Et maintenant, tout ce quoi il aspire c’est que les choses soient aussi simple que maintenant, que le fait de prendre une bière se fasse aussi naturellement sans être forcément ponctué par des cris, des piques de mauvaise humeur ou des non-dits qu’ils se jetteront à la gueule dès que l’un des deux ne se sera pas levé du bon pieds. Tad avait toujours eu des aspirations humble, c’est-à-dire de ne pas se prendre la tête pour si peu. A ce moment, il pouvait être fier d’Ariane parce que si lui avait su qu’il serait capable de remonter le temps sans se laisser posséder par l’animosité qui les habitait autrefois, il n’était pas certain qu’Ariane ne cède pas à la rancœur. Avec elle, il avait pu avoir une conversation d’adulte et il savait qu’il pouvait admirer la maturité qui a grandi en elle depuis la rupture. Bon, il ne le pointera pas ouvertement en sachant qu’il obtiendrait l’effet inverse mais le garde pour lui, dans un coin de sa tête. C’est ce calme nouveau qui ne l’amène pas à refuser à parler de lui. Après tout, ce n’est pas en quittant cette table que leur relation se terminera. Elle prend juste dès aujourd’hui, une autre direction.
« On dirait drôlement de l’ambition pure et dure, ça. » Disons qu’en un sens, ça peut l’être. Cela reste juste totalement à l’opposé de sa façon de procéder à elle. Elle avait toujours eu un plan en tête, une destination, un rêve et avait maintenu la barre. Si Tad ne pense pas se contenter de là où il se tient aujourd’hui, il sait que l’horizon est vaste et qu’il a tout le temps du monde pour trouver une destination où il se plaira. Sa vie professionnelle peut faire des détours, le seul cap qu’il garde, c’est celui de rester heureux peu importe où il va. Puis finalement, elle avait posé la question qui aurait valu un paquet de pognon s’ils étaient à la télévision. Peut-être aussi brûlait-elle de la lui poser ? Elle cherchait des réponses et la passivité de Tad devait soulever beaucoup de questionnement. Qu’est-ce qui trottait dans sa tête à la fin ? Pourquoi son inaction ? Il avait répondu simplement. Son histoire avec elle, il avait compris la fin. Il l’avait juste réalisé, un jour, que plus rien n’était comme avant et que leur relation n’apportait plus rien à l’autre, qu’ils n’évoluaient plus et s’il aurait pu en parler facilement, tirer la sonnette d’alarme aurait tout précipité et ce n’est pas parce qu’il savait qu’ils allaient rompre, qu’il était prêt à ce que ça arrive. Il avait fallu son courage à elle et il le reconnait bien volontiers, il a été lâche.
« Chacun ses talents. » Qu’elle répond ironiquement, l’amenant lui aussi à sourire, à apprécier cette petite dose d’humour un peu malvenue.
« Ça a pesé dans la balance. Que tu fasses rien. Que tu dises rien. » Il se contente de l’observer jouer avec son bout de carton, marinant sa honte de ne pas s’être battu. A l’époque, il pensait que ça ne mènerait à rien et à vrai dire, aujourd’hui encore, il sait que ça n’aurait pas empêché la fin et qu’ils sont mieux maintenant. C’est dur pour lui de trouver quoi répondre parce qu’ils s’en sortent bien mieux que n’importe qui pourrait espérer et que la conclusion de tout ça, reste positive.
« J'note ça, on va émouvoir les lecteurs. » Qu’elle répond, lorsqu’il lui glisse qu’elle a changé sa vie. C’est ça la bonne conclusion à avoir et ça vaut plus que tous les happily ever after imaginable.
« T’as changé la mienne aussi. Dans le bon sens. » Il acquiesce, ravie de l’entendre et de le savoir qu’eux deux ça a été un bel échange.
« T'as pas juste testé mes limites et mon seuil de tolérance... » Son ton éviterait à tout spectateurs de verser une larme, Tad a toujours aimé ça chez elle. Cette façon d’être aussi terre à terre.
« … y’a des moments avec toi où je voulais vraiment être une meilleure personne. » Et des fois qu’il ne se sente plus pisser, elle répète juste après, juste à temps pour qu’il ne prenne la grosse tête, ou fasse semblant de.
« Des moments, j’ai dit. » Il hausse les épaules, il prend et puis, il arrive à voir dans le calme avec lequel il a pu discuter avec elle ce soir qu’elle avait du prendre exemple.
« Tu crois que je devrais commencer le chapitre en disant que maintenant, on arrive à se parler correctement sans se crier dessus et sans passer par la case passive-agressive, ou je garde ça pour la finale, comme cliffhanger? » Il éclate de rire devant son talent pour faire redescendre l’émotion. Il a du mal à réaliser qu’il y’a un chapitre de son livre qui va être destiné à raconter sa vie à lui. « Je pense que, tu devrais le garder pour la conclusion et expliquer à tes lecteurs qu’une rupture, ça veut pas dire que tout est fini mais que si on y met les efforts, on peut recommencer quelque chose en mieux. » Un mot d’espoir pour tous ces gens qui espèrent rester amis sans vraiment y arriver. Peut-être en fait un mode d’emploi. Il ne sait pas car après tout, c’est son livre, sa voix.
« Je vous aime bien comme ça, c’est chill. Je te paye à diner ? » Parce que les bières avaient défilé et que bon, la faim s’amène.