Sohan s'était levé comme d'habitude. Ou du moins, presque. Il avait fait la grasse matinée ce matin. C'était le weekend, il ne travaillait pas et n'avait pas pris un seul dépannage. Pas de footing non plus. Le programme de la journée était très simple. Se lever quand il se réveillerait, déjeuner tranquillement et se poser devant son écran d'ordinateur jusqu'à ce que mort s'en suive. Ou à la limite, jusqu'à ce que la journée se termine et qu'il décide qu'il en avait eu assez pour aujourd'hui et qu'il pouvait aller se coucher. Un samedi comme il les aimait en somme. Comme il était fréquent pour les hommes ayant dépassé l'âge de la puberté, il s'était réveillé avec la fameuse érection matinale. Rien de bien gênant, ce n'était pas la première fois que ça arrivait et ça ne serait sûrement pas la dernière. Il avait donc décidé d'attendre que ça passe, en général, une dizaine de minutes suffisait. Il pourrait ensuite aller aux toilettes et commencer sa journée de glande comme il se l'était imaginée. Enfin, ça, c'est ce qu'il pensait. C'est ce qu'il s'était dit en se levant. En revanche, quand au bout d'une heure il en était toujours au même point, il commença à se dire que quelque chose n'était pas comme d'habitude. Il n'avait pourtant rien fait de spécial, rien pris non plus. Il était jeune (relativement du moins) et n'avait donc pas besoin de ces fameuses petites pilules bleues. D'ailleurs il n'avait pas de partenaire non plus donc il en avait encore moins besoin. Les plans d'un soir, ce n'était vraiment pas le genre de Sohan. Il avait beaucoup de mal avec ça, être intime avec un mec qu'il ne connaissait absolument pas, pour le grand timide qu'il était, ce n'était pas impensable, mais presque. Il avait essayé. Il n'allait pas mentir sur ça, mais il ne s'était jamais senti à l'aise dans ces moments-là et donc il avait bien vite arrêté ce genre d'expériences. Mieux vaut être seul que mal accompagné, voilà ce qu'il se disait la plupart du temps et le reste du temps il se dirait que quand ce sera le moment, il tombera sur celui qui sera The one pour lui et il n'y aura plus aucune gêne, plus aucun malaise.
Du malaise en revanche, il y en avait quand il avait passé les portes des urgences en fin de matinée. La situation n'avait pas évolué, au contraire, maintenant ça commençait à lui faire légèrement mal et ça ne devait pas annoncer quoi que ce soit de bon. L'espace d'un instant il s'était dit qu'il allait appeler Yasmine pour lui demander conseil, avant de réaliser à quel point cela pouvait être étrange d'aller voir sa soeur pour un problème de ce genre. Même si elle était infirmière et même s'il était certain de ne pas pouvoir sortir comme ça. Il s'était résolu à sortir et à se rendre à l'hôpital St. Vincent. Il était parti pour un bon moment de gêne, mais il ne pouvait pas rester comme ça pendant des jours. Il avait d'ailleurs fait une rapide recherche sur internet quand il était en train de peser le pour et le contre et ce qu'il avait pu lire lui avait glacé le sang, il avait mis des vêtements ample et était sorti de chez lui sur-le-champ. "Bonjour, hm ... j'aurai besoin de voir un médecin." avait il dit à la réceptionniste des urgences qui lui avait posé des questions toutes plus gênantes les unes que les autres avant de l'installer dans un box de consultation et de lui dire qu'un médecin allait passer le voir dès que possible. Il avait hoché la tête en signe d'acquiescement, espérant que la personne qui allait s'occuper de lui était quelqu'un qu'il ne connaissait pas, mais aussi quelqu'un qu'il n'aurait plus à croiser de sa vie.
She is everything I need... Parfois, il m'arrivait de péter des câbles et de devenir probablement le seul autiste sur cette terre debout sur son lit en train de danser, avec la musique à fond sur son enceinte. Je devais d'ailleurs rendre mes colocataires complètement dingues. Heureusement ça ne m'arrivait pas souvent, mais ça pouvait m'arriver à n'importe quelle heure... Et je n'étais pas réputé pour m'inquiéter de savoir si le moment était propice lorsque ça me prenait. Mais aujourd'hui ça m'avait pris à une heure raisonnable, 9h. Je ne commençais qu'à 11h00 et j'avais donc du temps devant moi, bien que comme à mon habitude, l'horloge interne réglée à la perfection, j'avais ouvert les yeux à 7h00 pile. Donc voilà, ça devait bien faire 10 minutes que je dansais, habillé bien sûr - me balader à poil c'était vraiment pas mon genre, j'étais pudique à l'extrême-, lorsque mon premier réveil sonna. C'était l'heure de la douche et de tout ce qui s'en suivait. Je pris donc les vêtements que j'avais préparé la veille et soigneusement posé sur le bureau avec ma serviette, et me rendit joyeusement à la salle de bain. Evidemment que j'étais joyeux... Rien ne me rendait plus heureux qu'une journée de travail en perspective. Je pris ma douche, toujours selon le rituel habituel, bras droit, puis gauche, torse et ventre, dos, visage, jambe gauche puis droite, et parties intimes. Une fois ceci fait, je m'essuyai sommairement comme à chaque fois et me brossai les dents. Puis, je m'habillai. Enfin... Il ne restait que le plus long, mes cheveux. Je m'étais d'ailleurs acheté de la cire, la coiffeuse m'avait dit que c'était bien pour façonner les cheveux comme on le veut. Après les avoir brossés longuement, j'attrapai donc le pot de cire dans le meuble qui surplombait le lavabo, et pris soin de bien coiffer mes cheveux vers l'arrière, comme j'aimais à le faire. Puis, je récupérai mon sac à dos, et me rendis en direction de l'arrêt de bus. Comme d'habitude timing parfait, le bus arriva 1 minute après moi. Je le pris, saluant poliment mais sobrement le chauffeur, et m'installait à l'arrière, assis cette fois puisque le bus était complètement vide. Une vingtaine de minutes plus tard je descendis, me dirigeant toujours aussi joyeusement -presque comme un enfant à qui on a promis une surprise- vers les portes de l'hôpital que je franchis rapidement.
Je me rendis ensuite dans les vestiaires, et récupérais ma blouse dans mon casier, ainsi que mon stéthoscope. J'enfilai la veste blanche et mis le stéthoscope autour de mon cou, me tenant un moment devant la glace pour m'assurer que chacun des côtés de ce dernier retombait sur mon torse à égale distance et donc que la partie qui reposait sur ma nuque était bien le parfait milieu de mon outil de travail. A peine ma journée commencée, mon biper sonna. Un cas pour moi aux urgences, et je me demandais bien ce que ça pouvait être. Je pris donc rapidement la direction du service indiqué et rejoint la secrétaire à l'accueil qui me tendit un dossier. Sohan Khadji figurait en face de l'inscription Nom du patient. Priapisme, bon faut avouer que c'était loin de faire partie de mes pathologies favorites, mais il était logique que l'on m'ai bipé, puisque j'étais là et aussi parce que ça pouvait découler d'un problème neurologique et/ou nerveux. Box 2 fût la dernière information que je lus, notée sur le dossier. Je n'avais aucune appréhension face à un cas pareil, aussi c'est d'un pas sûr que je me rendis au niveau du box, qui était fermé. Je fis glisser la porte coulissante et la refermai derrière moi après être entrée. « Bonjour, Monsieur Khadji. Je suis le Docteur Ackerly. Je suis neurochirurgien.» La règle de politesse élémentaire, saluer le patient et se présenter, même si savoir que j'étais neurochirurgien risquait de l'angoisser plus qu'autre chose, c'était le seul moyen que j'avais trouvé de ne pas oublier la politesse. J'avais choisi un ordre précis dans ma tête pour donner ces informations, ainsi je n'oubliais pas. Un moyen mnémotechnique en somme. Je m'étais suffisamment entraîné à le faire pour ne plus l'oublier maintenant. Je m'approchai donc du jeune homme qui était assis sur le lit et qui semblait nerveux. Une fois à une distance raisonnable de lui, je déposai le dossier médical sur la table qui trônait près du lit. Je me préparais psychologiquement à essayer d'être le plus sympathique possible, mais c'était pas gagné. « Je vais devoir vous examiner. Veuillez vous déshabiller.» Je savais que ça n'allait être un moment agréable ni pour lui, ni pour moi, mais j'étais là pour le soigner après tout. Et il fallait que je vois de plus près son problème pour connaître la conduite à adopter concernant le traitement.
Est-ce qu'il se sent con assis dans son box en attendant qu'un médecin passe le voir ? Oui absolument. Il a l'impression d'être un gamin qui a fait une connerie et qui s'est fait prendre sur le fait accompli par ses parents. Pourtant, il n'est plus un gamin, il n'a pas fait de connerie et il ne s'est -Dieu merci- pas fait prendre sur le fait accompli par ses parents. Pourtant, il est bien là ce sentiment de honte, de gêne, comme un poids dont il n'arrive pas à se défaire. Il joue avec les manches de son pull assis sur la table d'examen, un signe de nervosité chez lui. Il sait que son soucis n'annonce rien de bon. C'est sûrement ponctuel, mais tout de même, il sait qu'il risque de passer un mauvais moment et ça ne le rassure absolument pas. Pour patienter, il regarde autour de lui, il lit les affiches accrochées dans le box. Il s'était toujours demandé pourquoi il y avait toujours ses fameuses affiches, pub pour médicaments, explication de certaines pathologies, détection d'AVC, etc dans les structures médicales. Ca lui faisait de la lecture, alors pour le coup, ça l'arrangeait bien que les murs ne soient pas totalement blancs. Ca lui permettait de penser à autre chose aussi et ce n'était pas plus mal. Finalement, un médecin fit son apparition. Un homme, c'était déjà un soulagement pour Sohan. Il savait bien que les médecins en avaient sûrement vu d'autres, mais il se sentait bien plus à l'aise de présenter son problème à un homme, plutôt qu'à une femme. Allez savoir, il se disait qu'un homme serait peut-être plus compréhensif, même si ça n'avait pas réellement de sens, vue la situation. "Neurochirurgien ?" Ca le fait réagir, comme un mot qu'il serait interdit de prononcer. Il en oublie même ses bonnes manières sur le moment, pourtant ce n'était pas comme si on allait lui faire une trépanation dans les prochaines secondes. Il n'avait rien à craindre. "Pardon, je devrai plutôt commencer par le début." Se reprend-il rapidement. "Bonjour Docteur." Voilà ça déjà, c'était un peu plus ce qu'on lui avait appris. La politesse avant tout. "Mais neurochirurgien ?" redemande t-il le regard interrogateur. Il ne voyait pas bien le rapport entre son soucis et son cerveau. "Je ... ça à un rapport avec mon cerveau ?" Ce serait donc en rapport avec son cerveau ? Ou alors il s'inquiétait pour rien et on lui avait envoyé un neurochirurgien comme on aurait très bien pu lui envoyer un médecin généraliste s'il y en avait eu un de disponible ? Ca ne servait à rien de paniquer maintenant. Après tout, le type devait savoir ce qu'il faisait et serait à même de lui donner des réponses en temps et en heure.
D'ailleurs le médecin ne perd pas de temps, il l'informe directement qu'il va devoir l'examiner, lui demandant, pour se faire, de se déshabiller. Pour le coup il est vraiment content que ce soit un homme qui ait passé cette porte et pas une femme. Cependant, il n'en reste pas moins gêné. Sa timidité ne l'ayant absolument pas programmé pour être à l'aise dans ce genre de situations, pourtant totalement professionnelles. "Ah oui, me déshabiller." Dit il, plus pour combler le silence qu'autre chose. "J'imagine que c'est plus pratique pour un examen" continue t-il. Il n'est en général pas du genre loquace, mais le stress change un peu son attitude sur le moment. Cependant, il s'exécute, ôtant ses vêtements et enfilant l'espèce de chemise de nuit ouverte dans le dos qui était posée à côté. Ca fait, il se réinstalla sur la table, espérant avoir un diagnostic ou du moins, une solution rapidement. "Vous pensez que c'est grave ?" Il ne laisse pas le temps au jeune homme de l'occulter avant de poser la question, mais pour une raison plutôt évidente, il a besoin de savoir s'il doit continuer à s'inquiéter à juste titre, ou s'il peut se détendre un peu. "J'aurai sûrement dû venir plus tôt." ajoute t-il. Il se dit que peut-être s'il n'avait pas attendu plusieurs heures avec l'espoir que ça passe tout seul, il serait déjà chez lui, tranquille, sans aucun soucis. Enfin, c'était surement trop tard pour imaginer ce qu'il avait pu faire s'il était venu plus tôt et puis, il était entre de bonnes mains techniquement.
Je remarquai immédiatement la nervosité de Sohan. En même temps qui n'aurait pas été nerveux à sa place ? J'dois bien avouer que moi-même je n'aurais pas aimé y être. Bien que comme tous les hommes de la terre, je n'en étais en rien à l'abris. Je m'efforçai donc me montrer le plus rassurant possible, encore une fois. Lui laissant quelques minutes pour se remettre de ses émotions. Il allait falloir que je réfléchisse à ma façon de me présenter... Annoncer que j'étais neurochirurgien ne semblait pas être une bonne façon de faire, du moins pas dans tous les situations. « Et bien... Ca pourrait en avoir un, nous le verrons si les traitements de base ne fonctionnent pas. Néanmoins, il est inutile de s'inquiéter pour l'instant, je suis l'un des médecins de garde aux urgences ce matin, tout simplement.» Dans les périodes creuses, comme tôt le matin ou la nuit, nous tournions toujours en effectif réduits, avec des médecins d'astreintes en cas de gros accident. Donc en général ça se résumait à : Un médecin aux urgences, et un médecin dans chaque service. Sauf quand le médecin du service était aux urgences, il assurait les deux. Il était cependant évident que je ne pouvais pas opérer deux personnes en même temps si le besoin s'en faisait ressentir, c'est pourquoi l'un de mes collègues neurochirurgien était toujours d'astreinte pour les nuits. Il parlait beaucoup, ce qui renforçait ma sensation concernant sa nervosité, et je n'étais malheureusement pas la meilleure personne sur laquelle il aurait pu tomber pour plaisanter avec lui et l'aider à se détendre... Une fois qu'il eut enfilé la chemise d'hôpital, j'ouvrais un tiroir dans le meuble à côté de son lit et récupérais une paire de gants dans la boîte, et les enfilais. Puis je m'approchai de lui et me permis de soulever légèrement sa chemise, juste assez pour voir, et pour l'incommoder le moins possible. «Effectivement, vous auriez peut-être dû venir un peu plus tôt... Je vais devoir drainer le sang de votre pénis.» Je relevai mon regard vers lui, essayant de décrypter sa réaction alors que je venais de lui annoncer que j'allais devoir planter une aiguille dans... Son sexe. Je ne me sentais pas le besoin de préciser qu ça allait être douloureux puisque je supposais qu'il s'en doutait lui-même. « Je peux vous proposer une crème anesthésiante pour atténuer la douleur, si vous voulez.» Ce n'était pas forcément monnaie courante, mais j'aimais prendre soin de mes patients et leur éviter de souffrir si je le pouvais. C'est probablement ce qui faisait la différence entre certains de mes collègues et moi, bien que beaucoup se soient targués de répéter et d'affirmer que j'étais incapable d'éprouver la moindre sympathie ou empathie pour qui que ce soit. « Ce n'est pas grave vous savez, à ce stade votre pénis n'est pas en danger. Il faut simplement procéder au drainage dans les plus brefs délais.» Je ressentais bien son désespoir, et même si son cas n'était pas préoccupant au point de courir dans un bloc pour l'amputer de cette partie de son corps qu'il devait chérir, probablement, ça restait une pathologie avec des risques. Après tout, le risque zéro n'existe pas, en médecine. C'est l'une des premières choses qu'on nous apprenait à l'école de médecine. Rassurer quelqu'un était vraiment un exercice délicat pour moi, et d'ailleurs vu que j'employais mon habituel ton neutre, il devait sans doute me prendre pour l'un de ces médecins qui n'en a rien à faire. Je retournai d'ailleurs farfouiller dans l'un des tiroirs, pour en sortir une seringue, dans son emballage stérile, et un tube de crème anesthésiante. « Ca va bien se passer, dans 98% des cas, après cette étape délicate, le priapisme disparaît.» Je plongeai mon regard dans le sien, essayant encore et toujours de me montrer aussi rassurant et pragmatique que possible, comme à chaque fois que je m'étais retrouvé dans ce type de situation avec un patient. Il me fallait absolument de toute façon son accord, et qu'il soit détendu, du moins autant qu'il le pouvait, sinon ça risquait d'être encore plus douloureux que nécessaire.
Sohan est stressé face à cette situation, ça se voit dans sa façon d'être et dans ses questions intempestives. Cependant, le jeune médecin le rassure bien rapidement. Pour l'instant il n'y a pas de raison de s'inquiéter et sa présence n'est en aucun cas signe d'un problème plus grave, il s'avérait qu'il était tout simplement le médecin de garde aux urgences ce matin. "D'accord." Lui répond-il, toujours un peu inquiet. "Désolé, c'est un peu ... hm ... délicat comme situation." Offre t-il comme explication. Ca le rassure d'un côté d'exprimer ça à voix haute, même si ça ne change rien à la situation en elle-même. Sohan n'a jamais eu de problème de ce genre, il n'a donc aucune idée de comment réagir ni de la procédure à suivre. Il est dans l'inconnu et l'inconnu quand il s'agit de sa propre santé, ce n'est jamais quelque chose de très rassurant. Quand le jeune homme l'occulte, Sohan met dans un coin de sa tête de ne pas oublier de le remercier à la fin pour sa délicatesse. Il a rarement vu un médecin faisant aussi attention à ne pas incommoder son patient et pour Sohan le grand timide, qui plus est, dans une mauvaise posture, ce n'est que plus appréciable d'être traité de la sorte. L'examen ne dure pas bien longtemps, ce qui n'est pas pour déranger Sohan, en revanche, les prochains mots du docteur Ackerly ne lui indique rien de bon. Il aurait dû venir plus tôt. Il s'en était douté, mais il était persuadé que ça allait partir tout seul et il lui avait ensuite fallu le courage de sortir dehors pour se rendre à l'hôpital. Cependant, ce qui le dérange le plus c'est le traitement préconisé par le jeune neurochirurgien. "Hm ... Drainer le sang ?" demande t-il, aussi peu rassuré qu'au début de la consultation. "Vous pouvez m'expliquer comment vous allez procéder s'il vous plait ?" s'empresse t-il d'ajouter. Il a bien une idée de comment le jeune homme va procéder, il a lu ça tout à l'heure au détour d'un site internet quand il faisait des recherches sur son problème, mais une petite partie de lui espère que ce n'était que de la fiction et rien d'autre, car ce qu'il avait pu lire, aussi simple était-ce, était absolument terrifiant.
Il ne réfléchit pas une seule seconde avant de hôcher la tête en guise de confirmation quand le médecin lui propose une crème anesthésiante, s'il va lui faire quoi que ce soit avec une aiguille à cet endroit-là, autant que ce soit le plus endormi possible. Il n'est pas spécialement du genre chochotte, mais là, il sait que ce n'est pas une petite douleur qu'il risque de ressentir et n'a pas envie de prétendre et faire le mec fort. "Oui je veux bien s'il vous plait." dit il, au cas où le médecin n'ait pas compris avec son hochement de tête. Dans cette situation, il valait mieux être sûr que le médecin ait bien compris le message, plutôt que de le voir se ramener avec une énorme aiguille, alors qu'il ne l'aurait pas endormi un minimum. Le médecin, devant sûrement avoir remarqué son désarroi face à cette situation prend le temps de le rassurer. Il faut drainer sans trop attendre, mais sinon, il n'y a pas de raison de s'inquiéter plus que ça, dans 98% des cas son problème devrait disparaitre et malgré le fait qu'il ait quand même attendu avant de venir, il n'y a pas eu de dommage irréversible. C'était rassurant, même si ça n'écartait pas la mauvaise épreuve qu'allait être ce fameux drainage. C'était un mauvais moment à passer, après, il pourrait rentrer chez lui et laisser cette histoire derrière lui. "D'accord, merci." trouve t-il important de dire avant d'ajouter. "Vous savez à quoi c'est dû ? J'avais cru voir sur internet que ça pouvait être dû à une prise de médicaments type viagra, mais j'en consomme pas, alors j'ai un peu de mal à comprendre." Oui il n'avait aucune raison de prendre ce genre de choses, alors se réveiller un matin avec un soucis du genre était assez étonnant pour lui. Il espérait que ce soit seulement la faute à pas de chance et qu'après cette journée, il n'aurait plus à se soucier de ça.
Je lui lançai un regard qui se voulait toujours aussi rassurant que possible, devant les nouvelles marques de son angoisse. Que je ne comprenais qu'à la perfection. Chaque homme avait conscience de l'importance et de la sensibilité nerveuse de cet organe de son corps. Du moins à part moi, pour l'importance. Lorsqu'il me demanda de lui expliquer en qui consistait le drainage, ce qui me semblait pour le moins naturel, je me retournais afin d'attraper la seringue dans son emballage stérile. J'espérais que le fait de voir que l'aiguille n'était pas si longue que ça allait au moins un peu le rassurer. « Je vais insérer cette aiguille dans les corps caverneux de votre pénis, et drainer le sang qui s'y trouve, ce qui devrait immédiatement faire disparaître votre érection. Le tout sera de vérifier si elle ne revient pas.» Je reposai la seringue à sa place précédente, pour lui laisser le temps d'intégrer l'information, ne voulant pas le presser. « Vous avez ce qu'on appelle un Priapisme Ischémique, il se caractérise par une rigidité inhabituelle, et une érection douloureuse. S'il vous arrivait d'avoir de nouveau un priapisme de ce type, il faut venir à l'hôpital au plus vite, pour que nous puissions nous occuper de ça, d'accord ?» Je plongeai mon regard dans le sien, en quête d'une réponse, qu'elle soit silencieuse ou prononcée, peu m'importait. Je voulais simplement qu'il comprenne l'importance de la chose, aussi gênant que ce soit pour lui. Perdre son pénis le serait sans doute encore plus.
Je me retournai une nouvelle fois pour attraper le tube de crème anesthésiante et en mis sur mes doigts gantés, puis je me rapprochai de lui pour soulever une fois sa chemise le moins possible, et commencer à étaler la crème sur sa rigidité. Me doutant que l'opération devait être légèrement douloureuse puisque le simple fait d'avoir cette érection devant le faire souffrir. Une fois la crème bien étalée, je me retournai une nouvelle fois pour refermer le tube de crème et retirer mes gants. Ensuite, je me postai près de lui, une main dans la poche, et une main sur la barrière du côté de son lit. Prêt à répondre à sa question, en attendant que la crème fasse effet, ce qui allait prendre quelques minutes. « Alors.. Il y a une quantité faramineuse de causes possibles à votre priapisme. Il faut savoir que le Viagra n'est pas le seul médicament à pouvoir provoquer des priapismes. Il y a également les anti coagulants comme le Sintrom, les anti dépresseurs comme le Seresta et certains calmants, comme le Prozac ou le Lexomil. Il peut aussi y avoir des causes infectieuses ou neurologiques comme je vous l'ai dit tout à l'heure. Ou encore, parfois, un priapisme se présente de façon idiopathique, c'est à dire sans aucune raison sous-jacente. On draine le sang, il disparaît et ne revient jamais.» Et c'est là qu'on pouvait voir à quel point j'aimais mon métier et je le faisais par passion et non par appât du gain. Je racontais toutes ces choses aussi simplement qu'on l'aurait fait avec un enfant, parce que j'aimais ce genre de patients, ceux qui posent des questions et qui essayent de comprendre. C'est pourquoi je me sentais obligé de leur expliquer avec des mots qu'ils pouvaient comprendre, et même sans l'obligation ça me faisait plaisir de le faire. D'autant plus que j'avais une espèce d'affection pour le jeune homme effrayé devant moi. Qui avait sans doute connu un ou plusieurs de mes confrères indélicats et l'avaient rendus paniqué de la médecine. Je m'étais donné pour mission de redonner envie aux gens de se faire soigner.
Considérant que l'anesthésiant devant faire effet, maintenant, je me retournai pour enfiler une nouvelle paire de gants, ouvrir l'emballage de la seringue, et prendre une compresse ainsi que du désinfectant dont je mis une généreuse quantité sur cette dernière, je me rapprochai de lui une nouvelle fois et soulevant à nouveau légèrement sa chemise, je commençai à désinfecter la zone dans laquelle j'allais piquer précautionneusement. « Si jamais c'est neurologique, vous êtes entre de bonnes mains, je puis vous l'assurer. Je fais des trous de trépan depuis 3 bonnes années et je n'ai encore jamais endommagé aucun cerveau.» Je tentai de lui faire un petit sourire, qui se voulu bizarre, le coin de mes lèvres légèrement remontés, on voyait bien que je devais faire un effort pour y arriver. Que ce n'était pas naturel. Je voulais juste le détendre avec une espèce de plaisanterie, même si c'était pas mon fort. Je jetai par la suite la compresse dans la poubelle et me saisis d'une compresse propre dans la main gauche et de la seringue dans la droite. Une fois à son niveau je dis. « Je vais procéder au drainage, Monsieur Khadji. Si vous voulez bien soulever votre chemise à votre convenance pour que je puisse faire le nécessaire.» J'aurais pu et dû même tout simplement remonter sa chemise jusqu'à son ventre, mais encore une fois je ne voulais surtout pas lui rendre la situation encore plus pénible, alors je préférais le laisser me donner un coup de main, en général j'avais remarqué que participer même de façon infime aux soins avait le don de détendre les patients. « Ca va bien se passer, vous allez juste ressentir une légère piqûre, et puis vous vous sentirez soulagé. Ca ne durera que quelques secondes.»
Ce que le jeune neurochirurgien lui raconte n'a rien de rassurant. Au contraire, ça ne manque pas de lui faire échapper une grimace. Un mélange de dégout et de douleur anticipée. Il n'était pas du genre à avoir peur des aiguilles, mais là, on ne parlait pas réellement d'une petite aiguille de type aiguille à vaccin et surtout on ne parlait pas de le piquer dans le bras, là où il y a suffisamment de graisse pour ne rien sentir de plus qu'un petit pincement. Non, vraiment, il n'était pas près à affronter ce qui l'attendait. Pourtant, il n'avait pas vraiment le choix. C'était bel et bien la seule solution pour résoudre son problème. Un très mauvais moment à passer. "Hm ok." répond-il essayant de se faire à l'idée. Il tentait par tous les moyens de se dire que ça ne devait pas être si terrible que ça, mais c'était bien compliqué. Beaucoup plus facile à dire qu'à faire. On parlait quand même d'insérer une aiguille dans la partie la plus sensible de son corps. Ce n'était pas rien. "Ca va prendre longtemps ?" demande t-il ensuite quand il voit le jeune homme reposer la seringue qu'il avait dans la main. Cette information peut ne pas sembler très importante, pourtant elle l'est pour Sohan. Un moyen de savoir combien de temps il va devoir endurer. Comme une préparation mentale pour ce qui va inévitablement finir par se produire. Il apprécie le fait que le médecin prenne le temps de lui expliquer et de répondre à ses questions. Ne cherchant pas simplement à expédier la chose pour pouvoir passer à quelqu'un d'autre et continuer sa journée. Sohan fait donc un effort pour essayer de retenir un maximum d'information données par le médecin, hochant la tête en signe d'acquiescement. "D'accord." répond-il au médecin quand celui-ci lui explique que si une situation comme celle-ci venait à se reproduire il fallait qu'il retourne à l'hôpital au plus vite. Il espérait fortement que cette situation ne soit l'affaire que d'une seule fois, mais si cela venait à revenir, cette fois, il n'attendrait pas aussi longtemps, ça, c'était certain.
Sohan n'avait plus de questions qui lui venaient en tête, même s'il n'était pas rassuré, il s'était résolu et attendait donc que le docteur Ackerly effectue la procédure. Il serra les dents quand il lui appliqua la crème anesthésiante. Un mal pour un bien qu'il se répétait dans sa tête afin de faire abstraction de la douleur. Il avait mal sur le coup, mais au moins, il devrait être soulagé pour la suite, ce qui clairement était le plus important pour lui. La crème appliquée, il fallait attendre qu'elle fasse effet avant de pouvoir continuer. Sohan en avait profité pour interroger le médecin quant aux possibles causes de son problème. Il était en bonne santé, faisait attention à son hygiène de vie, ne prenait pas de médicament, il était donc un peu compliqué pour lui de comprendre comment quelque chose comme ça avait pu arriver. "J'espère que dans mon cas, c'est la dernière possibilité qui est la bonne." Dit il en riant, même s'il ne plaisante pas vraiment. Si cette situation pouvait être un épisode unique, il ne s'en plaindrait vraiment pas. Il espérait d'ailleurs que ce soit juste la faute à pas de chance qui l'ait amené ici aujourd'hui. Que pour une raison inconnue, son corps avait réagi de la sorte, mais qu'une fois le sang drainé, ce ne serait plus qu'un mauvais souvenir. Il n'y avait d'ailleurs aucune raison que ce soit autre chose de toute façon. "En tout cas, merci de l'info." ajoute t-il ensuite. Il savait bien qu'il avait posé beaucoup de questions, la plupart liées à son stress, mais le médecin avait répondu avec patience et c'était extrêmement appréciable.
La crème avait fait son effet et Sohan ne sentait plus de douleurs, seulement une petite pression totalement supportable. C'était d'ailleurs plus une gêne qu'une réelle douleur. Le médecin commença donc à se préparer pour drainer le sang, commençant par désinfecter la zone, tout en lui expliquant que si la cause était neurologique il était entre de bonnes mains. Sohan, à ce stade, n'avait plus besoin d'être rassuré sur ce point, il avait pu observer la passion que le jeune homme avait sur sa profession et ça avait suffit à le mettre en confiance sans trop de soucis. "J'en déduis qu'il vaut mieux vous avoir comme ami plutôt que comme ennemi alors ?" Tente t-il de plaisanter. Un type qui passe ses journées à percer des trous dans la tête des gens est sûrement quelqu'un qu'il vaut mieux avoir comme ami. Ou du moins quelqu'un avec qui il ne vaut mieux pas avoir d'histoire. Bien sûr Sohan savait que c'était la vie réelle et que le médecin n'était probablement pas un psychopathe qui s'amusait à utiliser ses compétences en médecines pour se débarrasser de ses ennemis, mais il avait besoin de rendre la situation un peu moins sérieuse qu'elle ne l'était. Il souleva ensuite sa chemise, prenant une grande inspiration en anticipation de la piqure qui allait arriver. Il ne savait pas à quoi s'attendre. C'était sûrement compliqué de dire à quel point il aurait mal, ou pas. Chacun est différent face à la douleur, de ce fait, il anticipait. "Ok." Dit il la voix légèrement tremblante. Il était anesthésié, tout devrait bien se passer normalement. Il n'était pas une chochotte, ça devrait aller. Il relâcha sa respiration lorsque le médecin piqua, comme un moyen de détourner son esprit de ce qui était en train de se passer. Il ne pu cependant pas s'empêcher de serrer les dents. La piqure était douloureuse malgré l'anesthésie, même si ça s'apparentait plus à une grosse gêne qu'une vraie douleur. C'était un mauvais moment à passer. Quelques secondes lui avait dit le médecin. Alors, il attrapa la barre du lit avec une de ses mains et la serra de toutes ses forces, attendant que ça se termine et qu'il puisse passer à autre chose.
« Si vous ne prenez aucun des médicaments que j'ai cité, la dernière option est très probablement la cause.» Faut dire que les priapismes dû à des tumeurs restaient relativement rares, en général c'était plutôt d'autres signes qui se manifestaient, mais dans le fond on ne pouvait jamais savoir. De toute façon, si son érection revenait après le drainage, je le programmerais immédiatement pour un scanner, bien que je me pensais certain de mon diagnostic, si un tel cas se présentait. Je ne voulais pas l'inquiéter outre mesure, étant donné qu'il était peu probable que le problème vienne de là, et je savais qu'il était déjà très angoissé par le mauvais moment qu'il allait passer en ma compagnie. Quelques années en arrière j'aurais probablement énoncé froidement énoncé toutes les possibilités. A cette époque je ne me rendais pas compte que cela pouvait être angoissant pour les personnes que j'avais en face de moi. Depuis, j'avais appris à montrer de la compassion, et à me montrer plus doux. Ma franchise ne disparaitrait sans doute jamais, mais j'avais trouvé des moyens, des astuces pour annoncer la vérité de façon plus supportable.
Un léger sourire se dessina au coin de mes lèvres lorsqu'il me dit qu'il valait sans doute mieux être mon ami que mon ennemi. En un sens ce n'était pas faux, je me retrouvais régulièrement avec un perceuse ou une scie chirurgicales entre les mains. Mais d'un autre côté je tenais bien trop à ma carrière pour la perdre, surtout pour des gens que je considérais comme n'en valant pas la peine. « Je ne suis du genre à avoir des ennemis.» Non, j'étais plutôt du genre à souffrir dans mon coin en attendant d'avoir la force de tout enfoncer au fond de moi, pour avancer. Même si c'était loin d'être la bonne solution, ça je le savais, mais je n'en connaissais pas d'autre. Et simplement souffrir n'en était pas une. Dans le fond j'étais beaucoup trop fragile, et une part de moi était persuadée que si j'acceptais de subir passivement mes peines, je ne m'en relèverais pas. J'espérais d'ailleurs qu'il ne se formaliserait pas du fait que j'avais l'air d'ignorer ses remerciements et ses "Ok", je ne les ignorais pas, simplement... Qu'aurais-je pu répondre, moi qui ne parlais jamais que pour l'essentiel?
Aussi, je me saisis une nouvelle fois de la seringue et la dirigea vers la zone à soigner, insérant très lentement l'aiguille dans ses corps caverneux. Une fois chose faite je laissais le sang s'écouler dans le tube, son sexe dégonflant à vue d'oeil à mesure que le sang quittait cette partie de lui pour aller dans le tube. Une fois son érection complètement dissipée, je me saisis d'une nouvelle compresse que j'avais au préalable recouverte de désinfectant, tout en lui lançant un regard compatissant. Je posai la compresse à l'endroit où j'avais piqué, tout en retirant l'aiguille de sa peau. Je laissai la compresse appuyée un moment, tout en jetant l'aiguille dans la poubelle spéciale aiguilles. Puis, une fois que le sang avait arrêté de s'écouler sur la compresse, je la retirai, la jetant également et fermant le tube de sang, pour le déposer sur la table où se trouvaient tous mes instruments. Je tirais ensuite sur sa blouse pour la remettre correctement en place, et retirai mes gants, que je jetai également. « C'est terminé, Monsieur Khadji.» Je le gratifiai à nouveau d'un de mes petits sourires très discrets, et me retournai pour pousser le chariot de matériel à l'entrée de la pièce, près de la porte, là où était sa place d'origine, puis retournai près de lui, me saisissant du dossier et de mon stylo pour y annoter le traitement que je venais d'appliquer au jeune homme. « Vous aimez le chocolat ?» Ma question sortie de nulle part avait un sens bien évidemment, le jeune homme était pâle et j'aimais autant qu'il mange quelque chose avant de sortir d'ici, pour éviter de faire un malaise dans la rue ou au volant si jamais il conduisait. Je n'avais aucune envie de le voir revenir ici et d'être obligé de lui faire ces trous de trépans dont je lui avais parlé un peu plus tôt, pour lui sauver la vie, ou du moins essayer. Et puis comme ça, ça le forçait à rester un peu ici, le temps de surveiller que son érection ne revienne pas, même si j'étais certain que vu son amabilité, il serait resté si je lui avais simplement demandé. Je glissai donc ma main dans la poche de ma blouse, dans laquelle je m'arrangeai pour avoir toujours ces petits chocolats qu'ils donnent dans les cafés, au cas où. Je m'en saisis d'une et la lui tendis. « Je vais vous prescrire des anti-douleur pendant quelques jours, ça risque d'être douloureux avec la piqûre.»
Non il ne prend pas les médicaments précédemment cités. D'ailleurs il ne prend de médicaments que très rarement et ça se limite bien souvent à un comprimé d'ibuprofen par-ci par là quand il a mal au crâne après une longue journée au travail. Il a toujours eu une santé plutôt solide et ne tombe donc que très rarement malade. Les médicaments en tout genre ce n'est donc vraiment pas la chose que l'on peut trouver chez lui facilement. "Je prends pas de médicaments." affirme au t-il, plus pour se rassurer lui-même que pour répondre à une quelconque question du médecin. Le diagnostique avait été posé, c'était la première fois qu'il se présentait là pour un problème de ce genre, le médecin allait procéder au drainage et Sohan pourrait repartir chez lui, bien plus tranquille qu'à son arrivée. C'était aussi simple que ça. Les réels soucis ne se présenteront -s'ils devaient se présenter un jour- que si ça se reproduisait, ce qui selon Sohan ne devrait pas avoir lieu. Il préférait se placer du bon côté du diagnostique, plutôt que de penser à une cause sous-jacente bien plus grave.
Sohan arrive à décrocher un petit sourire de la part du médecin avec sa pseudo blague. Il est un peu fier de lui sur le coup. Il faut bien l'avouer. Même si ce n'est pas grand-chose. Il a fait sourire son médecin avec une petite vanne et c'est déjà pas mal vu la situation dans laquelle il se trouve à ce moment précis. Le médecin lui dit qu'il n'a pas réellement d'ennemi. "Tout le monde à peur de vous c'est pour ça ?" lui demande t-il, poussant la blague un peu plus loin. En même temps, avoir des compétences poussées en neurologie et même en médecine en général, ça a de quoi refroidir pas mal de gens qui voudraient se frotter à lui. Il sourit à la fin de sa phrase, il ne voudrait pas que le mec pense que c'est un reproche qu'il lui fait ou qu'il est sérieux en disant ça. Non, il veut vraiment faire comprendre que c'est une blague. Ce n'est clairement pas le moment de froisser la personne qui s'apprête à lui insérer une aiguille dans le pénis. D'ailleurs, il ne doit pas y avoir pire moment pour froisser quelqu'un. "Avec vos compétences, vous auriez clairement le dessus s'il s'agissait de tuer quelqu'un sans que ce soit suspicieux." Ajoute t-il avant de se taire, voyant que le docteur Ackerly était prêt à procéder avec l'intervention.
Sohan détourne les yeux quand le médecin s'approche avec son aiguille. Il n'est pas du genre douillet, mais il préfère ne pas prendre le risque de tourner de l'oeil en faisant le fier et regardant ce qui se passe. Détourner les yeux, ça lui permet aussi de laisser un peu de côté son appréhension. Quand le médecin pique, il le ressent, mais il s'attendait à une douleur bien plus forte. Certes, ce n'est pas la sensation la plus agréable du monde, il en serre même les dents, mais c'est supportable. Il ne va pas lâcher une larme non plus. Quand c'est fini, il se sent soulagé. Le mauvais moment est passé. Il ressent cependant une petite gêne, mais il se dit que c'est sans doute normal. Après tout, ce n'était pas non plus anodins comme geste médical. "Merci." Dit il au médecin qui l'informe que c'est terminé. Il va enfin pouvoir rentrer chez lui et profiter de sa journée beaucoup plus sereinement que ce matin. Cependant, il est surpris par la question qui lui est posée ensuite. Il lève un sourcil interrogateur en direction du médecin, oubliant presque de lui répondre tellement ça lui semble sorti de nulle part. "Hm... Oui, bien sûr. Pourquoi ?" Il aime le chocolat, ça va sans dire, comme au moins 90% de la population australienne. Cependant, il n'arrive absolument pas à voir le rapport entre sa présence ici et le chocolat. Il attend donc que le médecin en dise un peu plus histoire de l'éclairer un peu. "D'accord, je passerai les chercher sur le chemin avant de rentrer chez moi." Lui répond-il pour ce qui est des antidouleurs. Pour l'instant, il ne sentait pas grand-chose, mais l'anesthésie faisait sans doute encore effet. "Sinon à par ça c'est tout ? Il n'y a rien d'autre à faire ?" A comprendre, est-ce qu'il peut rentrer chez lui maintenant et oublier cette mésaventure.
Sohan m'affirme donc sans vraiment chercher de réponse j'en ai l'impression qu'il ne consomme pas de médicaments. Je suppose que ce n'est pas le moment pour lui faire une leçon de morale concernant le fait qu'il est tout de même important de se soigner lorsqu'on est malade. Néanmoins je suppose qu'il cherchait à me parler des médicaments que j'avais cité. Ce qui n'était pas plus mal dans le fond, parce que bien qu'étant médecin, il était très difficile de me faire prescrire des somnifères chimiques ou antidépresseurs addictifs. Je savais dans le fond à quel point ils pouvaient être nocifs pour la santé. J'avais essayé une fois, mon psychiatre, Daniel, avait voulu m'en prescrire parce que je faisais des crises d'angoisse à répétition, et faut dire que j'avais eut un tel mal de ventre juste après la prise que ça s'était limité à une seule fois. Et à une crise de nerfs carabinée dans son bureau la séance suivante, en lui demandant s'il cherchait à me tuer. Faut dire que ça l'avait fait rire. Il était tellement habitué à voir des gens comme moi, et surtout à me voir moi qu'il avait appris à rire de ma paranoïa qui s'était bien calmée depuis, heureusement.
Un nouveau sourire se dessine au coin de mes lèvres lorsque le jeune homme me demande si tout le monde a peur de moi. « J'espère bien que non.» Evidemment il ne pouvait pas savoir, il ignorait tout de ma pathologie et des difficultés que je rencontrais au quotidien avec les autres. Je faisais tout pour être apprécié, et faut dire que dans mon travail c'était loin d'être gagné, le fait d'être médecin jouant beaucoup en ma défaveur. Mais cette consultation là, avec Sohan, aussi sympathique et avenant qu'on pouvait l'être était une vraie bouffée d'air frais. Il souligna ensuite le fait que si je le voulais je pourrais tuer quelqu'un de façon simple. Je redressai donc mon visage pour le regarder, un nouveau sourire sur les lèvres. Il était rare que je souris autant, mais je me sentais bien, ça devait jouer. «Détrompez-vous, les chimistes de métier sont bien mieux renseignés que les médecins sur les substances qui disparaissent rapidement de l'organisme. Pour ma part, je ne pourrais qu'attaquer quelqu'un avec une scie ou une perceuse chirurgicale, ce serait donc... Sanglant et je doute d'avoir l'ascendant physique sur qui que ce soit.» Dans la fond ce n'était pas que je manquais de force, mais plutôt que je ne savais pas me battre et que la violence m'effrayait à tel point que j'étais incapable d'en faire usage. Quant à la chimie, il était vrai que nous avions des connaissances, et des cours, mais pas aussi précis que ceux qui choisissaient cette voie. Peut-être aurais-je pu utiliser des béta-bloquants ou des morphiniques pour tuer quelqu'un, mais ça n'aurait pas été difficile à déceler à l'autopsie. Il me restait néanmoins les erreurs chirurgicales intentionnelles, mais là encore il y avait un risque d'être repéré.
Je procédai donc ensuite au drainage, qui se fit rapidement comme je l'avais dis. Puis je lui demandais s'il aimait le chocolat, après avoir soigneusement jeté l'aiguille. Je retirai mes gants et les jetai également et me saisis d'une noisette enrobée de chocolat dans son papier dans la poche de ma blouse et la lui tendit. « Mangez ça, les prises de sang ne sont jamais anodine et j'ignore si vous avez mangé ce matin, alors un peu de sucre ne vous fera pas de mal.» Il était hors de question qu'il sorte d'ici sain et sauf pour aller se planter en voiture quelques mètres plus loin à cause d'un malaise hypoglycémique. Il était peu probable que ça lui arrive, mais j'étais du genre prudent. Surtout qu'en dehors de la prise de sang en elle-même il était passé par un sacré ascenseur émotionnel et la redescente pouvait être rude parfois. Il m'affirma donc ensuite qu'il passerait à la pharmacie prendre les anti-douleur avant de rentrer chez lui. Puis me demanda si c'était tout. « Pour l'instant c'est tout, et si ce n'était qu'idiopathique ça devrait en rester là. Néanmoins si jamais ça revient comme je vous l'ai dis, revenez directement et demandez le docteur Ackerly, je vous ferai passer un scanner.» Parce que si ça revenait ça ne pouvait qu'être neurologique. J'espérais pour lui que ce ne soit pas le cas, j'avais beau connaître mon métier sur le bout des doigts et adorer mes heures passées au bloc, je ne le souhaitais à personne pour autant. Dans le fond aucune opération n'était anodine, surtout celle qui l'attendrait si c'était dû à une tumeur, il lui faudrait des semaines rien que pour se remettre de la craniectomie, sans parler de la tumorectomie... Et ce si je pouvais opérer, ce qui était loin d'être sûr. Je jetai un coup d'oeil à ma montre, constatant qu'avec tout ça il était déjà midi passé. « Ecoutez, n'y voyez aucune proposition mal placée, mais vous m'êtes sympathique et j'aime autant que vous partiez avec quelque chose dans l'estomac. La Cafétéria est très bonne ici, alors si vous voulez, vous pouvez vous rhabiller et rentrer ou m'accompagner pour manger?» Bien sûr que je ne le draguais pas, ce n'était pas mon genre, et même si j'avais voulu je n'aurais pas su comment m'y prendre. Non, il m'était simplement réellement sympathique et je taisais aussi le fait que comme ça, ça me permettrait de garder un oeil sur lui. En général quand les priapismes revenaient de façon chronique, c'était assez rapide.
Il fait sourire le médecin une deuxième fois. Bingo pour lui. Aussi désagréable que la situation puisse être, il apprécie que le médecin puisse se montrer plutôt amical avec lui. Ca rend la chose un peu moins contraignante, dirons-nous. Ca met un peu plus de confiance aussi et quand quelqu'un s'apprête à insérer une aiguille dans la partie la plus sensible de votre anatomie, la confiance est tout de même très importante. Sohan serait quand même étonné que quiconque ait peur du docteur Ackerly. Non pas parce qu'il ne faisait pas peur, mais bien parce qu'il semblait bien trop gentil pour ça. Il avait clairement l'air du médecin passionné par son travail et qui s'occupe méticuleusement de chaque patient. Sauf erreur médicale, il n'aurait donc aucune raison de se faire détester par quelqu'un. Ou du moins, Sohan n'en voyait aucune. "Ah donc je devrai plutôt me méfier des chimistes ? C'est bon à savoir, je vais en prendre note et faire attention à qui je mets en colère." Lui répond-il ensuite en plaisantant avant de continuer. "Oh je suis pas sûr qu'avoir l'ascendant physiquement sur sa victime soit absolument nécessaire. Un bon effet de surprise peu sûrement suffire. ... Non pas que j'en sache quelque chose, mais j'imagine." Oui il valait peut-être mieux préciser ça, plutôt que de se retrouver au poste, non pas pour travailler, mais bien derrière les barreaux avec une investigation sur le dos. Cependant, il disait vrai, son expérience dans la police de Brisbane lui avait montré à plusieurs reprises que le coupable n'était pas forcément le type le plus musclé ou le gros caïd de service. Certains avaient l'esprit très malsain et n'avaient pas besoin d'une force physique extrême pour mettre leur plan à exécution. Alors, fort ou pas, avec une perceuse chirurgicale et un effet de surprise, il y a moyen de faire des dégâts et de faire couler beaucoup de sang. Le médecin pourrait donc être un tueur en série redoutable, comme un petit remake de Massacre à la tronçonneuse.
Le plus dur passé, Sohan est beaucoup plus détendu. Il sait que plus rien de désagréable ne va lui être fait aujourd'hui et il va donc pouvoir reprendre le cours de sa journée, qui avait été un peu mise en suspend dans l'attente que son problème ne se résolve. "Merci." Répond-il au médecin, attrapant ce qui semble être un bonbon quelconque dans un emballage qu'il ne perd pas de temps à déchirer. Il s'apprête d'ailleurs à mettre ce qui s'avère être un chocolat et non un bonbon dans sa bouche quand il lève les yeux sur le médecin. "C'est pas empoisonné hein ? Votre arme c'est la perceuse, pas le poison, vous me l'assurez ?" demande t-il en plaisantant avant de mettre le chocolat dans sa bouche. Le médecin en profite pour lui assurer que s'il n'y avait rien derrière son problème du jour, ça devrait en rester là et donc ça ne devrait être qu'une mauvaise passe. En d'autres termes, si ce n'était rien, ce serait sûrement la seule occurrence. C'était donc très rassurant pour Sohan qui en cas de soucis, dont il aurait honte de parler à sa soeur, savait à qui il pourrait s'adresser la prochaine fois en toute confiance. "Pas de problème, j'y manquerai pas et s'il y a une prochaine fois, je viendrai directement." Ca aussi, c'était un peu la leçon qu'il avait apprise aujourd'hui. Certes, il y avait des situations dans lesquelles il ne servait à rien de s'affoler, il y en avait d'autres où il valait mieux s'affoler rapidement et peut-être pour rien, plutôt que d'attendre. Il fut cependant surpris par la proposition du médecin et l'expression sur son visage devait elle aussi transmettre cette surprise. Ce n'était pas tous les médecins qui proposaient à leurs patients de venir manger avec eux à la cafétéria. Il mangeait avec sa soeur de temps en temps quand ils se donnaient rendez-vous, mais il doutait sur le fait qu'elle aille déjeuner avec des patients qu'elle ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam. Cependant, il ne voyait pas trop où était le mal à accepter, après tout, si tout se passe bien, Sohan ne devrait plus être son patient, il n'y avait donc pas de conflit d'intérêt. "Oh et bien, pourquoi pas oui. J'ai pas trop mangé ce matin, j'avoue que j'étais un peu inquiet donc ça ne peut pas me faire du mal." Répond-il au jeune homme, commençant à se rhabiller. La chemise de nuit, c'était bien sympa, mais ce n'était vraiment pas son genre et encore moins pour se balader dans la cafétéria de l'hôpital. "Ca vous arrive souvent d'inviter vos patients comme ça ?" demande t-il en souriant. Il n'y voyait pas de mal, loin de là, sinon il n'aurait pas accepté, mais c'était quand même assez curieux pour lui. "En tout cas, je suis content d'être tombé sur vous aujourd'hui, finalement." Oué finalement, ce n'était pas si mal d'avoir un neurochirurgien pour s'occuper de lui et ça ne présageait rien de mal comme il avait pu le penser au début de la consultation.
La situation devenait plus légère entre nous deux et dans le fond c'était agréable. En tout cas,Sohan m'avait tout l'air d'être quelqu'un de nerveux -en même temps qui ne le serait pas dans sa situation?- mais d'agréable dans sa globalité. Après, j'étais loin d'être le roi pour décrypter les autres, et surtout pour les jauger sans faire d'erreurs. Ma vie sociale était tout ce qu'il y a de plus récente, et faut dire que j'étais encore loin du sans faute en terme de choix de mes fréquentations. Il plaisanta donc sur les chimistes et je ris légèrement, cette fois. « Il y a peu de chance que vous en rencontriez un, ils sont plutôt du genre enfermé dans leur labo.» Après tout j'ignorais le fait qu'il travaillait en étroite collaboration avec la police, mais c'était vrai que pour le commun des mortels, on ne croisait que rarement des chimistes de profession. « Je suppose que oui, mais les effets de surprises c'est pas non plus tellement mon truc.» Ouais, moi j'étais plutôt le genre de gars qu'on entendait arriver à dix kilomètres, sans compter que j'étais tout sauf stratège, donc ça réduisait mes chances de parvenir à faire un truc pareil à néant. Je procédai donc au plus difficile et douloureux pour lui bien que la crème anesthésiante avait dû adoucir la chose de beaucoup, et rangeait le tout avant de lui proposer un chocolat, qu'il prit en me demandant s'il n'était pas empoisonné, ce qui me tira un nouveau rire. « Non. Il ne l'est pas. Je n'ai pas un laboratoire secret où j'insère du poison à l'aiguille dans mes chocolats.» Encore que l'idée aurait pu être "drôle", ou aurait fait un bon scénario de film d'horreur. « Et puis... N'aurait-il pas été illogique de vous soigner pour vous tuer ensuite?» Bon, pour sauver les apparences sans doute, mais cela aurait rendu sa mort encore plus suspecte du coup. Et puis, si j'avais dû être un médecin assassin, j'aurais sans doute été un médecin assassin feignant. Quand je dis que je suis loin d'être un fin stratège ! Je lui rappelai ensuite une dernière fois de bien penser à revenir si jamais son priapisme faisait de nouveau son apparition, ce à quoi il me répondit qu'il le ferait. Pour une fois que je n'étais pas face à quelqu'un qui m'envoyait de bouler parce que j'essayais simplement de faire mon travail... Après l'avoir invité à déjeuner avec moi, j'entrepris de repousser le chariot de matériel à l'entrée de la pièce et jetai tout ce qui restait dessus dans la poubelle appropriée. Je mis le tube de sang de côté pour le garder pour analyse si jamais il revenait. Il avait accepté mon invitation à déjeuner, et je le laissai se rhabiller pendant que je rangeais. « Mes patients, non. Mais les personnes qui me semblent amicales, oui.» Je ne savais comment l'exprimer autrement. Aurais-je vraiment pu lui dire que je faisais des efforts sur moi depuis quelques semaines pour aller de l'avant et essayer de me construire un cercle d'amis ? Je ne crois pas. C'est vrai que ma proposition pouvait sembler bizarre et sortait de l'ordinaire, mais j'étais de toute façon du genre bizarre et maladroit. « Moi aussi.» Me contentais-je de répondre à sa dernière phrase. Cela laissait sous-entendre un paquet de choses, dont le fait que c'était loin de toujours se passer aussi bien, et que sans même le vouloir il m'avait -un peu- réconcilié avec l'aspect social de mon métier. Une fois qu'il était habillé, je l'invitais à me suivre silencieusement en sortant de la pièce et en me dirigeant avec lui à la cafétéria, qui se trouvait au même étage que les urgences. Une fois sur place, la file d'attente était assez longue, aussi j'entrepris de relancer la conversation avec le jeune homme. « Que faites-vous comme métier?» Je tournai mon regard vers lui, un petit sourire collé au coin des lèvres. Evidemment, sourire était toujours sauf naturel pour moi, mais ça faisait partie des efforts que je faisais au quotidien, pour paraître le plus "normal" possible. Il avait sans doute remarqué qu'en dehors des faits médicaux je parlais peu, et de façon concise, mais soit il était trop poli pour poser des questions, soit il me prenait juste pour un gars timide et/ou renfermé, ou encore il s'en fichait. Il m'arrivait de temps en temps de croiser des gens comme ça, avec qui je sentais bien qu'une amitié pouvait se créer, mais mes tentatives étaient toujours extrêmement maladroites, et j'avais toujours peur de paraître trop bizarre, et de faire fuir la personne. C'est pourquoi entre parler et me taire, je ne savais jamais quand et comment user habilement des deux options.
Les chimistes restent dans leurs laboratoires, le voilà rassuré. Ce n'est donc pas demain la veille qu'il risquera de se faire empoisonner par l'un d'eux, ni même d'avoir une quelconque raison de se faire empoisonner par l'un d'eux. C'était donc une bonne chose. "Ca fait donc une menace de moins, s'ils restent cloîtrés dans leurs labos, ils ne doivent pas faire de mal à grand monde." répond-il à mesure qu'un sourire se dessine sur ses lèvres. "A moins qu'ils ne décident d'empoisonner les médicaments ou quelque-chose du genre. Beaucoup de gens en consomment, mais eux finalement, restent bien cachés." Ajoute t-il. Cette idée le ferait presque frissonner. Il faudrait sans doute qu'il arrête de regarder des documentaires sur les tueurs en séries et tout ce qui s'en rapproche de près ou de loin, il commence à avoir de drôles d'idées et même si la probabilité que ce genre de choses arrive est vraiment très faible. Ca fait toujours du bien de ne pas y penser plutôt que de questionner tout et n'importe quoi par peur d'un attentat de ce genre. "Vous êtes donc un vrai gentil c'est ça ?" lui demande t-il ensuite quand le médecin lui dit que les effets de surprise ne lui correspondent pas vraiment. Sohan n'irait pas à dire que l'homme est un saint, ce serait complètement faux, mais il devait bien se rendre à l'évidence que le type avait tout du mec n'ayant pas une once de méchanceté en lui. Le genre de type qui ne ferait pas de mal à une mouche et à qui on donnerait le petit Jésus sans confession. C'était rare de croiser des personnes comme lui. Les gens ont bien souvent des motivations cachées les poussant à être gentils envers les autres. Un désir d'argent, un quelconque bénéfice qu'ils pourraient tirer d'un lien avec une personne ou une autre. Il n'était pas compliqué de trouver des raisons poussant les gens à être gentils. Ou tout du moins, à se montrer gentil. Le docteur Ackerly avait tout l'air du type gentil, parce qu'il était tout bonnement gentil, sans aucune arrière pensée. Il s'avère aussi qu'il a le sens de l'humour. Ca remarque quant au chocolat qu'il vient de donner à Sohan ne manque pas de faire rire l'intéressé. "J'ai pas de preuve donc je vais devoir vous croire." Lui dit il en plaisantant avant de reprendre ensuite "Mais c'est vrai que vous auriez perdu du temps pour rien. Vous auriez pu simplement me donner le chocolat en disant que c'était le remède si vous aviez voulu me tuer. C'est vous le médecin, il y a peu de chance que je questionne votre diagnostique." C'était vrai en plus. Sa soeur avait beau être infirmière et s'y connaitre à ce sujet, lorsqu'il était malade, il se contentait de l'avis de son médecin et n'appelait pas sa soeur pour qu'elle confirme. Il en aurait été de même avec le docteur Ackerly. Si ce dernier lui avait dit que le chocolat réglerait son soucis, il l'aurait sans doute cru en demandant peut-être une petite explication, mais rien de plus.
Sohan est surpris par la proposition du jeune médecin, cependant, il n'y voit pas de mal et donc accepte volontiers, non sans taquiner un peu le docteur Ackerly qui ne manque pas de manque pas de lui répondre avec une aisance particulière. "Dans ce cas-là, je ne peux vraiment pas refuser." Ajoute t-il, confirmant que ce serait donc avec plaisir qu'il partagerait un repas avec lui. Quelque chose met chez ce médecin met Sohan à l'aise. Lui qui n'est pas un champion des relations sociales, trouve qu'il y a mine de rien une bonne alchimie entre lui et le médecin. Il n'a pas à se forcer pour faire continuer la conversation comme avec certaines personnes. C'est assez naturel et c'est donc des plus agréables pour lui. Finalement, peut-être qu'il commence à être bon à ce jeu qu'est la socialisation. "Parce que vous m'avez trouvé amical ou parce que vous avez aimé me torturer ?" lui demande t-il en plaisantant. Lorsque le docteur Ackerly acquiesce quand Sohan avoue être content d'avoir à faire à lui aujourd'hui. Il se doutait bien que lui faire mal ne lui avait surement pas provoqué de plaisir particulier. Son cas était peut-être intéressant pour lui, à la limite ce n'est sûrement pas tous les jours que quelqu'un débarque avec ce genre de soucis, c'était donc une bonne occasion de voir quelque chose d'inattendu qui changeait du basique traumatisme crânien. Une fois habillé, Sohan suivi le docteur Ackerly jusqu'à la cafétéria où la queue était plutôt longue à cette heure-ci. Enfin, pour Sohan cela importait peu comme il n'avait rien de prévu de plus aujourd'hui. "Vous allez avoir le temps de manger tranquillement ?" s'inquiète Sohan "Si c'est mieux pour vous on peut aussi aller acheter un sandwich ou quelque chose dans le café de l'autre côté de la rue." Il ne savait pas trop combien de temps le jeune homme avait pour manger, mais il ne voulait pas qu'il se mette en retard pour un simple repas. "Je travaille comme analyste informatique pour la police de Brisbane." répond-il simplement à la question du jeune homme. "Et dans mon temps libre je fais des dépannages en freelance pour des particuliers ou des entreprises." continue t-il avant d'ajouter en plaisantant. "En gros si vous avez un soucis avec votre ordi ou que vous voulez pirater quelqu'un, je suis votre homme." Bien sûr, il ne mettait pas à disposition se genre de service. Aider des gens à pirater d'autres gens ce n'était pas dans ses moeurs.
La remarque de Sohan me poussa à réfléchir. Bien que cela soit quasiment impossible mis à part la création d'une équipe de chimiste destinés à détruire l'humanité, cela ferait un merveilleux scénario de film d'horreur, non? Du moins c'est l'avis que j'eus sur le moment. « Il faudrait qu'ils créent un poison qui tue en très faible quantité, mais imaginez, s'ils en mettaient dans le doplirane? Ca aurait un effet dévastateur...» Et étant donné le nombre de gens qui consommaient du paracétamol chaque jour, la tuerie de masse serait effective très rapidement. Bien que dans le fond je trouvais ça horrible, qu'on se le dise, c'était néanmoins une idée de génie pour quiconque avait les connaissances et les outils nécessaires. Sohan avait donc tout du génie qui s'ignore? Cela ne m'aurait pas spécialement étonné. Le jeune homme avait l'air vif d'esprit, et ses problèmes sociaux étaient sans nul doute la suite logique de son intelligence au delà de la moyenne. Du moins c'est ce que les études disaient en globalité : Les surdoués avaient du mal à se faire une place en société. Il me demanda ensuite si j'étais un "vrai gentil", et l'expression me fit sourire. « Je ne sais pas, qu'est-ce que vous entendez par là?» C'est vrai, qu'était-ce un vrai gentil? Cela pouvait avoir bien des définitions différentes selon les personnes et les usages. Je ne me considérais pas spécialement comme quelqu'un de bien. Mais qui, sans être prétentieux pouvait réellement prétendre être quelqu'un de bien? Là était tout la subtilité de la chose. Forcément, j'avais des défauts comme tout le monde. « Si vous entendez par là, est-ce que je ne cherche jamais à nuire à autrui de quelque façon que ce soit, la réponse est oui.» Pourquoi le ferais-je d'ailleurs ? Quel était l'intérêt de faire du mal aux autres ? Alors évidemment, comme pour tout, il y avait des situations et des composantes à prendre en compte. Mais je ne fomentais jamais de plan machiavélique dans mon coin dans le but de nuire. Ensuite une discussion se créa autour du chocolat que je lui avais tendu, et sa réflexion me fit rire. « A titre informatif...» commençais-je. « Je me méfierais si on me proposait un chocolat comme traitement pour quoi que ce soit d'autre qu'une crise d'hypoglycémie !» Finis-je avec un petit sourire. Il y avait néanmoins peu de risques qu'il tombe sur un médecin meurtrier, choisir cette profession quand on était un psychopathe n'était dans le fond pas la meilleure des idées puisque la médecine était très réglementée et surveillée.
Après mon invitation à déjeuner et quelques questions de la part du jeune homme -je concevais que ma proposition avait pu sembler bizarre-, nous nous rendîmes à la cafétéria. Je me sentais moi aussi bien en sa compagnie. Avec lui j'arrivais à parler, à plaisanter, et je ne sentais absolument aucun jugement chez lui et ça c'était des plus agréables. C'était sans doute pour ça que ça m'était venu si naturellement de lui proposer de prolonger ce moment par un déjeuner, parce que tout coulait naturellement entre nous. « Parce que j'ai aimé vous torturer amicalement?» répondis-je à sa question, avec une pointe de malice dans le regard. Décidément faire autant d'humour ne me ressemblait absolument pas. Pourtant c'était si bon de ne pas avoir besoin de réfléchir aux mots que j'employais. Jusqu'ici il n'avait pas eut l'air de me trouver bizarre, ou encore de penser qu'en lui expliquant aussi simplement tous les gestes médicaux, je l'avais traité comme un enfant. La file d'attente était particulièrement longue, entre les médecins, infirmiers, aide-soignants, et familles de patients ou patients eux-même, et Sohan me demanda donc si j'allais avoir le temps de déjeuner, et si je ne voulais pas qu'on aille prendre un sandwich en face de l'hôpital. « Non, rassurez-vous, j'ai tout mon temps, s'il y a une urgence on me bipera. Et ils sont rapides.» Forcément, quand on doit servir du personnel soignant, il n'y a pas de temps pour se les glander. En fait, une fois rentré dans l'hôpital, c'était comme si tous les employés vivaient en vitesse accélérée. D'ailleurs comme pour faire écho à mes paroles, la file avança. En outre je n'avais pas de pré-visites aujourd'hui et ça c'était une bénédiction, je devais normalement sauf urgence majeure passer mon après-midi au labo de recherches. Il m'infirma ensuite en réponse à ma question qu'il était analyste informatique pour la police, et en free lance à ses heures perdues. « Oh, vous avez accès aux dossiers criminels?» Cette information fit briller mes yeux comme ceux d'un enfant. Aussi glauque que ça puisse paraître, j'adorais toutes les émissions de faits divers, et même si c'était horrible, je trouvais toujours ça très intéressant. « Il faudrait que je parle de vous à la direction, on a beaucoup de problèmes informatiques, c'est une catastrophe et ils cherchent quelqu'un justement...» commençais-je « Mais aurez-vous le temps de travailler sur un si gros réseau informatique?» Parce qu'un hôpital ce n'est pas petit.
Mettre du poison dans le doliprane, ce serait effectivement un désastre à tout niveau. Ce serait un excellent moyen de se débarrasser d'une grande partie de la population. Surtout qu'il faudrait sûrement un moment avant de se rendre compte de la cause du problème. Personne n'irait soupçonner qu'un médicament contrôlé par un laboratoire et très étudié puisse s'avérer être une arme de destruction massive. Il n'y aurait en plus de cela peu de chances de réussir à trouver l'origine du laboratoire fautif. S'il y avait un crime parfait, ce serait sûrement celui-là. Ca pourrait très bien faire un excellent scénario de film catastrophe. Bon Sohan se rassurait en se disant qu'une telle opération devait être extrêmement compliquée à mettre en place. Un poison serait facilement détectable avec une analyse avant de mettre le produit en vente, pour que celui-ci soit invisible, il faudrait surement avoir recours à plusieurs stratagèmes. Certaines personnes ont beau avoir l'esprit extrêmement tordu, personne à sa connaissance n'avait jamais eu cette idée-là. Ce n'était donc qu'une hypothèse et ce n'était pas plus mal d'ailleurs. Se passer de doliprane serait tout de même un très gros inconvénient. "Parlez pas de malheur, vous risqueriez de donner des idées à certains." Répond-il en plaisantant. Autant garder ce genre d'idées pour soi, bien au chaud et non entre les mains de quelques tarés qui voudraient tenter le diable. "Et bien je pense que vous êtes gentil parce que c'est dans votre personnalité et non parce que vous voulez en tirer un quelconque intérêt." explique t-il au jeune homme. Il ne savait pas réellement si le médecin était comme ça, il ne le connaissait pas, mais c'était l'impression qu'il avait de lui et il ne pensait pas se tromper sur ce point. Ou alors, s'il se trompait, il devrait très certainement avoir une sérieuse discussion en tête-à-tête avec son instinct un peu plus tard. "Mais du coup oui ça va aussi avec le fait que vous ne nuisez pas à autrui." continue t-il avant d'ajouter. "Vous avez bien choisi votre métier je pense." Ca se voyait qu'il prenait plaisir à faire ça et qu'il était passionné. Il n'y avait aucun doute là-dessus. Il ne peut s'empêcher de rire face à la remarque sur le chocolat. Il y avait peu de chance que Sohan se fasse avoir comme ça. Il n'était pas médecin, mais il avait pu voir sa soeur évoluer dans son métier d'infirmière et à force d'aller lui poser des questions sur tel ou tel médicament, il avait fini par retenir pas mal d'informations à ce sujet. "Vous inquiétez pas, ma soeur est infirmière, elle m'a appris deux trois trucs. Si je me fais avoir comme ça, c'est qu'il y a un gros problème." Le médecin devrait être très persuasif pour qu'il se fasse prendre.
Ils font leur chemin jusqu'à la cafétéria. Sohan ne pu s'empêcher de plaisanter en demander au jeune médecin s'il l'avait trouvé amical ou s'il avait simplement apprécié le torturer. La réponse qu'il reçu n'était pas forcément celle à laquelle il s'attendait et il fut d'ailleurs surpris, dans le bon sens, de voir que le médecin plaisantait lui aussi. "Elle est pas mal celle-là. Effectivement, ça fait un peu des deux, ça semble logique." Lui répond-il en souriant. "En réalité ce n'était pas si douloureux que ça, donc ce n'était pas vraiment de la torture, j'exagère un peu." Ajoute t-il. Oui il y avait quand même eu l'anesthésie qui avait enlevé au moins 90% de la douleur. Le laissant simplement avec une très grosse gêne plus qu'une douleur. Quand bien même cela aurait été de la torture, il aurait quand même été reconnaissant envers le médecin d'avoir résolu son problème aussi efficacement. Ca n'aurait été qu'un mal pour un bien.
Il ne sait pas trop si la file ici avance rapidement ou pas. Il ne veut donc pas mettre le médecin en retard sur son programme s'il a bien mieux à faire que de déjeuner avec lui. "D'accord, dans ce cas c'est parfait." Le médecin avait son biper, cet outil magique qui permettait d'informer les médecins qu'ils étaient attendus. Avec un peu de chance, ils auront le temps de manger et de faire un peu plus ample connaissance. La file avança rapidement comme l'avait prédit le docteur Ackerly qui semblait bien connaitre l'établissement, ce qui était plutôt logique. Sohan prit le plat du jour et un yaourt n'ayant pas forcément une faim de loup, surement à cause de sa mésaventure et que la petite procédure médicale qu'il avait subi en fin de matinée. Il fallait tout de même qu'il mange quelque chose. "J'ai accès à quasiment tous les dossiers." Répond-il à la question du jeune homme avec un sourire satisfait. "Mais je vous avoue qu'il y en a tellement que j'en ai pas consulté la moitié." Et surtout, son poste n'avait pas grand-chose à faire avec tout ça. "Mon rôle à moi c'est plus un rôle technique, je veille à ce que tout le réseau fonctionne correctement, je résous les problèmes techniques. Malheureusement, je suis pas un vrai policier." Et oui, son métier était beaucoup moins impressionnant que ce que l'on aurait pu penser. Courir après les méchants, ce n'était pas son domaine du tout. Il était plutôt un mécanicien version informatique au service de la police de Brisbane. Enfin, il mentirait s'il disait ne jamais avoir un peu embelli la chose de temps en temps, histoire d'impressionner un peu, mais ce n'était jamais bien méchant. Il n'était pas comme ça. "Ah oui ? L'hôpital n'a pas embauché de compagnie pour s'occuper de ça ? J'aurai pensé qu'une grosse entité aurait quelqu'un pour s'occuper de ça." Répond-il. La police l'avait lui, il pensait que l'hôpital avait quelqu'un d'autre avec tous les dossiers patients, les machines d'examens informatisées et tout ce qui allait avec, il y avait donc énormément à gérer dans un hôpital, surement plus que pour la police. "Hm ça dépend, si l'hôpital a besoin de quelqu'un en permanence, ce ne sera pas possible, mais si c'est de temps en temps, là ça pourrait être dans mes cordes." Il ne comptait pas quitter la police de si tôt, il aimait beaucoup son travail là-bas et ne ressentait pas le besoin d'en changer. "Ca dépend vraiment du besoin. Sinon je pourrai aussi recommander certaines personnes si vraiment le problème est que l'hôpital ne trouve personne." Ca c'était aussi une solution qui était dans ses cordes.