C’était facile de retomber dans les vieilles habitudes. Le temps que tu avais passé avec Adrian te semblait bien loin et pourtant, c’était un peu aussi comme s’il n’était jamais parti. Il y avait quelque chose de rassurant dans le fait que vous n’ayez pas besoin de dire grand chose pour vous comprendre, qu’il n’y ait jamais de gêne dans vos échanges. Tu rencontrais de nouvelles personnes tous les jours et malgré tous tes efforts, il était rare qu’il n’y ait pas un moment où une gêne se faisait sentir. Mais cela n’avait jamais été le cas avec Adrian et cela ne sera pas le cas ce soir non plus. Ce n’est que des mois après son départ que tu t’es rendue compte que tu lui devais beaucoup. Sans lui, tu n’aurais jamais pu te remettre aussi facilement en scelle. Il avait été la béquille dont tu avais eu besoin et tu n’avais jamais pris la peine de le remercier. Pas par manque de gratitude mais parce que tu avais été incapable de voir les bienfaits de sa présence dans ta vie avant qu’il ne parte. Tu t’étais promis de le remercier si tu le croisais de nouveau un jour et tu vas le faire, ce soir ou une autre fois tu n’en sais rien. Parce que maintenant qu’Adrian est de retour à Brisbane, tu veux qu’il joue de nouveau un rôle dans ta vie. « Tu sais que je ne le pense pas une seule seconde. Je pense juste qu’on a toujours été sur la même longueur d’onde à ce sujet pour ne pas avoir à te convaincre. » Un petit sourire se dessine sur tes lèvres car il a raison. Vous veniez de milieux et de mondes complètement différents. Vos chemins n’auraient jamais dû se croiser en réalité et pourtant, vous n’aviez jamais eu de mal à vous comprendre, bien au contraire. Oh il y avait eu des règles implicites, des pactes passés sans qu’un mot ne soit échangé. Tu ne doutais pas que toute personne étrangère à votre histoire qui vous verrait interagir de la sorte serait persuadée que vous étiez bien plus que des amis. Mais cela n’avait jamais été une option pour vous, tu ne l’avais même jamais envisagé, incapable de penser à ça à l’époque. Plongeant ton regard dans celui du jeune homme, tu lui dis : « Tu as raison, nous avons toujours été sur la même longueur d’ondes. Et pour ça je voulais te remercier. D’avoir été là, d’avoir supporté ma piètre compagnie à l’époque. Si j’ai réussi à en arriver là aujourd’hui c’est aussi grâce à toi alors merci. » Dis-tu sincèrement au jeune homme parce que certes, vous aviez été là l’un pour l’autre mais tu voulais le remercier, au moins une fois quitte à ne jamais en reparler par la suite. Adrian te fit ensuite une remarque sur son appartement. Ce dernier n’avait pas changé et c’était assez triste. S’il comptait s’installer à Brisbane, cet appartement devait être un endroit dans lequel il pouvait vivre et pas seulement survivre. « Je te donne carte blanche. Donne-moi envie de rester plus de deux heures dans cet appartement et je nous paie un voyage à l’étranger pour un weekend. » Un sourire en coin apparut sur ton visage. Il ne t’en fallait pas autant ! Adrian prenait des risques en te donnant carte blanche mais en promenant ton regard dans la pièce, tu avais déjà des idées de ce que tu pourrais faire de cet espace. Tu n’étais pas décoratrice d’intérieur mais ta mère avait toujours veillé à ce que vous sachiez mettre en valeur des espaces. « Deal. » Dis-tu à Adrian en lui tendant la main pour sceller ce pacte. Voyage en Europe ou pas, tu l’aurais aidé à redécorer son appartement pour le rendre habitable mais le voyage à la clé était un plus. « Et tu sais très bien que je ne cherche pas à impressionner les femmes. J’aime trop juste en profiter quelques heures et retrouver ma liberté après. » Tu répondis à son sourire par un sourire également en secouant la tête. Adrian n’était pas un profiteur et il ne le sera jamais. Mais c’est un homme qui n’aime pas s’attacher. Est-ce que cela changera un jour ? Tu n’en sais rien. Il avait déjà perdu tellement de monde à l’armée que c’était difficile de savoir s’il pourrait surmonter cela. Tu l’espérais pour lui car Adrian méritait plus, bien plus. Le jeune blond fit ensuite le curieux sur ta vie et tu lui racontais les évènements marquants de tes deux dernières années. En terminant par cet accident de train dans lequel tu aurais pu perdre la vie ou au moins la jambe. Mais cela n’avait pas été le cas pour ton plus grand bonheur et soulagement. « Un accident ? Merde alors. Montre ta cicatrice. Tu as vu toutes mes cicatrices alors tu peux bien me montrer la tienne ! » Tu baisses la tête quelques instants. Tu as vu de nombreuses cicatrices sur le corps d’Adrian alors c’est ridicule d’avoir peur de lui montrer la tienne. Cette cicatrice n’était jamais facile à accepter pour toi, même plus d’un an après l’accident, tu avais du mal à l’accepter. Tu soupires avant de te lever de ta chaise. La robe que tu portes cache la cicatrice comme toutes les robes et les jupes que tu as pu acheter depuis l’accident. Tu n’hésites que quelques secondes avant de lever cette dernière laissant découvrir une belle cicatrice sur la majeure partie de ta cuisse. « Je déteste montrer cette cicatrice. La montrer c’est devoir expliquer d’où elle vient et ce sont quelques heures de ma vie que je préfère oublier. » Dis-tu en laissant ta robe retomber contre ta peau te permettant de respirer un peu mieux comme si ton bouclier venait de se remettre en place. Ton regard se pose alors sur le micro-onde derrière Adrian et sur l’heure affichée. Il est déjà tard et tu plaides demain. « Je vais devoir y aller. Je plaide pour un client demain et il faut que je dorme. » Dis-tu avant d’ajouter : « Mais on se voit bientôt n’est-ce pas ? » Tu avais besoin d’être rassurée, de savoir qu’Adrian n’allait pas disparaître de nouveau dans la nature. Tu allais le prendre dans tes bras pour lui dire au revoir. Votre étreinte dura peut-être plus que nécessaire mais personne n’était là pour commenter ce détail. « Merci pour ce soir. » Chuchotas-tu au jeune homme avant de le laisser s’échapper.

Adrian n’était pas du genre à rougir ou à remercier facilement les compliments. En général, il faisait en sorte de ne pas les avoir entendu ou se contentait simplement de hausser les épaules. Mais une fois de plus, avec Milena, tout était différent. La jeune femme venait de le remercier d’avoir été là et elle assurait qu’il l’avait aidée à arriver à ce stade de sa vie actuellement. Le blondinet ne peut s’empêcher de craquer un sourire. Il se pencha vers l’avocate et embrassa sa joue. Il n’était pas doué avec les mots mais c’était le genre de mec avec qui un geste valait cent mots. Il était touché en résumé. « Tu m’as été bien plus bénéfique crois-moi… »  C’était sincère. Sans elle, Adrian aurait continué à sombrer après son retour à Brisbane. Il avait été une sacrée épave en sortant de l’hôpital et comme il n’avait eu personne à la sortie, il était vraiment tombé très bas et il n’avait jamais voulu s’en sortir. C’était ça le problème, lorsque quelqu’un allait mal mais qu’il ne voulait pas aller mieux. Il n’avait pas eu de famille à retrouver et celle qu’il s’était fait à l’armée avait été décimée. Qu’est-ce qui aurait pu lui donner envie de se battre, de s’en sortir ? Rien. Ni personne. Et Milena était arrivée dans sa vie. Avec sa présence réconfortante, ses mots rassurants lorsqu’il leur prenait de parler sérieusement et son intarissable amitié. Il s’était peu à peu relevé. Pour elle. Et c’était bien grâce à elle qu’il avait pu remonter un peu la pente même si celle-ci était encore ambitieuse à gravir. Quelque part, c’était aussi pour ça qu’il acceptait qu’elle arrange son appartement. Elle avait réussi à l’arranger lui alors il savait qu’elle saurait faire des miracles pour cet endroit lugubre et empli de mauvais souvenirs. Il avait une confiance aveugle en elle et en plus, ça leur donnerait de bonnes raisons de passer du temps ensembles maintenant qu’ils s’étaient retrouvés. Adrian était vraiment touché de voir que malgré son absence non avertie, Milena ne lui en voulait pas et était toujours prête à être son amie. Il aimait ce genre de personne qui ne se vexait pas, qui ne faisait pas d’histoires. Il ne mentait pas lorsqu’il affirmait qu’elle était sa petite perle américaine. Le blondinet baissa ensuite les yeux sur la jambe de son amie. Celle-ci avait finalement accepté de lui montrer sa cicatrice. Il s’y connaissait plutôt bien en matière de cicatrices. Pas seulement à cause des siennes mais simplement à cause de toutes celles qu’il avait pu rencontrer dans sa carrière de militaire sur ses coéquipiers ou des civils. Adrian n’était pas un douillet. Le sang ne le gênait plus avec tout ce qu’il avait pu voir et il avait aussi découvert de sacrées marques sur le corps de ceux qu’il avait considéré comme ses frères. La cicatrice que Milena arborait sur la cuisse le laissa sans voix quelques secondes. Non pas à cause de son aspect, mais parce qu’il n’avait pas pensé que l’accident avait été d’une telle gravité. Vu comme elle était marquée, la blessure avait dû être extrêmement profonde. Ca lui fit mal au cœur de ne pas avoir été là pour l’aider à ce moment là. « N’en aie pas honte. Pas avec moi. » Il caressa la marque quelques secondes avec une infinie douceur dont lui-même ne se croyait pas capable et l’avocate laissa à nouveau le tissu de sa robe glisser sur sa peau. Adrian afficha un léger sourire rassurant et hocha la tête. En réalité, il avait envie de la retenir. Il ne voulait pas qu’elle parte. Pour plusieurs raisons ; il avait encore envie de parler avec elle, de rattraper le temps perdu mais surtout parce qu’il n’était pas sûr de pouvoir gérer cette nuit seul. La semaine avait été très compliquée et avoir eu quelques heures de légèreté et de bien être avec Milena lui avait fait suffisamment de bien pour sentir que la chute allait être douloureuse. Mais il ne pouvait pas la retenir. Surtout pas pour une raison aussi égoïste que celle-ci. « Promis. Bientôt. » Il accepta son étreinte et la lui rendit avec un sourire un peu triste sur les lèvres. Le blondinet ferma la porte derrière son amie une fois que celle-ci eut disparue dans le couloir de l’immeuble et se retourna pour regarder autour de lui. La nuit allait vraiment être très difficile…