L’ambiance est électrique, mais pas dans le bon sens du terme. Rien de comparable à ce qui se produit aux environs d’Andreï. Cette électricité, ce tonnerre, est froid et terrible. Sans appel. Ambroise ne laisse pas le temps à son meilleur ami de répondre ; il n’y a plus rien à dire, de toute façon. Ils n’ont plus rien à se dire. Il estime déjà que Clément a joliment gâché sa soirée, en l’énervant passablement. Et être énervé l’énerve encore plus, alors que le regard qu’il porte sur le russe, l’invitant à le suivre d’une question silencieuse, se trouble. Frustré, il a l’impression d’être privé d’une suite plus plaisante, balayée par ces sentiments négatifs. Il tourne le dos à son ami, clôturant effectivement le sujet. Quelques pas, et il s’arrête au niveau d’Andreï, lui seul à le droit à un regard, il n’en offrira plus ce soir au le comédien dont l’impulsivité est parvenue à ruiner la soirée. Il garde un goût amer dans la bouche ; il s’en fiche bien d’habitude, il s’en fiche toujours, mais à chaque dispute une pointe vicieuse entaille un peu son cœur. Heureusement qu’ils n’en arrivent que rarement là. Et il repense à la promesse, les yeux posés sur Andreï. Elle lui glisse entre les doigts, cette foutue promesse, et ça l’affecte encore plus que le silence pesant entre son meilleur ami et lui. A ce moment précis, l’idée de perdre ce qu’ils ont construit au fil de leurs rencontres est pire que celle d’être en froid avec Clément. C’est pour cela que son regard perd en fermeté, contre son gré, son inconnu hésitant. Il le veut tellement cet homme, c’en est parfois douloureux, et son abruti de meilleur ami l’en prive sans comprendre. Les autres il s’en fichait au fond. Que Clément ait été jaloux quelques fois, tant pis, Bonnie s’y était plié assez aisément. Il en trouvait d’autres lors de sorties sans son ami, ce qui arrivait presque à chaque fois depuis qu’il s’était plongé dans son travail. Mais pas Andreï. S’il y en a un qu’il ne veut pas laisser passer, c’est lui, peu importe les jérémiades du néo-zélandais. Peu importe. Alors il lui en veut, croyant déjà devoir faire une croix sur ses désirs profonds, tâchés à présent par l’amertume. Le silence est lourd et s’éternise trop à son goût. Sa respiration, qu’il ne s’était rendu compte qu’il retenait, revient à l’imperceptible hochement de tête.
Egal à lui-même, silencieux, le russe se détourne, le suit, enfin. Le long soupire que pousse Ambroise se fait sous couvert du bruit de leurs pas qui résonnent dans la rue. Le regard baissé sur le trottoir, encore pour un instant, il ne sait pas où ils vont. Loin de Clément, ça lui suffira. La pression sur ses épaules change de forme et de couleur. Non plus l’énervement, plutôt un genre d’angoisse. Esquissant un énième coup d’œil envers le brun, n’osant pas davantage, Bonnie remarque sa cigarette. Il se passe une main sur la nuque, se hasarde à capter le regard d’Andreï, attire son attention d’un mot soufflé à peine discernable. « Hey, t’en aurais... » Il ne finit même pas sa phrase, préférant bizarrement le silence presque gênant entre eux – de son point de vue en tout cas, car il n’arrive pas à se détendre – à sa voix sans force. De toute façon le russe comprend, et sort de nouveau son paquet pour lui offrir une cigarette qui devrait lui venir en aide. Se saisissant ensuite de son briquet, Ambroise allume l’objet précédemment amené à ses lèvres d’un geste expérimenté. La première bouffée est providentielle. Ses paupières se ferment d’elles-mêmes, un instant de plénitude. Il les rouvre lentement, sans pour autant craindre la réalité qu’il retrouve. Ils marchent encore, sans échanger, sans se presser non plus, un rythme naturel. La gêne que ressentait Ambroise s’amenuise d’elle-même, il en oubli doucement Clément, sa colère, comme bercé par la seule aura du russe évoluant à ses côtés. Son calme placide. Un peu trop proches pour être de simples amis, un peu trop loin pour être un couple. Ce silence sans jugement, sans attente, est bénéfique. Tout comme Andreï a bien fait de ne rien dire lors de la dispute des amis, il fait bien de ne rien dire encore, laissant Bonnie se calmer de lui-même. L’apprivoisant un peu plus, car respectant son besoin de mutisme. Le plus jeune met en ordre ses pensées, éloigne celles qui l’insupportent, se concentre sur les meilleures choses. Sur l’homme à côté de lui et le petit miracle qui fait que même après s’être énervé, il est apaisé par sa présence. Et toujours aimanté.
Petit à petit, s’envolant avec la fumée, les appréhensions. Assez pour qu’il retrouve l’usage et l’utilité de la parole. « Désolé que tu ai eu à assister à ça... » Pas plus fort que nécessaire. Il n’est plus question de patience ou d’impatience entre eux, Ambroise prend son temps. Le hasard, heureux au commencement, s’est assombri fortement, mais comme en entrant dans ce bar, il doit apprendre à composer. Il a perdu la notion du temps à être dans ses pensées, seulement retenu sur terre par le russe à ses côtés, mais il revient. Enfin. Il esquisse un infime sourire, ravi d’être de retour et de voir les nuages de son propre esprit se dissiper, en reposant ses yeux dans ceux d’Andreï. « Ma promesse tient toujours... », murmure-t-il en retrouvant un sérieux taquin, détournant ses iris pour plus de détachement, alors que son cœur bat plus vite à ces simples mots prononcés. Imperceptiblement, contre leur conscience, ils se rapprochent légèrement, libérés de contraintes. A nouveau tous les deux, réellement seuls, non plus uniquement dans leur bulle. Ils ne sont plus cantonnés à la parole uniquement, les gestes peuvent se joindre à leur ballet incessant. C’est une atmosphère encore différente qui les enveloppe, alors que Bonnie tire nonchalamment sur une presque fin de cigarette. Le regard toujours au loin. Il espère plus que tout que les ardeurs du russe n’ont pas été trop affectées par l’attitude jalouse de Clément. Mais il n’a plus guère de doutes ; s’il est parvenu à passer outre, il en sera de même pour son compagnon de la nuit. Même s’il faut renouer avec leur flamme habituelle un moment réduite au silence, sans le recours de l’ambiance de soirées de boîte de nuit ou de bar bien plus propice. Et Ambroise retrouve sûrement son audace. « Je ne dirais pas non à dernier verre.. surtout si tu me l’offres... » Il n’a aucune envie d’un autre bar. Le sous-entendu lacé dans cette phrase pourrait être subtil, mais clairement pas assez pour Andreï. Notamment après le rappel des derniers mots de la précédente soirée, ceux dévoilant le prochain dénouement. Un dernier regard brillant d’émeraude, un dernier sourire de ses lèvres où s’accroche sa cigarette.
Emi Burton
Dernière édition par Ambroise MacLeod le Ven 15 Juin 2018 - 0:26, édité 2 fois
La musique irlandaise du pub qui ne nous parvient qu’en un lointain bruit de fond, c’est la rue qui se fait à présent bien silencieuse. Silencieuse mais non pas apaisée pour autant, lourde d’une tension toujours palpable. Là où l’atmosphère dégagée avec fracas de son couvercle fait penser à l’explosion d’une cocotte minute en pleine ébullition et où le silence paraît tout aussi violent qu’un éclat de voix. Contraste percutant avec la colère précédemment exprimée par les deux amis remontés l’un contre l’autre. Et, le ton qui monte, c’est une déchirure certaine alors que Bonnie interrompt le face à face. Tournant le dos à celui qui l’avait plus tôt appelé dans la soirée dans une colère que je ne lui connaissais pas. Une déchirure auquel je ne peux assister qu’en spectateur silencieux, discret mais néanmoins bien présent. Non pas les bras ballants mais ma place occupée pas confortable pour autant. Simplement effacé au milieu d’un calme qui n’a pas été retrouvé après la tempête. Et ce sont des yeux dont le grondement vient à s’étioler qui viennent rencontrer les miens. Nourris par une question silencieuse dont ma réponse déterminera le déroulement restant de la nuit. Et si l’idée de m’adresser à Clément m’a l’espace d’une seconde traversé l’esprit, ma raison à tôt fait de m’en détourner. Après tout, je ne suis pas l’arbitre d’un entre-deux à devoir départager deux opposants. Comprenant qu’en cet instant précis, savoir garder le silence est un atout précieux, ce sont mes pupilles qui viennent retrouver celles laissées dans l’attente, à présent décidé : parfois, le choix le plus simple est encore celui d’écouter son envie sans plus se poser de questions. Un regard. Un acquiescement. Je suivrai donc Bonnie.
La fumée de ma cigarette qui vient embrumer ma vue alors que mon esprit vient se perdre sur le rythme de nos pas. Simplement conscient de la présence d’Ambroise à mes côtés. Ils sont rares ces moments où je me retrouve à ne penser à rien, esquissant mécaniquement des gestes que l’habitude a fermement ancré en moi. Inspirer. Sentir la fumée se déverser de la gorge aux poumons. Expirer. Un pied devant l’autre alors que mes pas nous font emprunter des rues familières de ma mémoire visuelle. Nous éloignant peu à peu du pub, de Bayside et son agitation. Et c’est une requête fébrile à demi prononcée qui vient reconnecter ma conscience à mon esprit. Tournant pour la première fois la tête en direction de Bonnie depuis le début de notre trajet. Sans un mot, sans plus de gestes inutiles l’inclinant à poursuivre ce que j’ai déjà compris. C’est ma main qui plonge dans la poche de mon jean pour en sortir mon paquet de cigarettes. Ballet silencieux de cette transaction muette. Le paquet dépossédé d’une nouvelle clope regagnant ma poche. Aller et retour de mon briquet de cette même poche à sa main, de sa main à ses lèvres, puis retrouvant sa place initiale. Toujours marchant d’un rythme moins soutenu cette fois, le silence pesant qui sévissait parmi notre trio précédant à présent remplacé par un silence bien plus serein que je me trouve à apprécier. Les yeux portés au lointain, il n’y a pourtant pas besoin d’un regard vers Bonnie pour le sentir se détendre à mes côtés. Ne ressentant aucun besoin d’esquisser un mot, le calme environnant venant réveiller des pensées endormies. Car je sais que j’ai moi aussi connu ce type de disputes, souvenirs forts de moments passés à Saratov. Et si les vraies engueulades étaient plutôt rares entre mon frère et moi, il ne se passait pas deux semaines sans que je me retrouve à devoir passer l’éponge au-dessus d’un nouveau conflit avec Dmitri. Plus beaucoup de nouvelles de cet ami d’enfance d’ailleurs. Au final, on aura bien vite perdu contact à mon départ pour Moscou. Quelques renseignements par le biais de Vassili, une nouvelle pensée à mon emménagement sur Brisbane. Et puis plus rien. C’est con. Même s’il faut dire que j’ai pas mal provoqué cet éloignement. Il n’a pas bien dû le comprendre d’ailleurs, pourquoi je me suis tant évertué à ne pas chercher à le revoir durant mes années sur Moscou. Pourquoi je n’ai repris contact qu’à mon débarquement sur Londres alors que nous ne pouvions plus nous voir. Du moins, il n’a pas dû comprendre sur le coup. Je suppose que les explications lui sont venues d’elles-même bien plus tard. Peut-être en repensant à nos sujets de disputes récurrentes : moi, toujours sur la défensive au sujet de ses conquêtes féminines. Me renfermant quand elles venaient à prendre part au groupe que nous constituons lui, mon frère et moi. Mélange de jalousie sourde et d’un devoir de protection exacerbé. Stupide quand j’y repense mais bel et bien présent. Et les explications lui sont peut-être venues d’elles-mêmes en associant ces preuves d’amitié peu communes à la raison pour laquelle la rupture entre mes géniteurs et moi fut sans appel : pas d’homosexuel sous leur toit. Car il était loin d’être stupide Dmitri. Et je ne pouvais pas me permettre de conserver un attachement qui m’aurait été trop destructeur auprès de celui qui ne sera finalement resté que bonnement mon ami. Sans regrets aucun, ayant simplement compris à partir de ce moment là qu’il était inutile d’attacher des sentiments de possession à ce qui ne peut être possédé. Mon esprit à présent mu d’une constatation agréable : c’est l’entêtement de Bonnie à ne pas vouloir être possédé qui me le fait à présent marcher à mes côtés.
Nouveau vide dans mon esprit alors que je ne saurais dire depuis combien de temps nous nous sommes mis en marche. Une certitude se profilant cependant avec plus de netteté : si je peux mettre un nom sur la rue que nous parcourons, c’est que le quartier commence à me devenir bien plus familier. Et de cette progression dans la ville, c’est la voix de Bonnie qui me parvient, tranquille. Une excuse formulée comme gage que le dialogue peut bel et bien être repris petit à petit. Un fin sourire se dessinant sur mes lèvres alors qu’elles en viennent à expirer la fumée de la cigarette portée à ma bouche. C’est une réponse d’une même simplicité qui vient se formuler “A quoi ? ” Ne demandant pas réplique, simulant une volontaire incompréhension. Gage qu’au final, les évènements de la soirée n’ont pas plus entaché l’image que j’avais de Clément que de lui. Heureux de retrouver sur son visage son sourire si caractéristique, il n’y a pas besoin de ressasser plus longtemps ce que notre déambulation dans les rues de Brisbane a réussi à finir par estomper. Reportant ma cigarette à ma bouche, le regard non plus rivé dans le vide mais bien recherchant celui de Bonnie. Un vert qui a retrouvé son éclat teinté d’espièglerie. Et un aveux. Nouvelle évocation d’une promesse retenue de notre dernière rencontre. Ce sont mes yeux que je ne peux empêcher de dériver vers ses lèvres alors que son regard se détache ostensiblement du mien et que ses mots résonnent encore en écho à mes oreilles. Notre pas qui se ralentit encore un peu, rythme adéquat pour y contempler la ville, rapprochement minime, et de pouvoir le contempler moi. Nos bras venant se frôler de façon irrégulière, presque l’air de rien. Fourmillement intérieur à sa facétie retrouvée, c’est sans peine que je me fais interprète de ses paroles. Captant son sourire au passage, c’est un bref arrêt que je marque passant à proximité d’un cendrier de rue pour y écraser mon mégot. Bref silence avant qu’un sourire en coin ne vienne étirer mes lèvres. “J’espère que tu n’es pas contre la vodka… Mais je ne le prendrais pas mal si tu portes ton dévolu sur un autre choix” Vodka russe que Vassili a embarqué dans ses valises avant de débarquer lui aussi sur Brisbane il y a à peine deux semaines. Intense moment de retrouvailles alors qu’il a déjà dû s’absenter ce week-end pour un devoir sur le paysage urbain aux alentours de la ville, toujours aussi épanoui dans ses études d’architecture. Il ne m’en voudra pas d’accueillir un invité à l’appartement. Un pas, me rapprochant sensiblement du brun. Une nouvelle douceur venant se fondre à ma voix alors qu’un fin sourire en coin vient parer mes lèvres. “Mon choix quand à moi est déjà fait.” Signe que de mon côté non plus, la promesse n’est pas oubliée.
Mon regard qui s’arrête sur Bonnie comme un court temps de réflexion, puis ce sont mes yeux qui se promènent aux alentours pour y détailler l’avenue. Je reconnais là les débuts du quartier de Redcliffe qui s’y profile, quoique encore trop loin pour rejoindre à pied mon appartement. Une pensée furtive de la voiture de location laissée près du logement de Nathan empruntée ce matin par Clément et moi : on va devoir se débrouiller autrement. Une chance que l’avenue reste encore pas mal empruntée malgré l’heure tardive. Captant le regard interrogateur de Bonnie, je n’ai que le temps d’ouvrir la bouche avant d’apercevoir à l’arrêt au feu le plus proche ce que je m’évertuais de trouver : un taxi. Et c’est un sourire de ma part qui suffit à le faire se retourner, percevant à son tour la raison de mon illumination de cette habituelle compréhension silencieuse. C’est sans mots échangés qu’il m’emboîte le pas dans un rythme commun. Ma main qui toque à la fenêtre de la voiture, j’y annonce la destination. Un signe de tête du chauffeur nous inclinant à entrer. Et si j’aurai simplement pu laisser Bonnie s’engouffrer à l’autre bout du taxi, nos deux corps séparés par le gouffre invisible du siège central inoccupé, un dernier besoin me pousse à déposer ma main sur son épaule. Tranquille. Accompagnant son mouvement alors que je sens les muscles de son dos s’actionner à l’ouverture de la portière. Ma main glissant le long de son bras alors qu’il se glisse à l’intérieur. Reliés par ce court contact par un fil invisible. Une nouvelle hâte : celle d’arriver à destination et rompre la dernière barrière que construit le cadre du taxi bien malgré nous. Le paysage qui défile à l’extérieur du véhicule, c’est bien vite que nous sommes déposés à la porte de mon immeuble. Trajet rapide, n’ayant que peu porté d’importance au chemin emprunté, aux phares des autres véhicules, ou encore Grey street et ses théâtres toujours éclairés. Tous mes efforts concentrés que pour réfréner des envies. Celle de passer ma main dans ses cheveux ou de rapprocher mon visage du sien alors que ce sont nos genoux qui se touchent. Ne voulant plus bouger de peur de briser ce lien infime. Quoique venant le surprendre par le seul geste que ma main osait esquisser aux dernières minutes du trajet : celui de se poser sur sa cuisse de sa pesanteur enveloppante. Sans empressement aucun, savourant simplement cette humble redécouverte du contact de mon brun, ma tête tournée en direction de la vitre. Renouant à petit feu avec notre habituel dialogue muet. Ravivant un désir depuis longtemps contenu.
La course réglée, c’est le bruit du moteur qui s’éloigne nous laissant seuls. Une agréable familiarité traversant l’atmosphère alors que mon regard se pose tout à fait sur Bonnie. Un léger frisson me parcourant la nuque : l’air s’est sensiblement refroidi. Pourtant, la fraîcheur reste bienvenue. Se prolongeant dans le hall d’entrée de l’immeuble jusque dans la cage d’escaliers. Moi, émettant une indication dans un sourire, tournant la tête vers Bonnie à ma suite comme venant justifier ce choix : “Deuxième étage”. Le pas tranquille, à présent sûr qu’aucun autre élément perturbateur ne viendra s’immiscer entre cette promesse et nous. Chacun des moments nous rapprochant un peu plus de mon appartement nous appartenant. Et c’est échauffé par cette pensée que nous arrivons sur mon palier, la température de mon corps augmentant sensiblement en contraste avec la fraîcheur précédemment ressentie. Des détails pratiques me revenant cependant en tête alors que ma clef est tournée dans la serrure : si mon appartement n’est jamais dans le désordre le plus complet, il n’en reste néanmoins pas moins chargé. L’emménagement récent de Vassili n’améliorant pas les choses. Mon bureau déménagé dans le salon, l’espace transformé en chambre pour mon frère, ce sont à présent mes piles de livres trop nombreux pour tenir dans ma bibliothèque qui côtoient mes maquettes de décor. Ajoutées aux nouvelles de Vassili sur ses projets architecturaux, heureusement que l’aménagement de l’espace le rend toujours agréable bien que moins spacieux. Véritable projection mentale de recherches intellectuelles quotidiennes, c’est pourtant avec naturel que j’envisage d’y inviter Bonnie. La porte qui s’ouvre, m’écartant pour le laisser passer. Un fin sourire y accompagnant une dernière phrase. “Je te demanderai juste de ne pas toucher aux maquettes. Quoique ça ne me dérange pas pour les miennes, j’ai déjà failli renverser celle de mon frère qui n’a que moyennement apprécié.” Me dévoilant un peu plus, sans plus de manières à mon brun.
Partir avec Andreï était la meilleure et la seule chose à faire. Après ce qui a été dit, Bonnie n’avait plus la patience pour en entendre davantage. Et surtout, il avait craint de perdre ce lien particulier qui le reliait au russe, ce même désir qui n’appartenait qu’à eux, rudement mis à l’épreuve en se frottant au monde réel, aux sentiments de Clément. En dehors d’une boîte de nuit ou d’un bar, de leur cocon, les règles sont différentes, et il faut plus de volonté. Le jeune australien l’expérimente dès maintenant, alors qu’il est encore très troublé par la dispute, et la conscience soudaine que ce qui le dérange le plus, c’est de voir s’éclipser sa chance avec Andreï. Il sait qu’ils se remettront de cette dispute comme des autres, avec le temps qu’il faudra, mais leur amitié est bien plus résistante. C’en est différent de ce qu’il partage avec le scénographe. Cherchant à retrouver son calme, encore nerveux, il lui demande à demi-mot une cigarette, avec une certaine vulnérabilité qu’il dissimule. Aucun mot de plus n’est échangé, Andreï le comprend et lui offre une clope ainsi que le briquet le temps de l’allumer. Tout ceci se fait très naturellement, en même temps que leurs pas se font moins empressés. Toujours cette compréhension mutuelle entre eux, cette chose inexplicable. Pourtant chacun perdu dans ses propres pensées, ils restent ensemble physiquement, s’effleurant parfois, restant à portée de main.
Ambroise lui en est vraiment reconnaissant de rester muet, se jetant dans ses pensées ainsi à corps perdu, œuvrant pour laisser partir les mauvaises et ne gardant que les bonnes. L’air frais, les pas, l’un après l’autre, le tabac qui part en fumée dans la nuit, ses poumons qui se gonflent régulièrement. L’atmosphère auparavant tendue, gênée, même entre eux, a laissé place à quelque chose de bien plus calme. L’effet sur Bonnie est notable, ses épaules se dénouent, ses pensées aussi. Il retrouve une certaine sérénité, qui, il n’a que peu conscience, provient surtout de la présence posée d’Andreï. Dans les rues moins agitées, leur bulle s’est recréée sans qu’ils n’y puissent rien. S’il s’écoutait réellement, il irait s’appuyer contre son bel inconnu, tête posée sur son épaule, s’entourant de sa quiétude. Mais au contraire, petit à petit, il retrouve de son éclat espiègle, et renoue davantage avec son désir premier, retrouvant cette route qui mène à leur jeu, à ses envies, sans plus l’ombre d’un Clément jaloux. Plus détendu à présent, il contrôle mieux son humeur, et un claquement de doigt suffit presque à changer son regard. D'abord une excuse, encore, un peu trop à son goût mais un bon début pour reprendre le dialogue. Ouvrant la voie de son côté, attendant un pas d’Andreï. Celui-ci retrouve son fin sourire, un mot simple, et Bonnie comprend que l'incident est oublié. Son visage se pare de son propre sourire, ravi de voir ses soupçons infondés disparaître. La perspective d'une fin de soirée plus enrichissante colore ses yeux, réveille son audace. Inutile de ressasser plus longtemps ce qui appartient désormais au passé.
La promesse est à portée de main. Ambroise y fait nettement référence, toujours décidé, lui faisant comprendre que rien n'a changé. Et la réitérant, en un sens. Signifiant qu'il n'est plus question de se battre comme un acharné. Quand bien même il est clair que Bonnie reste cet insaisissable qui accepte de s'offrir bien plus qu'il n'y est forcé. Comme il l'a prouvé auprès de son meilleur ami, on ne le possède pas, ce n'est pas un chien qui n’a qu’un maître. Il décide de lui-même, pour lui-même. Andreï a respecté cela, et tant d’autres choses, sans même connaître alors son prénom, il a su y faire sur bien des points. Bonnie ne l’aurait jamais laissé passé. Leurs regards se retrouvent et il est encore plus certain de son choix. Peu importe les conséquences. Ses yeux se détournent, comme si de rien n’était, tirant sur sa cigarette avec nonchalance. La fumée libérée s'envole vite, il l'observe un instant. Les deux corps rapprochés, se frôlant davantage, inconscience bienvenue, trahison de leurs pensées profondes. Il fait mine de rien, mais meurt d'envie de le toucher à nouveau, enivré par sa seule proximité, comme à chaque fois. Ses pas se calquent sur les siens qui ralentissent pour rester aussi proche que possible. Le moindre contact le réchauffe, l’électrise agréablement. Pour ne pas craquer, il se concentre sur la fin de sa clope, pourtant hyper conscient d’Andreï à ses côtés. Il minimise ses regards, sentant celui de l'homme plus souvent sur lui.
Puis une parole, un dernier verre. Formule universelle pour inviter quelqu'un a terminer la soirée chez soi. Seul un naïf n'y verrait pas une conclusion charnelle espérée. Premier à finir sa cigarette, Andreï marque un temps pour s'en débarrasser puis propose de la vodka en signe d'assentiment à le ramener chez lui. Sourire mutin, air de défi. « Le contraire m'aurait étonné », rétorque Bonnie, référence aux origines de celui qu'il apprécie encore appeler son inconnu. « De la vraie importée de Russie j’espère… » N'ayant goûté que de la vodka du commerce, il se demande si une venant directement du nord sera différente. Il n'a pas peur de l'alcool, loin de là. Malgré sa carrure qui peut laisser penser le contraire, il tient assez bien l'alcool (contrairement à sa jumelle d'ailleurs). Sang écossais. Le whisky glisse tout seul. La vodka pure est d'un tout autre niveau mais les défis ne lui font pas peur. Andreï acquiesce. « Alors j’y ferais honneur », répond-il avec une inclination de la tête respectueuse, contrasté par un sourire effronté, visage ensuite relevé vers l'homme suite à un pas de plus de sa part. Il abaisse sa main, ne tenant à présent qu'un mégot ; dernière bouffée qui s'envole en fumée, créant un instant un écran entre leurs regards de nouveau attachés.
Une douceur rare s’immisce dans la voix grave du scénographe, qui avoue à son tour, sous-entendu de plus, que son choix n'a pas varié. Son choix. C'est Bonnie. La chaleur montant du creux de son ventre. Nouveau sourire alors, moins malicieux cette fois-ci, un sourire inconscient, sans arrière pensée. Le moment passe et le russe s’inquiète ensuite de leur entourage et moyen de transport, comme l’australien le comprend en suivant son regard qui se pose finalement sur un taxi. Il n’y a alors plus besoin d’explications. Un rapide coup d’œil lui apprend qu'ils sont arrivés dans le quartier de Redcliffe. Il n'a aucune espèce d’idée d’où se trouve l’appartement de son brun, mais il a l'air de se reconnaître alors il le laisse prendre les devants. Sans un mot il lui emboîte le pas jusqu'au taxi, où Andreï indique la destination au chauffeur, que Bonnie capte et intègre par habitude. A l'instant il comprend alors qu'il s'en rappellera, sa mémoire ne le laissera jamais oublier ces détails le concernant. Alors que tant d'autres de ses conquêtes ont disparues dans les limbes de son esprit, n'y laissant plus qu’un visage et un avis. Main sur la porte, celle du russe le surprend quelque peu en se posant sur son épaule, puis glisse sur son bras pour l’empêcher de s’évader à l’autre bout de la banquette arrière.
Compréhension silencieuse, sans mot ou regard, il s'installe. L’éloignement entre eux n'aurait été permis par le plus jeune de toute façon ; la nécessité de le toucher devenue vitale après un premier vrai contact. Échauffé par ce dernier, désir prenant enfin vie. Ce lien encore maintenu par leurs genoux qui se touchent. Cette envie d’en finir avec le trajet au plus vite pour aller plus loin. La tension entre eux est palpable, quand bien même ils ne se regardent pas. L'anticipation tiraille le ventre d’Ambroise brusquement, due à une main se posant sur sa cuisse. Déterminée, présente, non imposante. Ses yeux d'émeraude, illuminés par le rythme des lampadaires, attirés magnétiquement. Les secondes sont furtives, et alors qu'il tourne de nouveau la tête, comme depuis le début du trajet, sa paume vient trouver la main du russe avec la délicatesse d'un oiseau. La route défile sans que rien ne gagne l'attention d'Ambroise décidé à ne rien tenter de plus pour le moment, savourant l'atmosphère qu'eux seuls ressentent ; compréhension, sécurité, naturel. Il ne s'est jamais senti aussi serein dans une pareille situation, comme si tout cela coulait de source. Sans précipitation. Nul besoin de vitesse. De la même façon tranquille ils sortent du taxi, qui part une fois sa note réglée.
Bonnie tourné vers l’immeuble, l’observant avant d'orienter son regard vers Andreï lorsque celui-ci le rejoint. Il se sent dans un environnement familier, comme si la seule présence de l'homme parvenait à le faire se sentir au bon endroit. Sûrement. Peut-être. L’idée le trouble un bref instant, puis leur dialogue silencieux se réinstalle et le reste se trouve annihilé par le noir de ses iris. Il remarque à peine le suivre dans le hall, puis dans l'escalier. Juste le deuxième étage à atteindre, ce qui ne justifie pas la prise de l’ascenseur. Quelques marches plus bas, détaillant comme à son habitude tout nouvel environnement, les yeux du jeune étudiant ne loupent pas le fessier du russe montant devant lui. Pas la première fois. Il se mord la joue en atteignant le palier, pour calmer son corps, car ils ont tout le temps de monde cette nuit pour se découvrir au gré de leurs envies. Uniquement les deux, rien d’autre, leur promesse et leur désir. Ambroise grimpe les dernières marches jusqu’au deuxième palier en se retenant de trottiner. Se positionnant derrière Andreï en attendant qu'il actionne les clés, posant mille hypothèses sur ce qui constitue son chez lui, presque impatient de le découvrir. Totalement impatient. Bonnie lui offre un dernier regard, écoutant sa mise en garde avec très grande attention… Avant de pénétrer dans l’appartement à proprement parler et d'en rester coi.
Autant de livres dans le salon, au sol, sur des étagères, partout. Les maquettes entre tout ça. Son regard vert scanne tout ce qu'il peut, son souffle s'est bloqué. Sa propre passion se retrouve en écho, l’état de sa chambre mimée. Le taciturne Andreï se dévoile à ses yeux à travers son lieu de vie, avec une facilité étonnante, lui qui n'a même pas voulu répondre à Clément par pudeur. Ambroise entend le russe à côté de lui, mais refuse – et ne peut – lever les yeux vers lui sous peine de lui sauter dessus. Mais il a autant envie d'aller découvrir les piles de livres qui l’appellent aussi sûrement que les étoiles du ciel nocturne. Cependant au bout d'un moment de paralysie, il croise tout de même ses yeux sombres, et dans les siens on peut lire sans peine l'admiration pour sa collection, et les maquettes qui trahissent son talent. Il le savait intelligent, car ce qui est caché par son silence est entrevu par un usage des mots précis. Quiconque est un si grand lecteur gagné son estime. Plus désirable encore lui apparaît-il. Il attend peut-être un signe pour s’approcher, en tout cas il se dépêche de trouver quelque chose à dire. « Tu as un frère ? » Va-t-il nous déranger ? Et d’autres questions laissées en suspens, car sachant que l'homme n'en dévoile sur lui que lorsqu’il le choisi ; à son instar d’ailleurs, ne lui rendant que plus aisé la compréhension du fonctionnement du scénographe. A présent sa curiosité s’éveille, intéressé qu'il est par Andreï comme par tant d'autres sujets. Apprendre est sa chose favorite. Maintenant que la brèche est ouverte, que son inconnu s'est dévoilé sous les traits d'un collègue de son meilleur ami, il veut en savoir plus.
Il attend la réponse, l’écoutant avec attention mais le regard néanmoins porté sur le reste de la pièce, pour finir par s'avancer avec une certaine grâce au milieu des maquettes, glissant un doigt sur quelques livres alors qu'il atteint la bibliothèque. Les titres en russe, il ne peut les lire, s'y bien qu'il s'en trouve frustré et l’idée germe de déverrouiller cet alphabet étranger. Plus tard. Son regard s'attarde sur le plus de choses possible, emmagasinant les détails, notant mentalement certaines remarques. Visage impassible pour qui ne sait pas le décrypter, ses yeux sont pourtant brillants comme jamais, souhaitant mémoriser tant de choses. « C’est incroyable, je crois que tu en as plus que moi… » souffle-t-il presque davantage pour lui-même, cependant dans le silence les mots se font plus forts. Fasciné par autant d'ouvrages, il en oublie entièrement pour quelques minutes son but premier en entrant ici. Peut-être pourrait-il en emprunter… S'ils se revoyaient... Bonnie sort brusquement de ce genre de pensées en se forçant à se concentrer de nouveau sur les livres, parcourant les étagères plus ou moins lentement. Finalement il serait capable de rester la nuit entière devant cette bibliothèque.
L’arrivée d’Andreï, tendant un verre devant lui, le sort de sa contemplation studieuse. Il prend le verre offert, effleurant volontairement ses doigts, bloquant ses yeux dans les siens. « Merci », souffle-t-il en retrouvant son léger sourire, se détournant assez pour trouver dos à la bibliothèque. Il lève son verre, trinquant avec celui d’Andreï, avant d'en prendre une gorgée. Son regard pétillant et taquin suffit à traduire ses pensées. Ça ne fait que commencer. Il s'est cependant surestimé car la puissance de l'alcool le surprend. Et il se met à tousser, poing fermé contre sa bouche, se détournant au passage. « Bordel c'est fort ! Comment tu fais ? » s'exclame-t-il en levant un regard qui se borde de larmes sur un Andreï qui vient de descendre la moitié de son verre sans sourciller. Plus de calculs, il est on ne peut plus lui-même et ne vient même pas de réfléchir à ce qui vient de se produire, sans filtre ou retenue. Il tousse encore une fois, regardant son verre comme s'il s'agissait d'un traite. Ce qui ne l’empêche pas d'en reprendre une gorgée, qui passe mieux. Pas le genre à reculer devant un obstacle. Ses yeux rencontrent de nouveau ceux du russe, mutins. « Ca ne me fait pas peur rassure-toi. »
A cette question quel était mon désir, un regard dans le vert des yeux de Bonnie avait suffit à me le confirmer. Après tout ce temps, sa teneur n’avait pas changé malgré cette rencontre imprévue, le charme de la séduction anonyme rompu par des présentations inattendues mais bien vite retrouvé sous d’autres aspects. Mon inconnu m’apparaissant sous un angle nouveau, d’autres détails venant se superposer aux siens maintes fois contemplés. Au final, peu m’importe les évènements de la soirée après la perspective d’en passer le reste aux côtés de Bonnie suggéré par la question muette dans ses yeux. Là où l’hésitation n’a pas été longue, répondant avec sincérité à une question dont je connaissais déjà la réponse avant même de me la poser, le pas est bien vite emboîté. Simplement marcher et me taire. Appréciant percevoir le spectre de couleurs dont peut se parer un silence enveloppant. Le laissant absorber la colère, les tensions, la gêne et l’appréhension pour ne finalement laisser qu’un agréable sentiment de quiétude. C’est suivant l’initiative de Bonnie de quitter les alentours du pub que se sont mes pas qui prennent l’initiative du chemin à suivre presque inconsciemment. Mes sens venant se concentrer sur des détails à première vue futile que le silence vient pourtant surligner. Une importance toute nouvelle accordée au quotidien de mes gestes aux côtés de Bonnie tout aussi perdu dans ses pensées. Le silence seulement perturbé par une demande fébrile et le bruit d’un briquet que l’on allume. L’atmosphère se chargeant d’une brume nouvelle alors que ce sont nos expirations mutuelles qui viennent nous envelopper de leur fumée.
Si l’échange de briquet et de cigarette n’a pas été lieu de jeu de regards entre nous deux, l’esprit non à la séduction mais répondant à une compréhension mutuelle de quête de calme, c’est petit à petit que nos corps viennent se retrouver par eux mêmes. Rapprochement minime pas après pas alors que mon esprit vient se parer de pensées nouvelles. Le silence environnant non plus témoignage d’un calme pesant après la tempête mais nous enveloppant tout à fait. Propice à des digressions nouvelles : si rares sont les fois où le vide se forme tout à fait dans mes esprit, il est tout aussi rare de m’égarer à propos d’un passé révolu. Surtout lorsqu’il s’agit de la ville et de l’ami de mon enfance, un trait plus ou moins volontairement tiré dessus. Et pourtant, c’est tout à fait naturellement que les souvenirs me reviennent pour ne converger plus que vers une seule pensée : Bonnie. Le premier à prononcer de nouveaux mots, non pas brisant le silence mais l’accompagnant de sa voix. Intonation hésitante qu’un mot de ma part vient balayer. Ce passé également révolu, désireux de ne plus me concentrer sur une chose : la complicité retrouvée de notre marche d’un pas égal à la respiration commune. Retrouvant dans ce quartier familier une habituelle connexion entre nous deux. Retrouvant dans le regard de mon brun son habituelle espièglerie, charme naturel dans l’éclat de ses yeux qui a tôt fait de réveiller un désir sourd.
Une phrase de la part de Bonnie, et c’est un nouveau sourire qui vient étirer la commissure de mes lèvres. Si de mon côté l’incident de la soirée est oublié, de son côté, la promesse émise est toujours fermement maintenue. Une phrase de sa part gommant les doutes quelconques bien que son expression vient suggérer une apparente indifférence. Le sous-entendu bien trop clair pour ne pas être perçu et mon envie de le détailler bien trop vive pour ne pas m’y laisser aller un court instant, le temps que la cigarette ne finisse de se consumer entre mes lèvres et de marquer un temps. Celui de jeter le mégot et de trouver la meilleure formulation à adopter pour une invitation en bonne et due forme. Un clin d’oeil à la boisson nationale de mon pays natale lui inclinant que le sous-entendu est compris, un air amusé à sa réponse : maintenant conscient de mes origines, ma proposition n’a rien d’étonnant. Un ton affirmé à sa question laissée en suspens. “Je mets un point d’honneur là-dessus” Et c’est le même air affirmé que vient afficher Bonnie : il ne manquera pas de venir se frotter à la tradition russe de la façon des plus solennels qui soient. Mais dans ce défi proposé, c’est une nouvelle envie bien plus vive qui vient prendre l’initiative de mes gestes. Animé par cette pensée : celle de le savoir, bientôt, dans mon appartement. Comprenant qu’à cette heure tardive, plus rien ne peut s’immiscer entre Bonnie et moi. Un sensible rapprochement venant confirmer cette pensée, une phrase de ma part me découvrant plus doux. Dernier besoin de lui témoigner mon désir alors que mes yeux plongent dans les siens, instant laissé en suspens, un sourire suspendu à ses lèvres. Ca n’est pas qu’un verre de vodka que nous viendrons partager ce soir.
Si je me serais bien perdu dans sa contemplation quelques secondes de plus, appréciant la douceur enveloppante de cet instant, c’est la pensée de désirs nouvellement réveillés qui me pousse à l’action. Bien que l’optique de continuer notre chemin dans les rues de Brisbane mu par notre rapprochement nouveau peut se révéler tentant, c’est mon dévolu qui se jette sur un taxi à l’arrêt au croisement. Un signe de tête entendu avec Bonnie que je regarde se glisser sur le siège arrière. Mes gestes accompagnant mon regard. Là où la contrainte du taxi aurait pu se révéler une barrière nouvelle entre nos deux corps, il n’en est rien. Des actions perceptibles de nous seuls garantes d’une intimité peu à peu retrouvée, peu d’attention est portée sur le choix du trajet jusqu’à la destination laissé au chauffeur. Une apparente tranquillité contrastant avec les prémices d’un bouillonnement intérieur, chaque nouveau contact ne rendant la tension que plus palpable encore. Désir trop violent de parcourir les parcelles du corps de mon brun réveillé au si frêle contact de son genoux contre le mien, soutenu par ma paume lourde sur sa cuisse, confirmé par sa paume enserrant la mienne. Dernier contact empli d’une douceur retrouvée, traducteur de nouvelles pensées. Nul besoin de précipitations quand nous savons tous deux que ce n’est qu’une question de temps avant de pouvoir nous retrouver dans un autre cadre bien plus intimiste, celui de mon appartement.
Un air frais revigorant comme transition du taxi à l’entrée de mon immeuble. Nouveau silence enveloppant duquel se détache le bruit de nos pas dans la cage d’escalier, mon esprit traversé par une pensée cependant : celle de nous imaginer dans le silence de l'ascenseur si nous avions eu à l’emprunter. Si mon appartement s’était situé bien plus haut, devant gravir bien plus d’étages alors que les secondes défilent sous la lumière artificielle de l'ascenseur. Celles de le savoir si proche dans mon dos alors que j’en serai venu à appuyer sur le bouton de l’étage correspondant. Puis me retrouver face à lui, l'ascenseur entreprenant sa montée. Silencieuse montée qui aurait bien pu mettre fin à toute patience respectée jusque là, retrouvant la tension précédemment créé dans le taxi, la présence du chauffeur en moins. Une pensée conservée de côté alors que mon pragmatisme habituel prend la parole pour une dernière recommandation avant de tourner la clef dans la serrure de la porte, avant goût de ce qui se trouve de l’autre côté. Là où mon métier est présent dans chaque recoins de mon appartement. La porte qui s’ouvre, c’est sous mon oeil amusé que je vois l’expression de Bonnie se modifier. Interprétant comme de la surprise son arrêt dans mon entrée, n’esquissant plus un geste. Et si je n’invite que très peu souvent des personnes dans mon intérieur, c’est la même réaction que j’ai pu observer chez le peu d’entre eux qui s’y sont aventurés. Car je reconnais que si j’ai pour réflexe de prévenir à l’avance pour les maquettes, il ne me vient jamais à l’idée d’évoquer la présence de mes livres qui font partis intégrantes de ma salle de vie. La seule fois où celle-ci en fut vierge étant le jour de mon aménagement. Les piles ne se sont pas amoindries depuis, au grand dam de ma bibliothèque qui ne peut tous les contenir. Entre les traductions Anglaises et Russes des textes étudiés, les recueils d’auteurs, de poésie et d’autre encore de littérature allemande et française, c’est bien une pièce entière dont j’aurais besoin pour tous les classer. Sans parler des doublons, ayant la fâcheuse habitude d’annoter les textes sur lesquels j’ai été amené à travailler au stylo rendant certaines pages illisibles. Et si le regard de Bonnie ne peut se détacher sur la vision de mon appartement, ce sont mes yeux qui ne peuvent se détacher de son visage. Ne le quittant que pour venir fermer la porte derrière lui, et, me retournant, tomber sur son regard levé vers le mien. Un fin sourire venant parer mon visage, s’agrandissant encore à la question posée par Bonnie. Hochant la tête en signe d’approbation, dévoilant son nom comme soutiens de cette action. “Vassili. Il étudie l’architecture” Deux informations. Celles qui me semblent êtres les plus pertinentes pour en embarasser Bonnie. Trop heureux de pouvoir le présenter, sa présence ici balayant les années sans se voir. “Les deux premières maquettes sur le bureau sont les siennes” Un moyen de l’incliner à poser les pieds dans le salon. Suggestion sans empressement alors qu’il se décide à se diriger vers la bibliothèque.
Et c’est encore sous une autre facette que j’aime à le voir, animé par une curiosité nouvelle, découvrant les titres de quelques-uns des livres. Moi, détaillant la façon dont sa main vient frôler les ouvrages, comprenant cependant que cette contemplation ne demande aucunement mon intervention bien que l’envie de le surprendre par un baiser dans son cou se fait plus que tentante. Simple voyeur de sa présence dans mon salon, c’est l’évocation de mon frère qui vient à me rappeler la bouteille de vodka dans le frigo. Toujours laissée là pour qu’elle ait “des larmes”, soit rester fraîche et embuée. Vassili y ayant veillé personnellement, la bouteille déjà bien entamée pour fêter nos retrouvailles. C’est une dernière phrase de Bonnie, sursaut dans sa contemplation, qui vient me décocher un sourire amusé alors que mes pas me dirigent vers la cuisine frontalière, traduction de notre amour partagé pour la littérature : si Bonnie émet l’idée que j’en dispose de plus que lui, c’est que sa bibliothèque est tout aussi fournie. Me faisant me questionner sur la nature de ses propres ouvrages alors que ce sont deux verres qui sont saisis dans un des placards. Car s’il est vrai que je me suis révélé être scénographe pour la Northlight Company, je ne sais pas encore ce qu’il en est pour mon brun. Le temps laissé de le découvrir plus tard alors que j’en viens à le rejoindre, un verre à présent dans chaque main. C’est une phrase qui vient sortir Bonnie de son examination attentive des ouvrages. “Mon frère ne manquera pas de voir que le niveau de la bouteille à diminué, mais il ne rentre que mardi. D’ici là...” Phrase laissée en suspens alors que nos doigts se frôlent, son regard fermement ancré dans le mien. La libre interprétation laissée à une phrase emplie de sous-entendus, là où l’absence de Vassili laisse autant la main libre sur la bouteille de Moskovskaya que sur l’appartement.
Un remerciement et un sourire en coin, ce sont nos verres dont le tintement retentis dans le salon. Une inspiration et brève expiration de mon nez alors que le verre est porté à ma bouche. Une grande gorgée de ce qui pourrait correspondre à deux shots de mon verre, l’effet est immédiat. C’est la chaleur de la boisson qui vient se répandre dans mon corps, pareil à l’effet d’une montée d’adrénaline dans le sang. Et si j’en viens à apprécier l’effet par habitude, il n’en est pas de même pour Bonnie. Un sourire se fendant sur mes lèvres alors que le nombre de degrés de l’alcool peut se lire sur les siennes, mon expression n’est pourtant pas moqueuse. Simplement taquine de le voir légitimement faiblir face à une première gorgée. Une indication de ma part au ton assuré“Une bonne inspiration sans laisser le temps à la gorgée de s’emparer du palais”Un coup de main qu’il est impossible de perdre une fois intégré. Et ce sont les yeux de Bonnie espiègles qui reviennent rencontrer les miens, la verre à peine reporté à ses lèvres. Une intonation de défi bien connu dans sa voix. Une malice similaire venant teintée la mienne “Je n’en attendais pas moins.”
Un nouveau jeu de regard qui s’y installe alors que nos verres reviennent à la rencontre l’un de l’autre dans un tintement caractéristique : la surprise passée, il n’est plus questions de voir Bonnie fléchir. Le verre porté à nos lèvres, la gorgée est franche, finissant celui-ci d’une traite. Un léger voile perçu dans son regard alors que nos yeux se raccrochent l’un à l’autre. La montée d’adrénaline engendrée par l’alcool se fait plus douce cette fois-ci. Le corps accoutumé au premier passage de la boisson. Se confondant sensiblement à une nouvelle chaleur, celle engendrée par l’effet de ces iris vertes défiant les miennes comme il en a toujours été. Un regard qui n’est pas sans rappeler ceux tant de fois échangés sur la piste de boîtes fiévreuses. Mise au défi de le faire céder à mes avances, désir toujours plus violent réfréné par sa volonté entêté. Moi, toujours le cherchant. Lui, toujours fuyant. Ne rapportant avec moi que le souvenir d’un dernier regard malicieux, sa démarche gracile, le contact de sa main contre mon bras, le frôlement d’une danse, le contact de ma paume contre sa nuque, son chuchotement au creux de mon oreille, mon baiser dans le creux de son cou, l’odeur de ses cheveux, le dernier fantôme d’un baiser sur mes lèvres surprises, l’image de sa silhouette de dos. Et une promesse. Dernière promesse, ne rendant que plus réel les autres fois manquées de peu, les espoirs contrariés et un désir toujours plus vif. Mais si le regard est le même, la conjoncture en est sensiblement différente. Une compréhension qui se fait alors que le vert de ses yeux inonde les miens. Volonté d’y plonger. Je ne nous avais pas remarqué si proche l’un de l’autre aux côtés de la bibliothèque. Aimanté à son regard comme il avait pu en être de son aura au milieu d’une boîte bondée, c’est avec douceur que ma main en vient à poser sur l’étagère la plus proche mon verre. Regard toujours fermement ancré dans le sien. Un fin sourire se dessinant sur mes lèvres. La compréhension entre nous a toujours été muette. Un geste en suggérant un autre, lisant dans le regard voisin ses intentions d’une entente mutuelle. Il n’y pas besoin de mots pour que Bonnie me tende à son tour son verre et que je le fasse rejoindre le mien. Transaction silencieuse de sa main à ma main, franc contact de mes doigts contre les siens. Non plus se frôlant mais accompagnant le geste de l’autre. “Tout bon Russe dira qu’il n’y a rien de telle que la vodka pour réchauffer un coeur...”Un nouveau pas dans sa direction, fin fourmillement venant réveiller un sourd désir “...Mais je ne me lancerai pas dans des affirmations trop hâtives” Un sourire en coin, traducteur de ma pensée alors que sa vision seule suffit à échauffer mes sens.
Le fil était fin, le basculement aisé. Ambroise avait craint de tomber du mauvais côté, de voir toute magie s’étioler et disparaître totalement. Mais de la même façon que déchirer le voile de l’anonymat a eu un effet inattendu, c’est l’attitude posée d’Andreï qui surprend par sa justesse. Lui, certain de son désir, non détourné par les agissements de Clément. Le plus jeune ne peut en dire de même, troublé qu’il est, incertain. Ou plutôt, trop certain. Ce qui le détourne un instant, c’est la volonté ferme qu’il a de placer d’abord son envie de passer une nuit avec le beau russe. Au final, se disputer avec Clément n’a été qu’un dommage collatéral, il est déjà persuadé que cela se terminera bien, comme à chaque fois. Fort de cette détermination, du silence apaisant, et d’une cigarette, il oubli finalement ce qui appartient désormais au passé, après une dernière hésitation, un dernier mot du scénographe qui enterre derrière eux, sans mal, les affres de cette soirée. Balayé en un instant. Si sûr de lui ; Bonnie ne peut douter de son charmant brun ou de ses désirs. Leurs iris se rencontrent de nouveau, retrouvant aisément cette flamme qui s’allume au contact de l’autre regard.
Tout se modifie autour d’eux, leur jeu de séduction se transforme, mais ne disparaît en aucun cas. Malgré la surprise de se découvrir plus proches que prévu. Malgré la tension d’un peu plus tôt dans la soirée. Malgré la gêne et l’appréhension éprouvées, bientôt évanouies dans le silence pur. La chaleur est la même, l’envie, l’attraction est toujours aussi présente entre eux, sans qu’ils ne le comprennent totalement en premier lieu. Leurs pas sont depuis longtemps du même rythme, leurs souffles semblables. La clôture totale de ces mauvais moments arrive avec la promesse réaffirmée de Bonnie, son attitude espiègle toute recouvrée, le reste oublié. De nouveau entièrement sur la même longueur d’onde, flamme ravivée, plus que jamais. Rien d’autre ne pourra à présent les déranger. Sous-entendu net. L’appartement du russe est la destination, et il accepte, sans briser la lecture entre les lignes qui prend toujours place entre eux. Des vérités à demi-mot, des espaces qui en disent plus long que le reste. Il invoque une proposition de vodka, ce qui permet à Ambroise de s’en amuser. Il ne l’acceptera qu’à condition que cela soit de la vraie, importée du pays ; il a encore le choix, il fait encore ce qu’il veut, promesse ou pas, et compte bien le montrer. Il n’a pas incendié Clément à vouloir le posséder pour se jeter dans la cage d’un autre, aussi beau et attirant soit-il. Mais Andreï ne fait pas honte à ses origines, Bonnie cédant alors, sans autre idée en tête depuis le début cependant. Gardant cet air de défi à la réputation de cette forte boisson nationale.
Face à face à présent, se détaillant de nouveau. Chaque fois intense comme la première, qu’importe la durée. Les cigarettes se sont essoufflées. La suite est imminente, l’attente identique chez eux. A le voir si proche à présent. Si simple. Nulle musique brouillant leur sens, nulle lumière stroboscopique. Bonnie ne sait pas s’il l’a déjà vu si beau que durant ces quelques secondes – mais c’est, en quelque sorte, la même pensée qui revient sans cesse, cet homme ne cessant de le subjugué. Mais le mieux, la cerise, c’est de sa savoir si proche du cocon de son appartement. Inimitié encore partiellement inconnue. S’ils sont complices, ayant la capacité de se couper du monde, jamais encore ont-ils étaient réellement seuls. Jamais encore les minutes et les heures n’avaient eu si peu de sens autant dans leur bulle que dans la réalité. Plus rien ne les retient. Plus rien aucune perturbation. Une douceur encore rare, presque nouvelle, une ouverture chez l’australien qui se laisse aller à un délicat sourire. Du bout du doigt on touche au naturel fascinant s’étalant entre eux. Les mots sont ensuite inutiles alors qu’Andreï indique un taxi. Le charme s’est brisé sans heurt, délaissant la douceur, pour mieux se recomposer entre eux alors que Bonnie ne s’éloigne pas. Même sérénité, même naturel. Côte à côte dans le taxi, la lutte est franche, chez les deux hommes, pour maîtriser ce besoin de se toucher davantage. Petit à petit, les contacts physiques d’abord inconscients se font lucides. La proximité nécessaire. Ambroise n’a qu’à peine remarqué que leurs pas les ont menés au quartier de Redcliffe, ne sachant pas comment ils s’en étaient rendu là (après réflexion, il a davantage suivi le russe que le contraire). Mais il entend bien vite l’adresse, la destination peu lointaine en voiture, cependant le chemin aurait pu paraître long. Quoique propice à plus de contacts subtils.
Il oubli cette possibilité enlevée ; la main qui se pose sur sa cuisse évapore les doutes et les questions efficacement. L’environnement du taxi, encore un dernier obstacle en quelque sorte, s’avère permettre un rapprochement non négligeable. Encore pudique. Empreint de silence et de tension agréable. Doucement ils se retrouvent, les derniers gestes dans la boîte de nuit revenant à l’orée de la mémoire du jeune homme. Des baisers encore chauds, la sensation du tissu entre ses doigts fins. Le volcan se réveille dans le secret de l’habitacle, l’apaisement se teinte d’une autre couleur. Ambroise rejoint sa main, l’enveloppant de sa propre paume, la laissant parler à sa place. Si la passion est présente, elle n’est pas synonyme d’empressement. En sortant du taxi, ils ne sont plus qu’à quelques moments de se retrouver dans l’enceinte particulière de l’appartement du scénographe. L’air frais ramène Bonnie sur terre, pour une courte durée cependant. Il pénètre rapidement dans l’immeuble, puis à la suite d’Andreï le guidant jusqu’à son appartement au deuxième étage. Pas d’ascenseur. Pas d’ambiance close, feutrée, incitant à la dérive quand une tension franche les attire l’un à l’autre. Pas tout de suite. Une certitude cependant, cela tient à peu de chose, le moindre pas de trop les mènera prestement à assouvir ce désir grondant. Mais c’est tout aussi agréable de prendre son temps, de savourer les secondes qui s’écoulent. Ce n’est pas un basique coup d’une nuit, c’est le fruit d’une suite de rencontres calculées, un dessert tant attendu après des heures de confection. Hors de question d’expédier la chose.
Dommage. S’imaginer à la merci de la carrure d’Andreï, dans un espace si restreint de cage d’ascenceur... Associer à la vision de son dos. Oubliant la patience. Joue mordue, doigts crispés, il se reprend à temps. Aidé par les recommandations du russe qui suscitent fort bien sa curiosité insatiable. Il se fige dès l’entrée, non impressionné par les maquettes qui traduisent pourtant un talent important, mais bel et bien par les montagnes de livres. On n’a que peu conscience de ce que sous-entend une bibliothèque, de ce que cela nous apprend sur son propriétaire. Bonnie y est incroyablement sensible, bien plus serein auprès des livres qu’après de ses pairs dont la stupidité l’ennui très rapidement. Il n’est pas plus aimable en refermant un ouvrage médiocre qu’en rabrouant un idiot. Son caractère est entier, si on vient à le titiller son répondant est acéré. Un dragon calme et fasciné par autant de lectures. Il sait qu’il vient de poser un pas dans l’intimité d’Andreï, s’approchant de manière nouvelle de celui qu’il est réellement. Un homme cultivé, qui en a autant dans la tête que dans ses yeux magnétiques. Rien n’est pour déplaire à l’étudiant. Tout ceci s’emmêle en lui, et il se force à penser à autre chose pour ne pas se retourner vers le russe dont il n’a aucun mal à ressentir le regard perçant et franchir la barrière de ses lèvres. Rares sont les fois où l’intelligence s’accorde au physique. Ambroise est servi.
Pourtant il l’interroge d’abord sur son frère. Le russe, égal à lui-même, ne l’informe que des choses importantes. L’australien n’en attendait pas moins. L’évocation de l’architecture lui fait vaguement penser à cet étudiant à qui il donne des cours, Nathan, mais dire que la pensée est annihilée est un euphémisme. Tout le reste est trop crucial pour passer à côté. D’ailleurs il note furtivement l’expression de l’homme en parlant de Vassili. Ouverte et tendre, amour fraternel qu’il reconnaît, ayant lui-même une sœur dont il ne pourrait se passer pour tout l’or du monde. S’il offre un regard aux deux maquettes présentées comme celle du petit-frère (quoiqu’il n’ait aucune idée de son âge, ou de celui d’Andreï...), il s’avance après ce qu’il considère une autorisation vers l’accumulation de livres dont il entend le chant de sirène. La présence du russe est bientôt reléguée plus loin dans son esprit, bien que toujours présente, tout absorbé qu’il est par le détail des titres. Il en repère des russes dont il jure d’apprendre à lire l’alphabet venu de l’autre côté du monde. Puis des français, langue qu’il maîtrise parmi d’autres. Il passe rapidement sur l’allemand, ses notions n’étaient que des plus simples. De la littérature en tout sens, des classiques qu’il reconnait et a déjà dévorés, d’autres plus obscurs qui le questionnent, et la poésie inaccessible à son âme qu’il juge peu artistique. En apprenant plus petit à petit sur celui qui s’avère être de moins en moins un inconnu, lumière nouvelle et bienvenue sur le scénographe. Bonnie réconforté par tous ces ouvrages, se sentant comme chez lui au milieu d’eux, soufflant même qu’il y en a plus que dans son propre appartement. Il comprend peut-être un peu mieux l’aura d’Andreï, pourquoi il se sent paisible parfois, au bon endroit. Un livre noir, grand, taciturne, qui n’attend qu’une bonne raison pour s’ouvrir et dévoiler ses trésors. Voilà ce qu’il lui évoque.
Perdu au loin dans ses pensées, il ne sent pas le regard porté sur lui, le détaillant autant qu’il détaille les rayonnages. Il ne revient dans le moment présent qu’à l’instant où un verre entre dans son champ de vision. Ainsi qu’une phrase, expliquant que Vassili sera absent jusqu’à mardi. Il est ainsi bel et bien question de vodka, mais avant cette réflexion, c’est l’autre, plus affriolante, idéaliste. Jusqu’à mardi. Plusieurs jours. Ils ont littéralement plusieurs jours devant eux. Il cherche déjà à se rappeler de ses prochaines cours. Mais c’est un voile noir qui bloque l’avancement de ses prédictions, troublant un Ambroise qui a d’ordinaire quelques coups d’avance. « Parfait... Je n’aurais aucun scrupule alors... » souffle-t-il sans savoir réellement ce qu’il insinue lui-même. Désir à la limite de la conscience d’étendre de cette aventure au-delà des limites d’une seule nuit. Le frôlement de leurs mains alors que le verre passe de l’une à l’autre, court remerciement. Encore une fois plus rien ne compte alors que leurs iris de retrouvent naturellement. L’étudiant arbore un fin sourire en trinquant. Expression qui laisse rapidement place à une autre, alors que sa gorge est brûlée par l’alcool fort. Il ne s’attendait clairement pas à cela. Pris de cours, il en perd tout masque ou jeu de séduction, ou n’importe quoi d’autre, pour laisser parler son for intérieur qui se demande comment la prouesse de boire plus d’une gorgée est réalisable. Le premier effet de douleur passé, il ressent bien le passage de la vodka dans son corps, l’échauffant au passage. Mais il tousse encore, essayant de se remettre. Andreï, pas moqueur pour le moins du monde, arbore un sourire presque attendri devant l’erreur de l’australien. Il lui explique le procédé, la bonne façon de boire l’alcool pur.
Il n’en faut pas plus pour que le petit brun reprenne contenance et reporte un regard défiant sur le russe. Un peu de vodka ne sera pas suffisante pour lui faire peur. La gorgée suivante fût bien plus agréable, maintenant qu’il sait comment faire. Malicieux de nouveau, faisant de ce moment de faiblesse passagère un tremplin. Réplique d’Andreï qui réagit à l’espièglerie par la sienne propre, tirant un bref ricanement à Bonnie, pas peu content de se voir compris sur ce point-là. Sous-entendu aussi, encore, lacé dans les paroles et les regards. Associant le russe à sa boisson, le plus jeune n’a pas peur. Plus fort qu’il n’en a l’air, son caractère ayant déjà bien éprouvé la patience sans tâche d’Andreï. Il ne défaillit point sous les gorgées d’alcool incolore, après une autre rencontre de leurs verres qui résonne encore quelques instants. Le premier à terminer est bien sûr le bouclé, mais le petit brun n’est pas loin derrière, descendant sa boisson de mieux en mieux. L’effet se répand jusqu’à bout de ses orteils, langue de chaleur parcourant ses veines. Autant du au contenu des verres qu’à ces yeux qui ne se quittent plus. Andreï dépose son verre puis, de cette entente silencieuse, fait comprendre à Ambroise d’en faire de même. Les mouvements s’accompagnent alors qu’il lui tend son verre, les mains s’attardent. Désir dont l’expression est facilitée par les effets de la boisson, désir qui se mêle à ceux-ci. Pourtant il est encore le souvenir de ces jeux incessants, de pas en avant, de reculs brusques, au gré des idées de Bonnie.
Aucune rupture alors qu’Andreï prend la parole. Les russes partent du principe qu’il n’y a rien de mieux qu’une bonne vodka pour réchauffer un cœur. Un pas de plus. Encore plus proches qu’ils ne l’étaient auparavant, et déjà alors Ambroise avait le sentiment de sentir la chaleur émaner de l’homme. Forcé de lever les yeux, un geste les ferait se toucher. Il frémit à la suite de sa phrase. Ouvrant légèrement les lèvres, s’apprêtant à répondre, mais il les humidifie dans un premier temps. Puis le sourire en coin retrouve sa place, face aux envies mises en mots qui brouillent efficacement ses pensées. La compréhension est acquise entre eux, mais l’entendre en parler, franchise et insinuation tout à la fois, ancre la réalité de l’autre. Mais il serait trop beau de baisser totalement les armes dès maintenant, alors que cette partie de leur jeu ne vient que de débuter. Il était question d’une promesse, non qu’elle soit aisée à atteindre. Pourtant il cédera au premier baiser. C’est une certitude. Déjà prisonnier de ce désir qui n’a fait qu’augmenter, il tuerait s’il ne pouvait l’assouvir cette nuit. Ils iront plus loin que des baisers dans le cou, des caresses par-dessus les vêtements, une danse dans la foule d’une boîte de nuit. Mais il ne répond pas tout de suite, contemplant son russe, toujours ce sourire aux lèvres. Tout d’abord il lève une main, qui vient se poser sur son torse. Mimant de gestes effectués lors des fois précédentes, mais sans intention de le repousser. Lentement, il fait un pas un arrière, bientôt adossé à la bibliothèque. Sans rompre le contact visuel ou physique. « Il n’y a rien de tel que de mener une expérience pour prouver la théorie... » murmure-t-il, cette brillance amusée dans l’émeraude. Il ne peut s’empêcher ce genre de vocabulaire, scientifique dans l’âme. Et en se disant qu’il en sait maintenant pas mal sur Andreï, il se demande tout aussi furtivement ce que sait le russe de lui. A part son prénom et son surnom, gracieuseté de Clément.
Être encore si secret lui fait esquisser un sourire, en même temps que ses doigts se referment sur le tissu en tirant dessus légèrement. Requête silencieuse, alors que cet écart trop grand vient d’être creusé entre eux, bien que délibéré. Toute fraîcheur de cette nuit australienne déjà bien entamée oubliée. L’intimité, la boisson, le désir, chaleur interne qui commence à faire rougir ses joues pâles. Mais ça n’est pas une course, et il ne se fait pas si franc dans son mouvement, pas si entreprenant. Pourtant il n’est besoin de plus pour que le rapprochement s’effectue, Ambroise s’élevant alors sur la pointe des pieds pour atteindre son cou qu’il effleure d’un souffle. Main toujours crispée, le tenant proche et servant de soutien. Son parfum l’enivre presque mieux que l’alcool – à moins que ça ne soit tout simplement l’alcool qui choisit ce moment précis pour se rappeler à son souvenir. Il ferme les yeux machinalement, son autre main trouvant appui sur une étagère. Plongé tête la première dans l’aura d’Andreï est une erreur qu’il est ravi de reproduire. Aussi délicieux que de s’égarer dans ses yeux sombres. Là, ses lèvres à quelques centimètres de son cou, il les dirige vers sa mâchoire, dont la petite barbe de quelques jours le chatouille, puis à son oreille. Comme s’il voulait définir les contours de ce côté-ci de son visage de sa bouche. Ce qu’il va faire de toute façon un jour ou l’autre. Il en frissonne. Un souffle encore, retenue, éviter de le taquiner de ses dents. Ne pas craquer en premier. Fierté. « Je l’ai dit, ça ne me fait pas peur... » Il se répète avec précision, puis susurre avec calme, non sans une pointe de taquinerie à la fin de sa phrase. « Est-ce que je te réchauffe, là.. ? » C’est sa main auparavant appuyée sur l’étagère qui se place à la taille. Ainsi que l’autre, fermée sur le vêtement, qui s’aplatie fermement sur le torse. Au niveau du cœur d’Andreï. Et selon Ambroise, le hasard n’existe pas.
Non pas égarés par cette déambulation silencieuse dans les rues de Brisbane, ce sont mes pas qui nous ont simplement ramenés dans un quartier qui m’est bien plus que familier : celui de Redcliffe. Inconsciemment. Par habitude. Surprenant carrefour de mon lieu de travail à mon lieu de domicile qui vient se parer d’une nouvelle certitude : celle de faire de mon lieu de résidence l’endroit de l’expression de notre désir commun. Et si j’ai l’air de mener la danse, Bonnie emboîtant mon pas en direction du taxi de mon choix, moi annonçant une adresse encore inconnue de lui, la décision finale de me suivre ou non vers cette destination reste entièrement sienne. L’initiative portée par ses mots. Une envie exprimée de vive voix, celle de partager un dernier verre avec moi. Las de nos habituels bars, ce verre-ci engageant à bien plus encore alors qu’il a toujours eu le pouvoir sur ces décisions là. Et pourtant, c’est avec simplicité que le champ m’est laissé libre pour prendre les devants.
D’une cage de taxi qui aurait pu se révéler contraignante, c’est bien vite que j’en viens à ouvrir la voie dans une cage d’escalier prometteuse, dernière étape avant de franchir le pas de ma porte sous couvert de dernières recommandations. Toute once d’empressement reléguée au second plan malgré un désir fourmillant que le cadre clos du taxi a su réveiller par des contacts subtils. Frôlements imperceptibles soutenus par la douceur du lien établi par nos mains. Toujours couvant nos désirs d’une apparente indolence. Toujours réfrénant ce qui ne demandait qu’à être exprimé librement. Écartant de mon esprit d’autres appels charnels que les choix d’un itinéraire différent aurait pu bien plus rapidement révéler. Recueillir un baiser de ses lèvres dans les rues de Redcliffe, préférant la marche au taxi. En prolonger l’instant dans le nouvel espace clos offert par l'ascenseur, toute barrière de sécurité abolie sous les coups d’une déferlante de baisers. Une précipitation qui aurait peut-être pu être réservée pour un simple coup d’un soir : volonté de conclure sans outre-mesure. Au contraire de Bonnie. Et si la tentation est grande et le désir d’égal mesure, l’instant est trop précieux pour le consumer si promptement. Fruit d’un jeu de séduction acharné, fragmenté par le temps, entretenu au fil des rencontres, il n’a jamais été question de faux pas hâtifs entre nous. Une simple tension en filigrane de sa volonté contre la mienne et de son aura tout contre la mienne qu’il nous est à présent permis de savourer pleinement. Conscient de l’intimité fournie par le cadre de l’appartement une fois le pas de la porte franchi affranchis de la contrainte du temps.
Un temps. Celui donné à la contemplation. Et s’il m’a déjà été donné de pouvoir détailler Bonnie sous plusieurs de ses facettes, rares sont les fois où j’ai pu y déceler de la surprise. Pourtant, c’est bien une lueur de surprise que je perçois sur son visage alors que c’est l’intérieur de mon salon qui vient se révéler à lui, témoignage d’une vie privée qui se dévoile avec aisance. Silencieux dans ce nouvel espace découvert, m’embarassant peu de formalités pour inciter Ambroise à prendre ses aises dans ce qui me fait autant fonction de lieu de vie que de travail et de passage. Car je sais qu’il ne sert à rien de parler lorsque ce qu’il y aurait à dire est donné à voir. Et bien que peu bavard et enclin à me livrer, il en est tout autre lorsqu’il s’agit du sujet de mon frère. Toujours dans la retenue, mais appréciant bel et bien évoquer mon cadet avec un plaisir non contenu. Son emménagement récent n’ayant que renforcé ce trait de plus belle. Et si ce ne sont que très peu de détails qui sont énoncées de ma part à son propos, mon esprit ne manque pas de s’arrêter sur chacunes des facettes qui le composent. Désignant ses maquettes comme désireux de rendre le fruit d’un travail minutieux à son légitime propriétaire, me l’ancrant un peu plus dans mon quotidien qui s’est déjà vu bien modifié depuis son emménagement à Brisbane. Il faut dire que des appels mensuels qui rythmaient nos années passées loin de l’autre, il était difficile de croire que nous allions à présent devoir nous supporter chaque jour. Là où nos études respectives nous retenaient de nous rejoindre pour plus de quelques semaines, le mois qui a succédé l’annonce surprise par téléphone de son arrivée n’a pas été de trop pour l’appréhender. Préparant l’appartement empli de pensées concrètes : ne plus avoir un aperçu de l’avancée des projets de Vassili seulement par le biais des réseaux sociaux, renouer avec une complicité d’autrefois que la séparation et la distance n’ont pourtant pas mis à mal, cohabiter avec nos frasques habituelles de frère, mais aussi retrouver en lui une part de Russie que j’avais depuis bien longtemps laissée de côté. C’est immédiatement après son arrivée que notre colocation s’est animée de notre langue natale, de la conversation la plus agitée au détail le plus anodin. N’étant plus le seul à jurer en Russe lorsque j’en venais à me cogner le doigt de pied contre une pile de livres jusqu’à la renverser. Pourtant, de cette récente installation, c’est toujours un appartement bel et bien fidèle à l’image première que je lui avais donné qui se profile sous les yeux de Bonnie. L’arrivée de Vassili encore trop nouvelle pour en avoir modifier drastiquement l’aspect et l’organisation. Et si l’on pourrait croire à un désordre seul provoqué par le déménagement, il n’en est rien. La pièce à vivre se dévoilant à un Ambroise porté par l’encombrement de ses livres retraçant sans pudeur aucune une partie de mes influences, inspirations et centres d’intérêts. Vision presque angélique de sa silhouette se détachant de la bibliothèque.
Si j’en viens à me dévoiler à Bonnie qui n’était encore pas plus tard qu’hier soir l’inconnu de mes soirées, ça n’est qu’en remplissant nos verres que j’en viens à penser que je n’ai finalement pas plus d’indications sur lui que ce qu’il m’a été donné de voir ou deviner. Un ami commun, un nom, une volonté effrontée et un attrait aiguisé pour la littérature. Rien de plus. Une pensée comme une autre qui ne vient pas là traduire de plus grands questionnements. Libre à lui de se dévoiler de quelque façon que se soit à moi et je serai bien le dernier à en forcer l’accès. Puisque à vrai dire, je n’ai jamais estimé réellement connaître quelqu’un si ce n’est mon propre frère. Soucieux du respect de la vie privée d’autrui comme de la mienne, il ne me serait jamais venu à l’idée de faire preuve d’une curiosité malvenue pour satisfaire un désir de connaissance ou un égo fier de se sentir plus proche d’un autre. D’autant plus que, l’anonymat de sa personne plus tôt dévoilé dans la soirée, il n’est pas déplaisant de percevoir encore Bonnie sous les traits de cet énigmatique inconnu tant désiré. Le surprenant dans son observation concentrée par deux verres : s’il y a une chose que nous n’avons plus besoin de révéler l’un comme pour l’autre, c’est notre goût pour les phases de séductions sous couvert de phrases emplies de sens. Jeu auquel nous n’avons pas fini de nous prêter, sa réponse laissée en suspens en écho à la mienne. Le champs libre laissé à cette nuit de se prolonger, d’en faire durer le jeu un peu plus longtemps. Retarder encore un peu sa conclusion tant de fois fantasmée. Prolongations entamées par le partage d’un verre de vodka, écho à ma culture russe mais surtout évocateur des conditions pour lesquelles Bonnie s’est laissé tenter de s’y mesurer ce soir.
Malgré le temps passé loin d’une Russie natale et ses traditions, il y a des choses qui ne se perdent pas. La façon d’aborder son alcool en fait bien parti. Vague souvenir de ces repas de famille des périodes de fête du nouvel an où les hommes à table se levaient à répétition pour porter de toasts et boire leur verre “do dna”. Cul sec. Jusqu’au fond sans plus de manières. Une volonté de partage fraternel dans lequel Vassili et moi-même avons bien vite été conviés. Un goût de partage plutôt aigre après mon départ forcé pour un nouvel an dont le goût de la vodka n’a jamais été aussi amer sous les dire de Vassili. Tout à l’inverse de cette gorgée-ci se répandant dans mon corps, suivant un chemin déjà emprunté par des fourmillements de désir le long de mes veines. Chaleur dans le regard, mise au défi muette soutenu par une phrase de mon brun : il n’a pas peur. Sa bouche s’approchant du bord du verre, armé de mon dernier conseil. Il n’y a pas besoin d’une phrase de plus de sa part pour comprendre le sens de cette première. Ca n’est pas simplement devant la boisson que Bonnie se montre téméraire, mais bien face à moi. Son regard ayant retrouvé leur humeur audacieuse, la boisson terminée, il n’est toujours pas plus question de paroles alors que nos mains viennent se délester de leurs verres. Devenus trop encombrant à mon goût une fois vidés de leur contenu, c’est la bibliothèque qui leur sert d’étagère alors que mes mots se font bien plus explicites. D’une dernière allusion à ma Russie natale, une nouvelle partie vient d’être engagée.
Toujours pas d’empressement dans la réponse de mon brun me faisant face alors que mon regard dévie sur ses lèvres venant s’humecter l’une contre l’autre. Réfrénant encore cette envie d’approcher mon visage du sien. Frémissant mais néanmoins patient. Armé de cette patience qui ne m’a jusqu’ici toujours pas fait défaut dans cette conjoncture si familière. Lui, soutenant mon regard avec conviction, un fin sourire venant retrousser les commissures de ses lèvres. Sa main venant affirmer sa présence sur mon torse comme venant retrouver une empreinte déjà auparavant délimitée. Cette même parcelle de mon corps venant se bomber à son contact, venant trahir une inspiration plus profonde d’une ardeur maîtrisée. Epris d’une vision nouvelle, celle de Bonnie acculé contre la bibliothèque. Le dominant de ma taille mais ne l’y emprisonnant pas pour autant. Moi, sous l’emprise de cette main contre mon t-shirt, ayant ouvert la voie à son espièglerie mordante. Nous faisant lui et moi objets consentants d’une expérience à éprouver que mon ton bien plus bas ne manque pas de confirmer “Alors, je m’y prête volontiers”.
Et c’est comme réagissant à cette dernière remarque que le regard de Bonnie vient s’ancrer dans le mien d’une fermeté et d’une facétie nouvelle. N’obéissant maintenant qu’au fin resserrement de ses doigts sur mon t-shirt, inclinaison à me voir réduire le peu de distance entre nos deux corps dont la proximité a pourtant déjà entrepris d’exciter l’atmosphère. Contrastant avec la douceur de ses gestes. Précision de son souffle contre mon cou, surélevé de quelques centimètres manquant de la pointe de ses pieds. Le laps de temps écoulé depuis notre dernière rencontre n’a jamais été assez important pour me faire oublier la sensation de sa respiration sur ma peau. En témoigne mes poils s’hérissant au parcours de ce souffle le long de ma nuque alors que mon corps affirme sa présence si près du sien. Fin tressaillement remontant le long de mon dos alors que se sont ses lèvres qui viennent définir une trajectoire jusqu’à mon oreille. Le regard flou, arrêté par les ouvrages de la bibliothèque servant de décor à cet instant de recognition, bientôt remplacé par des yeux mis-clos alors que se sont ses mots qui me les font se réouvrir. Un murmure dans le creux de mon oreille qui vient éveiller un désir sourd, pareil à un craquement d’allumette contre son étui pour en observer les étincelles. Souriant à l’autorité que traduit sa voix voilée de désir. Et c’est mon rythme cardiaque qui s’accélère, ses valves s’enserrant frénétiquement sous le poids de cette paume à présent lourde de sa présence. Seulement conscient de la présence de l’autre main de Bonnie plus bas au dessus de ma hanche. “Les températures des plaines de Russie se révèlent souvent d’un climat bien plus glacial... ” Un murmure similaire au sien, quoique la voix légèrement éraillée par le grondement d’envies contenues.“...Il en faudra bien plus pour confirmer une simple théorie, tu ne crois pas ?”. Reprenant avec un plaisir non dissimulé les termes de mon brun : au sens propre comme au figuré, le jeu est passé dans d’autres mains.
Et se sont les miennes de mains qui viennent s’activer, leur paume effectivement échauffées par les paroles de Bonnie si fiévreusement susurrées, son contact contre mon torse et l’effet de son souffle à la surface de ma peau. Mu par un désir : celui de retrouver la sensation des muscles de son dos alors que c’est ma main droite qui vient en tracer les lignes. Débutant sa remontée lente à la frontière de sa ceinture, venant remonter les fibres de son t-shirt avec délicatesse pour en franchir la barrière. Contact électrique de sa peau contre mes doigts continuant leur course. Fin glissement de mes phalanges auprès de son échine, comme venant en tracer les contours encore méconnus. Redécouvrant les parcelles de sa peau auxquelles une volonté téméraire m’avait permis de goûter dans la lourdeur fiévreuse de la boîte de nuit. Pourtant, c’est ma main qui vient stopper son chemin à mi-parcours, l’accès de ses omoplates entravé par le t-shirt de Bonnie contre mon avant-bras. Décidant alors d’y inscrire de ma marque ma paume, ne désirant pas en forcer le passage. Le temps encore donné de laisser gronder l’amorce d’un désir charnel que sa respiration pourtant contenue vient affirmer.
Une inspiration nouvelle au creux de son cou, comme reprenant dans ma lancée sur une idée couvée par mes paroles précédentes.“Même si je t’avoue que tu as déjà depuis bien longtemps réussi à faire fondre la glace” Mon désir tout comme le sien révélé l’un à l’autre au fil de nos rencontres. Aveu de plus de moi à lui dont l’aura tentatrice continue de mettre à mal des pulsions contenues alors que se sont mes lèvres qui viennent inscrire leur marque au dessous de cette oreille. Le premier dont la douceur est bien vite rattrapée par un deuxième à l’embouchure du cou en soutien d’une respiration profonde. Transition vers un troisième dépôt de mes lèvres tout contre sa clavicule, rythme ternaire de ma bouche au contact de sa peau comme un lointain écho à un jeu identique laissé en suspens lors d’une nuit précédente. L’issue de la soirée encore incertaine alors que mon regard interrogateur s’était enquis d’une autorisation muette : celle de débloquer l’accès de ses lèvres pour venir terminer ce chemin tracé en transparence le long de son buste. Mon visage se détachant un instant de la proximité de son visage pour venir replonger mon regard dans le vert de ses yeux, non plus pour venir y demander une approbation silencieuse mais bien s’imprégner une dernière fois de leur champ magnétique. Rapprochement inconscient, presque imperceptible de mon visage si près du sien alors que se sont mes yeux qui ne peuvent se détacher de ses pupilles. Ma main encore libre qui vient se saisir de son épaule, coulissant le long de son bras à la paume toujours en appui ferme contre mon torse. Une nouvelle rencontre, chaleur d’un contact : celui des mes lèvres contre les siennes.
Le but est clair, presque naturel, comme s'il n'y avait tout bonnement aucune autre issue. C'est bel et bien le cas en un sens, décidé à terminer la soirée comme il l'entend auprès d’Andreï, la suite logique est de se retrouver dans son appartement. Cependant leurs pas les ont menés dans le bon quartier, prouvant qu'inconsciemment le choix était déjà fait. S'interroger est même inutile, le réplique de Bonnie pour se faire inviter ne laisse d'ailleurs pas de place à l’hésitation. Tout est déjà tracé devant eux. Seule décision qui se présente : continuer à marcher dans la nuit, se rapprochant à chaque mètre, ou prendre un moyen de transport plus rapide. Ambroise laisse ce choix au russe, puisque lui seul sait où ils se rendent. Aucune difficulté à lui laisser la main, échange de pouvoirs qui s’opèrent naturellement alors que Bonnie menait toujours la danse. Il pressent déjà sans en avoir conscient un équilibre ; son désir de contrôler et son besoin de laisser ce soin à d'autres. Une confiance assez aveugle en une personne capable de gérer à sa place, à la manière de sa sœur ou de Clément auxquels il confierai sa vie. Andreï possède cette qualité rassurante, qui est parvenu à apaiser le plus jeune par sa seule présence.
Ayant déjà prononcé ses vœux, il n'a de toute façon plus qu’à se laisser guider, rien ne pourrait le faire changer d'avis. Le taxi s’avère contre toute attente être un endroit agréable, propice aux contacts couverts de pénombre. Des jambes qui se frôlent, un espace réduit entre les corps, deux mains qui se trouvent sans précipitation. Le réveil frémissant d'un désir qu’Ambroise doit maîtriser à mesure que ses pas le rapprochent de l’étage. Nul empressement comme ce besoin de consommer au plus vite l'amant d'une nuit ; il est question de beaucoup plus que cela, qu'il est nécessaire de savourer autant que possible. Profiter de ce point d'orgue d'une multitude de rencontres fortes en magnétisme. D’autres chemins auraient amené d’autres conclusions. Changement d'ambiance, changement d'attentes. Bien loin sont les bars et les boîtes de nuit à l'horizon de cet appartement qui se profile. La promesse flottante au-dessus d'eux, plus proche que jamais de se réaliser. Pour autant Ambroise n'a pas dans l’idée de rendre la chose si aisée, cela enlèverait de l’amusement à leur jeu. La fin connue cependant, n’empêche pas de jouer un peu.
Clé dans la porte, découverte d’une nouvelle facette d’Andreï. Bonnie est surpris durant les premières secondes, puis fasciné par la quantité impressionnante de livres. Mais il est curieux aussi, et se souvient de l’évocation d’un frère dans les recommandations précédemment énoncées. Sans mal, il note le changement dans le ton et l’expression du russe, qui se s’épanche pas plus que nécessaire. Des informations primordiales, voilà tout. Et puis celle de son retour dans quelques jours, ce qui leur laisse le temps. Bonnie est d’abord tout à l’observations des livres, relevant certains détails qui pourraient l’aider à cerner son inconnu. S’il ne se montre pas rentre dedans de questions, appréciant ce naturel qui apporte les réponses, ce mystère encore, presque une certaine joie comme celle avant de déballer un cadeau dont on sait que le contenu va nous plaire, l’australien n’en est pas moins curieux. Un trait de caractère impossible à maîtriser lorsqu’une chose l’intéresse, et c’est sans y faire attention, comme tout à l’heure dans le taxi, qu’il emmagasine les informations. Frustré face aux titres en russe, l’idée germe d’apprendre cette langue, par pur défi. A l’aise auprès de cette bibliothèque surchargée, dans cet appartement qui n’est pourtant pas le sien, entouré de l’aura d’Andreï. Il ne l’entend pas revenir avec deux verres. Ayant pu observer à son gré sans dérangement, sans paroles insipides, il est ravi de revenir sur le sujet du brun, sur le sujet principal de cette nuit.
Les habitudes reviennent, les sous-entendus et les regards. Tranquillement. Comme prévu, leur jeu ne s’est pas arrêté au seuil de l’appartement, s’abreuvant même de l’intimité pour se parer d’un ton plus calme. Il n’y aura plus d’heure de fin, plus de séparation au bout d’un précieux temps sur une idée d’Ambroise. La nuit se poursuivra. Il ne disparaîtra pas cette fois. Aucune pression nulle part, le combat est terminé, seul le plaisir du jeu se poursuit. La séduction n’est pas qu’une façon de parvenir à un but. Accueillant son verre d’un sourire en coin, Bonnie en prend une gorgée sans se méfier. Contrairement au bouclé, il n’avale pas aussi aisément l’alcool puissant. Rappel de plus de prendre son temps, s’il en est. Il se rétabli bien vite, après un premier instant de toux. L’aide d’Andreï n’est pas moqueuse, son sourire amusé même agréable. Peu habitué à baisser les bras, Ambroise en fait la remarque à voix haute avant de réitérer son geste. La vodka passant beaucoup mieux, il en ressent tous les effets avec délectation, effets qui se mêlent à ceux nés par la proximité de deux corps. Le silence se fait naturellement, jusqu’à ce que les verres soient vidés et posés sur une étagère. De gestes communs. Pensées qui s’accordent entre elles. La voix grave du russe se fait entendre, pas plus fort que nécessaire.
Pourtant les mots sont d’autant plus précis. Un pas. Ils sont si proches. Le regard vert affronte son homologue sombre, une même lueur pourtant. Encore séparer par le vide, une main d’Ambroise le comble après quelques secondes. Elle perçoit les frissonnements, le cœur qui bat d’un rythme profond. Elle prend la place qui avait été la sienne lors de précédentes danses de volonté. Réponse prononcée de la même manière mesurée, tout aussi audacieuse. Il se recule ensuite, mais ses doigts se refermant sur le tissu traduise une demande claire. La patiente d’Andreï enfin récompensé alors qu’il n’a qu’à obtempérer. Il acquiesce, prenant d’abord la vue offerte à lui avant de s’approcher plus près. Inspiration de Bonnie, dos à la bibliothèque, qui n’attendait que cela pour se dresser un peu sur la pointe des pieds et atteindre de son souffle la peau tant rêvée. Le feu se ravive, et pourtant les gestes sont tendres. Il retrouve les sensations exactes, le parfum de l’homme à lui en faire tourner la tête. Il ose davantage. Ses lèvres parcourent délicatement sa mâchoire, avant de délivrer à son oreille quelques mots brûlants, suivis d’une référence à ce réchauffement évoqué plus tôt. Lui, il bout presque. Son autre main se pose à la taille, s’y raccroche en un sens. L’autre perçoit l’accélération du rythme cardiaque. Désir en écho. Désir trahit par le ton de sa voix plus rauque, tout aussi bas. Comme si une dernière barrière avait sauté, la bonne clé dans le bon verrou.
Ambroise ressent de même l’envie auparavant contenue frémir dans ses muscles. « Ne me sous-estime pas... » chuchote-t-il, toujours au creux de son oreille. Il va devoir faire mieux, faire plus, tels sont les sous-entendus. A son tour à présent. Mais plus tard. D’abord il est obsédé par la sensation de peau à peau, la main qui se glisse sous sa chemise pour remonter trop lentement dans son dos, y faisant courir un frisson non dû à la fraîcheur mais s’y apparentant. Paume qui se loge de nouveau entre ses omoplates. Contre lui, Bonnie retrouve sa taille initiale, ses muscles incapables de le porter plus haut sans trembler. Ils reprennent là où leur dernière fois s’était trouvée interrompue. Nouvelle parole, mettant un peu plus en réalité ce dont ils ont tous deux conscience. Cette attraction inéluctable, si bien qu’ils feraient tout pour obtenir ce qu’ils souhaitent. L’un et l’autre possède ce pouvoir donné par l’envie d’assouvir un désir puissant. L’étudiant y coince sa respiration, corps ravivé par de simples mots prononcés d’une voix chaude. Aucune lutte cette fois-ci, seulement des paupières qui se ferment alors que les lèvres taquinent sa gorge. « Je n’avais pas remarqué... » rétorque-t-il, effronté, la voix pourtant affaiblie. Souffle relâché, Bonnie pourrait en remercier le ciel de croiser à nouveau les sensations procurées. Faiblesse de son corps, il ne peut nier l’effet produit. Le même, aussi puissant, aussi bien manipulé ; présence sur sa peau qu’il n’a pas oublié depuis la dernière fois, alors qu’elle avait bien failli causer sa perte. Se pressant un peu plus contre Andreï, cou un peu plus offert. Trois encore, d’abord doux puis à l’intensité grandissante, marques un peu plus présentes. Nouveau soupire, presque instable, lorsque la bouche décidée touche une dernière fois sa peau.
Pas l’ombre d’une hésitation cette fois-ci. Alors que le russe se redresse, Ambroise plonge instinctivement ses yeux verts troublés d’un début de fièvre dans les siens. Et il sait. Aucune question silencieuse, aucune demande d’autorisation. C’est ça. Dernière clé pour sa part, dernière décision à prendre. L’appréhension lui tord les entrailles d’un fourmillement connu. L’instant avant le premier baiser. Un premier baiser désiré, repoussé, si lourd de sens, sceau. Les secondes s’étirent, comme pour mieux profiter de la proximité de son visage, des respirations qui se mêlent en une. Bonnie se tend légèrement, effaçant de son côté un peu plus de distance. L’énergie qui le traverse est unique alors qu’enfin, ils se rencontrent. La douceur des lèvres d’Andreï le surprend à peine. Les dernières pensées qui traversaient sont esprit s’interrompent. Il répond au baiser sans latence, savourant chaque instant. Ce n’est pas un déferlement de passion, c’est une nouvelle découverte de régal. Pas de vainqueur, seulement un partage. Et bon sang il vaut toute l’attente du monde. Ses mains glissent dans le dos du brun. De ce premier contact, non timide mais appliqué, s’éveille l’envie de plus. Il entrouvre les lèvres, toujours sans brusquerie, libérant l’accès. Nouveau tressaillement alors qu’il goûte davantage à son inconnu tant fantasmé, distillant cette envie sourde. La chaleur est presque infernale, et pourtant il continu, impassiblement, à en découvrir davantage.
L’attirant davantage. Paumes plaquées dans le bas de son dos, sur ses épaules, partout si possible, le serrant tout entier contre lui, s’accrochant parfois au tissu sous la contrainte d’un désir qui menace. Léger recul, à peine assez pour ouvrir les yeux et voler un regard. Il reprend son souffle, avant de revenir goûter à ces fines lèvres avec convoitise. Aussi parfaites qu’elles en ont l’air. Ambroise ne voudrait arrêter pour rien au monde. Puis ses mains bien présentes dans le dos d’Andreï partent plus bas, afin de passer en dessous de son t-shirt. Hardiesse familière de sa part. Trouvant le passage adéquat, il touche enfin à sa peau sans obstacle. Expiration entre ses lèvres chaudes, alors qu’il imprime la présence de ses doigts dans les muscles fermes. Un léger sourire contre sa bouche. La peau d’Andreï est brûlante, ce qui concorde assez bien avec son aveu précédent. Là où d’autres doivent faire des efforts, Bonnie a su faire son chemin à travers la glace, si bien formulé. Il en est de même pour cet inconnu qui n’a eût besoin que d’un regard incisif pour gagner la curiosité et convoitise du jeune homme. Ce dernier en profite pour mordiller la lèvre inférieure du russe, renouant avec ses tendances taquines. « J’ai donc toute la nuit pour te prouver que tes compatriotes se trompent... » susurre-t-il contre la commissure de sa bouche alors que ses mains se glissent sur ses côtes. Il rechigne encore à se reculer, pour quelques moments, il goûte encore. Mâchoire, lèvres, gorge, il parcourt un chemin connu de lui seul, descendant jusqu’à la limite imposée par l’encolure du t-shirt. Entre temps, si ses mains n’ont pas quitté le corps d’Andreï, elles s’en détachent à ce signal. Retrouvant la bibliothèque dans son dos alors qu’il se recule, à peine assez d’espace entre eux. Relevant ses yeux verts sur le russe après un coup d’œil à sa propre chemise, Ambroise commence à en défaire les boutons en commençant par le haut. Ses doigts agiles sont pourtant lents ; invitation peut-être à recevoir de l’aide. Ou histoire de faire monter la tension, même si celle-ci est déjà palpable.
Mon regard aimanté à la présence brune qui parcourt le rayon de ma bibliothèque, mon oeil qui s’en détache pour me tourner vers la cuisine ne coupe en rien cette liaison. Toute ma pensée alors tournée vers Bonnie. L’imaginant encore détailler de ses doigts les ouvrages alors que les miens s’actionnent sur le bouchon de Moskovskaya. Me préparant à servir à ce plus tout à fait étranger mais encore bien mystérieux convive cette “petite eau” aussi caractérielle qu’incolore. Car si de nos précédentes rencontres nous avions déjà à plusieurs reprises échangés des verres, cela a toujours été au lointain, seulement connectés par le regard tel deux aimants invisibles reliés. Au final, le choix de la boisson n’avait toujours que très peu importé quand l’enivrement était à la clé. L’ambiance des boîtes et divers bars se prêtant parfaitement à la formule “qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse”. Pourtant , il en a toujours été tout autre avec Bonnie, les efforts d’une persévérance frôlant l’acharnement traducteur d’une pensée : d’aucun ne pourrait rivaliser avec l’emprise que nous exerçons l’un sur l’autre. Exigeant dans le choix du flacon jusqu’à ressentir les besoins d’une condition d’exclusivité affirmée : nul autre ne pourrait nous faire accéder à l’ivresse souhaitée. Le choix de la vodka délibérément adopté, le bouchon de celle-ci serait resté scellé pour tout autre que lui.
Les verres vidés de leur contenu, la bibliothèque en guise de comptoir, chacun des pas de Bonnie d’une lente maîtrise sont ceux qui réduisent la faible distance nous séparant encore. Pourtant précédemment rempli par le son de ma voix, à présent comblé par un geste esquissé par sa main : celui de se saisir du bout des doigts de mon vêtement. Chaleur délivrée par mon corps plus proche du sien à l’intensité croissante sous les coups du petit jeu auquel s’adonne Bonnie. Son souffle épousant les contours de mon visage, ses lèvres le détaillant d’un frôlement délicat. Assez intense pour me délester d’un tressaillement capricieux néanmoins tout en retenu. Un contrôle parfait de mon brun fidèle à lui-même. Fidèle à cet inconnu insaisissable, jamais cédant à mon emprise, tantôt me laissant les rênes que pour mieux s’en ressaisir. C’est pourtant lui qui m’ouvre à présent la voie comme une autorisation silencieuse pour me laisser le champs libre. La voix se mêlant aux gestes, le désir s’armant de patience. Simplement conscient que le temps viendra de se laisser aller à l’ivresse alors que ses mains viennent trouver leur chemin vers des endroits bien plus évocateurs : l’une au creux de ma taille, l’autre à la gauche de mon torse.
Et c‘est un autre jeu que celui du chat et de la souris qui s’engage, revêtant d’autres rôles. Usant non sans un certains plaisir de cette nouvelle identité révélée plus tôt dans la soirée : celle du russe. Souvenir des températures négatives de Saratov et cette faculté à leur résister sans grandes peines, la vodka et les dictons russes ont tôt fait de laisser place à une dernière mise au défi auprès de Bonnie: rivaliser avec le climat froid qui n’a pas manqué de me forger. Lui qui n’a pas eu peur du défi imposé par la vodka, comme il n’a pas peur de s’en remettre à sa promesse, cette dernière provocation de ma part d’un chuchotement rauque ne le laisse pas de marbre. Et si je sais que se contenter de si peu n’était pas dans les perspectives de mon brun, l’effet est tout autre de me l’entendre prononcer de sa voix toujours plus suave. Là où son acharnement à vouloir résister à mes tentatives de le faire craquer sous le poids de mes caresses, luttant jusqu’au dernier baiser échangé pour lui décrocher une promesse, ont eu pour effet de me parer d’un désir croissant, je n’avais encore jusqu’ici que fantasmé les actions de Bonnie sur mon corps. Volonté de ne plus le sentir dans une retenue calculée mais simplement laisser libre court à ses envies frémissantes que sa voix faiblissante trahit. Parlant à mon oreille, chatouillant mes sens, il n’est plus question de résister à mes envies sourdes d’enfin accéder à sa peau. Parcelles de son dos couvertes par sa chemise découvertes par ma paume, c’est au passage de ma main remontant le long de la colonne de Bonnie que je le sens s’en remettre à celle-ci. Son corps coulissant entre mes doigts de leur lente progression ascendante tandis que son visage au niveau du mien retrouve sa hauteur habituelle. Si proches, il suffit à ma tête d’une inclinaison sur le côté pour à mon tour atteindre le creux de son oreille et laisser les mots un peu plus me dévoiler. Aveu aux airs de séduction, ma voix se parant d’une chaleur nouvelle qui ne le laisse pas de glace, c’est un fin sourire qui accompagne le premier dépôt de mes lèvres sur sa peau à son dernier aplomb, défaillant au contact de celui-ci. Renforçant ma volonté de ressentir sa respiration se couper en sursaut désordonnés contre mon buste alors que je retrouve avec plaisir les traits qui définissent le sien. Reprenant presque une partie là où elle avait été arrêtée : le chemin suivi par mes lèvres se rapprochant toujours un peu plus des siennes. Un contexte différent pour une situation semblable : je ne ferai pas deux fois la même erreur. Si proche de voir sa barrière voler en éclats au détour de la boîte de nuit, il a suffit d’un instant d’oscillation de ma part pour voir l’ardeur de la lutte se ranimer dans son regard à deux doigt de l’abandon. Cet abandon fiévreux que je viens à présent rechercher, plongeant mes yeux dans l’immensité des siens, un frisson parcourant ma nuque. C’est le temps qui paraît s’étirer sous d’interminables secondes d’où se mêlent le désir à l’appréhension. Un regard qui dérive sur ses lèvres. Ne sachant que trop bien que la découverte de cette zone encore laissée intacte signifie bien plus qu’un simple baiser. Loin de la séduction des boîtes, une étape. Point de non-retour, presque plus évocateur que la décision prise de s’inviter dans mon appartement.
Il n’est pas dans mes habitudes de venir enrober mes actions d’un poids significatif trop lourd de sens, bien trop fidèle à mon pragmatisme. Et encore moins lorsqu’il s’agit d’attraction physique. La séduction servant la séduction, la conclusion déjà connue de tous, mes intentions n’ont jamais été affectées et je n’y ai jamais attribué un quelconque sens métaphorique. Pourtant, il en a toujours été tout autre avec Bonnie. Jeu sur le long terme, terrain de conquête du désir de l’autre pour faire ployer sa volonté, une limite se devait de s’imposer d’elle-même. Limite à tenter de franchir pour ma part, barrière qu’il est parvenu à préserver : sa bouche. Sa bouche se parant de mots si tentateurs aux lèvres tout juste effleurées. Parvenir à s’en frayer un accès n’a jamais été synonyme de terrain à conquérir mais bien d’un accord mutuel pour y sceller notre désir. Leur contact prenant bien plus d’ampleur sous le coup de cette règle muette, jamais énoncée mais dont la compréhension a été immédiate. La simplicité de la décision de venir les embrasser ne rendant cette zone à contourner que plus désirable encore. Tantôt en jouant avec délectation tantôt me tiraillant, en témoigne le nombre de fois où mes yeux n’ont pu se détacher de ses lèvres. Les embrassant de mon regard à défaut de pouvoir entrer à leur rencontre. De cet instant tant repoussé, la sensation de sa bouche épousant la mienne n’en est que plus électrique. Aucune tentative de contrôle de l’un sur l’autre n’est esquissé alors que mes yeux viennent à se fermer, mon corps tout entier épris de ce simple contact. La chaleur de ses mains soutenant mon dos comme il en est de la mienne entre ses omoplates, goûtant ses lèvres d’une intense subtilité alors que leur accès libéré se fait porteur d’une ardeur nouvelle. Fourmillement de mes sens, c’est ma respiration qui se fait plus profonde. Le rythme cardiaque qui s’accélère sous la pression du désir auparavant contenu, seulement à l’écoute de ce dernier qui me presse de crisper mes doigts contre les muscles du dos de Bonnie alors que les siens parcourent le mien allégrement. Ressentant leur chaleur à travers les fibres de mon t-shirt, appréciant l’alternance de leurs caresses et leur pression par moments plus vive qui viennent se saisir des plis de mon vêtement. Ce ne sont plus des baisers dont l’emplacement est prémédité, comme produit d’un calcul de l’endroit choisi. C’est à présent l’expression de l’exaltation seule. D’une chaleur brute mais non pas brusque. Intense. Frémissante.
L’étape du baiser dorénavant franchi, ce sont nos corps qui s’y perdent mais toujours à l’écoute de nos besoins. Celui de retrouver l’espace de quelques secondes les pupilles de l’autre alors que ce sont nos yeux qui se ré-ouvrent sous l’effet de la séparation de courte durée de nos lèvres. Les miennes venant s’humecter, comme goûtant encore à leur souvenir salé. Une séparation que pour mieux replonger sous les baisers et l’étreinte de l’autre. Car le pacte de notre désir enfin scellé, il n’est plus concevable de feindre la retenue. Et ce sont les mains de Bonnie qui viennent répondre comme un écho à cette dernière pensée. Ma peau déjà brûlante du ballet de ses doigts au-dessus des fibres de mon t-shirt, ce sont mes muscles qui se contractent au contact direct de ceux-ci. Et, tandis que mon autre main vient se saisir de son épaule dans une contraction involontaire, je sais que je ne suis déjà plus l’initiateur de nos mouvements. Constant va et vient de nos volontés qui s’accordent l’une sur l’autre, c’est sans trait de domination aucune que le flambeau en vient à être passé naturellement. Les actions se succédant avec une aisance delectable. Ses dernières phalanges qui s’enfoncent dans ma peau, son souffle chaud en cohésion avec le mien, un fin rictus qui s’imprime sur ses lèvres entrouvertes entre les miennes. Et c’est mon corps qui se rapproche encore au plus près possible de mon habile brun alors qu’il relâche son emprise sur ma lèvre inférieure prise en otage sous des morsures délicates. Cette proximité ne rendant ses mots prononcés que plus électrisant encore alors qu’il y divulgue ses intentions de vive voix. Ma réponse sur un même ton ne se faisant pas attendre sur le partage de ce souffle “...toute la nuit et une carte blanche comme neiges.”
Et ce sont de nouveaux mes yeux qui se ferment sous l’effet de mon émoi en ébullition, succombant à la déferlante de baisers de mon brun. Lui, rebondissant sur ces deux phrases à l’instant prononcées, cette ferme volonté de vouloir donner tort à mes homologues russes. Ma main se glissant de sa nuque à ses cheveux alors qu’il vient terminer sa course tout juste au dessus de mon col. Ca n’est que sentant la présence de Bonnie contre mon corps s’amenuiser que j’en viens à rouvrir mes yeux. Un fin sourire qui pare mon visage. Espièglerie et appétence dans le regard alors qu’il se découvre un peu plus à moi. Lenteur de ses gestes à la précision minutieuse. Et s’il n’y a jamais eu de précipitation, le rythme auparavant soutenu de nos échanges de baisers y est comme temporisé. Mais de ce rythme ralenti, la tension n’a pas faibli. Bien au contraire, c’est ce temps en suspens qui vient l’attiser. Mon propre désir se reflétant dans la lueur verte des iris de Bonnie toujours plus maître de lui-même. Ce contrôle non plus mis au service de sa volonté de résister, à présent orienté pour faire monter l’électricité que le contact de nos corps a émis dans l’atmosphère.
Malgré l’envie dévorante de hâter le déboutonnage de cette chemise de laquelle ses mains s’appliquent à en défaire les premiers boutons avec lenteur, mon désir réfréné, j’attends. Le contact visuel ininterrompu par aucun de nous deux, c’est avec une lenteur similaire que l’index de ma main en suspension se dépose sur le sternum de Bonnie que le col de sa chemise vient à peine de révéler. Le laissant défaire lui-même l’un après l’autre les boutons qui se succèdent, mon doigt continuant sa ligne de progression à chaque nouvelle parcelle de peau découverte à ma vue. Un léger mouvement de mon torse vers l’avant. Un pas succédant cette action. Plus que deux boutons. Ceux du bas de la chemise, recouvrant encore le bas de son ventre et la ceinture de son pantalon. Sentant les débuts des lignes de son abdomen finement sculpté frémir au passage de mon index continuant son tracé, c’est pourtant à cette étape que j’émets un arrêt, mon autre main se saisissant toujours avec lenteur de celles de Bonnie sur cet avant-dernier bouton pour l’enquérir de se stopper. “Ceux-là sont pour moi”. Chuchotement effronté, et ce sont mes doigts qui viennent s’activer sur cette chemise pour en défaire l’attache. Si proche que mes lèvres peuvent venir se déposer à la commissure de celles de Bonnie comme écho à une légère pression exercée sur son ventre tandis que le premier bouton est défait. Pesanteur semblable appliquée à l’ouverture de sa chemise sur le second et dernier bouton. Ce sont mes lèvres qui retrouvent tout à fait celles de Bonnie alors que ses mains viennent m’aider à faire glisser jusqu’au sol sa chemise.
Tombant sur le parquet entre la bibliothèque contre laquelle repose presque Bonnie et ses pieds, je ne laisse que très peu de temps avant de venir réveiller de mes mains la chaleur de son dos dont le tissus s’était emparé dans sa chute. Remontant avec aisance le long de de sa colonne vertébrale et de ses muscles dorsaux, langueur de nos langues qui se cherchent et se trouvent. C’est à mon tour de parcourir sa peau de baisers. D’abord fidèle à cette lenteur précédemment instaurée, soucieux de ne pas établir de rupture trop brutale. Puis descendant le long de son cou, pression plus vive de mes lèvres. Ma respiration plus forte se confondant à la sienne alors que ma bouche vient goûter sa peau. Découvrant sans plus d’obstacles ce que mes mains au-dessous de son haut m’avaient déjà laissé deviner. C’est à nouveau que la cadence s’accélère, mes mains passant de ses avants-bras aux épaules. Des épaules à ses omoplates. Redescendant le long de son dos que pour mieux regagner ses hanches et en détailler les lignes pour s’apposer contre son torse. Le soutien de ma paume auprès de ses omoplates devenu inutile puisque Bonnie maintenant maintenu par la bibliothèque, seule témoin de cet échange charnel. Et c’est un faible coup dans la bibliothèque inévitable alors que nous nous en sommes si imperceptiblement rapproché. Le dos de Bonnie à présent tout à fait contre ses étagères, une faible secousse provoquée qui parvient néanmoins à en faire tomber un livre venant s’échouer sur le côté. Pas de grand fracas susceptible de perturber l’instant, signal cependant suffisant pour me rappeler le nombre de livres de la bibliothèque et les verres précédemment déposés à leur côté. Profitant de la chute pour venir ralentir la cadence, c’est avec délicatesse que ma main s’empare du bras de Bonnie pour le tirer plus loin. L’entraînant à une distance plus raisonnable des étagères, un peu plus proche du canapé à proximité.
Ce n’est pas la première fois que Bonnie se retrouve dans une telle situation ; un verre à la main, dos au mur, face à une personne qu’il regarde avec envie. Et pourtant, tout est différent. Unique. Aussi puissant que cet alcool provenant des terres natales d’Andreï. Le jeune australien ne se laisse pas désarmer pour autant, déterminé à mener à bien ses désirs et à partager bien plus qu’un verre ou que des regards. L’aura émanant du scénographe pourrait en repousser plus d’un, les ténèbres de ses yeux impénétrables pour d’autres, son éternel air sérieux gravé sur ses traits, presque indéchiffrable. Lui a vu au-delà, immédiatement, subjugué par il ne sait quel maléfice. Le goût du défi, l'audace, il n'en manque pas. Le voilà encore à bloquer son regard d’émeraude dans le sien. Après un nouvel échange de mots, leurs mains se délaissent avec complicité des verres, leur attention respective n’a plus qu’à se porter sur l’autre. Et Ambroise s’avance, lentement, s’approchant dans cette chaleur qu’il recherche. Ses lèvres effleurent la mâchoire sur leur chemin jusqu’à l’oreille, où sa voix sait se faire défiante, doucement envoûtante. Sa main accroche le tissu, tirant bientôt à lui alors qu’il se recule davantage contre les étagères emplies de livres. Un ballet entre eux, chacun leur tour ils font un pas dans cette soirée, ils avancent petit à petit, libérés de la contrainte de l’horloge.
La nuit s’étale devant eux, les heures les drapent de cette langueur, renforçant cette tension. Les voix se mêlent aux gestes, et Bonnie n'est pas insensible au timbre rauque du russe, auquel il répond presque immédiatement avec la même lascivité. Ce n'est que le début encore, il ne compte pas s'arrêter là, ou se contenter de peu ; mais qu'il l'affirme à voix haute procure quelques effets sur Andreï. Le doute n'a plus sa place, tout a bien basculé. L'australien, auparavant, tenait son désir sous contrôle, jouant comme il le voulait, s'approchant des flammes pour mieux s'en éloigner. Prenait plaisir à regarder cet homme agir pour le faire plier, tout en sachant pertinemment la conclusion de cette histoire. Mais si pour un autre, il aurait pu finalement estimer que ça n'en valait pas la peine, et le repousser tout bonnement, Andreï était différent. Et ce détail en plus, unique, changeait tout. D'autant plus que le désir, chez l'un comme chez l'autre, n'avait fait qu'augmenter au court du temps. Cette étape franchie, il ne reste donc à Ambroise qu'à tout faire pour atteindre ses espérances – leurs espérances. C'est à son tour de s'activer, de toucher enfin, de saisir, de charmer. Non plus seulement par touches furtives, par appâts pour garder l'attention de son inconnu, mais bel et bien en baissant les barrières mises en place. Il n'attendait que ça, aussi, pouvoir laisser libre cours aux envies de son corps qui le consument. Corps qui le trahit, d'ailleurs. Corps dont la résistance s'étiole petit à petit à mesure que s'approche le moment fatidique de non-retour. Quoique, ce point précis dans le temps peut être assimilé au moment où leurs regards se sont accrochés.
Dans le même temps, Andreï n'a pas de raison de changer ses habitudes, et il ose toucher la peau nacrée. N'ayant plus besoin d'y aller doucement de peur de le voir s'envoler, mais simplement par souhait de faire durer le moment. Glisser ses mains sous la chemise pour caresser son dos, l'effet est immédiat, l'étudiant ne peut y résister. Un frisson le secoue délicieusement aux paroles plus évocatrices du scénographe, qui sait que faire ensuite. Ses lèvres se déposent une première fois sur la peau tendre de son cou, ils sont si proches. Bonnie ferme les yeux un instant, se mordant la lèvre pour retenir le gémissement qui viendra forcément se faire entendre. Le même schéma se reproduit, ou presque ; après avoir goûté sa gorge Andreï ne laisse guère de place alors que ses lèvres sont à présent à un souffle de celle du jeune brun. L'idée de fuir comme la dernière fois est inexistante. Il n'attendait que cela, que ce moment précis où il défaille, se perd. Sa volonté a changé de toute façon, il ne veut plus gagner, car il a déjà perdu. L'idée de fuir comme la dernière fois est inexistante. Il n'attendait que cela, que ce moment précis où il défaille, se perd. Le mur existant lors de cette dernière soirée en boîte de nuit a disparu pour de bon. La lueur qui brille dans les yeux verts n'est plus défiante, combative. Elle est sereine, et toute aussi lumineuse.
Il accepte l'abandon à ses lèvres fines qui s'approchent, instaurant lui-même l'ultime mouvement qui finit par les lier, dans un espace que le temps n'atteint pas. Concept de physique inconnu, nouvelle théorie ; comment une personne peut donner l'impression de se retrouver dans une autre dimension, comment le temps peut se distordre. Bonnie a conscience de tout dans les quelques secondes menant à ce premier baiser si lourd de sens et si léger à la fois. L'appréhension enserrant son ventre disparait, la fièvre le prend alors qu'un frémissement le pousse à recommencer. Encore. D'ordinaire, seul son désir compte, seul le corps de l'autre est intéressant, seul le plaisir qu'il va en retirer. Un baiser n'est synonyme de rien pour Ambroise, juste un autre moyen d'entrer en contact avec l'autre. Or avec son russe, les lignes ne comptent plus, ce qu'il connaissait n'est plus valable. C'est un autre vocabulaire pourtant constitué de mêmes gestes qui s'est créé entre eux, connu d'eux seuls. L'australien s'agrippe au dos d'Andreï, découvrant à son tour son corps, glissant bientôt sous le t-shirt gênant pour poser ses mains sur les muscles fermes. Le tout, sans cesser de l'embrasser, car une fois cette étape franchit, plus rien d'autre ne compte. C'est pour cela qu'il n'avait jamais voulu s'approcher aussi prêt, qu'il avait toujours fit un pas en arrière, qu'il avait toujours maintenu sa bouche à distance. Narguant Andreï au passage, son regard qui trahissait ses envies à chaque fois qu'il se portait sur les lèvres narquoises de l'étudiant (et rien que ces iris dévorantes parvenaient à lui donner chaud). Car au fond de lui, Ambroise avait toujours su qu'une fois qu'il aurait goûté à ces lèvres, il ne pourrait plus s'en séparer, et qu'il aurait perdu.
Sa fierté l'empêchait d'avouer combien son attirance était puissante. Leur jeu a trouvé sa conclusion, avec la promesse, mais ça n'en est pas moins vrai ; il s'abandonne contre cet homme magnétique. Et tout se fait naturellement. Pressé contre lui, devinant son cœur battre aussi fort que le sien, Ambroise n'est pas pressé pour autant. Les quelques secondes de délicatesse du début se sont transformées. Personne ne prend le pas sur l'autre, c'est une découverte pour chacun, l'entrée d'un nouveau monde. La sensation a été enivrante dès l'instant où leurs lèvres se sont rencontrées, et s'intensifie d'avidité. La chaleur, les frissons. Affaibli par cette main pesante au creux de ses épaules et renforcé par l'ardeur qui lacée à leurs baisers qui font sans raison aucune. Aucune pensée autre que celle de le ressentir davantage contre lui ne traverse l'esprit analytique d'Ambroise. Aucune prévision, aucun calcul. Première fois que ça lui arrive, mais, enveloppé par cette chaleur intense, il n'a pas peur. Trop occupé à se délecter de cette bouche qu'il attendait si patiemment. Il sent Andreï frémir violemment sous ses paumes, la contraction de sa main sur son épaule le fait sourire sous le baiser. A peine le temps de reprendre son souffle, de se plonger dans la familiarité de ses pupilles sombres, et leur ballet reprend. De plus belle. Le silence se pare de leurs souffles profonds, du bruit infime des vêtements qui se froissent, des paumes qui découvrent.
Ambroise mordille la lèvre inférieure, taquin, avant de se reculer de quelques centimètres. Pour pouvoir souffler contre les lèvres dont le goût imprègne encore les siennes qu'il a toute la nuit pour faire ses preuves. Dans le même souffle le scénographe lui indique qu'il a carte blanche pour cela. Un sourire en coin furtif, une brillance joueuse dans le regard, et le plus jeune part découvrir son cou, dévorer lascivement sa peau alors qu'il peine à se détacher de lui, quand bien même cela sera inévitable pour la suite. Il a le plaisir d'assister au laisser aller d'Andreï, qui le laisse faire. De sa main qu'il glisse sur sa nuque pourtant, il parvient à faire frissonner Ambroise. Obligé de s'arrêter à cause de la limite imposée par le col de son t-shirt, celui-ci se recule alors, trouvant là le signe adéquat. Le contact visuel se réinstaure de lui-même, pour ne jamais se rompre. Adossé contre la bibliothèque, il a y juste assez de distance entre eux pour qu'il puisse commencer à déboutonner sa chemise. Le regard espiègle, il imprime une lenteur calculée à ses gestes, maîtrisant son envie d'accélérer la cadence puisque la tension ne fait que grimper davantage. Il prend son temps pour défaire un à un les boutons, bientôt rejoint par l'index du russe, réfrénant aussi son impatience, qui suit le chemin de sa peau qui se dévoile. Alors que la fin approche, Andreï fait un pas, et retient avec douceur le poignet de Bonnie. Murmure. Les deux derniers seront pour lui. Rougissant, encore sous l'effet fébrile de la ligne dessiner sur son torse, Bonnie se mord la lèvre inférieure en délaissant son œuvre.
Soupire contenu. Pression sur son abdomen. Au coin des lèvres. Les yeux mi-clos, ne lâchant pas ceux d'Andreï, Ambroise entrouvre la bouche, avide d'un nouveau baiser mais n'allant pas le chercher. Le contact ne se produit pleinement qu'au moment où le dernier bouton cède sous les doigts du russe, et il vient immédiatement l'aider à enlever cette chemise désormais bien superflue. Puis il lui laisse le champ libre d'user de ses mains comme il le souhaite. La fraîcheur venue sur son dos dénudé est vite repoussée par le scénographe. Ses mains glissent de ses bras jusqu'à entourer sa nuque, son corps s'arquant contre le sien alors qu'Andreï marque chaque muscle de son passage ensorcelant, sa langue cherchant son homologue avec avidité. Il est frileux sous ses grandes paumes qui l'enflamment pourtant partout où elles se posent, caressent. Son dos, sa colonne vertébrale, bientôt les avant-bras puis les épaules, de nouveau les omoplates pour glisser sur ses hanches et finir par remonter sur son torse. Aucun obstacle, aucune retenue. Ambroise se laisse faire, autorise la distance pour faciliter la tâche à Andreï, qui vient à le coincer contre la bibliothèque. Et ce léger coup fait tomber un livre. Il est tout juste ramené à la réalité pour se trouver guider plus loin, tirer par le bras alors que les mouvements retrouvent un rythme plus lent que précédemment. Il suit le mouvement, reposant son regard dans celui d’Andreï avec une flamme déterminée.
Il cherche le contact, ses mains s’orientent sous le t-shirt, une nouvelle fois, connaissant le chemin. Ses doigts se posent sur le ventre, puis remontent légèrement vers le torse. Il aurait bien envie de lui retirer son vêtement, et se demande alors ce qui l’en empêche. L’éloignement lui déplaît mais devra durer encore quelques instants. Ses yeux verts sourient, alors qu’il attrape le bas du t-shirt. La compréhension est rapide. Il commence à le remonter, et son regard dévie seul, de sa propre volonté, sur torse qui s’offre bientôt. Il hésite à descendre y déposer ses lèvres, et son envie est palpable dans le pas qu’il fait pour s’approcher. Avec l’aide du russe, le haut se retrouve rapidement jeté sur le côté, quelque part, vers une destination dont ils se soucieront demain matin. D’abord c’est le souffle qui lui manque une seconde, ses mains vont à la rencontre de la peau nouvellement découverte sans attendre. Elles en dessinent le moindre muscle, en rencontrent la moindre parcelle, alors que l’australien est assez proche pour goûter à sa peau sans limitation. Partant du cou, il descend jusqu’au niveau des clavicules en courts baisers. Il ne se retient pas de parcourir son torse, son dos, ravi d’être débarrassé du t-shirt inutile qui ne faisait que le gêner. Et le priver de cette vue sublime. Mais avant d’aller encore plus bas, il relève ses iris émeraudes, et exerce une pression sur le torse d’Andreï pour le pousser à se reculer encore. Jusqu’à ce que l’arrière de ses genoux touchent le canapé derrière lui. Il est resté encore très proche de lui jusqu’à ce qu’il s’assoie, et il reste debout encore un instant. Le manque de chaleur est flagrant, mais il le supporte. Pour une fois, il doit baisser les yeux pour fixer son cher russe, et cela lui fait esquisser un léger sourire, aux accents carnassiers. Il l’observe un court moment avant d’aller le rejoindre, se satisfaisant fort bien du déroulé de la soirée. C’est de bon augure.
Ses genoux prennent place de part et d’autre des cuisses de son amant mais il reste droit pour le moment, surplombant. Il encadre le visage carré d’Andreï de ses paumes, caressant ses pommettes furtivement alors qu’il se penche pour récupérer ses lèvres. Prenant son temps. Ses mains rejoignent bientôt la nuque, l’arrière du crâne, et il pousse un réel soupire alors que ses doigts rencontrent enfin ses boucles tant étudiées. Il lui semble en avoir rêvé, mais leur douceur ne serait pas comparable à ce qu’il aurait pu imaginer de toute façon. Il s’assoit totalement sur lui à présent, de tout son poids, approfondissant le baiser comme il se doit. Encore, toujours, les mains chaudes du scénographe le font frémir, et il s’accroche davantage à ses cheveux. Se presse davantage contre lui. A la recherche de toujours plus contact. Il ne sait réellement pas comment il fait pour maintenir un rythme sans trop de précipitation, mais il ne sait pas s’il va tenir encore longtemps alors qu’ils s’embrassent sans fin. Pourtant, cela s’accélère petit à petit, leurs baisers désordonnés sont pourtant sans brusquerie. Il profite de chaque baiser, de chaque caresse, trouvant leurs effets plus puissants. Sa respiration en pâti mais il n’en a cure. L’une de ses mains restent dans ses cheveux bruns, rompant l’ordre des boucles, tandis que l’autre revient à sa nuque, le haut de son torse. Il a envie de le sentir, de le toucher, partout. Et il n’y a pas besoin de mots pour faire comprendre cela. La fièvre dans ses yeux, la rougeur sur ses joues, le rythme de son cœur, la langueur de ses baisers ; il a rarement été dans un état pareil.
Maintes fois déshabillé de mon regard, mon imagination prenant le relais alors que mes yeux détaillaient les lignes du corps de Bonnie dissimulé sous sa chemise, l’effet est pourtant tout autre que de le voir concrètement se dévêtir. Temps de contemplation succédant à l’ivresse provoquée par une déferlante de baisers, nos mains se joignant aux lèvres malgré l’entrave du tissus de nos vêtements. La distance nouvellement instaurée par Bonnie n’est pas synonyme d’un temps mort dans l’expression de notre désir mutuel, bien au contraire. Et ce sont mes mains encore frémissantes que je dois retenir pour ne pas presser les doigts de Bonnie qui s’évertue de défaire avec langueur chaque nouveaux boutons de sa chemise. Laissant seulement mon index joueur goûter aux prémices de son torse, se rapprochant un peu plus de l’instant fatidique où plus un seul bouton ne retiendrait le vêtement. Calcul avisé, c’est ma main qui prend cette fois le relais de la sienne, Bonnie à présent lentement dépossédé du poids du textile sur ses épaules avant de venir combler ce manque de ma paume. Cet instant tiraillé entre tension et suspension laissant la place à une deuxième salve de baisers, le coup d’envoie donné au doux contact de nos lèvres à peine retrouvées. Un contact dont la douceur est bientôt rejoint par une ardeur affirmée à l’intensité crescendo.
Le parquet accueillant déjà la chemise de Bonnie, c’est bien vite qu’il se fait support d’un nouvel élément pareillement emporté par la gravité. Un livre au sol témoignage du vertige qui nous entraîne tous deux, sa chute comme réaction en chaîne de mon corps contre le sien, de son corps tout contre la bibliothèque. Une chute nous faisant reprendre conscience l’espace d’un instant des objets qui nous entourent comme du lieu dans lequel nous nous trouvons. Mon salon se faisant refuge de notre désir, couvant nos envies alors que ma main vient se saisir du bras de mon brun pour nous rapprocher d’un espace de choix : mon canapé. Nous reculant un peu plus, sa marche se succédant à la mienne telle une danse dont nous connaîtrons déjà les pas. Là où mes pieds connaissent déjà le chemin pour nous guider jusqu’à l’objet désiré, ça n’est que pour faire renaître la vision de la flamme de désir dans son regard en écho au mien que mes yeux se rouvrent. Et si c’est sous l’effet de mes caresses que j’ai senti la température corporelle de Bonnie augmenter, le réchauffant en dépit de l’absence de chemise, je sais qu’il n’est déjà plus besoin de mon t-shirt pour conserver la chaleur de mon propre corps. Le chemin emprunté par sa main le long de mon ventre jusqu’à mon torse qui vient me tenir en apnée, nouveau déclencheur d’une envie : me délester à mon tour de mon haut sous ses doigts agiles.
Un regard, un sourire. C’est tout ce dont il me suffit pour deviner les intentions de mon brun. Ses yeux luisant d’une lueur espiègle toujours à porté de ma compréhension : je n’aurais pas besoin de me faire prier pour me retrouver de la même façon à la merci de Bonnie, le torse dévoilé à son regard, ma peau ne réclamant qu’une chose; le tracé de ses doigts le long de ma peau, sa paume brûlante sur mon corps à demi-nu. Et ce sont ses yeux que je perçois dévier de leur trajectoire, auparavant plongés droit dans les miens, à présent dérivant un peu plus bas. Là où mon t-shirt est relevé par ses doigts agiles d’une attention délicate. Et alors que la retenue animait nos actions, envieux de faire durer l’instant et monter le désir chez l’autre à la limite du possible, il n’est à présent plus question de se réfréner. Ma respiration qui s’accélère sensiblement alors que Bonnie en vient à agripper les pans de mon t-shirt, c’est bien vite que celui-ci vient rejoindre sa chemise et le livre de ma bibliothèque au sol dans un bruit étouffé. Désir charnel qui vient répondre à ma respiration feutrée et saccadée : celui de sentir les lèvres de Bonnie parcourir ma peau librement et d’en connaître chaque détails. Tantôt me rigidifiant sous l’effet d’un frôlement bienvenue, tantôt m’abandonnant entre ses phalanges tactiles et ses baisers qui ouvrent la voie plus bas. Toujours plus bas. Comme étirant le temps alors que c’est mon souffle qui se raréfie. Ne me libérant de cette apnée qu’à l’instant où mes pupilles viennent rencontrer les siennes et m’y perdre une énième fois de plus. C’est sans peine que je viens céder à la simple pression des doigts de Bonnie contre mon plexus m’inclinant à reculer de quelques pas. Trois. Trois qui sont suffisants pour que j’en vienne à buter contre le rebord de mon canapée, me stoppant net avant que mes genoux ne cèdent sous l’impulsion de ce faible choc, laissant ce coup entrer en résonance avec la nature de mes réflexes. Mon regard qui surplombait de quelques centimètres celui de mon brun à présent relevé vers le sien. Et c’est le rapport de force qui s’inverse comme l’effet d’un vase communicant sous l’effet d’un geste, d’un regard et d’un désir brut mais non pas brutal. La douceur cédant sa place à des actions bien plus affirmées et décidées qui ne sont pas pour me déplaire.
Glissant le long des bras de Bonnie alors qu’elles encerclaient son dos et sa nuque, ce sont mes mains qui se posent de part et d’autre du canapé, ma cage thoracique se soulevant au rythme de ma respiration profonde et dense. Laissant mes lèvres s’humecter l’une contre l’autre en réponse à son propre regard et sourire d’une possession narquoise. Me surplombant jouissivement encore quelques instants, je sais à cet instant même que les rênes sont dans ses mains. Répondant par un regard équivoque à son sourire, c’est enfin de son dos dont mes mains peuvent à nouveau se saisir alors que son propre poids vient se superposer sensiblement au mien à califourchon sur mes cuisses. A mon tour de fermer le premier les yeux, seulement concentré sur la précision de ses gestes autour de mon visage. Ses mains passant au travers de mes cheveux, encore si légères en écho à la fine pression de ses lèvres retrouvant les miennes. Volupté de ses doigts tirant nonchalamment sur mes boucles alors que l’intensité du baiser reprend de plus belle. Plus profond et langoureux que ne le pouvaient être ceux échangés auprès de ma bibliothèque.
Toucher son corps, sentir sa peau, goûter, mordre ses lèvres, écouter sa respiration se contenir pour finalement se libérer en d’irrégulières expirations. Se sont tous mes sens qui se trouvent décuplés, celui de la vue laissé de côté le temps du frémissement de mes paupières closes, laissant libre court à nos envies pour s’exprimer. Accélérant le rythme de cette même compréhension mutuelle, ce sont nos baisers qui se font plus anarchiques, toujours sans violence aucune quoique plus en force. Le serrant un peu plus contre moi de mes mains dans son dos comme un contre-poids pour ne pas perdre l’équilibre et tomber à la renverse sur le canapé. Ce sont des légers mouvements de bassin qui viennent à être entamés sous les coups de l’accélération de la rencontre de nos lèvres, de nos langues qui se lient et se délient dans une fiévreuse osmose. Esquissant un simple mouvement de buste vers l’avant afin de me rééquilibrer et libérer mes mains de leur rôle de tuteur, ce sont ces dernières qui redescendent le long de l’échine de Bonnie pour ne s’arrêter cette fois plus à l’encolure d’un t-shirt mais à la tranche d’une ceinture. Un fin sourire se dessinant sur mes lèvres toujours accrochées à sa bouche tandis que se sont mes mains qui contournent le cuir de la ceinture pour y atteindre le devant de la boucle. La faisant coulisser dans un cliquetis métallique le long des attaches de son jean par accoups maîtrisés. Un nouveau bruit. Celui de la ceinture de Bonnie glissant le long du sol alors que mes propres mains se glissent le long de ses cuisses. Empruntant un chemin détourné de la conclusion de son dos à ses jambes le long de son jean.
D’une respiration bien plus incontrôlée, mes gestes n’en sont pas moins précis et assurés. Un nouveau but en tête fleurissant sur l’un déjà accompli : si la liberté nous a été donnée de pouvoir pleinement profiter du torse de l’autre, le débouclage de ceinture n’est à présent qu’une étape entraînant le reste. Et c’est avec la même dextérité que la mienne suit le chemin de la sienne, simplement débouclée par mon brun, mes doigts venant s’ajouter aux siens. Suspendant de nouveau le temps pour venir réfréner le désir d’ôter son jean, c’est profitant encore un peu du confort de la position que ma main parvient à se glisser sous la poche arrière de celui de Bonnie. Chaleur nouvelle du contact de cette main épousant sa courbure coincée entre les deux tissus du jean et du caleçon de ce dernier. Ma bouche quittant ses lèvres pour son cou avant de venir replonger mon regard dans le sien. Et c’est mon doigt qui regagne le bouton de son pantalon. L’unique. Précédant une fermeture éclair que la position empêche mon poignet d’atteindre. Et c’est ma main libre qui vient se saisir de l’épaule de Bonnie, l’inclinant à se relever, mes yeux d’une lueur vibrante dans les siens. Frôlant ses lèvres, mes mains tout à fait à plat contre son torse alors que ce sont nos corps qui regagnent la verticale. Cette nouvelle posture m’offrant la liberté nécessaire pour défaire la fermeture de son jean, me rapprochant encore. La bouche entrouverte, si proche. Sentant son souffle parcourir la surface de mon torse alors que mes lèvres viennent se poser contre le sien. Prolongeant la ligne entre ses abdominaux, le nombril comme limite à ma lente progression. Assez bas cependant pour venir en aide à Bonnie à ôter dans un dernier effort son jean. Un dernier regard, me replaçant à son niveau. Mes mains remontant le long de son fessier, le contact de mon propre jean contre ses jambes à présent bien plus agréable, le tirant vers l’autre côté du canapé bien plus grand dans sa longueur.
Les marches se franchissent petit à petit. Sans empressement. Le plaisir d'enfin se découvrir est suffisant à certains moments. Poser un regard sur cet homme avec la certitude profonde que la nuit entière s'étale au-devant. Bonnie en a rêvé. Endormi ou éveillé. Mais ce moment en songe n'atteint pas la cheville des minutes toutes plus délicieuses les unes que les autres. Se dévoiler à présent, retirer sa chemise avec une lenteur empreinte de taquinerie pour aguicher Andreï, qui ne résiste pas à lui apporter son aide. Un brin autoritaire, décidé à faire lui-même basculer ce vêtement. La tension en lui, de pouvoir détailler en entier ce torse qu'entrevue par bribe, est presque palpable, dans ces gestes fermes, sans faille. Un frémissement d'Ambroise en réponse, alors qu'ils se retrouvent en baisers. Les temps morts n'en sont pas, et servent d'ailleurs à contempler l'autre, si inconnu jusque-là et pareillement si proche. Il n'a pas l'impression de ne pas connaître le russe, et pourtant ne pourrait pas citer ses préférences culinaires ou littéraires, ou ses habitudes matinale. La compréhension qu'il a de lui va comme au-delà ; des regards qui échangent, des corps qui se complètent, des gestes qui s'harmonisent, des mots qui deviennent inutiles. Même la chute d'un livre ne parvient à rompre le moment, elle amorce un départ vers un autre endroit, bien que marquant la séparation entre leurs corps qui venaient de se retrouver. Le canapé, lieu plus propice pour continuer leurs infinies découvertes, est désormais leur but.
L'ardeur retrouvée dans les baisers, qui monte graduellement depuis la douceur première de cette étape si longtemps recherchée et interdite, sévit dans leurs iris qui ne se lâchent qu'à contre-cœur. Séparé de la chaleur du scénographe, qui était venu remplacer celle de sa chemise, Bonnie lutte pour ne pas retrouver le creux de ses bras. Il a tellement chaud intérieurement qu'il en a froid à présent, d'être torse-nu et privé d'Andreï. Mais il a autre chose en tête, et met son plan en application avec la même témérité que celle du bouclé pour défaire sa chemise. Caressant son dos, ses flancs, glissant à nouveau sous le t-shirt pour apposer ses mains à même la peau, remonter lascivement le vêtement... Laisser ses yeux dériver plus bas, suivre le contour des muscles dévoilés... Une lueur dans le regard s'allume juste avant qu'il ne saisisse le tissu à pleine main pour le dégager de son champ de vision. Il peut enfin profiter de la vue, et s'en mord la lèvre inférieure pour éviter un ronronnement. Un soupire tout juste contenu, puis ses lèvres reviennent à la charge, non pas pour la bouche mais pour la peau. Ils n'ont largement plus besoin de vêtements pour avoir chaud, à quoi bon les garder. Les caresses suffisent, et font même augmenter l'échauffement des corps. Andreï se laisse agréablement faire, à son tour receveur d'attentions. Bonnie verra plus tard pour observer à sa guise ce magnifique torse, et préfère l'embrasser en premier lieu, goûtant avec délice en différents endroits enfin accessibles. Clavicules, sternum, pectoraux, un peu plus bas encore. Ses doigts cherchent à retenir toutes les parcelles qu'ils touchent. Et si la retenue était de mise, c'est de moins en moins le cas.
Ayant ralenti leur progression à travers le salon, c'est le plus jeune encore qui décide de reprendre l'accord de leurs pas. Telle une valse, une danse, un ballet qu'ils partagent sans s'en rendre compte. Un dernier éloignement pour reprendre leur étreinte, Bonnie en manque de sa proximité, pourtant alléché par la vision soudaine de le voir plus bas que lui, désormais assis sur le canapé. Andreï en devient moins imposant, tout aussi désirable. Leurs dix centimètres d'écart s'échelonnent maintenant dans l'autre sens et il serait mentir que de dire que le scientifique n'aime pas cela. Comme un nouveau paysage. Une façon de l'observer encore inconnue jusque-là. Un sentiment de contrôler la situation qui lui plaît tout autant que de savoir qu'il se laisserait capturer en un claquement de doigts. Puis il le rejoint, se plaçant à califourchon sur ses cuisses, et y trouvant sa place sans problème. Ses mains s'échappent sur la nuque, puis les boucles, alors que ses lèvres d'abord délicates réaffirment un baiser plus langoureux, écho à son corps qui se raidit légèrement sous les caresses. Leurs respirations mêlées ont un rythme propre, entre profondeur et brièveté, entre soupire et retenu. Pressé contre lui, Bonnie a seulement conscience d'Andreï, de son corps, de son odeur, de la sensation entière qui enveloppe ses sens.
Le russe n'est pas en reste, tout aussi avide. Ils prennent encore leur temps, car tout deux seraient capables de passer à la vitesse supérieure sans attendre, mais aucun ne souhaite précipiter les choses. Pourtant la lenteur n'est plus à l'ordre du jour, leurs baisers en témoignent. Ils s'égarent en une flamme qui grandit, quelques minutes, l'un prenant le pas, puis l'autre. Un Ambroise qui n'a décidemment que peu de contrôle lorsque les larges mains de son inconnu s'attardent dans le creux de ses reins et que ses dents se font dangereuses. Bordel. Pas de précipitation pourtant, pas de désordre violent, mais une fermeté plus prononcée d'un désir qui gronde comme le tonnerre. Leurs agissent seuls, aussi, en coups de bassins légers mais équivoques. Incontrôlables. Un souhait d'obtenir davantage. Le jean trop épais. Il devine plus qu'il ne voit le sourire. Mais l'effet est identique. Les mains d'Andreï se glissent désormais comme des serpents de long de la tranche de sa ceinture pour en atteindre la boucle au-devant, le forçant à se reculer un peu. Un léger grognement de frustration lui échappe, alors que, ses bras entourant à présent les épaules du scénographe, il revient à la charge pour un nouveau baiser. Estimant qu'il n'a pas besoin d'y voir pour être efficace. Et il a raison, lorsqu'il ressent le cuir contre sa taille s'échapper des passants. Le reste n'est qu'une suite logique, une étape, des mouvements qui se comprennent en silence. Déjà effectués plus d'une fois, mais uniques. Ambroise a l'impression de les redécouvrir alors que ses doigts fins descendent à leur tour sur la boucle de ceinture. Débarrassé de la sienne, il n'a plus en tête que de s'occuper de celle d'Andreï.
Embrouillé pourtant par une chaleur qui lui monte du centre, premier résultat des mains explorant ses cuisses, le jeune brun lutte un peu. Si la boucle n'a pas posé de problème, il ne refuse pas l'aide d'Andreï pour la suite ; peur d'un à-coup, d'une brutalité qui ne lui correspond pas mais qui serait attendu du léger tremblement de ses mains. Il a plus de mal que son russe à tenir les rênes de lui-même, d'où la nécessité pour ses doigts d'agripper quelque chose dans le moment de flottement. Ça sera ses épaules. Car le bouclé choisi de glisser une main entre le jean et le sous-vêtement, faisant naître un frisson dans tout le corps de Bonnie. Instinctivement, son bassin s'est rapproché du sien sous l'effet de sa paume. Sa bouche libérée, il se mord la lèvre, les yeux toujours fermés et la nuque légèrement penchée pour en faciliter l'accès. Andreï a juste la bonne clé. Chaque marche franchie est assimilée avec quelques secondes, permettant de profiter de l'instant, mais il voudrait que cela dure encore un peu. Seulement, il n'a plus les commandes, et son russe plonge de nouveau son regard hypnotisant dans le sien. Au sud, son bouton est détaché, mais impossible d'aller plus loin sans se relever. C'est obéissant qu'il se remet debout, une caresse sur ses lèvres nullement assez pour satisfaire son besoin de proximité, mais il s'en contente. Ses mains se posent sur ses bras. Pourtant si proche il se refrène à un nouveau baiser pour ne pas perturber les plans de son amant.
Il le laisse agir, défaire finalement son pantalon et l'accompagner au sol. Une nonchalance retrouvée alors que les lèvres d'Andreï s'offrent le luxe de parcourir le torse imberbe. Il suit la descente du jean, participe à son enlèvement total, puisque Ambroise aurait eu du mal à s'en délester seul. La respiration compliquée, prenant comme support les épaules de l'homme, il se retrouve désormais en boxer uniquement, frémissant comme sous l'effet du froid alors ce sont simplement les paumes réchauffées du scénographe qui remontent vers le haut, tout comme lui. Un nouveau bonheur que de le sentir contre lui, entaché cependant par la présence encore de son jean, mais une perte de contrôle qui trouble encore les yeux verts. Il se sent tiré vers l'avant, collé à celui qui amorce leur prochaine destination. Glissant une main sur sa nuque, encore alangui, il vient l'embrasser de nouveau ; pas d'avidité cette fois-ci, l'unique besoin de le retrouver. Un pas de plus. Un autre. Sa seconde main parcourt les côtes pour venir s'accrocher à la taille du pantalon et c'est en l'attrapant par-devant qu'il empêche son cher Andreï de reculer davantage. Ou de tourner, ou d'avancer, ou de faire quoi que ce soit. « Et où penses-tu aller comme ça... » murmure-t-il contre sa bouche, alors que ses doigts récupèrent de leur agilité pour déboutonner le premier obstacle. Puis abaisser le second.
Il a tout autre chose en tête que de se rassoir, même s'il a foutrement envie de se retrouver dans une position plus horizontale. Bonnie reprend la main, mais ça ne sera pas pour son plaisir personnel. Enfin, pas entièrement. Il capture une dernière fois la bouche d'Andreï, avec une énergie renouvelée. Dans le même temps, il fait glisser le pantalon sur ses hanches, ceci sans empressement. Ses mains s'aventurent un instant à l'intérieur, effleurant cuisse et fessier alors qu'il se presse de tout son corps contre lui, son souffle chaud qui s'échappe contre sa gorge. Un baiser là, dévorant, qui entame une ligne dérivant en direction du bas. Il ne s'arrête pas cette fois-ci, déposant ses lèvres en mille endroits le long de cette ligne centrale qui le guide. Avec lui s'en va le jean. Mais pas entièrement. Ambroise se retrouve finalement à genoux, esquivant avec précision le centre du désir d'Andreï pour se focaliser sur l'intérieure de la cuisse. Ça n'est qu'un jeu, avec ses nerfs, puisque ses mains remontent par derrière jusque dans le bas de son dos, et ses lèvres effleurent la limite du sous-vêtement. Puis se déposent innocemment contre son bas-ventre. Souriant sous la sensation des muscles réagissant au contact délicat de sa langue, il relève ses yeux verts. Le jean n'est pas encore tout à fait enlevé, laissé aux mollets, ce qui l'empêche de fuir pour le moment.
Regardant le russe sans faillir, d'un nouveau baiser brûlant il place ses doigts à la frontière haute du sous-vêtement. « Puis-je... ? » Il n'attend guère de réponse, mais en obtient une quand même. Ses dents se dévoilent dans un sourire de gamin prêt à recevoir un jouet tant attendu, une friandise. Et l'analogie est absolument volontaire, d'où son léger rire alors qu'il embrasse de nouveau sa peau. Il se recule ensuite, un dernier regard, et la dernière barrière qui s'enlève sous ses gestes précis. Le coup de chaleur est violent, même si ce n'est qu'avec les yeux qu'il touche à cette partie de l'anatomie qu'il n'avait qu'imaginé. Davantage de concret. Une de ses mains relâche le tissu. Incapable de faire autrement, d'attendre qu'il soit entièrement dénudé pour toucher le scénographe, le dos de ses phalanges remontent le long de sa cuisse, glissent sur l'intérieur un instant et puis reviennent en arrière. Toujours sans toucher l'objet de son désir. Ambroise se sent terriblement à l'étroit lui-même, alors que tout devient si réel. Mais il ne perd pas de vu son objectif. Ses iris remontent le long du corps dévoilé pour se bloquer dans les yeux d'Andreï, assombris encore si possible par l'envie. Le fixant de sous ses longs cils noirs, sa langue vient humidifier lentement ses lèvres, alors qu'il approche son visage. Mais simplement pour déposer sa bouche au niveau de l'aine.
Et puis. Il se déplace. Un premier souffle, une première caresse. Un premier baiser juste là. Un premier coup de langue. Il n'est pas des moins doué pour cela... Il faut dire qu'être un homme aide globalement à deviner et comprendre ce que l'autre veut lorsque cela fonctionne de la même façon. Mais il sait aussi y faire, et, cette fois-ci, il a surtout envie de lui faire plaisir avant toute chose. Tout en prenant sa part au passage, mais il y est moins accroché. Peut-être car il estime déjà être servi quand chaque passage de ses doigts sur sa peau l'électrise. Peut-être parce que c'est Andreï, aussi, tout simplement. Bonnie n'est guère timide, et en telle situation, ça n'est pas parce que ses genoux sont à terre qu'il ne maîtrise pas les choses. Sa lenteur est préméditée et il ne manque pas de nombreux coups d'œil pour saisir chaque expression. Y trouvant satisfaction personnelle. Petit à petit, il l'entoure davantage de sa bouche. Quelques mouvements calculés de va-et-vient, rien de brutal loin de là, et il change d'angle. Sa main vient s'y ajouter, apportant d'autres sensations à la base pour le contraste. Mais ses lèvres et sa langue sont les plus actives, les plus justes, les plus doués. Son regard lui, est franc quand il rencontre celui d'Andreï. Fort et faible tout à la fois.
Pris en tenailles entre le canapée et Bonnie comme une réponse directe à mon brun acculé contre la bibliothèque, ce sont nos rôles qui s’inversent à l’image de notre petit jeu. Tantôt l’un tenant l’autre dans les mailles de son filet avant de se rendre compte que c’était l’autre qui menait la danse depuis le début, c’est avec naturel que nos rapports de force viennent à s’échanger. Et, pourtant d’un habituel dominant, je me plais à jouer de cette versatilité nous ouvrant la voie vers un champs de possibles bien plus vaste. Laissant tout le loisir à Bonnie de me détailler sous ce nouvel angle, mes yeux remontés vers les siens traducteurs de cette envie de le voir prendre la place qui n’attend que lui. Place qu’il ne tarde pas à combler de son poids, ses jambes de part et d’autres de mes cuisses. D’abord en suspension, moi suspendu à ses lèvres. Gagnant peu à peu en intensité. Et d’un rythme qui s’accélère, se sont des coups de bassins qui viennent répondre aux coups de langue. Entre volonté de contrôler la cadence et sursauts involontaires, là où la délicatesse laisse sa place à une ardeur faiblement contenue dans un nouveau jeu de question-réponse c’est ma respiration qui se fait plus saccadée. Ma main parcourant son torse en réponse aux siennes perdues dans les boucles de mes cheveux. Mes doigts descendant vers sa ceinture qui se délie aux contraire de nos langues. Il ne suffit que de peu pour que se soit au tour de Bonnie de s’attarder sur la mienne. Venant lui apporter mon aide au dernier cran que pour mieux rediriger mes mains le long de son dos. Baladeuses à n’en plus savoir si j’en suis encore maître ou si ce sont elles qui prennent les devants alors que les siennes viennent trouver leur place auprès de mes épaules. Fermement maintenu par ce geste contre mon torse, nous rapprochant d’autant plus que c’est ma paume qui se faufile bien plus bas. Audacieuses et indiscrètes vers une zone qui ne saurait tarder à se découvrir. De sa poche arrière à l’intérieur du jean. Un grognement s’échappant de sa gorge qu’il n’est plus question de contenir comme traducteur d’une même pensée. Sa nuque pleinement libérée à ma vue qui se redresse sous une nouvelle impulsion alors que ce sont nos yeux qui reviennent se rencontrer. Jouant avec les hauteurs, c’est à présent debout que les quelques centimètres de fermeture éclaire se défont, accompagnant de mes lèvres l’arrivée du jean de Bonnie jusqu’au sol dans une volontaire nonchalance. Renouant avec une lente pesanteur de mes gestes. Encouragé par le frémissement que je sens remonter jusque dans la nuque de mon brun et par le trouble qui brouille ses iris de changer de côté de terrain de jeu. Une disposition pourtant toujours identique : le canapé, moi et Bonnie me faisant face. Et c’est la fougue qui nous animait précédemment qui laisse sa place à une langueur tout aussi saisissante. Tension fiévreuse de nos pas, de sa main coulissant jusqu’à ma nuque, de ses lèvres revenant chercher les miennes. Où délectation succède à convoitise empressante. Mon attention anesthésiée par ses doigts remontant minutieusement le long de mes côtes, c’est un accoup de sa part qui me retient de faire un pas de plus. Figé dans mon mouvement par une main impérieuse me retenant fermement par la taille de mon pantalon, ses paroles teintées d’un voile possessif résonnant avec chaleur contre mes lèvres. Ce n’est pas sans un sourire que je comprends que Bonnie s’est de nouveau saisi du flambeau qui nous anime pour mener la danse.
Sa question rhétorique à demi-mots chuchotée, un geste comme ordre de m’arrêter et ce sont ses doigts qui prennent les devants de mes désirs pour me délester du poids du tissus du pantalon sur mes hanches. Ne rejoignant pas encore son homologue à l’autre bout du canapé sur le parquet, Bonnie se gardant bien d’accélérer sa descente. Ses paumes préférant s’y engouffrer ravivant la chaleur émise par les régions périphériques de mon bas-ventre. Chaleur croissante alors que sa bouche prend le relais des mains. Ivresse de ses baisers contre ma peau dont l’intensité vient à clore à demi mes paupières dans un battement fébrile. Sentant lentement peu à peu mes jambes se découvrir : mes cuisses, mes genoux. Ne s’arrêtant qu’à mi-mollets, personne pour venir en aide à ce pantalon pour finir sa course et passer l’obstacle des pieds. Qu’importe. A présent au tour de Bonnie de me faire frémir, s’aventurant sur des parcelles encore inaccessibles jusqu’alors, la barrière de mon bas plus qu’un lointain souvenir. Mon pantalon bien plus un obstacle pour moi que pour Bonnie. Enchaîné à celui-ci me clouant au sol, m’empêchant bien plus de flancher sous ses lèvres aventureuses que de fuir. Mon propre souffle s’intensifiant sous la frustration provoquée par ses doigts évitant avec soin l’unique partie de mon corps encore voilée à ses yeux. Ce même souffle se coupant sous l’effet de mon désir grondant dans mes entrailles sous des fines contractions. Frôlement délicat de ses lèvres, langue aguicheuse. Ca n’est qu’une fois sa course stoppée contre mon bas-ventre que mes yeux viennent à se rouvrir pour plonger dans les siens. Et c’est un éclat de malice qui vient illuminer son regard affirmé alors qu’une question est portée à ses lèvres. Echo à mon désir frémissant à la vue de sa position équivoque. L’échange de paroles n’est que formel et pourtant son intonation seule à le don d’exalter mon envie. “J’irai jusqu’à t’y prier sans hésiter.” Enoncé d’une traite dans un souffle fébrile, l’aveux bien insignifiant comparé aux signes que lance mon corps bien malgré moi.
Et c’est un tressaillement d’anticipation qui fait surface alors que le souffle de son rire fin vient s’écraser sur ma peau bientôt suivi par un nouveau, résultat de l’exposition de cette unique zone voilée se découvrant peu à peu sous l’action de ses doigts. Mon égo contenté de me savoir contemplé par mon brun si ardemment désiré, m’en remettant à présent entièrement entre ses mains, reconnaissant de savoir la clef de mon plaisir bientôt sur le bout de ses lèvres. Mon regard s’accrochant une dernière fois au sien, mordant ma lèvre aux caresses provoquées par ses phalanges le long de mes cuisses, c’est sans peine que je le comprends prêt à faire durer ce plaisir. Nouvelle forme de torture que de le sentir si proche d’une zone bien plus sensible encore que l’intérieur de mes cuisses. Et ses sont mes pupilles dilatées qui viennent se confondre à mes iris brunes, rencontrant les siennes brillantes de leur éclat vert tandis que mes mains rencontrent ses larges épaules bien plus dessinées sans t-shirt ni chemise. Fin rictus sur mes lèvres, mon regard attaché aux siennes.
Contraction de mes muscles au lourd dépôt de ses lèvres d’une proximité dangereuse avec ce qu’il y a de plus intime. Ce sont mes poils qui ne tardent pas à se dresser et un attribut qui ne tarde pas à entamer cette même réaction physique tandis que je sens ses lèvres s’approcher bien plus encore. Mes doigts qui se resserrent quelque peu sur ses épaules, contraction involontaire tout autant de mes mains que de mon bas-ventre. “Putain...” Si je me suis entendu le prononcer, c’est un soupir qui l’a laissé s’échapper sans volonté aucune de le contenir. Putain. Témoignage de ce désir toujours plus croissant, montant toujours d’un cran alors que c’est avec délectation que Bonnie s’amusait à focaliser son attention aux contours de l’objet désiré. Un premier coup de langue, un souffle, un mot. Putain. Toute tension de désir ainsi exprimée, significatif peut-être de bien plus encore. Se retrouver enfin en proie du pouvoir de Bonnie, la question n’étant plus de savoir s’il céderait à mes avances déterminées mais bien s’il daignerait mettre un terme à ce supplice qui fait frémir le point de concours de mon entrejambe.
Pieds liés, me retenant par les épaules de mon amant, c’est impuissant sous ses lèvres expertes que ma respiration se fait plus profonde. Une langueur dans mes inspirations venant trouver écho avec la lenteur de ses mouvements. Précis dans leur approche là où ses mains viennent se joindre aux lèvres et ses doigts miment l’action de la langue. Et si j’en viens par moment à entrer en apnée ça n’est que pour mieux relâcher dans de lourdes expirations mon souffle. Les yeux tout à fait clos qui ne seraient, ouverts, que perdus dans la même brume qui s’empare peu à peu de mon esprit. Ma main remontant le long de son visage pour venir se perdre dans la finesse de ses cheveux alors que c’est mon sang qui afflue pour se concentrer en un seul point. Chaleur se propageant par vagues à cet endroit précis me décochant un nouveau râle. Je sais le moment où il me faudra mettre un terme à ce jeu de langue. Pourtant, c’est pour l’instant sans retenue aucune que je me laisse porter par les caresses bienvenues de Bonnie, non pas brusques mais néanmoins profondes. Ré-ouvrant les yeux, avide de venir quérir ceux de mon brun. Un regard échangé avec Bonnie, intense. Et comme seule envie de m’y perdre de nouveau. Pourtant fébrile sous l’effet des vagues de plaisirs procurées par mon brun, c’est sous l’effet d’une ardeur nouvelle que mes yeux se bloquent dans les siens pour ne plus les quitter. Autant émoustillé par la force émanant de ses pupilles, conscient du pouvoir exercé de lui à moi détenu bien plus entre sa bouche qu’entre ses mains, que par l’action même de celle-ci. Et ce sont ses allers et venus qui se font sensiblement plus rapides. Assez pour me surprendre par le changement de cadence, cependant toujours assez lent pour en étirer chaque sensation. Et si mes sens lui crieraient de poursuivre son accélération dans un élan de supplication, mu par cette volonté de faire durer ce plaisir bien plus encore, empressement et précipitation n’ont jamais été de nos tares. Des signes que Bonnie a bien compris alors que mes doigts viennent, l’espace d’une seconde, se saisir plus fermement de la chevelure de mon brun dans un tressaillement remontant le long de mon échine. Ma voix en un souffle rauque, gorgée de désir, fébrile “Attends”.
Et c’est sous les palpitations de mon coeur pompant avec avidité le sang le long de mes joues et bien plus bas encore que le bas de mon ventre vient se parer de multiples baisers. La bouche de Bonnie se délestant du principal sujet de son occupation pour remonter le long de cette même ligne auparavant tracée de ses lèvres, non sans quelques dernières caresses humides. Lui, retrouvant bientôt sa taille à portée de mes lèvres. Et c’est ma main qui s’était précédemment saisi de ses cheveux qui redescend le long de sa mâchoire. Caressant ses lèvres synonymes de jouissance, me saisissant de sa mâchoire pour l’approcher de la mienne et mieux fondre sur sa bouche. Geste bien plus impératif emprunt d’une ardeur des plus vives. Ma respiration saccadée se superposant à la sienne dans un déferlement de passion reconnaissante. Mon bassin contre le sien qu’une proéminence vient perturber. Et, malgré le pantalon obstruant toujours mes mouvements à mes pieds, il ne suffit que d’un léger tour sur le côté pour permettre au canapé de venir nous cueillir Bonnie et moi dans notre chute amortie par les coussins.
Mes lèvres scellées aux siennes, ne s'entrouvrant que pour y laisser la possibilité à nos langues de se retrouver, c’est le poids de mon corps que je viens à surélever des mes bras. Dégageant seulement le torse de Bonnie que pour mieux appliquer le poids du reste de mon corps contre le sien. Un sourire venant parer le coin de mes lèvres, malice à cette pensée : il reste toujours le boxer de Bonnie à se délester. Et si la position debout ne nous a jamais empêché de mener à bien nos désirs, la position horizontale à cet avantage de pouvoir mettre à contribution ces autres parties du corps encore jusqu’ici inertes. Et se sont quelques frottements de ma cuisse plaquée contre son entrejambe qui viennent réhausser ma voix dans un souffle “Je n’en avais pas encore fini avec toi”. Des ondulations de mon bassin, c’est ma langue qui vient prendre le relais le long du torse de Bonnie, déviant de sa trajectoire de la ligne du cou jusqu’au bas-ventre pour chatouiller de son bout la pointe de ses pectoraux. Ma bouche se parant d’un sourire à la réaction de mon brun, ne relevant mon buste que pour mieux prolonger ma descente et par la même occasion finir d’ôter le long de mes jambes pantalon et sous-vêtement. Et se sont mes mains qui viennent se saisir du boxer, coulissant le long du dos de Bonnie jusqu’à son élastique et finir de le dérouler jusqu’à ses jambes. Mes mains remontant de leur large paume jusqu’à ses fesses, se sont mes doigts qui viennent s’y attarder. Chaleur nouvelle parcourant mon corps en une bouffée alors que nous voilà enfin tous deux pareillement dévêtus. Embrassant le creux des muscles des cuisses de Bonnie, remontant le long de celles-ci jusqu’à leur naissance avant de m’y arrêter. Un sourire. Si mes mains sont toujours fermement éprises du fessier de mon brun, à mon tour de faire résider l’attente dans ses yeux, éternel brasier de flammes verdoyantes. Et c’est un baiser du bout des lèvres auquel vient s’ajouter la langue. Exploration minutieuse de ma bouche pour remonter peu à peu jusqu’à la sienne, désireux de laisser encore un peu de cette réserve. Retrouvant quelques mouvements de bassins au contact de nos jambes portés par une chaleur ravivée, mes yeux détaillant soudainement chaque traits de visage de mon brun, une nouvelle idée en tête. “Que dirais-tu de se diriger vers un endroit de l’appartement bien plus engageant...” Chuchoté au creux de son oreille non sans un dernier mordillement, il ne fait pas de doute à mon intonation sur la nature de cette nouvelle destination. Ma chambre à coucher bien plus spacieuse que l’espace délimité par le canapée. Ne sachant pour ma part que trop bien quel tiroir de ma table de chevet ouvrir pour trouver le nécessaire à nos ébats. Désireux cependant de laisser à Bonnie le choix de la décision. Pour l’instant.
Les accords s’échangent comme une partition bien rôdée. Bonnie tout autant ravi de dominer la situation que de se laisser perdre en désir sous les gestes d’Andreï. Contrôler et ne plus contrôler. Être l’un et l’autre. Une alternance rare car basée sur une compréhension certaine. Sachant déjà que tout paraît nouveau, unique, il n’y réfléchira cependant pas à deux fois. Pas son genre. Aucun pourquoi, aucun comment, il se laisse porter, ses pensées pour l’instant calmées, réduites au strict minimum imposé par des désirs d’une grandeur inouïe. Tellement de possibilités suivent chacun de leur mouvement, et pourtant aucun faux pas, aucun arrêt gêné. Une danse répétée. Assis encore sur lui, Ambroise se retrouve à contre-cœur obligé de se lever pour l’étape suivante qui dévoilera ses jambes, et desserrera un peu la pression ressentie. Il obtempère sagement, laissant le russe décider pour deux alors qu’il est encore perdu par les émotions. Son jean est viré en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, néanmoins, ils paraissent avoir repris un certain contrôle de leur passion. Andreï toujours plus maître, Ambroise toujours plus instable. Chaque nouvelle proximité déclenche de nouvelles réactions ; et il a peur que cela ne s’arrête jamais. Il a la sensation de sombrer peu à peu, très lentement, dans la folie. Un frisson lors du premier passage de la main du scénographe au niveau de son fessier. Un autre tout aussi violent alors qu’il s’amuse cette fois-ci, se redressant, à glisser ses paumes sur son corps. Un rythme retrouvé plus pesant.
Le premier baiser instauré par la suite est une nécessité pour Bonnie qui vient le chercher comme s’il en avait plus besoin que d’oxygène. L’avidité s’invite, la langue joueuse, la bouche dévorante. Leurs pas les dirigeaient vers l’autre partie du canapé, plus propice à s’allonger, mais il a son mot à dire. Le trouble de ses yeux, de ses pensées, a laissé place à une détermination sans faille. Les cartes changent de main une nouvelle fois. Et pourtant, Ambroise n’est pas autant maître qu’il l’est d’ordinaire. La frontière est floue, entre ces autres fois où il prend, où il dirige parfois sans y paraître, et celle-ci, où il agit par pur instinct. Il ne prévoit pas les retombées de plaisir pour lui, il s’imagine à la place ce qui ferait plaisir à son amant. Infime changement. L’idée venue alors que la rugosité du jean se frottait contre ses jambes mises à nues. Volonté de rendre la pareille. Sa voix s’élève, amusée, ferme. Un souffle possessif qui fait écho à cette main qui retient le russe de se reculer encore. Le maintenant par la taille de son pantalon, l’australien peut, à présent qu’il lui a fait comprendre de ne pas bouger, s’atteler à son tour à l’en délivrer. Ce n'est pas vraiment son genre d'être totalement passif. Un premier baiser sur sa gorge en réponse à son sourire entraperçu, et le tissu qui fait place. La fougue disparue, c’est avec mesure qu’il le retire des hanches, le fait descendre lentement, puis arrête pour y faufiler des mains curieuses. Le tout s’accompagne d’embrassades mouillées qui migrent vers le sud, toujours plus bas. Et petit à petit, Andreï se retrouve libéré. A demi. Car le petit futé a choisi de laisser le jean à ses mollets. Désormais à genoux, il est à la bonne hauteur pour découvrir ce nouvel environnement avec délectation. Sous ses paumes et ses lèvres, les tressaillements précis lui indiquent la bonne voie. Ses oreilles perçoivent les souffles qui s’intensifient de frustration. Ce langage des corps que l’un et l’autre paraissent déjà connaître, alors que cette nuit marque leur première fois.
Position sans équivoque du plus jeune, qui s’amuse à ne pas approcher de la zone sensible. Arrêtant le chemin de sa bouche à la limite du sous-vêtement, il relève son regard brûlant d’émeraude. Andreï y plonge. La question de Bonnie ne mérite même pas de réponse ; l’être entier qui le surplombe offre mille réponses. Pourtant, les mots du russe ne sont pas inutiles. Un léger rire, cachant un désir qui gronde encore un peu plus fort à cette intonation fébrile et sans naïveté aucune. La suite, ils la connaissent tous deux. Mais c’est Ambroise qui mène le jeu à présent, et pour encore quelques longues minutes. Le dernier obstacle hors de sa vue, il peut à loisir contempler tout le corps de son amant sans restriction. Et la température qu’il sent monter en lui le fait frémir d’anticipation. Se retenant de lui sauter dessus littéralement, il se contente de ses yeux d’abord pour connaître l’ampleur de sa tâche, puis s’approche. Ses doigts ont bien mémorisé le chemin des cuisses d’Andreï, mais ses lèvres goûtent une nouvelle partie de peau jusque-là cachée. Un peu de patience, encore. Néanmoins, ce n’est qu’après un dernier regard qu’il touche au but. Ravi de deviner son russe déjà presque sur le point de flancher, de sentir la brûlure de son regard sur lui, de voir ce léger sourire, cette lèvre malmenée.
Sous ses lèvres, c’est d’un éveil plus complet dont il est témoin. Un premier baiser qui électrise, un premier coup de langue humide qui relève. Et un mot, qui contient tant de désir, qui s’échappe de lui-même, deux si courtes syllabes qui font soupirer Ambroise. Les mains sur ses fines épaules se sont contractées, de même que les muscles du bas-ventre sous l’une de ses paumes caressantes. Et il se tient un peu plus droit, redouble d’habileté lorsqu’il s’agit d’aller de plus en plus loin. L’unique but de faire perdre la tête à son russe, alors que ça ne fait que commencer. Sa lenteur est folie, même lui a dû mal à se contenir, mais les expressions de plaisir qu’il perçoit suffisent à le calmer. La tension n’est pas moins grande chez lui, mais il œuvre avant tout pour Andreï. Tous ses sens concentrés en une seule tâche, tous ses sens qui ne perçoivent que les indices de la bonne direction à suivre. Un peu plus entreprenant, il encourage bientôt un râle de se libérer, faisant vibrer ses propres entrailles. Il en aurait gémi s’il n’avait pas la bouche pleine. Son si cher inconnu, si inébranlable à le faire céder, se retrouve maintenant pris dans le délicieux piège du petit brun. Impossible de fuir, de faiblir. Ambroise en frémit tout autant quand une main, remontant le long de son visage, se glisse dans ses cheveux. Nulle question d’imposer un autre rythme, plutôt davantage un moyen de tenir debout. Nouvelle façon de traduire son désir.
Se reculant à peine le temps de reprendre une inspiration courte, presque un gémissement, il prend entièrement conscience de ses actes, de leur situation ; et la trouve encore meilleure. Il pose ses yeux sur l’attribut gonflé de plaisir, revenant avec une ébauche de sourire le taquiner de sa langue autant que possible. Toujours sans précipitation. Toujours intense. Ses paupières se closent un instant, puis se rouvrent pour que ses iris puissent se porter dans celles d’Andreï, dont il ressent enfin la pesanteur sur lui. Ce contact visuel, profond, est synonyme pour l’étudiant d’un retour de sa bouche. Il revint à la charge sans ciller, presque plus émoustillé par cet échange que par les gestes qu’il fait. Dégradants pour certains. Lui a su bien vite passer le cap de la pudeur. Et dans un moment comme celui-ci, où il se sent parfaitement bien auprès de cet homme, il a encore moins d’inhibition. Il sait déjà qu’il ne pourra se retenir d’être bruyant. Et il a hâte, quelque part. Mais pour encore de langoureux instants, c’est lui qui dirige et change de rythme une nouvelle fois. Revigoré par ce regard brun, nébuleux, lascif. Les secondes s’étirent à nouveau. La vision procurée doit être des plus érotiques pour le russe, cependant, ses doigts viennent bientôt se resserrer dans les cheveux de Bonnie. La prise de parole est inutile. Il l’avait compris dans les signaux de son corps, dans les pulsations sur sa langue. Entendre ce souffle rauque est pourtant un délice. Le moment est venu de s’arrêter ; il laisse Andreï en décider, choisir, alors qu’il est prêt à tout possibilité. Mais c’est à regret qu’il consent à s’éloigner. Non sans un dernier baiser avide. Il se lèche les lèvres ensuite. Déçu de ne pas avoir pu le goûter pleinement, or ça serait oublier qu’ils ne sont pas emmurés par le rythme du temps.
Mettant un terme à ses soins, il remonte lentement, naturellement, le long de ce corps qu’il tente de graver dans sa mémoire. Encore de nombreux dépôts de sa bouche, toujours frustré mais compréhensif. C’est un peu tôt peut-être. Ses mains, auparavant occupées en caresses précises ou en soutient, suivent le même chemin, survolant les muscles échauffés, se posant sur son torse alors que Bonnie retrouve toute sa hauteur. Des doigts redescendent eux le long de sa mâchoire finement ciselée, pour venir caresser ses lèvres. Rappel d’un même geste il y a, parait-il, une éternité. Sa bouche s’entrouvre légèrement, n’attendant que le moment où on s’empare d’elle. Andreï est plus ferme à capturer son visage pour l’attirer à lui et l’emprisonner dans un baiser implacable. Soupir étouffé du plus jeune qui passe ses bras autour des larges épaules, ardeur retrouvée chez les deux parties dont les corps se moulent l’un contre l’autre. Nouveau gémissement de cette absence d’espace entre eux. Ambroise se perd en souffles discontinus sous une passion plus dévorante. Dans laquelle il perçoit pourtant une certaine gratitude. Bien cachée sous une ivresse de lèvres et de langues. Le demi-tour nécessaire pour terminer sur le canapé est effectué par un russe qui retrouve de sa clairvoyance. Accroché à ses épaules, les yeux fermés, Bonnie le laisse gérer l’atterrissage moelleux dans les coussins, trop accaparé par la perte de chaleur et le retour d’une plus grande encore.
Ils ne se quittent guère, comme incapables de cesser de s’embrasser maintenant qu’ils se sont trouvés. Maintenant Ambroise pressé contre le canapé sous son poids, son amant s’applique justement, en s’aidant de ses coudes, à se redresser juste assez pour porter davantage cette présence dans les régions sud. Un souffle lui échappe ; les rôles s’échangent, il est celui en position de faiblesse. Notion qu’il accueille avec un soupire presque inaudible alors qu’Andreï s’alourdit contre son anatomie encore séquestrée par son sous-vêtement. Insatisfait, il en serre les dents, s’arquant à la recherche de contact. Puis ses yeux s’ouvrent sur le russe le surplombant juste assez par son torse surélevé, mais le visage toujours à portée de lèvres, les épaules à portée de bras que Bonnie n’a pas changés de place. Sa respiration est lourde dans la seconde qui suit, pour finalement s’élever en un gémissement bientôt contrecarré par une crispation de mâchoire. Un coup de bassin sans ambiguïté, une parole catégorique. L’un et l’autre ont le même résultat dans la détérioration du contrôle de Bonnie sur son propre corps. Ses entrailles étincellent. Cette voix rauque sait quoi dire et à quel moment pour l’anéantir un peu plus. Voilà sa perte, dans les bras d’un beau brun aux yeux magnétiques. Y’a pire. Même si d’autres ont eu la même chance, il les oublie totalement avec une rage intérieure de le faire sien pour la nuit. Andreï n’est rien qu’à lui en ce moment précis, la réciproque s’applique, mais ça laissera sans aucun doute quelques séquelles. Il le veut comme il rarement voulu une personne. Submergé par cela, il ne trouve rien à répondre sans se trahir, cependant ses iris parlent à sa place de toute la chaleur en lui. On y voit ses prières, à n’importe quel dieu, pour que son russe n’en ai jamais fini avec lui.
La suite se transforme en un paquet de sensations qui s’envole. Le scénographe s’aventure le long de son torse, s’attardant sur quelque chair plus sensible. Réaction immédiate. Cambré. Il se mord la lèvre, les yeux fermés pour éviter d’en voir trop, mais ainsi plus sujet à ressentir davantage ce qui se passe autour de lui. Sur lui. Une main déjà accrochée aux boucles sombres dans un sursaut, qui s’attarde en pressantes caresses, vient bientôt rejoindre son homologue sur les épaules encore accessibles. Même chemin, plus bas. Andreï se débarrasse enfin de ses vêtements sans délaisser son jeune amant, uniquement pour mieux s’occuper de son sous-vêtement trop handicapant. C’est là qu’Ambroise ouvre les yeux, alors que ses bras s’affalent sur le canapé de part et d’autre de sa tête puisqu’il devient impossible de toucher. La respiration plus haletante, il le regarde. Les larges mains ont suivi son corps jusqu’au boxer, qu’elles s’apprêtent à retirer. Qu’elles retirent. Rapprochant ses jambes jusque-là écartées, il facilite l’affaire pour qu'il revienne s’occuper de lui. Prenant son temps, l'aîné parcourt à nouveau ses jambes, désireux de lui rendre la pareille pour sa lenteur de tout à l’heure. La conscience qu’ils sont à présent aussi nus l’un que l’autre fait monter violemment le rouge aux joues de Bonnie. L’envie. Uniquement de l’envie.
Les mains se font baladeuses, les lèvres aussi. Parcourant l’intérieur de sa cuisse, doucement. Embrassant le creux de sa hanche, délicatement. Incapable de faire autre chose que de croiser son regard qui se relève. L’étudiant est dans l’attente, et en pensées il gronde face à ce sourire qui le fait fondre tout autant. Un "revient" murmuré par ses doigts, sa main qui vient caresser la nuque et les cheveux du scénographe qui s’attèle encore à quelques baisers, pour remonter effectivement le long de son torse. Ce n’est clairement plus lui aux commandes, depuis qu’il s’est redressé de sa position agenouillée, mais il n’a aucune réclamation à faire. Ses jambes prennent quelques distances alors qu’Andreï vient y trouver une nouvelle fois sa place. Nouveau soupire, venant de bien plus loin. Sa main se crispe légèrement dans le dos musclé, ses yeux enflammés se fermant sous la vague puissante. Un baiser lascif, puis un temps de calme qui le pousse à rouvrir ses paupières. Face à la contemplation du russe, il devine qu’il a une idée en tête. Il le détaille de même, toujours aussi fasciné, quelques instants, avant que le russe ne plonge vers son oreille pour y effectuer un mordillement taquin, qui s’accompagne d’une question qui n’en est pas une. Une invitation à délocaliser leurs ébats pour un endroit plus intime, plus réservé. Et plus confortable que le canapé pour leurs projets nocturnes. Déglutissant, Bonnie ne peut qu’hocher la tête en premier lieu, car sa voix est ailleurs. Sa main sur la nuque glisse le long de la mâchoire carrée de son amant pour qu’il redresse un peu la tête. Assez pour qu’il puisse déposer lentement ses lèvres contre le cou offert, tout aussi près de son oreille.
« Je me demandais quand tu allais le proposer... » murmure-t-il chaudement. Bien qu’il s’en fichait presque un instant plus tôt, désireux uniquement de sa présence en lui, peu importe où. Mais la chambre est une idée à ne pas négliger, une idée meilleure surtout, puisqu’il doit réfréner ses hormones trop envahissantes. Il n’a pas tenu toutes ses semaines, il n’a pas instauré une telle distance, il n’a pas cédé après le premier baiser, ce n’est pas pour être réduit par des pulsions dévorantes à expédier le reste. Non. Son corps lui hurle peut-être depuis le premier regard qu’il veut cet alors inconnu, mais il le remerciera de prendre son temps. L’envol et la chute n’en seront que plus vertigineux. C’est en terrain neutre qu’il prend le pas de se redresser. Sans empressement, toujours à la recherche de baisers à présent plus sereins mais non moins langoureux. Ses mains prennent la décision de découvrir son torse à loisir. Se lever certes, être séparé de lui, pas question. Pourtant, ce moment d’apaisement est clairement nécessaire pour le plus jeune, afin qu’il retrouve un certain self-control, bien mis à mal par des gestes trop efficaces. Ils se retrouvent debout sans s’être réellement lâchés, et si Bonnie vient quémander d’autres caresses, à la manière dont il en procure aussi, c’est à Andreï de montrer le chemin. Personne n’a pris le pas sur l’autre cette fois-ci. Enlacés, quelques pas, une direction qui se précise. Il ne peut pas se détacher de son russe totalement, et comme il ne comprend pas forcément où ils vont, ni comment ils y arrivent entre baisers et effleurements diverses, il se laisse volontiers guider.
Alors qu’Andreï était à présent celui à reculer de quelques pas, les rôles s’échangent et Ambroise se retrouve dos à la porte. Son regard toujours brillant dans la pénombre du couloir, il décide qu’ils en ont fini de ces gentillesses tendres et alanguies. Ayant repris les rênes de son propre corps – enfin, presque –, et celles de ses envies – pas tout à fait non plus –, son prochain baiser tranche avec la suavité précédente. La véhémence de ses lèvres s’accorde avec ses paumes plus hardies qui plaquent les hanches du russe pleinement contre les siennes. Sans temps mort, le propriétaire de cette chambre prête les accueillir ouvre la fameuse porte, non sans un bras autour de la taille du plus jeune pour l’empêcher de partir avec, car appuyé sur le bois. Blotti contre lui, il autorise, offre, encore un coup de langue et de lèvres avant de se détacher de lui, presque brusquement. Pour se retourner. Son bras glisse le long de celui d’Andreï, qui n’est pas tout à fait prêt à le laisser partir, mais Bonnie a un détail en tête qui l’oblige à détailler la pièce rapidement. L’absence de lumière. Sa main s’échappe, effleurant celle du scénographe alors qu’un sourire s’empare de ses lèvres. La lampe de chevet de l’autre côté du lit. Sans attendre, c’est sur ce dernier qu’il se retrouve, quasiment allongé, pour atteindre et allumer cette ampoule qui offre soudainement une lumière tamisée à la pièce grâce à son abat-jour. Satisfait, il se redresse. Et, se retournant, est désormais assis sur le matelas, ses bras soutenant son poids sur l’arrière et ses jambes s’étendant un peu. Il regarde son amant toujours debout, qui comprend enfin. « J’ai envie de te voir », est la seule explication, agrémentée d’un fin sourire en coin comme à son habitude joueuse. Puis il penche la tête sur le côté, arquant un sourcil. Son regard signifiant clairement, encore une fois, « tu viens ? ». Dans de biens meilleures circonstances cependant. La dispute de toute à l’heure est effacée de son esprit depuis déjà longtemps ; seul Andreï compte.
Toujours me raccrocher à lui. C’est sous l’effet de ses caresses toujours plus ambitieuse que ce besoin vient se faire ressentir alors que c’est à mon tour d’être privé de ma liberté de mouvements, mes jambes que partiellement découvertes. Et si ce ne sont pas mes lèvres qui sont suspendues aux siennes, nos corps se fondant à l’autre, c’est à son regard que le mien se rattache. Inlassablement. Première cause de l’intensité de mon désir porté à son égard, nos jeux de regards propices à me faire flancher encore et toujours. Frémissant sous l’effet de son magnétisme comme sous celui de ses doigts agiles le long de mes cuisses. Lui, guidant tout autant mon désir à la manière d’un phare permettant aux navires de s’échouer sur la bonne rive que moi me perdant dans l’océan vert de ses yeux. Trouvant en leur milieu dans ses pupille un point d’attache depuis lequel mon ardeur trouve écho à la sienne. Pourtant, c’est ce contact qui vient à être rompu, mes paupières ne pouvant plus résister bien longtemps à la tentation de se refermer pour ne plus que me concentrer sur le plaisir procuré par Bonnie. Habile de sa langue, d’une précision à me laisser échapper un mot dans un soupir de complaisance. Aussi longue que fut l’attente de ce moment, elle n’est rien comparée à la cadence imposée par Bonnie. Me faisant succomber par sa lenteur imposée où soupirs de frustration viennent se lier à ceux de plaisir, à défaut de pouvoir user d’autres parties de mon corps, ce sont mes mains qui se déplacent jusque dans sa chevelure que pour mieux me retenir et maintenir l’équilibre du contact. Instant de perdition duquel aucune pensées ne viennent interrompre le cours, l’esprit embrumé et le cerveau hermétique à toute autre information que ce qui se passe bien plus bas. Et si chacune de ses actions avaient déjà pour don de me faire tourner la tête, celle-ci pourrait bien en plus me faire perdre la raison. Là où lente maîtrise se fait synonyme d’une ardeur progressive, me faire flancher en est devenu une tâche aisée. Car c’est bien ce pouvoir que Bonnie détient du bout de ses lèvres, répondant aux signaux que laisse transparaître mon corps avec chaleur.
C’est un dernier éclair de lucidité, peut-être, ou la simple expression d’un nouveau désir incontrôlé aux rênes de mon libre-arbitre qui me fait ouvrir les yeux dans un court moment de répit. Enrobant du poids de mon regard mon brun dont les yeux sont revenus s’ancrer aux miens. L’instant est précieux, son expression décidée divine. Et si je n’avais jusque là que laissé mes sens s’égarer en proie au bon vouloir de Bonnie, c’est à présent alimentant mon esprit d’images que les sensations se voient décuplées. Toutes digressions qu’aurait pu effectuer mon imagination bien faible face à la vue qui s’offre à moi. Ne sachant plus à quoi me référer pour me savoir au bord de la jouissance. La vision céleste de sa bouche si proche de ce qu’a à lui dévoiler mon intimité, son sourire facétieux ou son regard à nouveau levé vers le mien et les joues rosies de malice entreprenante. Le dominant de ma stature, je ne sais que trop bien que de son apparente position de soumission à genoux il est celui qui mène la danse. Me refusant à lui imposer un rythme par une pression trop importante de mes doigts, me savoir à sa mercie reste un terrain bien plus engageant. Lui qui a pendant si longtemps été cause de désirs réfrénés, contrant mes ardeurs et tentatives de le faire céder non sans un dernier regard en arrière, l’instant est presque trop beau de sentir sa volonté de devancer jusqu’à mes envies que pour mieux les combler. Redoublant d’ardeur à mon égard, rythme plus intense à l’origine de signaux doubles priant mon corps de le laisser continuer, criant à ma raison de l’enquérir de se stopper. Une crispation de ma main et une plainte haletante grave en aura décidé pour moi. Si c’est à reculons que je le sens délaisser ce qui jusqu’ici occupait toute son attention, le dépôt de ses lèvres jusqu’à revenir au niveau des miennes est tout aussi grisant. Et là où cette transition aurait pu faire faiblir quelques ardeurs, il n’en est rien. Bien au contraire. Calmant juste un rythme intérieur bien trop échauffé pour revenir à une cadence plus lascive, en étirer l’essence et la faire durer un peu plus longtemps jusqu’à mon torse. Des palpitations de mon bas-ventre répondant aux palpitations de mon coeur avec frénésie : bien que coupée dans son élan, l’oeuvre de Bonnie continue de trouver écho dans mon corps. Mes yeux retrouvant les siens, frémissants. Mes doigts retrouvant les contours de son visage, le redécouvrant porté par le souvenir de sa volupté d’il y a quelques instants seulement en enrobant mon être. Traversé par cette certitude de vouloir à cet instant et en ce lieu cette bouche. Et si j’ai déjà pu me montrer amateur de ses lèvres, c’est à présent en adoration que j’en viens à me les accaparer. Les embrassant dans un sursaut d’élan pour ne plus les quitter. Faisant s’évaporer la brume qui occultait encore mes pensées pour y retrouver ivresse et passion violente. Et alors que mes actions ont jusqu’ici toujours conservé une certaine sensation de contrôle suffisant dans ce jeu de dominant-dominé, passant du séducteur au séduit, c’est à présent bien plus la passion qui prend le dessus écoutant simplement ce désir de me retrouver corps perdu contre le sien.
Si le demi-tour effectué demandait un certain accoup, la réception n’en est que plus agréable. Accordant sans crédits une confiance en ce qui se trouvait en dessous que pour mieux me focaliser sur mon brun. Ne voulant plus rompre le contact de nos bouches, chaque nouveaux baisés en appelant un autre. Un sourire au coin des lèvres tout autant annonciateur d’une nouvelle idée en tête qu’une réponse au désir de Bonnie émanant de son être tout entier, prenant plaisir à sentir réagir son corps sous le mien passer de la frontière de la crispation à celle du relâchement. Et bien que ma volonté première soit celle de rendre à Bonnie les fleurs de son action précédente, la position à de quoi combler mes propres ardeurs. Là où ressentir les braises du feu de son excitation ne font que mieux alimenter la mienne, à commencer par m’imprégner de chaque nouvelles expressions qui parent le visage de mon brun. Ecouter le rythme seul de sa respiration s’élever en des souffles anarchiques que pour mieux retomber lourdement ou s’égarer en faibles bruissements guidant mes gestes comme m’indiquant la marche à suivre. Chacun des frottements de mon bassin comme répondant à cette pensée continue : bordel, ce qu’il est beau emporté dans les limbes de la perdition. Et c’est mon ton qui se fait plus absolu, dégageant le torse de Bonnie que pour mieux combler un autre endroit. Réponse à son effronterie caractéristique par les dangerosités de la mienne, enquis de poursuivre dans la voie choisie par son regard bien plus parlant que n'importe quelle parole.
Chemin pourtant déjà maintes fois emprunté dès l’instant où nos lèvres se sont pour la première fois rencontrées dans les recoins de mon salon, c’est toujours avec la même ferveur que j’en viens à descendre le long de son torse. Aussi agile de ma langue que de mes doigts. A la différence que c’est à présent bien conscient des points sensibles de mon brun que je sais m’y aventurer. Ajoutant avec malice à la carte de mes découvertes quelques régions alentours encore vierges de mon exploration minutieuse dont la réaction se fait immédiate : si c’est auprès de la chevelure de Bonnie que mes mains avaient trouvées de quoi contenir mon plaisir, il en est de même pour mon brun. S’attardant par pressions dans mes boucles, me délectant de la sensation de ses doigts redescendant jusqu’à mes épaules me poussant à poursuivre ma propre descente. Lenteur est aussi de mise alors que je laisse ma bouche se déposer en des points choisis. Faire monter l’excitation par bribes, encore, et encore un peu. Les derniers tissus nous recouvrant encore tous deux contribuant bien plus à échelonner cette jauge de désir qu’un obstacle dans mes intentions. Sentant le poids de son regard sur moi, préférant m’attarder encore un peu avant de me relever non sans un sourire.
Il est de ces instants de contemplation où un geste reste bien plus évocateur qu’une phrase, un regard transmetteur de bien plus d’une idée, un sourire source de bien plus de compréhensions. Et c’est avec lucidité que je comprends qu’il est temps de revenir à hauteur de Bonnie, guidé par les caresses de sa main sur ma nuque, ma remontée facilitée par la mouvance de son corps coulissant sous le mien. Retrouvant sa bouche dont le goût était déjà parvenu à me manquer, une ardeur différente de celle avec laquelle je m’étais plus tôt saisi de celle-ci empli de fougue reconnaissante. Une langueur dans le baisé alors que c’est sa main qui vient se planter un peu plus dans mon dos. Et un besoin. Celui de le voir. Détailler une fois encore ses lèvres, sa mâchoire, ses cheveux bien plus en bataille et surprendre ses yeux encore clos. L’envie de retrouver ce même visage dans les draps de mon lit alors que se sont ses paupières qui se découvrent pour dévoiler ses pupilles. Me dire que je pourrais simplement rester à le contempler, surélevé au dessus de son visage prêt à lui dérober à n'importe quel instant un nouveau baiser. Ou au contraire faire durer cet instant de flottement ne laissant rien prévoir qu’une atmosphère frémissante de notre désir.
C’est son oreille qui vient la première me décider à rompre cette observation mutuelle, attiré par un nouveau détail maintes fois entre-aperçu, autant propice à exciter mes sens qu’un sourire en coin de la part de Bonnie à mon égard ou un mordillement de sa lèvre inférieure. Une boucle ornant cette dernière que ma bouche vient déranger, la parole émise dans un énième susurrement taquin traducteur de l’idée qui avait germé de ce moment de recognition : le canapé n’a déjà que trop servi nos besoins. Imperceptible hochement de tête de mon amant accompagné de sa main, relevant avec douceur la mienne perdue dans le creux de sa nuque. Je ne saurais dire si les frissons parcourant la surface de ma peau sont ceux initiés par le chuchotement de sa bouche si près de mon oreille ou bien par le sens même de ses paroles. Vague de chaleur à ses mots, c’est de ce même rythme sans empressement que j’en viens à surélever mon bassin pareillement à mon torse. Libérant la pression exercée par celui-ci auprès de Bonnie apte à se relever en l’absence de mon poids contre le sien. Recherchant pourtant toujours à maintenir cette chaleur entre nos deux corps autant debout qu’allongé. Aucun de nous deux ne prenant le pas sur l’autre dans cette entreprise, simplement à la recherche de la meilleure des façons qui soit pour s’accompagner. Mes bras enlaçant les siens, ses mains laissant leurs empruntent contre ma peau, se sont mes pas qui prennent le relais pour nous guider à travers mon salon.
Contourner le canapé, longer le coin de ma bibliothèque pour se laisser porter jusque dans mon couloir. Nul besoin de concentrer mes efforts à retrouver le chemin à emprunter quand je pourrai bien m’y repérer les yeux fermés. Et ça n’est pas sans quelques arrêts, ponctués d’échange de baisers que notre cadence précédemment ralentie laisse emprunts de douceur, que la porte se retrouve à portée de bras. Certain de ne pas avoir confondu celle permettant l’accès à ma chambre avec la porte du bureau, nouvellement celle de Vassili. Excité par cette pensée de savoir que chacun de nos pas nous rapprochent un peu plus du but énoncé. Me détachant de mon brun que pour mieux me saisir de la poignée, c’est dans un élan de surprise que mon bras vient à être tiré. Bonnie à présent dos à la porte, devinant malgré l’obscurité son regard brillant posé sur le mien. C’est vivement que ses mains viennent se saisir de mes hanches expressément plaquées contre les siennes à l’identique de sa bouche qui vient quérir la mienne. Et c’est un sourire qui vient étirer mes lèvres gorgées de désir pour les siennes. La surprise passée, enjoué de retrouver l’audace de mon brun dans l’intrépidité de ses baisers.
Dans cette fervente ardeur, je suis bien loin d’oublier les raisons qui nous ont poussées jusque dans mon couloir. Et bien loin de m’attarder sous les coups de nos embrassades, c’est presque immédiatement que la porte de ma chambre est ouverte par mes soins. Retenant par la taille Bonnie tout contre moi, autant précautionneux d’une probable chute à la renverse qu’en quête de chaleur corporelle. Quelques pas encore et c’est le pas de la porte qui est dépassé. Et si mes mains sont pourtant fermement ancrées à la taille de Bonnie, il lui suffit d’une action pour parvenir à se retourner et se détacher de mon étreinte. Ma main qui se presse contre son bras que je sens partir le long du mien, il ne me faut que peu de temps pour comprendre que son attention s’est tournée vers l’inspection de ma chambre. “Bonnie...?” Pas d’alarme dans mon intonation, simple interrogation alors que mes yeux tentent de s’habituer à l’obscurité et que j’en perds le contact de celui-ci dans un dernier frôlement de sa main.
Un bruit. Celui du poids de Bonnie s’affalant sur mon lit en guise de réponse et quelques bruissements de draps me le laissant deviner en train de le parcourir. C’est dans un léger battement de paupières alors qu’une lumière vient envelopper la pièce que je comprends enfin ses intentions et les raisons de son brusque éloignement. Me le détaillant de dos, ne pouvant empêcher autrement que de laisser dériver mon regard de sa nuque jusqu’à la courbure de son dos, ses reins, ses fesses. Un sourire sur mes lèvres alors qu’il en vient à se retourner dans une positions plus qu’avenante. De le savoir sur mes draps, je sais que je ne pourrais pas non plus me défaire de cette vision dans ma chambre à coucher. Et d’ailleurs, à quoi bon vouloir me défaire de cette vision dans ma chambre à coucher. Sa prise de parole ne renforçant que mon sourire et cette pensée. Violent coup de chaleur de le savoir tout autant à me détailler. Il suffirait d’un geste de sa part pour me voir fondre sur lui dans ce cadre si aventureux de mon lit. Et si j’aime à le voir, c’est avec délectation que j’aime à trouver dans ses expressions une certaine familiarité. Reconnaissant son effronterie dans son sourire en coin, condensé de jovialité coquine, ne comprenant que toujours mieux les significations de ses gestes et intentions. C’est répondant à son signe de tête par un pincement de lèvres amusé que je me retrouve à avancer jusqu’au lit que pour mieux reprendre la partie là où nous l’avions laissée.
De ce court instant duquel la chaleur du corps de l’autre venait à me manquer, c’est l’ardeur de bonnie à m’embrasser dans l’encadrure de la porte de ma chambre qui est bien vite retrouvée sur les draps. Me hissant sur le lit de mes bras pour me lancer dans ma progression jusqu’à Bonnie. Lui, toujours surélevant la partie haute de son corps à l’aide des siens, ce sont mes mains qui remontent le long de ses jambes trop heureux de retrouver le contact de cette peau que j’avais bien trop brusquement perdu il y a à peine quelques secondes de cela. Stoppant leur course en de fins cercles à l’entrée de l’aine, ma bouche reprenant son ascension que pour mieux recouvrir son corps de mille baisers. Le désir croissant à mesure que j’en viens à remonter vers une région plus centrale. Et si alternance de douceur et fermeté dominait nos échanges de caresses et baisers, ardeur et langueur cohabitant sur le même palier, c’est à présent nourri par plus de force et de fougue que chacun de mes gestes sont esquissés. Mon lit comme garant de nos ébats dans ce terrain que je lui estime déjà conquis. Mes caresses parcourant son corps en un frisson. Et de la même façon que son corps se faisait récepteur du mien sur le canapé, c’est ma bouche qui vient retrouver la sienne, mes bras enserrant son dos relevé dans une indolente satisfaction. Respirant son odeur avec plus de ferveur, goûtant à ses lèvres et cette langue avec plus de délectation encore. Mes jambes pouvant recouvrir les siennes avec bien plus de place cette fois, et mes mains pouvant coulisser de part et d’autre de mon amant avec aise. S’il avait envie de me voir, ce sont à présent bien plus d’envies encore qui m'animent et me réveillent. Celles d’entendre sa respiration s’intensifier dans le creux de ma nuque, de le perdre un peu plus sous bien plus d’actions que celle de mes mains ou de mes lèvres, de sentir bien plus de chaleur émanant de son corps comme du mien. Ma bouche quittant enfin la sienne pour y murmurer si près de ses lèvres. “J’ai envie de te faire succomber. ” Et c’est d’un sourire bien plus mesquin dont vient se parer mon visage, m’écartant quelque peu de mon brun dont le regard se fait tout autre. Mon désir exprimé assez clair pour ne pas avoir à mieux l’expliciter. Une attention cependant à son égard, autant de douceur que de fièvre dans ma voix à l’égard de mon brun. “Je… Si tu me permets ?” Attendant réponse de sa part pour m’écarter un peu plus et atteindre de ma main le tiroir inférieur de ma table de chevet, révélant aux yeux de Bonnie son contenu de lubrifiants tout comme protections. Sourire et regard dans sa direction porteur d’un seul même message : fais ton choix.
Il a envie de se souvenir de tout. Du moindre geste, du moindre baiser, du moindre souffle. Ambroise veut se rappeler de chaque moment, depuis l’entrée jusqu’à la sortie de cet appartement. Depuis la rue même, ce taxi, premier témoin de rapprochements physiques après les échanges de regards. Il veut mémoriser la façon qu’ont ces mains de le déshabiller petit à petit, la détermination dont il peut faire preuve comme du relâchement. Il veut graver la douceur de sa peau en certains endroits, son goût à d’autres, les expressions qui naissent sur son visage carré. Bonnie veut tout garder en mémoire, précieusement, peut-être en partant du principe que cela sera leur unique nuit, après un jeu remarquable qu’il n’oubliera pas plus qu’il ne peut oublier le nom des étoiles. Pourtant rien n’est immuable, avec le temps les souvenirs s’enfuient, mais son ardeur de jeune adulte, les restes d’une adolescence qui le poussent encore à se sentir invincible, le laisse convaincu que cela n’arrivera jamais. Que le souvenir de ce russe l’accompagnera partout, à jamais, jusqu’aux confins de l’espace. Dans une autre vie peut-être. La sensation de ses mots, de ses mains qui l’entourent et le font doucement basculer, son corps sur le sien, ses lèvres. Il pourrait en pleurer tellement ses émotions et ses désirs sont puissants, comme le moment est beau, merveilleux, parfait, quand leurs regards se croisent pour en prendre conscience.
S’il avait imposé un rythme accéléré, celui qui les enveloppe sur ce canapé est redevenu lent, à la maîtrise du scénographe qui se venge gentiment. Il se montre plus hardi, redécouvrant son torse et décelant de nouvelles parcelles sensibles, guidé par un Ambroise incapable de maîtriser son corps et les signaux envoyés. Ces doigts et sa langue tout aussi doués. Efficaces pour le faire flancher, soupirer, s’enflammer ; inapte à retenir ses réactions ou contrôler ses expressions traîtresses de son plaisir. Tout est à portée de main, et Andreï sait lire ces messages secrets. A l’instar de l’étudiant qui avait été si proche de le faire basculer ; et il en est fier, de ce moment d’audace particulièrement attendu sans qu’il ne le comprenne avant de se retrouver à genoux, le goût encore sur la lange. Le plaisir de voir celui du russe s’étaler dans ses yeux sombres. L’un et l’autre ont ce même pouvoir possessif et libérateur, dominant et soumis. Et c’est à présent Ambroise qui s’y perd, au bon vouloir du scénographe qui explore encore un instant avant de les déshabiller tout deux. La passion guide davantage ses gestes, il se fait moins flâneur. Cherchant avec précision à répondre aux envies de Bonnie, à présent incapable d’autre chose que de recevoir ses attentions. Andreï n’a pas été aveugle à ce qui se cachait dans le regard du plus jeune, sans aucun doute. Il n’a pas manqué ces tourbillons que des mots ne peuvent décrire, et c’est ainsi qu’il veille à remplir ses souhaits, rendant la pareille à son traitement de tout à l’heure. Des baisers plus précis, qui remontent après être descendus.
Leurs regards accrochés, un battement de cœur qui s’accorde sur la même seconde. Un autre instant unique, qui fait redoubler leur désir comme une nouvelle vague féroce s’échouant sur le rivage. Une pulsion de... Quelque chose, un sentiment, une volonté. Lui. Andreï. Bonnie est subjugué. Hors du temps et de l’espace. Le monde n’a plus cours en dehors de ces yeux ténébreux, profonds, brillants, attirants à l’instar du puissant champ gravitationnel des trous noirs. La vue apporte un tout autre panel de sensations, qui décuple les caresses délicates ou plus fermes. La vue fait réaliser ce qui se passe. La réalité sous les yeux, Ambroise n’a pas l’intention de les fermer, mais c’est aussi difficile. L’australien est entre de bonnes mains, il le sait, il en est encore plus certain, il pourrait juste se rendre à ses lèvres. Demander grâce, avoir la libération. Cependant il est encore tôt, cela serait un peu gâcher toute l’attente, cette montée en tension graduelle. Mais rien que les frottements suggestifs l’ont rendu fou, il devrait lui dire d’arrêter, mais c’est seulement d’un nouveau baiser dont il a le plus besoin. De sa main sur sa nuque, il le guide à sa bouche, en gémissement encore au bord des lèvres alors que leurs corps se moulent plus parfaitement l’un sur l’autre. Une ardeur moins vive, moins féroce qu’un peu plus tôt, tout aussi délectable. Andreï reste délibérément au-dessus de son torse pourtant, s’appuyant à nouveau en un endroit précis et délicieux. De quoi annihiler continuellement les pensées d’Ambroise. S’il est effronté, l’autre est tout aussi dangereux. Mais jouer avec le feu est le sport préféré du petit brun.
Le baiser s’arrête. Ambroise rouvre lentement les yeux, les pose dans ceux de son amant qui le détaille avec une certaine application. Il en rougirait si ses joues n’étaient pas déjà plus colorées que d’habitude. Et il lui rend la même intensité, d’un vert voilé mais décidé. Qu’il aimerait rester là, dans cette bulle. A deux doigts d’un baiser, à l’observer. Cette beauté du nord, d’un autre monde assez littéralement. Les boucles désordonnées, les mâchoires découpées, les lèvres au sourire si rare et si précieux. Qu’il connaît pourtant bien. Ces yeux, encore et toujours, point d’ancrage de l’âme qui résonne. L’atmosphère qui les enrobe est si belle, cotonneuse, agréable, frissonnante de désir. Il aurait beau chercher, le jeune homme ne trouverait pas de comparaison avec ce qu’il a déjà connu. Et il s’en fiche. Notamment parce que le russe s’approche de nouveau pour effleurer sa peau, et bientôt jouer avec le lobe de son oreiller gauche. Un soupire, un sourire. Quelque chose lui dit qu’il apprécie le petit anneau qui orne son oreille puisque c’est la cause du moment rompu, très furtivement cependant, car les mots ont un plus grand impact. Si grand qu’il n’a d’abord pas la voix pour répondre. Il hoche la tête, glisse sa main sur sa gorge pour y avoir accès et y déposer délicatement ses lèvres. Et y murmurer avec chaleur qu’il n’attendait que cette proposition... Il sent le frémissement sous ses doigts, et bientôt le froid qui s’insinue et l’enveloppe alors qu’Andreï le libère de son poids afin qu’il se relève à son tour.
Mais Bonnie ne laisse pas la distance s’installer entre eux. Emmêlés l’un à l’autre, depuis ce baiser fougueux ils ne peuvent se quitter décemment, ils restent liés par le toucher, les lèvres, le regard, quelque chose. Il suit le mouvement de près, restant à un souffle toujours des lèvres de son amant, qu’il capture une dernière fois avant de se retrouver debout. Le moment est précieux pour calmer la montée du feu en lui, suite aux caresses et à l’intensité. Il n’avait plus en tête que l’idée de passer promptement à la suite, d’atteindre enfin cette union tant recherchée, or à présent ses pensées sont plus claires. Le brouillard de son esprit se dissipe au rythme des pas qui se synchronisent, des baisers et caresses bien plus tendres. Aucun n’a le dessus, bien que le russe guide tout de même la marche vers sa propre chambre, et Ambroise n’y fait pas attention, trop occupé à garder cette chaleur près de lui. Une main qui traîne sur les côtes, une hanche, le dos. Un bras qu’on effleure. Sans précipitation, ils arrivent à la fameuse porte, où l’australien se retrouve adossé et il en profite. Attirant le corps à lui, il capture et l’attention et les lèvres de son brun dans un renouvellement d’excitation dans la légère obscurité du couloir, uniquement éclairé par le salon. Un baiser de fougue. Ce moment de pause et de douceur nécessaire pour qu’il retrouve ses esprits, pas destiné à durer. Et Ambroise y met un terme sur le pas de cette porte. Bientôt blotti dans les bras d’Andreï en réaction à ces retrouvailles de désir, il sent le contact du bois sur sa peau disparaître. La porte s’ouvre sur un endroit personnel, inconnu.
Ambroise n’aime pas trop laisser n’importe qui rentrer dans sa chambre ; il préfère pour cela le lit des autres. C’est sa bulle, son antre, il y trouve refuge en tout temps, et malgré certains écarts réfléchis, rares sont ceux qui peuvent se vanter d’y être entré. Encore plus d’y avoir passé la nuit. Mais Andreï... Il y aurait eu sa place, même un premier soir comme celui-ci. S’il n’y avait pas eu Sybille, ou Moana, ou Clément. Contrainte de la colocation. Cependant ça serait dénigrer le plaisir de découvrir cette pièce qui lui en apprendra plus, en silence, sur son russe favori. Ils franchissent le seuil ensemble mais l’étudiant est rapide à se détacher de l’étreinte pour faire face à l’ombre. Il sent encore le torse d’Andreï dans son dos, son souffle caressant, sa paume sur son bras. L’idée qu’il a en tête ne lui laisse pas l’occasion d’en profiter pleinement, et il s’aide du peu de lumière entrant par la porte pour s’orienter et repérer une lampe de chevet. Sans attendre, il s’éloigne vers le lit. Entendant son nom derrière lui, simple interrogation sans inquiétude ou sans-entendu, deux syllabes, alors que leurs mains se quittent bel et bien. Andreï aurait-il l’impression de voir disparaître un fantôme ? Un songe ? Un rêve ? Un sourire en coin invisible pour le scénographe étire les lèvres du plus jeune, qui grimpe sur les draps pour atteindre l’interrupteur. Et la lumière fût.
Il se retourne vers son amant, sourie indécemment, taquin. Assit sur le matelas, ses bras en arrière qui soutiennent son torse. Son regard qui se fait appréciateur alors qu’il explique en quelques mots qu’il avait envie de le voir. Faire l’amour dans le noir n’est pas forcément ce qu’il préfère. Et puis, il veut être témoin. Le regard d’Andreï qu’il a senti glisser sur lui ne dérive pas non plus. Bonnie le regarde, son visage avec ce léger sourire, ses épaules, son torse dessiné la perfection, ses abdos, son bassin, ses cuisses musclés. Ce que la Russie a fait de plus beau est devant lui. Bonnie a l’impression d’avoir sous les yeux une œuvre d’art, tout en ayant l’impression d’en être une lui-même, à la façon dont il est détaillé. L’air se charge en électricité dans cette chambre dont il a pris furtivement conscience. Il n’arrive plus à détourner le regard de son amant, mais il a pu deviner quelques contours. Le plus important restant le lit, et il en frémit à s’en mordre la lèvre inférieure, sans se départir de son sourire, de se savoir dans les draps de son bel inconnu. Ses paumes notent d’ailleurs la sensation fraîche du tissu, furtivement. Les choses sérieuses sont à portées de main, la chambre représentant un autre univers, plus propice sans doute au lâcher prise, se laisser aller, vibrer, oser, libérer la passion qui le ronge. Il a assez attendu. D’un mouvement de tête naturel, il invite Andreï a approcher, ce qu’il saisit très bien. Ce dialogue silencieux. L’entente.
Il ne le quitte pas de ses émeraudes étincelantes, s’avançant vers lui, grimpant à son tour sur le matelas. Une bouffée de chaleur l’étreint au premier contact. Il lui avait déjà manqué. Ce n’est pas la tendresse c’est l’ardeur insufflée par le plus jeune qui est retrouvé dans cette ambiance différente. Ils ne sont plus vraiment dans la découverte, dans le jeu, dans les préliminaires. D’une seconde à l’autre le démon de feu peut les faire basculer. Ambroise ne se sent pas loin de laisser tomber ses entraves. Andreï progresse pourtant précautionneusement, tandis que le plus jeune ne bouge pas. Il caresse de ses mains, remonte doucement, appose ses lèvres en endroits précis, comme prenant le temps de retrouver ce qu’il avait perdu subitement. Force l’anime davantage que langueur. Baisers plus pesants sur sa peau font soupirer Bonnie. Les yeux mi-clos, qu’il se refusait à fermer totalement pour ne rien manquer du spectacle, il accueille les lèvres et l’étreinte avec un frémissement du corps. L’adoration qu’il a pour ses lèvres se traduit dans une faim à peine comprise. Une énergie nouvelle dans ce baiser fougueux. Voulant le toucher à son tour, Ambroise s’allonge, l’entraînant avec lui, le laissant recouvrir son corps, apprécier l’espace qu’ils ont à présent pour leurs ébats. Ses mains s’aventurent, ne se lassant pas de ce qu’elles découvrent ou redécouvrent. Des épaules fermes à la colonne qu’il devine, jusqu’au fessier qu’il s’approprie. Il reprend son souffle lorsqu’Andreï libère ses lèvres. Susurrant quelques mots.
Les yeux de Bonnie s’ouvrent plus nettement, et sa bouche, au lieu de s’étirer en un sourire habituel, s’entrouvre légèrement. Le temps d’enregistrer, de comprendre. Il ne peut pas décemment répondre à une telle phrase sans piétiner sa fierté. C’est le jeu encore qui s’invite, l’insolence du vert. Il se mord la lèvre inférieure d’anticipation, le sourire en coin enfin apparu, une phrase au fond des yeux. « Essaie pour voir. » La réponse y est tout aussi cachée. Andreï y arrivera, il perdra en souffle et en torsion, en gémissement et tension, et c’est un frémissement du bas des reins qui pousse Ambroise à récupérer ses lèvres plus violement. Plus question de douceur et de tendresse mièvre entre les murs de la chambre. Et le sourire qu’il voit ensuite parer le visage du russe qui se recule et le force à rompre l’échange corrobore cette idée. Une autre facette, tout aussi excitante. Pourtant, la chaleur de son ton se mêle à encore un peu de galanterie. L’australien fonce légèrement les sourcils, ne sachant pas trop ce qu’il doit permettre, mais il hoche la tête. C’est alors que le scénographe se redresse, emporte un peu de sa chaleur avec lui. Bonnie se redresse sur les coudes en suivant le mouvement, ses yeux viennent se poser ensuite sur le petit tiroir de la table de chevet à présent ouvert. Une lueur amusée dans les yeux, un sourire bien plus marqué sur ses lèvres fines, et il se tourne sur le côté, dérangeant un peu Andreï, pour atteindre de sa main l’un des tubes du lubrifiants qu’il a reconnu. Puisque c’est visiblement à lui de choisir. Il ne va pas perdre quarante ans à lire les notices des quelques autres alors qu’il en connait un et qu’il va aller parfaitement.
Il sourit légèrement, referme le tiroir d’une main, puis se redresse, presque entièrement assit. Il croise le regard d’Andreï, et s’apprête à recevoir une question, mais il le prend de vitesse. « Je suis clean. Et.. j’espère que tu l’es ? » demande-t-il en penchant la tête légèrement. Son dernier test date d’il y a un peine trois mois, et il n’a pas eu le temps d’avoir de conduite à risque. Pour sûr, c’est débile ce qu’il fait là, une petite voix le lui dit, mais une autre le rassure davantage. Andreï n’a pas l’air d’être le genre d’homme à prendre tout ça à la légère. Et il veut ça avec lui. S’humectant les lèvres, il reprend d’un ton plus bas, confidentiel. « Parce que je te veux, toi... Sans obstacle... » Petit serpent au ton doucereux, à l’envie perçante d’avoir ce qu’il veut. Inconscient, sûrement, mais ça n’est pas la toute première fois non plus. Devant le silence d’Andreï qui dure quelques instants de trop à son goût, il vient mordiller sa mâchoire, revenir sur ses lèvres qu’il effleure. « S’il-te-plaît, juste pour cette fois... » Parce qu’il a peur qu’il n’y en ai pas de prochaines, qu’il n’y ai pas d’autres nuits, et qu’il veut tout ressentir pleinement. Il en veut trop, sans doute, avec ferveur, mais il va le regretter dans le cas contraire. Il veut que ce soit unique, comme ce qu’Andreï arrive à lui faire vivre. Il veut que ça soit inoubliable pour son amant, comme ça le sera pour lui. Un baiser soudain qu’il reçoit lui confirme l’approbation du russe. Un soupire lui échappe alors que langues se rencontrent à nouveau, scellant la décision. Une bientôt accroché à sa nuque, Bonnie intensifie l’échange avec plaisir, et en profite pour faire basculer les choses.
En harmonie ils échangent de place, et c’est à présent le bouclé qui se retrouve dos sur le matelas. Le plus jeune bien ancré, les jambes de part et d’autre de ses cuisses alors que les baisers ne cessent qu’après encore quelques secondes. Il descend un peu dans le cou, profite de ce dernier instant de calme relatif. La tension grandit pourtant depuis tout à l’heure, des gestes moins lents mais tout aussi langoureux. Il se redresse une main sur le torse pour le maintien. Ils ont chaud. Les corps brillent déjà de cette fine pellicule de sueur. Une salinité qui le pousse à passer sa langue sur ses lèvres. Tout pour rendre fou. De son autre main, qui tient toujours le lubrifiant, il l’ouvre. Et se recule un peu plus, décroche son regard pour le porter plus bas. Un sourire s’esquisse alors qu’il verse un peu du contenu du tube dans la paume de sa main. Un peu frais. Plus que sa peau, en tout cas. Et quand ça sera à son tour, il devrait sentir encore plus de différence de température. Comme toujours, les pas, les étapes s’enchaînent aisément. Et c’est sa main qui enveloppe bientôt Andreï, relevant un instant la tête, observant avec avidité ses réactions ; furtives certes, ça n’est que sa main, mais tout aussi délectables. Il s’applique à bien répartir le produit, ça n’en sera que plus agréable pour tout le monde – surtout pour lui –, non sans une bonne dose de sensualité parce qu’il devine presque parfaitement les effets qu’il engendre. Continuant ses gestes précis plus bas, il se penche au-dessus de lui, ravi une fois de plus de le surplomber. Incapable de résister, Ambroise vient chercher un baiser, appuyé sur un bras pour sauvegarder l’espace entre eux et son activité, mais il y met toute l’envie qu’il ressent. Leurs intimités viennent se toucher, implacablement, et il gémit légèrement contre sa bouche. Son mouvement de hanche le fait soupirer, alors qu’un nouveau baiser capture ses lèvres. Dernier mouvement de sa main, si proche. Il a tellement envie de lui.