Les temps sont durs. En ce moment, la vie n'a sincèrement plus la même lueur, ni le même goût. La maison lui semble vide, et chaque réveil est une véritable torture pour la jolie métisse. Allongée dans son lit, elle peine a se lever. Elle sait qu'il n'est plus là, et qu'il ne sera pas prêt de revenir. Nick s'est fait arrêté depuis quelques semaines, et la jeune fille ne parvient toujours pas à faire son deuil. Parce que pour elle, c'est véritablement ça qui se joue en ce moment. Son meilleur ami n'est plus là, et il a prit un paquet d'années de prison. La nouvelle est dure à encaisser, parce qu'elle a déjà vécu ça, avec Nick. Déçue, perdue, triste, elle a encore une fois perdue ses repères. Et cette maison lui semble plus glaciale qu'elle ne lui semble bien trop grande pour elle. Seulement voilà, une promesse a été faîte. Avant de partir en prison, Nick lui a fait promettre de s'occuper de son passé, de régler cette histoire qu'elle se traine depuis plus de quinze ans, pour de bon. Ne sachant pas comment s'y prendre, la jolie métisse n'a qu'un seul bout de papier à quoi se raccrocher. Un nom, ainsi qu'un lieu et c'était tout. Nick lui avait dit qu'un agent du FBI était en ville depuis peu et qu'il était peut-être la clef pour résoudre enfin son passé. Qu'est-ce que le FBI pouvait en avoir à foutre de son histoire, de son viol ? Ce n'était pas le genre d'histoires dont le FBI américain pouvait s'occuper et encore moins sur un territoire étranger. Mais c'était tout ce qu'elle avait... alors quand le soir fut venu, la jeune trentenaire avait prit son courage à deux mains. Ses longues tresses tombant dans son dos, elle avait enfilé une robe fluide, longue et s'était préparé à sortir de chez elle. Elle sortait peu en ce moment, comme si la vie la dégoûtait littéralement. Elle savait très bien qu'il ne fallait pas qu'elle s'enferme, mais Tess était comme ça, elle se refermait sur elle-même à la moindre agression et de savoir Nick en prison, lui qui était son pilier ici... c'était trop pour elle. La jeune femme avait le cœur qui battait fort, elle était tellement perdue, qu'elle ne savait même pas si elle allait trouver ce type, ni même ce qu'elle allait pouvoir lui dire. Déjà, il allait falloir qu'elle raconte son histoire et ça... c'était déjà compliqué. Parce qu'en quinze ans, elle n'en avait parlé qu'à Leena, sa meilleure amie et à Nick. Alors parler de ça à un étranger, qui plus est du FBI et encore plus : qui n'était pas sûr de lui venir en aide... ce n'était pas facile. Prenant sa voiture, elle se dirigea à l'adresse écrite de la main de son meilleur ami. Un bar ? Sérieusement ? Fronçant les sourcils, elle referma sa caisse et avança vers le bar qui battait son plein, en même temps, nous étions à l'une des heures d'influence. Pénétrant dans l'endroit, la jeune femme ne savait pas trop qui chercher. Elle ne savait pas à quoi pouvait bien ressembler le Cade Grimes dont le nom était inscrit sur le papier qu'elle serrait dans la paume de sa main. Balayant le lieu des yeux, elle ne s'arrêta pas sur quelqu'un en particulier, ça pouvait être n'importe qui après tout, n'est-ce pas ? La jeune femme soupira, un peu défaitiste et se rendit au comptoir. Si ça se trouve, il n'était même pas là. La métisse posa son sac sur le comptoir, alors qu'elle s'asseyait sur un tabouret libre, entre deux hommes. Le serveur s'approcha d'elle, pour prendre sa commande. « Une bière blonde, en pinte » lança t-elle alors d'une voix fatiguée alors que l'une de ses mains replaçait ses tresses dans son dos. Le serveur préparait sa boisson, tout près d'elle et nerveusement, elle demanda à tout hasard « vous ne connaîtriez pas un certain... Cade Grimes par hasard ? »

La journée avait été chargée. Pleine à craquer de retrouvailles, de souvenirs, de reproches. Un condensé qui ne réussissait pas à l'aîné de la fratrie Grimes, et ce depuis toujours. Revoir l'un de ses frères après plusieurs années de silence et d'absence pas bien perçue avait engendré un trop plein d'émotions et nager dans ce flot de sincérité qui lui revenait en pleine face, c'était pas du genre à lui mettre le sourire. Non, il avait au contraire tendance à se renfermer comme une huitre et à laisser passer l'orage. D'ordinaire, Cade aurait prit ses clics et ses clacs. Il aurait fait un tour en voiture pour réfléchir un peu et puis il se serait arrêté dans un bar pour boire un verre et ruminer jusqu'à ce qu'il trouve une compagnie plus ou moins sérieuse. Être en Australie n'avait pas changé ses habitudes. L'agent fédéral déchu de ses fonctions depuis quelques semaines attrapa sa chemise qu'il enfila et sortit de son petit appartement de Redcliffe pour prendre le volant.

Le Canvas. Un endroit qui le voyait fréquemment débarquer depuis qu'il était arrivé ici. C'était un bar plutôt cool, animé, et pourvu d'une clientèle divertissante. Il se souvenait y avoir fait quelques rencontres intéressantes déjà... Il n'avait pas encore déçu par l'endroit si bien qu'il décidé une nouvelle fois de s'y arrêter. Cade poussa la porte, un fond sonore et la lumière tamisée donnait l'ambiance. Ses yeux firent le tour de la salle...une trentaire de personnes était là, éparpillés un peu partout autour des tables, devant le comptoir, debout dans les recoins, verres à la main. A première vue, pas de visage connu. Grimes s'approcha du comptoir, prit place su run tabouret haut et commanda. - Un Scotch s'il te plait. Il fallait au moins ça ! Le serveur lui fit glisser un verre devant lui et laissa couler le liquide brunâtre jusqu'à la moitié.

Ce premier verre, il descendit à une vitesse folle. Si bien que... - La même chose ! Il s'en reprit un deuxième dans la foulée. Ca ne posa pas un grand problème au serveur qui faisait de l'argent pendant que Cade noyait son ennui. Alors qu'il bu la première gorgée de ce nouveau verre, une fille s'assit à côté de lui. Il la regarda passer commande avec un air las, et il reposa son attention sur son scotch. Jusqu'à ce que son nom le sorte de sa rêverie...Fronçant les sourcils, il la regarda de nouveau. - Oh vous cherchez ce type qu'on dit beau comme un Dieu, très intelligent et aux manières si flatteuses qu'on en vient à se refiler son nom en récompense d'une partie de cartes entre filles ? Le sarcasme, ça le définissait bien. Il souriait de ses mots en plus de ça, les yeux rivés sur la jeune femme. - Je suis doué au poker, je me défend plutôt bien au billard, j'aime la pizza, les burgers et toute la bouffe qui feraient flippé les meilleurs nutritionnistes du coin, les dessins animés où le méchant est tellement idiot qu'il se vautre sur sa propre flaque d'huile et aucune fille ne s'est jamais plaint après avoir passé la nuit avec moi ! Voilà... vous aurez de quoi racontez à vos copines ! Sur ces mots il força un autre sourire mais véritablement, il était intrigué par le fait que cette jeune femme connaissait son nom et qu'elle le cherche. Plus sérieusement, il reprit en portant son verre à ses lèvres. - Qu'est ce que je peux pour vous ?

Vous connaissez ces fameux moments où le destin fait bien les choses ? Où y'a comme une petite lueur d'espoir, où la vie donne un petit coup de pouce ? Tess était en train de vivre l'un de ces moments, sans même s'en rendre compte. Quand elle avait demandé au serveur si il connaissait un certain Cade Grimes, c'était le type d'à côté qui avait répondu. Bon, ce n'était pas vraiment le type de réponse auquel elle se serait attendu -surtout elle. Si bien qu'elle le regarda d'une façon étrange, les yeux plissés, comme pour essayer de le cerner. Ce mec était-il imbu de lui-même, où faisait-il de l'humour ? Dans tous les cas, ce n'était pas pour elle. Parce que déjà, elle avait peur des hommes et encore plus des mecs qui parlaient comme lui, et en plus, parce qu'elle n'était pas dans le mood de faire de l'humour. Dans sa tête à elle, c'était toute sa vie, son traumatisme qui s'apprêtait à être posé sur une table d'un bar. Et traumatisée comme elle l'était... ce n'était pas évident. Qui plus est, de se retrouver face à un homme. Le type embraya ensuite, et Tess ne savait toujours pas s'il plaisantait, où si il était vraiment en train de se vanter de ses exploits sexuels. Oh mon dieu, mais qui était ce type que Nick lui avait demandé d'aller voir, il était sérieux ? Le serveur posa la bière de la métisse devant elle, au moment où Grimes lui demanda enfin ce qu'il pouvait faire pour elle. Donc c'était bel et bien lui. Son cœur s'emballait. Maintenant qu'elle l'avait trouvé, elle faisait quoi ? Elle qui s'attendait à devoir passer des jours, des nuits à lui mettre la main dessus. Elle ne s'était pas préparé au fait de le trouver au premier essai. Quoi lui dire ? Elle ne savait pas qui il était, s'il était membre du gang de Nick, ou bien un ami, ou encore tout autre chose. « Hum... je m'appelle Tess Turner » commença t-elle, la voix hésitante. Elle était nerveuse, d'être entouré de gens inconnus ne facilitait pas la tâche. Sa main s'enroula autour de sa pinte et elle commença à fixer le liquide jaune dans son grand verre. Son corps tremblait, son cœur battait fort, elle était terrorisée. Pourquoi avait-elle fait cette putain de promesse ? Après une inspiration, elle lança maladroitement « un ami m'a donné votre contact ». Elle n'osait même pas regardé le type assis à côté d'elle. Nerveusement, elle se sentait mal à l'aise ici, à ce comptoir, le serveur n'était pas loin, il y avait du monde à côté... ce n'était pas le meilleur endroit pour passer à table. « Je ne sais pas pourquoi il m'a donné votre nom, et l'endroit où je pourrai vous trouver. Je ne sais pas qui... qui vous êtes » avoua t-elle comme une question envers ce type assis à ses côtés. Elle attrapa sa bière pour en boire une grande gorgée. Cette fan de bière commença alors à se détendre un petit peu. Mais il fallait savoir qui était ce type, parce que connaissant Nick, ça pouvait aussi bien être un tueur professionnel, qu'un criminel ou tout autre chose de ce genre. Jamais elle ne se serait attendue à être assise à côté d'un ancien agent du FBI.

Ca avait été une très longue journée. Et généralement, quand les évènements douteux se mettaient à la queue leu leu, ils ne s'arrêtaient qu'une fois couché dans son lit, la couette jusqu'aux oreilles ! Mais pour être sûr de s'endormir vite, Cade avait trouvé la solution de boire quelques verres avant de rentrer chez lui. Ca marchait plutôt bien...quand il ne tombait pas sur quelqu'un qu'il connaissait, sur une fille tellement sexy qu'il ne pouvait la laisser repartir seule ou sur un type qui, le pensant trop bourré, le défiait au billard et perdait lâchement une belle somme d'argent. Pourtant ce soir, rien de tout ça n'arriva mais Cade était encore loin de sa chambre et de sa couette. C'était bien une fille plutôt jolie qui se trouvait à côté de lui, avec une pinte devant elle. Mais il ne la connaissait ni d'Adam, ni d'Eve alors qu'elle, elle détenait son identité. Curieux, trop étrange, et surtout premier témoin de sa recherche, il n'avait pas du tout envie de laisser filer la demoiselle en gardant une flopée de questions en tête.

Cade ne serait pas Cade s'il ne lui avait pas joué une petite scénette pour se présenter à elle. Il en avait fait des tonnes mais il arriva bien vite à la conclusion: Cette fille ne semblait pas être l'une de ces filles qui le cherchait pour passer un bon moment avec lui. Elle ne paraissait pas du tout intéressée par ce point de vue d'ailleurs. L'agent fédéral plissa les yeux quand elle lui donna finalement son prénom et son nom. Il ne la lachait pas du regard et étant devenu sérieux. Il avait bien vite comprit qu'elle était nerveuse. Ses talents de profiler avait été reconnu par la Police Américaine avant qu'il n'entre au FBI. Grimes en avait vu...des personnes pétrifiées par l'angoisse. - Tess Turner... C'est sensé me dire quelque chose ? Fit-il avec un air faussement interrogateur. Il la poussa comme ça à lui en dire plus. Ce n'était pas assez évident à première vue. Un ami ? son contact ? Hum... c'était de plus en plus bizarre. Il n'avait aucunes connaissances ici à part sa soeur et ses frères... - Ah oui ? Mais encore...? Les informations arrivaient bien trop lentement à son goût. Le suspense était insoutenable. Avec un air las, il serra les dents et regarda devant lui avant de porter son verre à ses lèvres. - Très bien, écoutez ma jolie, je ne sais pas qui est votre ami et ce qu'il attend de moi. Je ne suis pas dealeur, je n'ai rien à vendre, et je ne suis certainement pas désespéré de trouver une compagne pour les quelques heures à venir alors... si vous me disiez directement de quoi il s'agit, peut être que je pourrai y voir un peu plus clair. Il parlait de façon net, posé et oui, il la bousculait sans doute mais tourner autour du pot avait toujours eu le don de l'énerver et savoir que quelqu'un refilait son nom en douce, ce n'était pas ce qui le faisait le plus rire...Cade la regardait, il finit par hausser les sourcils.

Le type ne la connaissait pas, ce qui voulait dire qu'il n'avait jamais rencontré Nick. Ce dernier n'avait certainement pas eu le temps d'aller le voir avant d'être arrêté. Est-ce que ça devait lui dire quelque chose ? Absolument pas. Tess Turner, c'était une identité des plus banales, normales, comme n'importe quelle autre personne vivant en ce monde, dans n'importe quel pays. Elle n'était personne, elle n'avait jamais rien fait d'extraordinaire. Elle n'avait pas éradiqué le cancer, stoppé une guerre, ou épousé un roi. Non. « Absolument pas » murmura t-elle sans regarder l'homme. Ses doigts jouaient nerveusement sur les gouttes de fraîcheur qui perlaient le long de sa pinte. Le type semblait à la fois intrigué, soulé et désabusé par ce que lui disait la métisse. Il était entre le « je m'en foutisme » et le « j'comprends rien tu m'soules » et ça avait pour résultat de rendre encore plus nerveuse la jeune femme. Elle était déstabilisée, cette situation n'était clairement pas simple, ni facile et ce mec n'avait cruellement pas le temps. Et il le lui dit clairement « très bien, écoutez ma jolie, je ne sais pas qui est votre ami et ce qu'il attend de moi. Je ne suis pas dealeur, je n'ai rien à vendre, et je ne suis certainement pas désespéré de trouver une compagne pour les quelques heures à venir alors... si vous me disiez directement de quoi il s'agit, peut être que je pourrai y voir un peu plus clair ». Pour qui la prenait-il ? Le corps de Tess se raidit d'un coup. Elle détestait qu'on lui parle comme à une enfant, elle détestait qu'on la prenne de haut également et qu'on la rabaisse à soit : tu es une pute qui veut le sucer, soit t'es une putain de droguée en manque. Pour qui se prenait-il ce mec au juste ? Elle non plus, elle ignorait qui il était, ce qu'il faisait, à quoi bon il pouvait lui servir mais à aucun moment elle lui avait manqué de respect, traité de gode michet ambulant ou d'un camé qui avait besoin de se piquer dans les chiottes de ce bar minable. La frustration et la colère commencèrent à grimper en elle et clairement, elle n'allait pas prendre le temps de faire dans la dentelle avec ce naze. « J'ai le choix entre être une pute et une camée avec vous en fait, c'est ça ? » tournant son visage pour la première fois vers lui pour le regarder dans les yeux. Autant elle avait peur des hommes, certes, autant les mecs qui se prenaient pour des sexes symboles misogynes, elle en faisait son dessert. Néanmoins, si elle osait autant l'affronter, ce type là, c'était aussi et sûrement parce que Nick lui avait donné son contact. Nick ne lui aurait jamais donné le contact d'un type incompréhensif, méchant et inutile. Et ça, elle le savait au plus profond d'elle même. « Je ne sais pas non plus ce que je peux attendre de vous, je ne sais pas en quoi vous pouvez m'aider. J'ai fait une promesse. Je veux juste tenir mon engagement, alors vos réflexions misogynes, clairement, vous pouvez vous les foutre où je pense. On peut discuter entre adultes respectueux maintenant ? » Elle bu une grande gorgée de sa bière, terminant sa pinte de moitié avant de la reposer sur le comptoir. Elle y avait été fort, peut-être, mais elle ne se laissait pas faire par les hommes, et ce, malgré sa peur. Tess était une tête brûlée impulsive. Elle se fichait des conséquences. Il voudrait partir, agacé de se faire emmerder par une inconnue ? Il partirait. Et elle trouverait une autre façon de tenir sa promesse, tout en allant bien remercier Nick lors de sa prochaine visite en prison.

Alors voilà. La jeune femme venait de lui avouer qu'ils n'étaient pas sensés se connaitre. Elle n'était donc pas l'une de ses filles avec qui il aurait passé un moment, bien trop éméché, et dont il ne se souviendrait plus. Mais qui était-elle ? Que voulait-elle exactement et comment avait-elle eu son nom ? Autant de questions qui flottaient dans l'esprit de Cade et qui ne trouveraient des réponses que lorsqu'elle serait un peu bousculée. Parce que c'était ce qu'il croyait à ce moment. Cependant, quand elle tourna la tête vers lui pour lui lancer un de ces regards méprisant qui le remettent en place, Cade comprit qu'elle réagissait et que, malgré l'angoisse qu'il avait pu décelé dans son attitude, elle avait du caractère. Il y avait sans doute été un peu fort, mais au moins, ça avait fonctionné.

Grimes ne répondit pas à cette question, il se contenta de la regarder en attendant de voir si elle allait prendre la fuite ou bien si la raison qui la poussait à le rechercher valait bien de le supporter encore un petit instant. Les doigts de l'agent fédéral entouraient toujours son verre de scotch. Il lui en faudrait probablement un troisième pour se détendre un peu. Après s'être vu attribué le titre de misogyne, il leva les yeux au ciel. Tess était susceptible ou bien elle s'attendait à tout autre chose du Cade Grimes qu'elle était venu chercher. Elle ignorait bien qu'il n'avait pas eu une journée facile et qu'autant de mystères n'était pas du genre à l'enchanter. Il reposa les yeux sur elle. - Okay. Discutons. Fit-il en se tournant légèrement sur son tabouret de façon à lui faire face. Son bras restait posé sur le comptoir, prêt à dégainer son verre si la surprise était de taille. - C'est quoi cet engagement et en quoi je pourrai vous aider à le tenir ? Si elle lui en disait d'avantage, peut être que ça ferait tilt tout de suite, peut être qu'il pourrait faire le lien avec quelque chose ou quelqu'un et peut être même qu'il pourrait effectivement l'aider.

Cade plissa les yeux. Peu à peu, des idées germaient dans son esprit et il en venait à certaines conclusions plus ou moins évidentes. - Quelqu'un vous aurait-il parlé de mon boulot... ? Généralement, quand un inconnu détenait son nom et se voyait prit par une sorte de mission, c'était lié à son statut d'agent fédéral. Ou alors, c'était quelque chose de bien plus personnel et ça concernait ses frangins mais il misait plus sur la première option. Tess était-elle la... petite amie ? La soeur d'une victime ou d'un présumé coupable que Cade aurait rencontré dans le cadre d'une enquête ? Détenait-elle des informations cruciales sur un dossier en cours ? Étant donné l'air grave qu'elle avait sur son joli visage en arrivant, ça pouvait coller. Grimes attendait d'en savoir plus. .

Le mec ne se tira pas. En fait, sa réponse fut celle que Tess espérait. Il ne répliquait pas, il était prêt, enfin, à discuter. Il se tourna vers elle, tandis qu'elle n'osait pas vraiment bouger. Du coup, elle était toujours face au comptoir, sa bière à moitié vide dans sa main. Il lui demanda en quoi il pouvait l'aider. Elle sentit son cœur battre fort dans sa poitrine, elle avait peur. Peur de raconter son histoire, de dire des mots qu'elle n'avait pas prononcé depuis longtemps. Pour beaucoup, un viol, c'est presque quelque chose de banal. On en entend trop souvent parler. Pour elle, ce crime avait ruiné toute sa vie entière. A partir de ce moment, le jour de son seizième anniversaire, son agresseur lui avait volé bien autre chose que sa première fois. Son innocence, sa dignité, son respect, sa confiance, son estime, son avenir, sa foi. Il avait tout prit dans une rage, une violence, une douleur dont elle ne parvenait pas à se défaire quinze ans après. « Je ne sais pas en quoi vous pouvez m'aider, tout ce que je sais, c'est que je devais vous contacter. Mon ami a... il est en prison. Juste avant ça, il m'a fait promettre de régler une affaire du passé. Et pour m'aider à le faire, il m'a donné ça » répliqua t-elle en lui donnant le bout de papier sur lequel il était inscrit son nom et son prénom et le nom de ce bar. Elle ne voulait pas trop en dire sur Nick pour le moment, ne sachant pas à qui elle avait à faire. Le type finit par lui demander si elle avait entendu parler de son boulot. Elle tourna sa tête pour l'observer, plissant les yeux. Son boulot ? Etait-il tueur à gages ? Mercenaire ? C'était tellement le genre de Nick après tout... ça ne l'étonnerait même pas. Tess, curieuse et un poil terrifiée, demanda « vous faîtes quoi comme travail ? » histoire d'être fixée. Quand l'homme lui répondit enfin, Tess eu un soupire de soulagement. Ses épaules s'affessèrent un peu, son visage tomba en avant et elle sourit légèrement. Nick avait fait les choses bien. Il ne l'avait pas envoyé voir un tueur professionnel. Non. Elle humidifia ses lèvres et sourit à Grimes. « Okay... hum... c'est pas forcément évident à raconter... » elle se tourna pour observer la salle et repéra une table vide, un peu plus à l'écart du bar, forcément. Elle la désigna du menton et demanda « on peut s'installer là-bas ? » avant de partir, Tess termina sa bière cul sec et demanda au serveur « deux whisky secs s'il vous plait, c'est pour moi » avant de lâcher un billet de vingt dollars sur le comptoir. Une fois la commande passée, ils allèrent s'installer à la table. Tess passa une tresse derrière son oreille, et torturant ses doigts posés sur ses cuisses, sous la table, elle lança « j'ai... j'ai été victime d'une... d'une agression, quand j'avais seize ans » commença t-elle alors. « J'en ai jamais parlé à personne, pas même à ma mère qui... qui ne l'a jamais su de sa vie. Sauf que... que ça me pourrit la vie. La... la police m'a dit qu'il y avait prescription. On ne peut plus rien faire... et... ce type vit ici. A Brisbane... et... et j'ai demandé à mon ami de l'aide, sans trop savoir quel genre d'aide je pourrai espérer avoir... » Là dessus, le serveur arriva avec les deux whisky. Ca permit à la petite métisse de reprendre son souffle. Elle fit un signe de tête au serveur et bu une gorgée directement. « J'me sens en danger, parce que les flics sont allés le voir, il sait que je suis en train de faire quelque chose. J'vis seule, mon ami qui m'a... donné ce papier. Il n'est plus là désormais, et... je vis toujours dans la maison où... ça s'est produit » donc oui, le type connaît son adresse. Et s'il se sait en danger, il voudra répliquer, elle le sait. Parce qu'après son agression, il l'avait menacée, elle, la gamine de seize ans à l'époque. Si elle parlait, il tuerait sa mère. Aujourd'hui sa mère était morte et pourtant... même à trente ans, elle était terrifiée par ce type.

Cade avait décidé d'être sérieux. D'abandonner toute ironie, de laisser de coté les blagues à deux balles qui ne feront pas avancer le schmilblick et de se concentrer sur la vraie raison qui amenait une jeune femme à le rechercher dans un des bars les plus fréquenté du quartier. Alors que beaucoup de questions flottaient dans la tête de Grimes, il entendait que Tess ne savait même pas pourquoi on lui avait demandé de le trouver, lui, et pas un autre. Quand elle évoqua son ami qui était en prison, il fit rapidement le lien avec son boulot. Il ne connaissait personne en dehors de ses missions qui était enfermé pour un crime plus ou moins grave. Cela devait forcément être relié à l'un de ses dossiers. Cade plissa les yeux en tentant de démêler ce nœud qui était en train de se former. Il lui fallait plus d'indice, plus de détails si elle voulait vraiment qu'il puisse faire quelque chose.

Il hésita. Lui révéler son boulot c'était un peu comme lui donner une information cruciale sur sa vie personnelle et il y avait toujours des risques à le faire. Des agent du FBI, ça ne courrait pas les rues et ça pouvait être utile dans beaucoup de circonstances. Il espérait juste que cette fille n'était pas un appât, sauf son respect. Il regarda ailleurs, et puis finalement, il reposa son regard sur elle et se lança, non sans crainte. - Je bosse pour le FBI américain. Je suis agent fédéral. Voilà qui semblait éclairer son regard et sa réflexion. Cade le vit bien dans ses yeux et dans ce sourire. L'agent se gardait bien pour l'instant de lui avouer qu'il n'avait pas le droit d'exercer jusqu'à une date encore indéterminée. Il attendait de voir ce qu'elle lui voulait exactement. C'était une bonne idée que de s'installer un peu plus loin. Des oreilles pouvaient trainer et apparemment, Tess n'avait pas envie que son histoire s'ébruite. Il se leva et se dirigea vers la table indiquée. - Bien sûr... Elle commanda deux whiskys. Cade en profita pour terminer son verre et le laisser sur le comptoir.

Installé face à la jeune femme, il resta silencieux et la laissa raconter ce qui lui était arrivé. Peu à peu les fils se démêlèrent. Un viol... un malade qui trainait toujours et un ami qui lui avait dit de le trouver pour qu'il... veille sur elle ? Trouve ce type et le mette hors d'état de nuire ? Il comprenait l'état de la jeune femme et son angoisse d'avoir à faire à cet homme de nouveau. Mais il avait du mal à savoir ce qu'elle attendait de lui. Surtout... Cade devait encore lui dire qu'il ne pourrait rien faire pour elle officiellement. Il n'était pas en service, ni armé. Un léger silence de plusieurs secondes s'installa, pendant lequel Grimes ne lâcha pas du regard. Un regard bien plus bienveillant qu'auparavant. - Je comprend un peu mieux. Lui qui pensait être ici, loin du boulot, loin de toutes ces histoires de fous qui se laissent embarquer dans leurs folies. - Tess, votre histoire est dramatique, ça je le comprend très bien et votre angoisse est... compréhensible, seulement... Je ne vois pas trop ce que je vais pouvoir faire pour vous. Cade attrapa son verre et le porta jusqu'à ses lèvres avant d'ajouter. - Qu'est ce que vous et votre ami attendez de moi au juste ?

La réponse de l'agent fut claire, précise et concise. Il ne savait pas comment venir en aide à Tess. Ce n'était pas parce qu'il faisait partie du FBI que forcément, ce type allait avoir toutes les clefs en mains pour solutionner le problème de la jolie métisse. Elle ne savait pas quoi attendre de lui, elle ne savait pas si le FBI pouvait enquêter sur des histoires comme la sienne, ni même s'il avait un quelconque pouvoir ici, en Australie, sous une autre juridiction. Grimes lui demanda clairement ce qu'elle attendait de lui. Elle soupira, dessinant un sourire gêné sur ses lèvres. Elle fixait son verre, faisant tourner le liquide ambrée à l'intérieur. Elle n'en avait aucune idée, elle avait juste besoin qu'on lui dise si oui ou non, quelqu'un en avait quelque chose à foutre et était prêt à faire justice, légalement ou non. Mais elle ne voulait plus se sentir seule dans cette histoire, elle ne voulait plus être la victime et elle ne voulait plus vivre dans la peur et ça, c'était peut-être ce qu'elle ressentait de plus fort. « Mon ami n'attend rien de vous... » répondit-elle dans un premier temps. Peu à peu, son sourire s'effaçait. Elle semblait connaître la chute de cette histoire, plus le temps passait, plus Tess Turner sentait que la réponse de l'agent du FBI allait être négative. Mais à quelle question au juste ? Elle ne lui avait posé encore, jusqu'ici, aucune demande. « A vrai dire... je ne sais pas non plus ce que vous pouvez faire pour moi... Je me rends compte que c'est stupide en fait » avoua t-elle en rigolant jaune. Elle pensait à Nick. A quoi avait-il pensé en l'envoyant voir ce type ? Qu'est-ce qui lui avait traversé l'esprit au juste ? Qu'avait-il imaginé ? « Mon ami a dû se dire que comme vous étiez du FBI, vous aviez tous les pouvoirs... J'me doute bien que ce n'est pas une histoire dont le FBI en a quelque chose à foutre en fait » rigola t-elle ironiquement à nouveau. Et c'était la vérité, en quoi la police judiciaire américaine pouvait en avoir quelque chose à foutre d'un viol à Brisbane, datant d'il y a quinze ans ? La jeune femme soupira, apportant son verre à ses lèvres pour en boire une nouvelle gorgée. « Je... j'avais sans doute dans l'espoir que quelqu'un m'apporte son aide... parce que j'ai l'impression que la police de Brisbane n'en a rien à faire et... et je ne suis pas paranoïaque. Je sais qu'il va arriver quelque chose » avoua t-elle alors en croisant le regard de l'américain. Enfonçant ses pupilles dans les siennes, elle espérait déclencher chez lui un sentiment de pitié, un sentiment qui le ferait réagir sur son sort et ferait naître en lui un besoin de lui venir en aide. Franchement, elle se fichait de comment, ni du pourquoi, mais elle avait besoin que quelqu'un lui tende la main, la croie, veuille se battre pour elle, avec elle. Elle avait besoin qu'on l'aide dans cette étape de sa vie qui lui semblait dangereuse, et insurmontable.

Stupide ? Non, la démarche de Tess n'était pas idiote et Cade ne la considérait pas du tout comme telle. Il ignorait encore qui était cet ami et comment il avait eu connaissance de son nom et du boulot qu'il faisait. Peut être était-ce un type que Grimes avait croisé lors d'une enquête ? Sur le moment, il ne voyait que ça. Il n'était pas assez connu à Brisbane pour que ses habitants se refilent son contact comme ça. Quoi qu'il en soit, la jeune femme qu'il avait en face de lui semblait désespérée à l'idée de faire entendre son histoire à quelqu'un qui bosserait pour une quelconque justice, fut-elle d'Australie ou d'ailleurs. Cade sentait bien dans sa voix et il le voyait aussi dans ses yeux. Son viol avait clairement ruiné sa vie certes, mais cela restait une affaire qui n'avait pas grand chose à voir avec celles dont le FBI s'occupait d'habitude. Les dossiers que Cade traitaient évoquaient plus des meurtres, des malades mentaux prêt à récidiver à la moindre occasion, des criminels vagabondant dans le monde entier et dont le seul visage effrayaient leurs victimes... des choses absurdes et complètement hors de toute humanité, il en avait vu. - Non en effet... c'est pas le genre d'affaire sur lesquelles on se penche habituellement. Lui confirma t-il tout en gardant une oreille attentive. Bien plus attentive que quelques minutes auparavant, quand il l'avait prise pour une fille qui cherchait un rencard. Toutes les victimes, fussent-elles de meurtre, d'agression sexuelle, ou de harcèlement étaient à prendre au sérieux. Et quand on parlait boulot et personne en situation de détresse morale, il se montrait tout à fait professionnel et sérieux. Cade venait de lui redire qu'en tant qu'agent fédéral, il ne pourrait pas vraiment l'aider. Mais au fond, à la voir comme ça... profondément touchée, il n'avait qu'une envie: lui dire que tout se passerait bien pour elle.

Grimes ne quittait pas Tess des yeux. Il faisait tourner son verre sur place entre ses doigts, hésitant encore à montrer plus d'intérêt à cette histoire. Elle lui confia ses craintes et soutenait son regard. Un silence s'installa entre eux. Un silence pendant lequel Cade se battait intérieurement pour rester en dehors de ça parce que ça ne le concernait pas, et parce qu'il ne pouvait pas exercer, pas maintenant et pas ici. Pourtant, un taré était dans la nature... et il savait bien qu'il ne pourrait pas rester les bras croisés à attendre qu'il fasse une autre pauvre victime ou qu'il s'en prenne de nouveau à ses anciennes. L'agent soupira en baissant seulement les yeux sur son whisky. - A quoi il ressemble.. ? Ce type. Il releva les yeux sur elle. - Est-ce qu'il a des... particularités physiques ? Tatouage, piercing ? C'était un peu la routine. Il lui fallait le maximum de détails. Cade enfonça ses coudes sur la table et s'approcha un peu plus de Tess, ancrant son regard dans le sien. - Comment s'y prend t-il exactement Tess ? Il était navré de devoir lui demander de tout lui raconter et voulait lui montrer que s'il s’intéressait à son histoire, il fallait qu'elle ait confiance en lui. Peut être qu'après ça, il daignerait lui avouer qu'il ne serait pas capable "d'arrêter" ce malade officiellement...

En premier lieu, Grimes lui avoua que non, son histoire ne concernait pas le FBI. Déjà parce qu'en Australie, il n'a aucun pouvoir, mais surtout parce que ce genre d'affaires se règle avec la police du coin. Seulement voilà, Nick avait du voir en lui une aide précieuse, et il avait sans doute espéré qu'il vienne en aide à celle qui était sa meilleure amie. Cade ne détourna pas le regard de la métisse, ce qui avait pour effet de la mettre mal à l'aise. Alors quand le silence installé depuis plusieurs secondes, vint s'entrecouper d'une question, Tess leva les yeux vers lui. Il lui demandait à quoi est-ce que ce type ressemblait. Au jour d'aujourd'hui, elle n'était pas vraiment sûre, parce qu'elle ne l'avait jamais recroisé depuis ce jour-là (pas encore). Elle avait évité l'hôpital, endroit où il travaillait, et son quartier d'habitation. Seulement voilà, lui, connaissait son adresse exacte, puisqu'elle vivait dans la maison de son enfance depuis son retour de Londres. Tess ne savait pas vraiment à quoi il pouvait bien ressembler, plus de quinze ans après son crime, pourtant, elle pouvait dessiner chacun de ses traits, de ses expressions et des détails qui le concernait lui, il y a quinze ans. Dans son esprit, les images de ce moment ne l'avaient jamais quittées. N'en ayant jamais parlé à personne, hormis Nick et Leena, la jeune femme avait du vivre avec ce traumatisme toute sa vie. Croyant à ses paroles, à ses menaces, à ses insultes. Chacun de ses mots, de ses gestes, de ses mouvements, de ses rugissements étaient encrés en elle, à tout jamais. Son visage, son odeur, sa respiration, tout était encore présents. La jeune femme n'avait jamais raconté son histoire, elle en avait juste parlé à Leena rapidement, sans entrer dans les détails, et pour Nick, pareil. Elle avait beaucoup trop honte, même après quinze ans, pour raconter ce moment ; pourtant, elle se souvenait de tout. Et lorsqu'elle en parlait, tout revenait : la sensation de sentir ces mêmes odeurs du passé, de ressentir ces mêmes douleurs atroces, de ressentir ces angoisses, cette peur, cette culpabilité, ce sentiment de destruction qui semble tellement apprécier prendre son temps. Tess baissa les yeux vers son verre avant de répondre « je suis illustratrice, je pourrai vous faire son portrait sur le champ, mais... c'était il y a quinze ans » avoua t-elle alors. Pourtant, elle préféra préciser « je sais qui c'est. Je connais son identité, son nom, son lieu de travail » parce que c'était vrai. Et même en ayant tout ça, elle n'avait jamais rien dit. Parce qu'il le lui avait interdit et qu'elle avait terriblement peur de lui. Cade s'approcha d'elle, posant ses coudes et enfonçant son regard dans les yeux fuyants de la métisse. Il lui posa la fameuse question qu'elle redoutait tellement. Il voulait savoir. Pourtant, chez elle, il se passait un autre moment crucial. Celui de tout raconter à un parfait inconnu sans avoir la certitude que cela serve à quelque chose. Et pour elle, ce n'était pas possible, si elle le lui disait, il fallait qu'il lui dise qu'il allait faire quelque chose, qu'il allait vraiment faire quelque chose. Elle laissa échapper un rire, signe de son mal être. Elle jouait nerveusement avec son verre, tandis qu'à l'intérieur d'elle, c'était la panique. L'angoisse. Ses peurs d'adolescente qui remontent à la surface. Elle l'entendait encore lui dire que si elle en parlait, il tuerait sa mère. Tess ferma les yeux, une seconde, essayant de se dire que tout cela n'était pas la réalité. Qu'il fallait qu'elle en parle, qu'elle trouve la force de traduire ce qui s'était passé il y a quinze ans. Elle le devait. Pour elle et aussi pour la promesse faite à Nick. Il était temps que Justice soit faite, et elle devait accepter son passé, aussi difficile qu'il soit. Pourtant, les mots restaient dans sa gorge, elle n'y arrivait pas. Elle leva les yeux vers cet agent du FBI et le fixa longuement. Des secondes, ou des minutes, elle n'en savait rien. Elle essayait de trouver dans ses yeux, quelque chose à quoi se raccrocher. Finalement, après de longues minutes, elle bu son verre cul sec et lança « Hum... c'était le jour de mon anniversaire, j'fêtais mes seize ans » elle marqua une pause. « Ma mère m'avait organisé une petite fête, avec deux-trois amis et des collègues de son travail, des amis à elle aussi » elle tomba en arrière, adossant son dos au cuir de la banquette, les bras serrés autour de sa poitrine quasi-inexistante. « Je... j'étais partie chercher quelque chose dans ma chambre, et... un de ses collègues de l'hôpital m'a suivie » elle fronça les sourcils. « J'ai pas compris pourquoi, mais il m'a dit qu'il avait quelque chose à me dire concernant ma mère, il voulait lui faire une surprise je crois, il a fermé la porte et... » elle se racla la gorge. Ses bras se délièrent et elle croisa les jambes pour caler l'une de ses mains entre, le regard fuyant Grimes. « Il s'est approché, il a commencé à me caresser le visage, puis les épaules, et il rigolait, il faisait des blagues pour essayer de me détendre, de me faire croire que tout était normal et moi... c'était un collègue de ma mère. Elle trimait, on était que toutes les deux, je ne voulais pas lui faire... honte ». Tess fixa son verre vide, prit quelques secondes et ajouta « il... il m'a embrassé, il m'a collé à lui et là, j'ai compris que quelque chose de pas normal arrivait ». Elle marqua une pause, et dans un soupire, lança « il m'a poussé contre le lit, et... et j'étais sous le choc. Je ne voulais pas qu'il fasse virer ma mère, j'voulais pas mais... je n'ai rien, je n'ai pas pu parler » parce qu'elle était paralysée par la peur et cette sensation que son propre corps l'abandonne la terrifiait d'autant plus. « Il me disait que je l'avais aguichée, que j'avais mis une robe, pour lui... que j'avais fait exprès de... » lança t-elle un peu confuse. « Il a continué de m'embrasser et puis il m'a retiré ma culotte ». Sa main libre passa une de ses mèches derrière son oreille, avant de saisir le verre vide pour jouer avec, sans jamais regarder Grimes. « Il... » elle ne parvenait pas à le dire. Elle était gênée. Parce que suite à son viol, Tess avait toujours eu peur des hommes, elle n'avait jamais couchée avec un homme et tout cela était un vrai sujet tabous pour elle. Alors en parler à un inconnu, dans les détails, c'était à la fois nouveau, terrifiant et humiliant pour elle. « Il... il est entré. Il a continué... et j'avais atrocement mal, j'ai commencé à lui dire que je ne voulais pas, que j'avais mal, que je n'étais pas d'accord mais... il... il m'a mis sa main sur la bouche et a continué, sans se préoccupé de moi » avoua t-elle enfin. « Quand il a eu fini, il s'est levé, il m'a laissé là sur mon lit et... il m'a dit que si j'en parlais à qui que ce soit, aujourd'hui, demain, ou dans dix ans, il reviendrait » lança t-elle en levant les yeux vers Grimes. « Il a dit qu'il ferait virer ma mère, qu'il pourrait lui faire du mal et surtout, qu'il reviendrait pour s'occuper de moi jusqu'à ce que j'en crève ». Terminant avec ses mots, tels qu'il avait pu les prononcer à la gamine terrifiée et violée qu'elle avait été, Tess les exprimait dans une rage qui lui faisait serrer la machoire.

HRP : Je suis désolée de ne pas avoir pu poster depuis ! Je me suis permise de faire plus long pour compenser hihi

Ca se passait toujours comme ça... le début d'une affaire. Un témoin ou une victime qui était prête à laisser toutes ses peurs de côté pour livrer tous les détails possibles afin qu'un portrait du coupable se dessine peu à peu. On s'attardait sur les traits physiques dans un premier temps. Parce que c'était ce qui permettait de reconnaître une personne directement si on la croisait dans la rue. Et puis, on prenait le temps d'analyser ses particularités mentales. Et ça, Cade ne pourrait pas le faire si Tess ne lui racontait pas tout de A à Z. Il lui fallait dresser la figure morale et remonter le chemin de la pensée de ce malade pour pouvoir lui mettre le grappin dessus, c'était comme ça qu'il procédait quand il bossait. Bon okay, d'ordinaire, il avait toute une flopée d'outils à sa portée. Ordinateur connecté au réseau des services spéciaux, accès aux profils connus des fédéraux et aussi... il était armé pour faire face au moindre danger. Actuellement, Cade n'était pas armé. Comme si cette question allait trouver une réponse plus tard, il écoutait Tess. Alors, elle connaissait l'identité de son agresseur. Ca allait avancer plus vite qu'il ne pensait. Aucune recherche exigue à effectuer, rien qui devrait faire de lui un as du piratage informatique pour entrer dans les fichiers défendus. - Bien, alors ce sera facile de garder un oeil sur lui. Le portrait ne me sera pas utile. Garder un oeil sur lui... Cade ne se prononça pas sur une arrestation, sur un avertissement physique qu'il pourrait donner à ce criminel sexuel car il ne pouvait pas exercer son métier ces temps-ci. Il pouvait seulement promettre à Tess d'aller voir si son violeur était toujours "dans le coup" ou bien s'il avait abandonner tout désir de vengeance et s'était rangé comme un bon Australien lambda. Si c'était le cas, une fois qu'il aurait retrouver son insigne, Cade pourrait peut être monter un dossier sur les faits passés...mais pas certain que ça change quelque chose à la situation actuelle.

L'agent fédéral déchu de ses fonctions se gardait bien de l'avouer à la jeune Tess, quelque peu angoissée à l'idée de se confier à un inconnu. Pourtant Cade insistait. Il lui fallait connaitre tous les détails, jusqu'à la moindre parole, jusqu'au moindre souffle afin de pouvoir anticiper ce qui pourrait se passer si ce pourri tentait de revenir vers elle. Elle s'adonna alors à un récit hésitant, entrecoupé de respirations, de regards fuyants. Grimes, lui, ne la quittait pas des yeux. On ne quitte jamais une victime du regard quand elle refait face à son cauchemar. Il faut lui montrer qu'on est là, avec elle. Qu'elle n'est plus seule. Il savait que c'était dur. Il en avait vu des jeunes femmes très perturbés par ce qu'elles avaient vécus. Il serra les dents quand elle en vint au fait les plus cruels. Ce genre de malades, il leur tirerait bien une balle directement dans les parties pour qu'ils n'aient plus envie de se satisfaire avec une adolescente. Et ça, sans pitié, sans réfléchir...! Grimes laissa un silence s'installer, comme pour permettre à Tess de se remettre de ses propres mots et de ses propres souvenirs. - Vous en avez parlé à quelqu'un d'autres à part votre fameux ami qui vous a conduit à moi ? Un psy ?.. une copine.. ? Il fallait qu'il sache si véritablement, elle était en danger et susceptible de croiser la route de son violeur de nouveau. Mettrait-il ses menaces à exécution ? Fallait-il se méfier outre mesure ?

Cade recula un peu sur sa chaise et chercha dans la poche arrière de son jean. Il en sortit un vieux ticket de carte bancaire. Il le défroissa, le posa à plat sur la table et arrêta un serveur qui passait par là. - Est-ce que je peux vous emprunter votre stylo ? Le jeune homme ne fut pas surprit et lui tendit un stylo qu'il sortait de la petite poche de son tee-shirt. Cade le remercia d'un signe de la tête et fit glisser le papier et le stylo vers Tess. - Ecrivez moi son nom, l'adresse de son boulot, la marque de sa caisse...tout ce qui pourrait me servir à le localiser. L'agent attrapa ensuite son verre et en bu une gorgée pendant que son interlocutrice s’exécutait. - Tess, je dois vous avouer que je ne pourrais pas procéder à une arrestation en bonne et due forme s'il se passe quelque chose. Un air plutôt solennel était figé sur le visage de Cade. Il était décidé à lui dire. - Je vais vous aider parce que je ne peux pas faire autrement maintenant... mais je ne pourrais pas user de mon statut...

Cade l'avait écouté sans lui couper la parole. Tess ignorait si sa réponse convenait à la question qu'il lui avait posé. Elle ignorait si son récit allait servir à quelque chose, si ça pouvait aider cet inconnu. Le fait de raviver ses souvenirs lui fit beaucoup de mal, c'était comme revivre inlassablement cet épisode de sa vie. Elle avait l'impression d'être la victime d'un bourreau bien plus tordu qu'un violeur. Un type qui lui aurait fait vivre toute une vie d'angoisse, de culpabilité, de peur et de honte. C'était ça, la véritable peine après un viol. Continuer. Et Tess, elle avait eu du mal. A seize ans, après ce drame, elle avait totalement viré de bord. Elle qui fut si bonne élève, ne se donnait même plus aucune chance d'obtenir son diplôme, commençait à fumer, à traîner avec des types louches. Elle s'était à ce moment-là, dit que de toute manière, le mal arrive. Qu'on ne s'y attende pas, qu'on ne le cherche pas, qu'on s'en cache : il nous trouve. Et une fois qu'il nous met la main dessus, nous en sommes totalement l'objet, la marionnette et nous ne pouvons que subir. Le mal s'était emparé de son innocence, et avait valsé avec son corps pendant plus de quinze ans. Stigmatisant chacun de ses comportements sociaux comme une plaie qui s'ouvrirait à chaque fois. Son corps était meurtri, son esprit était traumatisé et son avenir... il ne valait pas grand chose. Comment retourner à une vie normale après cela ? Croiser des gens, sourire, rire, retrouver un optimisme, une joie de vivre... comment cela est-il possible quand notre esprit crie à l'intérieur, sans jamais parvenir à se faire entendre ; ou quand notre propre corps nous trahit ? La jeune femme avait fait le choix de ne pas avoir d'avenir, pour ne pas avoir à le supporter, ou à le perdre. Aucun diplôme, aucune attache sentimentale, aucun projet. Londres lui avait permis de souffler, et de penser à peut-être, créer un avenir au jour le jour. Et cela fonctionnait bien, jusqu'au décès de sa mère. Après ce nouveau drame dans la vie de Tess, le mal venait au travers de la mort, apparaître à nouveau dans sa vie. Lui rappelant alors que le mal est toujours là, même loin, même quand on ne le voit pas. Et son violeur, il suit exactement le même chemin. Et c'est exactement ce pourquoi ce type l'avait aussi profondément traumatisé. « Ma meilleure amie est au courant, et mon ami... aussi. Mais ils n'en ont jamais parlé à qui que ce soit. On en a même pas vraiment parlé en fait » avoua t-elle. Et c'était vrai. Cet inconnu connaissait des détails dont même Leena, sa meilleure amie depuis l'enfance, ignore encore l'existence. Finalement, Grimes demanda un papier pour écrire sur un bout de ticket de caisse qu'il venait d'extraire de sa poche. Il demanda à Tess d'écrire toutes les informations dont elle avait connaissance sur son violeur. Elle s'exécuta. Elle y inscrit son prénom, son nom, son travail à l'hôpital, son adresse de l'époque et la couleur de sa voiture : un jaune doré complètement dégueulasse qui ressemblait plus à du kaki. Une fois le tout inscrit, la jeune femme redonna le papier à Grimes, le laissant glisser sur la table. Lui, il reprit la parole. Il ne pourrait pas arrêter ce type, et ça à la rigueur, Tess s'en doutait. La police de Brisbane n'avait rien voulu faire non plus. Elle baissa les yeux, avala sa salive et fut surprise d'entendre que contre toute attentes, il allait l'aider. Elle releva les yeux vers lui, les plissa légèrement afin de savoir s'il disait la vérité ou non et puis lança « vous êtes sérieux ? » Attendant une nouvelle réponse de l'agent du FBI, pour confirmer, la jeune femme ressentit quelque chose d'étrange. Comme une lueur d'espoir, comme un soulagement, comme... si on la croyait. Enfin. Et au delà de ne pas remettre en cause ses paroles, il était prêt à faire quelque chose. Tous deux ignoraient encore quoi, comment, quand, où mais il venait de lui dire qu'il allait faire quelque chose. A ses paroles, la jeune femme ne pu pas se contrôler. Elle qui pourtant est si distante avec ses émotions, ses sentiments, commença à ne pas pouvoir contrôler ses larmes qui perlaient sur ses joues. Essuyant ces dernières d'un revers de sa main, elle renifla avant de sourire à Grimes. « J'ai l'air d'une parfaite idiote, je m'en doute bien... » plaisanta t-elle enfin. Parce que oui, elle était soulagée. Ce n'était pas grand chose et peut-être que dans les faits, ça le serait encore moins : mais Grimes venait de lui offrir son aide. Et à l'heure actuelle, c'était la seule chose qui pouvait avoir un impact réel sur elle. Elle se sentait en danger, elle sentait que quelque chose allait se produire. Mais de savoir qu'un homme, qualifié, répondait présent à ses côtés, ça lui faisait du bien. Elle haussa les épaules et lança « c'est juste que... ça fait quinze ans que j'essaie de vivre avec et là... j'ai juste besoin qu'on m'aide à tirer un trait sur tout ça » avoua t-elle en souriant timidement à Cade tout en essuyant ses dernières larmes. « Comment vous voyez la chose ? » demanda t-elle pour connaître ses agissements, s'il en savait quelque chose.

HRP : Je te préviens maintenant, je vais partir quelques jours à la mer, ce n'était pas prévu, je ne pourrai pas répondre avant ce wwek-end, tu ne t'inquiètes pas hihi

Il était important pour Cade de connaitre tous les faits, dans leurs moindres détails. C'était toujours comme ça qu'il procédait quand il débutait une enquête. Prendre connaissance du dossier, des particularités physiques et morales de la cible et aussi... prendre la température du côté de la victime, quand celle-ci était toujours vivante bien sûr. Parler à celui ou celle qui avait vécu le crime directement, cela permettait de mesurer l'impact, la violence du choc. Et ça faisait très souvent monter l'envie d'aller chercher ce fumier pour lui régler son compte une fois pour toute. Du moins, c'était la pression que Cade sentait en lui sur chaque affaire. Il ne venait pas à bout de tous les coupables qu'il croisait, la plupart du temps, son service s'occupait de les trainer devant la justice. Mais c'était bien cet adrénaline, cette envie de venger les filles comme Tess qui avait fait de lui un agent des forces de police dans un premier temps, et puis un Agent Fédéral par la suite. Cade s'était donné tous les moyens pour y arriver. Il avait passé de nombreuses épreuves, beaucoup de tests qui lui avaient ouverts les portes du FBI. Il était brillant. Mais dernièrement, il avait commit une erreur pour laquelle il purgeait une mise à pied depuis plusieurs semaines. Il avait tiré sur cet homme, n'écoutant que son désir de vengeance, et rien d'autre. Son boulot, ses interdictions et ses obligations étaient passés à la trappe cette nuit là.

Tess révéla que seulement deux personnes étaient au courant de son viol. L'ami.. le fameux qui l'avait conduit à lui, et une "meilleure amie". Cade releva les yeux sur la jeune femme. Des yeux potentiellement préoccupés. Il en avait connu des malades qui s'en prennent aux proches, aux personnes qui savent et parfois aux simples témoins. - Votre meilleure amie doit se montrer prudente. Dites lui de ne rien négliger et de ne pas sortir seule ! C'était évident mais toujours bon à rappeler à ce qu'il lui semblait. - Et votre famille... ?

Cade était prêt à l'aider. Mais l'aider ne voulait pas signifier arrêter officiellement son violeur. Il n'en avait pas le pouvoir pour l'instant. Il se contenterait alors de jeter un oeil, de voir si ce type était encore "dans le game", s'il comptait s'en prendre de nouveau à elle ou bien s'il avait totalement lâché l'affaire et était passé à autre chose. Il lui avait demandé de noter tout ce qui pouvait le mener à  lui et elle l'avait fait.  Faisant glisser le ticket de caisse à moitié chiffonné sur la table, Cade le ramassa finalement et le parcouru rapidement des yeux. Son regard remonta sur le visage surprit mais presque soulagé de Tess. - Quand je m'engage dans un truc comme ça, je suis du genre à être sérieux. Oui. fit-il sur un ton monotone mais sérieux pour la rassurer. Il semblerait que la jeune femme ait fait face à plusieurs murs avant de se retrouver devant lui. Ca se voyait dans sa mine, elle paraissait délestée d'un poids. Cade n'était pas du genre à aimer les afflux d'émotions. Pourtant il y faisait tellement face dans son travail, et d'une manière générale ces derniers temps que ça ne le surprenait plus. - Tess, je ne suis pas en service ici et pour plusieurs semaines à venir, je ne pourrai rien faire d'autre qu'observer et intervenir comme tout bon et honnête citoyen s'il se passe quelque chose. J'ferai mon possible pour qu'il ne vous arrive rien. A vous et à votre entourage. Mais il faudra forcément l'intervention de la police de Brisbane pour espérer en finir. Cade n'était malheureusement pas un super-héros et particulièrement en ce moment. Tout allait de travers mais néanmoins, il tenterait de faire son boulot sans le réaliser réellement. Il mettrait en pratique tout ce qu'il connaissait pour que Tess soit en sécurité, sans pouvoir faire de miracle.

Lorsque Cade lui avoua qu'il était probable que la sécurité de Leena soit en danger, Tess baissa les yeux. A l'époque, elle n'avait rien voulu lui dire de ce qu'il s'était passé, justement pour que sa sécurité ne soit pas remise en cause. Tess avait eu peur pour son amie, elle avait eu peur qu'elle subisse le même sort qu'elle, ou pire encore. La jolie métisse n'avait toujours eu que Leena et Anwar dans sa vie. Et bien que sa meilleure amie depuis toujours soit au courant, il n'en était pas de même pour le père de son filleul. Comment allait-il le prendre, s'il venait à le savoir ? Tess n'en savait rien, pour elle, elle avait le droit de ne pas parler de ce sujet, de son passé. Elle avait le droit de faire comme si rien ne s'était jamais passé, elle avait le droit de ne rien dire. Et si quelqu'un ne comprenait pas ça, meilleur ami, ami ou connaissance, et bien ce n'était pas à elle de se sentir coupable. Elle ne voulait plus ressentir ce sentiment de culpabilité. Au fond d'elle naissait une rage, d'abord silencieuse, faible, mais qui ne faisait que s'intensifier au fil des jours. Tess avait peur pour Leena, pour sa sécurité. Il fallait qu'elle lui envoie un message et qu'elle se confie à elle sur sa sécurité. Leena devait être prudente, mais comment lui dire que par sa confidence jadis, sa meilleure amie mettait sa propre vie en danger ? Tess s'en voulait. Elle aurait préféré que Leena ne sache jamais rien, ça aurait été plus facile aujourd'hui. Lorsque le policier lui demanda si Tess avait de la famille à prévenir, cette dernière cligna des yeux. Elle ouvrit la bouche pour répondre, sans que sa voix ne résonne. Jouant avec son verre, elle finit tout de même par répondre « je n'ai personne, à part mes deux meilleurs amis » et c'était le cas. Aujourd'hui sa famille, c'était Anwar, Leena et Tarek bien sûr. Elle avait plusieurs autres amis, des vrais et sincères comme Greta, qui occupaient des places privilégiées et importantes dans son cœur et dans sa vie. Mais sa famille aujourd'hui, se résumait à sa meilleure amie, son meilleur ami depuis l'enfance et puis son fils. Grimes lui confirma tout son sérieux dans cette histoire, ce qui rassura bien évidemment la jeune trentenaire. Lorsqu'il lui expliqua comment il voyait les choses, la jeune femme se mit à hocher la tête. Elle était d'accord avec ce qu'il disait. Ce n'était pas parce qu'il était flic, ou du FBI, qu'il aurait tous les droits, qu'il pourrait sauver ses fesses en un claquement de doigts. Bien sûr que non, elle n'était pas utopiste à ce point. Mais la présence d'un représentant des forces de l'ordre -même inactif en ce moment- était pour elle une libération. Elle avait la sensation d'être soutenue par l'état, certes, mais aussi par la justice. Savoir la présence d'un homme, armé, qui sait se défendre, qui sait y faire, qui a de l'expérience dans ce genre de cas, oui bien sûr que ça la rassurait. Et elle ne se priva pas de le lui dire « je sais que vous n'êtes pas magicien, que ça peut prendre du temps aussi, je sais très bien que tout ne va pas se régler comme par magie » commença t-elle alors. « Mais j'suis rassurée de savoir que quelqu'un va faire quelque chose, qu'il sait comment procéder, qu'il connaît... la marche à suivre. Je veux dire... qu'est-ce que j'aurai pu faire à mon niveau, moi ? » demanda t-elle au jeune homme face à elle. « J'voulais pas... péter les plombs et... et finir par faire une connerie » avoua t-elle. Et c'était sincère. « Merci beaucoup » lança t-elle enfin, en souriant doucement.