Je ne suis jamais très négative. Non. On me considère plutôt comme le rayon de soleil, la joyeuse. Mais là, avec le retour de mon père, c'est comme si on était entrain de déboucher des égouts et que toute la merde remonte. Je le déteste et il est définitivement l'une des parties les plus sombres de ma personnalité. Je lui en veux et lui en voudrais toujours. Le voir là, aujourd'hui, me rend si mal et si folle. Ce n'est pas possible. Vraiment, il y a quelque chose qui cloche là dedans. Ma mère n'est pas idiote. Mais je sais qu'elle l'a aimé comme une folle et qu'elle l'a quitté pour moi. Je ne lui ai jamais demandé cela et pourtant, elle l'a fait. Instinct maternel. C'était moi, son sang, avant tout le reste. Et tout ce reste = mon père. " Il n'a pas toujours été si con. C'est d'ailleurs ce qu'il m'a le plus choqué " Du haut de mes seize ans, je suis tombée et ça a fait mal. J'ai mis longtemps à m'en remettre mais j'ai fini par me relever et avancer. Je m'en suis bien sortie. Comme quoi, on a pas besoin d'un papa et d'une maman pour s'en sortir dans la vie. C'est l'amour qui m'a porté, m'a donné des ailes et m'a donné la force de ne jamais rester en tête à tête avec ma tristesse. " Un vieux con égoïste " Que je souffle en haussant les épaules. Voilà comment je vois mon père depuis plus de dix ans maintenant. C'est un vieux con. Il s'est isolé de tout le monde et je ne veux pas faire d'efforts avec lui. À aucun moment. Pourquoi se battre avec un homme qui n'en vaut pas la peine ? La vie est courte et ma mère n'est pas éternelle. C'est avec elle que je veux passer mon temps, le temps qu'il lui reste. Et je veux apprendre à connaître mon cousin aussi. Et toute ma famille, s'ils veulent bien de moi. Peut-être qu'ils ne réagiront pas si bien qu'Andrew. Je n'en sais rien. Il a une femme dont il n'a plus de nouvelles, une amie qui s'appelle Alana et un fils. Wow. Ça fait de moi une tante alors ? Eh bien… " Plus c'est gros et plus c'est probable " C'est bien ce que l'on disait de tout ce qui a attrait à la fiction non ? Sauf que là, c'est la réalité. Et alors que j'aurais pu tomber sur n'importe quel cousin complètement fou, je suis bien tombée. Les fléchettes s'enfoncent dans le panneau et les points baissent, petit à petit. Rien de bien fou. On va en avoir pour la soirée, sans doute aucun. Et rapidement, il se confie à moi. Il a failli y passer. Par deux fois. " Wow… Ça doit être traumatisant… " Ça doit changer une vie, pour sûre. Je ne veux pas trop en parler, sauf s'il le souhaite. " Je suis contente que tes missions se soient bien terminées… A qui est-ce que je pourrais mettre la pâtée aux fléchettes sinon ? " Que je lance avec un large sourire en lançant une fléchette qui me rapproche un peu plus de la victoire. La classe. Ou pas. En tout cas, je suis contente d'avoir de la famille. Surtout avec tout ce qui va m'arriver sous peu. 2018 va finir en apothéose.

La vie adore nous faire quelques twists. Il n'a absolument aucune idée à quel point c'est vrai et douloureux autant que génial. Aujourd'hui, mon père est revenu dans ma vie et je viens de découvrir que j'avais un cousin. C'est comme si la vie me donnait un cadeau pour s'excuser de la merde qui arrive pour moi. Merci beaucoup pour ce petit geste. J'apprécie grandement. J'ai tellement d'émotions à gérer que je suis perdue, un peu perplexe et carrément prête à gérer tout ça du mieux que je le pourrais. " Si mon père est le petit lutin, je te jure que je lui casse les deux genoux " Que je lance le plus sérieusement possible. Que mon géniteur vienne foutre le bordel dans ma vie, pourquoi pas, mais dans celles des autres, c'est un grand NON. Surtout pour Andrew qui n'a rien demandé et qui a surement des tas de questions qui lui passent en tête. J'en ai déjà des tas - bien que rien de tout cela ne m'étonne vraiment venant de mon père - mais lui… Je me demande vraiment ce qu'il a pu se passer pour que mon père s'émancipe des Miriyan. Et dire que j'aurais pu avoir une belle et grande famille. J'essaye de ne pas trop y penser parce que mes amis sont ma famille mais c'est tellement difficile. Des fois, j'aurais voulu dire que moi aussi, j'ai des cousins et cousines trop cool. Mais ce n'a jamais été le cas. Il y a Greta, bien entendu, mais c'est différent. Elle a toujours vécu sur Londres et je ne pouvais pas trop me venter d'avoir une grande et belle famille avec tous ces kilomètres entre nous. On s'est toujours bien entendu mais c'est différent, il n'y a pas à dire.

En tout cas, nous passons un bon moment et je suis contente que ce soit si naturel entre nous deux. Bien entendu, on a besoin d'apprendre à se connaître plus que quelques banalités, sourires et blagues mais chaque chose en son temps, je n'ai aucun doute là dessus. " Ouai je comprends. Ma mère me disait toujours que lorsque l'on connaît l'environnement dans lequel on va, c'est plus facile de faire son travail. Surtout dans des situations extrêmes du type " Je pourrais parler de ma mère et de tout ce qu'elle m'a appris pour les cent ans à venir, il n'y a aucun doute là dessus. Je suis tellement fière d'être sa fille que, voilà. Ma mère, ma vie, c'est comme ça. Et peut-être que je devrais remercier mon père pour avoir agis comme le pire des connards qui soit à l'époque parce que sans lui, notre relation ne serait pas si fusionelle. Je l'écoute et souris légèrement. Il lui est arrivé tellement de choses. Il aurait pu mourir plus d'une fois et je ne l'aurais jamais rencontré. Un simple constat qui me pince le coeur et me ferait presque verser quelques larmes. " T'es entrain de me dire qu'il y aurait eu mille manières pour qu'on ne se rencontre jamais, d'accord " Je lâche un petit rire avant de boire une nouvelle gorgée de ma boisson et de lancer une nouvelle fléchette. Enfin, quand on y pense, si ma mère avait décidé de rester en Angleterre, je ne l'aurais jamais rencontré. Si j'avais décidé de retourner sur Sydney où se trouvait ma vie, il n'y aurait jamais eu cette drôle de rencontre. Complètement décalé mais ça nous correspond bien, d'une certaine manière. " J'ai vraiment faim, ils font rien à manger ? " Être avec Andrew, discuter avec lui a fait descendre mon rythme cardiaque et je me sens mieux maintenant. Un peu plus zen. Alors, autant en profiter. " À moins que t'ais besoin d'aller quelque part. Je voudrais pas te retenir " Que je souffle doucement avec un léger sourire sur le visage. Je pourrais toujours aller acheter des donuts et les ramener à la caserne. Je suis sûre qu'ils seraient tous heureux de me voir.

Frites avalées, jeu de fléchette gagné puis perdu, nous décidons de nous revoir bientôt. Si je suis arrivée dans ce bar avec la rage au ventre, j'en sors avec un sourire sur le visage, la tête un peu légère avec les bières bues et… Tout va bien dans le meilleur des mondes. Jusqu'à ce que la réalité me frappe en plein visage, bien entendu. Parce que le bâton revient toujours.