Migration de nos corps enlacés à travers l’appartement, c’est le rôle de guide qui est remis entre mes mains. Une obscurité croissante venant accueillir nos pas que seul un filigrane de lumière vient troubler comme montrant la voie à emprunter jusqu’au lieu-dit. Fin rayon lumineux prolongé jusque dans le couloir, notre ardeur préservée par une accalmie fiévreuse de laquelle ce sont nos bouches qui n’ont pu se résoudre à se séparer. De ces baisers tendres constellant notre chemin, le contraste de son nouvel embrasement soudain n’en est que plus saisissant. Force de la pression de ses bras entraînant un peu plus son corps contre le mien, ne me laissant que le temps de le retenir d’une chute certaine emporté par la porte ouvrant sur cette destination nouvelle : ma chambre, lieu de toutes les promesses. Et bien que chaque pièces parcourues seraient une raison de plus pour lui faire l’amour, ni de la bibliothèque, ni du canapé du salon, ni du couloir longé n'ont autant été porteur de désir que cette porte entrouverte.
Une sensation de manque comme sensation récurrente de l’absence de son corps contre le mien. Mon torse perdant sa chaleur, ma main perdant sa trace. Lui, avalé par une pénombre à laquelle mes yeux ne se sont pas encore accoutumés. Ça n'est pourtant pas faute de tenter de le retenir de mes doigts, ma voix prenant le relais de ce désir. Son nom porté sur mes lèvres résonnant dans un espace d'où il reste indiscernable pouvant tout aussi bien être vide de sa présence. Un doute peut-être, celui de le voir s’évaporer en cet instant précis. De ne plus le savoir mien le temps d’une nuit, faisant de mes draps son domaine après lui en avoir ouvert la porte. Ce fait comme seul sous-titre de mon interrogative tranquille : le pas de la porte franchi et lumières éteintes, sans ses hanches pressées contre les miennes je ne perçois rien d’autre que du noir. Une seule phrase de sa part qui suffirait à permettre à ce doute de s’évanouir. Cherchant alors une attache du son de sa voix à défaut de pouvoir me raccrocher à sa peau. Désirant toujours ardemment y laisser courir mes mains et mes lèvres, continuer les chemins éparses empruntés du salon à mon couloir et du couloir à la porte de ma chambre, seulement guidé par mes pas et ma main tâtonnante sur la poignée plus tôt actionnée. Pressentant cependant que cet instant de flottement ne durerait qu'un court instant au son d'une main qui se glisse et d'un interrupteur que l'on actionne.
Mes yeux qui se plissent au nouvel apport de luminosité face à une pénombre de courte durée, c'est à présent une ambiance de demi-jour qui vient parer la pièce. La chaleur tamisée de mon abat-jour révélant les contours de la pose de Bonnie nonchalamment étendu sur mes draps le torse relevé. Position sculpturale de laquelle mes yeux ne peuvent se détacher. Me transcendant autant par sa candeur que par son érotisme, appréhendant une fois encore ce sentiment de le désirer toujours sous un angle nouveau. Dévorant un peu plus des yeux ce qu'il m'a déjà été permis de maintes fois détailler : ce visage emprunt de cette sûreté taquine, sourire mordant, yeux perçants de leur désir. Décrivant un peu plus ce que mon toucher avait bien plus inscrit que ma vue : des lignes de son torse jusqu'aux muscles de ses cuisses. Instant trop précieux pour s'inscrire dans la durée, c'est un signe de sa part compris avant même d'avoir à l'interpréter qui m'incline à le rejoindre dans un terrain conquis. Me faisant cette réflexion à mesure que mon corps se rapproche de mon amant : ce lit, bien à moi, est déjà sien. Ma volonté, sur ce lit, est déjà sienne. Répondant à ce double désir de prendre et faire plaisir, recevoir tout autant que donner.
Ferveur de mes paumes remontant le long de ses cuisses, ardeur de ma bouche à remonter vers ces buts bien précis. Il n'est plus question de civilités polies alors que c'est avec une passion dévorante graduellement retrouvée que nos corps viennent à se confondre. Liberté accordée à nos gestes sur l'étendue matelassée, chaque action effectuée avec plus de force et ampleur alors que la place lui ai laissée pour s'allonger. Invitation à atteindre sa bouche ranimée sous le coup de baisers dont le manque venait à se faire sentir comme un besoin, ce même besoin obligeant nos lèvres à se détacher afin de reprendre notre souffle raréfié. Ne me sentant vivre en cet instant plus que pour ses mains glissant dangereusement jusqu'au bas de mon dos, mes lèvres sur sa bouche, son souffle en écho du mien. Envie de plus. Se perdre dans ce désir, ressentir les limites d'une volonté écrasée par ce désir sans se soucier du reste. Ne plus mettre un terme à une montée de plaisir qu'il ne sera plus possible de stopper une fois le point de non-retour dépassé. Envie de succomber à la pression de ce désir et le faire succomber. Souffle rauque aux accents possessifs délivrant pourtant une autre idée : à ce jeu là, c'est tout autant mon ardeur qui est mise au service de la sienne.
Aucune réponse attendue, ce sont pourtant ses pupilles qui me donnent de leur habituel répondant. Brillants de cette lueur de défi tout en insinuation. Jamais d'affirmative, toujours une provocation. Ne sachant que trop bien que rien ne m'est dû depuis ce même jeu de nos boîtes de nuit. La clef du mérite laissée entre mes mains, ne tenant qu'à moi de savoir l'utiliser. Et c'est ce regard comme soufflant sur les braises de mon désir qui finit de renforcer ma motivation, de même que sa ferveur à retrouver mes lèvres. Nouveau but en tête dont la simple pensée dévoile mon sourire sous un autre jour. Et si c'est avec frustration que j'avais plus tôt senti s'échapper de mon étreinte mon brun, disparaissant à ma vue que pour mieux reparaître sur le tissus de mes draps, c'est à présent pris d'une espiègle exaltation que j'en viens à quitter ses bras. Son hochement de tête à mon interrogative menant jusqu'à l'ouverture de mon tiroir, dévoilant son contenu à Bonnie. Il ne lui en faut pas plus pour comprendre l'insinuation et pour que sa main se saisisse de l'un des tubes. Refermant le tiroir de cette même main. Un tube, et rien de plus.
Mon regard croisant celui de Bonnie, la mine interrogative. C'est un questionnement près à franchir le pas de mes lèvres bientôt devancé par sa propre réplique. Répondant par avance à ma possible incompréhension ou inquiétude : clean, il l'est. Et je puis lui certifier que moi aussi. Bien qu'il me soit impossible de nier que je n'ai jamais eu de comportements à risque, j'ai déjà eu à apprendre de quelques-unes de mes fréquentations à Londres qui ne se sont pas soldées sans frayeurs. Dépisté dans les mois suivant, ma négativité n'a jamais été à reconfirmer depuis. Un simple doute peut-être, il y a bien déjà deux ans de cela qu'une vérification sur le tas à eu tôt fait de dissiper. Et si j'ai pu faire le con, ce ne sont pas de ces expériences que j'irais réitérer. Bien trop conscient des risques pour les ignorer ou pour les faire encourir à d'autres. Chanceux, dans le cas contraire je n'aurais pu m'en prendre qu'à moi et il aurait été hors de question de foutre dans la merde un autre que moi-même. Me tenir responsable du malheur d'autrui étant bien la dernière chose que je pourrais porter sur ma conscience. Encore moins celui de Bonnie. Et si je suis confiant en Bonnie sur ce sujet, ça n'est pas tant d'un doute à ce propos dont ma bouche voulait lui faire part mais s'il était bel et bien certain de sa décision. Conscient de l'importance du geste, un fait maintes fois pensé mais qui se fait d'un coup bien plus concret : Bonnie n'a jamais été qu'un simple coup d'un soir, et-ce dès le premier regard. Fait qui n'a jamais été plus vrai que ce soir dans le cadre de ma chambre, sur le point de sauter le pas sur mon lit. Répondant à son interrogative par une affirmation sans appels. Il n'est pas question d'en faire douter Bonnie. «Clean. Il n'y a pas de doutes là-dessus, mais... » Un regard appuyé ne se dérobant pas du sien, recherchant seulement une confirmation dans ses yeux de sa certitude à lui.
C'est son murmure qui vient apporter le fond de ses pensées de sa voix basse, propos tentateur d'une créature tentatrice. La décision finale placée entre mes mains, ébauche de lutte de mon désir conjointe à la sienne et de ma raison. Car s'il m'aurait pour un temps été aisé de dire non face à un possible doute ou sentant une indécision de la part de mon brun, je ne vois au final plus de raisons de m'y opposer à la lumière de nos propos échangés. Silence de ma réflexion duquel ne se dégage plus qu'un argument : cette proposition que je miroite, j'en ai envie. Silence duquel sa voix se fait plus suppliante, presque un susurrement auquel je serais fou d'y apposer une résistance. Et puis merde. Fondant sur sa bouche, l'acte remplaçant les mots. On est de toutes façons plus à ça près. Fougue de baisers de nos lèvres presque en écho de ses paroles prononcées, cet instant pouvant tout aussi bien être le premier et le dernier. Ma langue venant à la rencontre de la sienne, scellant cette décision prise.
Lèvres gorgées de plaisir, c'est chaque parcelle de mon corps qui se pare de cette chaleur lourde de désir, perdu dans les différentes sensations que viennent appréhender mon corps. Velouté du tissus recueillant bientôt mon dos, échangeant une fois encore d'un commun accord les rôles, Bonnie m'enveloppant de son poids. Ses cuisses fermes sur les miennes, c'est la pression de mon sang affluant dans mes veines qui se fait plus intense. Effet de sa bouche regagnant le creux de mon cou, anticipant la suite avec délectation. C'est mon regard qui se permet de dériver du visage à son torse, la position l'empêchant de se glisser plus bas, m'imprégnant cependant sans mal de chacune de ses actions. Ses lèvres venant s'humidifier l'une contre l'autre, son torse se soulevant au rythme de se respiration déjà brillant de nos ébats précédents. La vision est divine. Mes mains, désireuses de ressentir le grain de sa peau sous leur paume remontant le long de ses cuisses, bien présentes. La sensation n'en est que similaire. Bruit d'un bouchon que l'on ôte et ce sont mes yeux qui sont contraints de se clore alors que sa main entreprend un nouveau contact. Se refermant sur une dernière image de son sourire qui vient se calquer sur le mien. Un soupire de mes lèvres entrouvertes sous l'action de ses doigts, frémissant sous l'effet de la fraîcheur de ses derniers. Contraste évident avec cette zone des plus érogènes, se réveillant face à des sensations similaires à celles de ses lèvres qui l'ont bien plus tôt dans la soirées parcourues. Et c'est avec la certitude de vouloir rendre à Bonnie autant si ce n'est plus du plaisir procuré que ma bouche accueille avidement la sienne. Gonflée de plaisir. Elle, comme le reste. Excitation montant graduellement aux multiples facteurs. Tout autant généré par l'action de sa main que son souffle contre le mien, nouveau contact d'une zone bien plus sensible contre la mienne me laissant échapper un coup de bassin à son gémissement.
Cherchant de nouveau sa bouche, se sont mes paupières qui s'ouvrent. Le souffle épars, la voix rauque dans le creux de son oreille, un rire fin s'échappant de mes lèvres « Si tu continues comme ça je vais finir par craquer » Embrassant son encolure qu'avec plus de ferveur encore. Le désir est là. Brut, intense. Mes mains remontant derrière ses cuisses de leur même fermeté. S'y attardant, poussé par cette envie de le conduire vers une certaine détente. Nouveau tressaillement de mon bassin. Putain. Je n'aurais jamais autant désiré qu'à cet instant. Lui, tout entier. Le vouloir à n'en plus pouvoir désirer. Ne me le représentant qu'avec plus de précision au plus proche de moi. Se confondant presque au milieu de mes draps. Recherchant cette osmose de nos deux corps l'un avec l'autre comme-ci rien d'autre ne compte. Cette envie, maintenant. Un regard de compréhension, mes iris se perdant dans celles de mon amant. Il n'en faut pas plus pour que le message soit appréhendé. Et ce sont mes mains qui remontent le long de ses reins, ma jambe m'attachant à la sienne que pour mieux nous renverser. Ma bouche soudée à la sienne, incapable de m'en détacher alors que c'est l'autre côté du lit qui vient accueillir Bonnie sur sa tranche. Mes yeux fermement ancrés dans les siens, la lumière tamisée de la lampe ne rendant le verre de ses pupilles que plus éclatant encore aux doux reflets décuplés par cet éclat. Recherchant une fois encore ses lèvres douces et salées. Mon bassin en suspension au-dessus du sien alors que se sont ses jambes qui viennent à s'entrouvrir, annonçant la suite avec délectation. Mes bras en maintient de part et d'autres de son buste, une main en suspension venant cependant se perdre dans ses cheveux que pour mieux redescendre le long de son visage. Détaillant sa mâchoire pour reprendre son empreinte plus tôt dessinée dans le matelas. Nouveau baiser, ne retirant mes lèvres que pour mieux faire résonner mon murmure contre sa bouche. « n'hésites pas à me guider ». Poids de mon bassin contre le sien, ma main en éclaireuse se frayant un passage un peu plus bas sous le contact ininterrompu de notre regard. Putain. Je l'ai si ardemment désiré.
Ils n’auraient pu passer à l’étape suivante autre part qu’ici. Un canapé vite fait aurait dégradé l’importance. Contre un mur, dans n’importe quel autre endroit insolite. Comme une unique fois attendue qu’on oublie dès la fin. Aucun d’eux n’en a réellement conscience. Bonnie avait bien des idées sur la façon dont allait s’opérer leur nuit, mais la chambre garde cet aspect bien plus intimiste que partout ailleurs. Taciturne, Andreï n’en dévoile pas beaucoup à propos de lui, pas avec des mots en tout cas. Ambroise a donc une certaine curiosité à découvrir ce qu’il y a dans sa bulle, et ressent cette impression de pénétrer un endroit réservé aux plus chanceux. Son lit, l’endroit où il passe toutes ses nuits (ou presque), où des rêves et des cauchemars ont peuplé son sommeil, où il a dû rester éveillé des heures, insomnies ou réflexions. Et plus ils approchent de la fameuse porte, plus l’australien ressent ce changement. Imperceptible. Le prochain palier. Libre cours à leurs désirs qu’ils contiennent depuis le début, chacun de leur côté. De peur de brûler d’un coup, d’incendier. De ruiner aussi trop rapidement ce bonheur qu’ils touchent du bout des doigts, ce désir ferme. A manger trop vite un gâteau, le plaisir est intense, mais fugace. Ambroise n’a jamais voulu de ça, d’une nuit expédiée en quelques heures. Ainsi a débuté ce jeu, s’associant d’autres divertissements comme de le voir de plus en plus déterminé et désireux de l’attraper.
Un jeu qui touche au but, alors que la porte s’ouvre, sur un avenir certain, brisant aux passages les derniers liens qui retenaient les envies grondantes. Un mélange de pensées et de caresses a redonné à Ambroise la fougue qu’il avait su calmer par cette progression moins empressée. Il aurait pu décoller sur le canapé, céder, mais encore une fois, l’idée que ce qu’ils partagent vaut mieux qu’une banquette l’a poussé à se retenir. Juste le temps qu’Andreï propose cet autre chose divin. Compréhension silencieuse encore, accord d’envies, de désirs, de point de vue. Reprendre ses esprits sur le chemin a permis à Bonnie de retrouver toute sa maîtrise pour poursuivre ce que ses sens lui dictent. Plus d’emportement, de fougue. Contre les muscles du russe, qui le protège d’une chute, sous ses lèvres gourmandes, il se sent forcément bien. En sécurité, sans qu’il n’en ai conscience. Il savoure ce dernier instant, sachant que le prochain sera synonyme de séparation. Contre son gré, mais dans un but très précis. Et l’harmonie de l’instant laisse une marque, une seconde de plénitude, d'arrêt, de fraîcheur. Seconde de silence, soupir comme en musique, pour mieux reprendre par la suite. Inséparables jusque-là. Bonnie s’éloigne à la manière d’un esprit qui n’a fait qu’effleurer un corps vivant, tendresse retrouvée pour quelques instants, adoucissant cette brusque séparation.
L’obscurité règne en maître dans la chambre, à peine troublée par la légère lumière venant du couloir. Suffisante pour permettre à Bonnie d’apercevoir son but, mais nullement pour Andreï de le suivre des yeux et de comprendre. Tentative de le retenir par peur de le perdre, mais le laissant finalement s’en aller, reconnaissant en sa liberté une priorité. Seule sa voix grave raisonne. Interrogation. L’appel d’un fantôme qu’on croit revoir à nos côtés. D’un rêve qui s’efface dans la réalité. L’étudiant le devine dans l’instant, écrit autour d’eux, cette ambiance particulière. Née quelque part de sa façon de se mouvoir, légère. Libre, comme sa personne. Il adore ça quelque part, se savoir attendu, recherché. Le russe doit prendre conscience que rien n’est acquis avec lui, on le sert un peu trop fort et il s’envole en fumée. Il disparaît. La magie serait rompue si le scénographe venait à faire un tel pas de travers, et en même temps... Rien n’est certain. Absolument rien. Le doute est remplacé par la lumière. En manque lui aussi de sa présence, Ambroise se retourne et l’invite d’un mouvement de tête à le rejoindre - et dieu sait qu’il est au courant de l’effet induit par sa pose, même s’il n’y a pas réfléchi. Non sans avoir admiré son corps, sculpté dans le marbre. Les vêtements le laissent deviner, mais le voir est tout autre. Et dessinés par le tissu ou pleinement dévoilés à sa vue, il ne sait comment il préfère ces muscles taillés. Mais plus proche déjà, c’est certain. Il a l’impression que toute chaleur s’est envolée, presque regret de l’avoir lâché complètement pour traverser le lit et atteindre la lampe de chevet. Mais cette vision vaut le coup. Il aurait sa place dans un musée, ce fichu russe, et Ambroise aurait la même émotion que lorsqu’on tombe en adoration devant une œuvre si belle qu’elle transcende tout.
Nimbé dans la douce lumière floutée par l’abat-jour, Andreï réduit la distance qui les sépare. Ses yeux verts incapables de s’en détourner. Le feu qui augmente. Présent sur le lit comme s’il était chez lui, Ambroise ne sourcille pas à l’avancée du propriétaire des lieux qui le dévore à son tour du regard avec la précision d’un prédateur. Chaque geste n’est plus calculé comme le précédent. La passion les dicte l’un après l’autre. Faisant frémir le plus jeune, luttant pour ne pas voler sa bouche à nouveau pour relâcher toute cette pression qui grimpe en son for intérieur. C’est bel et bien une libération de sentir à nouveau ses lèvres contre les siennes, son souffle contre sa peau, ses mains sur son corps. Ce poids qu’il apprécie plus que de raison, le clouant sur le matelas alors qu’il les entraîne dans une position plus allongée afin d’avoir sa part de caresses. Plus de place pour s’étendre, plus de place pour les désirs de l’esprit. Plus de place pour être libre, sans limitations. Dévorant ses lèvres, Bonnie reconquiert son corps ; ses mains s’aventurent de la nuque au fessier sans faillir, mémorisant les lignes. En manque déjà. Un manque de lui et un manque de souffle. Tant pis, il se perd dans tout, dans la chaleur, dans les boucles, sous ses lèvres. Sa voix ravageuse. Cette insinuation indécente. Qu’il ose, qu’il y parvienne, Bonnie n’attend que cela. Mais son regard délivre un autre message, bien plus cohérent avec son caractère indompté. Un défi, laissant tout le loisir au russe de procéder. De posséder. Terme que le plus jeune ne remet pour une fois pas du tout en question, puisqu’il est autant question de répondre aux attentes de l’un comme de l’autre.
Electricité qui les parcourt, partie d’un Ambroise qui l’embrasse de nouveau comme s’il n’y avait pas de lendemain, transmise à un Andreï qui prend la pleine grandeur de son audace. Il répond au baiser avec la même puissance, avant de choisir de le rompre. A contre-cœur, l’étudiant le laisse se redresser, lui accordant même son autorisation poussée par la curiosité. Il l’observe arborant ce nouvel air espiègle qu’il apprécie immédiatement, ce sourire qui s’amuse à son tour. Avant que ne soit dévoilé le contenu d’un tiroir de la table de chevet. Il comprend immédiatement que le choix lui est encore laissé, et il opte pour un gel de valeur sûre, rien d’autre. Sa propre idée en tête, sa propre envie qu’il espère assouvir. Il est né avec l’idée que se protéger est le summum de l’importance, qu’il faut être idiot pour chopper une maladie. Il est né dans cette époque post épidémie, dans une Australie qui a su y faire face avec grand succès. Ainsi, il se balade toujours avec de quoi faire, et très peu nombreuses ont été ses conduites à risques. Mais testé, il l’a fait. Avoir un partenaire assez longtemps pour s’en passer, au début oui, il a connu. Et à présent, l’idée refait surface. Depuis très longtemps il n’avait pas eu cette démangeaison de ne faire absolument qu’un avec quelqu’un. Pleinement, entièrement. Presque persuadé, et mitigé à ce sujet d’ailleurs, que cela sera leur seule nuit – la parfaite, l’unique – il veut absolument cela. Et il le rassure, en premier lieu, rapide sous son regard interrogatif. Légèrement anxieux il attend sa réponse, soulagé intérieurement de la recevoir. Clean. Certain aussi que s’il en était autrement, Andreï l’aurait prévenu. Confiance aveugle. Ambroise juge idiots les gens qui l’accordent à n’importe qui aussi vite. Pourtant en ce moment même, il fait confiance à un homme qu’il connait peu ( et tellement à la fois, que c’est ainsi que son cerveau se justifie : le russe est à part).
Et c’est peut-être bel et bien stupide, au fond. Mais lorsque qu’il a quelque chose en tête, il fonce, il l’obtiendra. Sentant l’hésitation de son amant, il affirme sa volonté. Certain, à cent pour cent. Lui et nul autre. Rien n’est commun à ce qu’ils ont connu avec d’autres, le fait n’est plus à débattre. Démontrant aussi par la détermination dans ses yeux verts qu’il ne reculera pas, et ne remettra pas en question son choix. Tentateur, voulant le faire céder à son caprice. Dernière supplique. Il acceptera difficilement un non. La bascule, il ne la voit pas venir, tout comme le baiser que lui offre Andreï pour sceller sa décision. Il se laisse aller en souriant sous sa bouche envieuse, raffermi son emprise sur lui, et profite encore de la position avant d’alterner. A présent à son tour d’être au-dessus. Bien placé sur les cuisses fermes de son russe favori, quittant la bouche pour le cou, pour finalement se redresser, il se repait quelques instants de la vue. De la perfection. Il en profite pour reprendre ses esprits et son souffle. La température de la chambre a déjà grimpé, suivant la leur qui augmente et fait luire leur peau. Ils ont tout le temps, Bonnie l’oublierait presque. Mais, surplombant, il reprend les choses en main, littéralement. En même temps que les paumes d’Andreï remontent le long de ses cuisses, les siennes s’enroulent autour de lui, appliquant une fraîcheur certaine. Avant de baisser le regard pour s’assurer que tout se passe bien plus bas, il savoure d’abord la vision des paupières closes, sur ce visage aux traits qui frémissent, sur ce soupire.
Après un sourire, il se mord la lèvre inférieure, retenant une bouffée de passion qui se traduit par un changement de rythme, plus décidé avant de revenir à la lascivité qu’il avait choisi au départ. L’éveil n’est plus à rechercher. Il ne fait que préparer le terrain, et offrir un peu plus de plaisir, chaque occasion étant bonne pour en donner. Lorsque la fin approche, il cède et se penche pour l’embrasser à nouveau, ne pouvant rester à ce point sans réaction à ce que ses yeux perçoivent. Ce rapprochement en entrainant un autre. L’endroit libéré de sa main, touché par une zone semblable. Un mouvement de bassin prémonitoire qui le fait déjà pousser un faible gémissement. Vite étouffé dans un baiser pour sauvegarder son égo, un peu honteux de ne pas mieux se contrôler face à un geste aussi simple. Les yeux fermés un instant, comme synchronisé pour mieux entendre les mots susurrer à son oreille. Un frisson et un léger rire clair en écho qui fend davantage l’air, qui contraste avec la rugosité de l’accent russe. « C’est mon but, ne l’oublie pas... » Réponse qui fuse, pas plus haut qu’un murmure. Il garde le cou penché, autorisant là de lourds baisers qui marquent sa peau. Puis ses yeux se plongent dans les siens, farouches tel son désir. Frémissant sous ses mains. Elles savent où aller, qu’explorer. Tout en restant affreusement chastes. Action nouvelle des reins. Bonnie ferme les yeux, blotti son visage dans le cou chaud du scénographe. Il est au-dessus mais il ne contrôle plus. Réduit à ses sensations présentes qui ne sont pas assez puissantes à son goût. Laissé dans un état précaire. Andreï ne lui accorde pas la suite, il préfère jouer un peu, lentement, sans en avoir l'air. Sensuel. Bordel.
Un regard à nouveau, pas besoin de plus. Ambroise se retrouve plus enlacé, et doucement positionné sur le dos. Sans lâcher lui-même son russe, il souffle durant cet instant de changement qui voit pourtant leurs lèvres toujours se chercher. Une autre pause. Il admire si proche de lui ce regard sombre qui le couve, dévoilant ses reflets chocolat à la lueur peu intrusive de la lampe de chevet. Il glisse une main sur la mâchoire jusqu’à sa clavicule du scénographe, qui vient cueillir ses lèvres avec un soupçon de délicatesse. Préparant à ce qui va suivre, et qui en manquera. Ses jambes laissent place au corps plus pesant, agréable dans sa gravité. Le baiser touche à sa fin naturellement, en une caresse sous laquelle Bonnie rouvre les yeux. Andreï glisse ses doigts dans ses cheveux d’abord, avant de dessiner les contours de sa mâchoire. L’instant est précieux. Bonnie pose ses mains dans le dos de son amant, légères, besoin primaire de le toucher. Après un autre baiser, sucré de douceur, Andreï lui demande de le guider au besoin. Il n’en faut pas plus pour que la douceur se teinte de taquinerie. « Quand est-ce que je ne l’ai pas fait hm... ? » Sourire en coin, il se mord la lèvre inférieure dans l’appréhension délicieuse. Aveux de ses calculs qui d’ordinaire, sans y paraître, maîtrisent toutes les situations. Aujourd’hui, ce soir, depuis l’arrivée dans son appartement, cette rhétorique est mensongère. Il se jouait des défis, du jeu, de l’attente. La proie reine s’amusait du chasseur intrépide. Ce n’est plus le cas. Il laisse plus de libertés qu’il ne veut l’avouer. Il se perd davantage, il a placé sa confiance dans ce russe qui n’a peut-être pas conscience de sa chance, de la rareté de ce qui se passe pour Bonnie. Lui tellement dans le contrôle, le but unique de son propre plaisir, tout ça relégué au second plan, changé, chamboulé. Envahit par tant de sensations et d’envies, il ne le remarque guère. L’effet Andreï. Ce dernier a plus la main que n’importe quel autre avant lui. Mais l’australien en plaisante, sème le doute, préfère encore croire que c’est le cas pour une minute ou deux, avant de bel et bien rendre les armes. De s’avouer être vaincu, mais pas par n’importe qui.
Les derniers restes de son sourire s’efface sous le poids des hanches d’Andreï. Capturé. Retour à la réalité de leurs puissants désirs. Main qui descend. Regards qui s’accrochent. Il n’y pas réellement de point de non-retour à atteindre, si ce n’est qu’il a déjà été dépassé depuis très longtemps. Ambroise ne saurait dire, mais cela fait un moment qu’il n’a pas envie de reculer. Encore moins maintenant. Il repense à la première fois où il a posé ses yeux sur lui, à la chaleur immédiatement ressentie, à l’heure passée à l’observer à la seule lueur de la scène, dans la pénombre d’un théâtre. D’un mouvement il l’embrasse, agrippé à lui, sa main rejoignant et l’accompagnant, la guidant un peu. Légère tension, puis détente. Et il laisse le russe gérer pour la suite, le préparer convenablement. Son corps frémit, de lui-même, il ne maîtrise plus. Il a chaud. Mais il meurt d’avoir davantage, et vite. Il meurt de ressentir plus, maintenant. Bientôt un léger grondement lui échappe, alors qu’il s’échappe un peu. Les sourcils légèrement froncés, les dents serrées. Un soupir contenu qui libère les tensions de sa mâchoire. « .. Andreï... » Sa voix est éreintée par le désir. Plaintive dans ces dernières notes. Il ne peut pas en dire plus, mais il s’est fait comprendre. Un autre baiser, furtif, pressé. Un frémissement dans l’air reconnaissable, à croire que même la lumière tremble.
Et c’est Bonnie qui vibre bientôt. Dès le début. Un peu de douleur, un peu de plaisir. Ses bras entourant les épaules d’Andreï, ou sa taille, une bouée de sauvetage, l’enjoignant de ne pas s’arrêter par des mots à peine articulés. Légèrement cambré par moment. Leurs souffles se mêlent, les regards parfois s’accordent, leur envie résonne en eux au rythme des battements puissants de leur cœur. Enfin. Oubliant tout le reste si ce n’est lui. Maintenant qu’ils ne forment plus qu’un pour la première fois, sensations tant recherchées. Tant désirées. Sans faillir aux attentes. Ambroise en est silencieux, si ce n’est son souffle aussi intense que possible. Il ne pourra rien regretter de cette nuit. Les obstacles passés, et quand bien même ça n’est pas tout à fait le cas, il remonte ses doigts sur la nuque de son amant, lui volant un baiser qui s’allonge lorsqu’Andreï décide qu’il était trop court. Le volcan qui gronde. Il ne s’est que rarement senti autant à sa place que dans cette chambre. Aussi vivant qu’à cet instant qui les lie plus que jamais. A jamais. Les yeux fermés, ouverts, peu importe, Bonnie a l’impression de tout ressentir à la fois. Ce premier mouvement ample qui le trouve crispé, souffle au creux de son oreille, réponse de sa part. De ses hanches qui savent ce qu’elles veulent. De son cœur qui tambourine si fort. De son cerveau, éteint, par des émotions puissantes. Bon sang. Qu’est-ce qu’il attendait ce moment. Qu’est-ce qu’il ne donnerait pas pour que ces instants durent le reste de son éternité.
Pas d’entraves. C’est lui qui l’aura proposé. C’est moi qui l’aurait accepté. Sa décision tout autant que la mienne, scellée par nos lèvres retrouvées. Une confiance mutuelle accordée, nos yeux se fermant dans la rencontre d’un baiser. La sagesse confortée par un trop plein de certitudes : celle en sa demande, en notre désir, en l’assurance que le risque n’est plus à notre portée. Sa mine joueuse éclipsant l’inquiétude de la mienne aussitôt le contact de sa peau retrouvé. Mon dos dans le moelleux des draps, mon torse à sa mercie quoique bien moins que l’objet de ses désirs. La préoccupation précédente plus qu’un simple ombrage, subitement bien dérisoire. Dérisoire sous l’agilité de ses doigts, sous le poids de ses cuisses contres les miennes. Me portant une fois de plus au bord de mes propres frontières. Ma voix dans le creux de son oreille. Un mot. Une envie. Flancher.
Son but. Le sien. Celui de me faire craquer, du premier regard au dernier baiser. Succomber à son aura tentatrice et s’y frotter. Et jouer ce jeu de celui qui parviendra à le faire craquer, lui. Celui auquel j’ai joué. Celui qui me laisse échapper ce rire fin sous l’impulsion de son bassin, de ses doigts bien plus bas. Ma bouche au creux de son cou annonçant mes limites, proches. Mon corps répondant à ses caresses que pour mieux les atteindre. Yeux fermés pour en ressentir chaque frémissements. Paumes fermements ancrées à sa taille, ses cuisses. Glissant, s’attardant, inéluctablement. Le désir de l’un comme clé du plaisir de l’autre. A donner et recevoir. A gémir dans un bruissement et percevoir. Mes lèvres s’emparant de son cou comme jamais elles n’avaient oser posséder. Recevant la compréhension de son regard, percevant le souffle de son visage blotti tout contre moi. Sous l’action de mon bassin ou de mes baisers. Sa peau brûlante sous mes lèvres ou sous mes mains. Je l’ai voulu, il me l’a murmuré : la chose est attendue, ardemment désirée. Et sans un mot de plus c’est mon corps qui prend le parti de nous renverser.
Etrange douceur que celle d’un regard se plongeant avec avidité dans celui de son homologue. Criant bouche. Criant lèvre. Criant maintenant. Criant fièvre. Ce regard dont se pare celui de Bonnie tandis que se sont ses mains qui décrivent les contours de mon visage. Presque trop sagement, humeur maligne. Excitation d’un tremblement de mes lèvres retrouvant les siennes, salines. Ne s’en détachant que pour plus de douceur encore, couvant cette ardeur en son port. Mimant le geste de ses doigts descendant précédemment le long de ma mâchoire pour en tracer les contours de la sienne. M’octroyant le luxe de me frayer un chemin à travers sa chevelure. Curiosité de ses pupilles venant cueillir les miennes, ma voix en un murmure. Enveloppante. Venant trouver répondant auprès de la sienne, mordante. Continuant pour quelques secondes encore la joute. Le duel. Un semblant de rapport de force que son sourire vient ponctuer et auquel mon sourire vient s’ajouter. D’anticipation, de concupiscence. Le poids de mon bassin s’affaissant contre le sien éclipsant l’attente. Ses mains me montrant la voie à suivre sous les miennes entreprenantes. Libérant le passage tandis que j’aime à admirer les différentes facettes de son visage. M’aiguillant là aussi, encore. Toujours.
Sa voix. Fébrile. Mon prénom au bout de ses lèvres comme une promesse, non pas comme aveux de faiblesse. Ivresse. Désir. Lui. Sa bouche, le goût de ses lèvres, le battement de ses cils. Son corps, son tout. La résistance opposée à mon approche. Lentement. Froncement de sourcil. Chaleur. Soupir. Chaleur à sa rencontre. Un peu plus. Tout. Contre. Lui. Chaleur. Chaleur. Graduellement. Un peu plus vibrante, toujours plus brûlante. Et mes mains se faisant moites, et les draps se défaisant. Et la paroi se faisant étroite, et le rythme s’accélérant. Peut-être sous mes impulsions, peut-être sous ses reins. Toujours venant chercher ses lèvres. Une fois. Deux fois. Encore. Plus longtemps. Le faire mien. Me faire sien. Qu’un. Ivre de tout jusqu’à s'enivrer de cette ivresse. Se rattacher à son flot que pour mieux le boire, annonciateur de jouissance tant recherchée. La respiration lourde, les battements du coeur saccadés. Déferlement de pensées que seule ma bouche contre la sienne parvient à calmer. Sans vouloir ce calme, sans chercher à l’arrêter. Car il a trop longtemps été réfréné. Censure du désir qu’il est enfin tant de laisser bourgeonner, éclore, fleurir. Mais jamais se flétrir. Jamais se faner. Le sang irriguant le corps affluant de tous côtés, suivant une boussole dont les points cardinaux auraient été mélangés. Seulement certains de mon corps au plus près du sien. Lui, m’enveloppant. Cocon de chaleur à la pression croissante. L’une de mes mains désireuses de s’imposer par sa présence de la même façon auprès de lui. Multiplicité des plaisirs. Vocabulaire réduit à un essence de mots que le plaisir n’a pas encore su flouter. “пиздец, Bonnie...” Le russe refaisant surface. Peu importe qu’il en comprenne ou non le sens tant qu’il en saisit l’essence. Le ton bien plus parlant que le reste. Mon corps bien plus parlant que le reste. Sans contrôle si ce n’est celui de cette quête du plaisir.
Une vague. De sa naissance à son arrivée en fracas contre le rivage. De celle qui vous emporte et vous relâche bien plus tard, bien plus loin. Une vague de plaisir ayant suivi la sienne. Attentif à sa voix et ses signaux. Après en avoir recueilli l’avertissement fébrile dans le creux de mon oreille pour finalement l’en enquérir du mien. Les lèvres tremblantes de ce sentiment de vide comblé désigné comme la plénitude tandis que ce sont mes bras qui relâchent leur appui. Sûrement éreinté, comblé, étourdi par le déluge. Toujours complémentaire tout contre Bonnie. Perdu dans ce bourdonnement, non pas assourdissant. Juste, sonnés. Epris. Le bruissement de nos corps sur les draps et de nos souffles laissant place à cette respiration intense. Profonde. Mon sourire. Peut-être. Sûrement. N’ayant pas à chercher ses lèvres qui viennent rencontrer les miennes. Nouveau scellage de nos lèvres, non plus pacte d’un accord mais résultat d’une longue promesse faites dans un bar. Retrouvant peu à peu mes sens. Regard alors que se sont mes doigts qui viennent caresser ses lèvres. Délicates. Subtiles. Taquines aux paroles tentatrices qui l’auront conduit jusque dans mon lit.
Un même but, un même désir, percevoir dans les yeux de l’autre cet éclat d’accomplissement. Cette passion assouvie, au moins pour un temps. Ce plaisir enfin touché de doigt, attrapé, agrippé. Ne plus le laisser s’échapper. Le moment approche, doucement. Tour à tour ils récupèrent la progression de leur nuit à deux, comme s’ils avaient toujours fait ça ensemble. Bonnie l’a fait succomber, le suivre, le pourchasser, tenté. Ce n’est rien. Ça n’était que le début, mais pas dans cet ordre-là. Il baissera les armes. Mais même en perdant l’ultime acte de ce jeu incessant, il gagne. Il était tout aussi vaincu par cette attraction commune qu’Andreï, dès le commencement. Cela n’aurait pu se finir autrement ; il obtient toujours ce qu’il souhaite, et il n’a que rarement désiré aussi puissamment. A s’en retrouver fébrile, sans raison. Il atteint cet état, par les caresses de plus en plus précises du russe, qui s’échine pourtant à ne pas précipiter les choses. Leur désir déjà accordé, piétinant toute pensée cohérente. Langueur dans le mouvement de bascule, se retrouver encore sous ce corps plus lourd, une sensation plus que plaisante. Chaque mouvement de hanche, de bassin, nouvel éclair furtif dans ses nerfs. L’aveuglement de la passion de fait pas parti de leurs actes. Impressionnant de contrôle, alors qu’il n’en est plus question. L’instant de douceur, de délicatesse. Comme pour savourer ce qui va se produire, ce rêve bientôt réalisé. Regards intenses. Sentiments indéfinissables, qui se bousculent. Il se sent petit Ambroise, il se sent non faible. Modeste plutôt. Son corps svelte se moulant parfaitement à celui d’Andreï, plus large d’épaule, plus développé de muscle. Il se sent en sécurité. La confiance tout apportée par un précédent échange, un vœu accordé. Nuit qui sera particulière, unique, désignant son importance.
Il leur donnerait tout, à ces beaux yeux sombres. Cette main qui, mimant la sienne à peine plus tôt, redécouvre les traits de sa mâchoire. Même idée de s’assurer de la réalité de l’autre. Ses cheveux bientôt récepteurs de ces doigts. Soupir, détente. Si simple geste qu’il aime tant. Moment bref, le désir se ramassant sur ses pattes, prêt à bondir à nouveau comme un lion. Douceur d’un baiser, d’un regard. Bonnie est dans un tout autre monde, transporté par un homme quasiment inconnu, mais qui fait vibrer jusqu’au plus profond de son âme une flamme improbable. Puis sa voix, sa demande, le retour du sourire en coin habituel et ce besoin impérieux de défendre sa nécessité de contrôle. Dernier sursaut d’un déchu, qui a déjà laisser tomber les honneurs pour se livrer à corps perdu. Andreï pourrait faire tomber un ange avec ce sourire. Parmi les rares qu’il octroie, certains illuminent son visage d’une manière qu’on ne croirait possible. Et pourtant. A y voir cette anticipation dans ses lèvres qui ne sont dupes de son jeu, Ambroise en reste silencieux, son propre sourire perdu au mouvement du bassin net. Soupire. Il vient pourtant bien orienter ses doigts, quémander sans mot qu’on s’occupe de lui. Rien qui ne sorte de l’ordinaire, mais un premier contact qui le réchauffe bien trop. Il le laisse faire, confiance, encore, et ses expressions parlent à sa place. Abandon qui ne s’avoue pas encore, résistance qui n’existe plus. Les mots sont bien peu nécessaires lorsqu’un frémissement de mâchoire ou un haussement de sourcil fait parvenir toutes les informations utiles. Le ton de la voix qui suffit. Sa voix, affaiblie d’envie furieuse. Les syllabes de son prénom sur ses lèvres comme une mélodie de désir.
La suite, l’incapacité de réfléchir, les actes qui s’enchaînent pourtant. Ivre de passion. Possession des lèvres, du cou, du corps. Des gémissements qui s’échappent. Acceptation bientôt totale. Passage un peu forcé, la douleur qui fait du bien. L’océan qui submerge tout, le plaisir. Chaque mouvement plus profond que le précédent. Le corps d’Ambroise ne lui appartient décidemment plus, conduit par des envies. Le goût de sa bouche, la sensation de ses muscles en tension sous ses paumes. La moiteur qui traduit le feu interne. Chacun nourrissant l’autre. Paupières qui se closent parfois, les traits détendus. Un laisser-aller total. L’occasion d’apercevoir son visage à lui, Andreï. Qu’il en rêvait. Indescriptible moment de leur liaison absolue. Sa main qui vient capturer sa mâchoire pour acquérir ses lèvres. Puis se perdre dans ses boucles. Soutient. Accompagnement de la cadence, des baisers qui dévorent plus qu’ils ne goûtent. Ses mains s’agrippent ; il perd pied. Ce qui les sépare n’a plus de place, égaré dans son propre corps, trop de sensations d’un coup. Les siennes ou celles d’Andreï ? Son corps ou celui d’Andreï ? A qui appartiennent ses pensées ? Qui bouge pour atteindre l’autre, les deux en action, en recherche de contact, de plus. Toujours plus. Ces gémissements et grondements qui ponctuent les actions. De plus en plus incapable de gérer, de se contenir, Bonnie n’a pas plus de contrôle sur ses cordes vocales que sur le reste de ses muscles. Sans être inactif, mais son pouvoir décisionnel quasi anéanti par ce désir violent contenu trop longtemps. Le seul but qui prédomine. Folie pure. Se brûler les ailes oui, jouer trop près du soleil, ça sera pour plus tard.
Liés de corps, d’esprit peut-être. Ne formant qu’un, comme convenu, comme voulu. Attendu. Mouvement de l’un et réponse de l’autre. Les minutes qui s’étirent, patientes. Jusqu’à la ponctuation. Respirations qui envahissent la pièce aussi bien que le bruissement des draps, si ce n’est pour le plus jeune qui s’en remet entièrement au plus vieux. Dont le cœur n’est à l’instant qu’alimenter par l’écho des battements de son homologue. Des baisers qui s’enchaînent, des dents qui se font violence, des lèvres qui se poursuivent. Gémir, se cambrer. S’attacher. Un autre angle, nouvelle sensation. La main d’Andreï bientôt, voulant clairement l’achever. Une balle en pleine tête aurait eu le même effet. Presque un cri, son visage qui se crispe. Qui n’en a pas assez. Qui demande d’un regard. D’un murmure étranglé par un vocabulaire simplifié à l’extrême. Rythme modifié, dévastateur. Semblable à la boîte de Pandore ouverte, ce désir qui les mène à leur perte. Il n’en aura jamais assez. Sans qu’il ne s’en doute, il est piégé. Auquel cas il s’en fiche, première fois qu’il possède autant qu’il appartient, première fois que l’idée ne le repousse pas. Sensation enveloppante. Tsunami ravageant tout sur son passage ; le feu du désir contenu qui s’exprime pleinement. Unicité des corps. Peau qui brûle. Ventre qui s’enflamme. Des mots qui résonnent. L’un inconnu, mais dont le sens lui parvient dans les limbes de son esprit. L’autre, son prénom. Son lui. L’être qui frémit. Qui aime beaucoup trop l’entendre dévoiler par ses lèvres fines et cet accent du nord. Le ton qui résonne dans tout son corps et ajoute à la multitude de sensations qu’il ressent.
Dernier coup, dernière goutte, mise à mort. Fébrile de l’arrivée, Ambroise en un murmure le prévient. Écorchée sa voix. Débridée dans ce profond gémissement. La tension ultime, la dernière, qui dure. Puis le relâchement. Le flou et les étoiles dans le regard. Faucheuse qui les saisit à quelques minutes d'intervalle. La jouissance accomplie, tant recherchée, concrétisation d'une promesse qui se révèle bien plus que cela. L'expression détendue, apaisée, le souffle profond comme revenant des abysses. Il n'a pas manqué celle du moment clé, capturé par ses yeux verts entre ses longs cils, il espère s'en souvenir à tout prix. Ce regard d’Andreï, le soupire particulier, la délivrance sur ses traits, son visage à cet instant de bonheur qu'il lui a offert. Donné. Tout autant reçu. La chaleur en ses entrailles, qui lui tire presque un nouveau gémissement, un souffle, un tremblement de tout le corps. Mais nul homme ne paraît plus accessible, plus sensible, plus lui-même qu’à cet instant, et c'est presque universel. Bonnie n'est pas une exception, son visage de toute façon expressif sans qu'il le souhaite. Mais avoir un masque n'est pas nécessaire, se cacher derrière des phrases cinglantes, derrière un sourire effronté, repousser l’autre. Au contraire, il accueille Andreï dans sa descente, inspirant son odeur, reste apaisé dans sa présence enveloppante. La vague semblable qui laisse pantois, hagard, dans la plénitude de s’être fondu l'un avec l'autre jusqu’à ce point d'orgue que rien ne peut définir. Égaler. Elle prend son temps pour repartir. La puissance de la délivrance.
Comblé d'un tout. De lui. Bonnie revient peu à peu à la réalité, pour se trouver face à l'envie toujours présente d'embrasser ses lèvres. Des raisons différentes l'y poussent cependant, mais le goût est le même. Sucré et enivrant. Cette fois-ci conclusion. Pour le moment. Car sa jeunesse appelera bientôt d’autres attentions. La nuit est encore à eux, quoique bien entamée, mais rien ne les presse au lendemain. Des pensées qui s'envolent, l'angoisse de l'avenir, de prévoir, de se préparer, de calculer, qui disparaît à l'instant où Andreï l’embrasse. Au creux des draps défais, dans ce lit, encore une bulle autour d'eux. Petit monde privé. Lèvres qui se relâchent, pour un sourire. Le sien. Possédant un éclat nouveau encore, hors du temps. Bonnie en esquisse un en écho, mais sa bouche s’entrouvre aux caresses délicates, du bout des doigts. Un regard échangé qui s'allonge. Le même sous-entendu, la même intensité atteinte qui efface tout regret et laisse derrière elle ce voile que nul autre ne peut comprendre pleinement. Nul autre à part eux. Ses paupières se ferment. Même après l'acte, il s'en remet encore à lui dans ce moment perdu entre deux eaux. Le laissant faire. Calme.
Alors que les doigts d’Andreï glissent sur sa joue après être descendus sur son menton, Ambroise ouvre lentement les yeux sur lui. « Si tu attends une réplique sarcastique tu vas être déçu... » murmure, voix faible qui ne veut rompre le silence. Mais un retour lent à sa personnalité habituelle. Encore lascif et emprunt des restes du plaisir ravageur. Léger sourire, celui qu'on arbore en contemplant une chose chère à notre cœur. La main de Bonnie se lève, son dos va se poser doucement sur la joue de son amant. Nouveau silence qui repose. Mais c'est les cheveux qu'il vise, alors il se tourne légèrement sur le côté, première main posée délicatement contre son torse, seconde qui va se perdre dans ses boucles. « Désolé. » Suite de ses paroles précédentes, petit sourire en coin. L’esprit trop embrumé pour retrouver immédiatement toutes ses capacités. Et puis, quand bien même, il ne trouverait rien à dire. Ne cherchant pas à troubler une perfection qui lui est idéale. Ses yeux se ferment, son corps se rapproche. Toujours la recherche de cette chaleur qui lui est indispensable. Leurs jambes se touchent, s’emmêlent presque. Le moment est précieux. Son visage trouve son cou. Ambroise s'y blotti. Protégé, reprenant des forces. « … Tu m’as eu... » Conclusion. Souffle, à peu de chose près inaudible. Étouffé contre la peau encore moite, mais proche de son oreille. Aveu. Le seul et unique.