Samedi soir. Adrian avait déposé la berline de luxe qu’il utilisait pour le travail au garage pour ensuite rentrer chez lui et profiter d’une longue douche. Il avait fini plus tard que prévu car la jeune héritière qu’il avait dû conduire à une soirée de gala l’avait appelé à la dernière minute pour qu’il vienne la chercher plus tard que prévu. Heureusement, il aimait son travail et il n’avait personne qui l’attendait chez lui. On aurait pu croire qu’une fois douché, le jeune homme aurait voulu rester chez lui pour se reposer un peu sauf que depuis son retour en Australie, il faisait tout pour ne pas se retrouver trop seul. Il avait tendance à trop réfléchir et ce n’était jamais bon pour un ancien soldat qui avait arrêté l’armée à cause d’une blessure et qui avait perdu toute sa compagnie durant un assaut. Il préférait passer du temps dans les bars et éventuellement rentrer en bonne compagnie. Ca lui changeait les idées et il avait au moins l’impression d’être quelqu’un d’autre, quelqu’un de normal, pendant quelques heures. La pizza qu’il avait commandée en arrivant chez lui arriva au moment où il sortait de la salle de bain. Il alla payer le livreur et mangea une part après l’autre tout en s’habillant d’un jeans et d’une chemise noire simple. Il quitta son studio une petite heure plus tard et parti à pieds en direction du Canvas, un bar qu’il affectionnait tout particulièrement. Ce n’était pas un lieu où se retrouvaient tous les étudiants de la ville, l'ambiance y était bonne et il avait toujours fait de sympathiques rencontres au comptoir.
Lorsqu’il arriva, il y avait déjà pas mal de monde mais il était encore possible de s’entendre parler et de se faufiler au bar pour commander un verre. Il se retrouva derrière une brune qui lui tournait le dos et qui semblait commencer à s’impatienter. Le barman avait l’air un peu occupé plus loin, aussi il comprit que ça faisait sûrement un moment que l’inconnue attendait son verre. Le blond se glissa à côté d’elle avec un petit sourire en coin mais lorsqu’il reconnu la brunette, il leva les sourcils avant de secouer la tête, amusé. « Eh bah ça alors… Milena Grimes. Comme on se retrouve ! » Adrian n’était pas quelqu’un de très expressif, encore moins en public mais pour le coup, il était vraiment ravi de tomber sur une tête connue. Son petit sourire en coin trahi légèrement sa joie. « Toujours aussi sage à ce que je vois! » dit-il pour la taquiner.
La semaine avait été longue, très longue. Tu avais plaidé plusieurs fois cette semaine et pas toujours avec le succès que tu attendais. Il avait donc fallu encaisser les échecs et célébrer les victoires tout en préparant les plaidoiries qui allaient arriver. Ce n’était pas quelque chose d’inhabituel pour toi de travailler le samedi, c’était même courant. Tu savais que tu devrais te reposer, que tu devrais faire une pause mais tu n’en es pas vraiment capable. Et puis tes proches sont occupés, il n’y a personne à voir alors autant travailler non ? C’est en milieu d’après-midi que tu reçois un message d’un collègue te rappelant qu’il fêtait son anniversaire ce soir au Canvas et que tu étais la bienvenue comme tout le cabinet très certainement. Tu avais noté cette sortie dans ton agenda mais l’avait complètement oubliée depuis. Tu mis quelques temps à lui répondre mais sortir ne te ferait pas de mal et puis cela faisait parti de ton boulot de créer des liens avec tes collègues, de t’assurer que l’ambiance de travail était bonne et tu savais que cela passait par ce genre de soirées. Tu avais continué à travailler jusqu’à ce que vienne l’heure de te préparer. Le rituel pouvait alors commencer. La douche, le choix de la robe, le maquillage, la coiffure et les chaussures. Le tout en moins d’une heure ce que tu trouvais plutôt raisonnable. Tu connaissais assez le Canvas depuis ton arrivée à Brisbane pour savoir que ce n’était pas le genre de bar dans lequel on se mettait sur son trente et un. Tu n’en fis donc pas trop et te contentais d’une robe noire qui te mettait en valeur mais sans faire trop habillée non plus. Tu avais attrapé presque sans réfléchir ta paire de chaussures à talons favorite qui se mariait très bien avec ton ensemble et une fois prête, tu avais pris la direction du bar. Tu avais autant de bons souvenirs dans ce bar que des souvenirs moins glorieux mais ce soir, tu décidais de ne pas trop y penser. Quand tu arrivais, il y avait déjà du monde pour fêter l’anniversaire de ton collègue. Tu allais le saluer et de là tu parais avec une personne, puis une autre. Mais on finit par te faire remarquer que tu n’avais pas de verre et ne désirant pas boire de vin ou de bière, tu pris la direction du bar où tu attirais l’attention du barman en lui disant : « Un mojito s’il vous plaît. » Il hocha la tête avant de repartir servir des clients. Tu pris donc ton mal en patience et te mit à attendre que l’on te serve. Sauf qu’au bout d’une dizaine de minutes, tu commençais vraiment à t’impatienter et cela devait se lire sur ton visage. Cela bougeait autour de toi, on s’approchait du bar et on en repartait et soudain, un homme t’adressa la parole : « Eh bah ça alors… Milena Grimes. Comme on se retrouve ! » Tu te tournais brusquement, n’ayant jusqu’ici pas prêté attention à tes voisins et tes yeux s’écarquillèrent de surprise. Devant toi se trouvait Adrian Thomas, cet homme blessé et brisé que tu avais rencontré à ton arrivée à Brisbane. Le voir te sourire en coin aujourd’hui, presque naturellement te fit chaud au cœur mais tu étais surtout surprise de le voir ici. Après son départ, tu avais pensé que jamais il ne remettrait les pieds dans cette ville mais chacun gère ses traumatismes de manière différente. « Adrian Thomas. Mais qu’est-ce que tu fais là ? » Lui demandas-tu curieuse. Tu ne lui en avais pas voulu d’être partis, c’était ce qu’il y avait de mieux pour lui à l’époque, tu en étais encore aujourd’hui persuadée. Et son sourire te donnait raison car tu l’avais vu à de rares occasions lors de vos rencontres plusieurs années auparavant. « Toujours aussi sage à ce que je vois! » Tu lèves les yeux au ciel à ces paroles. Tu n’avais jamais été le genre de fille qui aime transgresser les règles par principe il fallait l’avouer. Mais tu n’étais pas un ange non plus. « Je ne doute pas que dans quelques verres tu me trouves beaucoup moins sage. » Lui dis-tu avec un clin d’œil. Après tout, tu venais d’arriver et tu n’avais pas encore eu l’occasion de boire une petite goutte d’alcool. D’où ton agacement face à l’attente que tu subissais. « Comment tu vas ? » Ne pus-tu t’empêcher de lui demander. Tu espérais qu’il rentrait en paix avec lui-même. Il ne t’avait jamais donné les détails de ce qui lui était arrivé, il était dans l’armée et une opération avait mal tournée et il avait perdu des amis, c’était tout ce que tu savais. « Si tu arrives à attraper le barman, j’offre la première tournée. » Lui dis-tu un sourire sur les lèvres. Tu espérais qu’il n’allait pas trop tarder avec ton verre …
Adrian n’avait jamais été quelqu’un de très sociable. A l’école déjà, il ne faisait pas partie des gens populaires et il s’isolait pour ne pas avoir à être mêlé à leurs histoires d’enfants ou d’adolescents par la suite. Il essuyait quelques remarques à cause de ça mais franchement il s’en fichait. Il était invisible à la maison et il voulait aussi l’être à l’école. Il n’y avait que lorsqu’il se rebelait contre les professeurs qu’il faisait tout pour attirer l’attention, mais ce n’était pas l’attention de ses camarades ou du corps enseignant qu’il voulait attirer. C’était celle de ses parents. Ca a tellement bien marché de pousser les professeurs à bout sans pour autant écoper d’une seule retenue que ses parents l’ont remarqué. Ils l’ont tellement remarqué qu’ils l’ont envoyé à l’armée histoire de le calmer un peu et de lui remettre les idées en place. Même là-bas, il n’allait pas vers les autres. Et pourtant, il s’était très trèa vite lié d’amitié avec Matteo. Ca s’était fait naturellement et ils ne s’étaient plus lâchés. Il n’y avait donc qu’avec le jeune homme qu’il s’était vraiment ouvert et montré sociable. Après son accident, il était rentré et là, il s’était retrouvé seul à Brisbane. L’ancien militaire avait tenté des approches mais uniquement avec la gente féminine et c’était rarement pour parler jardinage et confitures. Il était ensuite parti faire le tour de l’Europe et là aussi, il avait sympathisé avec des femmes et planté son drapeau sur plusieurs pays de l’union. Mais jamais d’hommes. Il n’avait plus envie d’avoir des amis. Il n’était même pas sûr de savoir comment faire. Il n’y avait eu que son ancien cohéquipier et il préférait être seul. Ce qu’il avait vécu en Irak et la perte de sa troupe l’avait vraiment marqué et parfois, il avait des réactions qu’il ne gérait pas. C’était mieux pour tout le monde qu’il soit seul.
Mais ce beau visage, il n’aurait pas pu l’ignorer. Milena et lui s’étaient rencontrés il y a deux ans de cela, ici même, alors qu’il venait de sortir de l’hôpital et qu’il avait appris la nouvelle quelques jours au paravent. Adrian n’avait jamais été doué pour faire les choses correctement et rester dans le droit chemin. Il avait sa propre manière de gérer son deuil et ce qu’il se passait dans sa tête. La jeune femme lui avait tout de suite plu et ils avaient grandement sympathisé avant de finir chez elle pour la nuit. Cependant, ça n’avait pas été comme avec les autres. Il ne l’avait pas câliné non plus après leurs ébats mais ils avaient parlé, tout le reste de la nuit et jusqu’au petit matin. Il avait vu en elle une certaine… Amie et c’était aussi pour cette raison qu’après avoir passé plusieurs soirées ensembles, le blond avait jugé nécessaire d’avertir l’avocate qu’il partait. C’était d’ailleurs la seule personne qu’il avait avertie. Elle n’avait pas été une simple aventure d’un soir, ou de plusieurs soirs, quelque chose de plus s’était lié entre eux et même s’il ne l’avouerait probablement jamais, depuis qu’il avait reposé ses bagages à Brisebane, il s’était demandé si Milena répondrait à son appel s’il décidait de la joindre. Il garda son petit sourire en coin et se passa une main nerveuse sur la nuque avant de finalement s’approcher de Milena pour la prendre contre lui dans une rapide étreinte. Adrian n’était pas quelqu’un de tactile mais pour la petite brune, c’était différent. Il se recula et jeta un œil au barman plus loin avant de hausser légèrement les épaules. Il n’était plus habitué à parler, à échanger avec quelqu’un. Il lâcha un petit rire et détourna brièvement le regard. « Ca va, comme tu vois !» Il écarta un peu les bras pour lui faire comprendre que s’il était dans un bar c’était surtout parce qu’il avait toujours ses mauvaises habitudes et donc ses quelques traumatismes mais au moins, il les gérait mieux maintenant. Il posa à nouveau son regard sur le barman après avoir entendu le défi de la jeune femme. « Ah ouais ? Défi accepté. » Adrian lui envoya un petit clin d’œil et contourna l’avocate pour aller au bout du comptoir. Il attendit que le barman ait le dos tourné et passa par-dessus pour commencer à préparer le cocktail de son amie. Il se dépêchait mais savait exactement ce qu’il fallait faire pour que son mojito soit réussi. Le blond avait appris à faire des cocktails en Espagne, sa destination préférée lors de son petit road trip européen. Il secoua le shaker et versa le contenu dans un verre. Il piqua quelques feuilles de menthe dans un bac à côté des glaçons et au moment où il se penchait sur le frigo pour se prendre une bière, le barman se retourna et le vit, comme prit la main dans le sac. Le chauffeur privé repassa par-dessus le comptoir, posa deux billets devant l’employé et parti rejoindre Milena. « Si Madame veut bien se saisir de son mojito à la Adrian… » Il lui tendit le verre avant de poser une main sur le coude de la jeune femme pour l’attirer plus loin. Il s’était déjà retrouvé à se battre ici mais il n’en avait pas envie ce soir et le barman l’avait vraiment mauvaise qu’il se soit mis derrière son comptoir pour préparer leur commande. Ils allèrent s’installer à une table haute plus loin vers les tables de billards. « Et toi alors ? Comment tu vas ? »
Rencontrer Adrian ce soir dans ce bar, c’était comme faire un bon dans le temps. Un bon dans une période que tu essayais d’oublier. Une période dont tu essayais de te nourrir pour ne pas oublier que tu venais de bien bas et que tu ne voulais pas un jour retomber dans cette spirale infernale pour un homme. Tu avais rencontré Adrian dans ce bar un soir où tu en avais assez des bouquins de droit et tu avais besoin de prendre l’air. Rencontrer quelqu’un n’avait pas été dans tes plans mais Adrian était apparu dans ta soirée, tu ne savais plus réellement comment. Cela n’avait pas d’importance en réalité car vous aviez fini par rentrer chez toi pour y passer la nuit. Il n’a jamais été question entre vous de relation sérieuse ou de relation tout court. Tu ne l’as pas compris tout de suite mais Adrian était aussi mal en point que toi, voire bien plus à ce moment là. Avec quelques verres dans le sang, tu n’y avais pas prêté attention sur le moment mais les blessures d’Adrian hantaient son visage à l’époque. Alors que tu posais ton regard sur lui aujourd’hui, tu fus rassurée de voir que les fantômes du passé semblaient s’être atténués. Jamais il ne t’avait confié ce qui lui était arrivé et jamais tu n’avais cherché à le pousser à la confession. Il avait été dans l’armée et revenait d’une mission qui avait mal tournée, voilà ce qu’il t’avait dit. Il ne fallait pas être un génie pour comprendre qu’il avait certainement perdu des êtres chers mais tu t’étais contentée de l’embrasser et de le distraire après cette confession car tu ne voulais pas qu’il retourne sur le champ de bataille. C’est un peu sans le vouloir que vous étiez devenu la piqure antidouleur de l’autre. Tout te semblait faire moins mal quand tu étais avec Adrian. Tu ne peux pas nier avoir ressenti un petit pincement au cœur quand tu avais reçu son texto car il allait indéniablement te manquer mais tu savais que ce départ était ce dont il avait besoin. Laisser les fantômes à Brisbane pour se reconstruire. Tu l’avais fait avec New York, tu ne pouvais pas le lui reprocher. Voilà pourquoi tu avais pensé ne jamais le revoir. Tu ne pensais pas qu’il reviendrait habiter la ville aux millions de souvenirs. Sa présence ici aujourd’hui démontrait à quel point Adrian était un homme courageux car cela ne devait pas être simple de revenir vivre à Brisbane. Toi, tu étais lâche car il n’était pas question de rentrer un jour à New York pour autre chose que pour des vacances. Deux bonnes années s’étaient écoulées depuis cette histoire, deux années pendant lesquelles tu avais guéri et tu t’étais reconstruite. Et il semblerait que c’était ce qu’Adrian avait fait de son côté également et cela te réchauffa le cœur. Adrian te prit rapidement dans ses bras et tu fis de même. Vous aviez été si proches physiquement à une époque que la gaucherie de cette étreinte était étrange. Mais cela faisait longtemps que vous ne vous étiez pas vus après tout. « Ca va, comme tu vois !» Il te sourit naturellement, comme si c’était quelque chose qu’il faisait souvent désormais. Tu te souviens des sourires forcés, du visage fermé qu’il arborait à l’époque et voir ce sourire si ouvert et étincelant, c’était comme un miracle. Tu ne pus t’empêcher de te dire qu’un sourire change un homme et le rend encore plus séduisant. « Je vois ça en effet. Ca fait plaisir à voir. » Lui dis-tu le plus sincèrement du monde. Car s’il y avait quelqu’un qui méritait un peu de bonheur et de calme dans sa vie, c’était sans aucun doute Adrian. Tu ne pus t’empêcher de penser quelques secondes à Matteo, cet autre soldat qui faisait aujourd’hui parti de ta vie et qui méritait pleins de bonnes choses aussi. « Ah ouais ? Défi accepté. » Un sourire en coins e dessina sur ton visage et Adrian ne tarda pas à te quitter pour passer de l’autre côté du bar. Tu ne pus t’empêcher de rire en secouant la tête. Cela ne t’étonnait pas vraiment de sa part et c’est un sourire en coin sur les lèvres que tu le regardais réaliser ton mojito. Avant de quitter le bar, il se servit également un verre avant de revenir vers toi. « Si Madame veut bien se saisir de son mojito à la Adrian… » Tu attrapais le verre sans hésiter une seconde. Il te tardait de goûter ce cocktail … « Tu n’as pas tant changé que ça finalement monsieur je ne respecte pas les règles. » Lui dis-tu pour le taquiner avant qu’il ne t’entraîne un peu plus loin, vers une table où vous pourriez discuter. Tu jetais un coup d’œil vers ton collègue et vit qu’il n’avait nullement besoin de toi pour continuer la soirée. Tu passeras le voir avant de partir, ce sera suffisant. Déjà entouré de plusieurs possibles conquêtes, sa boss était le cadet de ses soucis. « Et toi alors ? Comment tu vas ? » Tu pris place en face du jeune homme et tu goûtais au mojito qu’il venait de te concocter. Une fois la première gorgée passée, tu lui dis : « Il est délicieux ! Tu ne m’avais pas dit que tu cachais des talents de barman. » Lui dis-tu car vous aviez beaucoup discuté à l’époque mais pas de tout non plus. « Je vais bien. J’ai réussi à relever la tête et à ouvrir mon cabinet d’avocats avec une amie. Je me suis lancée dans cette aventure il y a un an. Et je me suis fait ma petite place à Brisbane dont je n’ai pas vraiment à me plaindre. » Car en plus de devoir te remettre de ton épisode avec Tom, tu avais dû t’habituer à la vie australienne bien différente de ta vie newyorkaise. « Ca me fait plaisir de te voir en pleine forme. Si ce n’est pas indiscret, tu as fait quoi ces deux dernières années ? » Tu étais curieuse c’était indéniable et tu n’avais pas besoin de tous les détails. Tu prendras ce qu’Adrian veut bien te dire.
Milena n’avait pas tout tord, Adrian n’avait jamais vraiment suivi les règles. Dès son enfance puis son adolescence, il avait compris qu’il y avait une limite à tout et qu’il suffisait de savoir à quel moment il ne fallait pas la franchir. C’était, malheureusement pour la famille Thomas, quelque chose qu’il avait très vite acquis. Dès qu’il le pouvait, le blond avait provoqué ses professeurs sans jamais dépasser cette fameuse limite, ce qui lui permettait de rester à distance des retenues et autres punitions que les autres élèves pouvaient écoper. C’était devenu son petit jeu favori. Chez lui, à la maison aussi ça avait été facile de transgresser les règles sans pour autant aller trop loin. Et ses parents avaient fini par jeter l’éponge, ils l’avaient laissé faire ce qu’il voulait, ce qui était au final pire que de le sermoner. L’ignorance avait toujours été la pire chose aux yeux du jeune homme et maintenant encore il en souffrait. Au final, il n’y avait qu’à l’armée qu’il s’était plus au moins tenu à carreaux. La moindre bêtise pouvait devenir une vraie catastrophe et jusqu’à présent, les conneries qu’il faisait ne mettaient que lui en danger. En Irak, c’était la vie de toute sa compagnie qu’il pouvait avoir entre les mains et même s’il lui arrivait de quand même briser quelques règles, de manière générale c’était vraiment devenu un excellent soldat, très obéissant qui plus est. Mais une fois qu’il avait raccroché son uniforme et planqué ses médailles – qu’il ne méritait pas d’après lui – il avait recommencé ses bêtises et ce qu’il venait de faire, surtout pour faire l’idiot devant Milena, en était la preuve. Une personne saine d’esprit ne prendrait pas le risque de se faire jeter du bar par les gros bras du sécuritas pour aller préparer lui-même un cocktail à la place du barman. C’était du Adrian tout craché au final. « Pourquoi changer alors que c’est comme ça que tu m’adores ? » C’était plus fort que lui. Il avait toujours eu ce lien très spécial avec l’avocate et ils adoraient se taquiner et se chercher. Un sourire vantard fendit son visage en l’entendant dire que le cocktail était délicieux. Il se la pétait un peu mais au fond, on devinait que c’était surtout une façade qu’il se donnait. Milena le connaissait assez bien maintenant pour savoir quand il faisait semblant et quand il était vraiment lui-même. Il se rappelait très bien des moments qu’ils avaient passé ensembles et même si au final, le blond ne s’était jamais entièrement confié à la jeune femme, il s’était montré sincère et surtout très authentique. Ce qu’il avait rarement fait auparavant. Elle dégageait quelque chose qui inspirait confiance et même si son père lui avait toujours dit de se méfier des avocats, Adrian savait qu’il pouvait compter sur la jeune femme. Elle avait vraiment eu une place extrêmement importante dans sa vie et même s’il ne s’y était pas du tout attendu, il était vraiment ravi de tomber sur elle ce soir. « Un cabinet d’avocat ? Wow, félicitations ! » A nouveau, le blond prit la jeune femme brièvement contre lui pour appuyer ses félicitations. Il était réellement et sincèrement heureux pour elle. Milena était une jeune femme brillante qui n’avait pas mérité qu’on lui mette des bâtons dans les roues. Il avait toujours espéré qu’elle trouve le bonheur et qu’elle soit couronnée de succès. C’était sûrement ça, les bases d’une véritable amitié. « Si j’ai des soucis avec la justice parce que j’ai, par exemple, préparé un cocktail à la place d’un barman, je me tournerai vers toi pour me défendre. » Il ricana légèrement avant de boire une gorgée de sa bière. C’était sûrement le moment qu’il avait le plus attendu de toute la journée. Adrian venait quasiment tous les soirs ici pour se changer les idées et éviter de se retrouver seul avec ses pensées dans son studio. « Ce que j’ai fait ? Eh bien… J’ai appris à faire des mojitos par exemple ! » Adrian lâcha un nouveau un petit rire. C’était l’effet que l’avocate lui faisait, elle lui donnait l’impression d’être plus léger, elle lui faisait mettre ses soucis au second plan et lui redonnait le peu de joie de vivre qu’il lui restait. « J’ai voyagé à vrai dire. Dans toute l’Europe. » L’ancien soldat avait eu besoin de changer d’air et de se vider la tête. Il avait eu besoin aussi de prendre du temps pour que sa blessure à la tête se remette doucement mais surtout correctement. S’il était resté à Brisbane, il aurait tourné en rond et c’était exactement le contraire qui lui aurait fallu. Ca lui avait permis de mettre de l’ordre dans ses idées et de faire des choix pour son avenir. Il n’avait pas réussi à chasser ses démons, à essayer d’oublier ce qu’il avait vécu en Irak et le fait qu’il avait perdu sa compagnie mais au moins, il avait à nouveau pu envisager un avenir. Ce voyage avait vraiment été nécessaire et comme personne ne l’avait attendu, ici en Australie, il avait vraiment pu partir la conscience plus au moins en paix. « Mais il faut savoir rentrer au bercail non… ? » Il n’était pas sûr de dire ça pour se rassurer lui ou pour vraiment avoir l’avis de Milena. Probablement un peu des deux. Il bu une plus grosse gorgée de sa bière et posa la bouteille sur le sous-verre aux couleurs du bar. « Tu es toujours aussi belle dis donc. Dis-moi qu’un homme te comble au moins, ce serait du gâchis sinon. » C’était du Adrian tout craché. Le jeune homme n’avait jamais eu de relation sérieuse et il n’en cherchait pas. Dès qu’il avait compris comment séduire tout en restant correcte, il avait usé de ses belles paroles pour faire tomber la gente féminine sous son charme. Milena n’y échappait pas, au contraire, elle était de loin sa meilleure conquête et même s’il n’était pas prêt de l’avouer à voix haute, il se doutait que c’était parce que leur relation n’avait pas été bâtie uniquement sur du sexe. En grande partie, certes, mais pas uniquement. Une vraie base d’amitié s’était consolidée et lui qui n’aimait pas parler avec les femmes avec qui il couchait, il avait pourtant toujours aimé leurs discussions et les sorties qu’ils avaient pu faire en dehors du Canvas et de leur lit respectif.
C’était étrange parce que tu avais l’impression d’avoir devant toi un autre Adrian et pourtant, tu ne manquais pas de noter qu’il restait en lui pleins de caractéristiques que tu avais notées lors de vos premières rencontres. Vous aviez été deux personnes blessées mais une fois passé les blessures et les cicatrices, vous aviez réussi à vous découvrir malgré tout. Et aujourd’hui, alors que vos chemins se croisaient à nouveau, alors que vous aviez retrouvé le sourire et une vie un peu plus facile, vous redeveniez ces personnes que vous aviez découvertes quelques années plus tôt. Tu n’aurais pas dû être étonnée qu’Adrian passe de l’autre côté du bar pour te préparer ton mojito qui mettait du temps à arriver. Il n’avait jamais aimé les règles et tu te souviens de les avoir bravées toi aussi lors de vos sorties en dehors des bars et de vos lits. Tu devais l’avouer, tu avais toujours été du genre à suivre les règles au pied de la lettre et c’est encore ce que tu faisais aujourd’hui mais pendant quelques temps tu avais laissé Adrian t’emporter dans ses aventures et tu ne l’avais jamais regretté. Sans le savoir, il t’avait aidé à guérir mais ça, tu ne l’avais compris que bien plus tard. « Pourquoi changer alors que c’est comme ça que tu m’adores ? » Tu ne pouvais t’empêcher de remarquer la facilité avec laquelle vous retrouviez vos anciennes habitudes. Vous aviez fini par apprendre à vous connaître la dernière fois et chaque nouvelle découverte donnait potentiellement naissance à une nouvelle source de taquinerie. Mais cela ne te dérangeait pas. Tu n’étais pas une effrontée face aux règles mais tu étais joueuse et ce jeu ne te dérangeait pas. C’est amusée que tu le regardais revenir avec ton mojito et t’entraîner vers une table à l’écart de cette foule assoiffée et endiablée. « Qui a dit que je voulais que tu changes ? » Lui répondis-tu sur le même ton que le sien. Malgré toutes ses blessures, c’était de cet Adrian effronté que tu t’étais attachée. Et derrière ses airs de grand dur qui n’en fait qu’à sa tête, tu avais découvert un homme attentif et affectueux. Tu avais déduit plus ou moins ce qui lui était arrivé des bribes qu’il t’avait confié et tu n’avais pu t’empêcher de te demander pourquoi il passait toutes ces heures avec toi et pas avec son entourage qui le connaissait bien mieux et pourrait l’aider. Mais tu n’avais jamais osé poser la question ayant peur de mettre les pieds dans le plat. Une fois assise, tu confiais donc à Adrian le changement le plus majeur de ces deux dernières années qui était l’ouverture de ton cabinet d’avocats. « Un cabinet d’avocat ? Wow, félicitations ! Si j’ai des soucis avec la justice parce que j’ai, par exemple, préparé un cocktail à la place d’un barman, je me tournerai vers toi pour me défendre. » Tu pouvais lire la sincérité sur son visage et tu n’hésitas pas à le prendre dans tes bras. Cela te faisait plaisir de voir que les gens qui te connaissaient bien comprenaient à quel point c’était important pour toi. Tu avais mis ta carrière professionnelle avant tout autre chose pendant des années et aujourd’hui elle était la seule chose stable dans ta vie à laquelle tu te raccrochais comme une bouée de sauvetage. Un sourire apparut sur tes lèvres et tu lui répondis : « Malheureusement je te serai plus utile si tu te maries, si tu divorces, si tu adoptes un enfant ou toutes ces choses qui touchent à la famille. Mais je forcerai un de mes collègues à s’occuper de toi. » Ce n’était pas comme si tes collaborateurs t’en voudraient de leur amener un nouveau client. Ils ne seront pas ravis de devoir lui offrir un rabais très certainement mais tu t’occuperas de compenser avec une chose ou une autre. Mais tu doutais que le barman ait assez de temps pour aller porter plainte. Tu n’étais même pas certaine qu’il ait remarqué qu’Adrian soit passé derrière le bar. Tu retournais la question à ton ami pour savoir ce qui l’avait occupé ces deux dernières années. « Ce que j’ai fait ? Eh bien… J’ai appris à faire des mojitos par exemple ! J’ai voyagé à vrai dire. Dans toute l’Europe. Mais il faut savoir rentrer au bercail non… ? » Tu ris à sa première plaisanterie avant de le regarder avec un regard certainement un peu envieux. Tu n’avais jamais eu l’occasion de réellement prendre du temps pour toi et de voyager quand tu étais jeune adulte. Tu aurais pu prendre une année sabbatique et voyager, ce n’était pas comme si tes parents n’avaient pas l’argent pour financer une année à flâner en Europe mais il en était hors de question pour ton père. « Ils t’ont bien formé ça c’est certain. » Lui dis-tu avec un clin d’œil avant d’ajouter : « L’Europe est un magnifique continent rempli de surprise. J’aurais aimé en voir plus car en général je fais toujours un tour à Londres et en Italie, ma mère et mon père ont toujours de la famille là-bas. » Car oui, tu étais une Européenne, un fait que tu oubliais la plupart du temps car tu te sentais plus Américaine qu’autre chose. « Ca t’a plu ? » Ne pus-tu t’empêcher de demander à Adrian. Tu ne savais pas s’il fallait que tu insistes sur ce qu’il avait fait de plus particulier en Europe mais tu décidais de ne pas trop en demander, il te confiera ce qu’il avait envie de te confier. « Personnellement je ne rentrerai jamais au bercail mais je suis heureuse de te revoir. » Lui dis-tu le plus sincèrement du monde. Adrian avait joué un rôle important dans ta vie quand tu étais arrivée à Brisbane. Tu ne pensais jamais le revoir mais tu étais contente de t’être trompée. Tu pris une gorgée de ton mojito et Adrian te dit : « Tu es toujours aussi belle dis donc. Dis-moi qu’un homme te comble au moins, ce serait du gâchis sinon. » Tu ne pus t’empêcher de laisser échapper un petit rire en secouant la tête. Le rouge t’était certainement un peu monté aux joues mais tu n’y prêtais pas attention. Ah ta vie amoureuse … Ton plus grand échec à ce jour … Tu aimerais dire à Adrian que ton petit ami t’attendait et que tu devais aller le retrouver mais ce n’était pas le cas. « Je suis une femme difficilement comblée, aucun homme n’a semblé vouloir relever le défi. » Dis-tu sur le ton de la plaisanterie mais tu n’étais pas certaine que cela en soit une. « Par contre je vois que tu n’as pas perdu la main, mes compatriotes européennes ont dû tomber comme des mouches. » Lui dis-tu à ton tour pour le taquiner. « Tu n’en as pas ramené une dans tes bagages ? » Lui demandas-tu curieuse. Après tout, c’était possible non ?
Ca avait toujours été facile avec Milena et il n’avait jamais pu expliquer exactement pourquoi. Leur relation n’avait pas d’étiquettes, bien qu’ils étaient essentiellement amis. Ils n’étaient pas non plus des amis avec plus si infinités car même si ça leur était souvent arrivé de finir dans le même lit, ça n’avait jamais été juste histoire de coucher. Adrian n’était pas quelqu’un de tendre ou de câlin mais il n’avait jamais expédié la jeune femme. Ils avaient peut-être échangé quelques caresses apaisantes pour leur cœur et leur âme et le lendemain ils s’étaient lancé des vannes comme si de rien était au petit-déjeuner. Peut-être que l’amitié prenait le dessus sur le reste. C’était vraiment quel que chose de particulier que la plupart des personnes ne pouvait pas comprendre. Les deux jeunes gens n’avaient jamais ressenti ce besoin de donner un nom à leur relation. Ils se voyaient pour parler ? Ca leur allait. Ils se croisaient vite fait pour un café ? Ca leur allait. Ils finissaient au lit après une soirée entière ensembles ? Okay. Ils se voyaient juste pour coucher ensembles le temps de deux heures ? Pas de problème non plus. Et c’était probablement ce qu’il préférait dans cette relation. Ils étaient attachés l’un à l’autre mais il n’y avait jamais rien eu de sentimental. Une belle amitié sincère et tenace avec quelques avantages quand ils se sentaient seuls et ça leur allait très bien. C’était naturel, simple et Adrian ne pouvait être que ravi de voir que rien n’avait changé. Deux années s’étaient écoulées et pourtant ils se retrouvaient comme s’ils s’étaient quittés la veille. L’ancien militaire manqua de s’étrangler avec sa bière en entendant les précisions de son amie puis il secoua la tête plusieurs fois. « Quelle horreur, non. Tes collègues ne risquent rien ! » Il ne fallait pas parler de mariage ou d’enfants à Adrian. C’était un célibataire endurcit qui n’avait jamais eu de relations amoureuses jusqu’avant. Il n’était même jamais tombé amoureux, comme s’il avait érigé une barrière autour de son cœur. Mais il ne s’en plaignait pas, loin de là. Et il ne voulait pas qu’on essaie de le caser dans une quelconque routine. Il faisait parti de ces hommes qui avaient une crise d’urticaire rien qu’aux mots « amoureux » ou « mariage ». Il avait, d’ailleurs, toujours taquiné son ancien meilleur ami alors que celui-ci était fou amoureux de sa fiancée et qu’il le voyait lui écrire des lettres, suer juste en échafaudant un plan pour lui demander sa main et réfléchir à leur avenir ensembles. C’était quelque chose qu’il avait toujours gardé pour lui parce qu’il tenait énormément à Matteo mais il ne comprenait pas comment il pouvait envisager un avenir en étant lui, un militaire et sa dulcinée à des milliers de kilomètres de lui. C’était aussi pour cette raison qu’Adrian n’avait jamais cherché à se caser ; son « emploi » en tant que militaire. D’une part, il avait été obsédé par l’armée. Les jeunes hommes envoyés là-bas sont formaté et moulé pour ne penser qu’à servir et le blond n’avait pas échappé à ce sort. Même en permission, il pensait déjà à leur prochaine mission et il n’avait jamais eu besoin de réfléchir avant de signer pour deux nouvelles années. Il n’avait plus de famille qui l’attendait en Australie, il n’avait absolument aucune raison de penser à arrêter et à éventuellement fonder une famille. Le jeune homme ne voyait vraiment pas comment il pourrait être un bon petit ami vu comme il était handicapé des sentiments. Ca ne l’empêchait pas de regarder Milena avec un regard très fier. Il était vraiment ravi qu’elle ait pu atteindre ses objectifs et au moins… Avancer un peu. Décidemment, ces deux là étaient faits pour s’entendre. Sans le savoir ils avaient vraiment évolué de la même manière. Il lui raconta brièvement son road trip en Europe même s’il pouvait, en réalité, en parler pendant des heures. Ce qu’il avait vécu sur les routes l’avait changé. Pas entièrement évidemment car Adrian restait ce bon vieil Adrian mais il en avait pris plein les yeux et humainement, il avait fait des découvertes incroyables même si au final il n’avait gardé contact avec personne. Il discerna une certaine envie dans la voix de Milena et il ne pu s’empêcher de lever un sourcil de défi. « Nous connaissant, je suis sûr qu’avant la fin de cette soirée, on aura bouclé quelque chose. » Le chauffeur privé mena sa bière à ses lèvres pour en boire une nouvelle gorgée avec un air amusé. Il laissait planer un certain doute sur ce qu’il pensait vraiment même s’il savait très bien que Milena avait compris. Même s’il n’était pas contre, il ne parlait pas de sexe, mais bien d’un voyage. Ils étaient comme ça ; imprévisibles et même si ça, ils ne l’avaient jamais fait, peut-être que ce serait le genre de défi qui manquait à leur petite vie d’handicapé sentimentaux. « Mais oui, ça m’a plu. C’était vraiment génial. Je n’ai, malheureusement, aucune photo à te montrer comme tu te doutes mais je t’en parlerai sans problème un soir. » Maintenant qu’ils s’étaient retrouvés, Adrian ne comptait plus la lâcher. Il ne le disait pas à haute voix mais quand on le connaissait un minimum comme l’avocate le connaissait, on pouvait deviner qu’il le pensait sincèrement. « Et moi aussi je suis ravi de te retrouver petite. » Il ri et leva la main pour commander une deuxième bière, la sienne arrivant gentiment au bout. Il posa à nouveau son regard sur Milena et afficha un sourire plus que ravageur. Ce même sourire qui avait tendance à toutes les faire craquer. « Disons… Que j’ai su planter mon drapeau dans chaque pays que j’ai visité. » Il rit à ses propres mots bien qu’ils étaient vrais. Adrian avait eu besoin de ce voyage pour se changer les idées, pour se retrouver, vider sa tête et prendre d’éventuelles décisions. Il y était arrivé qu’au bout de deux ans mais les souvenirs qu’il s’était créé à Rome, Barcelone ou en Belgique ne le quitteraient plus jamais. Il n’y avait pas besoin de préciser qu’il avait passé davantage de soirées soûl et dans les bras d’une belle jeune femme – pourquoi pas Allemande – que sobre et seul dans une chambre d’hôtel. Il avait d’ailleurs que très rarement réservé quoi que ce soit pour dormir, se débrouillant toujours. « Ca pour être un défi, tu en es un Mademoiselle Grimes ! » Il remercia la serveuse qui venait de lui apporter sa bière et sourit à l’avocate. Il savait qu’elle n’allait pas mal le prendre, qu’il disait ça essentiellement pour la taquiner. « C’est malheureux, quand même. Tu mérites de l’attention et qu’on s’occupe de toi. » Il était loin de considérer Milena comme une pauvre petite chose qu’il fallait prendre soin. De toutes les femmes qu’il avait pu rencontrer par le passé, l’avocate était probablement la plus forte et la plus indépendante qu’il connaissait même si des fois elle pouvait en douter. Et Adrian savait qu’elle comprendrait où il voulait en venir. Il voulait qu’elle puisse s’épanouir et recevoir l’amour qu’elle méritait vraiment. Ils n’avaient jamais parlé de ce qu’il s’était passé dans son passé mais il n’était pas idiot, elle avait été trahie par la gente masculine et c’était pour ça que maintenant c’était compliqué pour elle de trouver quelqu’un qui puisse « relever le défi » comme elle le disait si bien. « Tu pensais trop à moi, c’est pour ça. » Il resta sérieux quelques secondes avant de craquer un sourire, le goulot de sa bière à ses lèvres. Il posa la bouteille après une longue gorgée et soupira. C’était un soupir presque… libérateur, de bien-être. C’était étrange venant de lui mais quand on savait à quel point Milena lui faisait du bien… Ce n’était pas si étonnant. Elle avait vraiment l’effet d’un baume au cœur chez lui. Il réalisa qu’il l’avait peut-être embarqué pour un verre alors qu’elle avait peut-être quelque chose de prévu. « Tu avais rendez-vous d’ailleurs ? Je ne voudrai pas te retenir tu me connais ! » C’était quelqu’un de respectueux et qui ne forçait jamais personne à lui tenir compagnie. Il vivait très bien en solitaire donc il n’en voulait pas aux personnes qui préféraient passer du temps avec quelqu’un de plus joyeux ou de moins fermés sur les relations.
Ta rencontre avec Adrian avait été un heureux hasard. Oui, heureux car à l’époque tu avais oublié ce que le mot signifiait. Lui aussi d’ailleurs et c’était sans doute pour cela que vous aviez trouvé dans l’autre ce que vous cherchiez. C’était tellement facile avec Adrian à l’époque … Tu étais trop mal en point pour imaginer quoi que ce soit de cette relation, tu avais juste besoin de ne pas être seule sans devoir être la personne forte d’une relation qui te demanderait du temps et de l’investissement. Et de son côté Adrian n’était pas prêt non plus à s’investir dans quoi que ce soit et peut-être ne l’était-il pas encore aujourd’hui. Lors d’une de vos discussions il t’avait confié ne pas être un homme fait pour les relations de longue durée et tu trouvais cela dommage mais tu n’avais pas relevé. Cette absence de nom sur votre relation, l’envie inexistante de lui trouver une existence socialement acceptable pour d’autres personnes que vous, vous avait permis de créer une amitié qui avait laissé de telles traces qu’aujourd’hui, il n’était pas difficile de vous retrouver. Cela faisait deux ans qu’Adrian était sorti de ta vie aussi rapidement qu’il y était entré et il vous avait suffit de quelques minutes pour retrouver votre complicité perdue. Mais deux ans c’est long, il se passe pas mal de choses notamment l’ouverture de ton cabinet d’avocats. Quand Adrian était parti, tu commençais à peine à travailler sur le projet avec Rose et désormais, cela fait un peu plus d’un an que tu es associée dans ce cabinet qui fonctionne plutôt bien. Tu fais remarquer à ton ami que s’il veut que tu le représentes, il faudra que ce soit pour une histoire de divorce ou d’enfant et il manqua de s’étouffer avant de te dire : « Quelle horreur, non. Tes collègues ne risquent rien ! » Tu avais donc bien raison, Adrian n’avait pas tant changé que cela. Lui ne cherchait pas une quelconque relation alors que toi, après avoir guéri de ton épisode à New York, tu recommençais à chercher cette stabilité. Tu aimerais pouvoir rentrer chez toi le soir et parler de ta journée, tu aimerais que quelqu’un soit là pour toi et être là pour lui et tu aimerais surtout construire une famille. Cela n’a pas toujours été une priorité pour toi mais cela fait plusieurs années maintenant que c’est un de tes rêves les plus chers. Cependant, brûler les étapes ne te ressemble pas et tu ne veux pas un enfant à n’importe quel prix. Tu serais capable d’assumer seule un enfant mais tu préférais que les choses se fassent autrement si c’était possible. Très peu de gens connaissaient cette envie qui t’habitait, Leonardo et Eva étaient les seuls à qui tu avais confié ce souhait et tu préférais que les choses restent comme cela car tu effrayais déjà bien assez les hommes sans leur parler d’engagement et de famille. Tu préférais donc ne pas répondre à ton interlocuteur te contentant de sourire avant de lui demander plus de détails sur ce qui l’avait occupé en Europe. « Nous connaissant, je suis sûr qu’avant la fin de cette soirée, on aura bouclé quelque chose. » Vous aviez été les professionnels des plans de dernière minute. Toi qui avais passé toute ta vie à organiser tout ce que tu pouvais, Adrian t’avait entraîné dans un monde rempli de spontanéité dont il restait quelques traces aujourd’hui mais bien moins que dans le passé. Cela te rappela bien des souvenirs de décisions prises dans le feu de l’action suivies d’une journée par-ci, d’un week-end par là. « A peine arrivé que tu penses déjà à repartir ? » Lui demandas-tu amusée avant d’ajouter : « Je compte sur toi pour m’amener dans les plus beaux coins d’Europe. » Lui dis-tu pour le taquiner. Peut-être partiriez-vous un jour, peut-être pas mais cela n’avait pas d’importance. Adrian avait réussi à voir dans tes paroles que tu étais nostalgique de tes voyages, de ce continent et cela te montrait que finalement, vous n’aviez pas autant changé que vous vouliez le laisser croire. Il n’hésita pas ensuite à t’en dire un peu plus sur son périple. « Mais oui, ça m’a plu. C’était vraiment génial. Je n’ai, malheureusement, aucune photo à te montrer comme tu te doutes mais je t’en parlerai sans problème un soir. Et moi aussi je suis ravi de te retrouver petite. Disons… Que j’ai su planter mon drapeau dans chaque pays que j’ai visité. » Tu espérais bien qu’Adrian te raconterait des anecdotes car tu ne doutais pas qu’il en avait des dizaines en réserve. Le fait que vous alliez vous revoir après ce soir était sous-entendu pour toi mais tu étais heureuse d’entendre que le jeune blond pensait la même chose. S’il était à Brisbane, il était hors de question de te priver de sa compagnie tant qu’il voulait bien te supporter. « Les photos c’est barbant, je préfère entendre quelques anecdotes. » Lui dis-tu avec un clin d’œil. C’était bien plus vivant et puis si c’était pour voir des monuments que tu as déjà certainement vu en vrai ou sur des cartes postales, tu n’en vois pas l’utilité. Adrian aborda ensuite sans le savoir le sujet qui fâche. Non, à ton plus grand regret tu n’avais personne dans ta vie alors tu préférais en plaisanter avec les gens qui te posaient la question plutôt que de montrer à quel point cela t’atteignait. « Ca pour être un défi, tu en es un Mademoiselle Grimes ! C’est malheureux, quand même. Tu mérites de l’attention et qu’on s’occupe de toi. Tu pensais trop à moi, c’est pour ça. » Tu le regardais un sourcil levé et tu crus pendant quelques secondes qu’il était sérieux avant de voir son petit sourire en coin. « T’es bête ! » Lui dis-tu en lui frappant gentiment l’épaule. Peut-être que tu méritais que l’on prenne soin de toi mais tu n’attendais plus vraiment qu’une telle chose se produise. Tu prenais soin de toi toute seule car malheureusement, personne ne s’était proposé pour le faire. Mais Adrian méritait aussi que l’on s’occupe de lui. Le seul problème c’est qu’il ne laissait pas à grand monde la chance de le faire. « Je ne suis pas la seule à mériter qu’on s’occupe d’elle. » Dis-tu avant d’ajouter : « Tu as mis la barre tellement haute qu’il est difficile de trouver un homme qui fasse mieux. » Lui dis-tu pour le taquiner. Mais Adrian était certainement l’un des derniers hommes à réellement t’avoir prêté attention, malgré le fait que vous étiez tous les deux fucked up à l’époque. « Tu avais rendez-vous d’ailleurs ? Je ne voudrai pas te retenir tu me connais ! » Tu bus une gorgée de ton mojito avant de secouer la tête. Si tu avais été avec quelqu’un, tu l’aurais dit directement à Adrian et tu aurais pris son nouveau numéro pour le voir à un autre moment. « C’est l’anniversaire d’un de mes employés. Je me devais de passer, je n’avais pas l’excuse des enfants à coucher et à surveiller. » Dis-tu parce que toutes les personnes absentes étaient celles qui avaient des enfants. Sinon, tous tes collègues semblaient présents. « D’ailleurs, tu ne m’as pas dit. Tu as trouvé du boulot depuis ton retour ? » Tu ne savais pas s’il en cherchait, tu ne savais pas ce qu’il pouvait chercher. Tu pensais à Matteo qui était garagiste mais t’avait confié avoir besoin de plus d’adrénaline. Cela ne devait pas être facile de se reconvertir …
A peine arrivé ? Pas vraiment… Adrian n’osa pas avouer à la jeune femme qu’il était en réalité de retour à Brisbane depuis trois mois. Il n’osait pas car même s’il était du genre à n’avoir rien à faire de l’avis des autres, à ses yeux, Milena n’était pas comme les autres. Elle avait d’ailleurs été la seule personne de son « entourage » à qui il avait envoyé un message pour avertir de son départ. Il la savait non rancunière mais il y avait quand même cette petite part de lui qui espérait sincèrement qu’elle ne lui en voulait pas d’avoir filé comme un voleur. Il avait senti que c’était « le » moment pour partir et il n’avait pas réfléchi plus longtemps. L’ancien militaire savait que s’il avait trop réfléchi il aurait fini par se tirer une balle dans la tête avec son arme militaire. Qu’il ne possédait d’ailleurs plus depuis son retour en Australie. Cette connerie était une des dernières choses, à part son uniforme, à le lier à l’armée et après deux années à parcourir l’Europe en cherchant à se vider la tête, il avait eu besoin de couper le cordon, de vraiment divorcer de son statut de militaire. « Ne me sous-estime pas. » Elle le connaissait mieux que sa propre famille, Adrian aimait les défis et il aimait les relever surtout. Il ne fallait jamais lui dire qu’il n’osait pas parce que si, justement, il osait et l’avocate le savait très bien. « On ira alors. » C’était une promesse et des promesses, Adrian n’en faisait pas beaucoup. Il en faisait seulement quand ça comptait et quand il était certain de pouvoir les tenir. Ils l’avaient déjà fait, partir les deux un weekend, il ne verrait aucun problème à réorganiser une petite virée avec Milena. Elle était d’extrêmement bonne compagnie et puis bon… C’était Milena, probablement sa seule et meilleure amie ici à Brisbane. Le blond avait continué de siroter sa deuxième bière en parlant, si bien qu’il ne se rendit pas tout de suite compte qu’il l’avait presque finie. Parler avec l’avocate avait toujours le même effet ; le temps passait vite. C’était un temps de qualité cependant. Il savait qu’il aurait dû l’appeler en arrivant ici mais il avait probablement trop eu les chocottes pour le faire. Néanmoins, il était vraiment ravi de la retrouver. Il avait l’impression qu’une douce couche de baume enrobait son cœur traumatisé rien qu’en voyant son beau sourire et en entendant son rire. Il ne pouvait vraiment pas s’empêcher de la taquiner. C’était de bonne guerre et il savait qu’elle ne le prendrait jamais mal. Elle renchéri d’ailleurs en lui sous-entendant que lui aussi méritait que quelqu’un s’occupe de lui et il grimaça quelque peu tout en avalant une nouvelle gorgée de bière. Il ne voulait pas qu’on s’occupe de lui. C’était quelqu’un de très indépendant et qui s’en sortait très bien tout seul. Au final, il n’y avait que pour le sexe qu’un coup de main n’était pas refusable mais pour le reste… Il avait traversé ses emmerdes tout seul et ne devait rien à personne. Et franchement, il ne voyait pas comment il pourrait s’occuper quelqu’un dans son état actuel. Etat qui commençait d’ailleurs à manifester une certaine fatigue avec un mal de tête naissant juste à l’endroit de sa cicatrice, derrière l’oreille. Mais c’était trop agréable de retrouver Milena pour laisser une migraine prendre le dessus. « C’est vrai que je m’occupais plutôt bien de toi. » Il leva un sourcil un peu coquin avant de rire légèrement. Il ne pouvait vraiment pas s’en empêcher. Au final, la petite brune était sûrement la seule femme qu’il avait eu envie de protéger. Elle le méritait et il était bien trop fier pour avouer qu’il avait aimé s’occuper d’elle. Il l’avait fait naturellement mais il ne se voyait vraiment pas agir de la sorte avec quelqu’un d’autre. Milena n’avait pas demandé du romantisme, elle avait juste demandé une présence, une épaule et ça, c’était dans ses cordes. Les grosses papouilles toutes mignonnes, les mots d’amour, tout ça… C’était plutôt le délire de son ancien meilleur ami. La jeune femme le rassura quelque peu sur sa venue initiale dans le bar. Il n’aurait vraiment pas voulu l’arracher à des amis ou des collègues mais apparemment c’était bon. Adrian croisa les bras sur la table et se pencha légèrement en avant. « Oui et assez rapidement en fait. Je suis chauffeur privé pour personnes fortunées. Conduire à travers toute l’Europe m’a fait réalisé qu’en dehors de l’armée, c’était peut-être pour ça que j’étais bon et franchement, ça me plaît. A part le rasage de près, le costard et la cravate… » Il grimaça à nouveau légèrement avant de sourire malicieusement. Quand on est militaire pendant aussi longtemps, on a tendance à croire qu’on est bon pour rien d’autre et beaucoup finissent par perdre la tête à rechercher du travail en revenant à la vie normale. Adrian était passé par cette étape mais heureusement très brièvement. Il adorait ce qu’il faisait même si effectivement, le côté tenue de travail de l’armée lui manquait presque. Le blond regarda autour d’eux et se passa une main sur le visage. Il savait que Milena ne le jugerait pas, elle l’avait connu en sortant de l’hôpital après un coma, traumatisme et malheureusement, il gardait encore des séquelles, même deux ans après et il commençait vraiment à y avoir trop de bruit, trop de tout dans le bar. « J’ai de quoi te faire une Margarita à l’espagnol d’enfer chez moi. Ca te dit ? Enfin… Si tu aimes toujours ça. » C’était une invitation sans arrière pensée. Il ne savait pas où l’avocate en était à ce niveau là et il n’allait surtout pas lui imposer quoi que ce soit. C’était surtout pour qu’ils puissent continuer à parler un peu au calme et surtout pour soulager un peu son crâne de survivant.
Certaines personnes entrent dans votre vie comme un éclair et en sortent aussi rapidement qu’ils y sont rentrés mais cela ne les empêche pas de vous marquer et de ne jamais les oublier. C’était le cas d’Adrian pour toi. Une rencontre dans un bar, tout ce qu’il y avait de plus banal et puis des rencontres qui s’étaient multipliées et puis un départ brutal, presque sans prévenir. Mais Adrian ne t’avait jamais rien promis comme tu ne lui avais jamais rien promis voilà pourquoi tu avais toujours été incapable de lui en vouloir. Et puis il avait eu besoin de partir et toi tu avais eu besoin de réellement te laisser une chance à Brisbane et d’arrêter de te cacher. Mais le temps que vous aviez passé ensemble avait été précieux et il t’avait profondément marqué. En quelques temps Adrian était devenu un ami proche qui te connaissait par cœur avec quelques avantages supplémentaires. Tu étais donc peu étonnée que vous retrouviez aussi facilement vos travers d’antan mais vous ne pouviez pas ignorer que vous n’étiez plus tout à fait les personnes que vous aviez été non plus, la preuve, Adrian avait fait le tour de l’Europe depuis que vous vous étiez vu la dernière fois. « Ne me sous-estime pas. On ira alors. » Il vous était arrivé de partir tous les deux en week-end, quelques jours loin du monde. C’était Adrian qui t’avait le premier fait découvrir les alentours de Brisbane. Vous ne partiez jamais très loin mais de temps en temps, quand l’envie vous prenait. Faire un tour en Europe, c’était envisageable mais cela devra être un peu plus préparé très certainement. Cependant, tu n’étais pas revenue en Europe depuis ton arrivée à Brisbane et tu espérais vraiment pouvoir y retourner bientôt, la compagnie d’Adrian étant un plus. « J’y compte bien. » Lui dis-tu avec un clin d’œil. C’était étrange de faire des plans ainsi avec le jeune homme mais en même temps tout à fait naturel. La conversation se tourna ensuite vers la taquinerie et la légèreté même si les sujets abordés étaient sérieux malgré tout. Adrian te demanda si tu avais quelqu’un dans ta vie, question des plus banales mais qui faisait remonter certaines angoisses chez toi, certains regrets. Non, tu n’avais personne dans ta vie et tu étais la première à le regretter. Tu étais indépendante, tu n’avais pas besoin que l’on s’occupe de toi mais ce n’était pas parce que tu n’en avais pas besoin que tu n’en avais pas envie. Ca c’était une autre histoire. Adrian n’avait pas besoin que l’on s’occupe de lui et ne cherchait pas cela. Tu avais essayé de trouver un juste milieu avant qu’il ne parte en Europe pour lui apporter le soutien dont il ignorait avoir besoin. Tu n’étais pas certaine d’y être arrivée mais lui t’avait apporté exactement ce dont tu avais besoin à ce moment-là et tu lui en avais toujours été reconnaissante. « C’est vrai que je m’occupais plutôt bien de toi. » Tu te contentais de lui sourire en guise de réponse car il n’y avait rien à ajouter. Derrière vos taquineries se cachait une part de vérité non négligeable et Adrian, derrière ses airs d’homme renfermé et trop indépendant était un homme attentionné. C’était presque étonnant pour quelqu’un qui fuyait toute relation sérieuse. Tu préférais lui demander s’il avait trouvé de quoi s’occuper à Brisbane vu qu’il n’était pas prévu qu’il reprenne du service. Et apparemment c’était le cas. « Oui et assez rapidement en fait. Je suis chauffeur privé pour personnes fortunées. Conduire à travers toute l’Europe m’a fait réalisé qu’en dehors de l’armée, c’était peut-être pour ça que j’étais bon et franchement, ça me plaît. A part le rasage de près, le costard et la cravate… » Devant sa grimace, tu ne pus t’empêcher de laisser un sourire en coin se dessiner sur tes lèvres. Un costard et une cravate ? Pour Adrian ? Tu n’avais aucun mal à comprendre pourquoi il n’était pas fanatique du concept. Et tu ne te serais pas attendue à ce qu’il se lance dans cette voie mais après tout pourquoi pas ? S’il était satisfait de sa profession, c’était le principal. « Si jamais l’envie te dit de sortir le costume et la cravate dans une autre occasion, fais-moi signe. » Lui dis-tu avec un clin d’œil. « Promis je sortirai ma plus belle robe. » Est-ce que tu flirtais avec Adrian ? Oui, c’était le cas. Votre relation n’avait jamais été dénuée de contact physique et puis ce n’était pas comme si tu avais quelqu’un dans ton loft qui t’attendait patiemment alors autant s’amuser un peu non ? Alors que tu finissais les dernières gouttes de ton verre, tu vis Adrian regarder autour de vous comme s’il sondait la foule. Son léger froncement de sourcils te fit comprendre que cela devenait trop pour lui et que le départ allait certainement sonner. « J’ai de quoi te faire une Margarita à l’espagnol d’enfer chez moi. Ca te dit ? Enfin… Si tu aimes toujours ça. » Tu lui fais un petit sourire avant de lui répondre : « Ce sera avec plaisir. Attend-moi dehors, j’arrive. » Lui dis-tu avant de te diriger vers ton collègue qui était au milieu d’amis et qui semblait passer une excellente soirée. Tu le saluais, lui souhaitant un bon anniversaire et tu en profitais pour saluer tes autres collègues présents avant de te diriger vers la sortie du bar où tu retrouvais Adrian. « Désolé de t’avoir fait attendre. Tu vis où maintenant ? » Lui demandas-tu car il devait avoir lâché son logement en partant de Brisbane.
C’était assez difficile, depuis quelques minutes maintenant, pour Adrian de ne pas repenser aux moments qu’ils avaient passé ensembles lorsqu’ils s’étaient rencontrés ici même il y avait maintenant deux ans de cela. Complètement perdu, shooté aux médicaments anti douleurs et entièrement désespéré d’avoir perdu toute sa compagnie de l’armée australienne, Milena avait réellement été comme un soudain rayon de soleil dans toute cette noirceur intérieure. Et probablement extérieure aussi car plusieurs fois on lui avait dit qu’il avait une sale tête. Combien de fois avait-il répondu brusquement qu’il avait fait la guerre, qu’il y était presque resté et qu’il avait tous les droits d’avoir une sale tête ? Il ne comptait même plus et pour cause… Il avait souvent été tant imbibé d’alcool qu’il ne pouvait tout simplement plus se rappeler. Maintenant, les employés du bar le connaissaient et ils savaient qu’il n’était pas à proprement parlé un mec violent, que les bagarres qu’il avait pu commencé ou auxquelles il avait participé n’étaient que le résultat d’une âme légèrement brisée à cause de ce qu’il avait vécu. Ils l’avaient donc laissé continuer à venir ici car en plus de ça ; il payait chacun de ses verres et il y en avait beaucoup. Ca avait probablement été un soulagement pour tout le monde de voir un Adrian moins violent, moins triste avec plus d’alcool que de sang dans ses veines grâce à la petite Grimes. Sa petite perle américaine comme il l’appelait. Elle avait estompé ses peines ou en tout cas, calmé ses crises de colère et tout ça, sûrement, sans vraiment s’en rendre compte. Leurs soirées pizzas, mojitos et films chez lui, leurs petits weekends improvisés à la mer… Il chérissait chacun de ces souvenirs et était vraiment heureux de la retrouver autour d’un verre ce soir. Par une totale surprise. Milena avait été la seule personne qu’il avait laissé entrer dans sa vie et qu’il appelait vraiment par l’adjectif « amie ». Il avait conscience qu’elle était une réelle amie car quelqu’un d’autre n’aurait pas compris, n’aurait peut-être même pas essayé de chercher à comprendre et ne serait pas aussi enjouée de le revoir après qu’il ait mis les voiles avec seulement un message laissé dans sa trace. Il lui était aussi difficile de ne pas repenser à leurs nuits entre câlins torrides et plus tendres. Il n’allait pas se le cacher, Adrian adorait Milena par sa personnalité, sa fraicheur et son infinie gentillesse mais il l’adorait aussi dans l’intimité de leurs lits. Ils étaient sur la même longueur d’ondes et semblaient se comprendre sans avoir à dire les choses à haute voix. Ils s’étaient aussi trouvé sur ce point là et ce qui était bien c’est que ça n’avait jamais été gênant, ils ne s’étaient jamais retrouvés mal à l’aise parce qu’ils ne savaient pas trop où situer leur relation. Ils étaient franchement amis avec des avantages à côté mais ils faisaient la part des choses et pour ça, il ne l’échangerait pour rien au monde. « Pour toi, Milena Grimes, je porterai le costard tous les jours. » Il étai honnête et c’était probablement ça le plus drôle. Il tenait tellement à elle qu’il ferait probablement n’importe quoi si ça pouvait lui faire plaisir ou la rendre heureuse. C’était ça, les bases d’une bonne amitié. Du moins c’était ce qu’il s’imaginait. Mais il était vrai que lorsqu’on connaissait un minimum le jeune homme il n’était pas difficile de deviner que sa tenue de travail n’était pas vraiment ce qu’il préférait porter. Plutôt adepte du jeans, t-shirt pour sortir, il avait surtout été habitué à porter un uniforme militaire pendant quatorze années. C’était carré, simple et pratique. C’était tout ce que l’armée voulait et tous les soldats devaient s’y plier. Il y avait eu de rares occasions où il avait dû sortir la tenue officielle pour des remises de médailles, des enterrements ou des cérémonies banales mais porter le costard pour un job, c’était bel et bien une première. « Et puis si c’est pour te voir en robe alors… » Il lui rendit le petit sourire en coin. Ce même sourire qui avait tendance à faire craquer les filles. Pas un sourire vantard ou superficiel. Un sourire simple, discret mais plein de malice. Milena semblait flirter un peu avec lui et c’était aussi rassurant de voir que ça, non plus, ça n’avait pas changé entre eux. Evidemment, si l’avocate lui avait avoué qu’elle était avec quelqu’un, il se tiendrait correctement, agissant comme un simple ami avec elle. Il n’était pas du genre jaloux ou possessif et il aurait vraiment été heureux de savoir qu’elle avait trouvé chaussure à son pied mais comme ce n’était pas le cas, ils pouvaient se laisser aller à quelques plaisanteries à double sens. « File ! » Il lui sourit et attendit qu’elle soit partie pour partir de leur table. Adrian était quelqu’un de discret et qui n’aimait pas s’incruster dans la vie des autres. Il préférait laisser l’espace qu’il lui fallait pour aller saluer ses collègues et sorti du bar en attendant qu’elle ait terminé. L’air n’était que légèrement plus frais qu’à l’intérieur du bar mais ça lui fit un bien fou. Il s’alluma une cigarette, les doigts légèrement tremblants à cause du monde à l’intérieur. Il prit plusieurs bouffées salvatrices et souffla la fumée dans l’air. L’ancien militaire avait parfois l’impression d’être un vice sur pattes, de brûler la mèche par les deux bouts ; alcool, médicaments, cigarettes et mal bouffe. Il était vraiment loin des hommes qu’il pouvait croiser parfois aux terrasses de petits restaurants bio qui s’habillaient bien et avaient la peau dorée, signe d’une activité extérieure régulière. Mais c’était lui. Du Adrian tout craché. Aussi loin qu’il s’en rappelait, il avait toujours été un peu cabossé par la vie. Plongé dans ses pensées, il sursauta lorsque Milena le retrouva dehors. Les sursauts, voilà quelque chose qui n’avait pas changé non plus. Néanmoins, il souffla la fumée qu’il avait gardée dans la bouche et sourit à l’avocate. Il la trouvait vraiment belle avec comme lumière juste les lampadaires et les enseignes de la rue. « Toujours au même endroit ! » Les deux amis marchèrent car ce n’était vraiment pas loin. Il continua de tirer sur sa cigarette puis jeta le mégot dans un cendrier sur leur route. Pendant qu’il avait fait son road trip en Europe, Adrian avait continué à payer le loyer de son petit studio. Il n’avait pas envie de devoir rechercher un endroit où vivre lorsqu’il rentrerait et au moins, il était sûr qu’il aurait un « chez lui » lorsqu’il en aurait marre de dormir à la belle étoile ou sur les sièges arrière de sa vieille voiture. Volontairement, il resta silencieux pour le peu de trajet qu’ils avaient à faire. Il se concentrait sur les claquements réguliers que faisaient les talons de Milena sur le trottoir. C’était idiot, mais c’était un détail qui lui avait manqué. Comme cette odeur de shampoing qu’elle laissait derrière elle grâce au vent. Il ne leur fallu que quelques minutes pour arriver dans l’immeuble de l’ancien militaire. Ce dernier ouvrit la porte et laissa l’avocate entrer en premier. « L’ascenseur est toujours en panne, désolé. » Voilà aussi quelque chose qui n’avait pas changé… Arrivés à son étage, il ouvrit la porte de son studio, la laissa entrer et ferma à clés derrière eux. Adrian était revenu complètement parano de l’armée. Il ne l’avait dit à personne mais son arme était toujours sous son lit. A côté du sac couleur kaki avec son nom inscrit dessus. Son sac avec ses affaires militaires. Mais contrairement à ce qu’on pouvait croire… Adrian ne gardait pas son arme pour se défendre ou pour attaquer. Il l’a gardait pour une raison bien moins réjouissante encore. « Je n’ai pas besoin de te dire de faire comme chez toi ! » Il posa sa chemise dans un coin et alla directement sortir les bouteilles d’alcool pour préparer le cocktail qu’il lui avait promis. Il crâna un peu en faisant danser les bouteilles entre ses mains et secoua les liquides entre eux avant de les servir dans deux verres à soda. Inutile de préciser que le blond n’était pas un fan de décoration et qu’il se fichait bien de ne pas avoir de vrais verres à cocktails dans ses armoires. « A nos retrouvailles. Tu me diras des nouvelles de ce cocktail ! » Il s’était appuyé sur le bar de la cuisine et tendait son verre vers celui de Milena, un sourire ravageur et un regard brillant de malice sur le visage. Il n’y avait vraiment qu’avec elle qu’il était comme ça ; presque enjoué et heureux. Comme délesté de ses problèmes.
Quand tu étais arrivée à Brisbane, tu n’étais pas dans un moment très joyeux de ta vie. Tu avais perdu toute dignité, tu avais du mal à voir comment tu allais pouvoir te relever et c’est parce que tu étais au plus mal que tes jambes t’avaient amenées vers Adrian. En temps normal, tu aurais sans doute évité d’aller aborder l’homme qui enchaînait les verres au bar le visage fermé. Mais ce n’était pas une période normale et tu avais besoin d’un peu de compagnie. Au départ, tu pensais simplement lui tenir compagnie car tu avais eu besoin de boire pour oublier avant de te rendre compte que c’était une idiotie. Les images de ton corps en sous-vêtement dans des magazines people au milieu des kiosques à journaux n’était pas quelque chose que l’alcool pouvait effacer de ton esprit malheureusement. Tu lui avais donc tenu compagnie e dans les premiers temps tu avais beaucoup parlé. Ton interlocuteur n’était pas loquasse mais cela avait changé petit à petit. Contre toute attente, Adrian avait fini par s’ouvrir à toi. Il ne t’avait pas confié ses secrets les plus chers mais tu n’avais jamais attendu cela de lui. Et à ta plus grande surprise, il t’avait aidée à te construire, à t’adapter à Brisbane. Il avait été ta béquille, une béquille que tu avais perdue soudainement quand il avait décidé de partir, de quitter la ville. Mais tu n’avais jamais oublié les quelques mois que vous aviez passés ensemble et tu savais que tu devais beaucoup au jeune homme. Voilà pourquoi le retrouver aujourd’hui dans ce bar qui avait scellé votre rencontre et le voir en forme et avec un sourire qu’il ne réservait qu’à vos moments en privé était pour toi un très beau moment. Tu ne regrettais pas d’être venue montrer ton visage à l’anniversaire d’un de tes employés. « Pour toi, Milena Grimes, je porterai le costard tous les jours. Et puis si c’est pour te voir en robe alors… » Tu ne pus t’empêcher de laisser échapper un petit rire. A l’époque ta collection de robes était restée à New York et tu ne l’avais pas agrandie de suite. Les pantalons avaient été tes plus fidèles amis lors de tes premiers mois à Brisbane car en plus d’être plus simples à transporter, ils te permettaient de couvrir la totalité de tes jambes d’un tissu protecteur dont tu avais besoin psychologiquement. Mais aujourd’hui les robes étaient bien plus nombreuses que les pantalons dans ton placard et Adrian n’aura aucun mal à te croiser dans l’une de ces dernières s’il reste à Brisbane. « Ma collection s’est fortement agrandie depuis ton départ, tu auras même le choix. » Lui dis-tu avec un clin d’œil. Tu ne manques pas de remarquer le malaise croissant de ton interlocuteur. Tu as passé assez de soirées avec Adrian dans des bars pour reconnaître certains signes chez le jeune homme. Il ne tarde pas d’ailleurs à te proposer de quitter les lieux ce que tu acceptes sans hésiter. Tu ne peux cependant pas te volatiliser du bar sans dire au revoir à ton collègue et à quelques autres personnes. Tu dis à Adrian que tu le retrouveras donc à l’extérieur et tu pars en direction du petit groupe qui n’a pas bougé depuis tout à l’heure et qui n’a pas semblé remarquer que tu n’étais plus là. Cela ne te dérange guère, fête son anniversaire en compagnie de son boss, ce n’est pas toujours très agréable de toute manière malgré le fait qu’une bonne entente règne dans le cabinet entre tous les collègues. Tu rejoignis ensuite Adrian qui t’attendait devant l’entrée du bar une cigarette aux lèvres. Tu ne pus t’empêcher de lui demander où il habitait désormais : « Toujours au même endroit ! » Tu levais un sourcil étonnée de cette réponse. Tu ne pensais pas qu’il aurait gardé un pied à terre à Brisbane. Tu t’étais persuadée qu’Adrian allait faire sa vie autre part, qu’il avait quitté Brisbane pour de bon mais peut-être qu’il avait toujours prévu de revenir finalement, la question résidait dans la date de ce retour. « Et moi qui pensais que Brisbane te perdait à jamais. » Lui dis-tu avec un petit sourire en coin pour le taquiner. Vous vous mîtes tous les deux en route vers l’appartement du jeune homme. Tu te souvenais qu’il n’était pas loin mais tu n’aurais pas su y retourner toute seule, particulièrement le soir. Tu suivais donc Adrian silencieusement alors qu’il terminait sa cigarette. Il y a des gens avec qui le silence est pesant, avec Adrian, il était agréable. Tu profitais de ces retrouvailles pleinement, essayant d’en graver chaque détail dans ton esprit. Une fois arrivés devant l’immeuble, Adrian ouvrit la porte avant d’ajouter : « L’ascenseur est toujours en panne, désolé. » Un sourire se dessina sur ton visage avant que tu lui répondes : « Tu as bien fait de ne revenir que maintenant, il y a quelques temps je n’aurais pas pu me passer de l’ascenseur. » Lui dis-tu avant de prendre la direction des marches. L’ascenseur n’avait jamais été un critère pour toi dans tes logements mais tu devais avouer que lorsque tu avais été blessée à la jambe, en avoir un dans ton immeuble et à ton cabinet t’avait grandement sauvé la vie. Une fois arrivés devant la porte de l’appartement d’Adrian, tu le laissais ouvrir la porte avant de pénétrer à l’intérieur. « Je n’ai pas besoin de te dire de faire comme chez toi ! » Tu laissais Adrian filer alors que tu rentrais à l’intérieur. Un sourire nostalgique se dessina sur ton visage. Vous aviez passé de si bons moments dans ce studio … Et il avait peu changé. Adrian t’avait dit ne pas être revenu depuis très longtemps, il n’avait pas dû faire de la décoration de son appartement une priorité. Tu déambulais dans le studio laissant Adrian te préparer le cocktail dont il avait parlé. Tu finis par le rejoindre près du bar et il te tendit le cocktail un sourire en coin sur les lèvres : « A nos retrouvailles. Tu me diras des nouvelles de ce cocktail ! » Tu l’attrapais sans hésiter avant de le goûter. Tu as toujours eu un faible pour les cocktails, la bière ce n’est vraiment pas ton truc mais les cocktails sont ton péché mignon. Après en avoir pris une gorgée, tu lui dis : « Délicieux ! Mais tu n'as pas besoin de me faire boire pour me convaincre de quoi que ce soit.» Lui dis-tu sur un ton taquin. « Avec un si bon barman à portée de main, je reviendrai. » Lui dis-tu un sourire en coin sur les lèvres. Regardant de nouveau autour de toi, tu lui dis : « Ca me rappelle tellement de souvenirs … J’ai l’impression que c’était hier et en même temps tellement de choses sont arrivées depuis … » Dis-tu laissant la nostalgie prendre le dessus. « En tout cas, tu n’as pas changé grand chose dans ce studio. Si tu t’y installes définitivement, tu n’as pas envie de changer quelques petites choses ? » Tu avais toujours aimé décorer et réarranger les intérieurs des appartements dans lesquels tu avais habités au fil des années.
Adrian avait quitté Brisbane pour voyager, voir autre chose et surtout ; essayer de trouver un sens à sa vie. Il ne s’était pas fixé d’objectif ni mis de limites. Il irait où il voudrait et ça lui prendrait le temps qu’il voudrait. Il n’avait pas voulu se dire « je rentre ce jour là » pour se mettre une quelconque pression, un ultimatum. S’il avait dû voyager pendant dix ans, il l’aurait fait parce que c’était ce qui aurait été nécessaire pour qu’il y voit plus clair. Mais il avait toujours été sûr d’une chose ; il gardait son studio dans le quartier de Fortitude Valley. Il voulait avoir un pied d’à terre une fois de retour et il avait besoin d’un endroit où garder le peu d’affaires qu’il avait. A l’époque où il était soldat et qu’ils avaient des permissions avec Matteo, il lui était arrivé de dormir dans le parc ou au bord de la mer parce qu’il n’avait pas de logement à ce moment là et qu’il ne voulait pas tenir la chandelle entre son meilleur ami et sa fiancée. Mais il était jeune à ce moment là et il ne se voyait vraiment plus vivre comme ça en rentrant de son road trip. Certes, ce studio était vieux, mal conçu et surtout tristement vide mais c’était son chez-lui. Il n’y passait pas beaucoup de temps de toute manière alors les placards remplis n’étaient vraiment pas une priorité. Il n’aimait pas rester chez lui parce qu’il se mettait à trop réfléchir, à tourner en rond. Le chauffeur était toute la journée sur les routes et s’arrangeait pour manger en ville. Au final, il ne rentrait que pour se doucher et dormir et ça lui convenait largement. Bien sur, lorsqu’il ramenait des conquêtes, l’état de son studio avait cette tendance à faire fuir ces demoiselles une fois qu’elles auraient eu ce qu’elles attendaient de lui et c’était exactement ce qui l’arrangeait. Il n’aimait pas qu’elles restent et son studio se chargeait de les faire partir. Il n’avait pas pensé au fait qu’une belle jeune femme comme Milena pouvait réapparaitre dans sa vie et même si ce studio avait déjà cette tête là lorsqu’ils avaient passé du temps ensembles il y a deux ans de cela, il n’avait rien changé et se fichait un peu que ce ne soit pas digne d’un décors d’Ikea. L’ancien militaire porta son verre à ses lèvres et prit une gorgée du cocktail qu’il avait préparé. C’était comme un retour en arrière, comme un flashback vers ces quelques semaines à Barcelone. Ca avait vraiment été la partie préférée de son road trip. Il pouvait presque sentir les parfums du bord de mer et entendre le bruit des vagues. Un léger soupir de bonheur filtra ses lèvres. « Je n’ai jamais eu besoin de te convaincre de quoi que ce soit si je me rappelle bien... » dit-il en répondant malicieusement à la taquinerie de Milena. C’était quelque chose qu’il avait toujours aimé dans leur relation ; cette facilité à se taquiner, à se chercher. Le regard bleuté d’Adrian glissa sur le visage de son invitée alors qu’elle regardait autour d’elle. Elle lui avait toujours inspiré quelque chose de spécial. Quelque chose de très… rassurant. Il n’avait plus de contact avec sa famille depuis une quinzaine d’années et il avait passé plus de dix ans entre Brisbane et l’Iraq donc on ne pouvait pas vraiment dire qu’il avait un chez-lui non plus et pourtant… Quand il posait son regard sur l’avocate il avait l’impression d’être… à la maison. C’était vraiment particulier et très déstabilisant comme sensation. Il se rendit compte à quel point il était soulagé et ravi de l’avoir retrouvé ce soir. Il porta à nouveau son verre à ses lèvres et haussa les épaules. « S’il existe une décoration qui ne me donnerait pas envie de partir d’ici à chaque fois que je franchis le seuil pourquoi pas… » Il avait ce demi sourire sur les lèvres. Cette manière de faire sous-entendre les choses sans jamais vraiment les dire. Il était mal dans ce studio. Il était vide, froid et impersonnel. Un vrai reflet de lui-même et c’était peut-être pour ça qu’il n’aimait pas y rester. Distraitement, ses yeux scannèrent les yeux ; des cartons empilés dans un coin, ses affaires militaires posées à côté. Un alignement bordélique de boîtes de médicaments à côté de l’évier, un cendrier plein à la fenêtre, la commode qui vomissait des vêtements mal pliés. Cet appartement ne ressemblait vraiment à rien, à part peut-être au repère d’un junkie. « Au moins, les femmes n’insistent pas pour rester ! » Il rit légèrement avant de se reprendre. « Mais s’il faut que je fasse un peu de ménage pour que tu restes… Je le ferais ! » Cette précision était à mi chemin entre une légère drague et une totale sincérité. Maintenant qu’il avait retrouvé l’avocate, il n’avait pas envie de la voir partir mais il y avait toujours eu des sous-entendus plus intimes entre eux et Adrian ne pouvait pas s’empêcher de se demander si c’était toujours le cas. Si c’était toujours réciproque. « Parle-moi. Raconte moi ce qu’il s’est passé dans ta vie ces deux dernières années. Je veux tout savoir. » Parce que c’était toujours mieux d’écouter ce que les autres avaient à raconter que d’écouter le silence ou de ramener la conversation à lui-même. Il avait déjà été comme ça à l’époque et ce n’était pas prêt de changer. Il aimait écouter Milena. Elle avait une manière de lui raconter les choses qui l’apaisait. Comme pour appuyer sa requête, il tira le seul tabouret devant le bar et l’épousseta du dos de la main pour qu’elle puisse s’asseoir dessus. A part ce siège ou son canapé-lit défait depuis son retour, il n’y avait pas d’autres endroits où s’asseoir dans son studio.
Adrian faisait sans aucun doute parti des personnes qui te connaissaient le mieux. Il avait été cet inconnu à qui tu avais pu montrer tes côtés les plus sombres à ton arrivée à Brisbane. Ces côtés que tu n’avais pas envie de montrer à tes frères, que tu refusais même de leur montrer mais que tu avais besoin de laisser s’exprimer à ce moment-là. Adrian avait donc été cet inconnu qui au fil du temps n’était plus resté un inconnu. Et contre toute attente cela ne t’avait pas gêné du tout. Bien au contraire même, cela t’avait rassuré de savoir qu’il y avait quelqu’un dans cette ville au climat et au mode de vie étranger sur qui tu pouvais t’appuyer. Quand il avait quitté la ville, tu allais déjà mieux mais tu ne pouvais nier que son départ n’avait pas été facile à encaisser au début. Tu te souviens encore des fois où tu attrapais ton téléphone, où tu cherchais son nom dans tes contacts et alors que tu allais appuyer dessus, tu te souvenais qu’il n’était plus là. Pourtant, tu avais été incapable de lui en vouloir car tu savais à quel point il était nécessaire pour lui de quitter cette ville. Et maintenant, deux ans plus tard, alors que vous vous retrouviez dans son studio, tu avais l’impression de remonter deux ans en arrière. C’était comme entrer dans une capsule où le temps s’était arrêté car dans ce studio, rien n’avait vraiment changé depuis que tu l’avais quitté la dernière fois. Et il y avait quelque chose de rassurant mais aussi quelque chose de triste là-dedans car deux ans s’étaient écoulés et si Adrian comptait s’installer de nouveau à Brisbane, un logement un peu plus chaleureux serait plus agréable non ? Tu préférais ne pas aborder ce sujet de suite. A la place, tu déambulais dans les quelques mètres carrés de ce logement alors qu’Adrian préparait vos cocktails. Tu n’as jamais de mal à trouver un sujet de conversation avec quelque personne que ce soit, c’était presque un don pour toi mais retrouver Adrian et se rendre compte que vous pouviez reprendre votre relation où vous l’aviez arrêtée à son départ, c’était grisant comme sensation. Un sourire sur les lèvres, tu attrapais le cocktail qu’il te tendit alors que vous vous taquiniez. « Je n’ai jamais eu besoin de te convaincre de quoi que ce soit si je me rappelle bien... » Tu laissais échapper un petit rire en secouant la tête. Il n’avait pas tort. Il n’avait pas eu besoin de faire beaucoup d’efforts pour te convaincre de le suivre dans ce studio puis plus tard dans des escapades que vous preniez le week-end quand tu n’étais pas en train de prendre des cours pour avoir ton diplôme d’exercice en Australie. Cette période était une période noire dans ton esprit, une période que tu préférais éviter de te rappeler à part pour ces moments partagés avec Adrian qui avaient été si spéciaux. Quand tu y avais repensé, bien plus tard, tu n’avais pu t’empêcher de te dire que si tu n’avais pas été aussi mal, tu serais sans doute tombée amoureuse de cet homme qui ignorait toutes ses qualités. Mais il n’avait jamais été question d’amour dans votre relation, du moins pas de cet amour là et peut-être était-ce mieux ainsi, peut-être pas, vous ne le saurez sans doute jamais. « Attention à qui tu le dis Thomas, on pourrait croire que je suis une femme facile. » Lui dis-tu avec un sourire en coin sur le visage. Et Dieu sait que tu ne l’étais pas … C’était même tout le contraire vu que tu étais persuadée de faire fuir les hommes plus qu’autre chose. Tu te demandais d’ailleurs comment allait se terminer cette soirée et il y avait quelque chose dans ce mystère qui te plaisait beaucoup. Tu finis par faire une remarque à Adrian sur la décoration de son studio et sa réponse ne te surprit pas beaucoup. « S’il existe une décoration qui ne me donnerait pas envie de partir d’ici à chaque fois que je franchis le seuil pourquoi pas… » Tes yeux se fixèrent dans les siens et tu ne pus t’empêcher de te demander si tu y lisais bien le bon message. Tu avais été persuadée qu’Adrian aimait cette décoration, que c’était ce dont il avait besoin pour être rassuré dans ce studio. Mais il était évident que ce n’était pas une décoration, ni même un confort qui te poussait à rester chez toi. Un sourire se dessina sur ton visage et tu te retrouvais à dire : « Es-tu en train de me mettre au défi ? » Lui demandas-tu un sourcil levé. Tu n’étais pas décoratrice d’intérieur mais tu pourrais trouver un moyen de rendre ce studio habitable dans les goûts d’Adrian sans trop de soucis très certainement. « Parce que si c’était le cas, je suis prête à me lancer. » Dis-tu de manière faussement nonchalante alors que tu prenais une gorgée de ton verre. Et cela te donnera l’occasion de revoir Adrian et de t’assurer qu’il ne disparaîtra pas de ta vie ce qui était toujours un plus. « Au moins, les femmes n’insistent pas pour rester ! Mais s’il faut que je fasse un peu de ménage pour que tu restes… Je le ferais ! » Là tu n'avais pas de mal à le croire. C’est le genre d’endroit qui met une femme mal à l’aise, qui lui fait comprendre qu’elle n’est pas la bienvenue en un rapide coup d’œil. Mais cela n’avait pas l’air de chagriner ton ami plus que cela. « Tu sais très bien que je ne me formalise pas de ces choses-là. Mais je n’ai aucun mal à voir pourquoi les femmes cherchent à fuir cet endroit. J’espère pour toi que tu n’y as jamais emmené une femme que tu cherchais vraiment à impressionner. » Lui dis-tu sur un ton taquin. Tu ne savais pas si Adrian recherchait ce genre de relation ou s’il y était près mais tu osais espérer qu’il avait un peu plus de classe que cela avec les femmes qui l’intéressaient réellement, du moins pour plus qu’une nuit. Finalement, le sujet changea et tu t’approchais de nouveau du jeune homme qui te dit : « Parle-moi. Raconte moi ce qu’il s’est passé dans ta vie ces deux dernières années. Je veux tout savoir. » Tu le regardais amusée décaler la chaise et l’essuyer avant de te laisser t’asseoir. Tu ne te fis pas prier et tu t’assis dessus avant de soupirer légèrement. Par où commencer ? Qu’allais-tu raconter à Adrian sur ta vie ces deux dernières années ? Tu n’avais rien à cacher, pas à lui et cette réalisation était rassurante et en même temps légèrement terrifiante. Finalement, tu décidais de te lancer : « Ma plus belle réussite ces deux dernières années est comme tu peux t’en douter l’ouverture de mon cabinet. Après ton départ j’y ai travaillé comme une forcenée mais cela a payé et je ne pouvais pas demander plus. » Dis-tu avant de prendre une nouvelle inspiration : « J’ai acheté un loft à Spring Hill peu après ton départ. Je te laisserai l’adresse si l’envie te dit de passer. La décoration est un peu plus fournie que chez toi. » Lui dis-tu pour le taquiner. « J’ai réussi à faire de belles rencontres, à rencontrer des personnes merveilleuses et à reconstruire une relation avec mes frères. D’ailleurs mon aîné a débarqué à Brisbane récemment également. » Tu ne savais pas encore trop quoi en penser mais bon, tu auras le temps de te décider à ce sujet. « Comme tu le vois je n’ai pas réussi à trouver chaussure à mon pied et je commence à me faire à l’idée que je ne trouverai peut-être jamais cette personne qui me supportera plus que quelques semaines. » Dis-tu avec un sourire en coin mais un sourire qui n’était pas réellement un vrai sourire car cette situation t’attristait plus qu’autre chose. « Et je me suis retrouvée dans un accident de train il y a un an et demi dans lequel j’ai failli laisser une jambe mais après une opération et des heures et des heures de kiné, il ne me reste comme séquelle qu’une cicatrice. » Dis-tu en haussant les épaules. Des souvenirs de mois que tu préférais laisser derrière toi.
Qu’est-ce que ce rire lui avait manqué. Il ne s’en était pas rendu compte avant parce que lorsqu’il avait quitté la ville, il avait pris tous les souvenirs de leurs moments passés ensembles avec lui et ça lui avait suffit tout au long de son road trip. Au début de leur relation, Adrian avait dû attendre un bon moment avant de voir Milena sourire et rire. Il se rappelait très bien des blessures et des premières cicatrices psychologiques qu’elle avait avec elle et il n’avait jamais eu la prétention de croire qu’il pourrait y changer quoi que ce soit. Il ne se sentait pas comme un super héro. Tout ce qu’il avait voulu c’était passer du temps avec elle et qu’ils s’allègent mutuellement leur peine. C’était ce qui s’était produit et il se rappelait que trop bien de la première fois qu’il avait entendu l’avocate rire. Il n’avait pas eu l’impression d’avoir accompli quoi que ce soit, il l’avait juste trouvé encore plus incroyable qu’il ne la trouvait déjà. Milena n’était pas seulement une belle femme physiquement. Elle avait vraiment une belle âme et un courage à tout vaincre. Quand l’ancien militaire avait quitté la ville, il ne s’en était pas fait pour elle. Il avait su qu’elle s’en sortirait parce que même si parfois elle en doutait peut-être, il avait vu une réelle force en elle. Et depuis qu’ils s’étaient retrouvés dans le bar de la ville une heure plus tôt, il la voyait vraiment rayonnante et ça lui confirmait ce qu’il avait pensé d’elle en partant ; elle s’en était sortie comme un chef. « Tu sais que je ne le pense pas une seule seconde. » L’Américaine était beaucoup de choses, évidemment, mais elle n’était clairement pas une fille facile et il avait toujours eu bien trop de respect pour elle pour ne serait-ce qu’y songer une seule seconde. « Je pense juste qu’on a toujours été sur la même longueur d’onde à ce sujet pour ne pas avoir à te convaincre. » dit-il, le regard légèrement brûlant alors qu’il prenait une nouvelle gorgée de son cocktail. Ils n’avaient jamais eu besoin de se mettre d’accord ou de trouver des solutions sur le plan intime. Ca avait toujours été naturel, ils devinaient ce que l’autre voulait ou ne voulait pas et il n’y avait jamais eu d’instants gênants. Le blond reposa son verre et comme il sentait le regard de Milena sur lui, il leva les yeux vers elle. Un défi ? Pourquoi pas après tout. Peut-être qu’il était temps qu’Adrian prenne sa vie en main, que ce soit pas des détails comme la décoration de son appartement pour qu’il se sente mieux ici et qu’il ait moins cette envie de repartir dès qu’il franchissait le seuil du studio. Il se pinça les lèvres avant de hocher la tête. Il y avait cette lueur d’amusement dans ses pupilles. « Je te donne carte blanche. Donne-moi envie de rester plus de deux heures dans cet appartement et je nous paie un voyage à l’étranger pour un weekend. » Oui, il revenait là-dessus parce que c’était la bonne occasion à saisir. Ca avait toujours été comme ça entre eux ; des petits jeux, des taquineries, des défis. « Et tu sais très bien que je ne cherche pas à impressionner les femmes. J’aime trop juste en profiter quelques heures et retrouver ma liberté après. » Il resta sérieux quelques secondes avant de craquer un sourire. Il était évident qu’il plaisantait. Pas entièrement, car vraiment il ne cherchait pas à trouver l’amour mais ce n’était pas un profiteur. Les femmes qui passaient cette porte savaient très bien à quoi s’en tenir et il n’avait jamais forcé aucune demoiselle à rester si elle ne le voulait pas. Adrian ne voulait pas de relations sérieuses mais ce n’était pas un connard pour autant. L’ancien militaire s’installa un peu plus confortablement sur son tabouret une fois que celui de Milena fut plus proche du sien. Il l’écouta attentivement, le menton posé sur sa main, accoudé au comptoir. Il adorait l’écouter parler et il était extrêmement fier de l’entendre parler de ses succès et réussites dans sa carrière professionnelle. Il l’admirait vraiment, lui qui n’avait jamais vraiment eu d’ambition. Il savait aussi ce que représentait la venue de son frère à Brisbane et une part de lui était peut-être un peu jalouse. Il n’avait pas de frère ou de sœur mais il imaginait mal sa famille venir prendre de ses nouvelles après seize années de silence radio. Il était vraiment ravi pour elle néanmoins. Il savait que c’était un gros événement dans sa vie. Par contre, il n’était pas vraiment d’accord avec l’avocate lorsqu’elle affirmait se faire à l’idée de finir sa vie seule. Milena était une femme incroyable et même s’il ne le dirait jamais pas à haute voix, probablement par pudeur, il ne doutait pas qu’elle trouverait chaussure à son pied, comme elle le disait si bien. « Un accident ? » Il ignora le léger pincement qu’il ressentait au creux de son estomac. Ce mot lui rappelait de mauvais souvenirs et se rendre compte qu’il aurait pu perdre la brunette pendant son voyage, lui donnait un peu la nausée. A moins que ce soit le mélange alcool avec ses médicaments. « Merde alors. Montre ta cicatrice. » Il baissa les yeux sur les longues jambes dénudées de Milena. Cette robe la mettait réellement en valeur mais à voir le regard de la jeune femme, il réalisa que ce qu’il venait de lui demander était peut-être un peu bizarre. « Tu as vu toutes mes cicatrices alors tu peux bien me montrer la tienne ! » C’était un peu idiot probablement mais en tant qu’ancien militaire, il en avait vu des blessures et des cicatrices.