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 a soft brackets called interlude -леовски

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Message(#)a soft brackets called interlude -леовски EmptyVen 17 Aoû 2018 - 23:44


Si mes yeux sont les premiers à se rouvrir, le faible rayon de lumière filtrant en filigrane à travers les rideaux fermés n’en est pas la cause. Peu sensible à la lumière du jour le matin il n’est d’ailleurs pas rare de m’endormir les rideaux ouverts. Par oubli. Ne m’en rendant souvent compte qu’au réveil, me dirigeant inutilement vers la fenêtre pour en dégager la vue. Et si mes rideaux sont bels et bien fermés, c’est une fine sensation de chatouillement qui vient perturber mon sommeil. Bien peu lourd face à ce souffle si léger contre mon cou d’une tête nouvellement retournée de mon côté. Le cerveau engourdi reprenant peu à peu ses droits sur ma conscience. Corps ankylosé retrouvant le goût des sensations. Le toucher du drap sur ma peau nue, une main posée sur mon bras, cette faible respiration régulière venant s’écraser proche de ma joue. Je n’ai pas rêvé cette nuit, ne rêvant que peu ou ne m’en rappelant que très rarement, et pourtant des faits me revenant en mémoire subsiste un quelque chose d’onirique. Tout doute balayé alors que mon regard vient se poser sur celui qui, en plus d’avoir partagé ma nuit a partagé mon lit. Bonnie.
Les idées qui se remettent en place en une chronologie d'événements. Succession d’images me revenant en mémoire. De ma bibliothèque au canapé du salon. Couloir, chambre, lit. Bien plus de sensations comme souvenirs que de faits précis emportés par le sommeil ou l’abandon dans l’apaisement, révélés par mon réveil. Lui, dans le creux de mes bras à présent repliés sur mon torse. Seul contact de nos corps subsistant : sa paume sur celui-ci. Tournant la tête vers la droite que pour mieux l’observer, émergeant toujours de notre nuit. Merde. Il est tout aussi beau endormi. Presque angélique sans l’éclat de malice de ses yeux verts, de ses cheveux négligés à sa bouche légèrement entrouverte. Son torse presque dénudé faute de couverture et se soulevant à intervalles réguliers. Le découvrant paisible de cet état que seul confère l’endormissement. Etrange sentiment que celui de le trouver légitime dans mon lit. Désirant rien de plus que de le voir les yeux fermés de son sommeil profond tel un voyeur ne s’inquiétant pas d’être vu. Sans le toucher ou frôler son visage. Simplement, voir. Apprécier. Un fin sourire s’esquissant sur mon visage au rappel de ses dernières paroles avant de sombrer : je l’ai eu. Nuance cependant à cette pensée. Si je l’ai eu, je me suis tout autant fait avoir. Sa présence dans mon lit à mes côtés tout autant fruit de mon ardeur à le faire céder que de ses charmes qui ont opérés. J’en aurais ris si la certitude de ne pas le réveiller avait été de mise, peu désireux de troubler cet instant de contemplation qu’il ne me sera sûrement jamais donné de revoir.

Mille ans ou cinq minutes que je le regarde inlassablement, la temporalité brouillée par le réveil. Seul un mouvement de sa part d’un changement de position dans son sommeil parvient à me décider de me lever. Pas tant par peur de le réveiller que pour m’imposer une distance. Avant peut-être d’être pris par l’envie soudaine de l’entourer de mes bras, parcourir son corps de mes mains ou une autre connerie dans ce genre qui serait bien capable de faire pression sur ma volonté. Ma fuite de la chambre à coucher s’effectuant sans un bruit, retirant délicatement sa main toujours déposée sur mon avant bras pour la déposer sur le matelas. Glissant des draps dans une tenue d’Adam qui vient vite me donner la première marche à suivre de mon levé : retrouver mon bas dans le périmètre du salon côtoyant le sien sur le plancher. Nos vêtements comme témoignages de notre nuit, indices éparpillés dans la pièce. Retrouvant et enfilant caleçon et pantalon que pour mieux rassembler le reste des vestiges de nos étreintes et baisers. Ranimant bien des souvenirs, alimentant bien des pensées. Celle de déposer les affaires de Bonnie dans ma chambre avant qu’il ne se réveille, le préfigurant déjà ouvrant mes tiroirs pour se vêtir ou sortir de la même façon que j’en suis venu à sortir. Quoique pas déplaisant. Laissant les habits sur l’unique chaise de ma chambre avant d’en refermer la porte, certains qu’il en aurait été capable.

Rares sont les matinées laissées libres de ne rien faire en week-end comme en semaine, habitué à planifier, mais il faut croire que celle-ci est de ces matinées. Aux accents de calme solitude, quoique tenue par l’attente. Celle de son réveil à lui. L’heure vérifiée en même temps que d’éventuels messages sur mon portable par habitude : 11h00. Et aucunes nouvelles notifications. Particulièrement tard comparé à mon heure de réveil habituel, relativement tôt au vue de celle à laquelle nous avons dû nous endormir pour ne pas dire nous coucher. Mais il faut dire qu’il suffirait de 4 heures pour voir mon cycle de sommeil comblé. Finissant tard en raison du travail, habitué à me lever tôt. Rythme qui me convient dans tous les cas difficilement modifiable, c’est pourtant non sans un certain plaisir que j’en vois celui-ci de temps à autres modifié. Et tasse de thé russe à la main ramené par Vassili, c’est presque avec ravissement que je me vois m’installer dans le canapé, un Pouchkine choisi de ma bibliothèque dans l’autre main. Canapé d’autres contextes pour d’autres fonction. Témoin direct de mes faits et gestes. Recueillant les pans d’une vie jusqu’au souvenir le plus intime. Y travaillant sur des pièces matins et soirs, ayant accueilli mon frère, lire, manger, boire. Ou à d’autres égards accueilli bien des ébats. Pas plus tard qu’hier ou ce matin. Longue nuit à la temporalité fragmentée en autant de pièces de mon appartement. Sur ce même canapé que j’en viens à immerger encore un peu. Tranquille. Patient. Lisant. Prévoyant peut-être de travailler sur une maquette si le temps commence à se ressentir comme long. Un fond de O.children branché à la chaîne hi-fi. Juste assez fort pour atteindre jusqu’au couloir. Trop faible pour venir déranger un dormeur d’un sommeil profond.
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Message(#)a soft brackets called interlude -леовски EmptyMer 22 Aoû 2018 - 18:45



Soft brackets called interlude.
Ambroise & Andreï


Un frisson de froid l’éveille. Ses yeux s’ouvrent lentement, avec une certaine difficulté, alors que sans va remonter machinalement les draps. Qui ne sont pas ceux de son lit. Sur le dos, Ambroise a la tête tournée vers les rideaux fermés. Un fin brin de soleil indique le jour, mais l’heure reste un mystère. Dormant si profondément l’instant d’avant, il a du mal à se souvenir. La date, son prénom. Un seul lui revient en tête, et c’est à la recherche de l’homme nommé ainsi qu’il se redresse sur ses avant-bras pour balayer le côté du lit qu’il n’occupe pas. Quoiqu’il est quasiment au milieu, puisque seul sur ce matelas qui paraît presque trop grand. Son regard tombe sur l’oreiller portant encore la marque d’une autre tête, mais nulle boucle à l’horizon. Avec un lourd soupir il se laisse retomber dans la sensation cotonneuse. Sur cet autre oreiller, plus que sur celui qu’il utilisait, subsiste l’odeur du russe. C’est pourquoi, presque inconsciemment, Bonnie y pose sa tête et inspire profondément. Ses paupières se referment, apaisé, il quasiment roulé en boule sur ce coin de matelas à présent frais. Andreï a dû se lever depuis un moment déjà, et il est pris du regret de ne pas s’être réveiller au même moment. Ou de ne pas l’avoir vu endormi. Déçu, sans doute, de ne pas avoir été réveillé par une caresse. Son esprit encore nimbé de sommeil et de ces pensées lascives, libres, s’imagine l’air qu’Andreï doit arborer en dormant. La sévérité enlevée de ses traits. La douceur. La tête du réveil, intimité un peu plus dévoilée.

Un papillon lui traverse le ventre alors qu’au même instant, des bribes de leur nuit lui reviennent. La lenteur, la passion, des regards, un désir, du canapé au lit. Aux draps défais qui entourent à présent son corps dénudé. Ereinté. Deux ou trois fois. Quatre ? Non quand même pas. En tout cas il est vidé de toute énergie. Preuve s’il en est besoin qu’il n’a pas dormi assez pour récupérer de toutes ces émotions. Il se souvient petit à petit de tout, distinctement, mais avec des accents de rêve, comme si c’était trop beau pour être vrai. Comme un songe on ne peut plus réaliste. Lové dans ce lit qui n’est pas le sien, seul, il esquisse un sourire. Personne ne peut le voir ainsi, avec cette expression. Inqualifiable. De bonheur et de contentement. De plénitude. Il se rappelle s’être blotti contre lui dans la nuit, sous le couvert de l’obscurité une fois la lampe de chevet éteinte. Il se rappelle avoir toujours cherché son contact, sa peau. Il se rappelle avoir senti sa présence jusque dans son inconscient endormi. Ambroise, s’il dort chez ses partenaires, et ça n’arrive pas souvent, prend soin de partir dès que possible. Pourtant, là, il traîne ostensiblement. S’étirant comme un chat, observant les murs, les meubles, les livres, à la faveur du peu de lumière émanant de la fenêtre à présent dans son dos. Ça n’est pas sa chambre, et pourtant il s’y sent chez lui. Ce qui ne le pousse pas à se lever. Rien ne l’y oblige réellement, alors pendant bien un quart d’heure, il profite de ce calme absolu.

Mais deux choses finissent par le tirer du lit. Première, la faim. Deuxièmement, et c’est un point plus difficile à avouer, une espèce de solitude qui le dérange. Une incertitude, qu’il essaie de balayer en se rappelant qu’Andreï n’a pas de raison d’être sorti de l’appartement. L’envie de le voir, peut-être. Sa primité manquante, le vague souvenir de la chaleur du creux de ses bras. Détail qu’il oublie volontiers alors qu’en s’asseyant au bord du lit, s’étirant une dernière fois tout le haut du corps, il remarque ses habits posés sur une chaise. Un fin sourire s’esquisse sur ses lèvres. Il n’imagine pas l’état du salon avec leurs vêtements éparpillés. Il se lève enfin, les muscles qui répondent, son corps qui se réveille entièrement. En revanche, alors qu’il tend la main pour se saisir de sa chemise froissée, il hésite. Il préfèrerait une douche avant. Quand même. Vu qu’il n’a que ces fringues... Mais il ne va pas sortir de là entièrement nu, déjà hors du lit il a presque froid. Il se redresse en se passant une main dans ses cheveux déjà ébouriffé. Un coup d’œil aux alentours. Une idée. Sans gêne, il ouvre ce qui lui semble être la penderie. Bingo. A l’intérieur de l’armoire cependant, les habits sont propres. Il ne l’est pas vraiment. Sueur en partie. Fluides en général. Une grimace fronce le nez, et il referme la porte. Andreï n’est pas à ce point désorganisé pour laisser des vêtements trainer, mais une pauvre chemise solitaire se trouve à côté de la fameuse chaise. Sur une pile de livres, comme posée là par miracle. Il s’en saisit sans honte. Bien trop grande sur sa menue carrure, mais qui cache tout ce qu’il faut. Avec son odeur, un gel douche peut-être en y repensant, de toute façon enivrante. Et l’envie de l’embarquer chez lui come souvenir. Il termine de la boutonner correctement avant de sortir du cocon de la chambre. Presque avec un soupire ; il était bien.

C’est alors qu’il fait attention à la musique, trop faible pour l’avoir dérangé. Mais un soulagement. Celui de ne pas être seul. Se frottant les yeux une bonne fois pour toutes afin de chasser tout reste de sommeil, il remonte lentement ce couloir. Des flashs de ce même endroit derrière les paupières. Un sourire. Un bâillement silencieux. Il ne fait pas de bruit, alors qu’il s’approche du canapé bel et bien occupé. Ou plutôt de la table basse qui, outre contenir une maquette et un livre, ainsi qu’une tasse de thé, est aussi l’endroit où se trouve son portable. Objet oublié de la soirée, de la nuit, qui a du tomber de sa poche. Il s’en tape. Il se penche pour s’en saisir, regarde seulement l’heure, sans faire attention aux quelques messages et appels manqués de Sybbie. Il était censé rentrer, c’est vrai... « Oh boy... » marmonne-t-il, la voix encore éraillée. De sommeil et de la nuit dernière. Presque treize heures, pas étonnant que sa jumelle soit un peu inquiète. Il ne reste jamais aussi longtemps ; préférant quasiment traverser la ville très tôt pour se coucher ensuite, que de s’éterniser chez ses conquêtes. Finalement, il dû plus dormir que d’habitude. Il se laisse tomber sur le canapé à côté d’Andreï, une jambe repliée sous lui et une main sur le visage. La tête appuyée contre le dossier, il tourne son regard vers le russe, l’observant sans remords et surtout sans en avoir l’air, avec son expression blasée. « Ma sœur va m’arracher la tête pour pas l’avoir prévenue, j’peux rester un petit peu plus longtemps ? » demande-t-il, avec un soupçon de regard de chien battu, et ce ton encore traînant. Et puis il a faim, et il veut une douche, deux détails qu’il n’oubliera pas. Reportant ensuite furtivement son attention sur la maquette en cours de finissions devant eux, et le livre ouvert posé sur la table, il espère qu’Andreï n’a pas trop attendu son réveil. Mais il ne peut pas poser une telle question, il passerait pour un mec qui en a quelque chose à faire. A la place : « C’est sympa ça... » souffle-t-il en indiquant la maquette d’une mouvement de menton.  « C’marrant qu’toi et ton frangin au final vous fassiez l’même boulot. Arranger des espaces... » Il est pas assez réveillé pour dire des choses, mais pas non plus assez pour les retenir. Entre l’instant où il se lève et celui où il est vraiment vivant et maître de lui, il y a un sacré pas à franchir. Pas qu’il se serait retenu, il aime bien trop dire ce qu’il pense, mais ça aurait eu plus de réflexion interne.

 
Emi Burton
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Message(#)a soft brackets called interlude -леовски EmptyJeu 6 Sep 2018 - 18:42


[...]C’était déjà la fin de septembre, il sortit, conduisant lui-même. Il aperçut bientôt la petite maison....
C’était déjà la fin de septembre, il sortit, conduisant lui-même. Il aperçut bientôt la petite maison d’Andreï Gavrilovitch. Des sentiments contraires...
Il aperçut bientôt la petite maison d’Andreï Gavrilovitch. Des sentiments contraires…
Des sentiments contraires...



C’était déjà la fin de septembre, il sortit, conduisant lui-même. Il aperçut bientôt la petite maison d’Andreï Gavrilovitch. Des sentiments contraires remplissaient son coeur.


пиздец. Le livre retourné sur les genoux ouvert à la page 26, la tête retombant dans un soupir sur le dossier du canapé autant par abandon que par dépit. C’est pris par cette soudaine flemme léthargique d’esquisser le moindre mouvement que mes yeux viennent à se clore. Incapable d’avancer dans ma lecture, lisant les premiers mots de la phrase que pour mieux les oublier dès les suivants. L’esprit embué, ma vue se troublant sous la vision des caractères d’imprimerie. C’est pourtant pas faute d’avoir essayé mais je dois bien finir par me l’avouer : si rares sont les fois où mes propres pensées parviennent à être une présence hostile à ma lecture, elles me font aujourd’hui office d’un brouilleur des plus performants. Interférence allant jusqu’à prendre le dessus sur ma subvocalisation des phrases du roman. Pensant à autres choses. Tout simplement. La tête brune qui se trouvait si près de la mienne et que seules une pièce et une porte close séparent à présent. Les détails de la nuit me revenant plus clairement en tête, le thé clarifiant mes pensées. Avec la vapeur de sa chaleur s’estompant la sensation d’un réveil cotonneux. Laissant d’autres sensations reparaitre. Celui de son manque que je n’avais pas besoin de combler, ma peau constamment au contact de la sienne. Celle de sa chaleur que je n’avais pas besoin de rechercher, la température de nos corps se confondant au seul rythme de quelques accalmies. Un nouveau souffle audible qui vient s’échapper d’entre mes lèvres. Rouvrant peu à peu mes paupières, le regard fixe comme voulant percevoir à travers le mur d’en face. Ce même regard descendant avec lenteur sur la couverture du livre posé négligemment sur mes genoux. Pouchkine. Doubrovski. Ma main qui s’en saisit. “d’Andreï Gavrilovitch. Des sentiments contraires remplissaient son coeur.”  Le refermant tout aussitôt de cette même paresse qui m’avait pris plus tôt. Tout bien réfléchi, peut-être de voir son propre prénom dans un roman n’aide pas non plus à retrouver mon entrain de la lecture. Butant sur cette même phrase d’une façon mécanique systématique. Il me semble qu’après tout se sont bien des pensées contraires qui sont la cause de ma dissipation. L’analyse comme arme habituelle face aux papillonnements de mon esprit, honnête envers moi-même : si cette nuit est l’unique nuit d’un long jeu d’égo, de volonté et de séduction, elle n’est pas de ces uniques nuits de banalité d’un coup d’un soir. Dès le départ on l’a toujours su. Du moins, je l’ai toujours su. Et je ne l’avais pas imaginé autrement que mémorable. Mémorable cependant moins bien concrète. Lui, disparaissant de la même façon que nos regards s’étaient pour la première fois croisés : en un coup de vent. Ma porte se refermant derrière lui, un simple dernier regard de malice en arrière signifiant qu’il ressort victorieux de ce duel avec comme seule consolation le souvenir du goût de ses lèvres. Mais certainement pas passant la nuit à mes côtés et encore moins être en proie à ce sentiment d’attente. Attente de son réveil, attente de sa venue, attente de le voir dans un autre contexte parcourir les étagères de mon salon et s’asseoir sur ce canapé. Agréable attente mais dont la pensée seule me déplait. Je ne suis pas de ceux qui attendent. Et pourtant. Une attente que la lecture n’est pas parvenu à remédier mais que d’autres tâches parviendront tout aussi bien à éclipser.

Succinct rangement du salon, nouvelle tentative vaine de me replonger dans mon roman et une suite d’idées désamorcées les unes après les autres. Celle de sortir à l’extérieur car très peu pour moi les errances sans but dans le quartier. Celle de prendre ma douche : la salle de bain trop proche de la chambre pour en activer les jets d’eaux sans en réveiller l’actuel pensionnaire. Ou encore celle de m'atteler à mon travail laissé en suspens pour les même raisons pour lesquelles ma lecture s’est arrêtée à la page 26 de mon roman. Pas glorieux. Et c’est au final sur mon canapé que je m’en vais retrouver ma place non sans m’être resservi une tasse de thé. Checkant une dernières fois les notifications de mon téléphone pour me donner une contenance, cette fois-ci couronné de succès. Un simple sms dont la vue du destinataire ne manque pas de me décocher un sourire : Vassili.
Tu pourras perpétuer avec moi la légende urbaine que je me suis battu à mains nues avec un dingo ou que j’ai un passé très sombre qui me rappel à l’ordre de temps à autres s’il me prenait l’envie de trahir des informations capitales d’un genre de mafia ?” Un rire venant ponctuer ma lecture. Qu’est-ce qu’il lui est encore arrivé à celui-là ? Nouveau vibreur de mon téléphone, une photo de sa paume tailladée et une légende pour toute explication. “Ne jamais sous-estimer le pouvoir d’une feuille de papier A3.” Moi qui croyait avoir tout vu avec mon frère, je ne suis jamais au bout de mes surprises. Typique de Vassili et il n’y est pas allé de main morte. Levant les yeux au ciel à cette énième pensée : seulement deux semaines qu’il s’est installé et me voilà déjà corrompu par ses jeux de mots à la con. Hésitant cependant à le lui envoyer comme réponse, le connaissant de trop pour savoir que j’en entendrais encore parler pendant 1 mois. Tant pis, c’est envoyé. Il faut vraiment qu’il se soit blessé pour que j’accepte de lui tendre une perche pour m’emmerder. Et c’est reposant le portable aux côtés de mon livre sur la table que je remarque sa présence. Contournant simplement le canapé avec un naturel presque évident, prêt à atteindre la table basse. La vie reprenant son cours alors qu’il est levé.

Je ne l’ai pas entendu arriver, son pas sur le plancher du couloir certainement recouvert par la musique émanant de la chaîne hi-fi, et c’est pourtant imperturbable que j’accueille sa présence. Pas le moins du monde surpris de son arrivée, comme s’il avait naturellement sa place là, dans le salon. Tout sentiment d’attente volatilisé à sa vue avec une banalité déconcertante. Me le détaillant intérieurement comme un mémo pour moi-même : ancrer sa petite mine défaites du matin, entendre sa voix enrouée aux accents rauques, reconnaître cette chemise trop grande pour lui mais que je lui laisserai pourtant volontiers. Esquissant un sourire en coin alors que je le vois prendre place à mes côtés sur le canapé, des restes de cette fragilité ensommeillée ponctuant ses gestes. Si certains auraient pu souligner son arrivée d’un “enfin réveillé ?” je ne le fais pas. Simple spectateur silencieux de son immersion, c’est mon sourcil qui se lève alors que sa voix brise une nouvelle fois le silence de nos voix, se superposant à la musique comme arrière-plan. Sa soeur ? Nouveau mémo intérieur. Pas d’interrogation portée à vive voix. M’amusant cependant de son audace habituelle : un pseudo oubli de clefs l’aurait tout autant fait rester chez moi. Et je n’aurais tout autant pas montré mon intérêt à ce que sa présence entre mes murs soit prolongée. Éclipsant l’affirmative par un rapport plus détaché, n’en voulant pour autant pas moins dire. “J’ai le choix ? Tu as déjà ma chemise en otage.” L’humour, toujours comme outil de parade. Désignant son téléphone de mes yeux de cette même once d’amusement“Et puis, je m’en voudrais de te livrer à un tel tyran.” Perche expressément tendue, ne demandant pas plus que m’immiscant. Rebondissant simplement à mon habitude à sa remarque à lui, quoique m’essayant expressément à la devinette par pure déduction logique. “Soeur aînée ?” De la même façon que j’accueille son commentaire à propos de nos maquettes à Vassili et moi. “ Ca n’était pas prévu mais oui… Amusant. Si on lui demande tu peux t’assurer qu’il te dira que je l’ai secondé.” Notre esprit de compétition à tous les deux tout autant aiguisé, il ne raterait pas non plus une occasion de vouloir se montrer premier. Dommage pour lui que je sois l’aîné, ça fera au moins un fait sur lequel il lui est impossible de tricher. Mon téléphone se mettant à vibrer à cette pensée, le nom de Vassili s’affichant sur l’écran comme voulant affirmer sa présence : il tombe au bon moment celui-là. Levant les yeux aux ciels pressentant déjà la moquerie à propos du jeu de mot c’est plutôt de ma tasse posée sur la table basse dont ma main vient se saisir, dédaignant par la même occasion le téléphone à ses côtés. Me retournant, un sourire éclairant mon visage à la vision d’un Bonnie encore à la frontière du réveil. Délicat sur mon canapé de sa position presque sculpturale.
Je vais refaire du thé, tu veux quelque chose ? Café ? Petit déjeuner ? Pour ma part j’ai pas encore mangé et je dois avoir pas mal de choses dans la cuisine.” Tout autant invitation à rester à émerger encore un peu sur le canapé ou à me suivre pour faire son choix. Après tout s’il a décidé de rester, ça n’est pas comme-ci le temps nous manquait.
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Message(#)a soft brackets called interlude -леовски EmptyVen 7 Sep 2018 - 10:28



Soft brackets called interlude.
Ambroise & Andreï


Sortir du lit est synonyme de fin. Quitter cette pièce pour ne plus réellement y revenir. Laisser les souvenirs derrière lui. Bonnie est surpris et agacé par la difficulté rencontrée. Il n’a pas envie de se lever, il devrait. Néanmoins il ne le fait pas. Pendant un bon quart d’heure, il émerge, et son cerveau fatigué et sans barrière lui rappelle la nuit, la douceur, la chaleur, les sentiments qu’il veut retrouver. Pour une fois il s’y plonge. D'ordinaire la question ne se pose même pas. Une fois le désir assouvi, il ne revient pas. C’est simple, mathématique. Andreï perturbe ses calculs et il n’aime pas ça. Ou plutôt il se persuade de ne pas aimer ça. Et ses contradictions internes finiront par le rendre fou ; il les remarque parfois et le ressent physiquement, ce tiraillement infernal. Il aurait dû partir dès le point du jour, clore cette porte, se sentir un vainqueur ayant eu ce qu’il souhaitait peu importe les dommages collatéraux. Mais il est resté. C’est lui le dommage collatéral, sans qu’il ne le comprenne ou l’accepte. Rester blotti dans ses draps, contre son corps, est un choix qui lui a été imposé par son épuisement, se dit-il, et non par cette envie de faire durer une nuit qui n’aurait dû rester que cela. Unique. Qui ne mène à rien d’autre. Une fois le seuil de l’appartement franchi, pas un regard en arrière. Il doute qu’ils se reverront autrement que par hasard. Rassasié, pour le moment, Ambroise se satisfait des souvenirs qui remontent à la surface, et accepte d’être encore présent au réveil.

Soudain il n’y pense plus et il se lève. Tant pis s’il ne devrait pas. Il veut rester, confusément, encore un peu. Il veut laisser son empreinte ici. Egoïstement. Par vengeance pour tout ce qu’Andreï lui fait subir sans s’en rendre compte. Plus éveillé, les portes se referment, et ses sentiments repassent en arrière-plan. Aucune pensée ne leur est accordée avec sérieux, il se contente de suivre son instinct, son envie. Soupçonnés de pragmatisme. Reprendre ses habits sans passer par la case douche lui est impensable, et il a d’abord faim. Par chance, une solitaire chemise l’attend sur une pile de livres. Nul besoin d’en voler une propre. Le tissu glisse sur sa peau et dégage ce parfum caractéristique. Il inspire. Il oublie. Concentré sur les boutons, et amusé. On pourrait presque rentrer deux Bonnie dans cette chemise. Presque. Il est fin, mais pas squelettique. Et le russe est musclé, mais pas massif. Ce qu’il faut, ce qui lui va. Ce qui donne quand même à l’étudiant ce sentiment d’enveloppement. Son corps à la mémoire du poids d’Andreï sur lui, mais aussi de ses caresses, et de son souffle. Une bonne chose de faite ; la nuit a été à la hauteur de l’évènement, et il se sent un peu moins étrange de rester encore un peu finalement. Ça n’est pas une habitude dans les coups d’un soir, pour lui en tout cas, et il suppose qu’il en va de même pour le russe. Mais ne bizarrerie de plus ou de moins...

Vêtu uniquement de la chemise empruntée, il longe le couloir silencieusement, sans se presser. Des flashs lui reviennent en mémoire, et en voyant la chevelure bouclée dans le salon, un énième sourire s’empare de ses lèvres. Soulagé de ne pas se retrouver face à un appartement vide. Sans se faire remarquer Ambroise s’approche ; un questionnement sur l’attente, vite oublié pour satisfaire le besoin primaire de sa génération. Son portable fût le réceptacle de l’inquiétude de Sybbie. Plusieurs messages, plusieurs appels manqués. Naturel de sa voix aux accents descendants du sommeil. Plus rauque, plus écossais. Pas trop fort. Comme si le moins d’efforts était requis. Surpassant à peine la musique, il demande sans y penser s’il peut errer un peu plus longtemps, par peur de revoir sa sœur. Certains pourraient croire qu’elle n’est pas si inquiète, qu'elle aurait pu le bombarder davantage d’appels. Mais il la connait. Mieux que personne. Le savon qu’il va recevoir en rentrant devrait être mémorable puisqu’à en juger par ce qu’il lit, Clément n’est pas rentré non plus – guère étonnant, car suite à la dispute Bonnie n’a pas plus envie de le revoir. Le canapé l’accueille naturellement. Rien ne dénote dans cette scène. Le regard d’Andreï sur lui indique qu’il n’a pas été surpris. Resté simple observateur, il prend la parole cependant pour répondre. Et l’once d’expression de petit chien battu est bien vite remplacé par un sourire en coin.

Pourtant, Ambroise se sent assez à l’aise pour ne pas sortir tout de suite de cet état spécifique au réveil. Pas encore prêt à affronter la réalité, que certains attaquent à coup de caféine. Il n’a pas cette option, alors en général il grogne et rembarre quiconque le secoue trop rapidement. Même Sybille si elle n’y fait pas attention, sauf qu’elle est immunisée. Bonnie aime assez ces moments, il n’a pas envie d’enlever le voile qui ralenti son corps, qui apaise son esprit. Ce dernier a bien redémarré, pas encore aussi vif et alerte qu’il peut l’être, mais assez pour ne pas s’attarder consciemment sur ses émotions et avoir des idées et des mots en pagaille. De façon innée il réfléchit à tout, tout le temps, mais analyser ses sentiments ne le mène à rien et il déteste être simple spectateur, à ne pas pouvoir les contrôler ; il a davantage l’habitude de les suivre, et ceux qui ne lui conviennent pas sont relégués dans l’ombre. Et pour en revenir à son réveil, il béni tous les dieux pour le silence d’Andreï, pour son caractère calme, pour l’apaisement qu’il lui procure. La confiance. Le Bonnie du matin est bien différent du Bonnie du soir. L’énergie n’est pas encore là, son assurance aussi. Elle ne s’exprime pas. Ses mécanismes de défense sont faibles, mais réagiraient à toute attaque. On le croirait encore à peine sorti du lit, prêt à se rouler en boule contre le russe. On le croirait appartenant à la vie qui anime l’appartement. « Mh, tu marques un point, c’était plus une question rhétorique... » sourit-il mutin.

Andreï n’est pas dupe face à son envie de rester plus longtemps et à son utilisation de toute excuse possible. Agissant ainsi sans vouloir y penser, Ambroise se contente de prendre l’humour comme couverture. « Et sache que ta chemise m’habille de son plein gré, je ne l’ai pas forcée. » Impossible de ne pas rebondir sur cette histoire d’otage. Impossible de ne pas s’amuser à jouer sur les mots avec un homme qui comprend. Impossible de ne pas occuper son esprit ailleurs que sur ce ‘’oui’’ caché et la joie furtive ressentie. Son rire s’élève ensuite quand Andreï désigne sa sœur par le terme de tyran. « T’es pas loin de la vérité », répond-il sur le ton de la confidence. « Non, petite sœur. Enfin de 11 minutes seulement, on est jumeaux. » Aveu naturel. Ouverture. Ils se connaissent encore peu au final, si peu par les standards de la société pour se considérer comme amis ou davantage. Ça serait oublier que l’australien ne suit pas les conventions, faute de les comprendre et d’aimer les règles. Il se sent plus proche de russe que de certains de ses potes, dont il connait pourtant les hobbies, les habitudes, la vie. Une relation intime et lointaine, unique. Coucher avec quelqu’un ne signifie pas le connaître, et pourtant. Mais pas que, il y autre chose en jeu. Impossible cependant de mettre des mots dessus. Echange de bons procédés aussi, il a quelques informations sur le frère d’Andreï, pourquoi n’en aurait-il pas sur Sybille. Et cet écart à ses règles ; ses autres conquêtes, il s’en fiche, et il ne se livre pas. Pas comme ça que ça marche. Andreï a le droit d’en apprendre plus. Sans étonnement, tout ceci donnant une forte impression de normalité chez Bonnie.

Posant son regard sur la maquette devant lui, il remarque à quel point les parcours des deux frères peuvent être similaires. Une réflexion par rapport aux informations emmagasinées hier. Qui fait naître un amusement chez Andreï. Un amusement chez Bonnie à sa réponse ; la nouvelle idée qu’il aimerait bien rencontrer ce frère qui paraît si différent, ne prévoyant pas le cataclysme de leurs deux personnalités taquines face à un aîné désemparé. Mais n'oubliant pas qu’ainsi, il en apprendrait plus sur son russe favori. Train de pensées qui dévie en entendant le vibreur d’un portable qui n’est pas le sein, coup d’œil, le loup en question. Pas de réponse écrite, et pas de commentaire de sa part. Le plus jeune, laissant reposer sa tête contre le canapé, ne suit les mouvements du scénographe que du regard. Silencieux de nouveau, comme si le peu de dialogues échangé lui demandait de retrouver ses forces pour sociabiliser. Un peu. Manière de l’observer aussi, de savourer ce moment. Le regret de ne pas le découvrir davantage au saut du lit. Andreï lève les yeux au ciel, visiblement blasé par son petit frère, et lui préfère son thé. Le portable délaissé sur le côté, Bonnie se rappelle du sien, mais ne sait pas encore comment se justifier auprès de sa sœur. De toute façon subjugué par le sourire que lui offre Andreï en portant son attention sur lui. L’impassibilité du visage délicat d’Ambroise ne laisse pas paraître le rêve qui le traverse de part en part. Digne d’un tableau des grands maîtres, l'atmosphère capturée. L’instant passe ; il aurait pu se prêter à un baiser, une attention, une tendresse. La voix le sort de cette courte transe. Moment d’attente pourtant, mais il se trouve forcé de répondre et de malheureusement briser leur bulle.

« J’ai faim oui... Et je veux bien un petit-déj, si ça te dérange pas », demande-t-il sans fermeté dans la voix. Une politesse qu’on pourrait croire absente chez lui, mais il a été bien élevé avant de décider que ça n’était pas toujours utile. Et une once d’hésitation. A se montrer trop compliqué, trop décideur, il craint une réaction négative. Pourquoi. Se rendant compte qu’il ne sait pas, que ça n’est pas ses habitudes de tergiverser, il arbore ensuite un sourire en avouant qu’il ne supporte pas le café. Il assume. « Ça sera un thé par contre, le café a beaucoup trop d‘effet sur moi. Je deviens insupportable. Plus que d’habitude », précise-t-il sur le ton de la plaisanterie, alors que ça n’en est pas une. Pas tellement. Malgré tout il ne bouge pas tout de suite du canapé, et laisse à Andreï la responsabilité de les tirer de cet endroit douillet encore chargé des souvenirs de la veille. Son regard vert le détaille alors qu’il se lève, et se rend dans la cuisine. Avant de se lever à son tour, Ambroise s’étire encore, avec un soupire de contentement alors que tous ses muscles le remercient. Il rejoint ensuite son amant d'une nuit d’un pas plus léger. Pas pressé cependant. Il laisse son regard vagabonder un peu partout, glanant ici et là des informations sur ses habitudes. Une habitude et un plaisir dans ce cas. Et à côté de ça il cherche un moyen, une excuse, pour ensuite retourner flemmarder sur le canapé assez grand pour être complètement à l’aise à deux. « Le thé aussi est importé de Russie ? J’espère.. ? » demande-t-il en s’approchant du scénographe qui s’affaire déjà. Rappel non dissimulé de leur soirée, même remarque faite quant à la vodka. S‘approcher mais sans toucher, aucun contact depuis leur réveil. La chemise servant ce but, quelque part. Ambroise ne recherche pas autant sa proximité, celle-ci déjà présente sur son dos. L’intimité d’un vêtement emprunté, partagé. Ayant nonchalamment fait quelques pas sur le côté, observant un peu les magnets et les notes – sans intérêt, dommage – accrochés à la porte du frigo, il sourit en coin. « D’ailleurs... Ai-je été bel et bien plus efficace que de la vodka pour te réchauffer ? » Ses yeux verts sur tournent vers Andreï. Un regard par-dessus son épaule, assez pour y trouver cette lueur narquoise. Il adore sa mémoire des fois. Souvent. Tout le temps.


Emi Burton
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Message(#)a soft brackets called interlude -леовски EmptyJeu 20 Sep 2018 - 21:18


Je l’ai attendu, bien obligé de me reconnaître suspendu à l’idée de son réveil dès le moment où mon pied a foulé le pas de la porte de ma chambre. Refermant la porte comme refermant une parenthèse. Celle de notre nuit à la temporalité défaillante, le matin se confondant au reste de la soirée, la veille me semblant tout autant plus qu’un souvenir lointain que notre premier regard échangé. Les sensations éprouvées encore aussi vives que mon esprit matinal embué alors que le thé joue son rôle de dissiper les doutes quand à la véracité de notre nuit. Rendant plus net les souvenirs et avec eux, l’attente. Mes occupations matinales bien plus prétexte pour tuer le temps que par pure envie. Oubliant presque la musique, ne parvenant plus à retenir aucun mots, le volume de thé diminuant peu à peu dans sa théière tel une clepsydre qui s’écoulerait lentement à intervals réguliers. Obligé d’admettre que malgré tous mes efforts pour ne pas y paraître je tourne en rond, au sens propre comme au figuré. Un parcours mécanique rythmant à son tour cette attente. De mon canapé à la bibliothèque, de la bibliothèque à la cuisine, de la cuisine au canapé. Tuant le temps en tentant de focaliser sur des actions bien plus pragmatiques mes pensées. Echec. Seul victorieux, détournant mon esprit de cette boucle sans fin : mon frère. Son nom affiché sur mon téléphone comme me permettant de m’ancrer finalement bel et bien dans le présent. Mon rire accompagnant son humour. Mes yeux levés au ciel comme réaction habituelle face à son éternelle maladresse. Ne me faisant découvrir que tardivement celui qui se tient à présent à mes côtés, naturellement debout. Enfin réveillé et récompensant de sa présence ma patience : Bonnie. Me rendant à l’évidence, et-ce sans aucune surprise, que le seul moyen de mettre un terme à mon attente était d’en accepter l’idée. Et bien plus encore d’en remettre la délivrance entre ses mains.

Aucun signe sur mon visage n’aurait pu traduire ce temps passé à me rattacher à l’idée de son réveil. Non pas parce l’attente fut telle qu’elle en devient intraduisible mais bien car je n’en reste pas moins maître de moi-même. Accueillant sa présence comme s’il n’avait jamais été question de son absence. Sans avoir besoin de le feindre puisque les faits parlent d’eux-même et que je ne suis pas de ceux qui feignent. Tout portant à croire qu’il n’avait au final jamais quitté ce salon. Tout portant à croire que le salon même attendait son arrivée pour reprendre là où le temps s’était arrêté. Relais entre le souvenir de Bonnie parmi ces murs et sa nouvelle présence physique. Silencieux dans cet environnement qu’il a déjà fait sien, comme-ci les lieux s’étaient déjà fait à sa personne évoluant en territoire conquis. Véritable félin, parcourant avec légèreté les planches du parquet sans un bruit et venant se déposer à mes côtés du canapé non sans un dernier regard à son téléphone. Aussi effronté la nuit qu’à son réveil, ma chemise sur son dos comme signe d’audace assumée. De ces félins qui prennent ce qui leur revient de droit, qu’importe l’avis du propriétaire. M’en amusant et la lui laissant volontiers. Percevant cependant son propre calme qui m’était encore inconnu. Calme d’une mise en route d’un réveil dans la pesanteur de ses gestes. Une sérénité apparente sur son visage encore engourdi. Tranquillité similaire à celle que je ne lui ai perçu qu’un peu plus tôt, observant son souffle tranquille s’écraser contre ma joue, sa main sur mon propre torse retenu par mes draps. Chanceux d’avoir été témoins de cet unique instant de fragilité que prodigue l’endormissement.

Cependant fidèle à lui-même, je reste moi aussi fidèle à mon éternel mutisme. Parler seulement quand le besoin s’en fait ressentir. Ni plus ni moins. Certaines évidences des questions gardées pour mon propre compte : si je vois bien qu’il est réveillé, il est exclu de le faire remarquer. Si j’ai bien compris qu’il avait une soeur, inutile de le lui faire répéter. Me décidant finalement à lui répondre, mon ton trouvant écho dans le sien. La nuit n’aura au final rien changé à nos questions-réponses, bien au contraire. Et si je ne suis pas dupe malgré l’excuse toute trouvée, il n’y a pas à douter que derrière mon ton détaché je suis bien arrangé de le savoir vouloir éterniser quelque peu sa présence ici. Comprenant que de trop qu’avec Bonnie c’est tout ou rien. Parti aux aurores, je n’aurais gardé de lui que ce souvenir presque irréel de sa présence dans mes draps et de sa marque ancrée dans mon matelas sans en demander plus. Mais à présent que c’est son visage qui accompagne mon propre réveil, toute éventualité de fuite m’en voit frustré. Un fond de fierté qui aurait hésité à le retenir plus longtemps, ça n’est pas à moi que le choix s’est imposé. Mon propre pouvoir décisionnaire remis entre ses mains : s’il veut profiter encore du canapé, me le demander n’est plus qu’une formalité. Formalité que je ne manque pas de lui faire remarquer. Humour et clairvoyance comme principal atout de communication, fonctionnant tous deux sur ce point de la même façon. Trop tentant d’en user auprès d’une oreille compréhensive, les sous-entendus se faisant comprendre d’eux-mêmes avec naturel. Ne sachant que trop bien que mon affirmative sous-jacente à ma réponse a su trouver bon-entendeur. Il reste. Ca n’est pas moi qui l’aurait décidé. Remettant tous deux la faute sur un autre élément. Sa soeur peut-être dont il veut retarder le courroux ? Ou ma chemise qui se sera glissée d’elle-même sur les épaules de Bonnie. Mon sourire se dessinant un peu plus sur mon visage face à son répondant. “J’aurai rarement vu ma propre chemise me prendre en traître.” Dernière allusion à son excuse toute trouvée pour retarder l’instant de retourner chez lui. S’il y en a un qui me prend en traître, c’est bien lui. Et je ne m’en trouve pas plus dérangé.

Pas le moins du monde étonné par son réveil ou son arrivée, c’est en revanche avec un léger haussement de sourcil que j’accueille la précision de Bonnie à propos de sa soeur. Peu commun d’avoir affaire à des jumeaux, l’option ne s’était pas profilée dans mon esprit. Haussement de sourcil me faisant également me rendre compte que j’en sais toujours aussi peu à propos de Bonnie qu’à notre première rencontre. Comme toute information un prénom et un fait. Une soeur, jumelle, de 11 minutes la cadette. Me retrouvant dans cette situation peu habituelle de m’être bien plus dévoilé à lui que lui à moi. Déroutant lorsque l’on connaît ma réticence à m’exposer aux autres, même de façon la plus factuelle qui soit. Mon propre appartement en révélant d’autant bien plus sur moi que toute parole précédemment formulée. Ma bibliothèque comme véritable livre ouvert de mes propres influences, les maquettes témoignant de mon travail dans le cadre le plus personnel qui soit, Vassili toujours omniprésent dans chaque recoins de mon appartement. Si ce n’est de part ses propres objets, c’est à travers moi-même ne pouvant manquer une occasion de souligner son existence. Au final, Bonnie me connaîtrait presque bien plus que certaines de mes connaissances. Mais c’est avec étonnement que je ne m’en formalise pas plus que ça. Mu par ce sentiment que le nombre d’informations que je pourrais détenir sur lui importe peu et a toujours peu importé. Qu’il a toujours été cet “inconnu brun” de mes soirées sans jamais l’être tout à fait. Que tout ou rien savoir revient au même, sans conséquences sur le reste là où la vie poursuit son cours indépendamment de nos propres actions. Seuls protagonistes extérieurs pouvant influencer notre échange : un frère et une soeur.

Inlassablement, on y revient. Si ça n’est à propos de la soeur de Bonnie, le sujet se tourne vers Vassili. Souriant à la pertinence de sa remarque, le regard porté vers les maquettes trônant sur la table. Et bien que nous ne soyons pas jumeaux, il n’y a pas à dire que nous sommes sur beaucoup de points similaires. Notre choix de métier n’en étant qu’un parmi tant d’autres. Pourtant, nos ressemblances valent bien toutes nos différences qui ne sont pas non plus à prendre à la légère, à commencer par le contraste de nos deux caractères. Le message de mon frère comme un rappel de cette dernière pensée : sa maladresse habituelle énoncée ne faisant pas partie de mes caractéristiques. Et, malgré mon agacement apparent à la vue de sa nouvelle notification, celui-ci est bien plus prétexte pour reporter mon attention vers Bonnie qui a su trouver sa marque dans le canapé. Presque fragile dans ma chemise s'arrêtant à mi-cuisses, sa tête reposant sur le dossier, rien non plus sur son visage pour traduire ses pensées rajoutant presque à son charme. C'est ma voix qui rompt ce ballet silencieux par une nouvelle proposition pas des moindres lorsque l'on vient tout juste de sortir d'un état ensommeillé : celle de préparer thé, café, ou autres éléments d'un petit déjeuner.

Temps laissé en suspension, toute attente portée dans sa réponse. C'est seulement après un court instant que sa voix me parvient. Le doute tourné vers le choix de la boisson. Et pour accompagner sa faim, celui-ci se portera également sur du thé à défaut de pouvoir supporter la caféine. Mon rire venant se mêler à la fin de sa phrase : “En plus d'une chemise tu m'emprunterais des livres c'est ça ?” Taquinerie, clin d'oeil comme rappel de son temps passé à observer ma bibliothèque la veille découvrant mes livres avec intérêt. Prenant le prétexte de la chemise précédent pour illustrer son caractère insupportable. Insupportable audace qui a tout pour me plaire. Profitant de ces dernières paroles pour me lever et me diriger vers la cuisine, non sans un dernier regard vers celui qui fut la conquête victorieuse de ma nuit. Peut-être incitation à venir me rejoindre dans la cuisine, désireux de l’avoir encore une fois égoïstement à mes côtés. Quoique la pensée de le retrouver installé sur le canapé de la même façon présente les mêmes attraits.
Si je ne suis en règle générale pas des plus affamés au petit-déjeuner, il en est tout autre quand l’heure se fait déjà tardive comme celle-ci. Et c’est supposant que la faim de Bonnie doit elle aussi se faire ressentir vive qu’un plateau repas se profile. Les tranches de pain placées dans le toaster, la confiture prenant place à ses côtés alors que de l’eau a été placée sur le feu de la bouilloire, une nouvelle tasse est ajoutée aux côtés de la mienne. Mon bras se tendant pour atteindre un placard en hauteur que pour mieux me saisir d’un pot de thé également rapporté par Vassili, c’est du coin de l’oeil que je perçois l’entrée toujours aussi délicate de Bonnie. L’air de rien. Sa question me décochant un sourire en coin au souvenir évoqué. Certainement pas dupe non plus sur la façon de dériver vers un nouveau sujet de conversation. Répondant pourtant de cet habituel note d’humour à cette dernière, désireux de montrer que la référence n’est pas passée inaperçue de mon côté. “Tu le refuses en cas contraire ?” Rappel d’une dernière condition à sa venue dans mon appartement : de la vodka russe ou rien. Contentant cependant sa question par une nouvelle réelle réponse. “Mais oui, tout droit sorti de la valise de mon frère... Je te préviens, comme thé noir il vaut bien la caféine si ce n’est plus. On a souvent tendance à le faire très concentré même si je ne vais pas jusqu’à te le servir dans un samovar, il garde un goût fort malgré les épices que l’on rajoute dedans !” Une technique d’adoucissement du thé que je n’ai jamais perdue bien que ma bouilloire electrique ai remplacé le traditionnel samovar. Il y a une limite aux coutumes.

Un temps de silence seulement couvert par le son d’une eau qui bout dans la bouilloire. Un tintement d’une théière dont ma main se saisit et de l’eau qui s’écoule d’un récipient à un autre. C’est toujours de ma vision périphérique que mon oeil s’amuse de la démarche détachée de Bonnie promenant son regard sur la cuisine. Et reposant la bouilloire sur son socle, c’est mon air consciencieux qui se pare d’un nouveau sourire alors que mon regard se relève droit devant moi : si j’avais pressenti l’allusion se profiler, je ne l’aurais pas pensée aussi explicite. Mais c’était sans compter sur l’audace de Bonnie et la malice de ses yeux verts tournés vers moi. Me pinçant les lèvres et continuant quelque peu de m’affairer avant de me retourner dans sa direction, un paquet de souchki à la main. Une même malice venant s’immiscer dans ma voix. “Alors comme ça tu attends un compte-rendu ?” Une question en chassant une autre. Aucun de nous deux n’aurait répondu à la sienne, et pourtant il suffit d’un regard pour déjà tout dire. Ouvrant à présent le paquet de biscuit en forme d’anneaux entre mes mains, mes doigts s’en saisissant d’un pour le tendre vers Bonnie. Incitation à le voir se rapprocher, incitation à à son tour s’en saisir. “Tiens, goûtes-ça” Pourtant peu habitué à exposer le folklore de mon propre pays, c’est non sans un sourire en coin que je me vois partager quelques traditions gustatives russes auprès de mon brun. “Ce sont des souchkis, ça se mange en accompagnement du thé pour contrebalancer l’amertume et patienter de sa chaleur…” Attendant qu’il s’en saisisse et qu’il y porte un croc pour détailler sa réaction. Similaire à un sablé à la vanille, c’est bien plus son pays d’origine qui fait sa différence. Un nouveau sourire éclairant mon visage en anticipation de mon propre implicite. “C’est trop gros de ma part de te dire que les russes pensent la même chose du thé que de la vodka?” Certainement. Aussi gros que sa propre allusion précédente. Mais après la nuit passée, il y a déjà longtemps que nous nous sommes passés des formalités. M’amusant pourtant toujours de nos sous-entendus placés à destination de l’autre, c’est d’un sourire empli de ces sous-entendus que mes mains se saisissent du plateau fourni de son thé, toasts et autres biscuits. Un dernier signe de tête avant de me diriger vers le salon autant traducteur de ces deux idées : “suis-moi” et “viens manger.”
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Message(#)a soft brackets called interlude -леовски EmptyDim 23 Sep 2018 - 8:11



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Ambroise & Andreï


La réalité. En retrouvant Andreï, il retrouve le reste de ses souvenirs, les repasse en boucle afin de les ancrer plus profondément encore. Ambroise a conscience que tout ceci ne se reproduira pas si tôt, et probablement jamais ; il ne veut rien oublier. Sa mémoire possède toute sa confiance, il n’y a que peu de défaillance, mais c’est comme vérifier encore et encore le coffre le plus sécurisé où est gardé ce qui nous est le plus précieux. Et le russe a déjà une place à part. Cette nuit magique, unique, plus que toute autre. Les détails s’empilant, depuis le premier regard, une émotion toujours aussi vive. Instant teinté de la lumière chaude des théâtres et du reflet de velours rouge des sièges où il est si aisé de se replonger. Puis en boîte de nuit, obscurité et flashs vifs. Rapprochements toujours plus hardis, audaces incessantes, reculs et pas en avant. Jusqu’à cette nuit ; entre bibliothèque, dernier verre et canapé, entre draps froissés au réveil gardiens de chaleur. Souvenirs. Vérités. Il n’a aucun doute sur le sujet, sa présence jusqu’au matin appuyant bien cette réalité vivace et particulière, alors qu’il s’installe sur le canapé comme si la pièce entière lui appartenait, et n’avait attendu que lui pour revivre. Il est cependant à des lieues de penser que cette impression va plus loin encore. Qu’Andreï lui-même a été tributaire de son réveil, dans cette attente sans repos. Car en le trouvant occupé par son portable, la vie reprenant son court d’un timing parfait, rien ne laisse transparaître l’avant.

Mise à part en un autre lieu, une jumelle qui s’inquiète. Premier sujet de conversation, support parfait pour traduire une envie de rester sans y paraître. Une trêve, avant de retrouver son tyran de sœur. Ça l’amuse, il saute sur l’image pour en rire. L’humour les aidant tout deux face à l’étrangeté de la situation, cette intimité rare pour ce qui ne devrait être qu’une fugace aventure. Rare et naturelle. Les sous-entendus plus inconscients chez Ambroise, qui ne veut s’avouer avoir envie de s’éterniser. Faiblesse de plus s’il en est. L’attraction du russe est puissante, et possède diverses formes que l’australien ne connait pas. Qu’il subit. Réciproques pourtant, car entre deux mots et sourire, le scénographe laisse paraître le même désir de le voir occuper encore l’endroit. Lui laissant le choix, et ravi de se voir imposer sa présence. Sans s’approcher de la vérité, sans verbe précis, et cette envie pourtant commune de proximité. Ne pas y accorder de réalité, se croire encore totalement décisionnaire. Une complicité, une fois de plus, aux limites de la conscience de Bonnie. Une ironie sans doute, celle de deux âmes trop fières. Trop indépendantes. Trop solitaires. Un silence trop ancré qui enferme un souhait cherchant à sortir par tous les moyens. Ici sous l’ombre de Sybille, bientôt sous un autre prétexte. Ambroise n’est que rarement à court d’idées, et ça n’est pas Andreï qui attirera la lumière sur ce que cachent ces excuses. Ce qui ferait fuir le plus jeune à coups sûrs. Une valse les yeux fermés qui les contente tous deux.

« Toujours se méfier de ce qui nous est le plus proche... » murmure sa voix un peu rauque, retrouvant une malice nocturne. Un enfant encore, souvent, une légèreté dans ses effronteries. Commençant la journée par la plus belle insolence qu’il eût été possible de concevoir. Ses vêtements préparés, rapatriés dans la chambre, c’est pourtant vêtu d’une chemise de son hôte qu’il s’est présenté. Nouvelle marque de sa présence dans la vie du russe. Assurance derrière l’audace de faire comme chez lui. Aucune remontrance ne l’attend, et il le sait. Un calme pourtant qui tranche avec son énergie du soir. Ambroise est bien plus un oiseau nocturne, vibrant la nuit et s’éteignant le matin. Un redémarrage lent au réveil, toujours, surtout lorsque son corps lui fait comprendre qu’il n’a pas assez dormi. Dans ce cas, suite aux derniers ébats. Une heure de plus peut-être. Mais c’est dans sa tête, il sait surtout que la paresse prime, l’environnement cotonneux, la présence d’Andreï qui l’apaise plus que nécessaire et fait baisser sa garde. Cependant il l’accepte. Premièrement au travers d’explications, certes furtives, concernant sa sœur jumelle. Deuxièmement en prenant son temps pour sortir de cet état matinal, profitant de la sérénité. Contraste avec la nuit dernière et celles d’avant. Mais cette même habitude de ne pas tout déballer. Il ne va même pas jusqu’à prononcer le nom de Sybbie, il s’arrête là. Comme si Andreï savait déjà tout. Ou n’avait pas besoin de savoir. De nouvelles informations qui ne sont pas nécessaires mais agréables, comme évoquer ce frère et les communs que se partagent les deux.. russes. Son nom de famille, il n’en a aucune idée. Même pas pensé à regarder les boîtes aux lettres, se notant mentalement de le faire en repartant. Un nom aux telles sonorités ne court pas les rues.

Un détail de plus. Tout n’est que détail finalement, une façade extérieure dont Bonnie n’a pas besoin pour apprécier plus que raison son bel inconnu. Ayant une connaissance plus instinctive, plus profonde, sans qu’il ne puisse la comprendre ou l’expliquer. Mais si c’est inutile d’en apprendre toujours plus, reste que le sentiment est délectable et il instille la pensée dans la tête d’Ambroise que rencontrer ce jeune frère serait très intéressant. Reste aussi qu’il a plus ou moins compris que le russe n’a pas pour habitude de se livrer. Point commun, encore une fois. Et pourtant le jeune homme a fini par rassembler plus d’informations qu’il n’a donné sans aucun effort, et même en omettant le fait qu’ils se trouvent dans son appartement. Sortir des sentiers battus, pour l’un comme pour l’autre, de façons diverses mais dont la cause reste la même. L’autre. Andreï ne se dévoilerait pas autant à un autre. Ambroise ne resterait pas aussi longtemps chez un autre. Un exemple parmi le reste de ces infimes changements. Au milieu de ce qui ne change pas ; un silence qu’aucun ne trouve gênant ou déplacé. Une pause accueillie. Une capacité à se contenter de la présence de l’autre sans combler le vide, de toute façon faiblement rempli par la musique en toile de fond. Bonnie en profite pour l’observer, encore légèrement frustré d’être arrivé après la bataille, de ne pas avoir vu sur son visage les restes du sommeil. Il envisage aussi furtivement de répondre à sa sœur, mais la pensée s’évade d’elle-même. Car le moment est plus important le temps de deux battements de cœur. Un autre couple se serait embrassé avec la douceur adéquate. Ils ne font que se regarder avant de briser l’opportunité.

Un petit-déjeuner qui est le bienvenu, ainsi qu’un thé. Nouvelle précision inutile aux yeux d’Ambroise sur l’effet du café, qu’il glisse sous un ton de plaisanterie. Avec un léger rire, Andreï le nargue sur ce qu’il entend par insupportable. Au point de lui emprunter des livres, en plus de voler sa chemise ? Tout d’abord il balaie l’idée d’un geste vague de la main, une expression blasée sur le visage. « Ah non ça c’est déjà prévu. Je parlais de bien pire que ça, mais je vais pas te gâcher la surprise. » conclut-il avec un sourire en écho, tout aussi narquois. Défi. Qu’il ne tentera pas lui-même ; sous caféine il peut être pire que sa sœur, qu’il a lui-même encore parfois du mal à supporter. Il n’a pas envie de faire subir ça à Andreï, ni à lui-même d’ailleurs. Mais il se sait déjà insupportable dans un sens plus commun, avec cette habitude de répondre à tout et d’avoir réponse à tout notamment. Le centre de son attention bouge ensuite vers la cuisine, lui offrant un dernier regard, qu’il se retrouve à suivre. Se levant un peu à contre-cœur du canapé qu’il aurait bien envie de retrouver plus tard, il avance jusqu’à rejoindre son russe affairé à leur préparer un petit-déjeuner digne de ce nom. S’il n’a pas le besoin impérieux comme la nuit dernière (depuis le taxi) de le toucher, rester à proximité est une évidence. D’un coup d’œil à ce qui va finir dans son estomac presque gargouillant, il voit passer le pot de thé russe. Il ne peut s’empêcher une remarque, la même question émise pour la vodka. Presque la même réponse. Ravi de ne pas être le seul à se souvenir, à s’amuser de ces remarques et de leur jeu, des sous-entendus. Il peut se laisser aller et être compris, il en a la sensation profonde depuis longtemps mais la réalité est toujours aussi plaisante à éprouver.

Sourire en coin, donc, à ces premiers mots, puis écoute attentive des explications, quand bien même son regard est déjà ailleurs. Il reporte ensuite ses yeux verts sur Andreï, haussant les épaules. « Ton thé noir ne me fait pas plus peur que ta vodka, ça me fera moins d’effet de toute façon. » Alcool et caféine, même combat. Ou presque. Il esquisse un sourire avant de reprendre un air plus neutre. Factuel. « Je suis davantage curieux, j’ai bien plus l’habitude du thé britannique. Je suis écossais, côté d’mon père, et c’est le genre de tradition culturelle qui reste facilement », avoue-t-il presque sans y penser. Comme si, encore une fois, Andreï avait tout deviné. Mais les intonations sur certains mots ont déjà trahi Ambroise par le passé, ça ne l’étonnerait guère que le schéma se reproduise. Il se décale ensuite, se laisse de nouveau guider par ses yeux jusqu’au frigo d’où, le dos tourné vers son russe, il reprend avec la même idée de souvenir et d’audace. Coupant court au silence. Demandant confirmation sur sa capacité à donner chaud. Il s’éloigne un peu plus de son état au réveil. Un sourire sans équivoque, une lueur dans l’émeraude, alors qu’il regarde par-dessus son épaule en se tournant légèrement, ne voulant pas manquer la réaction d’Andreï. Parfaite, comme prévue. Il a fini de verser l’eau bouillante dans la théière, laisse les secondes s’écouler alors qu’il lutte visiblement pour ne pas répondre du tac-o-tac et le laisser patienter. L’amusement n’en est que plus grand suite à sa réponse-question.

Une formulation qui ne laisse malheureusement pas Ambroise insensible, obligé de se retenir consciemment de vibrer. La manière si aisée du russe de lui faire ressentir ça est trop déroutante, mais l’opportunité de lui répondre avec taquinerie occulte cela. « Pas besoin visiblement... » argue-t-il avec une certaine lascivité détachée. Les yeux en disent long. Leurs regards se connaissent mieux qu’eux-mêmes. Et se comprennent. Puis de retour à des intérêts plus terre à terre, oubliant leur jeu sans fin, qui reprend dès le matin sans effort, pour se concentrer sur une spécialité russe. Un gâteau en forme d’anneau, brillant comme un bagel, mais bien plus petit. Sa curiosité ravivée, Bonnie s’en approche pour s’en saisir délicatement. Appréciant cette découverte, tout autant que ce partage. Non, ça n’est pas un simple coup d’un soir, très très très loin de là. Il n’a jamais pensé cela certes, mais il n’imaginait pas que ça pouvait aller aussi loin et fasse naître cette atmosphère familière. Il murmure le nom de ces biscuits, écoutant les explications d’Andreï avant de porter l’anneau à sa bouche. Regardant le russe qui patiente. Croquer un morceau, goûter, sourire. « Oh c’est bon.. », souffle-t-il son approbation, juste avant que son scénographe ne remette sur la table le sujet abordé malicieusement qui se poursuit. Sans prendre de gants, comme lui tout à l’heure qui a commencé à tracer ce chemin. Le thé aussi, pour les russes, est synonyme de chaleur. Son sourire se transforme, taquin, alors qu’il hausse les épaules. Rien n’est trop gros après l’amorce qu’il a osé faire. La tête légèrement penchée sur le côté, il le fixe sans ciller. Après cette nuit (et depuis longtemps d’ailleurs), ils ne sont vraiment plus à ça prêt. « Seulement si tu envisages que je te réponde de la même manière », réplique-t-il avec une légère moue. Une nouvelle façon de demander entre les lignes un nouveau rapprochement ? Il serait mentir de dire qu’il n’y a pas déjà pensé alors qu’il vient quasiment tout juste de se lever. Infernaux. « Ce qui risque fort d’arriver... » Un murmure. « Tu veux qu’on retente l’expérience de ma capacité à rivaliser avec tes adages russes ? » Il n’a pas su attendre, et il propose, téméraire et désinvolte, avant de mordre à nouveau dans son sablé à la vanille.

Un silence. Et il se décale alors, pour le laisser passer avec le plateau repas. Attendant une seconde de plus avant de se détacher du plan de travail où il s’était furtivement appuyé pour le suivre. Le souchka voit sa fin arriver en une bouchée. De retour dans le salon, c’est à nouveau le canapé qui les reçoit, et la table basse dégagée qui réceptionne le plateau. Partir dès l’aube, ou ne pas partir du tout, visiblement. Tout ou rien. La situation est assez drôle en un sens. Ambroise ne pensait pas s’éterniser autant, et à présent il n’imagine pas repartir. Il est entré dans un piège sans volonté de s’en échapper. Laissant à Andreï le soin de remplir leur tasse d’un thé fumant, témoin de sa chaleur presque excessive, il se réinstalle sur le canapé en récupérant son portable. Sa sœur s’est rappelée à lui, et il n’a pas envie que ça recommence. Un sms rapide, facile, et il n’aura plus à y penser. « Je vais bien t’inquiètes pas, je rentre dans la journée, je te raconterais, bisous. » Ses doigts sont vifs, puis délaissent le portable avec la même rapidité. Le voilà fin prêt pour s’attaquer à ce petit-déjeuner. Tranches de pain grillées et confiture gagnent sa première attention, et c’est en silence qu’il prépare une tartine. Tout aussi en silence qu’il la place à côté de la tasse d’Andreï avant d’attaquer la confection d’une deuxième, pour lui-même. Un juste retour des choses pour celui a servi la boisson. L’odeur du thé empli l’air doucement, et lui donne envie d’en prendre une gorgée, mais il sait que la température est bien trop haute. Sa paume se pose pourtant tentativement sur la tasse, chaude. Et préfère sa tranche de pain confiturée. « Les russes boivent toujours le thé aussi brûlant ? » demande-t-il, en observant un Andreï bien moins dérangé que lui. « Mais ça explique des choses, remarque... » rajoute-t-il avec un léger rire espiègle, énième sous-entendu. Le thé réchauffe autant que la vodka, cette phrase ne l’étonne donc absolument pas. Et la nuit d’hier, ainsi que les aveux du russe, prouve qu’il a été plus qu’à la hauteur. Il n’a pas besoin d’un retour sur ses performances, mais il est, quelque part, content de lui avoir rendu la pareille. Troublant. Bonnie n’a pas eu juste envie de prendre son pied comme il se doit, il a eu à cœur de donner autant qu’il a reçu. Pensée très rapidement balayée car jugée dangereuse.


Emi Burton
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Message(#)a soft brackets called interlude -леовски EmptyMer 10 Oct 2018 - 22:23


Un léger renfoncement inscrit dans le canapé comme témoignage de ma présence alors que c’est vers la cuisine que je me dirige, une subtile marque de tasse laissée sur le bois de la table basse à l’endroit même où se tenait plus tôt la mienne, une fine musique dont l’air s’échappe discrètement des enceintes comme par peur de s’imposer. Le décor est posé. Mon salon, espace de vie et de travail familier. Autant si ce n’est plus que ma propre chambre à coucher. Habitué à recevoir le quotidien de mes actions, mes habitudes, mes manies comme une routine perpétuelle. Le travail en musique, les messages de mon frère, la lecture, le thé, les maquettes. Un rythme que rien ne semble pouvoir briser sous la quiétude de mon salon, et que pas même la présence de Bonnie vient chambouler. N’ayant pas besoin de trouver sa place là où elle lui était déjà réservée : à mes côtés, les pieds sur le canapé. Portant une chemise que je ne lui ai jamais prêtée alors que je ne peux à présent plus le voir autrement que dedans. Légitimité nouvelle de la porter alors que c’est se renvoyant la balle qu’il en fait ma traître. De sa malice peu à peu retrouvée dénotant avec un état bien plus ingénu dans lequel il m’a été donné de pouvoir l’observer : le souffle régulier et le torse qu’à moitié découvert. Paisible, dormant. Et ça n’est à présent plus sommeillant mais bien pensant qu’il vient s’ajouter à l’équilibre conféré par la pièce. Non pas rompant celui-ci, mais presque élément essentiel pour permettre aux engrenages de fonctionner correctement. Le temps comme au ralenti attendant sa venue, reprenant avec naturel sa route sous l’effet de sa simple présence. Partant presque à regret préparer le petit-déjeuner en laissant derrière mes pas ce cliché unique de Bonnie la mine encore si délicatement embuée malgré nos éternelles joutes verbales. N’ayant cependant pas pu tourner les talons sans capter au vol sa dernière remarque. M’éclipsant dans la cuisine non sans un dernier rire précédant un regard “J’ai bien pris note : pas de café. Et vérifier la bibliothèque avant que tu ne partes.

Le voir partir. Cette prédiction paraît bien improbable alors que les mots franchissent le pas de ma bouche. La succession des actions depuis son réveil ne trahissant en rien le caractère supposément éphémère de la nuit, tout porterait presque à croire qu’il n’en aurait pu être autrement que de le voir rester sans avoir eu besoin de le retenir. Cette pensée formulée ne faisant que traverser mon esprit : si des quelconques messages de sa soeur ne sont pas parvenus à lui faire la rejoindre, difficile pour moi de prévoir lorsque le moment sera venu de se congédier. Lui injoncter de s’en aller sans demander de restes malgré bien plus qu’une simple nuit partagée entre deux baiser. Ayant moi aussi évoqué mon frère, laissé vêtir ma chemise, servi un petit-déjeuner. Les silences ponctuant notre conversation non pas source de gêne mais bien au contraire d’une aisance familière. En d’autres circonstances sûrement propice à la tendresse dans la douceur d’une parole ou d’un baiser. Et bien qu’aucun de nous deux ne doivent quelque chose à l’autre, c’est de façon insidieuse que la pensée de ne plus rien avoir affaire avec lui vient en côtoyer une nouvelle : réitérer en d’autres jours l’instant puisqu’au final, des règles, il n’y en avait aucune.
C’est la préparation mécanique du petit-déjeuner qui vient bien vite balayer ces digressions matinales, le pragmatisme reprenant le pas sur la fantaisie sans pour autant empiéter sur le fantasme. Lui, bien vivant. Avancée délicate de ses pas sur le carrelage de ma cuisine que mon coin de l’oeil perçoit sans pour autant interrompre le ballet de mes mains s’affairant des placards au plateau. Trouvant dans sa présence une conscienciosité nouvelle tandis que mes gestes se font exacts. Les tranches de pain remplaçant les tasses, et les tasses l’eau chaude tenue entre mes mains. Efficacité témoignage d’un geste habitué tandis que c’est mon esprit qui peut se permettre de porter son attention sur les paroles d’un autre objet. La progression observatrice de Bonnie dans cette autre pièce, sa voix résonnant à nouveau la première dans mon dos.

Le matin qui a supplanté la nuit par notre réveil n’a pas pour autant effacé de nos mémoires ses évènements successifs. Et si en émergeant du lit ce sont surtout images et sensations qui parvenaient à se succéder, ce sont à présent par ses dialogues que des bribes de la soirée sont remémorées. Une première simple allusion quoique bien plus évocatrice que n’importe quelle autre parole trouvant écho ce matin aux évènements de la veille : le thé d’importation russe est non sans rappeler la vodka. L’avertissant à propos de sa possible amertume et de la force de sa théine comme il en a été de même pour les degrés de son homologue alcoolisé. Le thé noir valant bien le café si ce n’est cette “petite eau” transparente si bien entamée. C’est avec amusement que je l’entends de la même façon que la veille tenir tête à mes recommandations. A ses dires, rien n’étant plus dévastateur que le café c’est le thé qui fait bien pâle figure. Et après avoir inauguré l’alcool traditionnel, peu de choses pourraient bien lui résister. Et si j’aurais pu m’attendre à clore le sujet du thé sur cette dernière conclusion, c’était sans compter sur le renvoie de balle de Bonnie. Sans allusion ni sous-entendu cette fois, de ces intonations simples. S’interrogeant puis affirmant. Une affirmation révélatrice quoique lancée sur le ton de la banalité. Se livrant un peu plus sans en avoir l’air car il n’y a pas besoin de s’y attarder. Ajoutant à cette impression de connaître l’inconnu un peu plus d’inconnu à connaître. Car si la musicalité de son accent dénotait avec celui des Australiens, je n’aurais su en provenance de quelle partie de la Grande-bretagne il était originaire. Pas indifférent à la prononciation de certains de ses mots comme mis en reliefs par celui-ci, moi-même habitué à dénoter, c’est sans plus me questionner que la réponse m’a été délivrée. “Ecosse tu dis ? On a pas fini de faire dans les traditions dans ce cas : entre le tea time et le Na chaï...” Souriant à la remarque sans plus de cérémonies avant d’en froncer les sourcils. Le fait que Bonnie ne peut deviner la traduction littérale d’un terme russe comme se rappelant à moi. Habitude de se comprendre sans mots dire là où je n’auras pas été étonné de le savoir parler ma langue natale. “Na chaï c’est le pourboire. En russie on l’appelle “pour le thé”.

Jongler entre l’apparente banalité et le sous-entendu à peine masqué. Un exercice de style bien plus qu’un jeu auquel il est si simple de s’adonner et pour lequel Bonnie ne se cache pas et ne sait se priver. Là où l’énonciation précédente du pays d’origine du thé comme de la vodka n’était que bref rappel de paroles murmurées la veille, l’évocation n’est ici plus voilée. Une question sans appel : est-ce que la nuit à su satisfaire des désirs si longtemps tenu sous scellé ? Une réponse qui ne veut pas moins en dire. Traînant à se faire entendre, retardant ma question chassant la sienne, temps d’attente assez long pour le savoir calculé. Ajoutant à la malice une langueur bien plus évocatrice que la réponse prononcée en elle-même. Un temps de silence soutenant une autre préoccupation de mes mains finissant de préparer le plateau destiné au petit-déjeuner. L’action quotidienne se voulant banale, mêlant les conversations comme des registres c’est sa dernière réponse qui finit de me décocher un haussement de sourcil amusé. Une réponse à tout, un répondant loin de me désintéresser. Un regard qui se capte, un battement de paupières, l’intensité vibrante de son iris retrouvant la mienne alors que se sont quelques pas de ma part qui finissent qui finissent de nous rapprocher. Le moment aurait pu être choisi pour venir cueillir ses lèvres. Choisissant au lieu de cela de m’en détourner. A l’effronterie de la nuit se superposant les traditions d’un pays et à mon indice de satisfaction donné pour tout rapprochement un souchka. Incitation à mordre dedans. Ajoutant à la dégustation une argumentation. Simple explicatif d’une tradition de plus à échanger. D’apparence banale, moyen non prémédité pour moi de recouvrer une malice. Le souchka permettant une trêve auprès de la chaleur d’un thé, le thé comme énième passerelle vers des allusions à présent maintes fois évoquées. Ne prenant pas la peine de m’embarasser de détours : s’il a été le premier à aborder le sujet, c’est sans peine qu’il m’est donné l’occasion de m’en ressaisir.

L’occasion est trop belle, la réponse n’en est que plus plaisante. Nos yeux se raccrochant une fois encore l’un à l’autre, bien plus consciemment cette fois, Bonnie est sans détours. Ne sachant que trop bien tous deux ce vers quoi l’un et l’autre veulent en venir, c’est avec son espièglerie perpétuelle qu’il me formule sa réponse. Une mimique presque insolente, la lenteur instaurée par son intonation ne me laissant pourtant pas le temps de répondre. Esquissant un simple sourire en coin, léger frémissement à la naissance de ma nuque à la tension nouvellement instaurée. S’il n’y avait aucune raison que je lui démontre de quelle façon les souvenirs de la veille sont restés gravés, il serait tout aussi malvenu de donner une réponse bien trop évidente à la parole lancée. “Si tu es prêt à remettre ton titre en jeu” Soutenant toujours de mes yeux son regard descendant perceptiblement sur ses lèvres entrouvertes prêtes à croquer dans le souchka. La question n’étant pas celle de vouloir ou non retenter l’expérience mais de qui de nous deux se trahira le premier. Un temps duquel mes pupilles viennent retrouver les siennes. Ca n’est pourtant pas l’envie qui manque. Reposant le paquet de souchki sur le plateau que pour mieux m’en saisir. Pas tout de suite. Pas maintenant.

Les musiques de ma playlist continuant de se succéder sur mon téléphone, c’est posant le plateau sur le rebord de la table basse que j’en profite pour déplacer le reste de mes affaires encombrant cette dernière. Accordant au plateau une place bien plus centrale pour en distribuer les tasses. Servant équitablement le thé brûlant dans chacunes des deux avant de reprendre la place qui m’avait accueillie précédemment. Mon regard se relevant vers Bonnie après avoir placé aux côtés de ma tasse une tartine, le remerciant avec cette sincère envie de le prononcer en russe. C’est ma main qui se saisit de cette même tasse, quoiqu’encore un peu trop chaud pour mes doigts. Soufflant sur le dessus de la boisson avant d’en prendre une gorgée. Tout juste ce qu’il faut d’amertume, les épices et le sucre ayant bien assez infusé. Et c’est reprenant une autre gorgée que les prémices d’un sourire se forment bien plus à la nouvelle insinuation qu’à la question de Bonnie. Son rire sincère résonnant avec ferveur dans mes oreilles.
Traditionnellement oui. Mais au final plus grand monde ne le boit comme ça. Je dirai que c’est bien plus par paresse d’attendre son refroidissement que par réel attachement à mon pays d’origine que je le bois de la même façon brûlant… ” Me stoppant quelque peu dans mes explications avec cette vague impression de tout d’un coup trop en dire. Parler de cette façon de la Russie en revenant presque à parler de moi. Car s’il est vrai que je n’ai pas manqué d’évoquer plusieurs de nos traditions, c’est bien plus au travers de la littérature et de ses artistes que je suis resté attaché au pays plutôt que par mes souvenirs d’enfance de là-bas. La vodka, le thé, les souchki : tout un pan de ma mémoire ramené vers moi par le biais de Vassili. Cette seule et unique attache depuis toujours me retenant de définitivement couper les ponts avec ma culture. Part bien trop importante dans la construction d’une identité que j’aurais pourtant bien été tenté de renier. Ne laissant pourtant en rien paraître de cette légère perte de contenance, c’est bien vite que mon ton se fait plus enclin à l’humour et à la taquinerie. “Mais cette fois-ci, contrairement à la vodka je n’aurais pas de techniques à te donner pour le boire plus rapidement. Mis à part peut-être rajouter de l’eau froide ou souffler dessus sans grand succès ?” Mon sourire se faisant plus espiègle alors que mon regard ne peut se défaire une fois de plus du sien. “Mais au final, tu n’auras jamais eu vraiment besoin de mes conseils n’est-ce pas...” Rebondissant une fois de plus d’un sujet à un autre. Mêlant les allusions au concret. Car il est vrai que cette nuit, si c’est bien Bonnie que je désirais combler, je n’en ai pas moins été oublié.
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Message(#)a soft brackets called interlude -леовски EmptyLun 15 Oct 2018 - 13:13



Soft brackets called interlude.
Ambroise & Andreï


La reprise du rythme se fait tout en douceur. Ce qu’il faut. Emmagasinant les taquineries dès le saut du lit en empruntant une chemise sans permission. Une chemise qui lui va à ravir, d’ailleurs. Bonnie ne regrette pas son audace – comme toujours. Le parfum se dégageant du vêtement est qui plus est sa chose préférée sur le moment, avant de rejoindre Andreï. Respirer en devient ainsi un petit plaisir qu’il ne saurait renier. Puis d’avantage de joie, si l’on peut appeler ça ainsi, alors qu’il retrouve leurs échanges verbaux, qui s’aiguisent petit à petit. Rien du décor ne se chamboule à l’arrivée du jeune homme, ni même le départ du russe et leur délocalisation dans la cuisine. Fluidité pareille à l’eau, ballet orchestré de façon naturelle, comme mille et une chose les liant. Déçu de quitter sa place pourtant, comme toute réservée pour son seul être, Ambroise se doit de le suivre. Après l’avoir mis au courant de son intolérance au café, avoir fait miroiter une impossibilité encore plus grande de le supporter, il rit à la réponse d’Andreï. « Tu me connais déjà beaucoup trop », lance-t-il sans se rendre réellement conscient de la portée de ces quelques mots. Amusé plus qu’autre chose, d’une jeunesse d’âme qui ne s’embarrasse pas de trop de signification profonde. Il laisse ça pour d’autres occasions. Pour un regard en arrière et un rire de son amant d’une nuit, il quitte sa place assise pour la cuisine et de même un peu plus de cette brume de l’esprit qu’il apprécie au réveil. Point de précipitation, de grande question, de pression, juste quelques subtilités propres à ce couple impromptu. Ravi du calme d’Andreï comme il l’a été la nuit dernière en quittant le bar, Bonnie se fait encore la petite remarque que son caractère est bien tout aussi agréable que son corps. Et c’est rare.

Mais revenons-en à la préparation du petit-déjeuner pour son ventre qui menace de gronder. Léger dans sa chemise trop grande (oui, elle est sienne à présent), il balade son regard sur cet endroit encore inconnu. Les détails qui appellent à sa curiosité, dessinant les contours d’une vie de célibataire dont les quelques changements ont été instigués par son jeune frère. Une colocation familiale. En cela un écho de sa propre situation ; d’ailleurs, sa sœur s’inquiète encore. Il ne pourra que lui raconter une fois rentré à la maison, elle voudra d’ailleurs tout savoir. Elle ne posera pas de questions, mais ses grands yeux noisette le feront à sa place. Et il ne saura que céder. Brûlant de cette envie qu’on les gens de partager un peu du bonheur qu’ils ont connus. Réfrénant cette même envie aussitôt. Accueillant l’idée d’un départ prochain comme un frein justement, il retient une grimace en s’imaginant déjà refermer la porte de cet appartement. Il le faudra bien un jour, et il est décontenancé que l’avenir lui déplaise ainsi, s’avouant enfin, un peu, qu’il n’a guère qu’envie de rester. Qu’Andreï n’a pas plus envie de le chasser. Un frère ou une sœur n’ont pu les contraindre l’un et l’autre. Et à un geste répond le suivant, la chemise et le petit-déjeuner comme porte-étendards de ce souhait de prolongation. Grappiller quelques secondes dans cette affectionnée présence qui apporte chaleur même aux silences. Alors partir et reprendre cette tradition de brièveté dans ses relations charnelles, n’est pas, pour le moment, à l’ordre du jour. Laissons donc cette étape à l’avenir si bien nommé. D’un silence recueillant ses songes de l’esprit, Ambroise choisi d’une parole de rappeler le passé. Le scénographe tout à la préparation consciencieuse du plateau repas. Aisance des phrases comme il en est du silence, ou de tout ce qui a court dans ce lieu.

Choisir de ramener au-devant de la scène l’origine de la vodka pour la comparer au thé, c’est ramener la musicalité d’alors, les notes sous-entendues dans leur danse continue. C’est donné un certain corps aux souvenirs qui les hantent tout deux. Un avertissement de même, tout aussi ignoré. Après avoir vaincu la vodka d’importation russe, Bonnie n’a que faire de l’amertume d’un thé de la même patrie, avec amusement et effronterie encore. Tout, sauf du café. Sa voix se délie par là même en évoquant ses origines écossaises, pour rebondir sur cette histoire de thé. Furtivement, une nouvelle apportée. Sans besoin de plus de fioriture, d’explications. Sans question posée mais une simple compréhension sur le visage d’Andreï comme s’il arrivait enfin à placer cet accent qui ne s’accordait pas à cent pour cent avec celui du pays. Et une réponse qui, bien que faisant sourire le jeune étudiant, possède son lot de profondeur. « On n’a pas fini. » Viendraient-ils juste de commencer quelque chose qui durera davantage dans le temps qu’une simple nuitée ? « N’oublie pas le whisky dans ta liste, je te ferais goûter le meilleur. » Une réponse presque ingénue, puisqu’il se refuse à percuter les sous-entendus qui questionnent de futures retrouvailles. Après tout, l’avenir n’est pas fermé, cependant sa fierté lui refuse à le demander ouvertement, préférant encore se laisser porter par le hasard que de plier à l’influence que le russe possède sans le savoir. Une atteinte à sa liberté qu’Ambroise n’est pas près de concéder.

Son intérêt volontiers porté sur la traduction d’un terme russe. Curiosité pour cette langue, il n’avait jamais pensé à s’y pencher, cette culture bien trop lointaine. Quoiqu'intéressante sous certains points, et affligeantes sous d’autres. Furtivement il se demande comment Andreï a vécu là-bas, moins son enfance cependant que ce qui se rapporte à sa préférence sous les draps. Lui-même n’ayant pas un passé sur ce point aisé, il n’imagine pas ce qui peut arriver dans un pays moins ouvert que l’Australie. Cette fois-ci cependant, curiosité déplacée. Il n’en demandera rien. Revenant à sa première pensée d’apprendre le russe, par pur défi et non à cause d’Andreï. Certainement pas à cause de lui, pour prolonger cette compréhension naturelle qui se heurte à la langue du nord, et non plus afin de le surprendre une prochaine fois. Chassez le naturel et il revient au galop ; les voilà à nouveau broder de sous-entendus tendancieux qui en feraient rougir d’autres. Nouvelle balle lancée par Bonnie qui trouve sa chute parfaitement réceptionnée. Usant à nouveau de l’allusion à l’alcool pour demander s’il a été à la hauteur des adages russes. Et la réponse qui se fait attendre le comble d’un frisson. Rien ne pouvant l’empêcher de répliquer à son tour, malicieux, bien trop joueur avec ses mots et heureux de pouvoir laisser libre court à sa verve que peu arrivent à suivre pleinement. Affutage de l’esprit. Mais aussi rapprochement des corps et dévoilement des pensées. Entre deux voiles. Langueur pour l’un. Nul besoin d’en dire plus alors pour qu’Ambroise comprenne ce qu’il savait déjà. Un regard plus explicite que les mots. Le quotidien en toile de fond, entourant ces deux êtres comme si ça n’était pas le premier réveil qu’ils passent ensemble. Familiarité.

Et si c’est d’un autre pas qu’Andreï aurait pu ancrer dans la réalité ce qu’ils sous-entendent tout deux dans leurs paroles, il préfère présenter un gâteau de son pays natal. Une trêve qui ne déçoit étonnement pas le jeune australien ; va et vient entre une banalité effarante alors qu’ils apprennent à se connaître sans y songer, et une effronterie très nette rappelant la nuit qui n’a sût que calmer le feu sans l’éteindre. Un partage plus terre à terre auquel Ambroise fait honneur, goûtant ce petit biscuit avant d’en avouer le bon goût. Rebond encore, sûrement imprévu, qui amène le russe observateur à associer thé et alcool dans la chaleur procurée. Nul besoin d’attendre pour que le jeune étudiant attrape l’occasion au vol comme un rapace. Sous des airs faussement innocents. Presque factuels. Qui se révèlent incapable de maintenir la hardiesse du brun à continuer encore plus loin, le long de ce chemin invisible et sans nom qui n’a qu’une issue. Désirée par eux deux. Cherchant à se libérer dans des iris qui scintillent pareillement. Nullement franc à la manière de son regard, Andreï réplique, instillant un certain défi. Arquant uniquement un sourcil, soutenant toujours ses yeux noirs comme la braise, Bonnie laisse un sourire trahir son envie de sauter sur la provocation, lui qui ne peut que rarement se retenir de ne pas relever un défi. Des lèvres qui s’étirent elles englobent bientôt le souchka pour le terminer en deux bouchées, alors que la vie reprend son cours, rompant l’échange qui saura sans aucun doute trouver une autre fin. Suivant quelle partie adverse saura franchir la tranchée.

La faim gagne en priorité, et la douce odeur du thé guide Ambroise jusqu’à ce canapé qu’il trouve si confortable. Un instant sur son téléphone, auprès d’une sœur qu’il se doit de rassurer avant de ne reprendre contact que bien plus tard, il revient dans le présent. La force de l’habitude. Une tartine et sa sœur, posées à côté des deux tasses qui se remplissent. Remerciement de la part du russe, le silence que seule égaye la discrète musique à peine troublé. Tentant vainement de prendre sa tasse de thé afin d’un goûter l’arôme et non seulement le humer, Bonnie est vite remis en place par la chaleur du récipient. Il lui favorise sa tartine et, tandis qu’il mort dedans, s’enquiert de savoir s’il faut y voir une nouvelle tradition à la russe, non en une réflexion à sa manière et un rire accompagnateur. Dans un pays si froid, on cherche à se réchauffer, et entre la vodka et le thé... Il y a maintenant Ambroise qui s’en amuse. Parce que le scénographe a pu avaler une petite gorgée que lui ne pourrait y tremper le bout de la langue. Dans les siècles oui, le thé se buvait ainsi, bouillant, mais cela est tombé en désuétude et Andreï n’a guère envie d’attendre que sa boisson refroidisse. Une moue narquoise alors sur le visage du plus jeune, qui ne peut s’empêcher de l’observer. L’écoutant de la même manière qu’il regarde, avec une pointe d’avidité. N’ayant pourtant pas décelé la perte de contenance intérieur de son interlocuteur, ne se doutant guère de son questionnement sur ses racines tant lui-même y est attaché. Certains s’en fichent, lui non. Naître de deux pays peut être complexe, séparé en son for intérieur parfois tant les différences sont grandes. Mais Bonnie sans l’Ecosse et l’Australie qui fusionnent, il ne saurait d’où il vient et alors, où il va. Bien qu’en tension continuelle avec son père, il ne saurait mettre à l’écart cette culture écossaise pour quelque raison que ce soit. Cela reviendrait à renier une richesse qui lui a été offerte. « Deviendrais-tu impatient… ? » En référence la patience dont il a su faire preuve pour conquérir un Ambroise toujours plus fier, qu’il ne peut appliquer à ce simple geste.

Sujet ainsi bien plus léger que les questionnements d’identité. Il reprend toute place, et Andreï s’y appuie sans aide. Il n’aura point de technique à mettre en avant pour passer outre la brûlure du thé, outre les grands classiques. Or il devine que cela aurait été fort inutile. Terminant tout juste sa tartine, il tourne les yeux dans ceux d’Andreï. Impossible alors de s’en séparer. « Vrai », accorde Bonnie d’un grave hochement de tête. Tel un aveu sévère. Avant tout véridique. Indépendant. On aura tôt fait de le deviner en le côtoyant un tant soit peu. Tranchant en cette seconde avec l’espièglerie du russe, il ne tarde pas à s’en trouver lui-même avec un petit sourire en coin. Car il est aussi question de draps défaits et de sueur, de coups rendus à l’identique par le petit brun. Pas en reste pour donner du plaisir comme il en recevait. Pas en reste pour grand-chose. « Je suis assez grand pour me débrouiller en effet », affirme-t-il, y mêlant sans le vouloir une question d’âge encore inconnu. Il n’a pour ainsi dire aucune espèce d’idée de l’âge que peut bien avoir Andreï, et il se doute que l’inverse est vrai. Bien qu’en s’aidant de Clément, il peut s’en faire une idée plus ou moins juste. Bonnie a conscience de paraître plus jeune qu’il ne l’est réellement aux yeux de certains. Ça ne le dérange guère, sauf lorsqu’au bar on se la joue réglo en lui demandant une pièce d’identité. Encore une fois, comme souvent on lui paye des verres... Néanmoins ça n’est plus un gamin.

Détournant son regard après deux dernières secondes planantes, il va se saisir de sa tasse qu’il approche de ses lèvres. En jaugeant la chaleur. Une première gorgée douloureusement passée. Et assez chaude pour le faire grimacer et tirer la langue en recherche vaine de chaleur. La rentrant entre ses lèvres rosées, il humidifie ses dernières. « Bon, ça sera pour plus tard… » De la patience, du coup. Encore un peu. Et il a une idée toute trouvée pour attendre. Ses yeux verts se détournent sur le russe, qui repose sa proper tasse sur la table. Fort à propos. Souriant légèrement, il se redresse assez pour se glisser sans subtilité sur les genoux d’Andreï sans permission. Si ce n’est plus un gamin, ça reste un sale gosse. Alors à califourchon, une fois de plus, il remonte un peu sa chemise sur ses cuisses pour éviter de craquer quoi que ce soit. Comme un bouton. « Et je n’aime pas rester sans rien faire. » Et cette fois-ci, il s’autorise à céder. A faire le premier pas. Estimant que son tour est venu après un tout premier baiser amorcé par Andreï. Tant qu’à rester ici, tant qu’à en profiter... Ne pas miser sur l’avenir mais sur le moment présent. Sur cet instant et non sur un autre qui n’arrivera peut-être jamais. Suivre son envie plus tôt éclose de retrouver et sa bouche et ses caresses. Aucune règle à leur relation si ce n’est la fierté d’Ambroise qui se refuserait à le laisser tomber ainsi, sous la coupe d’un inconnu. Exerçant déjà trop de pouvoir. Il glisse ses bras autour de son cou, une main tendre dans ses boucles. Un dernier sourire comme une plume alors qu’il descend doucement capturer ses lèvres. Goûtant à l’amertume du thé d’une bien belle façon. La faute à cette boisson d’ailleurs, bouillante comme les enfers, qui lui a donné envie d’autres chaleurs. Le vêtement ne suffisant plus à la proximité d’une peau contre la sienne.


Emi Burton
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Message(#)a soft brackets called interlude -леовски EmptyDim 11 Nov 2018 - 23:18


La Grande-bretagne. L’Ecosse. Un pays d’origine que j’aurais pu soupçonner à la lumière de son accent quoique resté un mystère jusqu’alors. Pas tout à fait scottish, pas tout à fait australien non plus. En apprenant toujours un peu plus à propos de mon brun sans plus le questionner. Ma curiosité satisfaite d’elle-même par ses propres révélations en filigrane. Passant pour de simples banalités dans sa bouche, ne prenant son sens qu’arrivées à mes oreilles : si le terme “se livrer” serait trop gros pour certains, il est ici en mon sens en parfaite adéquation avec ce qui a été instauré entre nous deux. Entre fierté respective, économie de parole, pudeur et jeu. S’il aurait été impensable d’entreprendre un jeu de questions réponses et d’afficher une véritable volonté d’en savoir plus sur l’un comme sur l’autre, ce sont des informations qui sont disséminées peu à peu à la lumière de notre réveil, plus particulièrement celui de Bonnie. Me soulignant toujours plus qu’il n’est pas et n’a jamais été ce “coup d’un soir” comme les autres. A lui préparer du thé dans ma cuisine, échanger traditions. Reléguant dans un coin de ma tête la pensée de mettre un terme à ce qui a si longuement été instauré entre nous deux après tant de temps passé à se tourner autour dans le courant de la journée. Peut-être restera-t-il jusqu’à la soirée ? D’autres éléments se superposant à cette même pensée, pragmatisme : si sa soeur s’impatiente il n’y a pas lieu pour lui de s’éterniser. Si ce n’est mon orgueil qui ne s’occupera pour moi de mettre un terme à ce qu’il pensera trop durer. Sentant ma langue formuler des mots que je n’aurais en d’autres circonstances sûrement jamais prononcés, laissant entendre contre mon gré mon désir de ne pas m’arrêter là avec lui et que nous n’en avons pas fini. Expression voulant prendre une tournure générale bien plus révélatrice que je n’aurais pu le penser. C’est d’un regard que sa réponse sous forme de proposition est éclipsée de ma part. Préférant le voir croquer dans un souchka plutôt que d’avoir à spéculer sur une possibilité de se revoir autour d’un whisky. Ce sentiment émergeant dans mon esprit comme un écho aux paroles précédentes de Bonnie de “déjà beaucoup trop le connaître”. Bien que le découvrant au travers de ses révélations au compte-goutte ça ne sont pas elles qui me le rendent plus proche pour autant. Une proximité et une compréhension mutuelle déjà depuis bien longtemps établie. Lui aussi me connaît déjà beaucoup trop. Mais après tout, je suis bien le premier à, étrangement, vouloir lui présenter un peu plus de ma Russie natale. Entretenant le folklore cependant tout autant traduction de mon propre vécu. Vodka, thé, souchka. C’est au final d’un jeu à un autre dans lequel nous sommes passés sans pour autant en éclipser l’aspect charnel dans le courant de la conversation. Des occasions de se frôler, occasions seulement. Un regard en coin, des yeux qui dévient, allusions aux épisodes de la veille comme une effronterie de plus que seul mon déménagement du plateau jusque dans le salon vient interrompre.

La fumée du thé m’obstruant l’espace d’un instant la vue, mes lèvres se posant prudemment sur le rebord de la tasse, une gorgée brûlante venant me réchauffer de l’intérieur. C’est un thé qui n’a plus le même goût d’attente qu’à mon réveil, patientant alors encore de la venue de Bonnie. Une chaleur réminiscente d’une boisson bien plus alcoolisé goûtée la veille à laquelle s’associait mes conseils pour en amadouer sa consommation. Mon regard amusé venant se tourner vers Bonnie, sa tasse tout autant servie. Je n’aurais malheureusement pas de nouveaux conseils à lui prodiguer pour pallier à la chaleur du thé. Pas d’explications supplémentaires non plus à propos de ces nombreuses traditions qui sont restées ancrées dans mon quotidien. Exprimant simplement mon impatience en ce qui concerne l’attente d’un thé qui refroidit. De ces rares fois où je ne saurais m’accorder le luxe d’attendre, la diminution de la quantité de thé dans la théière comme clepsydre, difficile de me montrer conciliant envers ce qui rythme de manière générale mon attente. Amusant lorsque l’on connaît ma propension à la tranquillité et la patience. A accepter de laisser se languir une situation et me découvrir seulement au bon moment. Le bon moment pour le thé étant devenu pour moi celui de l’impatient prêt à se brûler les lèvres plutôt que de le laisser refroidir. relevant avec amusement mon regard vers celui de Bonnie, incapable de m’en détacher cette fois. “Impatient ? Peut-être… Mais pas empressé.” Appuyant la différence des termes comme écho à une pensée partagée de nos jeux de séductions. Etirés dans le temps jusqu’à la soirée d’hier. Attendant le bon moment. Au fond, toujours impatient de ce moment. Impatient de savoir quand nos rencontres ne se solderont plus simplement par nos regards appuyés, nos lèvres qui ne font que se frôler ou bien encore nos corps qui se meuvent au rythme de basses fiévreuses. Appelant presque intérieurement nos prochaines rencontres sous la directive de ce seul mot d’ordre : faire durer. Jamais de précipitation trop souvent source de déception. Un état d’esprit qu’il nous a tout de suite été donné de partager. Créant une tension grandissante entre nos deux corps, jouant l’un et l’autre de ces tensions jusque dans ma chambre à coucher. A cette pensée s’accompagnant ma parole, le regard toujours plus fermement ancré à celui de Bonnie, les sous-entendus bien plus explicites. Tout cela, il ne servirait à rien de lui rappeler. Il ne l’a que trop démontré, je ne l’ai que trop compris.

C’est sa réponse apportée à ma dernière insinuation qui parvient à me faire tiquer. L’espace d’une seconde seulement de laquelle découle une seule interrogative jusqu’alors reléguée de côté. Une question d’âge laissée en suspens parce qu’il n’y a jamais eu lieu de s’en formaliser et parce que celle-ci m’importe bien peu. Lui donnant approximativement le même âge que Clément si ce n’est, de peu, plus. M’amusant seulement de le deviner plus jeune que mon frère envers lequel j’ai toujours été des plus protecteurs. Et de savoir que, cette fois-ci, c’est moi qui ai bien plus d’indices à propos de son âge que lui du mien. Sans volonté aucune de le lui cacher, moi-même peu averti de ce que représente ces simples chiffres. Une trentaine passée que j’aurais oublié si ça n’était le message annuel de Vassili pour enfoncer le clou et les attentions de Leena qui n’aura jamais oublié ma date. Et si j’imagine difficilement Bonnie me retourner cette question, je n’y verrai cependant aucun mal à lui répondre. Après tout, on est plus à ça près. Un dernier sourire en coin se formant sur mes lèvres tout juste trempées dans la tasse portée à celles-ci à la vue d’un Bonnie toujours autant incapable d’attaquer son propre thé, c’est la mienne que je dépose sur la table. M’apprêtant à lui lancer de ces piques taquines auxquelles nous nous sommes que trop habitués, c’est avec surprise que je sens la main de Bonnie se déporter sur ma cuisse, s’appuyant sur cette dernière que pour mieux se hisser face à moi sur mes genoux. Chaleur nouvelle de son poids sur le mien, de ses jambes dénudées contre les miennes. Toujours aussi joueur, je ne l’aurai cependant pas penser esquisser ce premier pas. A mon plus grand plaisir. Mon sourire venant répondre au sien, mesquin. “J’espère t’être d’une agréable occupation dans ce cas” Minimisant mon propre désir que pour mieux accueillir son initiative. Ses mains regagnant mon cou, sentant ses doigts remonter jusque dans mes boucles d’une délicatesse retrouvée. Mes paupières qui se ferment au contact de ses lèvres sur les miennes. Douce sensation que de retrouver leur humidité comme je les avais laissées hier ou plutôt ce matin dans les draps de mon lit.

Le manque. Voilà d’où venait le sentiment de frustration prodigué par mon attente seule, dans l’incapacité de me concentrer dans mon propre salon si ce n’est sur la présence de Bonnie encore endormi au creux de mes draps. La vision de son visage paisible se superposant au souvenir de son sourire en coin et ses yeux verts brillants d’envie. Le manque associé à mon réveil à présent éclipsé par ces sensations retrouvées. Son torse en suspension presque contre le mien que seule sa chemise et la mienne viennent séparer. Ses doigts redescendant sur ce même torse, ses cuisses enfermant les miennes, ses lèvres recherchant toujours ma bouche et ma bouche suspendue à ses lèvres. Putain, je n’aurais pas supporté plus longtemps la distance. Le regard en coin appuyé, les frôlements. Frôlements à présent remplacés par mes mains descendant le long de la chemise qu’il a fait sienne. En remontant un peu plus le pan que pour mieux déposer mes paumes tout contre son dos. Recueillant en leur creux ce frisson de peau l’espace d’un instant découvert que je redécouvre. Mes lèvres s’arrachant aux siennes que pour quelques mots, aveux de mes désirs plus tôt contenus d’un réveil qui s’est déroulé proche de lui. “Si au bar je t’ai observé mille ans, tu sais que t’es trop beau quand tu dors...” Un chuchotement presque imperceptible tout contre ces mêmes lèvres que je m’en vais à nouveau cueillir, subtiles. Un souffle qui se fait bien plus présent alors que mes mains remontent un peu plus le long de son dos, reprenant possession de ce qui ne peut m’appartenir que l’espace de quelques instants lorsque son désir épouse le mien de vouloir m’éprendre de son contact. “...Je ne t’aurais pas laissé partir.” Aveux qui au final ne fait pas de grande différence entre ce qui a déjà été prononcé à demi-mot, presque inconsciemment. Le voir partir inévitable, le savoir partir non sans laisser parler une fois encore un désir recouvert impensable.
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Message(#)a soft brackets called interlude -леовски EmptyMar 13 Nov 2018 - 14:06



Soft brackets called interlude.
Ambroise & Andreï


Se connaitre n’est plus qu’un détail. Ça en a toujours été ainsi entre eux. Ils se sont trouvés dès le premier regard. En apprendre un peu plus sur l’autre, son caractère, ses habitudes, ses origines, ne fait qu’expliquer pourquoi. Pourquoi il y a plus qu’un simple désir charnel. Pourquoi une nuit n’a visiblement pas été suffisante pour mettre un terme à l’attirance éprouvée. Analogie à la découverte des trous noirs massifs au centre des galaxies. D’abord le fait, ensuite l’explication. Chercher à comprendre comment une improbabilité peut être réelle. Ambroise ne fait pas cet effort de chercher à comprendre pour une fois, car il devine inconsciemment que la réponse secouerait toutes ses croyances les plus profondes. Et il préfère encore être aveugle et ressentir, que recouvrait la vue pour expliquer. C’est encore la meilleure des choses à faire ; se laisser vivre au gré des mouvements, dévoiler ce qui vient naturellement, une origine ou une tradition, saisir un trait de caractère au passage. Avoir l’idée fugace que rien ne nous étonne, qu’on s’y attendait presque tout en étant surpris, par cette prescience justement. Ils se connaissent beaucoup trop, l’un et l’autre, sans avoir appris à le faire réellement. La vraie surprise sera la prise d’une direction imprévue, qui les prendra de cours. Mais s’ils s’accordent pour le moment, nul doute qu’à se côtoyer régulièrement des orages viendraient menacer. C’est peut-être une des raisons qui rendent judicieux de se contenter d’une brève et intense rencontre.

Petit à petit néanmoins, la parole se libère. Ce qu’Ambroise n’aurait su dire au coin d’un comptoir de bar, il le livre sans bataille. Nullement explicites, ils sont ravis pourtant d’en apprendre un peu plus. Et d’éterniser ce moment qui aurait dû s’arrêter à l’aube. S’amusant du nombre de traditions à partager ; si Andreï relève en son for intérieur ce que traduit la tournure de sa propre phrase, Ambroise fait la sourde oreille instinctivement. Bien que ce désir de continuer aussi ce qui a débuté il y a bien longtemps est entrelacé dans sa réponse. Une prochaine fois, où il ne serait point question de vodka mais de whisky. Un beau rêve sans doute, puisqu’il préférerait encore laisser le destin croiser leurs chemins plutôt que d’avouer qu’il a envie de le revoir. Il va se contenter de cette nuit et de quelques heures de ce jour, pour l’instant. Et il sera très fort pour croire qu’il en sera contenté, mais comprendra plus tard son erreur. Pour le moment il n’y pense pas, et le ressent en même temps. Le russe préfère alors ne pas philosopher sur leurs sous-entendus, revenant à un souchka bien plus terre-à-terre. Une exposition de ses racines qui sort des habitudes, ce que Bonnie ne sait pas. Pas entièrement, car il a bien deviné avoir affaire à quelqu’un qui ne dit que le nécessaire sans étaler sa vie. C’est à travers les jeux verbaux que le petit-déjeuner se prépare et qu’ils reviennent au canapé. Effleurements et regards en coin sont de la partie. Car quoi de mieux pour oublier des pensées trop lourdes que d’en revenir à un aspect plus volage. Charnel.

S’arrêter à un sourire en coin, un frôlement volontaire, des rappels de la veille. Ils ne vont pas plus loin. Véritable amusement pour Bonnie qui ne cesse que lorsqu’ils regagnent le salon. La priorité est pour un moment à son estomac, et la curiosité du thé dont l’odeur est déjà alléchante. Mais bien trop chaud. Pourtant Andreï arrive à y tremper ses lèvres sans sourciller, ce qui pose l’interrogation d’une continuité de traditions. Cela aurait pu être vrai en un sens, mais il s’agit davantage d’un souhait de ne pas attendre. Rire d’Ambroise qui, mordant sa tartine, suppose alors que le russe devient impatient. Contraste étonnant avec sa patience habituelle, qu'il a fort éprouvée au contact du jeune homme. Il concède ce point, mais note qu’il n’est pas empressé pour autant. Saluant cette précision d’un sourire en coin, Bonnie a immédiatement en tête leurs jeux de séductions. Empressé n’a jamais été un terme pour les qualifier. Patient et impatient, oui ; attendre le bon moment a su les tenir en haleine. On peut d’ailleurs supposer que cette lenteur délibérée, amusement de Bonnie à se voir désirer et à désirer davantage, leur a permis d’accéder à toute l’intensité qu’aurait pu produire leur rencontre. Trop tôt, et Ambroise se serait lassé, l’aurait cru comme tous les autres, consommable. Trop tard, et il aurait perdu le contrôle à trop se voir mourir de passion. Tension qui s’est transformée mais ne s’est pas démentie. Et il y a fort à parier qu’ils connaîtront à nouveau cette langueur, au rythme de rencontres qu’ils ne choisiront pas. Ambroise n’en serait pas déboussolé.

Retour du sujet, implicite. Malgré ses airs de jeunesse, il n’a nullement besoin de conseils, et aucune honte à le clamer. Terminant sa tartine, se léchant les doigts malicieusement. Affirmation qu’il est assez grand pour se débrouiller. Tous deux le savent bien. Andreï n’en a jamais douté, sans savoir son âge. Puisque cela ne rentre pas en jeu. Jamais ces chiffres n’ont eu plus grande inutilité qu’entre eux. Ils gagneront peut-être une importance plus tard, qui sait. A ce moment ce n’est pas le cas, alors, nul besoin de demander. Le russe peut s’aider du meilleur ami de l’australien pour se faire une idée. Ce dernier n’a aucune carte de son côté, mais s’imagine aisément une trentaine, touchée du bout du doigt ou regardée d’un coup d’œil par-dessus l'épaule. Un jour, il l’apprendra. Sachant qu’il n’a qu’à poser la question, décelant cette chance accordée de ne pas heurter un mur en cherchant à connaître – comprendre – un peu plus un homme si réservé. Comme le souffle du vent qui balaie ce sujet pour retomber dans un silence agréable, Bonnie tente une nouvelle fois de goûter le breuvage aromatisé. Un échec, cuisant. Le bout de la langue légèrement brûlée, la gorge sensibilisée. Décidant qu’il est encore temps d’attendre, il saute sur l’occasion de voir Andreï reposer sa tasse. La voie est libre pour son corps de trouver place à califourchon sur ses genoux, quémandant une proximité dont il a décidé d’arrêter l’attente.

Souple et fluide, il s’installe comme s’il avait toujours été là. Comme si la permission lui avait été accordée. Pire est le fait qu’il n’a pas eût à la demander. Envie d’une occupation, une occupation précise, sous le couvert d’une préférence lorsqu’il se voit forcer d’attendre. Le bon prétexte, voilà tout. Incapable de se retenir plus longtemps, une fois toutes ses pensées en convergence vers cette envie. Accueilli à bras ouvert, Andreï étonné de le voir faire ce premier pas ; ils ne faisaient que tourner autour du pot, que sous-entendre, qu’échanger des regards, il s’imaginait sans doute être celui à qui reviendrait la tâche de capturer une nouvelle fois ces lèvres. Bonnie n’est plus à ça près cependant, et il esquisse un sourire en entendant la réponse du russe. Légère. Alors qu’il en crevait autant d’envie. « Je me fais pas de soucis. » Murmure, portant un peu plus en parole son esprit joueur revenu à la vie. Des doigts qui caressent des boucles brunes, qui s’y perdent. Une paume sur la nuque. L’australien se penche pour saisir sa bouche, renouer avec ces sensations. Combler un manque qu’il ne pensait pas vivre et qui, pourtant, l’a forcé à rester auprès de son amant encore. Pas d’un soir, pas d’une nuit. Impossible de le croire à présent. Ils sont plus que cela, sans pour autant l’avouer clairement. Rester, comme une preuve ultime de ce qui les lie. Combattre encore, comme dans un rêve, la réalité qui finira par les rattraper.

Bonnie laisse sa main redescendre lentement vers le torse du russe, ne cessant pour une seconde de l’embrasser comme un assoiffé buvant de l’eau. Se voyant rendre la pareille ; le scénographe n’attendait que ça. La passion qui grandit petit à petit, se transformant en langueur. Corps qui cherchent à se toucher. Frustré des vêtements, obstacle pourtant désirable pour l’imagination. Légèrement cambré, appuyé, proche, son poids vivant sur Andreï dont les gestes ne sont pas en reste. Ses mains parcourent son corps, descendent plus bas. Sa chaleur à travers la chemise. Puis elles parviennent à la vaincre pour se glisser sur le dos d’Ambroise ; elles ont cette fois-ci bien plus de place pour remonter encore que lorsqu’il s’agissait d’un vêtement à sa taille. Frisson habituel qui n’est pas dû au froid. Les bouches se séparent. Pour laisser l’espace à la parole. Rouvrant les yeux sur Andreï, il ne les referme pas sous le furtif baiser qui sépare les deux parties de la phrase. Et il perçoit dans sa chair plus que par son ouïe le sens des mots, portés par une douceur qui laisse s’écouler la convoitise traduite par ses mains qui remontent le long de son dos pour en capturer davantage. Les belles paroles, il connait. Plus d’une personne l’a complimenté sur son physique, a essayé de le séduire par des éloges. Des fois, ça fonctionne. Mais aucun ne l’a touché aussi franchement. Ce n’est rien pourtant, quelques mots, sur sa beauté alors qu’il dans les bras de Morphée. Ce détail peut-être, cette nouveauté qu’il n’aurait apprécié de nul autre.

Son regard se voile légèrement, de cette chaleur venue des entrailles. Charmer comme un serpent par son joueur de flûte. « Tu aurais pu en profiter, ce matin... » Répond-il sur le même ton. Trahies, son envie au réveil, son regret de ne pas l’avoir vu, lui, ses boucles désorganisées sur l’oreille et la paresse de devoir sortir des draps. De ne pas avoir pu s’abandonner une nouvelle fois dans ses bras, merveilleux accueil dans la réalité. Il aurait sombré. Et il n’en est pas loin, là. La possession s’écoulant de ces derniers mots, de son dernier geste. Entre ses mains Ambroise ne trouve rien à contredire, lui qui déteste appartenir. Mais qui l’autorise, là, parce qu’il a confiance et qu’il sait qu’Andreï sait, lui aussi. Il le tient et le laisse libre à la fois. Il n’y a jamais eu besoin d’expliquer ce besoin d’indépendance, il l’a compris immédiatement, il lui le lui accorde. Et pourtant il le possède en cet instant, de corps et d’âme. Son aveu prenant véritablement forme, tiré de ce qui n’avait été que sous-entendu, à peine concédé. Du côté d’Ambroise, la même chose est sur le point d'arrivée. Contrecarré cependant par sa voix. Rendu muet par sa fierté peut-être, son orgueil incommensurable. Mais s’il ne dit plus rien, son regard transmet mille mots. Je n’aurais pas pu partir. Sa paume capture délicatement et fermement la mâchoire d'Andreï, pour qu’il puisse l’embrasser comme il le souhaite. Sans trop de délicatesse ; une franchise qui lui coupe le souffle. Un baiser qui ne débute pas comme ceux des simples amants. Un baiser qui dit quelque chose. Qui donne mais qui ne prend pas.

Ambroise n’aurait pu se séparer de lui sans ça, partir sans un dernier baiser et une dernière caresse, sans profiter encore de ce que le présent a à offrir. Ils s’accordent sur ce point. Deux aimants qui acceptent l’attirance inéluctable qui les lie. Il se presse davantage contre lui, obéît aux paumes dans son dos qui le guident. Plus proche. Il devra cependant se satisfaire du tissu contre ses cuisses dénudées, mais ça n’est pas pour ça qu’il ne les serre pas, depuis un moment, sous l’émotion intense. Bon sang, comment renoncer à cela ! Il devra cependant, à un moment donné. Son esprit assez maître pour contrôler son cœur. Le moment venu il reprendra le cours de sa vie, il trouvera les arguments pour se convaincre que cette dernière n’a pas été chamboulée. Maintenant. Maintenant il l’embrasse avec une pointe de fougue qui ne saurait faire douter de la finalité qu’il désire. Coincé entre eux, contre le bas-ventre du russe, ce désir est bien vivant à présent. La friction induite n’est pas pour l'apaisement d'ailleurs. Ses doigts toujours enfouis dans les boucles qu'il chérie tant, son autre main par à l’aventure sous le haut d’Andreï. Lui en faut-il plus pour se faire comprendre ?


Emi Burton
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Message(#)a soft brackets called interlude -леовски EmptyJeu 3 Jan 2019 - 15:09


Je n’ai jamais été aussi proche d’un semblant de situation s’apparentant à une vie de couple que celle-ci. C’est l’une des pensées qui parvint à se glisser dans mon esprit le temps d’une gorgée de mon thé encore bien trop chaud pour mon brun à mes côtés, alors qu’une toute première allusion à son âge est formulée. L’âge, une de ces nouvelles formalités qui n’a pour moi jamais voulu dire grand chose. Servir du thé à un amant la tête encore embrumée, quittant à peine un lit que pour mieux se lover dans un canapé en revanche révélateur de bien plus que je n’aurais voulu me l’avouer : si je n’ai pas découvert Bonnie volatilisé à mon réveil, ne laissant dans mes draps qu’un arrière goût de regret de mettre à ce point découvert à lui, il m’est alors impossible de le laisser partir sans avoir une dernière fois pu m’enivrer de sa présence. Et il m’est impossible de ne pas l’associer à mon rituel du matin. Intimité toute autre que celle d’un lit seulement partagée avec un ou deux amants de l’époque. Pas d’amour, peut-être un désir plus prononcé qu’avec d’autres qui leur aura permis de s’immiscer un peu plus dans mon quotidien. Au final rien de bien marquant. Une dernière pensée reléguée au second plan : rien n’aura été aussi marquant que ma rencontre avec Bonnie et si je devais être amené à le pousser à partir, ça ne serait que pour mieux tenter de me défaire de son souvenir. M’en défaire pour que rien après son départ ne soit différent... Leurre, sûrement. Le jeu instauré entre nous et l’attente de cette nuit clamant déjà un tournant : celui de l’assouvissement d’un désir qu’une nuit n’a pas suffit à amenuiser. N’étant à présent non plus une simple source de curiosité et de distraction pour l’un et l’autre, mirage de soirées nous faisant nous questionner sur son existence, mais bien concret. L’accord parfait de notre jeu de séduction révélateur de nouveaux accords autant de nuit qu’à notre réveil.
“Une situation s’apparentant à une vie de couple”, je rirais presque des fabulations de mon esprit d’habitude si terre-à-terre. Notre entente et trêve matinale dans nos jeux de séductions enrobée de bien plus de sensiblerie n’étant que de courte de durée puisque se sont nos actions qui s’accompagnent bien vite de nouvelles allusions à des besoins plus charnels. Pas simple coup d’un soir, non, mais toujours cette séduction à peine camouflée qu’une conversation autour d’un thé n’est pas pour amoindrir. Bien au contraire. Là où tout est envisageable et où la seule vraie question est celle d’un timing à apprivoiser. Un temps donné pour chaque chose : se séduire, se désirer, se délecter, se dévoiler à moitié. Bonnie aura alors décidé qu’il était à présent temps de me surprendre. Comblant une attente que je ne m’étais toujours pas autorisé à combler. Le manque attisé par son innocente vision, flottant presque dans ma chemise si négligemment boutonnée, taquinerie de ses réponses et chaleur du thé.

Mes paroles contre un baiser. C’est tout ce dont il est m’est encore donné d’exprimer sur le ton d’une légèreté feinte, mon corps bien trop désireux de retrouver la pesanteur du sien. “Une occupation”. Une distraction. Un passe-temps. C’est sa réponse qui se fait sous cette même impulsion d’humour taquin. De provocation sensuelle. Si je fais office d’occupation tandis que son thé refroidit, il saura s’en contenter. Frémissant déjà sous mes mains curieuses, sa langue est toujours chaude de ce thé dont il n’a pu prendre qu’une gorgée à peine. Sucrée par ce dernier afin d’en adoucir l’amertume. Puisque je fais office de distraction, c’est notre jeu qui reprend pour ne pas dire continue, lui qui ne s’est jamais réellement arrêté. Franchissant l’obstacle de la chemise aisément, contenant mon ardeur plus difficilement. D’autres paroles contre un touché.
Il est beau. Il le sait. On a dû le lui dire. Parole de ceux tombés dans le charme de ses filets qu’une fois la pulsion assouvie à dû relâcher que pour mieux trouver d’autres proies à enserrer. Il le sait et pourtant ce besoin irrépressible de le lui dire. Prononçant ces mots non pas comme cette énième proie qui verra son égo briser une fois seul, découvrant que celui qu’il pensait avoir pris était en fait celui qui s’était laissé prendre, mais comme à mon tour cet amant séducteur qui lui aurait avoué “tu m’as séduit et je te veux”. Le charmant comme lui m’a charmé. Un compliment pour un service rendu : j’aime à le voir, c’est lui rendre justice que de le lui révéler. Ses yeux verts, mesquins. Ses cheveux bruns appelant ma main pour s’y glisser. Les contours de sa mâchoire, son torse partiellement recouvert d’une chemise ne demandant qu’à être retirée. Si les gestes parlent d’eux-mêmes, m’imprégnant de chaque pores de sa peau, ce sont pourtant mes mots qui ajoutent à l’explicite. Cuisse, dos, nuque. Bouche, lèvres, langue. Ces mêmes détails qui faisaient de l’oeil à mon réveil, ces mêmes parcelles de corps que je m’étais interdit de toucher. Cette volonté de ne pas donner un statut autre à cet amant dans mon lit que celui qui a honoré sa promesse de s’abandonner à moi pour une nuit. Une nuit seulement, rien de plus. Retardant simplement l’inéluctable désir de le faire rester encore un peu. De renouveler l’accord, prolonger la parenthèse avant de retomber dans l’oubli de l’autre. Connaissant pourtant pertinemment une vérité : il pourra toujours être feint mais il n’y aura jamais de véritable oubli. Et ce dès le premier regard, le premier mot et verre échangé. Le souvenir aurait été différent : frustration, fantasme inassouvi, espoir vain de se revoir. Mais même alors que le désir charnel n’aurait pas été contenté, il aurait été délusoire de penser à l’oublier. Illusoire de se penser enfin débarrassé de son souvenir. Le rencontrer comme pactiser avec le diable. Se rappelant à lui lorsqu’il s’y attend le moins. Lorsque l’on se pense enfin libre, c’est son regard que j’aurais été amené de nouveau à croiser. Ce même regard qui ne faiblit pas en intensité alors que c’est ma phrase qui s’entrecoupe d’un baiser. Venant chercher ses lèvres encore et toujours comme un port d’attache. Quelque part, noyant l’aveux sous la langueur d’une langue, et mon étreinte, et ses baisers. Là où je sais qu’il me saura sincère, toujours dans l’économie de paroles, chacun de mes mots pesés.

Un fourmillement de mon bas ventre sous son étreinte qui se resserre. Ou peut-être fourmillement à sa réponse. Etreinte autour de mon coeur non pas comme un étau qui se resserre mais comme un picotement galvanisant de ses mots en écho aux miens. S'il se tait cependant, laissant un baiser conclure sa phrase en suspens, ses yeux et son corps en disent davantage. Une justification cependant de ma part, ne voulant laisser son questionnement sans réponse :
Je pensais être capable de me résister...”. Non pas lui résister à lui. Car il n’a jamais été question de lui résister. Impossible, autant dans ses draps que sous les néons d’une soirée. Mais bien se résister à soi, ses pulsions impatientes promptes à anéantir un désir. Résister au besoin de le toucher, et à se sentiment dérangeant de dépendance à son contact. Se leurrer dans le contrôle total de son désir, son envie, son empressement tandis qu’avec Bonnie toute notion de contrôle à toujours été flouée.
Frontière entre dominant-dominé. Un accord tacite d’un partage du pouvoir : désirant tout autant qu’étant désiré. A le vouloir lui, sa bouche, ses lèvres, son cou, son torse. Tout. Mais qu’il prenne son temps. Encore, de nouveau. Envie de respirer l’odeur qui émane de lui, sa peau. Dès le matin, le cueillir dans son sommeil, passer la main dans ses cheveux, caresser son bras encore déposé contre mon torse pour le tirer de sa somnolence. Acte peut-être trop tendre pour la tension fiévreuse si longtemps élaborée de soirées en soirées. Toujours entretenue, jusque dans un geste, une parole, un regard, un baiser. Trop romanesque, trop sentimental le réveil entre ses bras. Trouvant cette action trop concrète, ne permettant plus de douter du caractère particulier de la relation instaurée. Voilà les raisons pour lesquelles je me suis trouvé bien plus prompt à l’attendre dans mon salon, ressentir son manque comme une évidence plutôt que de trouver son contact dès le réveil. Préférant ma solitude à ma sollicitude. Préférant étouffer mon ardeur que d’avouer son emprise. Mais cet aveux serait lui aussi de trop, estimant que j’en ai déjà bien dis assez.“Amusant non ?
Détachement, encore une fois. Humour dans mes paroles, sous-entendu cependant pas des moindres. Amusant comme au final d’aucun de nous deux n’est dupe sur le désir de l’autre. Sur ce besoin pressant de se retrouver. Une hâte cependant nouvelle, absente la veille qui vient trouver son chemin de façon insidieuse, lentement : il lui faudra partir. Il me faudra fermer la porte. Et c’est chaque nouveaux baisers qui viennent se teinter de cette idée. Sa main se saisissant de ma mâchoire, l’embrassant avec cette fougue délicate. Le contact de mes lèvres pareil à une offrande contre les siennes.

Un souffle qui se fait plus sonore sous l’emprise de ses cuisses sur les miennes. Un tissus qui se fait une barrière aussi frustrante qu’un peu plus douloureuse : le moment n'est plus celui de remettre à demain. Pas d'urgence dans l'échange de baisers, mais une passion croissante. Poussé par ce même désir qui a été suffisant pour décider ma main à se frayer un chemin sous la chemise de Bonnie, à présent suffisant pour me décider a retirer de moi-même mon t-shirt. Glissant mes mains le long du dos de mon brun que pour mieux me saisir du tissus recouvrant le mien. L'action n'est pas lente et réfléchie. Une impulsion, action brûlante alors que se sont ses cuisses qui se resserrent autour des miennes, le support de mes mains manquant à son équilibre. Jetant le t-shirt derrière le canapé sans y accorder un dernier regard, se sont mes lèvres qui repartent à la recherche des siennes. Ivre de ses baisers, de son contact. A présent m'enivrant de ses mains en appuie sur mon torse. Mes lèvres contre les siennes ne suffisant plus : envie d'explorer. Encore, toujours. Mon souffle suivant un chemin jusqu'à son oreille. Lèvres. Mon souffle poursuivant sa course dans le creux de son cou. Langue. La vision de son torse se dégageant de la chemise entrouverte comme motif suffisant pour le faire basculer sur le côté du canapé, de nouveaux objectifs en tête. Volonté de recueillir ses frissons alors que ma bouche suit le même chemin déjà emprunté il y a une nuit qui semble si lointaine et si présente à la fois. Un baiser pour un bouton, mes mains accompagnant l'humidité de mes lèvres contre son torse. Un bouton pour un frisson alors que la chemise qui l'entravait n'est plus qu'un support à son dos. Le découvrant de nouveau un peu plus à ma vue. Putain, toujours aussi beau. Détaillant à présent le creux de ses cuisses. Il n'a jamais été besoin de plus pour qu'il soit compris.
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Message(#)a soft brackets called interlude -леовски EmptyDim 13 Jan 2019 - 14:51



Soft brackets called interlude.
Ambroise & Andreï


Nulle part en lui-même Bonnie ne trouve un sentiment de gêne, ou d’étrangeté. Son assurance quotidienne ne l’exempt pas d’être toujours à l’aise. Ceux qui ont essayé de pousser trop loin la complicité, de percer ses barrières, ou simplement de le prendre dans leurs bras pour quelques raisons que ce soit se sont tous vus recalés. Un lendemain n’est pas synonyme d’intimité pour Ambroise qui, pourtant, ne pense pas à partir de si tôt. Et Andreï ne fait rien. Son caractère toujours égal. Pas de questions qui vont trop loin. Pas de gestes forcés. Pas de sensiblerie. Pas de fausse familiarité parce qu’ils ont partagé une nuit qui s’est bien plus étendue que prévue. Une bonne chose que l’australien, pour une fois, s’était résolu à ne rien attendre de précis, sinon ses plans auraient été fortement chamboulés par le développement qu’il ne peut que suivre. Un petit-déjeuner comme s’ils se connaissant depuis des lustres. Comme si ça n’était pas la première fois qu’Ambroise passait une nuit ici. Une nuit dont il se rappellera très longtemps, qu’il le veuille ou non. Testant la chaleur de son thé, s’interrogeant sur une possible tradition russe, il se fait la réflexion intérieure d’avoir la même sensation de simplicité que lorsqu’il se trouve avec sa sœur ou Clément autour d’un petit-déjeuner. Vie de famille, de couple, un foyer. Il ne manque pas grand-chose au tableau ; des fringues à lui dans un tiroir, son propre ordinateur sur un coin de la table, des livres d’astronomie à côté de ceux en cyrillique, ou encore son téléphone connecté automatiquement au Wi-Fi. Des aspects matériels à revoir pour coller à l’imagerie d’un logement semi-partagé, là où les aspects personnels paraissent déjà en place. Assez déstabilisant pour repousser la révélation et orienter toutes ses pensées vers d’autres horizons. A ce point déroutant d’ailleurs qu’il tente avec plus d’audace de prendre une gorgée de son thé bouillant. Se brûler la langue est assez efficace pour qu’il oublie ce à quoi il réfléchissait contre son gré.

La mémoire lui revient alors, jonglant entre la vodka et le thé ainsi qu’un certain adage russe reliant les deux. Allusions et séductions. Pièges qu’il n’y a même plus besoin de tendre. Le jeu n’a pas connu d’arrêt, coucher ensemble n’aura servit qu’à libérer une pression qui est toujours présente. Ils ont joué avec le feu, inconscients de toutes les répercussions amenées par ces premiers regards incapables de se lâcher. Un coup d’œil à Andreï qui repose sa tasse de thé. Ambroise qui prend les choses en mains ; après s’être laissé approcher, désirer, conquérir, il fait le tout premier pas. Autre que des mots servant à rappeler en filigrane la nuit précédente. Aucun d’eux n’a oublié, et il est parfaitement certain qu’Andreï ne dira pas non à ce qu’il a en tête. De toute manière, il ne peut s’en empêcher. Grimper sur ses genoux, glisser ses doigts dans ses boucles pour assouvir un premier désir, puis un baiser dont le manque le faisait souffrir. Et ce n’est qu’en effectuant ce geste qu’il se rend compte que le sentiment apporté lui procure en sentiment de complémentarité. Il juge que c’est par rapport à cette matinée, incomplète sans une dernière danse. Timing qu’il met sur le dos d’une température trop élevée de sa boisson, excuse acceptée par le russe qui ne voit aucun mal à être utilisé comme passe-temps. Ils se recouvrent du même alibi. D’autres flammes qui s’éveillent pleinement, un autre contexte qui offre sa dose d’excitation. Une familiarité attirante. Chemise empruntée qui se rappelle à Bonnie dans tout ce qu’elle représente. Une chaleur qui vient de l’intérieur et trouve écho. Andreï ne peut dissimuler les indices de l’impression de manque qu’ils ont partagés. Se découvrir davantage, non plus au sein d’une boîte de nuit ou d’un bar mais dans un fragment de vie quotidienne, dessert totalement l’impulsion de séparation que quémande leur fierté. Chaque détail qui dévoile un petit recoin du russe et de sa vie est une sucrerie pour Ambroise, un nouveau bonbon à se mettre sous la dent. Et il n’en aurait jamais assez si son orgueil ne venait pas l’empêcher de se rendre compte de l’étendue de sa chute.

Un compliment soulignant sa beauté, que ce soit au bar ou au matin. Endormi ou séducteur. Des paroles maintes fois entendues. Le détail qui change tout. Percé dans l’intimité de son inconscience dans les bras de Morphée. La voix du russe qui parvient à lui donner des frissons. Ses mains qui rejoignent ce même dessein, prenant possession du corps de l’australien qu’avec son accord. Une atmosphère particulière qui ne peut éclore qu’après de cet homme dont il connait si peu de choses. Et il ne peut même pas remettre en cause ce qui se passe. Un équilibre entre eux, appartenir et posséder, dominant et dominé. Un schéma noueux compris d’eux seuls. Cette fois-ci, ce n’est pas taquinerie ou arrogance que Bonnie répond.  « Je sais » qui conclu bien trop souvent tout compliment qu’on lui porte. En général sincère, en général avec l’idée en tête de goûter à cette beauté ou de se délivrer des pulsions qu’elle suscite, en général après l’acte alors que Bonnie est déjà en train de passer à autre chose. Andreï ne fait pas partie de ces dernières catégories. Son honnêteté heurte le jeune étudiant qui se pensait encore capable de contrôle. Une fissure. Il aurait aimé que le russe en profite, au matin, comme d’autres n’auraient pas hésité s’ils en avaient eu l’occasion (occasion que Bonnie esquive ou détruit systématiquement). Alors il aurait eu l’occasion d’être tiré du repos de la plus belle des manières, de le voir encore épris des effets du sommeil, un léger sourire au coin des lèvres et une langueur propre aux réveils. Il aurait aimé. Et il l’avoue sur le même ton confidentiel. Toujours aussi proche de sa chaleur, le touchant autant que possible, cherchant à garder le souvenir ancré dans sa chair des bras qui entourent son dos et de la sensation de ses paumes sur sa peau. Espérant noyer son aveu de la même façon qu’Andreï a cherché à perdre le sien, sous des sensations fortes.

Le scénographe pourtant n’en a pas fini, et en quelques mots choisis lui fait comprendre qu’il n’aurait pu le laisser partir. Incapable cette fois-ci de porter sa pensée à voix haute pour ne pas l’enrober de réalité, Ambroise n’a que la solution d’un baiser pour s’exprimer. Son corps tendu contre le sien, se moulant parfaitement contre son torse accueillant. Ses mains l’empêchant de fuir, quoique c’est inutile. Ses lèvres contre les siennes, dévorantes. Un baiser plus révélateur que mille paroles. Des gestes entre eux toujours plus compréhensibles. Andreï précise pourtant sa pensée ce matin, en le voyant dans son lit, encore paisible. Une formulation qui pourrait en rendre d’autres perplexes, et que Bonnie ne saisit que trop bien. Une étreinte du cœur qui lui déplait, et le fait revenir à une certaine réalité voulu par son cerveau encore maître. Si ce n’est d’une nuit, ils sont amants d’un jour. Si cela est amené à se reproduire comme l’ont laissé sous-entendre plusieurs phrases aux implications inconscientes, ça ne sera pas parce qu’ils le provoquent. Rien d’autre que l’appel d’un désir charnel. Rien d’autres que des pulsions qui cherchent à se libérer. Pas de statut plus particulier qu’une forte attirance. Des écarts qui s’accumulent mais restent facilement justifiables. Le russe voulant résister ce matin et prouver qu’il restait maître de lui-même en refusant de plier à l’appel, ce qui ouvert la porte à une tendresse inconvenante. A une preuve concrète d’une situation particulière. Ambroise ne comprend que trop bien et en est tout aussi déçu. Il a été charmé, il l’a séduit en retour sans effort, il l’a fait attendre, il s’est fait désirer, il a promis comme s’il décidait, et il a tenu sa promesse ; une nuit. Sa vision se colore d’une mélancholie qu’il refuse de reconnaître, préférant emplir son esprit du goût des baisers de son bel inconnu. Prolongeant la promesse faite. Comme s’il était question de pouvoir l’oublier après tout cela. Il l’espère cela dit, y trouvant une certaine facilité, cependant il devine qu’il ne pourra pas faire sombrer dans l’oubli tous ces moments partagés. Il n’aurait jamais pu complètement oublier cet inconnu aux yeux noirs. Preuve en est qu’après des semaines suite à cette soirée au théâtre où il n’a fait que l’observer, à peine a-t-il revu sa silhouette au coin d’un bar qu’il l’a reconnu. Et immédiatement un fil rouge les a reliés. Condamnant les deux hommes à leur insu.

Dernière réflexion d’Andreï. Utilisant le détachement comme couverture pour deux mots, décrivant la situation comme amusante, qui font bien plus de mal à Bonnie en le ramenant violemment là où il refuse d’être. La réalité. Ils se veulent. Ils s’en veulent. A l’autre et à soi-même. A ce point faible face à ce qui n’est rien d’autre qu’un homme de plus. A ce point incapable de lutter contre le fait que ça n’est pas qu’un homme de plus. Ils sont une particularité dans la vie de l’autre. Et le russe comme l’australien ont conscience de vivre la même chose. Sans pour autant l’admettre. « A mourir de rire », souffle Bonnie, d’un sourire en coin qui n’atteint pas ses yeux, avant de fondre sur sa bouche pour faire taire Andreï. Un choix de mots tout à fait sombre, tout à fait volontaire. Ajoutant une autre dimension à ce qui est potentiellement leur dernière fois. Maintenant l’ombre d’une séparation. Point une nuit s’ouvrant devant eux, tout au plus quelques heures. Ardeur à l’embrasser. Ses lèvres comparables à l’oxygène vital. Fièvre qui contracte son bas-ventre. Ambroise préfère se perdre dans les sensations que de penser. Et ça marche fort bien, à la manière d’une petite pilule ou d’un bon alcool. Une drogue dans son parfum masculin. L’addiction de ses mains. Le rythme plus franc que hier, déchiré entre l’envie de prendre son temps et celle d’absolument profiter de l’instant présent qui ne dure pas. Conscient de la fin approchante. Espoir que ça n’en soit pas une.

Andreï retire son t-shirt avec une vivacité nouvelle, résultat d’une passion qui grandit. Bonnie comprend l’effet d’être privé d’air plus que jamais. Instinctivement, sans rien pour le retenir, il resserre les cuisses autour de celles du russe, le dos de nouveau droit et en équilibre. Ses mains ne tardent pas à trouver position sur le torse dénudé face à lui, qu’il glorifie d’un regard envieux. Il s’est mordu légèrement la lèvre sous la vague d’impatience d’Andreï, une nouveauté, pour une seconde ; impatient de se retrouver peau à peau, impatient de revenir pleinement à son contact, impatient de ne faire qu’un à nouveau. Il soupire de bonheur sous le baiser qu’il reçoit, trahissant l’état de son amant. Impatient et tout en retenu, en harmonie. Les lèvres fines libèrent les siennes, désireuses d’en découvrir davantage. Elles rejoignent son oreille, qu’elles embrassent, puis descendent le long de la zone sensible que représente son cou et laissent leur amie la langue y jouer. Ivre, Bonnie ferme les yeux, la tête légèrement basculer en arrière pour mieux laisser le champ libre. Une inspiration plus sonore. D’un basculement leste il se retrouve allongé sur le canapé. Aucun mot de sort de sa bouche entrouverte qui lutte surtout pour trouver l’oxygène nécessaire. Andreï qui décide, qui prend les commandes, de sa volonté de vaincre les boutons qui retiennent le tissu. Un frisson à chaque baiser qui vient conclure une ouverture. Lascivité dans les gestes qui contraste avec le traitement qu’à reçu le t-shirt du russe. Ce dernier prenant plaisir à la lenteur, pour savourer chaque seconde de plaisir infligé. Bientôt le vêtement ne sert plus à rien, cependant toujours accroché aux épaules d’Ambroise dont le torse est entièrement découvert. La fraîcheur n’est rien comparé à la chaleur qui entoure le jeune homme. Son regard légèrement brouillé est posé sur Andreï, et ses joues sont rougies de se savoir ainsi détaillé, apprécié.

Bonnie laisse le temps s’écouler un instant, sans qu’aucun mouvement ne vienne déranger sa position allongée, presque innocente. Si ce n’étaient ses yeux verts, flamboyant. Dévorant du regard son amant en retour. « Je crois que je n’ai plus à te guider, non... ? » murmure-t-il, référence à la nuit dernière. Sa voix un peu rauque. Avide. Autorisation sans doute à prendre la main. Mais avant de laisser le temps au russe de faire quoique ce soit, il se redresse sur un coude. Sa main tendue caresse sa joue, l’attire à lui en même temps qu’il s’élève davantage pour l’embrasser. Une passion lascive. Une faim qui ne peut être comblée alors qu’ils gravissent la première pente et s’approchent du premier sommet. Sa bouche ainsi occupée, il peut diriger les doigts de la main qui ne sert pas à le soutenir vers la boucle de ceinture d’Andreï. Quelle idée de se rhabiller entièrement, finalement. Il parvient à la déboucler, puis, tranquillement, déboutonne le pantalon. Libérant ainsi le passage pour que sa main taquine embrasse l’objet de ses désirs. Ses lèvres recueillent le brusque souffle d’Andreï. Un sourire d’Ambroise, les regards qui s’accrochent. La conscience que le temps leur est compté le pousse ironiquement à passer quelques autres secondes à simplement l’observer, cessant tout mouvement. Aussi près de son visage qu’il devine ses pupilles dilatées, rendant ses iris brun sombre moindres. Leurs nez s’effleurent. Leur front se touchent. Les respirations s’emmêlent alors que plus bas, Ambroise retire sa main pour remonter le long de ses flancs. Pour une fois, il baisse les yeux, perdu, incapable de soutenir son regard, la bouche entrouverte sur des mots qui n’existent pas. Il ne sera en tout cas pas déçu de sortir de cet état où son cerveau est absent ; il déteste autant qu’il adore. Il va chercher un baiser presque timide, ou en tout cas chaste, comme pour se rassurer lui-même sur une chose dont il ignore tout, avant de rendre le geste plus intense. Revenir à la passion d’avant. Lentement, il se rallonge à nouveau, encore quelques baisers, et ses mains partent chercher la nuque du russe qui le surplombe. Bougeant un peu pour se retrouver encore davantage sous lui, Bonnie passe ses jambes autour de sa taille, le capturant, infaillible désir. Envie. Le besoin de proximité. Sans équivoque. Soupire. « Le thé... Le thé réchauffe aussi, tu as raison... Tu es pire cependant. » Légère moue alors qu’il se mordille la lèvre. Quelque chose le tuera dans leur relation, entre attente et impatience, entre une température élevée et un cœur qui s’emballe. Une envie bien trop puissante pour ne pas être douloureuse avant d’être assouvie.

 
Emi Burton
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Message(#)a soft brackets called interlude -леовски EmptySam 2 Fév 2019 - 19:45


Une belle gueule : j'ai déjà été charmé par certaines d'entre elles. En quête de charisme bien plus que de beauté à proprement parler, rares sont les fois où mon besoin d'exprimer à l'homme de mon désir son caractère plaisant pour les yeux s'est fait entendre. Pourtant, la beauté de Bonnie a toujours été d'une nature toute autre. Un magnétisme dans le vert de son regard, ce quelque chose de jeune éphèbe voilé d'impertinence qui m'avait sauté aux yeux dès la première rencontre. Il le sait. Il n'a sûrement jamais eu besoin de me l'entendre dire. Une phrase si banale, si loin de nos joutes verbales habituelles mais dont il n'est à l'instant plus question. Plus question non plus de feindre le désintéressement après une nuit promise et due, mon mot d'ordre ayant toujours été la sincérité. Prêt à tout entendre, m'exprimant certes peu mais dans une logique de nécessité, l'urgence de la situation est la première à délier les langues : puisqu'il sera un temps pour lui de partir et que de le retenir n'est pas dans mon usage, la confidence s'ajoutera à notre jeu de séduction. Un mot, nos paroles entre nos lèvres qui se retrouvent et nos corps qui se cherchent bien plus habilement. Un éclair de lucidité cependant sous cet échange de tendresse : dans ce jeu du chat et de souris, nous sommes bien deux à nous être fait attraper. Une intonation en demi-teinte sous couvert d'un air enjoué : amusant comme nous voulions nous amuser.
Se voiler la face n'a jamais été de mes tares, et c'est parfois un humour grinçant qui m'a permis de minimiser l'impact d'une trop grande lucidité sur mon moral. La lucidité de me savoir sensiblement dépassé par la tournure des événements, obligé de réfréner mes ardeurs pour conserver un détachement vis-à-vis de celui qui était parvenu à devenir l'objet de mes désirs. Un objet inaccessible, là où le fait d'y avoir accédé ne me l'a pas rendu moins désirable. Bien au contraire. Obligé à présent d'user de cet humour grinçant pour rendre compte de mon constat : à force de jouer avec le feu, il finit par vous consumer. L'évidence est là, sous nos yeux : de la présence à cette heure si tardive de Bonnie toujours dans mon appartement. De ma volonté de lui avoir laissé le choix de la fuite mais sans pour autant l'y pousser ou la lui suggérer. A me dire que cette chemise il pourrait bien la garder, que mes livres il pourrait bien les feuilleter. Traduit en une seule question, amusant non ? Faussement amusé de se reconnaître en proie à des pensées contraires et dans l'incapacité de se faire violence pour les réfréner. C'est d'une réponse beaucoup plus cynique perçu dans son intonation que Bonnie en vient à me répondre.

Son éternel sourire en coin cette fois-ci pas le moins du monde enjoué, une flamme que je croirais s'éteindre l'espace d'une seconde : celle animant habituellement ses pupilles. Une seconde cependant suffisante pour comprendre que tout autant que moi, lui aussi sait que nos baisers échangés sont les derniers. Doivent être les derniers. Car prolonger une nuit est une chose, l'éterniser en est une autre et d'aucun de nous deux ne seraient volontaire d'accepter tout ce que cela implique. Se revoir comme une décision à double tranchant : être en proie à la dépendance ou bien la déception. Dépendance de mon désir et de ce jeu jusqu'au moment où notre propre liberté viendrait à nous manquer. Ou déception à se rendre compte que la particularité de Bonnie et notre attirance mutuelle n'était le résultat que d'une patience mise à rude épreuve mais récompensée, et que si une nuit n'a pas suffit à l'amenuiser c'est qu'elle n'est l'affaire que de la troisième.
Et il n'en faut pas plus à mon esprit pragmatique pour digresser : s'il lui faut partir, ne vaut-il pas mieux mettre un terme maintenant à ces baisers ? Sûrement, mais je m'en suis également montré incapable. Ne remettant qu'à plus tard la frustration provoquée par son absence qui ne serait que plus vive s'il était amené à partir dès à présent. Toutes pensées devenant inutiles à la lumière de ses lèvres. Si simple de les cueillir, si simple de les toucher. Il faudrait être stupide pour ne pas s'y laisser tenter,  pour ce qui s'annonce comme une dernière fois, y plonger.

Une nouvelle urgence : réveillée par le poids des aveux précédemment émis, par la petite aiguille continuant imperturbable sa course dans l'horloge, par la pression croissante du corps de Bonnie contre le mien. Celle de profiter de ces derniers instants dans mon appartement comme il se doit. Animés par ce même désir que la veille, le souvenir de l'expérience en plus dans chacun de nos gestes. Bien que précipitation n'ai jamais été de mise, la fougue a toujours su s'engager aux moments adéquats. Ne contenant plus une ardeur dans l'envie de ressentir le contact de sa peau sur la mienne et de ce corps plus proche encore du mien, si les gestes ne sont plus calculés ils n'en sont pas moins tout autant précis. Précision dans mes baisers au plus près de son cou et dans mes doigts défaisant un à un les boutons d'une chemise que je ne connais que de trop. Fièvre faisant se taire les doutes et tergiversations de l'esprit. Fièvre ne rendant que plus concret encore le manque ressenti au réveil, dans la cuisine alors que nos bras parvenaient à se frôler, ou encore simplement côte à côte sur ce même canapé quelques minutes auparavant. Et c'est son corps recueilli par l'assise de celui-ci qui m'entraîne dans sa chute tandis que sa moue m'aurait fait fondre avant même de fondre sur lui. Se mordant la lèvre aussitôt dévêtu tandis que mes mains le préparaient au même sort. Je l'ai toujours détaillé, toujours observé même d'un simple coin de l'oeil et c'est pourtant avec la même attente comblée que j'en viens à le redécouvrir. Tantôt langoureux, tantôt avide, tantôt reconnaissant. Jamais mon regard à son encontre ne fut animé par des intentions semblables mais toujours vivant de cette même flamme de désir. Le dévêtir pour mon bon plaisir, mais également pour le sien à entendre son souffle se faire plus lourd et plus intense. Plaisir à voir ses joues se colorer sous sa respiration et mon regard posé sur lui. Je pourrais là aussi tout autant fondre sur lui,  mais l'espace d'un instant, c'est comme-ci ce regard était le plus à même de me happer et que toute action se serait montrée nuisible dans ce moment de grâce.

Mon sourire comme toute réponse à son allusion à la veille alors que nous nous étions retrouvés tous deux, en d'autres circonstances, sur ce même canapé. Une autre boisson comme excuse à nos baisers, de la vodka trop forte pour un thé trop chaud. Et une éternelle contemplation de ce brun dont je ne connaissais jusqu'alors pas même le nom. Bonnie engageant une fois de plus la parole, m'invitant à prendre les devants : la marche à suivre, je la connais. Et c'est un mouvement imperceptible de ma part qui m'y aurait entraîné si ça n'était pas à Bonnie de venir me surprendre dans mon élan. Son visage se rapprochant du mien sous l'action de son coude sans pour autant chercher à m'embrasser en premier lieu. Une caresse, ses doigts effleurant ma joue dans une tendresse si inattendue que c'est mon coeur qui vient à se serrer. Sa main entrainant cette fois-ci mon visage au plus près du sien, venant cueillir de ses lèvres les miennes. Retrouvant une langueur dans ce contact bien que mon esprit encore embué de la légèreté avec laquelle sa main est venue me chercher. Ne s'embuant qu'un peu plus sous l'effet de la chaleur de sa main que je devine partir à la recherche d'une toute nouvelle occupation. Frémissant d'anticipation tandis que ma bouche n'est pas plus rassasiée de la sienne.
Le bruit d'une boucle de ceinture que l'on défait. Un bouton qui suit une voie similaire à ceux de Bonnie précédemment. Lui, seulement vêtu de ma chemise devenue sienne. Moi m'étant encombré d'un peu plus de tissu bien que tout aussi rapidement débarrassé. Si c'est par habitude que je m'étais rhabillé, il ne reste à présent plus grand chose de ma sortie de la chambre. Mon souffle se faisant plus court à son contact imprévisible. Caresse tout aussi douce que celle émise sur ma joue, ne fermant les yeux que pour mieux les rouvrir sur ceux de Bonnie. Sa main tout aussi enveloppante que le silence enveloppant un instant de suspension.
Contemplation silencieuse, presque désintéressée. L'on croirait presque voir le temps s'arrêter.

L'espace d'un instant, c'est son regard qui m'investit tout entier. Instant de fragilité au bord du fil tandis que nos nez se rencontrent presqu'inconsciemment. M'imprégnant d'une façon si différente de sa présence, le poids de sa tête contre la mienne rassurante, son front recevant le mien épris d'une attention de délicatesse. Je ne l'avais encore jamais perçu ainsi, non pas en proie à une fragilité mais une sincérité bien plus simple. Ne désirant d'un coup d'un seul pas plus que le sentir à mes côtés. Ressentir sa chaleur m'envelopper de se simple contact, mes yeux se refermer tandis que sa main remonte le long de mes côtes. Ne cherchant pas son regard mais conservant mes yeux clos sous cette nouvelle sensation. Reconnaissant peut-être cet instant duquel quelque chose pourrait être dit mais où personne n'ose se prononcer. Plus aucuns mots ne valant la peine de troubler le moment arraché au temps. Surprise de ses lèvres regagnant simplement les miennes alors que mes yeux se sont rouverts sur son regard baissé. Toujours étonnamment douces, ses lèvres. Goûter à cette douceur dans la tiédeur de l'instant. Et pourquoi ne pourrait-il pas rester encore un peu plus longtemps après tout ? Nos lèvres qui s'emballent comment en réponse à cette question pas même murmurée. Une passion plus vive qui se recouvre peu à peu sous la communion de nos lèvres permettant à nos langues de s'effleurer. La position allongée comme transition naturelle à celle plus tôt adoptée, coulissant tout contre Bonnie comme une évidence. Parcouru de ces fourmillements électriques prenant source du fond des entrailles comme me réveillant d'un engourdissement passager. Bien plus avide encore de son contact, empli de la douceur de nos gestes plus tôt échangés. Me retenant à présent comme pour ne plus vouloir partir, son souffle si proche du mien.

Deux tasses qui ne fument plus attendant patiemment sur la table que l'on vienne les libérer de leur contenu, il n'en est pourtant rien. Une simple allusion à leur vertu attribuée à juste titre : que se soit vodka ou thé, je n'aurais pas menti en ressortant de vieux adages russes. Mais associant chaleur de la boisson à celle de nos deux corps, la comparaison n'est jamais bien loin. Un sourire en coin s'étirant sur mon visage aux paroles de Bonnie. Se teintant d'une teinte toute autre l'espace d'une seconde : malgré le sucre, ce thé restera amer encore quelques temps après son départ.
Un nouveau baiser pour chasser une fois encore le caractère irrémédiable de la séparation. Une longue inspiration venant ponctuer celui-ci. Entrouvrant la bouche comme prononcer un mot sans qu'aucun son ne sorte pour autant. Mes yeux se fermant simplement à demi sous les mouvements réguliers de Bonnie. Si je suis pire que le thé je pourrais en dire autant de mon brun.

Coussins épars et respiration entrecoupée. Si la conclusion de nos ébats de la nuit avaient trouvés refuge auprès de mon lit, c'est à présent toujours dans mon canapé que nos corps se sont confondus. Accueillant bien plus que nos baisers et leur ardeur sourde, le thé sur la table tout à fait refroidi depuis un moment déjà comme indicateur du temps passé l'un et l'autre ensemble n'a pas bougé. Et de cette épisode comme déconnecté de toute temporalité, il n'est pourtant toujours pas question pour nos lèvres de se séparer. Pas même perturbé par un pied venant cogner le coin de la table basse ou le tintement d'une cuillère. Ignorant à deux reprises les appels en provenance de mon téléphone, perturbation extérieure trop prompte à nous ramener à la réalité. Seule ma voix ose s'élever servant de liant entre notre bref instant d'intimité et l'environnement nous faisant face. Un murmure si près de ses lèvres après un regard vers la table à nos côtés. "Je crois qu'il va bien falloir que je refasse du thé..." Mon sourire venant ponctuer ma remarque comme une énième taquinerie, presque un clin d'oeil dans la voix. On aura au final bien trouvé un moyen pour patienter jusqu'à son refroidissement. Et bien qu'énonçant à voix haute une action à accomplir, ça n'est pas pour autant que j'en viens à me lever. Les yeux de Bonnie toujours rivés sur moi, sa main sur mon torse. Du thé, de mon téléphone et ses messages en suspens ou d'une probable envie de se doucher, le moment est trop précieux pour en venir maintenant à l'écourter. Quoique le soleil ait déjà bien poursuivi sa course à travers les rideaux de mon salon, si le début d'après-midi s'est écoulé peut-être notre nuit pourrait se prolonger encore le temps d'une soirée ?
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Message(#)a soft brackets called interlude -леовски EmptyMer 13 Fév 2019 - 19:17



Soft brackets called interlude.
Ambroise & Andreï


Démontré parfaitement par le compliment d’Andreï – sans doute le premier, le seul, si puissant –, le temps leur est compté. Loin est l’heure des jeux verbaux, de se tourner autour. Honnête parce qu’il le faut. Ils ne sont plus à ça près. Nul besoin de faire croire qu’ils ont encore un pouvoir sur la situation alors que leurs corps se cherchent comme s’ils s’étaient perdus toute une vie. Ambroise prend conscience de laisser aller, un peu, à répondre. Trop perturbé par les quelques mots vantant sa beauté dont il a pourtant connaissance. La sincérité a toute sa place pour transmettre les derniers frissons avant le tombé fatidique du rideau. Et la réalité frappe durement. Tout devra avoir une fin. S’il se berçait encore d’illusions quant à de possibles et souhaitables retrouvailles – prévoir une heure et un lieu avec précision ou nonchalance –, Bonnie sait que l’ordre des choses est différent. Alors qu’ils étirent les heures et les secondes. Alors que la moindre excuse est bonne à utiliser comme masque pour leur envie de rester l’un auprès de l’autre. Alors qu’ils glissent peu à peu vers une pente dangereuse, rare et risquée, qu’ils ne veulent emprunter. L’accord avait été donné pour une nuit. Une montée en puissance magique se terminant sur un sommet magnifique, un accord de principes et de corps qui frôlait la perfection. Le désir nullement assouvi.

Malheur à Icare qui a cru pouvoir plaisanter avec le soleil. Ambroise s’est embrasé plus que de raison, et déteste autant qu’il adore jouer avec le feu. S’y brûlant les ailes. Ayant deviné depuis longtemps qu’une nuit ne suffirait guère ; de faux espoirs, encore, afin de ne pas se heurter à une réalité déplaisante. Une dépendance qu’il refuse et nie en bloc, qui l’a toujours fait reculer chez d’autres qui osaient croire à autre chose qu’un doux écart de quelques heures. Il n’a jamais fantasmé sur le fait d’être en couple, n’y voyant que des problèmes et une perte flagrante de liberté. Sa vision des choses se maintient. Qui sait si cela ne servirait pas qu’à révéler une lassitude entre eux d’ailleurs ? Une nuit ou deux en plus seraient peut-être suffisante pour faire disparaître la flamme. Unique est ce qui détermine le mieux leur histoire, pourquoi tout gâcher si, comme toujours, la dernière heure est plus proche qu’escomptée ? Ainsi, Bonnie préfère en rester là, au lieu de parier sur la façon dont cela tournera mal ; dépendance ou ennui, Charybde ou Scylla. Laisser de nouveau le hasard décider du futur est bien plus rassurant ; ça ne sera pas sa faute s’il recroise la route du russe, il ne l’aura pas décidé, ses sentiments n’auront pas conquis sa raison. D’ici là, il y verra plus clair. Et toute l’affaire gardera ainsi son caractère exceptionnel. Remettre à plus tard, un beau principe.

Remettre à plus tard et pourtant, il s’agit de l’instant présent. Se rendre compte que la séparation est inéluctable et peut-être – préférablement – pour toujours. La réalisation est dure mais fulgurante, apparaissant comme seule issue possible. Trop d’implications si le moment s’éternise encore, si Bonnie choisit de rester pour la soirée qui se profile dans le lointain. Il n’est pas prêt, pas volontaire. Et les paroles d’Andreï sont ce qui le ramène durement à cette réalité. Lui non plus ne souhaite pas prendre ce chemin. Mais, pragmatique et effroyablement lucide, il est le premier à rappeler à l’ordre leurs deux cœurs. Sous couvert d’humour. Amusant comme ils sont prisonniers de l’autre ; amusant comme ils en sont conscients mais refusent de l’admettre ; amusant comme la vie elle-même. Le détachement se doit d’être ramené sur le devant de la scène pour ne pas se laisser submerger par l’immensité. Récupérant un sourire en coin de façade, son souffle charriant des mots encore plus cyniques, Bonnie fait passer le même message. Mentalement il se rappelle que ce n’est qu’un inconnu, un autre bien que différent. Le rythme déraille quelque part le long de cette ligne de pensée, une fausse note, il l’oubli. Il efface le manque de lueur vive dans ses yeux en retournant embrasser Andreï. Le faisant taire. Se faisant taire. Cassant le moment trop proche d’une blessure à son goût. L’évidence, si dure à accepter, qu’ils sont à deux doigts de perdre tant, que leur jeu était bien plus dangereux que prévu. Une obligation de voir avec clarté les raisons de chaque pensée, de chaque geste ; rester plus longtemps, voler une chemise, s’installer autour d’un thé, partager un matin. Un encart si grand dans l’intimité d’Ambroise qui est certain que le nombre de personnes ayant connues un tel pan de sa personnalité se compte sur les doigts de sa main.

Andreï est la voix de la raison, néanmoins il n’arrête pas ce baiser profond, qui chasse l’ombre. Bonnie en tentation pure, faisant taire toute idée saugrenue d’un geste. Quitte à partir, il pourrait le faire maintenant, mais il refuse. Rien d’autre n’affectera ce dernier moment dont il veut profiter. Le russe ne s’est peut-être même pas posé la question ; aucun temps d’arrêt dans l’étreinte, dans les souffles qui se mêlent, dans les lèvres qui ne se quittent plus. Profiter une dernière fois, boire une dernière gorgée d’eau fraîche avant d’affronter le désert. Le reste relégué pour plus tard. Le manque et la solitude repoussées d’autant. La mélancholie qui se fera insidieuse. Le jeune homme qui en est revenu à ses premières audaces de croire qu’il maîtrisera entièrement les conséquences. Cette voie déjà parcourue, connue, aisé de sombrer tout contre ce corps. Flamme qui dévore de plus belle après cet instant de vide. Une nuance d’urgence, naissante de la sincérité et de l’inexorable dénouement. Le même désir qui s’éveille trop facilement ; là où une nuit entière n’aura suffi à le calmer, que peuvent bien faire quelques heures grappillées. Moins de calcul et de précision, le but simpliste de se réunir. Plus proche. En contact, toujours. Le canapé recueille sobrement le dos d’Ambroise, tandis que la chemise est réduite à l’inutilité. L’écart chaste maintenu depuis le réveil du plus jeune flanqué aux oubliettes. Le manque comblé, aux contours rendus plus nets par contraste.

Ayant terminé sa tâche, Andreï marque un arrêt. La petite aiguille se fige, c’est obligé. Son souffle se faisant plus intense, Bonnie se sent rougir sous les yeux sombres de cet homme tout entier si désirable, devenu synonyme de fantasme. Il n’en faut pas plus pour le faire réagir. Il ne résiste jamais au plaisir simple d’observer son russe. Graver en sa mémoire la courbure de son nez, la finesse de ses lèvres, le désordre de ses boucles, la franchise de son regard, le contraste des grains de beauté sur sa joue, la douceur de son sourire, le confort de ses bras, ses mâchoires taillées dans le marbre. Ambroise pourrait continuer des années, comme souvent perdu à des lieues de la Terre lorsqu’il se retrouve piégé. Si bien que même s’il suppose à voix haute qu’il n’a plus à jouer les guides, il bouge en premier, venant ravir sa bouche en un baiser langoureux. Surprenant tant ce geste est paradoxal à sa parole mais par tous les dieux, il ne pouvait pas attendre. Car Andreï n’est pas beau, à l’instant, il est transcendantal. Une caresse telle une plume pour amorcer ce nouveau mouvement de leur partition, apportant une autre couleur. Une sincérité complète de la part de Bonnie dans ce faible geste, bientôt éclipsé par le baiser. Une tendresse qui n’ose se mêler à la passion, par peur de voir son objet se défiler. Légèreté un peu plus enterrée alors que sa main part tout au sud, à l’attaque d’une ceinture facilement vaincu. Reprenant possession des lieux non sans grâce, il s’amuse à son tour de l’effet qu’il peut produire.

Le contrecoup est inattendu. Se retrouvant à l’observer de si près, il en perd son sourire et son envie de le taquiner. Sa paume entame une longue remontée le long de ses côtes, toujours menée avec douceur. Sincérité dans le regard, encore. Trop peut-être. Dénuement total, le masque entier qui tombe, non sous l’effet d’un plaisir atteint et incontrôlable, mais pour la simple raison qu’il n’a plus lieu d’être en cette seconde hors du temps. Ambroise le ressent dans tout son être, ce moment où il est trop lui-même pour que ça n’en soit pas hasardeux. Dangereux. Périlleux. Cependant puisque la conclusion approche... Il peut se le permettre, ose-t-il croire. L’envie de dire quelque chose d’important, quitte à troubler légèrement l’immobilisme. Comme les mots qu’un mourant a besoin de prononcer pour être en paix avec lui-même. Ceux-là. Ceux-là ne viennent pas. Sa bouche s’entrouvre mais les mots se bloquent. Interdits, inexistants. Le silence n’en est que plus lourd de sens. Leurs fronts tout aussi brûlants qui se reposent l’un sur l’autre, leurs nez qui s’effleurent inconsciemment. Bonnie a confusément pris conscience de quelque chose de grave ; son regard se baisse pour une fois, se détourne un instant, préférant ne pas trop en voir sur la façon qu’il a de se sentir complet en étant simplement là. Avec lui. Juste avec lui. Mettre la bonne pièce du puzzle à l’endroit destiné. Brèche béante dans ses remparts, comme si le russe n’en avait déjà pas assez abattus. Battement puissant de son cœur. Il conclut en apposant ses lèvres contre les siennes. Délicatement. La fin de la contemplation marque la reprise des hostilités.

Il se rallonge, l’emmène dans sa chute grâce à quelques baisers. Ses mains judicieusement placées sur la nuque du russe qu’il a tout loisir d’observer réagir à ses soins. Son bassin pressé contre le sien, jambes encerclant sa taille pour l’empêcher de fuir. Echo de leur précédent échange verbal entre deux soupirs ; concernant le thé, sa chaleur. Ambroise sombre en aveux, camoufle derrière cet artifice banal à leurs oreilles une authenticité vulnérable. Andreï arbore un fin sourire, l’un des nombreux qui suffisent à faire bondir le cœur. Quoiqu’il ait voulu dire – s’il voulait parler –, les mots meurent dans sa gorge, sous l’effet calculé du corps de Bonnie contre le sien. Changement de sujet efficace. Le jeune homme a toujours les bonnes techniques pour détourner l’attention subtilement lorsque le sujet se trouve trop proche de son cœur. Le fil de pensées perdu, remplacé par une inspiration profonde, afin de ne pas faire ressurgir les démons d’une séparation déplaisante ou d’une vérité trop compliquée. Un baiser qui étouffe le reste et les emporte.

Des soupirs qui s’égarent aussi bien que les coussins sont repoussés. Des caresses qui réchauffent le corps et le cœur. Les minutes qui s’égrènent sans causer de remords. Sans regrets. Se connaissant un peu plus que la soirée précédente, et pourtant se découvrant encore. Tant de choses résumées dans chaque baiser qui se pare différemment. Myriade d’émotions, parfois contraires. Néanmoins Ambroise est heureux ne pas être parti tout de suite, trop tôt. La douleur en sera moindre, espère-t-il, après avoir goûté une dernière fois à l’extase. L’endroit importe peu. Seul ce regard posé sur lui compte réellement. Récession du désir rassasié. Chaleur enveloppante. Ils n’auront eu de cesse que de chercher le feu comme des hommes frigorifiés. L’idée d’une séparation qui n’a voulu laisser Bonnie en paix a rendu le tout bien plus précieux, finalement. Leurs respirations atteintes comme signes de la conclusion atteinte, ils ne parviennent pourtant pas à se séparer, quand bien même le monde extérieur s’est déjà rappelé à eux. Or, en plein milieu de leur communion, la réalité n’avait pas à s’interposer. Personne n’a répondu au téléphone qui a sonné deux fois. Personne ne s’est soucié du thé désormais froid. Personne pour faire autre chose qu’étouffer un rire alors qu’un grognement a ponctué l’impact d’un pied sur le coin de la table. Leurs lèvres et leurs langues toujours se retrouvant, refermant la bulle. Bonnie n’est que rarement enclin aux câlins de l’après, à démontrer une quelconque tendresse une fois le désir comblé. Pourtant il n’a guère envie de le quitter, ce cocon, alors qu’un nouveau baiser emprunt de langueur se rompt. Le russe – peut-être inconscient de l’inhabituel moment puisque l’habitude ne s’applique pas à son contact – se redresse un peu, néanmoins à portée de soupir, pour rattraper en coin de cette réalité et l’attirer à eux. Reprendre pied peu à peu. S’amusant de ce thé bon à rien, de boissons qu’il se doit de repréparer. Répondant à sa taquinerie par un ténu éclat de rire, venant pourtant bien du cœur.

Avec tout ça, le début s’était échappé de la mémoire du petit brun. Pourquoi ils en étaient arrivés à cette situation ; une effronterie encore, audace nouvelle de prendre ce qu’il voulait. Du Bonnie tout craché. « J’en avais oublié le thé dis donc... Mais ça sera avec plaisir... » murmure-t-il, les restes d’un rire dans la voix. Le genre qui comporte sa part de douce nostalgie. Le rire qu’on a lorsqu’on se souvient des bêtises de l’enfance, des amis d’école. Le rire accompagnant le souvenir de bon moment. Quand bien même celui-ci vient seulement de s’achever. Rien pourtant ne bouge, l’environnement pas le moins du monde bousculé par leurs paroles. La posé sur le torse du bouclé remonte lentement jusqu’à ses cheveux. Le regard vert s’y perd un instant d’ailleurs, dans la façon qu’elles ont de recouvrir le front, de coller par quelques brins aux tempes suite à l’effort. Ambroise continu de suivre le tracer de ses doigts qui, après s’être perdus dans la chevelure, descendent sur le visage. Front, nez, traversant la pommette, glissant le long de la joue, revenant s’égarer sur les lèvres avec la douceur d’un rêve. Il pourrait l’embrasser pour toujours. Il en frémit de peur. Ses yeux retrouvent le noir de leurs homologues. « Je vais aller prendre une douche », souffle-t-il, plus pour se donner lui-même du courage que pour en informer son amant. Après un silence en suspension dans le temps, ses lèvres viennent remplacer ses doigts exploreurs pour capturer avec finesse cette bouche qu’il adore. Grappiller un souvenir de plus. Comprenant que ce n’est que le premier des pas qui les éloignerons. Posant bel et bien la première pierre de la séparation.

Andreï a l’air de le saisir. Cependant c’est presque à contre-cœur qu’il se redresse, et de la même façon Ambroise le laisse échapper à son étreinte. Assis à nouveau lui aussi, réajustant la chemise qu’il n’a pas enlevé sur ses épaules. Sa main s’était retrouvée non loin de celle du russe et à son départ, c’est une caresse secrète qu’elles échangent, alors qu’il se dirige vers la cuisine. Sans plus réfléchir sous peine de foutre en l’air tout ce que son esprit lui ordonne de faire, Bonnie se lève à son tour et contourne le canapé. Le chemin connu du couloir, premier arrêt dans la chambre. Il marque une nette pause à l’entrée, inspirant profondément. Une lourdeur dans le silence le dérange, comme s’il avait manqué une occasion, comme s’il dû dire quelque chose à un moment donné, mais il ne peut plus rien y faire. Un dernier coup d’œil à ses quatre murs qui veillent sur les nuits d’un homme désormais trop proche de son cœur pour son propre bien, et Ambroise récupère ses vêtements. Puis, une fois dehors, il se rend compte qu’il ne sait pas quelle porte mène à la salle de bain. La chance lui sourit lorsque la première poignée qu’il actionne lui permet d’entrer dans une salle d’eau au carrelage blanc. Il n’a guère envie de s’éterniser d’un coup. Se débarrassant de la chemise, il saute sous l’eau chaude avec un soupire de bien-être. Résolu de plier l’affaire en quelques minutes, parce que ce temps solitaire le trouve bien trop enclin à réfléchir, il ne se rend compte de son erreur qu’après. Le savon sur sa peau. Dans ses cheveux qu’il mouille à présent. La petite pièce s’emplie de l’odeur d’Andreï. Nouveau soupir, déprimé celui-ci ; à croire qu’il ne sera plus jamais libre de son influence. Croire qu’il est énervé serait aisé si on oublie le léger sourire flottant sur ses lèvres. Il mentirait à lui-même en disant qu’il n’apprécie pas.

De la même manière, ayant revêtu son jean à présent, essuyant encore ses cheveux humides, la pensée de garder la chemise l’attire beaucoup trop. Son regard un instant perdu sur le tissu. Il secoue la tête pour rejeter l’idée. Le miroir libéré d’un peu de la buée l’obstruant lui renvoi son reflet habituel. Les joues rougies par la chaleur de l’eau. Mais une marque un peu plus nette au creux de sa clavicule, ne laissant qu’à peine place au doute. Il en dessine le contour de ses doigts, avant de se concentrer sur autre chose. Evitant le risque de replonger. La glace ne lui permet pas tellement de se coiffer cependant. Ses cheveux ne sont pas coopératifs. Bonnie ne s’en formalise pas et donne un dernier coup de serviette énergique pour les sécher autant que possible. Étendant la serviette, il se tourne vers son propre haut. Une pause. Une seconde. Deux. Trois. Oh and fuck it. Il attrape sa chemise, et tire. Deux boutons cèdent sous la puissance sèche. « Oh mince... » marmonne-t-il faiblement, narquois, dans un dénuement complet de culpabilité. Il se retient de ricaner pour de bon alors qu’il enfile de nouveau le vêtement qui ne lui appartient pas. Au pire, une raison de revoir Andreï. Au mieux, un souvenir. Un trophée. Avant de sortir, il récupère les boutons qu’il glisse dans sa poche. Ni vu, ni connu. « Mh, Andreï... ? » appelle-t-il, réintégrant le salon. « Des boutons de ma chemise ont cédés, du coup j’ai remis la tienne », l’informe-t-il, jetant un regard à son vêtement qu’il tient dans la main pour le reposer ensuite sur le russe. Guettant sa réponse. Arrêté à un pas du canapé. Tourner cela sous forme de question alors qu’il porte l’objet sur le dos aurait été un affront à l’intelligence du russe. L’illusion verbale d’un choix qui n’en est pas un. La formulation permet donc d’annoncer un fait, sans pour autant l’imposer, car son ton s’est fait presque inquiet, sur les dernières notes. Comme s’il demandait la permission. Ou au moins, confirmation de cette permission. En tout cas, c’est presque bizarre d’être de nouveau habillé.

 
Emi Burton
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Message(#)a soft brackets called interlude -леовски EmptyVen 26 Avr 2019 - 22:04


Toutes les pièces à conviction sont là comme prêtes à parler d'elles-mêmes. Des tasses de thé refroidissant à l'air libre nous regardant d'un coin de l'oeil les dédaigner, jusqu'à ma chemise ouverte soutenant le corps de Bonnie bien plus de fois dénudé que vêtu sur mon canapé. Elles savent mieux que quiconque ce que je m'efforce de ne pas voir, ce que mon esprit bien trop lucide a compris depuis bien longtemps déjà sans que j'accepte de lui accorder crédit. Ces objets, indices, témoignages d'un point de non-retour atteint me hurlant l'évidence : je ne saurais faire mes adieux à Bonnie sans amertume. Son souvenir déjà telle une marque indélébile dans mon esprit depuis nos premiers jeux de regards, c'est à présent mon corps qui ne pourra parvenir à s'en défaire. Mais bien plus : une tendresse entre-aperçue pour laquelle je ne cesserai de me demander "et si." Et s'il restait encore un peu plus, encore une soirée. Et s'il partait, et si la possibilité nous était donnée de nous revoir. Et s'il refusait. Et s'il acceptait, et s'il en faisait la demande, et si... Moi pour qui formuler des fabulations détient de l'absurdité, en voilà certaines que je n'aurais su voir venir.
Un point de non retour que je préfère souligner d'un trait d'humour. Amusement. Ironie également. Annonçant peut-être l'amertume du départ, sous-entendant une certitude : l'attirance trop forte, l'alchimie bien trop particulière, c'est à la seule condition que nos regards ne se soient jamais croisés dans un certain théâtre, durant une certaine soirée que nous aurions pu nous libérer de l'impasse dans laquelle nous nous sommes précipités.

Reléguant ces pensées au second plan alors que les aveux ont déjà été faits. Si mes paroles savent jouer de la situation, ce sont ses baisers qui ont toujours su faire taire toute réflexion superflue. Me couper avant le mot de trop, celui qui ferait basculer nos derniers ébats en ceux d'un condamné : âpres, désespérés, comptant les minutes sans plus de plaisir que celui de baisers précipités camouflant l'angoisse sourde du départ. La porte depuis hier soir était restée ouverte : la promesse d'une nuit tenue, rien n'empêchait Bonnie de la claquer sans se retourner. Jusqu'encore ce matin, tout était encore possible. Se conforter dans l'oubli, se complaire dans le pari tenu. Mais à présent perdu sous la chaleur de Bonnie, réclamant son souffle sur ma peau comme lui accueillant mes caresses, se sont nos corps indépendamment de notre volonté qui ne se quittent plus. Investissant le canapé comme il en a été question la veille. Bien plus timide hier soir avant de déménager vers ma chambre à coucher il n'est à présent plus question de séduction fiévreuse sous le coup de la découverte du corps de l'autre mais bien d'une quête de plaisir assurée, nos mains connaissant déjà le chemin à emprunter. Averti des sinuosités d'un corps et de chacune de ses sensibilités. Une note changeante cependant. Un paramètre nouveau, teintant l'instant de couleurs tout autre. Telle une didascalie manquante qui une fois ajoutée donnait au texte une autre dimension, complète, toute son ampleur : de la tendresse.

Tendresse dans ce temps en suspension, nos visages si proches, nos regards comme nus, sa main décrivant que trop bien ma physionomie et chacun de ses angles après avoir remonté le long de mes côtes. La respiration tout aussi suspendue. A croire que rien ne pourrait rompre le dialogue muet instauré. Des mots qui pourraient être échangés mais qui ne sortent pas. Seulement une respiration douce qui reprend, s'échappant des lèvres entrouvertes de Bonnie. Il sait. Mon front qui vient rencontrer le sien, battement de paupières. Il sait lui aussi que cette tendresse, je ne l'aurais partagée avec aucun autre. Et c'est peut-être ce trop plein de savoir qui lui a fait détourner ce regard précédemment plongé dans le mien. Réflexe, par peur de trop en dire même sans un mot. Par notre seule compréhension mutuelle. Moi-même ne désirant en savoir plus. Seulement s'enivrer de l'instant alors que nos obligations se rappelleront à nous bien assez tôt. Et se sont lèvres qui m'ont précédemment coupées dans mes remarques qui viennent rompre cet instant. Fendant le silence pour venir à la rencontre des miennes. Annonçant bientôt une chute : celle de nos corps tout à fait l'un sur l'autre au contact du canapé. Une parole qui se fait enfin entendre :  nouvelle évocation de ce témoin fumant, le thé.

C'est le salon qui s'imprègne de l'image de nos deux corps tandis que notre chaleur vient habiter la pièce. Permettant une dernière fois à nos souffles de se fondre, à nos bassins de se coordonner, à nos mains de se serrer. A croire que rien n'est plus vrai que cet instant où les esprits s'accordent pour reprendre peu à peu conscience du monde environnant. Les indices qui se rappellent à nous, évoquant le monde extérieur comme pour mieux instaurer une distance à la seconde où nos lèvres se sont quittées, ne formant déjà plus qu'un brûlant souvenir. Pourtant, la tendresse, elle, n'a pu se résoudre à partir. Omniprésente dans cet instant, que se soit à la séparation de nos lèvres, dans ma lenteur à me redresser légèrement ou ma remarque presque inopinée sur ces tasses que le temps a laissé refroidir sans regret aucun. Omniprésente dans ce rire franc de Bonnie qui ne peut décocher que mon sourire en coin, reposant mon regard sur lui que pour mieux ancrer son image une dernière fois.
Pourquoi évoquer le sujet du thé, je n'en ai pas la moindre idée. Une manière instinctive de reprendre contact avec des éléments concrets sans pour autant se projeter dans un futur trop lointain sans doutes. Le thé comme thème récurrent de nos allusions, faisant le pont entre nous et le reste de mon salon, reinstaurant une temporalité distendue au fil de nos ébats. Son évocation ne semble pourtant pas nous faire bouger. N'esquissant pas même un geste à la réponse de Bonnie m'enjoignant à en refaire, c'est cette tendresse qui ne peut se soucier à se rompre alors que le rire laisse place à la contemplation. La main de Bonnie venant naturellement trouver son chemin sur mon torse. Moi, accueillant simplement cette caresse apaisée par un nouveau soupir. Non plus de ceux de plaisir fiévreux ou de contentement, mais de ceux émis lors de l'esquisse d'un fin sourire. M'amusant de la simplicité de geste comme de cette sensation agréable. Le laissant tout autant remonter le long de mon visage et en dessiner ses contours. Le sentant prendre forme sous ses doigts après avoir rencontré les boucles sur mon front, redescendant sur ma bouche encore salée de nos baisers précédents échangés. Ne quittant pas un seul instant son regard, frémissant toujours autant du vert de ses iris changeantes sous la lumière du jour filtrant au travers de mes rideaux. Si mon expression a revêtu son léger sourire impassible, je ne saurais en dire autant de mes yeux. Encore brillants de nos ébats, insuffisant pour eux de seulement voir. Comme s'ils étaient jaloux du reste du corps de pouvoir ressentir la douceur de ses caresses.

Si mes yeux ne savent rester impassibles, ils se font alors compréhensifs alors que c'est la voix de Bonnie qui vient de nouveau mettre en suspens cette contemplation mutuelle. Le sujet du thé renvoyant à d'autres nécessités. Une douche pour Bonnie arrivant peut-être au bon moment. Celui où la tendresse n'a pas encore eu le temps de laisser sa place à la sensiblerie. Celui où la frustration de se séparer physiquement ne laissera pas sa place à un trop grand manque. Esquissant de nouveau un simple sourire, hochant la tête à son besoin bien que regrettant déjà ces paroles prononcées. Nous le savons, que notre petit jeu ne pourrait durer. Ses doigts rapprochant un peu plus mon visage du sien. Baiser volé. Celui d'une conclusion, les prémices d'une fin que de trop retardée. Goûtant à ses lèvres autant que lui offrant les miennes.
Entier dans ce baiser, c'est avec douceur que nos lèvres se quittent et que je ne laisse le temps à nos corps de eux aussi se retrouver. Marquant une seule hésitation avant de me relever tout à fait sur le canapé : pour rompre ces instants, c'est à mon tempérament russe qu'il m'arrive de faire appel. Prenant à coeur une décision pour ne pas m'en détacher : s'il faut que je me relève alors il n'y a pas d'autres chemins que de se lever. Dos à Bonnie, celui-ci ne peut pourtant percevoir cette faiblesse qu'est la mienne de fermer les yeux, l'espace d'un instant, comme me remettant d'un vertige incontrôlé. Merde. Il va finir par partir ce con. Je ne l'aurais pas volé. Les rouvrant tout juste alors que je sens sa présence se renouveler à mes côtés. Assis sur ce qui nous avait accueillis allongés. Sentant un dernier frôlement de sa main contre la mienne alors que je me lève pour me saisir du plateau et de nos tasses de thé. "Pour la douche tu verras : les serviettes sont dans la commode sous l'évier." Faisant quelques pas vers la cuisine, marquant un arrêt avant de me retourner : "Prends-en une blanche, pas une verte : se sont celles de Vassili." Esquissant un dernier sourire pour détourner les talons. Je n'avais aucun besoin d'apporter cette précision. Et pourtant : un prétexte. Une dernière envie de le voir sur ce canapé, chemise entrouverte, sa silhouette ce découpant sur ma bibliothèque. Quel con. N'arrêtant pas de me maudire alors que se sont les assiettes que je place dans l'évier, remettant de l'eau chaude dans les tasses vidées.

Les bras en extension sur les rebords du lavabo, en appui dessus la tête en direction du sol, c'est un long soupir que je laisse s'échapper de mes narines. Les yeux rivés dans le vide. Ne pensant plus. Ou pensant trop, un brouhaha de paroles indiscernables faisant regretter la pesanteur d'un silence. Je l'ai voulue, cette nuit. Je l'ai voulu, lui, tout entier. Cherchant son visage dans les bars, comblant ma frustration auprès d'autres. L'oubliant que pour mieux me le remémorer alors que nos jeux de séduction se faisaient plus distincts, le rapprochement plus vif, le désir plus grand. Aucun de nous n'a jamais cédé. Envie de l'autre, physiquement. Envie de la voir plier aussi, de le savoir sien. Besoin d'appartenance sans appartenir. Découlant simplement de ce jeu avec cette volonté d'en sortir victorieux. Un sourire s'esquissant sur mes lèvres à cette pensée. Des conneries. Passant la main sur mon visage comme énième reconnexion avec la réalité : esprit pragmatique, me mettre en action pour ne plus avoir à penser. Premièrement, apporter les tasses sur la table. Deuxièmement, arranger le canapé. Troisièmement, le téléphone qui a sonné.

Vassili. Moi qui pensais à un appel professionnel, me voilà rassuré : aucun remords à savoir mon frère face à ma messagerie. Il aura sûrement voulu me tenir au courant des avancées de son déplacement pour l'université, se serait bien dans ses habitudes. Me saisissant de mon portable, debout près de la bibliothèque : lui en revanche ne devrait pas tarder à décrocher.
Retourné m'asseoir sur le canapé, tasse en main, lorsqu'il s'agit de mon frère je ne suis plus étonné de rien. Lui qui a le don de s'attirer des emmerdes où qu'il aille, j'aurais pu rire de sa situation si elle n'avait pas pour don de me laisser ressentir cette pointe d'impuissance. Impuissant alors que sa venue plus tôt dans la journée m'oblige à foutre Bonnie à la porte. Impuissant alors qu'il n'est plus qu'une question de minutes avant qu'il ne sorte de la douche, annonçant son départ. Définitif. Mais il faut croire que les intempéries en ont décidé autrement : la pluie en torrent bloquant toute possibilité de chantier, c'est le travail d'observation qui est reporté pour mon frère. Mésaventure prévisi-
C'est la voix de Bonnie retentissant dans le couloir qui me coupe dans mes pensées. Tournant la tête que pour mieux le voir arriver, chemise en main, une autre bien trop connue sur le dos. Esquissant un léger haussement de sourcils à cette vision inattendue. Recevant la chemise sur un bout de mon bras, à peine lancée sur le canapé. C'est bien un silence que je laissé planer à cette explication plus que douteuse. Un souffle amusé s'échappant de ma gorge à cet aveux. Je crois que la poisse de mon frère n'a pas fini de se transmettre. Me relevant, chemise en main. Me rapprochant de Bonnie. Je peux dire que je me retrouve avec une chemise en moins. Laissant le silence encore quelques secondes, bien plus pour le détailler que pour toute autre chose. Il me parait presque sage en simple jean et chemise, les cheveux encore mouillés, si ça n'était son regard vert plongé dans le mien mêlant appréhension et taquinerie. Passant ma main libre dans mes cheveux comme introduction : "On a qu'à dire que j'accepte pour m'excuser de devoir te foutre plus tôt à la porte." Tendant le bras pour lui rendre son vêtement, des explications en plus, "Vassili doit rentrer finalement plus tôt aujourd'hui, c'était lui les deux appels... Je crois que malheureusement tu vas devoir dire adieu au thé."

Ma bouche qui se referme et se sont le poids de mes mots qui parviennent jusqu'à mes oreilles. Dire adieu au thé. Je n'en fini plus avec mes conneries. Le terme est pourtant lâché, c'est bien des adieux dont il s'agit. Dont nous avons toujours su qu'ils arriveraient. Attendus avec appréhension, retardés. C'est fou avec quelle facilité les mots sont sortis de ma bouche. Exprimés indirectement, certes, mais c'est tout comme. L'humour, encore une fois, palliant à tout le reste. Que dire de plus. Les effusions et les attendrissements n'ont jamais eu lieu d'être. Observant simplement sa réaction alors qu'il se saisit de sa propre chemise, nos doigts se frôlant dans cette action, contact electrique ressentit presque aussi violemment qu'une main saisit ou qu'un baiser. Et pour la première fois, c'est le silence qui se fait pesant. Bonnie le premier à le rompre, ne demandant pas plus d'explications car nous avons toujours su qu'ils arriveraient.

Des adieux sans détours, je ne sais pas comment je les aurais imaginé si j'avais pris le temps de m'y projeter. Sûrement de cette façon, mais bien plus tard dans la soirée sans l'appel de mon frère. Le terrain peut-être un peu plus préparé par l'inexorable avancée du temps. Commençant peut-être à se livrer un peu trop ayant pour effet de mettre un terme au moment partagé ensemble de lui-même. Au final c'est mieux ainsi. Ne pas échanger plus de familiarités, souriant simplement à ma chemise sur son dos. Effronté. La vision de Bonnie renouant ses chaussures comme nouveau coup porté. Me retournant pour aller chercher mes clefs à côté de la porte alors que je l'entends se relever dans mon dos. Debout à mes côtés, moi auprès de la porte. Lui faisant à présent dos que pour mieux me rapprocher de Bonnie, le surplombant de ma taille. Mon index remontant le long de sa joue, détourant sa lèvre, redescendant le long de son cou pour s'arrêter à l'entrée du col de ma propre chemise.
"Des boutons qui ont craqués hein ?" Un sourire. Et ce sont mes lèvres qui viennent à la rencontre des siennes. Merde. Soufflant sous ce baiser. Merde. Se séparant de cette brève étreinte. Merde. Me retournant, ouvrant la porte pour laisser passer Bonnie. Merde. Si aucun mot n'est échangé, c'est un regard qui en dit bien plus long. Merde, je peux pas laisser partir. Pas comme ça. Avidité du temps passé ensemble, orgueil mis à mal de le voir s'envoler, désir pur ou simplement autre chose que je ne saurais avouer. C'est alors qu'il se décide à tourner le dos que ma voix retentit :
"черт возьми, Bonnie attends." Lancée calmement, mon injonction est pourtant suffisante pour le faire patienter sur le palier. Retournant dans mon salon, me saisissant d'une feuille de plan de maquette et d'un stylo, c'est rapidement que je me mets à noter.
Insensée comme action, rares sont les fois où j'agis sur un coup de tête. Et pourtant. Me saisissant de la feuille A4, un simple numéro annoté en haut à gauche. C'est cette feuille en main que je reviens à la porte, un dernier sourire à Bonnie. "T'en fais ce que tu veux, c'est mon numéro." Franchise sans détours. A quoi bon. Une initiative. Après tout, il le sait déjà que je le trouve beau cet impertinent. Les cartes placées dans ses mains, sans espoirs aucuns ni attentes. Et pourtant, à le voir partir ma chemise sur le dos, j'ai bien l'impression que celle-là je ne la reverrais jamais.
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