Bonnie se lève du bon pied aujourd’hui. Bien mieux que le lendemain de l’anniversaire. Enfin, lendemain, pas tout à fait. Les deux jumeaux sont arrivés à faire une nuit blanche pour leur entrée dans leur vingt-troisième année. Et pourtant la journée avait été riche en folie et en rebondissements. Dont certains qu’il a gardé pour lui. Mais, inséparables en ce jour plus qu’en tous les autres, ils se sont couchés en même temps, à 11h38 pour être précis. Dans un lit qui n’était pas le leur, car un ami complice de l’organisation avait ouvert sa maison pour la soirée. Personne n’en est sorti indemne, surtout pas Clément qui a été forcé de venir à cette soirée, de sortir de ces livres, de ces répétitions. Quatre jours plus tard, leur jeunesse aidant, ils vont tous beaucoup mieux. Et si Ambroise est si excité, si lève-tôt pour une fois, c’est que le jour de la randonnée est arrivé. Celle qu’il a offert à Clément pour noël et qu’ils prennent enfin ! Son ami n’est pas si enchanté, comme il le remarque vite, mais il n’a guère le choix ; la date est à présent réservée, immuable, et surtout, imminente. Aujourd’hui. Les affaires de l’australien sont déjà prêtes, ça n’est pas sa première excursion, mais peut-être la plus longue. Un oncle lui a déjà dit en riant que ces choses étaient dans les veines des MacLeod et en effet, en voyant Skye et Harris et le reste de Highlands, ce genre de connaissances a dû être vital. Il épaule bientôt son sac à dos de rando, celui qu’il lui arrive d’utiliser pour les sorties de quelques jours avec la société d’astronomie pour observer les étoiles dans le pur ciel de l’Outback.
Il n’est pas question de cela aujourd’hui. Une rando de cinq jours, un petit groupe d’une dizaine de personne accompagnés d’un guide. Au départ de Brisbane, ils se rendront au sud du Lake Wivenhoe (1h30 de bus, largement vivable), qu’ils remonteront en partant vers le nord, au sein du D’Aguilar National Park. Arrivés tout au nord de celui-ci, ils redescendront à travers le parc, jusqu’à Cedar Creek. Ambroise a hâte. D’autant que les températures de cet hiver austral sont à son aise. Il préfère les alentours de la vingtaine de degrés, souffrant davantage dans la chaleur de l’été. Bien plus à l’aise sous un climat écossais, et l’hiver ici étant similaire à l’été là-bas, il s’amuse parfois avec Sybbie à se demander s’ils ont délibérément choisi de naître alors que les chaleurs étaient affaiblies dans l’hémisphère sud, puisque tous deux préfèrent cette météo qui ne brûle par leur peau. Quoique Bonnie ait davantage de coup de soleil, chose qu’il n’aura pas à craindre ces prochains jours. Il est déjà prêt rapidement et se retrouve à attendre patiemment Clément, discutant tranquillement avec sa sœur et son programme à elle. Lorsque le comédien se pointe, la mine un peu renfrognée, Ambroise garde ses commentaires pour plus tard. Il a, comme qui dirait, pris la mauvaise habitude de se taire auprès de son meilleur ami, ne souhaitant pas une nouvelle dispute. C’est pour cela qu’il ne lui a pas posé de questions récemment à propos d’Andreï et de comment diable ce maudit russe était au courant pour la date de son anniversaire. Il se fatiguerait à essuyer l’énervement contenu de son meilleur ami. L’homme est devenu tabou entre eux, depuis qu’ils se sont retrouvés ils n’en ont jamais reparlé. C’est peut-être mieux pour l’instant.
Après un très long au revoir à Moana, le néo-zélandais est enfin prêt. Sybille promet une énième fois de bien s’occuper de la chienne, et ses talents en la matière ne sont plus à démontrer. Avec un sourire, je gratifie ma sœur d’un nouvel adieu avant de, presque littéralement, traîner Clément au dehors. Sur le chemin jusqu’au point de rendez-vous – la gare, heureusement non loin –, Bonnie a presque du mal à ne pas sautiller en marchant. L’idée de passer du temps avec son meilleur ami l’enchante, même si ce dernier a l’air à des lieux de la même joie. Et puis, quoiqu’il arrive, il pourra observer les étoiles si le ciel le permet. Ses jumelles dans son sac, et le petit livre d’astronomie dont la carte du ciel lui est maintenant quasiment inutile. Et il a fait l’effort de ne prendre qu’un seul autre petit livre de poche, un réflexe de sa part, un besoin peut-être, une sécurité ; il va rarement quelque part sans un bouquin. Il espère que Clément n’a pas ramené ses cours cependant, sinon ils devraient disparaître malencontreusement pour ne réapparaître qu’au retour. En tout cas, ils n’auront que peu ou pas de réseau, avec tout ça il espère qu’ils passeront ces cinq jours ensemble. Déjà, ils papotent un peu, Clément commence à s’ouvrir, et la route est rapide. Le bus les attend déjà. Le petit groupe d’une dizaine de personnes se forment petit à petit, autour du guide ; le genre sexy, musclé, randonneur et quasi montagnard. Caleb, comme il se présente. Le trajet en bus n’est pas long non plus, rythmé au début par les présentations et les informations supplémentaires fournies par le guide. Et tout ce qu’il faut pour ne pas se perdre. Carte et boussole notamment, pour ceux qui auraient oublié. « Si on s’perd, rassure-moi, tu sais faire un feu de camp hein ? » se penche-t-il pour demander à Clément, puis avec un léger sourire en coin, il rajoute : « Je m’occuperai du chemin, tu savais que les navigateurs utilisaient les étoiles pour se diriger hm ? »
Allongé sur le dos, ça doit faire un peu plus d'une heure que je fixe le plafond. Une main posée sur la tête de Moana qui dort paisiblement à mes côtés, l'autre main reposant sur mon ventre qui se tord régulièrement et douloureusement, je soupire doucement. Aujourd'hui n'est pas un jour comme le reste car aujourd'hui marque le départ d'un trek de 5 jours dans la nature sauvage d'un parc national. Et si, quelques mois plus tôt, cette idée de partir m'aurait réellement enchantée, aujourd'hui ça n'est plus du tout le cas. Rien que l'idée de partir et quitter mes cours me stress réellement.
Fermant les yeux et tendant l'oreille, j'entends les voix des jumeaux qui s'élèvent du salon et, au ton d'Ambroise, j'ai bien l'impression qu'il est carrément heureux, lui. Faut dire qu'il attend ça depuis plusieurs semaines. Levant mes mains, je les pose sur mon visage et prends une profonde inspiration en me disant que je ne vais aucunement gâcher ça. Je vais prendre sur moi ces prochains jours et être le plus agréable possible. Ainsi donc, soufflant doucement et me redressant, je m'installe sur le bord de mon lit, réveillant Moana au passage et me lève. Ma chienne sur les talons, je me dirige vers la salle de bain où je me le visage sous l'eau, essayant au passage de dompter mes cheveux qui font un peu ce qu'ils veulent. Me regardant dans le miroir, je ne suis même pas étonné de mes cernes et de mes joues creusées à cause d'une alimentation de plus en plus aléatoire. Soupirant, je détourne mon regard et sort de la salle de bain, retournant dans ma chambre pour m'habiller. Je fini par récupérer mon sac à dos que je pose sur mon lit et, observant le contenu, hésite quelques instants avant d'aller récupérer le livre de la pièce que nous sommes entrain de monter ainsi que quelques fiches de cours et glisse le tout à l'intérieur avant de sortir.
Rejoignant les jumeaux, je les salue d'un rapide et petit «hey» avant de me diriger directement vers la cuisine. Je me verse une tasse de café, remplis la gamelle de Moana et change son eau avant de retourner au salon où, silencieux, je m'installe sur un des fauteuils. Discret et m'effaçant le plus possible, je ne m'immisce pas dans la conversation des Macleod, jusqu'à ce que mon meilleur ami ne m'adresse la parole, me demandant si je suis prêt. Je l'observe quelques instants, avant de simplement hocher la tête, vider ma tasse d'une traite, aller la poser dans l'évier et câliner tendrement et longuement ma chienne. Après avoir encore donner un bon nombre d'indications à Sybille concernant les habitudes de Moana, je récupère mon sac et suis Bonnie au dehors.
C'est, tout d'abord silencieux, que nous nous dirigeons vers la gare avant que l'australien ne décide de briser le silence en parlant de la pluie et du beau temps. Un sujet de conversation banal qui doit coûter une certaine force de l'esprit à Ambroise, lui qui déteste le small talk, mais qui a au moins le mérite de me dérider un peu. Je m'empresse de lui donner raison sur le fait que l'hiver australe soit la meilleure période possible pour ce genre de Trek, aucun de nous n'aimant réellement la chaleur étouffante de l'été. Et au final, je sens comment je me détends de plus en plus au fil de la conversation.
Arriver sur place à la gare, nous faisant la connaissance d'un certain Caleb qui sera notre guide et embarquons dans le bus. Tandis que nous démarrons et que l'aventurier commence à nous donner quelques explications, conseils et mise en garde, Ambroise se penche vers moi et me demande si je sais faire un feu de camp, au cas où on se perdrait. Lui, de son côté, sait se repérer aux étoiles, me demandant en même temps si je savais que c'était la façon qu'avait les navigateurs de ne pas perdre leur route. «Yep, je le savais. J'ai bouquiné un peu ton livre là 's'orienter grâce aux étoiles' ou quelque chose de ce genre » expliquais-je sobrement avant d'hausser les épaules « Mais je suis incapable de retenir quoique ce soit. Cela dit, ouais, je sais faire un feu de camp. Quand j'étais petit mon père m'a souvent emmené 3-4 jours en mode survie dans la nature Néo Zélandaise. Je sais faire un feu, reconnaître deux ou trois plantes comestibles et faire un piège à lapin. Donc ...tu fais la boussole, je fais la survie, deal ? » demandais-je, alors que le premier sourire de la journée commence à étirer mes lèvres. Je fini toutefois par récupérer mon sac, fouiller dedans et en sortir mon livre. Me calant à nouveau plus moins confortablement dans le fond de mon siège, je l'ouvre et commence à lire la pièce et mes cours, faisant ainsi comprendre à Ambroise que je serais occuper le restant du trajet.
Ambroise est bien content de s’être vite remis de leur fête d’anniversaire et être aussi d’attaque pour partir cinq jours en pleine nature. Et ce n’était pas gagné, il a dormi quasiment 24h suite à cela. Ces dernières années il s’est déjà rendu sur la tombe de leur mère en gueule de bois, et il déteste cela. Sybbie est souvent pareille dans ces moments-là, donc leur père est sûrement un peu moins réprobateur, à cause de sa fille chérie. C’est toujours difficile aussi, comme période. Le jour de leur naissance rime avec le jour du décès de leur mère. Le paternel prend soin de les voir le jour même, ou peu après, mais ça ne dure jamais très longtemps, et c’est rarement joyeux ; il est encore tiraillé entre la mort et la vie. Pas que Bonnie lui en veuille, il comprend en un sens, il le laisse vivre. Il lui tient juste rigueur de ne pas avoir eu la force de s’occuper de ses enfants ; la réalité de la faiblesse de son père a très tôt modelé leur relation. Enfin bon, même si une certaine culpabilité repose sur leurs épaules, les jumeaux honorent leur mère en rendant leurs fêtes d’anniversaires chaque fois meilleures. Célébrer la vie. Tout ça. Sybbie est plus douée pour en parler.
Et cette période de temps s’accompagne toujours par des pensées tournées vers leur mère. Ambroise se demande par exemple si l’excursion qu’il s’apprête à faire aurait été son genre et puis, il se rappelle qu’on disait souvent de Sybille qu’elle avait la même énergie lumineuse. Sans doute, donc, que leur mère aurait pu faire ce type de sortie dans la nature, de randonnée. Un autre qui en été très enchanté est Clément, et c’est moins le cas à présent, plusieurs mois après. L’australien en est agacé, mais ne dit, pas vraiment. Il adopte une technique pour le moment qui s’avère payante, mais qu’il abhorre en général : le papotage. Sur le chemin jusqu’à la gare se déroule en parlant de choses et d’autres, très peu intéressantes en soi, mais elles ont le mérité de dérider petit à petit le comédien. C’est que le tour est réussi. Arrivés à l’heure prévue, ils rencontrent le petit groupe et leur guide, avant de tous embarquer dans le bus pour une bonne heure et demie de route jusqu’au réel point de départ. Les explications démarrent en même temps que le bus, et durent un petit moment. Ecoutant en même temps, Ambroise se penche à un moment vers Clément pour lui demander s’il sait faire un feu de camp, au cas où ils se perdent. De son côté, il sait se repérer aux étoiles. Parce que oui, s’ils sont perdus, ça sera forcément les deux ensembles.
Bonnie est un peu surpris que Clément ait lu un de ses livres sur les étoiles – alors qu’il a tant de boulot à faire –, mais arbore finalement un léger sourire, qui s’étire en quelque chose de plus amusé à la suite des paroles de son meilleur ami. Ce dernier finit par lui dire que son père l’emmenait souvent camper quelques jours dans la nature néo-zélandaise, et du coup il sait plutôt se débrouiller entre feu de camp et nourriture comestible. La survie et la boussole. « Deal », répond le jeune étudiant, savourant par la même occasion le premier sourire de la journée qui étire les traits de son ami. Mais avant qu’il n’ait le temps de rajouter autre chose, Clément se penche vers son sac pour en récupérer un livre. Sa pièce de théâtre tout de suite reconnaissable ; Antigone. Avec quelques fiches qui dépassent, ses cours à n’en pas douter. Ambroise se redresse alors, se calant correctement sur son siège, puis décide de regarder par la fenêtre pour passer un peu le temps. Il ne peut pas lui faire de remarque dès maintenant ; ils sont en bus, il comprend assez bien son envie de ne pas perdre son temps. A l’inverse, Bonnie peut être malade, nauséeux, s’il lit en voiture ou en bus, donc il évite. Il n’a pas envie de mal commencer ce petit périple. Alors, à force de regarder la ville défiler, s’amenuiser, et laisser place aux banlieues de Brisbane, il ferme les yeux, s’appuie contre la fenêtre, et s’octroie une petite sieste. Autre effet de la route ; un vrai bébé, bercé par le mouvement. Il se réveille une dizaine de minutes avant leur arrivée, à cause du guide notamment. Il s’étire, regarde Clément, puis à nouveau la route, et ne dit rien. A l’arrêt complet du véhicule, non loin du Lake Wivenhoe, il est l’un des derniers à sortir, encore un peu vanné par sa sieste sûrement, mais l’air pur arrive à le faire sourire. Et le fait que Caleb leur décrit déjà l’endroit proche du paradis dans lequel ils vont pique-niquer.
Entre les connaissances astronomiques et l'esprit pratique et rationnel d'Ambroise ainsi que mes qualités de survies et d’inventivités, nous faisons une belle paire et si nous nous perdons, je suis persuadé que nous n'aurons aucun mal à survivre. Le but étant tout de même de rester avec le groupe, évidemment. Et puis Caleb est sans doute le plus amène à nous aider dans la nature sauvage que nous seul.
Une fois qu'avec Ambroise nous avons bien défini nos rôles, je décide que j'ai assez perdu mon temps et sort ma pièce de théâtre. Nous avons une heure et trente minutes devant nous et Ambroise a,d e toute manière, tôt fait de s'endormir. Il ne peut, légitimement, pas m'en vouloir de relire mon texte. Et c'est ce que je fais, sans aucune mauvaise conscience. J'avoue, en plus, de ne pas voir le temps passer, tant je suis plongé dans mon rôle ainsi que dans les fiches qui vont avec. Quelque part, je viens à regretter de ne pas avoir Kyte avec moi, il se serait sans aucun doute fait une joie de me donner la réplique. Je ne lève que furtivement la tête vers Caleb lorsque celui-ci nous annonce notre arrivé imminente aux abords du parc national que nous allons traverser, avant de me replonger à nouveau dans ma lecture.
Lorsque le bus s'immobilise sur le parking, c'est d'un commun accord avec Bonnie que nous descendons en dernier du véhicule, ce qui me permet de finir la lecture de ma scène. J'attrape mon sac, glisse le tout à l'intérieur puis sort. Mon regard posé sur l'aventurier, j'écoute ses explications avec une grande attention, avant de lancer un coup vers mon meilleur ami et prendre place à ses côtés lorsque nous nous mettons en route.
«Y a plusieurs avantages de faire ce Trek en hiver » brisais-je finalement le silence qui s'est installé depuis un peu plus d'un kilomètre. «Il fait super bon, la température est carrément idéale et on ne risque pas de rencontrer des animaux ou insectes mortels vu qu'il fait trop froid pour eux » souriais-je tout en observant tranquillement le paysage. Cette prise de parole marque à nouveau le début de conversations diverses et variées avec Ambroise, mais aussi avec un autre garçon et une fille. Jane, l'irlandaise et Asaka, le japonais, deux êtres très intéressant, bien que l'asiatique soit un peu insupportable à connaître tout sur tout.
Toutefois, la pause de midi arrive bien vite. Notre petit groupe décide de s'installer à l'ombre sur la pleine, le temps de manger nos sandwich et de parler avec Caleb qui fait le tour des gens, leur posant des questions et échangeant quelques mots avec eux sur leur ressenti et tout ce qui s'en suit. Je me dis que cet homme prend son rôle vraiment très à cœur et en temps normal j'aurais sans aucun doute engagé la conversation avec lui, mais pas aujourd'hui. Mon esprit étant trop préoccupé par la pièce de théâtre que je dois apprendre, je décide qu'il est en grand temps que je ressorte mon livre. C'est ce que je fais et, bouquin et bouteille d'eau en main, je me lève « Je vais m'asseoir là-bas au soleil» lançais à Ambroise et nos nouveaux amis, avant de m'éloigner.
M'installant en tailleur dans l'herbe, je profites un instant de la vue qui s'offre à moi, bois une longue gorgé d'eau puis ouvre le livre. Mais je n'ai même pas le temps de me plonger dans le début de la scène que l'ombre de mon meilleur ami vient se placer au dessus moi. Levant la tête, une main en visière et les yeux plissée, je l'observe quelques instants puis sourit «Tu me donnes la réplique ? » demandais-je en lui tendant mon livre, comme si c'était la chose la plus naturelle qui soit et qu'Ambroise ne peut qu'accepter.
Le trajet en bus se déroule dans le silence pour certains et la bonne humeur pour d’autres. Clément se replonge dans sa pièce et ses cours. Tant mieux, qu’il en profite, c’est fini ensuite, le but étant qu’il se vide la tête de tout ça. Bonnie a bien pris un livre, mais ça ne concerne ni ses cours ni quoique ce soit d’instructif, juste un petit bouquin de Lovecraft. Donc si le comédien veut sortir ses travaux dans la semaine, ça ne va pas le faire. Enfin bon. Ambroise profite de l’heure et demie pour s’endormir, se lever aux aurores, bien qu’excité presque que comme sa sœur – quoique le montrant moins –, n’est pas pour lui. Il se réveille peu avant l’arrivée, à temps pour entendre les dernières recommandations de Caleb. Puis le petit groupe descend, tranquillement, et les deux meilleurs amis sont les derniers. Dernier petit discours, encore, tout le monde se met ensuite en route derrière le guide visiblement très heureux d’enfin débuter cette expédition. Clément se penche alors vers l’australien, après quelques minutes, pour entamer une discussion sur le bienfondé de ce trek en hiver.
Ambroise acquiesce à ses arguments, et la conversation se poursuit facilement entre eux, bientôt rejoint par une irlandaise prénommée Jane et un japonais, Asaka. Evidemment, Bonnie et Jane passent un bon moment à évoquer leurs origines. Se confronter au caractère du japonais l’échauffe au contraire, puisque ce gars se donne un air de tout savoir tout sur tout et a un avis sur n’importe quel sujet. En creusant un peu, on peut vite se rendre compte qu’il a parfois des idées préconçues sur des sujets qu’il ne maîtrise pas ; un délice pour Ambroise d’ainsi démonter une argumentation, mais il garde ça pour plus tard. Le temps de la marche n’est pas extensible et passe déjà très vite en parlant, l’heure de la pause déjeuner est très rapide à arriver. Ils choisissent de s’installer ensemble, à l’ombre, tandis que d’autres préfèrent le soleil, et Caleb, tout en mangeant un peu, navigue entre tout le monde pour en apprendre plus sur chacun, échanger quelques mots. Bonnie reste en grande parti silencieux, se concentrant sur sa bouffe, tout en observant chaque personne. Perdu dans ses pensées, il en délaisse l’irlandaise et le japonais qui discutent entre eux, et Clément.
Qui finit bientôt par se lever. Armé d’une bouteille d’eau et de son livre, il l’informe qu’il va s’asseoir un peu plus loin au soleil. Machinalement, Bonnie acquiesce, voyant les détails mais ne les remarquant pas. C’est ainsi qu’il termine de manger son sandwich et avale une gorgée d’eau. Avant de porter son regard sur son ami, et de sentir l’énervement monter tout à coup lorsqu’il comprend que c’est encore c’est putain de pièce. Qu’il ne peut prendre deux minutes de pause. Qu’il ne peut pas, même, rester à côté de lui. Sans attendre, et sans explication à leurs nouvelles connaissances, Ambroise se lève et se dirige vers le néo-zélandais. Avançant jusqu’à être en face de lui, surplombant, il n’a pas à attendre pour croiser des yeux chocolat souriant. Les bras croisés, il ne baisse même pas le regard sur le livre tendu. Une seconde de battement, et il s’empare du bouquin d’un geste de vif. « J’vais l’balancer dans l’lac ton putain d’livre à la con », rétorque-t-il d’un ton sec, cinglant. Tranchant mais sans élévation, si bien que personne ne peut encore croire à une dispute. « Si tu comptes prendre chaque seconde de libre pour continuer à bosser, t’aurais mieux fait d'pas venir au moins j’aurais pas eu d'faux espoirs. » Partager ça avec son pote, c’est tout ce qu’il voulait. Plus de vie réelle, plus de cours, plus de prises de tête, juste la nature et eux. Il pensait que Clément aurait compris, mais non ; il n’est qu’à moitié là. Et comme toujours avec Ambroise, c’est tout ou rien. Le fixant toujours, en colère, il lui rebalance le bouquin à la figure. « Si t’es pas capable de profiter d’tout ça sans penser h24 à ta pièce de merde, viens pas m’parler. » Et sur ce il tourne les talons.
Malgré tout ce qu'on pourrait penser, sortir me fait quand même un peu de bien. Marcher, la nature, l'air frais, tout ça parvient à apaiser un peu mon esprit. Mais pas totalement. En vrai, même si je parle avec Ambroise et que je fais connaissance avec les autres membres du groupe, mes pensées sont toujours naturellement tournées vers les cours, le théâtre et la pièce que nous sommes entrain de monter. Je n'arrive pas à décrocher car je me rend régulièrement compte du fait que je ne fais absolument rien actuellement. Et ça ne fait que décupler mon stress et mon anxiété, rajoutant en plus une pression assez monstrueuse sur mes épaules. J'essaie de ne rien faire remarquer au maximum et de prendre sur moi, mais, lors de la pause, je sens bien que la tension que je ressens ne pourra être apaisée que si je révise mon texte. Ainsi donc, et sans plus d'explications, je m'éloigne du groupe et m'installe plus loin, au soleil, près du lac. Un endroit parfait pour relire la pièce, non ?
Cet éloignement n'est pas au goût de tout le monde, comme Ambroise me le fait bien rapidement comprendre. Alors qu'il s'approche, se plaçant devant moi, je lui demande, dans toute ma naïveté de meilleur ami, s'il peut me donner la réplique. Mais si j'avais pris un peu plus le temps de l'observer -et surtout si je n'avais pas été éblouie par le soleil derrière lui- je n'aurais jamais osé poser cette question. Car très rapidement, je me rend compte qu'Ambroise n'est pas là pour m'aider et lorsqu'il m'arrache le livre des mains, c'est avec un ton cassant et cinglant qu'il me dit préférer le balancer dans le lac plutôt que de me donner la réplique. J'écarquille vivement les yeux en me redressant, près à me lever pour le rattraper si jamais il met sa menace à exécution. Mais dans le fond, Ambroise sait que mon avenir, donc ma vie, dépend de ce livre. Et il ne mettrait quand même pas ma vie en jeu, non ? Non, évidemment. Toutefois, c'est notre amitié que je met en jeu, moi. En vrai, je comprend que Bonnie en a plus qu'assez de me voir agir de la sorte, avant même qu'il ne me le dise directement.
Faux espoirs. Je crois que ce sont les deux mots qui font réellement mouche dans un premier temps. Ce Trek c'était un cadeau. Un cadeau que JE lui ai fait pour noël. Il aurait très bien pu choisir quelqu'un d'autre, je suis sûr que Sybbie se serait fait une joie de l'accompagnée. Mais non, il m'a choisit moi et je me dois d’honorer ce choix. Ambroise est quelqu'un d'assez sensible malgré tout, quelqu'un qui ne supporte pas les sous entendu et avec qui il faut être direct. Donc oui, j'aurais du lui dire que je préférerais rester à la maison. Je voulais lui faire plaisir en l'accompagnant, mais j'ai l'impression que c'est totalement raté pour le coup.
Je lève vivement ma main pour me protéger le visage lorsqu'il m'envoie littéralement le bouquin à la figure avant de cracher ces mots qui résonneront encore longtemps dans mon esprit : si je ne suis pas capable de profiter de tout ça sans penser H24 à ma putain de pièce, je ne dois plus venir lui parler. Je le suis du regard alors qu'il tourne les talons et sens ma gorge se nouer. Déjà que depuis l'histoire avec Andreï ce n'est pas très joyeux entre nous, si en plus je ne fais pas d'efforts notre amitié -bien que forte- sera finie. Réellement. Me détournant en soupirant, c'est un regard vide qui se pose sur les légers remous du lac. Déglutissant, je passe ma main sur le visage avant de me donner une claque -autant mentale que physique- et de me lever. Je me baisse, en passant, pour ramasser le livre et me dirige vers Ambroise.
Là, sans un mot, j'attrape son sac à dos, l'ouvre et balance mon livre à l'intérieur. J'attrape ensuite mon propre sac à dos, sort mes fiche de cours et les arrache sous le regard d'Ambroise avant de les balancer, elles aussi, dans son sac. « Garde le bien avec toi, hors de ma porté surtout» dis-je, sur un ton presque suppliant, en laissant tomber le bagage aux pieds de l'australien. Je le fixe encore quelques instants, puis soupire et m'installe à nouveau à côté de lui, silencieux.
« Tout va bien ?» c'est la voix de Caleb qui vient briser le silence. En me tournant vers lui, je remarque très rapidement, à son regard, qu'il a vu toute la scène. Je crois même que tout le monde à tout vu. « oui» dis-je sobrement « Petit conflit qui ...» je lance un rapide coup d’œil vers Ambroise «qu'on va finir par régler » expliquais-je en reportant mon attention sur Caleb. Celui-ci croise le regard de mon meilleur ami puis hoche doucement la tête et affiche son sourire en se redressant «ok parfait ! Allez rassemblez-vous tous ici, j'ai quelques explications à vous donner pour la fin de cette étape » dit-il d'une voix forte en faisant des grands signes. Ensemble, notre petit groupe se lève et, sacs à nos pieds, nous formons un cercle autour de l'aventurier.
« Alors, c'est bien joli de marcher dans la nature et tout ça, mais j'aimerais que vous vous imprégniez un peu plus de cette faune et cette flore qui nous entoure» explique-t-il en sortant une liasse de papier «Du coup, c'est par deux que vous allez maintenant marcher et, chacun à votre rythme, vous allez réaliser ces quelques défis ainsi que répondre aux questions qui se trouvent au verso. Nous avons quatre heure pour atteindre l'endroit où nous camperont, donc vous avez quatre heures pour remplir le tout » explique-t-il en distribuant les feuilles « Si vous avez des questions, je suis là, mais le but c'est que vous trouviez les réponses vous même» continue-t-il.
Attrapant la feuille qu'il nous donne, je lis rapidement ce qu'il y a écrit puis me tourne vers Ambroise. Je le regarde quelques instants, plongé dans sa lecture, hésite, puis soupire discrètement et m'avance vers lui «On fait équipe ? » demandais-je doucement, d'une voix peu assurée, me préparant à ce qu'il m'envoie balader ce pour quoi je ne lui en voudrais sans doute pas.
Ambroise n’est même pas surpris de constater que Clément s’éloigne du petit groupe avec le livre de sa pièce de théâtre dans les mains. Quelque part, il s’y attendait, il n’est même pas déçu. Il avait eu des attentes, et puis en voyant que, la date, approchant, son meilleur ami était de moins en moins enchanté à l’idée de partir, il avait perdu espoir. Le voir sortir ce putain de livre et ces maudites fiches avaient donné un coup à ce qu’il en restait. Pourtant la matinée s’était bien déroulée, et Bonnie avait presque cru cela possible. Que tout se passe bien. Qu’ils se rapprochent à nouveau. Retrouver son meilleur ami pour ce quelques jours en pleine nature. Mais non. Alors, sans plus s’excuser auprès de leurs nouveaux amis, il se lève à son tour et rejoint Clément, se plantant devant lui. Son visage est dénué de toute expression, mais c’est bien le pire qui puisse arriver. Ses yeux flamboient, eux, à l’instant où Clément lui fait l’affront de lui demander de l’aider à réviser. Il se saisit du livre avec violence pour cracher son venin. Vider son sac, enfin, faire comprendre au comédien que s’il continu sur cette voie, autant ne pas venir lui parler. Ambroise aurait été déçu si son ami avait finalement refusé de venir, il aurait tout fait pour le persuader, sans aucun doute. Il préfère l’honnêteté à une gentillesse forcée pour ne pas être blessante. A défaut donc, il aurait pu partir avec Sybille, ça ne l’aurait sûrement pas dérangé. Seulement Clément n’a rien dit de tout ça, il a préféré faire semblant, pour à présent être toujours dans ses révisions et sa pièce. Une insulte pour l’australien.
Il était bien à deux doigts de déchiqueter le livre, de le balancer à la flotte comme il l’a dit. Il aurait au moins eu l’assurance d’un voyage tranquille. Pour éviter ces extrêmes cependant, il a bien dû le rendre à Clément, sans délicatesse encore une fois. Ils se seraient violemment disputés s’il l’avait fait, et il ne cherchait pas cela non plus. Mais Clément est tellement persuadé que tout va se jouer sur cette seule pièce que c’en est ridicule. Même en n’étant pas du milieu, Ambroise sait que ça n’est pas un raté qui détermine une carrière qui débute. Il n’a même pas 25 ans de quoi a-t-il peur cet imbécile déjà bien trop doué. Il aurait envie de le secouer et de lui coller des baffes pour lui faire comprendre que sa vie ne repose pas sur un seul rôle. D’ailleurs ça n’est pas Clément qui parle souvent d’un autre comédien qui n’a pu reprendre le théâtre que récemment, et qui a bien cru ne jamais pouvoir, à cause d’un accident ? Tout est possible donc. Cependant il ne sait pas quelle part tiens la jalousie dans ce jugement, aussi préfère-t-il ne rien dire. Et puis il s’énerverait trop vite. Lui demandant de ne pas lui adresser la parole s’il n’arrive pas à s’enlever son travail de la tête pour la durée de cette randonnée, Ambroise tourne les talons pour rejoindre le groupe, et s’y rassoir. Il ne répond pas aux regards interrogatifs des deux autres, et se contente de prendre une longue gorgée d’eau.
Il ne pensait pas que Clément allait le rejoindre aussi vite, mais quelques minutes plus tard, il le voit s'emparer de son sac pour y jeter ses affaires. Bonnie arque un sourcil, mais comprend vie qu'en mettant le livre et ses fiches de cours dans le sac à dos de l'australien, le comédien marque sa volonté de sauvegarder leur amitié en mettant tout ça de côté. Ambroise ne fait que l'observer, et hoche la tête pour notifier son assentiment, mais il ne sourit pas encore. Refroidi par la désillusion d'il y a quelques minutes, il lui faudra un peu de temps pour se détendre à nouveau. A force de s'éloigner de lui, de travailler tout le temps, d'avoir arrêté les sorties, clément est sur la bonne voie pour détruire leur amitié de façon insidieuse. Comme ça, sans qu'ils n'y remarquent grand-chose, un jour ils ne seront que potes, puis plus rien. Depuis la soirée avec le russe, ça n'est plus comme avant, même avec des efforts ils n'ont pas retrouvé cette amitié indéfectible et cette complicité totale. En partie, sans doute, parce que le comédien passe son temps à réviser, ou au théâtre. Ils passent bien moins de temps ensemble. Cette randonnée était l'occasion de se retrouver, mais pour Clément le comprenne, il a fallu qu'Ambroise hausse la voix.
Alors que Clément s'assoit finalement à côté de lui avec un soupire, le guide vient s'inquiéter ce qui leur arrive. Bonnie laisse son ami le rassurer, et clore le sujet sobrement. Peut-être que tout le monde a vu, mais ça ne les concerne pas, alors ce n'est pas lui va expliquer quoique ce soit De toute façon, il est temps de se rassembler autour de Caleb pour la suite, puisque tout le monde a fini de manger. N cercle autour de lui, ils écoutent ses explications. Le lieu de campement n'est pas très loin au nord, à trois heures de marche. Mais ils quatre heures en tout pour l'atteindre, donc ils prendront leur temps. Caleb a prévu un petit questionnaire, et quelques défis, pour que le petit groupe cherche les réponses par eux-mêmes dans la nature, sur le chemin. Il restera en tête, proche de nous, en faisant attention à ce que chacun n'aille se perdre. Nul besoin de partir loin, assure-t-il, tout se trouvera aux abords du chemin. Par deux, donc. Ambroise se saisit d'une feuille et entame déjà la lecture alors qu'il perçoit Clément s'approcher de lui, son intention très claire avant même qu'il n'ouvre la bouche. Il relève un regard vert lui, vert comme les feuilles de l'arbre derrière lui, et paraît le jauger. Puis il hausse les épaules. « Ok », répondit-il sobrement.
Il n'en dit pas davantage et va récupérer un des crayons à papier donné par le guide avant de lentement se mettre en route en même temps que tout le monde, restant à côté de Clément. Il lui fait confiance pour rester dans sa vision périphérique et le guider et baisse les yeux sur la feuille dont il termine la lecture. Il esquisse alors un sourire en coin et pouffe légèrement. « Pff, la moitié sont trop faciles, c'est du niveau collège tout ça », marmonne-t-il, en jetant un coup d'œil amusé à Clément. Celui-ci ne sera peut être pas de son avis, mais, sans attendre, Bonnie lit les questions ‘’faciles'' à voix haute et donne les réponses à la suite de chacune, pour l'informer. C'est son binôme après tout. Il prend soin de ne pas parler trop fort non plus, il n'a pas envie d'en aider d’autres à tricher. Ils ont ainsi, en un rien de temps, complété les trois quart des questions uniquement grâce aux connaissances générales d’Ambroise. Leur restait tous les défis et quelques questions dont les solutions se trouveraient quand même sur leur route. Tout en marchant, ils rient de nouveau, et à ne marcher que tout les deux, même avec d’autres devant et derrière plus loin, Ambroise retrouve une part de leur complicité qui lui avait manqué. Ils réalisent les défis au fur et à mesure, Bonnie se détent, et il a bien l'impression que Clément aussi.
Je crois que j'avais réellement besoin de cette piqûre de rappelle de la part de mon meilleur ami. Heureusement qu'il a réagit de lui-même et avec une certaine violence, sinon je serait sans doute encore perdu dans mon livre et j'aurais officiellement gâcher cette amitié pourtant si précieuse à mes yeux. Je décide de réagir à mon tour et balance mon livre et mes fiches de révisions déchirées dans le sac à dos d'Ambroise, avant de m'asseoir à ses côté. Nous restons silencieux jusqu'à ce que Caleb nous oblige à nous rassembler autour de lui, nous expliquant rapidement le programme de cette après midi. Un questionnaire à remplir et des défis à réaliser. Par deux.
Automatiquement mon regard se lève, cherchant celui de mon meilleur ami. Voyant pourtant qu'il ne semble pas décidé à faire le premier pas, je décide de le faire moi-même et, prenant mon courage à deux mains, je m'avance vers lui. C'est d'une voix peu assurée que je demande s'il veut bien faire équipe avec moi. Son regard émeraude croise et intransigeant se pose finalement sur moi et j'ai l'horrible sensation qu'il me scanne, pesant le pour et le contre. Mal à l'aise, mon esprit se persuade très rapidement qu'il va plutôt faire équipe avec Jane et que je vais devoir me taper l'autre Japonais.
Mais au final, non. Il acquiesce finalement et accepte, s'approchant et se mettant en route à mes côtés. Plongeant son attention dans les questions tout en marchant, je lui sauve deux ou trois fois la mise pour lui éviter de trébucher sur des racines ou se prendre les pieds dans des trous. Au final Ambroise pouffe de rire, précisant que les questions sont beaucoup trop faciles, commençant à lire toutes les questions les unes à la suite des autres, précisant tout de suite les réponses, et ce à une vitesse incroyable que seuls moi ou Sybbie sommes capable de suivre. J'écris donc toutes ces réponses sur la feuille et lance quelques commentaires ironiques, nous permettant à tous les deux de se détendre pleinement. La confiance règne enfin de nouveau, bien plus que ces derniers jours. Presque comme avant.
C'est, après quelques franc éclats de rires que nous arrivons à notre campement pour la nuit. Et, après avoir dressée la tente et être allé cherché le bois pour le feu, je m'installe avec Ambroise afin de déguster un repas préparer par Caleb et ses cousins qui sont venu nous rejoindre pour la nuit. Un dîner à basse de saucisses grillés, lentilles et pommes de terres. Parfait pour recharger les batteries de notre corps.
Et, alors que Jane commence à sortir discrètement les marshmallow, un autre marcheur -dont j'ai oublié le nom- dépose deux mini enceintes portatives et laisse la musique remplir le cercle que nous avons formé. Dès les premières notes, je reconnais cette chanson qui a souvent été source de conflit entre Ambroise et moi. Mais, alors qu'en temps normal je me serais sans doute barré à l'autre bout du camp, là je suis brusquement prit d'une folle envie de danser. Je n'hésite donc pas longtemps et me lève. Ayant apprit par le théâtre à ne pas me prendre au sérieux et de mes nombreux concours de danse à gérer le stress d'une prestation devant un public, je me lève subitement, me tourne vers Ambroise et lui tend une main. «tu viens ? » demandais-je avec un sourire qui s'élargit de plus en plus «Tu ne vas quand même pas laisser ton meilleur ami se ridiculiser tout seul » reprenais-je en lançant un coup d’œil vers un petit espace non loin du feu. «Encore moins sur une chanson de ABBA » je prononce le nom de ce groupe avec un dégoût autant audible que visible en une grimace absolument pas sincère. Car finalement, dans ces conditions là, cette chanson résonne comme une mélodie agréable et surtout extrêmement entraînante. Et je n'ai qu'une envie : me déchaîner avec Ambroise, comme on l'a fait tellement de fois en boîte ou lors des fêtes étudiante et adapter notre danse officiel au rythme de cette musique là.
Heureusement qu’Ambroise a écouté sa franchise et a dès le début placé des limites au comportement de Clément. Violent à sa manière, avec les mots, sans se soucier du ressenti d’autrui ; l’efficacité a pourtant suivie. Il s’attendait à autre chose, pas à ce que son ami se replonge dans son travail à la moindre pause, et il en a été terriblement déçu. Il le lui a bien fait comprendre, mais rumine encore les émotions négatives générées alors qu’ils doivent se mettre par deux pour l’activité proposée par le guide. Caleb distribue à tous une feuille, un petit questionnaire ludique, des petits défis, afin d’en apprendre plus le long de la route jusqu’au campement de ce soir. Bonnie prend un instant pour le toiser à sa manière, réfléchissant s’il le laisse ou non rester avec lui. Il estime alors lui avoir fait assez ressentir sa rancune, et qu’il est temps de passer doucement à autre chose. Il est capable de s’entêter, mais que le néo-zélandais détruise ses fiches de cours et glisse son livre dans le sac de l’australien est une réelle preuve de bon vouloir. Donc il accepte, et ils se mettent en route avec les autres en silence. D’une part car ils n’ont rien à se dire, dans un silence qu’Ambroise ne trouve pas gênant contrairement à son meilleur ami. Peu de choses sont “gênantes” à ses yeux, mais c’est une autre histoire.
Et puis, il est occupé à lire les questions. Il fait confiance à Clément pour lui éviter les embûches, machinalement, comme c’est arrivé mille fois quand il ne peut se détacher d’un livre ou d’un article scientifique sur son portable, en compagnie de sa sœur ou de son meilleur ami, il laisse la réalité à ses guides. La simplicité du quizz le fait rire assez vite, et l’atmosphère se détend d’elle-même alors qu’il liste les réponses qu’il connait sans même avoir à lever les yeux sur la nature environnante. Il va vite, comme s’il n’a pas de temps à perdre, mais c’est la vitesse à laquelle son cerveau fonctionne qui dicte le rythme. Souvent, très souvent. Et tout dans sa vie a ce rythme parfois très effréné. Clément parvient à tenir la cadence, écrivant les réponses au fur et à mesure. Et c’est à ce rythme que les différents sont oubliés, et que même le comédien parvient à mettre de côté le reste. Presque comme avant, ils sont sur la même longueur d’onde. Tout le chemin se déroule dans la bonne humeur, sans un souci. Le campement pour la nuit est vite atteint, Bonnie ne voit pas le temps passer. Ils montent ensemble la tente qu’ils partagent, et se réunissent avec les autres pour le repas, après être allé chercher du bois pour le feu. Le repas du soir a été préparé par Caleb et ses cousins, qui ont ramené des provisions pour un petit BBQ afin d’entamer comme il se doit cette randonnée.
Bonnie mange tranquillement, plaisante un peu avec Jane, et se remet de ces heures de marche active dont il n’a pas vraiment l’habitude. Marcher d’une salle de cours à l’autre, traverser l’université, faire le trajet jusqu’à l’appartement, se balader en ville, longer la plage. Oui. Mais en pleine nature et sur toute une journée, ses jambes, pourtant habituées au surf, souffrent un peu. Clément lui a l’air de mieux se porter, malgré les soucis qu'il a eus avec son genou, si bien que lorsque deux mini enceintes apparaissent et que du ABBA résonne, il est déjà debout. Surprenant Bonnie qui termine d’avaler ses lentilles. Il arque un sourcil, perplexe. Ce n’est pas sur Dancing Queenqu’il aurait parié pour faire bouger Clément. Même à son anniversaire il y a moins d’une semaine, il avait été réticent à bouger sur du ABBA. Il lui demande de venir, de ne pas le laisser se ridiculiser seul, et après un instant de latence, Ambroise sourit. Une gorgée d’eau, il s’essuie la bouche, et il est debout d’un mouvement gracile acceptant sa main tendue, rejoignant déjà son ami. « Tu vas le regretter. » lance-t-il avec un rire, car une fois lancé, il ne s’arrête pas facilement.
La musique emplie totalement cercle, et certains s’arrêtent de parler pour regarder les deux amis. La bonne humeur est de mise avec une bonne chanson, et éloigne un peu la fatigue du soir. « Ca m’aurait bien plu de te voir te ridiculiser quand même, mais je peux pas laisser passer cette chanson », ajoute Bonnie d’un haussement d’épaules, alors qu’ils se placent d’avantage au centre, un coin près du feu, près des enceintes. Un regard, un sourire, le rythme qui les envahit, et leurs pas qui se synchronisent sur une chorégraphie connue. Usée. Ambroise n’a pas peur des regards, n’a plus peur en fait. Depuis des années maintenant, il a assez pris confiance en lui pour que ça ne l’affecte plus et qu’il n’y pense même plus, alors qu’auparavant il devait se forcer. Il a réussi à vaincre ça. Le regard des autres. Sans valeur. Sauf celui de ses proches. Il est comme il est, c’est sa vie, dieu sait qu’il a fait du chemin depuis son enfance et son adolescence chaotique, mais à présent, il danse littéralement comme si tout son bonheur s’exprimait par ce moyen. Et, comme à l’anniversaire où cela faisait des lustres qu’il n’avait pas partagé cette passion avec Clément, il prend un énorme plaisir à retrouver son meilleur ami. Pour se défouler, pour échanger, pour s’amuser. La musique et la piste de danse improvisée leur appartiennent pleinement. Et la fin de cette chanson, c’est même des applaudissements et quelques sifflets qui les accueillent. Le rire de Bonnie, les joues rougis par l’effort et la chaleur du feu derrière eux. « Suivante ! » lâche-t-il en attrapant Clément par la main pour être certain de ne pas le voir filer. Deux autres les rejoignent, entraînés par le rythme, et un Caleb qui est bruyant à faire comprendre son approbation. Si y’en a un qui est content que le groupe fasse ainsi connaissance et s’amuse déjà, c’est bien lui.
La bonne humeur arrive aussi rapidement que les réponses sortent de la bouche de mon meilleur ami. Plus nous avançons, autant dans la nature que dans le questionnaire, plus je me rends compte que j'ai son pardon. J'ai l'impression qu'aucun de nous ne doive réellement faire d'efforts poussés pour être aussi joyeux que nous le sommes et, au final, nous formons un super binôme. Notre relation est à nouveau comme d'habitude, basée sur la confiance. Confiance qui, d'ailleurs, est rapidement mise à l'épreuve lors d'un des défis : il s'agit de parcourir une distance de plus de 500 mètres les yeux bandés, avec seulement notre partenaire pour nous guider. Je crois bien que j'aurais été incapable de faire ça avec quelqu'un d'autre que mon australien préféré. C'est cette épreuve qui brise totalement le reste de la glace qui se trouvait encore entre nous pour finalement laisser place à cette parfaite harmonie que je connaissant. Le 'nous avant Andreï', comme je l'appellerais plus tard.
Nous arrivons rapidement au campement, montons la tente que nous allons partager puis nous nous installons l'un à côté de l'autre autour du feu de camps afin de déguster un bon repas préparé par les cousins de Caleb. Je ne dis rien, plongé dans mes pensées. Et pour une fois depuis plusieurs mois, ces pensées ne concernent pas les cours ou le théâtre mais bel et bien les dernières heures que je viens de passer. Il m'a fallut beaucoup de temps et une bonne dose de rappelle d'Ambroise pour que mon esprit commence enfin à se détendre. Je pense que la nature joue un grand rôle aussi. Il faut dire ce qu'il en est : ce trek me rappelle énormément ceux que je faisais en Nouvelle Zélande avec mes parents et mon frère. Et, bizarrement, je ne me sens pas triste en repensant à ma famille dont la moitié des membre ne partagent plus ma vie, mais je me sens plutôt … reconnaissant.
Enfin, le temps n'est pas au passé, mais au présent. Et c'est de la musique qui me fait revenir sur terre. Et pas n'importe quelle chanson ! Non, il s'agit de 'Dancing Queen' soit la chanson j'aime le moins d'un groupe que je déteste le plus et pourtant je n'ai qu'une envie : me lever et danser, avec Ambroise. D'ailleurs je le lui dis directement, que je veux le voir se déchaîner avec moi sur la piste de danse. Je lui tends la main et attend, avec un sourire en coin, qu'il l'attrape. C'est, en disant qu'il adorerait me voir me ridiculiser, qu'Ambroise fini par se redresser. Je rigole de bon cœur et secoue doucement la tête, me dirigeant avec lui vers l'endroit désigné.
Une fois sur place, je nous laisse quelques secondes pour chopper le rythme de la musique, avant d'échanger un coup d’œil avec l'Australien pour lui faire comprendre silencieusement que je suis près. Et c'est sans paroles que nous commençons notre danse. Ce n'est pas de la chorégraphie très poussée dont j'ai, personnellement, l'habitude. Non, les pas sont simples mais efficace et ont au moins l'avantage d'en faire rire plus d'un, nous les premiers. Hors d'haleine mais heureux à la fin de la danse et de la chanson, c'est un regard souriant que je pose sur Ambroise, le gratifiant silencieusement de m'avoir accordé cette danse. Mais il n'en a pas assez visiblement ! Alors qu'il ordonnerait presque au DJ improvisé de mettre une nouvelle chanson, il m'attrape le poignet, ayant sans doute peur que je ne me barre. Mais fait est que je serais resté, peu importe la suite. Ça peut très bien être une playlist spéciale ABBA, que je n'aurais quitter les côtés de mon meilleur ami pour rien au monde.
Fort heureusement la nouvelle musique est, certes, du même registre entraînant, mais pas du même groupe. 'Footloose' fait partie des chansons que j'aime le plus et sur lesquelles j'arrive le plus facilement à mettre tout mon cœur dans la danse. Alors, je n'hésite pas une seconde de plus et, refermant à mon tour ma main sur celle de mon meilleur ami, je l'entraîne un peu plus loin, commençant à bouger les pieds au rythme de la musique. Et c'est comme ça que nous enchaînons les chansons, toutes plus entraînantes les unes que les autres. Je transpire, je suis hors d'haleine, mon cœur bas à la chamade mais il est gonflé de bonheur et mon esprit est finalement en paix.
Toutefois, il fallait bien que ce bonheur cesse. Ou ne s'intensifie ? Dans tous les cas, après avoir passé bien cinq -sinon plus- chansons au rythme effréné, la playlist change totalement de registre et je me fige en même temps qu'Ambroise. La douce mélodie de 'careless whisper' me transporte plusieurs mois auparavant, alors que j'échangeais mon premier baiser avec le jeune australien. Sous sa forme féminine, certes, mais les lèvres restent les mêmes. Je pose mon regard sur Ambroise, capte le sien sans aucun problème et quelque chose d'incroyable commence à se produire en moi. Cette sensation n'est pas inconnue, je l'ai déjà ressentie à plus d'une reprise lorsque nous étions sur le point de faire l'amour ou quand on s'embrassait. Et aujourd'hui c'est autrement plus fort.
Et j'ai bien l'impression que le regard que cet homme dit la même chose. C'est pourquoi je décide de suivre cette voix qui me pousse à m'approcher et tenter le diable. Je fais un pas, puis un deuxième, oublie les gens qui nous entourent, n'entendant plus que la musique en arrière fond sonore un peu brouillé. Un troisième pas en direction d'Ambroise, l'envie irrépressible de l'embrasser ...et puis la désillusion lorsque Jane passe devant moi, tournée vers mon meilleur ami et, sans lui demander son autorisation, elle l'attrape par les hanches pour l'entraîner dans un slow. Je ferme les yeux et dévie le regard, pinçant les lèvres et grognant légèrement alors que mon cœur se sert brusquement. Je soupire, me passe une main sur le visage puis me détourne, captant aisément le regard de Caleb qui s'approche de moi « ça va ?» demande-t-il en souriant, peut-être un peu inquiet « oui, oui t'inquiète pas. Ce ...c'est juste mon genou qui me fait mal. Je sors tout juste d'une entorse et j'ai pas envie de forcer dessus. On a encore 4 étapes comme cette dernière à faire » je souris doucement et sort de la piste de danse improvisée pour retourner m'asseoir à ma place. Ce n'était, en vrai, qu'un demi mensonge : mon genou commence vraiment à se faire sentir, après tous ces efforts dont mes articulations n'ont plus l'habitude. Passant ma main sur la cuisse et touchant délicatement ma rotule, je laisse mon regard se perdre dans le feu qui crépite joyeusement, diffusant une douce et agréable chaleur.
Tout se remet en place, doucement. Sans qu’Ambroise ne s’en rende réellement compte puisque de son côté, à part le tabou absolu sur Andreï, rien n’a changé. Excepté, aussi, le comportement de Clément, plus sur la réserve, qu’il copiait inconsciemment. Mais à présent, ils montent même la tente sans embrouilles, comparés à d’autres qui, tout en restant bon enfant, donnent l’impression de monter un meuble Ikea. Puis tout le monde retrouve dans la joie et la bonne humeur pour diner, et les cousins de Caleb, les ayant rejoints pour l’occasion, les gâtent particulièrement pour ce premier soir. Pour Bonnie et Clément, cela se passe en silence, pour un temps. Avant que les assiettes ne se vides et qu’on sorte des enceintes. Les premières notes d‘un tube d’ABBA achève le calme entre les deux amis. Le néo-zélandais est bizarrement le premier sur ses pieds mais, après la surprise passée chez l’australien, celui-ci le rejoint très vite sur la piste de danse improvisée, où ils entament leur petite choré perso. Un peu inspiré du film Mamma Mia, mais ça, Clément ne l’a compris qu’en visionnant de force ce film. Les voilà donc partis pour de longues minutes de danse. Ambroise qui commençait déjà à avoir mal aux jambes après la journée de marche s’étonne de tenir aussi bien, même s’il termine presque essoufflé par l’enchaînement de chansons. Mais il adore danser.
Surtout que ça n’est pas avec Footloose qu’il allait se calmer, et que ses muscles allaient pouvoir se reposer. Clément le suit sur cette chanson qu’ils affectionnent tous deux, puis les quelques autres. Finalement, repu de danser, Bonnie se recule de quelques pas après un rire et un sourire, cherchant à reprendre son souffle. Cependant la playlist change de registre totalement pour passer Careless Whisper, et son cœur s’arrête. Pour différentes raisons, complexes, mélangées. Et ça n’est pas bon pour lui. Après quelques secondes, il porte son regard sur son meilleur ami, lui aussi figé. Ils se rappellent de la même chose, cette Véga, ce baiser. Ces putains de paroles qui s’appliquent à tout. Leurs regards s’accrochent, Bonnie n’est pour une fois pas très à l’aise et ses émotions conflictuelles ne l’aident pas à réfléchir. A l’époque il s’était joué de Clément, en ne se dévoilant qu’après avoir assouvi ses propres envies. Envies qui ont menées plus loin encore. Il ne regrette pas ; mais il se rappelle aussi leur dispute, le fait qu’il lui ait caché Andreï, Andreï tout simplement, et l’impression vague que Clément s’attendait à autre chose. Comme une promesse dont Ambroise n’aurait pas eu connaissance. Une promesse à sens unique, qu’il n’a jamais eu l’intention de faire. Mais alors que le comédien se rapproche, dans une optique qu’il arrive à deviner, il se dit qu’il a toujours été clair, et que son meilleur ami est toujours aussi attirant, et que, pourquoi pas.
Un baiser qui ne verra néanmoins jamais le jour puisque Jane s’interpose sans le savoir et accapare toute l’attention de Bonnie. Elle l’entraîne pour un slow, sans lui demander son avis. Elle n’aurait pas eu besoin, il aurait dit oui, puisque ça lui permet de sortir d’un moment qu’il trouvait gênant et trop sentimental à son goût. Alors il esquisse un sourire, glisse ses bras autour d’elle de façon lâche, sans la tenir ou être trop prêt, et lui demande sur un ton bas, avec de l’amusement dans la voix pourquoi elle n’a pas choisi notre cher japonais. Il en oublie Clément, le relègue au fond. Oublie les émotions bordéliques, les deux paires d’yeux chocolat qui le hantent, peut-être aussi la voix de sa sœur, rien qu’un soupir de sa part, celui quand il fait le con ou ne comprend pas une situation sociale pourtant claire et nette. Elle aurait son mot à dire, Sybille. Mais c’est Jane qui a ses pensées maintenant, parce qu’elle là, et totalement hors de l’histoire. Et assez mignonne, mais il n’a pas envie de courbes féminines pour le moment. Toute la musique, ils dansent, et rient, un couple les rejoint, et puis la seconde chanson apporte plus de rythme et Ambroise retrouve de l’énergie. Il accompagne la jeune femme qui ne se débrouille pas mal du tout, mais c’est les dernières minutes, car il se retrouve vraiment essoufflé à la suite de ça.
Il retourne s’assoir avec Clément, et Jane retourne aussi dans le cercle, satisfaite de s’être un peu défoulée. Elle est auprès d’autres jeunes, avec qui elle a davantage fait connaissance cet après-midi. Ambroise ne lui accorde plus d’attention, à la manière dont il a fait avec son meilleur ami tout à l’heure. Il cherche d’abord à boire, de longues gorgées vitales. En soupirant, ensuite, il se laisse tomber à la renverse dans l’herbe, les bras écartés et le regard tourné vers le ciel. Son souffle revient petit à petit, mais plus lentement que d’habitude. Pourtant il n’a pas fumé récemment, mais il en faut plus pour l’inquiéter. Se perdre dans les étoiles le calme et le détend entièrement, comme d’habitude. Rien n’a d’équivalent pour lui que simplement observer les astres, une forme de méditation pour lui. C’est alors qu’une pensée l’effleure et il se redresse finalement, en regardant Clément. Ramenant ses jambes vers lui et entourant ses genoux de ses bras, il se penche un peu vers le comédien. « Ca va ton genou ? » demande-t-il doucement ; un coup d’œil pour la main toujours pose sur la jambe blessée et l’air arboré par son ami. Il se demande s’il va tenir tout le séjour à ce rythme, et ne cache pas son inquiétude. « Et si tu veux aller te coucher m’attends pas hein, j’risque de rester encore un moment pour les étoiles », l’informe-t-il en levant les yeux au ciel.
La danse, la réponse à tous les maux. Voilà ce à quoi je pense, alors que je laisse mon corps se caler sur les différents rythmes des chansons. Et tandis que je bouge, je me rends compte à quel point ça m'avait manquer. Je pense, d'ailleurs, que si je n'avais pas été forcé d'arrêter la danse, ma relation avec Ambroise n'aurait sans doute pas connue tous ces bas. La danse est une passion hors norme que je mettrais sans problème au niveau du théâtre et ce sport a toujours été une échappatoire là où la comédie n'a pas put aider. D'autant plus que je partage ce moment avec mon meilleur ami et ça c'est merveilleux. La première danse finie, Je sens qu'absolument toute la pression qui reposait jusqu'alors sur mes épaules s'est volatilisé. Et ça fait un bien fou ! Lorsque la chanson d'Abba se stoppe, c'est un sourire des plus sincères et totalement détendu qui s'affiche sur mon visage. Sans avoir à nous concerter par la parole, nous reprenons de plus belle lorsque la deuxième chanson commence. Et c'est comme ça que nous passons un moment comme nous n'en avons plus passé depuis longtemps.
Malheureusement, ce bonheur est de bien courte durée et se finit assez brutalement lorsque Careless whisper se fait entendre. Si cette chanson est anodine pour toutes les personnes ici présentent, elle ne l'est absolument pas pour nous deux. Et je vois bien qu'Ambroise est pareil, que son regard change et qu'il fait, lui aussi, un pas vers moi. Mais Jane se mettant entre nous, me fait revenir à la réalité de façon un peu trop brutale. Je me détourne, regarde vers le feu puis, soupirant, me dirige à nouveau vers la place que nous avons quitté quelques minutes plus tôt. Tendant ma jambe droite devant moi, je me masse le genou qui commence à se faire sentir.
Alors que mon regard s'est perdu dans le feu, il est finalement capté à nouveau par Ambroise qui, abandonnant Jane, me rejoint bien rapidement. C'est dans un soupire heureux et soulagé qu'il se laisse tomber au sol, s'allongeant à mes côtés. Je l'observe du coin de l'oeil, mais reste silencieux, ravalant la jalousie qui est sur le point de se propager en moi depuis que je l'ai vu danser avec Jane. C'est finalement Ambroise lui-même qui décide de reprendre la parole. Se redressant, il remarque sans mal que je masse mon articulation et me demande si ça va. Tournant mon regard sur le jeune homme, j'apprécie quelque peu son inquiétude et fini par hocher la tête «Oui oui, t'inquiète pas » le rassurais-je «ça tire juste un peu et je préfère arrêter là pour préserver mon genou et pouvoir ainsi survivre aux autres étapes » le rassurais-je.
Je le vois ensuite lever ses yeux au ciel et, presque instinctivement, je pose, moi aussi, mon regard sur les étoiles qui se trouvent au-dessus de nous. Tandis qu'un sourire détendu s'affiche à nouveau sur mon visage, Ambroise m'informe que si je veux aller me reposer dans la tente, je ne devrais pas hésiter. Lui, de son coté, va rester encore longtemps ici. «Et te gâcher le bonheur de m'expliquer en détail l'histoire de toutes les constellation ? » demandais-je, lui offrant un sourire amusé et secouant doucement la tête « Je vais juste me chercher un pull » expliquais-je en me levant.
Je bouge un peu mon genou avant de rejoindre notre tente. Là, j'attrape mon sweat shirt puis fouille dans le sac d'Ambroise pour en sortir le sien. Mais au lieu que ce soit sur le vêtement, c'est sur mon livre que se referment mes doigts. Je le sors un instant, l'éclairant avec la lampe de poche de mon portable et hésite quelques instants, me disant que je pourrais quand même rester ici et lire, mais décide que cette pièce de théâtre à fait bien assez de dégât comme ça ! Le remettant donc en place dans le sac à dos de l'australien, j'attrape son pull ainsi qu'un de nos duvets et un paquet de bonbons acidulés en forme de fusée -les préférés d'Ambroise- et retourne vers le feu.
« Tiens » dis-je en laissant tomber le sweat shirt de mon meilleur ami sur ses genoux. « J'ai aussi prévu le duvet si jamais on décidait de dormir ici à la belle étoiles» reprenais-je en posant le sac de couchage à nos côté « Et ...» je sors le paquet de bonbon, caché sous mon pull, avec un large sourire «L'aliment obligatoire » je m'installe à mon tour en lançant le paquet sur Ambroise « Et t'as vu, ce sont des fusées !» souriais-je en désignant les bonbecs « Spécialement créées pour toi» reprenais-je en rigolant doucement, enfilant mon pull.
Reculant ensuite ma tête dans la nuque, me penchant en arrière et m'appuyant sur mes mains derrière moi, je regarde le ciel et ses nombreuses étoiles qui brillent extrêmement clairement « Bon alors ? Je t'écoute. Explique moi tout» reprenais-je. Même si Ambroise m'a déjà énormément parlé de l'univers qui nous entoure, je sais qu'il meurt d'envie de faire savoir ses connaissances. Et comme j'adore l'écouter parler avec passion, je le laisserais bien m'expliquer tout ce qu'il voit.
Danser défoule et libère. Ça n’est plus à démontrer. Et cela fait pourtant longtemps (hormis pour son anniversaire) qu’il n’a pas dansé avec Clément d’une façon aussi intense. Ils en oublient tout. Et il est certain que son ami en oublie aussi ses cours et tout ce qui le tracasse d’ordinaire. Même s’il ne dit rien en ce sens, il fait encore croire que tout va bien et qu’il gère, Bonnie n’est pas dupe. Les signes du stress sont là, et se sont accumulés depuis l’arrêt de la danse pour le néo-zélandais. Mais ce dernier gère bien comme il veut. Cette randonnée a au moins atteint un premier objectif utile à Clément qui a vraiment besoin d’un break. Un vrai break. Sybille l’a d’ailleurs à ce point forcé de ne pas refuser pour cette raison notamment. A deux, les jumeaux vont peut-être pouvoir aider leur abruti d’ami. Plusieurs chansons s’enchainent avant qu’une toute particulière ne vienne casser leur rythme et leurs pensées. La voix de George Michael commence à peine à raisonner que les sentiments de Bonnie partent dans tous les sens. Et globalement, il se sent trop mal, trop perturber pour réagir. Il comprend les intentions de Clément, mais ne trouve ni la force ni les raisons pour l’interrompre.
Par chance peut-être, l’univers en la personne de Jane vient bloquer le déroulé des évènements. Elle entraîne Ambroise dans un slow avant qu’aucun d’eux amis n’aient le temps de dire quoi que ce soit. Et si l’australien se laisse volontiers embarquer, changeant promptement d’état d’esprit par un mécanisme de défense, le comédien retourne s’assoir, déçu. Bonnie offre cette danse à Jane, retrouvant sa bonne humeur, puis se dirige vers son ami une fois celle-ci terminée, car il ne peut presque plus tenir debout. La fatigue musculaire commence à se faire ressentir, même s’il n’a pas réellement envie de dormir. Pour une raison très simple, les étoiles sont fabuleuses. Il prend son temps pour se poser, allongé dans l’herbe, et reprendre ses esprits. Ce n’est qu’en se relevant qu’il engage une conversation, demandant après l’avoir remarqué si le genou de Clément ne le fait pas trop souffrir. Ce dernier le rassure sur le fait qu’il arrivera bien à tenir les prochains jours, s’il ne tire pas trop sur la corde. Mais Bonnie lui dit tout de même qu’il peut déjà aller dormir s’il le souhaite, mais le comédien refuse. « Je t’ai pas déjà saoulé avec ça ? » plaisante Bonnie en parlant des constellations, puis il hoche la tête et le regarde aller chercher un pull. Il revient quelques minutes plus tard avec un paquet de bonbons en bonus, et un hoodie pour lui. Ambroise l’enfile immédiatement, puis sourit légèrement en regardant le sac de couchage déposé à ses côtés.
Dormir à la belle étoile est en effet une proposition alléchante. Et puis il rigole en voyant le paquet de bonbons, le plastique orné de belles fusées qui se retrouvent à l’intérieur. Il l’attrape sans mal et l’ouvre sans attendre. « T’as bien fait, je manquais de sucres », rétorque-t-il à son meilleur ami qui s’assoit à côté de lui. Il en avale deux ou trois, avant de porter son regard vers le ciel à son tour. « Ch’t’en ai déjà parlé mille fois mais ch’pense que t’as rien retenu, donc ch’ai pas par où commencher », répond-il, la bouche encore pleine de sucre pétillant. Et délicieux. Et vraiment il commençait à tomber en hypoglycémie donc ça tombe pile poil. Il reprend un bonbon en bouche, avant de tendre le paquet à Clément pour partager. Il réfléchit en même temps, car il y a bien trop de choses qui se bousculent dans sa tête, reliées aux étoiles. Il les connait aussi bien qu’on peut le faire. Leurs légendes et leurs vérités. Les théories qui bataillent. Finalement les mots coulent tout seuls. Il adore toujours autant parler du Grand Emeu que voient les aborigènes, ce qu’ils ont à dire sur leurs constellations ; car celles de l’hémisphère sud, cartographiées par les marins occidentaux notamment, manquent de ces légendes profondes qui animent l’hémisphère nord. Certaines constellations font le chemin entre les deux, mais pas toutes. Cependant ici, l’air est plus pur, et on admet qu’il y a plus d’étoiles dans cet hémisphère. Au grand plaisir d’Ambroise. Il en nomme plusieurs, leurs particularités, il s’égare un instant sur les dernières découvertes dans le système solaire, un peu sur les trous noirs, et puis l’aube de l’univers qui gagne de plus en plus d’intérêt à ses yeux. Mais comme toujours, ça varie, et son point de concentration va bientôt changer pour le soleil, qu’une sonde de la NASA doit bientôt partir le frôler. Il parle d’une voix assez basse, n’attirant pas trop l’attention. Il n’attend pas tellement de réponses de la part de Clément. Grignotant un bonbon par-ci par-là, presque une heure s’écoule ainsi.
Il y a deux choses dont je suis sûr et certain qu’elles feront toujours plaisir à Ambroise : la danse et parler de l’univers et sa création. Nous avons fait la première dans un bonheur intense et je suis bien décidé de continuer dans ma lancée. Alors, après être allé chercher de quoi nous tenir chaud si jamais nous décidons de passer la nuit ici ainsi qu’un ravitaillement sous forme de bonbons acidulés, je me pose à nouveau à côté d’Ambroise. Celui-ci, après une remarque ainsi qu’une pique concernant ma mémoire de poisson rouge quand il s’agit de d’astronomie, commence son récit.
Et je l’aime. Bon dieu que je l’aime ce meilleur ami, lui, son pardon et l’amitié qu’il m’offre. Tandis qu’Ambroise observe le ciel, désignant plusieurs constellations du doigts, mon regard à moi est inéluctablement attiré par le visage merveilleux de l’australien. Aujourd’hui, plus que d’habitude, je trouves sa voix et ses expressions faciales sexy. Je crois que je pourrais l’écouter des heures et des heures sans jamais m’en lasser. Pour tout dire, je crois qu’il n’existe sur cette terre que deux personnes qui me font cet effet : Charles et Ambroise. Le premier pour des raisons logiques, étant le seul parvienne à parfaitement gérer sa voix et parler sur un timbre égal, le deuxième parce qu’il parle avec une passion hors normes.
Je fini tout de même par me coucher sur l’herbe, afin de pouvoir regarder le ciel sans risquer un torticolis, mon dos me faisant déjà bien assez souffrir comme ça. Croisant les bras derrière ma tête, je laisse la voix d’Ambroise me bercer jusque dans les bras de Morphée. Tout d’abord agréable, profond et sans rêve, ce sommeil devient bien rapidement plus léger, gérer par des cauchemars. Comme d’habitude, ceux-ci me ramènent 14 ans plus tôt en Thaïlande. Sauf que la différence cette fois-ci est majeure : je ne suis pas séparer de mes parents, mais d’Ambroise. Dans mon sommeil, je m’agite, ma respiration se faisant plus laborieuse, alors que mon regard se pose sur le corps sans vie de mon meilleur ami.
C’est à cette vision d’horreur que je sens une main se poser sur mon épaule. Celle-ci m’agrippe assez fortement pour me sortir de mon sommeil et c’est en légère panique que je me réveil et me redresse. Rouvrant les yeux, c’est sur le visage souriant et bien vivant d’Ambroise que mon regard se pose. Soupirant, soufflant, je me passe une main sur le visage et ouvre la bouche pour parler, mais l’australien me fait signe de me taire et montre simplement le ciel.
Levant les yeux vers les étoiles, je ne mets pas longtemps avant de voir ce que l’australien veut me montrer. Et c’est là, sous la lumière de cette lune rouge, que j’oublie la panique dans laquelle je me suis réveillé quelques instants plus tôt. « C’est magnifique» soufflais-je, sentant comment la pression redescend rapidement «Tu … t’as bien fait de me réveiller » murmurrais-je, reconnaissant. Autant parce que j’aurais été bien dégouté de ne pas voir ce magnifique spectacle, que parce qu’Ambroise m’a évité de m’enfoncer trop loin dans ce cauchemar.
Et c’est comme ça que je reste éveillé jusqu’au bout de la nuit. Au petit matin, mon meilleur ami décide de se coucher afin de grappiller quelques minutes de sommeil, tandis que moi je reste éveillé. J’observe quelques instants le jeune homme à mes côtés, puis déglutis et décide de me lever afin de m’éloigner du groupe. Les souvenirs de ce cauchemar menaçant de me submerger à nouveau, il me semble préférable d’aller faire un tour, seul, afin de ne pas déranger les autres si jamais je venais à craquer sous la panique.
Après avoir marché pendant plusieurs minutes, explorant les alentours et ayant pu observer un peu le lever de soleil, je reviens au campement où tout le monde est entrain d’émergé ou entrain de prendre son petit déjeuné. Je lance un sourire à James puis me dirige vers notre guide afin de me faire servir un café. Gobelet rempli de liquide fumant et tartine en équilibre sur une assiette, je retourne m’installer à la place que j’ai quittée plusieurs minutes auparavant, à côté d’Ambroise qui est déjà entrain de manger. « ça va ?» demandais-je «T’as pu dormir un peu quand même ? » j’essaie ainsi, en souriant, d’engager la conversation, me demandant si oui ou non je lui avouerais la vérité s’il venait à me demander où j’étais passé à son réveil.
Bonnie s’étonne toujours un peu quand Clément lui propose de parler d’astronomie, et cette fois-ci ne fait pas exception. Il l’interroge du regard, mais n’étant pas du genre à manquer ce genre d’opportunité, il profite de la courte absence de son ami pour réfléchir un peu à ce qu’il pourrait aborder. S’il absolument passionné et passionnant, il se doute bien que son meilleur ami fait ça pour lui faire plaisir, et vu certaines remarques il se demande toujours un peu si ça intéresse vraiment, réellement, profondément le comédien. Cependant il est bien loin de se poser ce genre de questions, tout comme il est loin de ressentir ce pincement au cœur à l’idée que son pote s’en tape du plus grand amour de sa vie. Au moins, il écoute, le Clément, et ça l’intéresse sûrement un bon quart d’heure, mais comme les enfants son attention est limitée dans le temps. Pas grave. Une fois armé d’un pull et d’un sac de couchage, et trouvant son énergie dans un paquet de bonbons, Ambroise entame son récit.
Les constellations tout d’abord, les étoiles ensuite, les trous noirs un peu, l’univers et sa création. Tout ce charabia pour d’autre qui n’est qu’une mélodie pour lui. Des notes qu’il comprend d’instinct, qu’il a apprises par cœur, qu’il connait sur le bout des doigts. La passion le guide, et il n’observe rien d’autre que les étoiles scintillantes et leurs secrets. Mais il en garde un scellé. Parce que si ses calculs sont bons, et ils le sont, il veut voir la surprise sur les traits de Clément. Au bout d’une heure, il finit par tourner le regard vers son meilleur ami, et le trouve endormi, alors il se tait. Il sourit légèrement et, allongé, observe encore les étoiles en silence un moment, avant d’être bercé par la lumière de la lune. Il a bien quelques heures. Lorsqu’il se réveille, la nuit est encore profonde, mais la lune a commencé à se colorer de rouge. Il a dû dormir... quatre heures environ, ça devrait suffire. En tout cas il n’attend pas pour réveiller Clément, qui ne doit en aucun cas manquer l’éclipse de lune qui se prépare et qui rougit étrangement le ciel nocturne. Il le réveille effectivement, sans se rendre compte qu’il vivait un mauvais rêve, et lui montre la lune sans un mot. Rouge, improbable, bientôt cachée, blottie dans l’ombre de la terre.
Il lui sourit, alors que Clément trouve cela magnifique, et ils restent ainsi jusqu’à la fin du spectacle. Silence ou chuchotements, ils sont absolument seuls. Tous les autres dorment, dans leur tente ou non, mais ils dorment. Eux, non. Presque que jusqu’à l’aube. Si Clément décide finalement de se lever, puisque l’heure du réveil approche de toute façon, Ambroise profite encore du cocon offert par son sac de couchage. Il est beaucoup trop bien pour en sortir tout de suite. Et même s’il a dormi plus tôt dans la nuit, Morphée lui fait encore de l’œil. Il s’endort presque sans s’en rendre compte, certainement pas plus d’une demi-heure, mais comme une pierre. Il se réveille naturellement, pas particulièrement gêné par le bruit de toute façon assez lointain du petit-déjeuner. Encore off, il se lève sans un bruit, esquisse à peine un sourire et un hochement de tête pour dire bonjour, et se dirige directement vers de quoi remplir son estomac et réchauffer son esprit. Il hésite devant le café fumant. L’odeur lui est appréciable, et le goût pas déplaisant, mais l’effet sur lui est terrible. Mais peut-être ce qui peut lui être tuile pour marcher toute une journée...
Finalement il décide de s’en tenir au thé, et se sert deux tartines dans un silence habituel pour lui, déconcertant pour les autres. Il ne loupe pas le regard de l‘irlandaise ou du japonais, surpris de ne pas avoir de bonjour en bonne et due forme. Mais si tout le monde l’a identifié comme introverti, même s’il n’a aucun mal à parler aux autres, c’est encore une partie de lui encore plus solitaire. Le matin en somme. Les siens ne sont jamais joyeux et pleins d’énergie, et se lever aussi tôt tous les jours va certainement peser autant sur son corps que l’exercice physique. Il va s’installer un peu à l’écart, et reste dans sa bulle pour le moment. C’est calme, tranquille, il pense à tout et rien à la fois, mais il n’a pas à supporter le bavardage inutile du matin, alors c’est parfait. Ignorant le reste du monde, il ne voit Clément que lorsqu’il s’approche de lui pour venir s’assoir. Son meilleur ami est l’unique personne ici qu’il ne va pas repousser.
Bonnie hausse les épaules, prenant une gorgée de thé pour faire descendre le dernier bout de tartine. « Ouais, comme un bébé. » Réponse succincte, incroyablement agrémentée d’une précision. Preuve qu’il a eu le temps d’émerger comme il le voulait, et qu’il est presque prêt à s’ouvrir au monde. C’est alors qu’il se rend compte qu’il n’avait pas vu le comédien à son réveil. « Et t’étais où ? » demande-t-il tranquillement, sans reproches, parce que Clément aurait très bien pu se trouver sous son nez depuis le début qu’il ne l’aurait pas vu dans son état particulier de réveil matinal. Il n'a pas non plus envie de trop rentrer dans les détails tout de suite, ni de creuser s'il sent que Clément ne lui dit pas tout. Et puis il contemple déjà le futur effort de ranger son sac de couchage, la pire épreuve du monde, et le reste de ses affaires ainsi que la tente.