins avec. Pour sûr que cela ferait un carton dans le quartier. "Comme quoi, vous avez le karma de votre côté pour qu'un pompier soit là au bon moment. Faut pas se fier aux apparences, votre voisin me semble plus vaillant qu'il en a l'air... Quand il cherche à draguer ma mère en se vendant à moi." Un sacré traumatisme pour Wren qui n'avait vraiment pas besoin de cela pour se retrouver à vouloir en coller une au premier venu. Comme quoi il était capable de rester courtois, au moins envers les personnes âgées, un bon point. "Non, plus maintenant mais ma mère est à l'autre bout du couloir." Il ne lui précisa pas qu'elle n'avait pas pu la rencontrer puisqu'elle n'était pas sortie de chez elle depuis un temps improbable. A la place, il termina sa cigarette dans le silence le plus paisible qu'il fut, observant simplement Maze terminer le travail sans rien ajouter. Enfin, il fallait que des paroles reviennent à un moment donné où Wren allait s'endormir sur le paillasson, pas de quoi faire rêver la population assurément. "Pourquoi pas? J'ai fait garde de nuit là alors..." Alors, il n'avait pas dormi depuis vingt quatre heures très concrètement. "Après ça, je m'éclipse, je pense que j'ai déjà assez ruiné votre journée, non?" En tout cas, il s'était ruiné la sienne en insultant presque sa mère mais pour le moment, Wren préférait mettre ce fait de côté, en même temps q'il tuait son reste de cigarette dans le cendrier, éteignant le feu qu'il bénissait tant pourtant.
"J'avoue que je fais pas mal bosser les pompiers oui. Mais c'est beaucoup plus sympa et original d'avoir besoin d'eux quand ils ne sont pas en service, mais juste de passage dans le voisinage. C'est testé et approuvé." Elle sourit en constatant que le jeune homme s'était un peu déridé. Le fait qu'elle ait arrêté de lui hurler dessus y était peut-être pour quelque chose. "Je vais penser à agrandir, oui. Et à acheter plusieurs appartements aussi parce que je pense qu'il peut s'avérer compliqué de donner plus d'une représentation de ce spectacle...Mais ça pourrait faire un carton effectivement. Et je ne vais pas cracher sur des revenus complémentaires. Je pourrais peut-être même me payer les services d'un cuisinier personnel si je deviens riche, non ?" Riche, Maze était loin de l'être. Elle avait choisi un métier qui la passionnait, mais qui malheureusement ne payait pas particulièrement bien. Mais elle s'en satisfaisait. Avec un bac +5 en poche, elle avait suffisamment galéré à réussir à trouver du travail dans l'événementiel, ne parlons même pas du fait de se spécialiser en plus dans l'industrie du divertissement. Elle avait monté des centaines d'événements d'entreprises plus impersonnels les uns que les autres, complètement dénués d'originalité et de vie. Lorsqu'elle avait finalement trouvé un job dans un petit festival méconnu de Londres, sa ville natale, elle avait sauté au plafond. Il était vraiment mal payé et elle était davantage considérée comme une stagiaire que comme une véritable salariée, mais elle touchait enfin au domaine qui la passionnait plus que tout. Elle occupait maintenant un poste bien plus important à Brisbane, elle pilotait des projets et était en première ligne si quelque chose capotait à un moment donné. Mais bien heureusement, son travail était également reconnu en cas de réussite. Cependant malgré ses responsabilités, elle ne gagnait clairement pas autant que les 3/4 de ses amis d'école de commerce qui s'étaient orientés vers les domaines de la finance ou des jobs plus commerciaux. Qu'importe, elle adorait son job. Ce dernier lui permettait par ailleurs de côtoyer à l'occasion ses idoles et ça, en fangirl qu'elle était, elle ne l'aurait échangé pour rien au monde. Contrairement à la Maze de 16 ans, elle savait toutefois se contenir face à eux et évitait de leur sauter dessus. Ceci étant dit, il arrivait que certains ne soient pas nécessairement contre le fait qu'on leur saute dessus...et là, elle ne s'en privait pas. Elle était jeune, célibataire, avec une limite vie privée/vie professionnelle plutôt chaotique alors elle ne voyait pas pourquoi elle aurait dû se priver des très bons côtés que son job pouvait lui apporter. "Si jamais ça vous intéresse, je vous engage comme acteur pour ce spectacle. Vous êtes incroyablement convaincant dans le rôle du pompier sauveur. Il faudra peut-être juste enlever le haut si vous voulez qu'on fasse plus d'entrées." Un bref instant, Maze songea qu'elle ne le connaissait pas assez pour faire ce genre de remarques. Mais elle était du genre plutôt spontanée et disait souvent les choses telles qu'elle les pensait. Bref, c'était dit maintenant. Lorsque Wren évoqua son voisin qui tentait de faire des avances indirectes à sa mère, elle fronça les sourcils. Elle imaginait très bien la scène et celle-ci ne lui semblait absolument pas réjouissante. "Ew, non. C'est gênant. C'est vraiment très gênant. Je pense vraiment que personne ne vous en voudra si jamais vous décidez de...heu...le faire tomber par inadvertance dans les escaliers ? Ou mieux ! J'irai faire un tour chez lui pour lui préparer un bon petit plat. Vous n'en entendrez plus parler." Une poêle, des pâtes, une cuisinière, le tour était joué. "Votre mère ?" Elle réfléchit un instant. "Je ne crois pas l'avoir déjà croisée. Mais j'imagine qu'elle rentre rarement chez elle vers 4h du matin." Evidemment, Maze ne se doutait pas du passif du jeune homme et du fait qu'elle venait peut-être de mettre les pieds dans le plat bien comme il fallait. C'était son truc d'ailleurs; elle abordait régulièrement des sujets qu'elle aurait mieux fait d'éviter. Maze se dirigea vers le lieu du crime, sa cuisine, pour préparer deux cafés. "Je suis désolée, j'imagine que vous auriez sûrement préféré vous reposer plutôt que de...heu...participer à mon one-woman show.". Elle alla déposer les cafés sur sa table basse en face du canapé et s'installa, invitant Wren à en faire de même. "Vous ? Ruiner ma journée ? Non. Ruiner ma porte, oui." Elle marqua une pause puis le regarda avant de lâcher ce qu'elle aurait dû dire depuis longtemps : "Non, vous avez plutôt sauvé ma journée à vrai dire donc...merci." En y réfléchissant, il avait effectivement sauvé sa journée littéralement et figurativement parlant. Toute cette histoire lui avait aussi permis d'oublier le temps de quelques instants ses soucis professionnels qu'elle avait ramené chez elle, malgré son jour de congé. "Et puis, Wren, est-ce qu'on pourrait songer à se tutoyer ? Je veux dire...après tout ce qu'on a vécu : un incendie évité, un échange verbal explosif, une porte défoncée puis remise sur pied, et pour je ne sais quelle raison je vous ai même proposé d'enlever votre chemise. Si avec tout ça on n'a pas tout vu et tout vécu en un minimum de temps, je ne sais pas ce qu'il faut." En plus de ça ils devaient avoir tout deux approximativement le même âge et Maze avait d'autant plus de mal avec le vouvoiement. Un "tu" allait finir par lui échapper à un moment ou à un autre.
Ce genre de rencontres n'étaient pas communes et Wren devait vraisemblablement le savoir, même si avec lui, il était toujours plus question de détachement qu'autre chose. Il était le meilleur lorsqu'il s'agissait de donner l'impression qu'il se fichait de tout et de tout le monde. Wren n'était pas tellement égocentrique pourtant: si cela avait été le cas, il aurait probablement abandonné l'idée de sauter dans les flammes pour sauver le premier venu. En soi, c'était devenu une sorte de thérapie pour lui puisqu'il se sentait beaucoup mieux lorsqu'il était en contact avec cet art dansant, ces flammes frétillantes qui tournoyaient autour de lui. Quelque part, Doherty avait une âme d'artiste mais il ne savait pas l'exprimer autrement que dans cette rage silencieuse, se retrouvant bien incapable d'exposer la personne qu'il était au grand public. Parfois, quand il était dans une humeur particulière, il arrivait à prendre une feuille et un crayon puis il dessinait. Le résultat était toujours troublant, à la hauteur de la personne qu'il pouvait être à l'intérieur, sans le laisser voir aux autres. Il y avait toute cette douleur étalée sur le bout de papier, une sorte de haine massive de ce qu'il était capable d'accomplir et qu'il ne pouvait jamais contrecarrer. Lutter contre sa nature profonde, ce n'était pas dans ses cordes et peut être qu'il n'y arriverait jamais, même si Wren y croyait encore suffisamment pour désirer sauver le monde à tout prix. Il se fourvoyait très certainement sur la nature humaine: il n'arrivait déjà pas à se supporter lui même la moitié du temps, en témoignait les rapports qu'il entretenait avec sa famille dernièrement et le nombre de disputes qu'il avait eus avec le reste de son équipe de pompiers également. Clairement, Wren avait un caractère insupportable, il avait toujours raison et ce, même quand il avait incroyablement tort et il ne pouvait pas s'excuser, pas par fierté mais par dégoût, un comble. Voilà ce que la vie vous faisait devenir quand vous naissiez Doherty, on ne choisissait pas son destin et c'était ce qui devenait le plus tragique pour les membres de cette famille. Il n'y avait pas l'air d'avoir de rédemptions possibles pour les gens comme eux, seulement une souffrance profonde et imperceptible de l'extérieur. La preuve, les gens qu'il côtoyait avaient plutôt tendance à le prendre pour un narcissique notoire, le genre de garçons hautains qui ne pensaient qu'à son futur succès. A vrai dire, Wren ne pensait qu'à sa chute parce qu'il savait qu'elle viendrait. Il finirait là où il avait commencé, dans le chaos honteux du brasier. En attendant, il tâchait de se faire le plus discret possible, autant dire que ce n'était pas une tâche aisée en vue de son physique. On le remarquait forcément lorsqu'il passait quelque part avec sa taille de géant et son regard électrique. Il s'y était habitué, aux regards des curieux, aux attitudes parfois effrayées des moins téméraires mais lui n'y faisait plus attention. Il se contentait de vivre selon ses propres termes, avec ses propres règles et apparemment, sa capacité affolante à se lancer corps et âme dans les ennuis, si on pouvait appeler Maze un ennui au bout du compte.
Sa présence était même plutôt plaisante, qui l'aurait cru quelques minutes auparavant? Ils auraient presque pu s'étriper au milieu d'un salon dévasté que personne n'aurait été sérieusement choqué. Il fallait dire que la jeune femme avait haussé la voix et en retour, Wren avait usé de sa chère amie l'ironie pour faire passer la pilule. Une porte réparée et ils avaient l'air d'être réconciliés, une belle réussite pour l'humanité et vraiment surprenante vu leur caractère respectif. "Testé et approuvé... Du coup, c'est bon, vous allez pas demander remboursement? C'est une bonne pub pour la caserne ça!" Qu'il fasse preuve d'humeur, c'était l'appel assuré d'une météo catastrophique dans les prochains jours. Enfin, Wren était capable de tout s'il était suffisamment à l'aise, c'était justement ce qui était le plus difficile à amener chez lui, la confiance, un climat apaisé, lui qui n'avait vécu que dans les tourments depuis son enfance. Il n'avait jamais eu de véritables moments de quiétude depuis son adolescence, toujours pris entre les histoires de ses parents, les difficultés des jumeaux... La peur de vieillir, en somme. Alors, il n'y avait jamais eu de place pour l'insouciance, encore moins pour la naïveté et les belles paroles. "Ce serait pas de refus pour le cuisinier, ouais, la gastronomie vous remerciera certainement pour l'effort... Et les proprio' de l'immeuble, aussi, soit dit en passant." Il ne tenait pas spécialement à revenir pour défoncer sa porte à nouveau, même si c'était certainement un rôle de composition pour un pompier comme lui. On s'habituait à ce genre d'actes quand son quotidien ressemblait à des sauvetages terrifiants mais Wren était encore loin de gagner une médaille pour services rendus. De toute façon, il n'en voulait pas, les lauriers, la gloire et tout ce qui allait avec ne collaient pas le moins du monde avec son caractère. Alors, lui acteur? Cela perdait très clairement en plausibilité. "Qu'est ce qui vous dit que me voir torse nu ferait sensation? Vous m'avez pas vu après tout." Non, Maze l'avait surtout vu irrité et chiant au possible, autant dire que ce côté de Wren n'allait pas attirer les foules s'ils en étaient amenés à développer cette rencontre sur scène. Il s'autorisa même à lui faire un petit sourire alors que la conversation allait bon train. "Oh vous savez, il est plus sénile qu'autre chose alors on a pas besoin d'envisager sa fin tragique... Mais vous pouvez toujours vous entraîner à la cuisine sur des gens que vous n'aimez pas, ça doit exister dans votre vie, non?" En tout cas, lui avait certainement des tas de noms à citer dans la matière, son père en tête de course. Enfin, Wren mentait certainement en pensant ainsi puisqu'il continuait de visiter son géniteur quand personne n'avait les yeux sur lui. Qu'est ce qu'il pouvait être faible finalement... "Non, c'est vrai. Mais si ça arrive, faudra me prévenir que je vienne fêter ça." Cela semblait étrange, qu'un fils vienne applaudir de voir sa mère sortir de chez elle en pleine nuit mais en vue de leur histoire, le sourire sur le visage de Wren voulait dire beaucoup. Il passa bien vite à autre chose cela dit, acceptant un café pour terminer l'après midi comme il se devait après toutes ces sensations fortes. "Oh, on a toute la mort pour se reposer après tout." Et Wren pensait dur comme fer que celle-ci viendrait bien assez tôt pour lui. "Erreur, votre porte va bien, regardez..." Et il montra l'intéressée du doigt, acceptant les excuses de la jeune femme en baissant les yeux, humble et discret comme au premier jour. "Oh bah si, je pense qu'on pourrait se tutoyer puis, se présenter comme si on s'était pas crié des insanités à l'entrée de ta salle de bain aussi... Moi, c'est Wren, je suis pompier et je suis toujours pas sûr que mon corps mérite des revenus supplémentaires m'enfin... Enchanté." Il lui tendit la main, un regard déterminé porté sur elle, et à nouveau, personne n'était en mesure de dire ce qu'il pensait à ce moment là, certainement pas lui même d'ailleurs.
Maze se surprenait elle-même aujourd'hui. Elle était plutôt sociable dans la vie de tous les jours, que cela soit avec les gens qu'elle côtoyait au travail comme ceux qu'elle croisait au quotidien. Cependant, mieux valait ne pas l'approcher de trop près lorsqu'elle avait passé une mauvaise journée. Elle était du genre à tout envoyer balader, à s'énerver très rapidement, à faire monter le ton et à être d'une mauvaise foi sans limite....Comme quelques minutes plus tôt en somme. Les gens qui la connaissaient savaient maintenant à quels moments il valait mieux l'éviter s'ils voulaient passer une journée sans histoire et rares étaient ceux qui se risquaient à lui tenir tête. C'était pourtant de cela dont elle avait besoin pour se calmer, et c'était aussi bien souvent ce qu'il lui fallait pour respecter une personne. Elle était très loin d'être une gamine pourrie gâtée, elle avait simplement un vrai caractère de chien quelques fois. Mais Wren faisait visiblement parti, et heureusement pour lui, de ces personnes qui ne se laissaient pas démonter facilement. Et c'était bien pour cela qu'il était maintenant assis sur le canapé de la jeune femme à boire un café avec elle, et non jeté dehors comme un malpropre (même si ça n'avait pas été très loin de se produire). Et puis il était parfois ironique, un brin distant, et totalement mystérieux. Tous les ingrédients étaient réunis pour intriguer Maze. "J'attends juste de voir si mon appartement ne se fait pas cambrioler cette nuit avant de prendre ma décision pour cette histoire de remboursement. Mais j'ai honnêtement l'impression que ça devrait faire l'affaire !" Et puis, même si la porte devait finalement s'avérer un peu bancale, cela restait toujours mieux que pas de porte du tout. L'ambiance entre eux deux s'était très nettement détendue. "Promis, je cuisine pas comme ça habituellement...enfin pas souvent...pas trop....bref." Au moins, elle avait su préparer deux cafés sans accident; fallait-il vraiment en demander plus ? S'il lui arrivait bien de se faire des plats de pâtes au beurre deux ou trois fois dans la semaine, elle ne mettait tout de même que très rarement le feu à son appartement. Non, vraiment, cette fois-ci était bel et bien une première qu'elle allait éviter de reproduire, quitte à devoir se faire livrer des plats jusqu'au restant de ses jours. "C'est vrai...mais je doute que la vision torse nu d'une personne capable de défoncer une porte d'entrée, un pompier qui plus est, soit des plus désagréables. Mais je peux me tromper !" Elle lui lança un sourire en coin. Ceci étant dit, que cela soit avec ou sans T-shirt, elle était persuadée qu'un pompier avec le physique de Wren aurait de toute manière rameuté les foules à leur hypothétique spectacle. Elle trouvait qu'il avait cet air mystérieux et quelque peu torturé qui ajoutait un petit quelque chose à son charme déjà bien présent. Maze fut quelque peu intriguée par ce qu'il venait de dire sur sa mère, mais elle ne se sentait pas d'insister pour l'instant. Elle avait l'impression de récolter un semblant d'information ici et là, que cela soit dans ce qu'il disait ou dans sa façon de se comporter. Il serait toujours temps d'en apprendre un peu plus et de lui faire passer son interrogatoire par la suite. Elle se sentait presque l'âme d'une apprentie Sherlock Holmes pour le moment, à récolter des indices. Mais la vérité restait bien loin de tout ce qu'elle aurait jamais pu imaginer. "Des gens que je n'aime pas ? Si ça existe ? J'en ai une liste longue comme le bras. Des abrutis d'ex, des clients insupportables, le livreur qui a fait tomber et ruiné ma pizza la semaine dernière mais qui s'est bien gardé de me le dire afin que la surprise soit totale pour moi. Très bonne idée, je vais tous les rappeler et leur cuisiner un bon petit plat !" Et puis, tant qu'on y était, elle pouvait tous les inviter en même temps pour que l'ambiance soit bien au rendez-vous. Elle était déjà en train d'imaginer cette scène, de visualiser quel plat horrible elle aurait pu leur préparer et du moment où elle leur aurait dit leurs quatre vérités en les regardant lentement succomber aux souffrances de leurs estomacs. Légèrement psychopathe sur les bords Maze ? Peut-être de temps en temps. Elle reporta son attention sur sa porte, que Wren était en train de pointer du doigt. "C'est vrai, je dois l'avouer...et pourtant je me voyais déjà passer la nuit sans porte !" Dans une tente, près de l'entrée, à monter la garde. Elle serra la main que lui tendait Wren tout en soutenant son regard. "Moi je trouve justement que se crier des insanités à l'entrée d'une salle de bain c'est plutôt original comme présentation; ça sort de l'ordinaire. Enchantée Wren. Maze, chargée de projet événementiel dans un festival, d'où le feu aux coulisses...et peut-être aussi les tendances harpie hystérique. Et grande cuisinière à mes heures perdues ! Quant à ton corps, ne reviens pas sur le sujet si tu ne veux pas que je te demande d'enlever ton T-shirt afin de me laisser juger par moi-même." Elle sourit, mi sérieuse, mi joueuse. Il lui arrivait bien souvent de flirter gentiment, cela dérapant à l'occasion quand la personne en face d'elle se comportait de la même manière. En tout cas, pour se permettre de dire quelque chose comme ça, il était certain qu'elle se sentait définitivement plus à l'aise qu'au début de leur conversation."Donc....j'imagine que tu défonces souvent les portes de parfaits inconnus Wren ?"
Wren ne s'attendait pas à vivre un parcours normal, ce n'était pas dans les traditions de la maison. Aucun Doherty n'avait fini casé avec quinze mômes des plus normaux. En apparence, c'était ce qui s'était passé pour ses parents mais quand on voyait le résultat trente ans plus tard, on se disait qu'il aurait certainement mieux valu que le père Doherty s'abstienne de vouloir rentrer dans les rangs de la normalité. Le fils, lui, n'avait même pas effleuré l'idée d'être quelqu'un de commun. Il le sentait au plus profond de lui même qu'il n'était pas tout à fait comme tous les gens qu'il croisait au quotidien. Certains s'inquiétaient de leur avenir, d'autres même de leur présent et des factures à payer. Wren, lui, était définitivement ancré dans le passé, toujours à revivre les mêmes scènes teintées de violence et de hargne. Il avait baigné dans cette douleur constante et il avait bien du mal à s'en détacher, même quand il donnait l'air que tout allait parfaitement bien. Il vivait des jours heureux, pourtant, même si ce n'était pas tous les jours mais parfois, il ne pensait pas à une seule seconde à l'incendie, à sa mère qui ne se levait presque plus de son fauteuil ou de son frère qui pouvait hypothétiquement finir dans un fossé vu la tonne d'argent qu'il devait à ses dealers. Dans ces moments là, lorsque Wren ne pensait plus à rien, il était un homme tout à fait normal et parfaitement heureux de vivre, c'était juste dommage que ce genre de journées n'arrive le plus souvent que lorsqu'il avait bu. Il avait décidé de calmer le jeu, avec les substances qui lui vrillaient le cerveau, même s'il doutait que le tout ne dure très longtemps. Doherty avait toujours eu cette tendance à être incapable de respecter ses propres promesses, encore une de ces douces méthodes qu'il employait pour se décevoir. A croire que c'était quelque chose qu'il aimait par dessus tout: se fixer des missions pour mieux les démolir, avoir des idéaux pour mieux les faire s'envoler. Le seul idéal qu'il n'avait pas encore totalement brisé, c'était l'amour familial qu'il pouvait encore avoir pour les Doherty restants. Pour les autres domaines de sa vie, cela faisait bien longtemps que Wren avait abandonné l'idée de se forger une carrière décente et ne mentionnons même pas sa vie amoureuse. Il n'avait jamais tenu une seule relation plus de deux soirs d'affilée, s'attacher était quelque chose de bien trop difficile à faire pour lui. Toutes ces histoires d'engagement et d'amour parfait, il n'y avait jamais vraiment cru mais quand on voyait le modèle parental qu'il avait eu, ce n'était peut être pas une grande surprise. Quant à garder des amis sur la longue durée, c'était bien souvent voué à l'échec là encore parce que Wren avait toujours eu l'impression d'avoir une mauvaise influence sur son entourage. Cela dit, il en avait encore quelques uns, des courageux ou bien des téméraires qui semblaient vouloir l'accompagner sur ces routes tortueuses jusqu'à la fin.
Cette rencontre avec Maze, Wren ne savait pas encore dans quelle case la mettre, probablement parce qu'elle était unique en son genre. Il n'aurait clairement pas imaginé en se levant le matin même après une garde qu'il finirait par défoncer la porte d'une voisine de sa mère pour empêcher un feu dans le quartier. C'était ce qui rendait le moment agréable finalement, parce qu'il ne l'avait pas vu arriver, tout comme il n'avait pas vu venir le sale caractère de Maze quand on venait la déranger comme il l'avait fait. De son point de vue, Wren aurait probablement mérité une bonne gifle mais elle n'avait certainement pas osé être si discourtoise avec lui, elle devait être clairement agréable pour s'empêcher cela. En tout cas, quelques temps plus tard, ils avaient l'air de s'entendre comme larrons en foire, Wren étant même capable de faire preuve d'humour, ce qui n'arrivait pas tous les jours, surtout quand il avait peu dormi pendant les quarante huit dernières heures. "La porte d'entrée du bâtiment grince tellement que question cambriolage, faudrait oser dans le coin." En effet, Doherty connaissait l'immeuble comme sa poche après tout ce temps et une personne qui avait un minimum d'oreille aurait évité des vols assurément. Wren, lui, n'habitait plus ici mais il y passait presque tous les jours, histoire de garder le contact avec sa mère et peut être l'empêcher de se laisser mourir, ce qui n'était pas une mission facile. "Non, mais, chacun sa cuisine hein, je juge pas." Ce ne serait certainement pas Wren qui oserait faire beaucoup de commentaires puisqu'il n'avait pas le temps de jouer à Top Chef entre le travail et les sorties. Enfin, à la rigueur, il pouvait toujours envisager une reconversion dans la comédie si jamais il manquait de talent dans la cuisine. "Ouais, ça se pourrait... Faut pas toujours croire les mythes urbains et ce qu'on voit à la télé!" Il jouait l'idiot parce que Wren avait un travail où s'entretenir un minimum était obligatoire si on voulait survivre et sauver les personnes les plus vulnérables. Et puis, il savait qu'il n'était pas trop désagréable à regarder, de ce fait. C'était le mystère qui l'entourait qui lui apportait un certain succès, il avait fini par en jouer pas mal avec le temps. C'était sa roue de secours, cette particularité qu'il avait à garder le silence comme un vecteur de réussite et Wren n'était probablement pas prêt à s'en détacher de sitôt tout comme Maze n'était certainement pas encline à relâcher ses talents culinaires pour rester une assassine de renom. Forcément, Doherty lui avait lancé l'idée de s'occuper des gens qu'elle détestait, avec une méthode des plus discrètes et le ton de l'humour avait profité à la jeune femme pour se lancer dans la brèche de cette conversation. "Et si y a des cadavres à cacher hein... Faudra venir me voir, p'tet que j'peux être aussi utile dans ce genre de rôles, j'ai jamais essayé mais bon..." Le pire, c'était que les gens qui ne le connaissaient pas ne pouvait même pas savoir s'il plaisantait réellement vu la tête qu'il faisait mais quelque chose faisait dire à Wren que Maze ne tomberait pas dans le panneau comme les autres. Même si leur conversation n'avait pas démarré sur les chapeaux de roue, le tout s'était très nettement arrangé vu que le pompier relançait des présentations teintées d'originalité autour d'un café post-réparation de porte d'entrée, une journée incroyablement normale, en somme. "Je crois qu'on peut pas faire mieux comme portrait, t'as envisagé de le mettre sur tes profils de réseaux sociaux? Avec ça, c'est le succès assuré... Heureusement que le sang suédois ne fait pas tellement dans le pudisme hein, sinon j'aurais pu être gêné." C'était un fait avéré, Wren n'avait jamais eu beaucoup de problème avec cela: un corps restait un corps, rien de plus à ses yeux, même s'il savait en apprécier la beauté comme tout le monde. "Seulement quand y a des incendies, promis, j'en fais pas une passion autrement! J'ai sûrement d'autres vices mais celui-là, c'est vraiment juste pour sauver des vies." Il en avait même des centaines, les trois quarts d'entre eux incluant le feu dans leurs rangs, pour sûr. "Et moi, j'peux supposer que t'es une as du contrôle? Non, parce qu'en général, les gens qui se lancent dans plein de trucs à la fois chez eux sont des bourreaux du travail." Allez savoir si Wren avait une bonne lecture des gens, mais ses yeux verts repéraient généralement beaucoup de détails et Maze semblait être une victime de choix pour ce regard si singulier qu'il avait.
Maintenant que Wren le lui faisait remarquer, il était vrai que la porte d'entrée du bâtiment grinçait horriblement. Comment avait-elle fait pour ne pas le remarquer plus tôt ? Etait-elle vraiment perdue dans ses pensées et ses problèmes au point de ne rien remarquer à chaque fois qu'elle passait l'entrée du bâtiment ? Possible. Elle n'était de loin pas du genre tête en l'air, à oublier tout et n'importe quoi (hormis si vous lui demandiez ce qu'elle avait mangé la veille au soir, auquel cas elle était systématiquement obligée de réfléchir 30 bonnes secondes avant de s'en rappeler). Au contraire, Maze tenait en permanence dans sa tête une checklist très précise de tout ce qu'elle devait faire...ce qui expliquait finalement qu'elle ne soit pas très concentrée sur ce qui l'entourait et sur des détails comme une porte qui grince, aussi dérangeant le bruit soit-il. Finalement, le fait qu'elle ait réussi à entendre Wren défoncer sa porte d'entrée tenait presque du miracle. Elle était quelque peu rassurée que le jeune homme doute qu'un cambriolage puisse avoir lieu dans le quartier. Ou tout du moins que personne ne l'entende si jamais cela venait à se produire. Peut-être investirait-elle tout de même dans une porte un peu plus solide, quitte à périr dans les flammes si la situation d'aujourd'hui devait arriver à nouveau....mais a priori, elle avait bien retenu la leçon. Elle déplaça son regard de la porte vers Wren. Des mythes urbains qu'il ne fallait pas croire ? Sur les pompiers ? Sur lui ? Elle le détailla rapidement de la tête au pieds et lui lança un nouveau sourire en coin. Elle n'en démordrait pas, le spectacle que lui et ses collègues devaient offrir sans T-shirt valait très certainement le détour. "Oh merci pour la proposition pour les cadavres. Génial, c'est vrai que j'avais pas encore pensé à ça....je les aurais difficilement tous caché dans ma baignoire. On devrait peut-être penser à se reconvertir en fait, non ? J'ai le sentiment qu'on serait très bons à ce jeu là." Elle imaginait déjà la scène. D'ailleurs, cela aurait certainement été un scénario pour une nouvelle série à succès. La Chargée de projet événementiel et le pompier reconvertis en meurtriers....un carton assuré ! La légèreté de cette conversation lui plaisait décidément de plus en plus. "Sur les réseaux sociaux, non c'est vrai que j'ai pas pensé à le mettre encore. Va falloir que j'étudie sérieusement la question. Je l'ai juste mis sur mon CV pour le moment." Elle rigola en pensant que cela aurait été une accroche d'enfer pour son CV. "Je m'excuse, mais tu n'as absolument pas l'air pudique de prime abord, donc j'ai tenté cette remarque. Et même si tu l'avais été à vrai dire, ça m'aurait beaucoup plu de te mettre en boîte grâce à ça ! Et....du sang suédois ? C'est vrai que maintenant que tu le dis..." Elle l'observa un instant. Il avait très clairement des caractéristiques plutôt typiques des suédois, à commencer par sa taille et son regard. "Y a pire comme gènes, c'est plutôt sympa ! Quant à moi je suis anglaise. Une anglaise à qui il arrive de ne plus avoir de filtres dans ce qu'elle dit, comme tu viens de le constater. D'ailleurs, maintenant que tu le sais, j'en profite pour ajouter que c'est plutôt séduisant quelqu'un capable de défoncer des portes à vrai dire. Enfin surtout quand ça n'est pas ta porte qui est défoncée." S'il y avait bien une chose qu'on ne pouvait pas reprocher à Maze, c'était d'être coincée. Pour une anglaise, elle était définitivement l'exception qui confirmait la règle. Elle fixa le jeune homme un instant, ouvrant la bouche pour répondre à sa dernière question mais finit par se raviser. Elle ne dit rien et reporta son regard vers un point quelconque en face d'elle. Une as du contrôle ? Elle n'avait jamais vu les choses comme ça, elle n'avait jamais cherché à qualifier ce côté de sa personnalité, mais c'était clairement ce qu'elle était. "Oui. J'ai dû mal à lâcher prise. Je suis beaucoup plus rassurée quand tout est bien carré dans ma vie..." Cela ne signifiait pas que sa vie était ennuyeuse pour autant, loin de là. Elle soupira. "Je suis diabétique de type 1." Elle jeta un coup d'oeil à ses aiguilles et à son insuline qui trainaient toujours nonchalamment sur sa table basse. Elle s'assit finalement en tailleur sur son canapé et reporta son attention sur Wren. Il était rare que les gens sachent ce qu'était un diabète de type 1 ou, quand ils le savaient, ils n'imaginaient souvent pas tout ce que cela impliquait. "Pour faire court, je suis censée veiller plusieurs fois par jour à ce que la quantité de sucre que j'ai dans le sang reste à un taux très précis et qui me laisse peu de marge d'erreur. Tout ça parce que mon pancréas a décidé d'arrêter de faire son boulot. C'est pas une fin en soi...mais ça demande une volonté de fer. Il y a tellement de facteurs extérieurs indépendants de ma volonté qui agissent sur ma glycémie et que j'essaye vainement de contrôler que...ça peut vraiment vite être le bordel, et ça me rend dingue. Exemple de facteur extérieur indépendant de ma volonté ? Un inconnu qui débarque dans ma salle de bain ! Donc j'imagine que j'essaye de me rattraper en contrôlant tout ce qui peut l'être autour de moi." Elle sourit tristement. Elle n'avait jamais dit tout cela à voix haute. Elle expliquait souvent aux gens qu'elle côtoyaient ce que signifiait être diabétique de type 1 mais elle n'avait jamais fait le rapprochement avec son côté "control freak" lui permettant au bout du compte de palier à toutes ces fois où sa glycémie était sans dessus dessous -et cela arrivait bien trop souvent à son goût-. "C'est chiant, c'est contraignant, c'est frustrant, et j'ai jamais demandé à me choper ça....mais c'est comme ça. Bref ! Voilà pour l'ambiance de la journée...A ton tour Wren, raconte moi donc tes plus sombres secrets." Elle avait dit cela sur le ton de la boutade, mais elle était très sincèrement intéressée d'en apprendre plus sur lui.