Andy représentait tout ce que Nadia ne supportait pas chez les hommes. Déjà, son physique parfait la laissait de marbre tant il ressemblait pour elle plutôt à un adolescent qu’à un adulte. Heureusement, il s’était laissé pousser légèrement la barbe depuis leur dernière rencontre ce qui le vieillissait un peu. Leur dernière rencontre, justement, était quelque chose dont se souviendrait Nadia pendant longtemps. Plutôt discrète et comme à son habitude, la jeune femme avait passé la soirée où ils s’étaient rencontrés à observer et le spectacle n’était pas des plus réjouissants. Fourrant sa langue dans la bouche d’environ la moitié des filles présentes ce soir-là, il changeait quelques mots de son discours qui servait très clairement à les mettre dans son lit. Son but était limpide et Nadia s’était très vite fait son idée sur lui et en général, elle ne se trompait pas. La jeune femme n’était pas du genre à avoir des préjugés sur les gens et elle se contentait d’observer et d’en apprendre plus sur eux avant de finalement décider si elle les appréciait ou non. Andy Rivera était un non.  « Tu sais louper une histoire d’un soir, ça m’arrange moi. » Doutant de la sincérité de ses paroles, le jeune homme semblait pourtant ce soir bien différent de la première fois où elle l’avait vu. En retrait et grignotant un sandwich, elle était même plutôt étonnée qu’il revienne à la charge ce soir, alors peut-être qu’il disait vrai et qu’il venait simplement pour discuter. Nadia serait tout de même déçue de s’être trompée sur la personne, ce serait une première. « Non je suis venue seule, pourquoi on m’aurait faussé compagnie ? Je te signale que t’es seul aussi toi, pas de victimes potentielles ce soir ? » Portant la main à sa bouche comme pour mimer le choc de ne pas voir Andy les mains agrippant les fesses de la première – ou du premier – venu(e) Nadia s’était tout de même promis de se radoucier avec lui qui semblait plutôt calme ce soir. Elle se souvenait comme il était venu vers elle, lui murmurant doucement à l’oreille alors que Tad et Charlie se crispaient en observant la scène. C’était plutôt mignon mais Nadia savait se défendre seule et, ayant déjà eu le droit à de faux discours de la part de la gente masculine, elle avait beaucoup de mal à les croire aujourd’hui. Et puis, comment croire quelqu’un qui avait encore la main sur la taille d’une jeune femme lorsqu’il avait commencé son numéro de drague sur vous ? En tout cas, l’ambiance était différente ce soir et l’air fermé d’Andy inquiétait presque Nadia. Si son avis sur lui était bien tranché, elle n’en demeurait pas moins quelqu’un de gentil et attentif. « Je pense pas que cette question ait l’effet escompté et pardon de le demander mais, t’es sûr que ça va ?  » Calmant le jeu et fixant le jeune homme du regard – bien loin des regards intimidés de ses conquêtes – Nadia ne savait pas réellement à quoi s’attendre avec cette discussion qui commençait. Pour le moment en tout cas, Andy était sa seule compagnie et elle était obligée de l’admettre.

Il n’était pas difficile de comprendre que Nadia n’était pas le genre de fille d’Andy Rivera. S’il avait déjà tenté sa chance – c’était flatteur, elle ne pouvait pas nier cela – son comportement actuel montrait bel et bien qu’il avait tiré une croix sur la jeune femme, probablement pas assez entreprenante à son goût. Finalement, le jeune homme ne faisait de mal à personne en allant à droite à gauche, de conquête en conquête mais ce genre de comportement ne plaisait pas vraiment à Nadia. Elle qui rêvait du grand amour commençait à réellement douter de son existence en fréquentant de pareilles personnes. « Des trucs pas marrants ? » S’accrochant à son verre de ses deux mains pour se donner un air un peu moins perdu, Nadia avait répété les mots d’Andy en essayant d’obtenir un peu plus de détails. Ce n’était peut-être pas le garçon le plus fréquentable de la planète mais le tempérament de Nadia lui jouait des tours, elle ne pouvait pas s’empêcher de s’inquiéter pour lui tant il semblait soucieux. Le regard fixé sur les invités de la soirée, le regard sombre du jeune homme laissait penser que ses problèmes étaient sérieux. Profitant de son visage tourné pour admirer son profil, Nadia ne pouvait pas nier non plus que le physique d’Andy était appréciable. Secouant la tête pour chasser cette idée et le peu d’alcool qui commençait déjà à montrer ses effets, Nadia avait terminé par un léger rire à l’annonce de son ami d’un soir. « Classe, très classe. Tu sais je pense pas que je pourrais te suivre par contre ! »  Nadia ne tenait pas vraiment l’alcool et cette affirmation avait permis de nombreux fous rires à ses amis lors de nombreuses soirées. Calme et posée, sous l’effet de l’alcool, Nadia changeait radicalement de comportement et c’était sûrement la raison pour laquelle elle s’abstenait de trop boire. Elle qui adorait tout contrôler n’appréciait pas vraiment l’ivresse qui lui faisait faire n’importe quoi. Attrapant la bouteille de vin rouge aux pieds d’Andy, Nadia s’était resservie malgré son appréhension d’une consommation excessive d’alcool. Il lui fallait au moins ça pour essayer de supporter la présence de Rivera. « On trinque ? Je sais pas à quoi, mais on peut trinquer. »  Levant son verre, Nadia avait lancé un sourire franc à Andy qui ne se déridait pas et qui demeurait fermé. « Hey, ça va aller ? Je veux pas insister mais vraiment, hésite pas… On se connait à peine en plus alors tu peux te douter que j’irai en parler à personne, je pense même pas qu’on ait d’amis en commun… »  La douceur de la jeune femme pourrait peut-être amener Andy à se confier et elle l’espérait, il semblait vraiment avoir besoin d’une oreille attentive. C’était étrange pour elle de se retrouver à nouveau avec lui mais dans des circonstances aussi différentes. Ses paroles étaient vraies, Nadia ne pensait pas que Tad ou Charlie soient de vrais amis proches d’Andy même s’ils le connaissaient. Et même s’ils l’étaient, jamais elle n’irait dire premièrement qu’elle avait passé la soirée avec ce coureur de jupons, deuxièmement qu’il avait été vulnérable. Tout le monde pouvait avoir des problèmes, et même un don juan comme Andy Rivera.

La situation était gênante, il est évident que Nadia et Andy n’avaient rien à faire ensemble. Ils n’ont probablement aucun point commun si ce n’est celui d’être venus s’ennuyer à la même soirée, sans leurs amis respectifs. Une mauvaise idée qu’ils avaient eue au même moment et qui les rapprochait inévitablement. Nadia scrutait la salle et chaque invité, persuadée d’être observée, il était difficile pour elle de se retrouver associé à un fêtard habituée des plans d’un soir mais au final, ça n’avait pas d’importance. Ariane lui avait montré un tas de fois que le regard des autres n’était pas important, qu’il fallait profiter de tous les moments et se moquer des autres. Petit à petit, Nadia s’essayait donc à ce nouveau mode de vie mais c’était parfois difficile. Heureusement, le vin permettait à son esprit de ne plus vraiment réfléchir et aux invités de devenir toujours un peu plus flou. Enivrée, c’est avec un éclat de rire qu’elle avait répondu à Andy. « Non mais tu me prends pour qui toi ? Juste parce que je ne couche pas avec le premier venu ça ne veut pas dire que je suis totalement coincée… » Certes, Nadia n’était pas la personne la plus délurée et elle était relativement calme comparé à la plupart des gens de son âge, mais elle savait rire, parler de tout et était rarement choqué. Il ne fallait pas oublier que ses meilleurs amis étaient Ariane Parker, Charlie Hazard-Perry et Tad Cooper, un trio qui faisait rarement dans la dentelle. Andy avait visiblement une image aussi faussée de la jeune femme qu’elle n’avait de lui, pour le coup, cela leur faisait un second point commun. Et alors qu’il avait trinqué avec elle sans grande conviction et que la bouteille se vidait, le rouge de leurs joues témoignait de leur état. Si Nadia n’aimait pas être saoule, il fallait avouer que dans ce genre de moment, cette alternative apparaissait comme la seule solution. Alors que la jeune femme avait perdu l’espoir que quelqu’un comme Andy Rivera se confie, c’était ce moment qu’il avait décidé pour commencer à parler. « Evidemment ! » Sa voix était changée, plus confiante alors qu’elle s’attendait au pire pour la suite de la conversation. Le vin faisait son effet et Nadia était scotchée aux lèvres d’Andy, pourtant peu préparée à la nouvelle qui avait suivi. Evidemment, oui, ça resterait entre eux. Même si elle n’appréciait pas le jeune homme, jamais elle ne dirait ce qu’il allait lui confier. Tout d’abord car personne ne lui poserait la question, puis, également car ce qu’il venait de lui dire la toucha profondément. Surprise et mal à l’aise face à la révélation mais encore plus car elle avait insisté pour qu’il se confie, Nadia eu un geste amical immédiat. Se rapprochant d’Andy, elle lui avait pris le bras et avait accompagné le geste d’un sourire sincère. La situation n’était pas risible, Nadia comprenait la détresse d’Andy qui lui apparaissait soudain bien plus humain. Faisant abstraction des mots crus choisis par Andy, Nadia avait essayé de rester calme. « Mais j’imagine que quelqu’un qui a pas mal de conquêtes comme toi se protège. Comment c’est possible ? » Question bête mais Nadia osait espérer qu’Andy prenne ses précautions et au fond d’elle, à la façon de parler de ce dernier, elle avait l’impression qu’il avait été une victime dans tout cela.

La piquette qu’il avait choisi et qui accompagnait leur discussion la rendait encore plus dramatique. Ils ressemblaient à deux adolescents pas assez friqués pour se payer autre chose que la bouteille de rouge qui traîne dans le placard des parents mais qui la boivent quand même avec hâte. Ils cherchaient l’ivresse et Nadia, pompette après pas plus de deux verres, était sur le point de la trouver rapidement. « J’hallucine, c’est qui ce connard ? » Le vin rouge, ou le vinaigre, c’était pareil, commençait à faire effet et Nadia avait elle-même fait les gros yeux, étonnée devant ce que ses lèvres venaient de prononcer. Pourtant, c’était spontané, la brune n’avait pas pu s’empêcher d’être vulgaire en écoutant le récit d’Andy. Malgré son attitude et ses défauts, il ne méritait pas ça, personne ne méritait ça. Encore une fois, Nadia essayait de s’habituer et s’adapter au discours un tantinet vulgaire de son nouveau camarade de jeu mais, la Ariane en elle refaisant surface, ne comptait pas se laisser intimider. « Excuse. Et nan je veux pas de dessin recommence pas à me prendre de haut j’essaye d’être sympa là, c’est pas facile ce que tu vis.  » Certes, elle pouvait paraître loin de la fêtarde de base et de la fille la plus calée en sexe de tout Brisbane mais il ne fallait pas oublier qu’elle avait vécu avec Ariane Parker, et dieu sait qu’elle en avait appris des choses. Un peu brusquée par la remarque d’Andy, Nadia avait tout de même pris des pincettes, un peu inquiète des réactions que pouvait avoir le jeune homme. Finissant son verre, qui marquait la fin de leur bien triste bouteille, Nadia avait plongé son regard sur la table qui trônait au milieu de la pièce. « Maintenant je vais aller nous chercher un truc meilleur si tu veux bien, c’est pas avec ça que tu vas te remonter le moral, et moi non plus. Du blanc, c’est déjà moins agressif non ?  » Le spectacle devait être amusant, Nadia, la jolie brune un brin rigide, déjà pompette après son second verre de vin, discutant avec Andy, le don juan qui enchaînait les conquêtes et ne parlait en général qu’aux filles pour les séduire. Pourtant, ils s’accordaient plutôt bien ce soir et se rendaient service l’un à l’autre. Si son avis était en train de changer sur Andy, le voir avoir un geste affectueux envers elle l'avait fait sourire et l'avait poussée à encore plus s'inquiéter de toute cette histoire. « T’es sûr de ça ? Enfin j’y connais rien, excuse de demander mais bon.  » Nadia était maintenant réellement inquiète de la situation dans laquelle se trouvait Andy, qui, une fois la carapace légèrement abîmée n’était plus si terrible que ça. Nadia n’avait aucune idée de où cette soirée les mènerait - pas dans un lit, ça c’était certain – ni même si c’était la dernière fois qu’ils se parleraient mais il fallait l’admettre, sa soirée aurait été beaucoup plus ennuyeuse sans lui. Pourtant, la discussion était loin d’être réjouissante. « Je sais pas si tu veux encore parler, si t’as d’autres trucs sur le cœur, si tu veux juste en mettre plein la gueule à ce type.  Ou si tu veux changer de sujet, je suis même assez alcoolisée pour qu’on danse un peu si tu veux ! » Nadia s’efforçait de remonter le moral d’Andy mais il était clair qu’elle n’était pas la mieux placée pour le faire. Mais elle essayait et, prise d’un élan, elle s’était mise devant Andy pour commencer à esquisser quelques pas de danse ridicules qui ne pouvaient que lui rendre ne serait-ce qu’un minuscule sourire. Personne ne résiste à la version ivre de l’adorable Nadia Banks.

Toutes les tentatives de Nadia pour essayer de remonter un peu le moral d’Andy sont vaines. Si sa première idée sur lui a totalement changé, il n’en demeure pas moins quelqu’un loin d’être docile, un peu sauvage. Légèrement piquée au vif, Nadia se contente d’aller récupérer une bouteille d’un vin blanc bien meilleur, elle aurait au moins la satisfaction de mieux choisir l’alcool que lui. « Comme tu veux, c’est sûr qu’on a pas été gâtés avec ce que tu nous as ramené. Le vin français, rien de mieux. » Le fait qu’Andy avoue ne pas aimer le vin alors qu’il avait lui-même choisi l’alcool ce soir la faisait sourire. Heureusement, la soirée se déroulait dans les quartiers riches et certaines personnes avaient mis cher pour finir amochés ce soir. Si l’ivresse était leur seul objectif, il n’était pourtant pas très utile de dépenser autant. Nadia avait tout de suite été soulagée en goûtant ce nouveau vin, bien meilleur que le premier. Ou alors était-il bon uniquement car elle commençait à être légèrement ivre ? En tout cas, l’alcool l’aidait beaucoup à poursuivre la conversation. « Ah, eh bien, tant mieux j’imagine. » Il était clair que malgré la sympathie qu’elle dégageait, Andy n’avait aucune envie de passer la soirée avec elle, Nadia évitait donc de faire plus d’efforts. Que pouvait-elle de toute façon répondre ? Sa situation était difficile mais il l’avait pourtant prise en main, il devrait rapidement aller mieux. Mais il avait bien sûr toutes les raisons du monde d’être abattu ce soir. Alors qu’il s’en allait en abandonnant Nadia avec un simple je reviens, elle pensait qu’il était définitivement parti. La jeune femme avait sorti son téléphone de son sac à main pour écrire rapidement à Ariane. Tu peux venir me chercher sur Spring Hill ? J’ai abusé du vin. Elle était venue en transport en commun mais difficile de repartir alors qu’elle avait un peu bu, Ariane le savait pertinemment. Mais alors qu’elle cliquait sur envoyer, Andy était en train de revenir. Mais, avant, Nadia avait pu assister à une scène qui devait probablement se dérouler à chacune de ses soirées. Une fille lui avait glissé son numéro, l’air de rien, aussi simplement que si elle l’avait salué. Nadia avait un peu de mal à voir l’aisance avec laquelle certaines personnes réussissaient à conclure, bien qu’elle ne soit pas attirée par les relations d’un soir. « Non je la connais pas, je connais pas grand monde à part Jenny qui organise la soirée. » La jeune femme se sentait d’ailleurs bien seule car Jenny avait visiblement mieux à faire que de lui parler. « Et toi, tu connais du monde ici ? J’en doute, sinon tu ne serais pas avec moi, pas vrai ? » Andy ne suivait plus le fil de la conversation, maintenant absorbé par cette énième conquête potentielle. Visiblement, sa mésaventure ne l’arrêterait pas. « Euh, si tu veux la rejoindre y’a pas de soucis, hin ? » Elle se sentait idiote de la préciser car elle était pratiquement sûre qu’Andy ne se serait pas gêné pour la laisser tomber s’il en avait eu envie. Après tout, ils n’étaient pas amis.

La soirée continuait sans eux, l’ambiance allant crescendo pendant que le duo s’était isolé sans vraiment le vouloir. Les esprits commençaient tous à s’échauffer et chacun développait son comportement de personne bourrée, bien différent de ce qu’ils étaient sans l’effet de l’alcool. Sobre, il était plus difficile de communiquer, de se faire confiance et d’aller vers les autres. Après quelques verres, certains devenaient bavards, d’autres continuaient à boire de plus en plus et, bien sûr, il y avait cette catégorie de personne qui profitaient de l’aide de l’alcool pour essayer de conclure. Andy faisait partie de cette dernière catégorie, sans aucun doute, pourtant, il se retenait. Il résistait à Jody et chaque partie de son corps la désirait, Nadia pouvait le constater. Ses muscles se crispaient, ses yeux la fixaient et sa mâchoire s’agitaient dans un effort pour garder le contrôle. Mal à l’aise, Nadia avait été surprise de voir que le jeune homme n’était pas directement parti pour mettre un terme à ce jeu du chat et de la souris. Peut-être qu’il était vraiment mal, finalement. Peut-être avait-il besoin de quelqu’un d’un peu plus sérieux pour se confier ou tout simplement pour se remettre les pieds sur terre. « Vraiment ? J’ai l’impression que tu vas imploser si tu ne la rejoins pas moi ! » Nadia avait beau être étrangère aux langages corporels tant ses dernières relations avec des hommes étaient maintenant lointaines, elle pouvait reconnaître une tension sexuelle entre deux personnes lorsqu’elle était en plein milieu de celle-ci. L’atmosphère était électrique, entre Jody et Andy mais également entre Nadia et ce dernier qui n’arrivaient pas réellement à s’apprivoiser malgré toutes leurs tentatives. Andy était évasif et distant mais quelque chose laissait penser qu’il ne désirait pas d’autre présence ce soir que de celle de l’institutrice, sage et posée, une des rares personnes de ce contexte festif qui serait capable de lui résister. Il dégageait quelque chose de touchant malgré ses allures de beau gosse intouchable. Difficile à cerner, le personnage mystérieux qui lui tenait compagnie donnait du fil à retordre à Nadia mais il n’en demeurait pas moins divertissant. Jamais l’institutrice n’aurait de toute façon pu laisser quelqu’un en détresse seul, peu importe la situation, elle se sentait obligée de toujours être présente pour les autres. Il n’était certes pas très accueillant mais il venait de lui confier son mal-être de ce soir et c’était suffisant pour qu’elle baisse la garde et s’essaye à un dialogue avec le jeune homme. « Non, je ne fume pas, ça m’étonne que tu aies laissé passer une chance de me redire combien j’étais coincée !  » En effet, il était évident lorsqu’on connaissait un peu Nadia qu’elle n’était pas le genre à fumer. Essayant une nouvelle fois de briser la glace et de montrer à Andy qu’il était possible de discuter, voire de s’amuser, avec elle, Nadia avait suivi le fumeur dans le jardin. Leurs mains s’étaient rejointes et les joues de Nadia avaient viré au rouge vif. Non pas parce qu’elle était timide au point de refuser un contact avec le sexe opposé mais parce qu’il s’agissait d’un Andy qu’elle s’était imaginée comme féroce un bon nombre de fois. Indomptable, imprévisible, méprisant. Il était finalement attendrissant, complexe et vulnérable. Puis, alors que la nuit était tombée, ensemble dehors, main dans la main, le geste était devenu presque naturel. « Tu fumes quoi d’ailleurs ? Clope ou autre ? » Il fallait s’adapter si elle voulait briser un peu plus cette carapace. Et montrer qu’elle était amusante et non pas extrêmement agaçante, vieille avant l’heure. Elle buvait, elle fumait, et il lui arrivait même de coucher avec des hommes. Il était juste plus difficile pour elle de lâcher prise. « J’ai ramené la bouteille, pour t’accompagner malgré tout. Comme ça je finirais peut-être assez saoule pour que t’aies envie de parler un peu plus. » Et encore plus naturellement, elle avait levé la bouteille pour en prendre une autre gorgée, ne s'embarrassant pas de son verre. C'était leur bouteille. Il n’avait plus rien à dire sur le sujet évoqué précédemment mais il y avait des milliers de sujets de discussion possible pouvant l’aider à se changer les idées. Nadia avait fait le chemin, elle était en vacances et comptait bien s’amuser, peu importe avec qui.

Comme le feu et la glace, Andy et Nadia avaient profité d’un contexte particulier pour finalement se découvrir et s’autoriser même à se tenir la main, à s’évader ensemble d’une soirée. Des gestes, des actions que l’institutrice ne s’autorisait que rarement, toujours maîtresse d’elle-même. Elle restait sur ses gardes mais se rapprochait timidement d’Andy, tâtant du doigt quelque chose d’inconnu, s’associant à quelqu’un qu’elle n’aurait normalement jamais fréquenté. Il fallait passer les barrières, s’affranchir, et ce soir, cela lui avait permis de briser ses préjugés. Le malheur d’Andy, heureusement moins grave que prévu, avait au moins eu une utilité même si cela ne constituerait probablement pas un soulagement pour lui qui vivait quelque chose d’aussi difficile. Peut-être même qu’elle aurait été capable de tirer sur un joint, comme lui avait fait essayer Ariane une fois, pour retrouver cette sensation de bien-être. Malheureusement, Andy semblait bien calme ce soir et cela éviterait donc à sa meilleure amie de la supporter ivre et défoncée, un combo bien trop fort pour Nadia. Reposant la bouteille quand Andy lui avait dit avoir trop bu, comme si elle réalisait que c’était probablement son cas également, elle avait acquiescé. « Non, t’as raison je vais arrêter aussi. Et Ariane passe me prendre après, c’est gentil. » Et durant un court instant elle s’était imaginée le scénario qui aurait pu se dérouler si elle avait accepté la proposition et l’avait suivi. Secouant la tête, Nadia tentait de ne pas trop se formaliser quant au fait qu’elle le trouvait finalement séduisant dans la lumière tamisée de la terrasse. En y réfléchissant bien, en arrêtant de se forcer à penser le contraire car il était détestable à première vue, il était compréhensible qu’Andy cumule les conquêtes. Malgré tout, elle n’en serait pas une. « Je vais pas rester longtemps, c’est un peu bizarre comme soirée. Enfin pas à cause de toi, t’es plutôt sympa finalement »   Un petit coup sur l’épaule, Nadia prenait des risques, le loup ne se transformant pas en agneau en seulement quelques heures. Mais elle avait ce petite quelque chose qui rendait beaucoup de monde incapable de s’en prendre à elle. Elle avait également un atout imparable, une Ariane survoltée capable de casser la figure de quiconque lui ferait du mal. C’était d’ailleurs probablement elle qui avait envoyé un SMS à Andy, c’était ce qu’elle avait compris d’après sa remarque. « T’en fais pas, Ariane fera rien si je lui demande pas, mais bon, sache quand même qu’elle est jamais loin. Si ça peut t’éviter d’un jour tenter quelque chose… » L’alcool avait raison d’elle et la petite brune se permettait bien des remarques devant un homme qui l’aurait dans une situation normale fait fuir. Mais il était quelqu’un de bien dans le fond, elle en était persuadée, il ne s’autoriserait juste probablement jamais à le montrer au grand jour. Et puis, qui serait-elle si elle commençait à juger les gens pour leur comportement ? C’était un don juan, il avait des conquêtes, mais ne faisait de mal à personne. Finalement, peut-être pouvait-elle l’apprécier, ou peut-être seulement ce soir, ce serait à voir.