Il y a vingt minutes, un terrible accident s'est produit aux abords d'une bretelle de l'autoroute A1 en direction de l'aéroport. D'après les premiers témoignages, un poids lourds aurait pris la bretelle à pleine vitesse coupant la route aux automobilistes engagés sur l'autoroute. Il aurait fauché deux voitures puis se serait couché au milieu des voies, provoquant plusieurs crash à sa suite. Ce serait près d'une quinzaines de véhicules qui serait impliqués dans ce carambolage à répétition, sur une route à très grande vitesse à une heure de pointe. Pour l'heure, les autorités n'ont communiqué aucun bilan humain, mais nous avons pu constater l'important dispositif de secours qui achemine en ce moment plusieurs dizaines de blessés vers les différents hôpitaux de la ville. Nous ne manquerons pas de vous faire part des nouveaux éléments mis à notre disposition le plus rapidement possible.
Hall d'entrée des urgences de Saint Vincent.. Tiré sur un brancard par l'équipe d'ambulanciers, le corps inconscient d'Ethan pénètre dans l'entrée. Le docteur en chef de garde aujourd'hui vient à leur rencontre. Un homme, la quarantaine, inconscient depuis sa découverte, important traumatisme à la tête visible sur le front, légères contusions au visage et ouverture moyenne à la jambe suturée dans l'ambulance. annonce le médecin de l'ambulance. Très bien, donc gros risque de commotion et d'hémorragie intra-cranienne. Merci, les gars, on prend le relais. explique le médecin. On le monte immédiatement aux scanners, besoin urgent d'un scan de sa tête. Le médecin ainsi qu'une infirmière le prennent en charge et le monte dans la salle. Là, un infirmier se charge de le déshabiller pour le préparer à le passer au scanner. -Regardez dans ses affaires personnelles, Mélissa, demande le médecin. Trouvez-nous son nom. L'infirmière sort son porte feuille et l'ouvre. -Merde, il a une plaque, dit-elle. -Un flic ? -Presque, unité d'intervention. J'ai ses informations en cas d'urgence, avec le nom et le numéro de la personne à appeler au cas où. Priest, Delilah. -Appelez-la, sa famille doit être prévenue. Nous, on va voir ce qu'il se passe dans sa tête. -Bien, docteur, dit l'infirmière avant de quitter la salle d'examen pour rejoindre un téléphone. Tandis qu'Ethan entre dans le scan.
Les gyrophares sont sortis. Les circonstances sont de mise. Cet appel qu'elle a reçu, ça la chamboule plus qu'elle ne voudrait bien l'avouer. Mais c'est arrivé. Et franchement, ça ne lui fait pas plaisir. Mais clairement pas d'ailleurs. Elle ne sait pas à quoi s'attendre une fois qu'elle sera sur place. Elle se pince les lèvres. "Et merde ... fait chier ..." Elle souffle. Secoue la tête. Elle a ce petit tic quand quelque chose l'énerve et ne cesse, ou presque, de passer ses mains dans ses cheveux. Comment c'est possible ? Pourquoi surtout ? Pourquoi maintenant ? Elle ne dira pas que tout était parfait dans leur vie. Ils étaient en train de voir ... Si les sentiments étaient toujours présents. Enfin, disons qu'ils essayaient de voir, maintenant que Noëllie est plus grande, de voir s'ils peuvent reprendre leur histoire. Et d'écrire de nouveaux chapitres ensemble.
Un peu plus tôt. Delilah est au bureau, dans la salle de repos, en train de boire un café avec un de ses collègues. "Tu as du nouveau sur l'affaire Sampolini ?" L'homme secoue la tête. "Non. On piétine." Elle remue le sucre qu'elle vient de mettre dans son café. "T'as besoin d'un regard neuf sur l'affaire ?" Son collègue a un sourire nerveux. "Si t'as un peu de temps, j'veux bien." Certaines affaires sont parfois plus compliquées que d'autres. Et elle ne rechigne pas à donner un coup de main. Parce qu'elle sait ... parce qu'elle sait justement que si elle-même, elle a besoin d'un coup de main, il y aura toujours un de ses collèges pour venir l'aider, au besoin. "J'vais venir voir ça alors." Son téléphone se met à sonner. Elle le sort de la poche de son pantalon. Le numéro de l'hôpital. Elle fronce des sourcils. A ce qu'elle sache, elle n'a aucune enquête en cours qui ferait que ... Et bien, qui ferait qu'elle ait une victime à l'hôpital. Etonnant. Mais elle décroche. Si on l'appelle, c'est que ça doit être important. "Lieutenant Priest ?" Une voix féminine. Elle l'entend lui parler. Son visage se ferme. Légère panique. Elle avale sa salive. Elle déglutit difficilement. Elle n'en croit pas ses oreilles. Non, ce n'est pas possible. C'est une blague ? Ca ne peut être que ça. Elle secoue la tête. "D'accord, je viens tout de suite." Elle met fin à la communication. Rapidement. Croise le regard de son collègue. "J'suis désolée. J'dois y aller." Il la regarde, ne comprend pas vraiment ce qui est en train de passer. "Urgence familiale. On regarde ça plus tard." Avant qu'il n'ait eu le temps de poser des questions supplémentaires, voilà que Delilah a déjà filé. Elle passe devant les ascenseurs. Préfère prendre les escaliers, même si elle sait que c'est dangereux. Elle pourrait trébucher et se briser le cou. Elle a son téléphone plaqué à l'oreille tandis qu'elle rejoint à tout vitesse le parking pour prendre son véhicule. Son interlocuteur ne répond pas à l'autre bout. "Salut, c'est Delilah. Ethan a eu un accident de voiture. Je ne pourrais pas récupérer Noëllie chez Amy. Merci de bien voulu la garder pour ce soir." Elle espère que ce n'est pas trop grave. Mais l'infirmière est restée vague. Et honnêtement, elle a peur. Elle a peur de ce qu'elle va trouver en arrivant là-bas.
Voilà pourquoi les sirènes. Voilà pourquoi sa main tremble légèrement sur le volant. Parce qu'elle est inquiète. Elle prend soin de se garer correctement. Parce qu'elle ne souhaite pas gêner une ambulance qui pourrait vouloir se garer pour amener un patient. Elle sort en trombe du véhicule. Rapidement, elle se retrouve aux urgences et tapote le bureau des admissions pour prévenir de sa présence. "Bonjour, lieutenant Priest. J'ai été appelée au sujet d'Ethan Scott." Sa gorge se noue. Elle a besoin de savoir ce qu'il se passe. Et surtout, elle a besoin de savoir si Ethan va bien.
Quarante minutes se sont écoulées depuis l'accident de l'autoroute A1 et des blessés continuent à être transportés vers les hôpitaux de la ville. Nous rappelons que le trafic est complètement bloqué depuis la sortie du centre ville jusqu'au abord de l'aéroport dans ce sens uniquement. D'autres informations supplémentaires seront certainement disponibles dans l'édition du soir.
Le docteur en charge d'Ethan retrouve l'infirmière qui vient de contacter Delilah dans le bureau derrière la salle d'examen, tandis qu'Ethan toujours inconscient est habillé d'une blouse dans un brancard de transport et que ses affaires sont regroupés dans un sac. - Voici les résultats de l'IRM de son cerveau et les radios de son crâne, docteur, annonce l'infirmière en tendant le dossier. Il commence son analyse. Son traumatisme crânien est finalement moins important que ce que les ambulanciers supposaient et l'IRM ne montre aucun signe d'hématome ou d'hémorragie, ce qui semble être une bonne nouvelle. - Il semble avoir eu beaucoup de chances. Surement un airbgag très performant. Et pour le reste de son corps, vous avez les résultats ? - Oui, vous devriez regarder la radio du torse. Le docteur reste quelques instants sur la feuille et le retourne rapidement auprès d'Ethan. Il palpe plusieurs fois son flanc droit, plus précisément au niveau des côtes. - Merde, faut le monter au bloc immédiatement, prévenez le chirurgien.
L'un des réceptionnistes de l'accueil finit de s'occuper d'un couple et se dirige vers Delilah qui vient d'arriver. Il l'écoute et lui répond qu'il doit appeler pour avoir des nouvelles, il reste en communication à peine vingt secondes et regarde à nouveau la jeune femme. - Le docteur qui l'a prit en charge viendra vous voir dans une seconde Madame, vous devriez vous asseoir le temps qu'il arrive, dit-il gentiment en lui indiquant un siège derrière elle. Et en effet, voilà le docteur qui finit par arriver d'un pas pressé. Il s'assit à côté d'elle et prend un ton calme et rassurant. - Bonjour Madame Priest, je suis le docteur Irving. Monsieur Scott nous a été amené inconscient directement depuis le lieu de l'accident. Il est en ce moment au bloc opératoire. Nous avons décelé une perforation au niveau du poumon droit, une côte cassée lors de l'impact a perforé le tissu pulmonaire et provoqué une hémorragie interne, il a perdu beaucoup de sang, ce qui a surement provoqué son inconscience par manque d'oxygène acheminé dans son cerveau. Par chance, ce dernier n'a pas subi de liaisons directs et ses fonctions cérébrales ne semblent pas avoir été endommagées par le manque d'oxygène, hormis cette inconscience. Le chirurgien est confiant et nous pensons avoir agi suffisamment rapidement, mais il falloir patienter la fin de l'opération pour être sûr qu'Ethan soit hors de danger. Il la laisse un peu digéré ces informations et lui laisse la possibilité de poser des questions. Après un temps, il finit par demander. - Vous êtes parente ?
Elle a peur. Et c'est tout à fait normal. Personne n'aime savoir qu'un proche est à l'hôpital. Personne n'aime découvrir qu'une personne est entre la vie et la mort. Enfin, elle ne sait pas si c'est le cas ou non. La personne qui a cherché à la joindre pour l'informer de l'hospitalisation de Ethan a plutôt été évasive sur le sujet. Elle lui a juste dit qu'Ethan était là et qu'elle devait ... et qu'elle devait venir. Et honnêtement, ça fait peur quand même. Vraiment d'ailleurs. Elle ne sait pas trop ce qui se passe. Elle ne sait pas trop si Ethan va bien. Si c'est superficiel. Ou bien si c'est plus grave. Elle veut croire que c'est une alerte passagère et que tout va bien. Elle veut croire qu'il ira bien. Oui. Elle l'espère en tout cas. Elle se pince les lèvres. Elle est stressée. Elle ne tient pas vraiment en place. Non. Elle tapote nerveusement le bureau des admissions et attend qu'on veuille bien lui donner des nouvelles. Elle passe une main dans ses cheveux. Elle n'a rien contre le réceptionniste. Mais elle trouve qu'il ne va pas assez vite. Et ça l'agace un peu. Et elle roule des yeux tandis qu'il attrape le téléphone pour avoir des nouvelles. Et ça l'inquiète encore plus. Elle perd son calme. Elle va devoir faire des exercices de ... de respiration pour se calme. Elle est prête à lui faire une remarque quand il lui dit que le docteur va arriver dans une seconde. Elle a l'impression qu'il se fout de sa gueule. En fait, elle est prête à lui gueuler dessus mais sait que ça n'arrangera pas les choses et que ça ne va pas servir à quoi que ce soit. Alors, elle se contente de s'asseoir. Elle se pince les lèvres. Elle est en train de se faire un flip total. Carrément. En fait, elle est en train de penser à ce qu'elle va pouvoir dire à sa fille si jamais ... Et bien, si jamais c'est bien plus grave qu'elle ne le pense. Ok, sans doute qu'elle en fait trop. Sans doute qu'elle doit... qu'elle doit attendre le médecin. Attendre de voir. Elle soupire. Et finalement, une personne l'interpelle. Elle se redresse. Légèrement. Un homme. Il se présente. "Bonjour docteur." Il déballe son speech. Il doit avoir l'habitude de ce genre de choses. Bien malheureusement d'ailleurs. D'une traite, ou presque, il lui explique ce qui se passe. Où est actuellement Ethan. Ce qu'ils sont en train de lui faire. Les soins qu'il va avoir. Est-ce que ça rassure ? Non. Carrément pas. Parce qu'il parle vite. Parce qu'il ne lui laisse pas le temps de gérer les informations. Parce qu'elle a l'impression qu'il a envie d'être ailleurs qu'être là pour lui expliquer ce qui est en train de se passer. Peut-être qu'elle s'inquiète trop. "Attendez, attendez ... Ca fait beaucoup là, d'un seul coup." Elle essaie d'assimiler le tout mais il va lui falloir, sans doute, un moment pour ... Et bien, pour comprendre tout ça. "Donc, là, tout de suite, si j'ai bien compris, il est ... en chirurgie ?" Mais il est en chirurgie pour quoi ? Pour la tête ? pour son hémorragie interne ? En fait, elle est un peu perdue là. Beaucoup même. Le médecin lui demande si elle est parente avec Ethan. "Nous avons un enfant ensemble. Une fille." Et elle le connaît depuis toujours. Ils ont eu des hauts. Des bas. Mais ils se parlent toujours. Ils ne sont peut-être pas aussi proches que lorsqu'ils étaient ensemble. Mais ils restent proches quand même. Ils ne sont pas ensemble, actuellement, et elle ne va pas mentir à ce propos. Parce que ça ne se fait pas. Et que c'est comme ça qu'on peut s'attirer des ennuis. Après, elle est flic. Elle pourrait s'en sortir si jamais ... Si jamais elle mentait à ce propos. Mais elle ne va pas le faire. "Il va rester longtemps en chirurgie ?"
A l'intérieur du bloc opératoire, tout le personnel médical présent s'afférait autour d'Ethan. Même si son état de santé n'était pas critique, il fallait agir rapidement pour éviter les dangereuses complications d'une hémorragie interne. Sans compter que d'autres patients pourraient avoir besoin d'être opérés eux-aussi, n'oublions pas qu'il n'était pas le seul à avoir été blessé dans ce terrible accident.
Du côté du médecin chef il tentait maladroitement de rassurer une personne proche d'Ethan prévenue de son arrivée à l'hôpital, Delilah Priest. Il était malheureusement pressé par le temps, beaucoup de personnes l'attendait ailleurs pour traiter d'autres victimes, il prit quand même quelques minutes supplémentaires pour tenter de s'expliquer plus clairement. Oui, en chirurgie pour son hémothorax, l'épanchement de sang dans le poumon que je vous parlais. Les objectifs principaux de l'opération sont de suturer la plaie et d'évacuer le sang. Cette fois il la laissa prendre le temps d'analyser ses dires et poser d'éventuelles questions. Apprenant entre temps qu'Ethan et Delilah avaient une fille ensemble. Information à laquelle il sourit. Ça ne devrait pas durer plus de quarante-cinq minutes. Le temps de faire les vérifications post-opératoires et il sera déplacé dans une chambre personnelle. Son bipper sonna et il se leva donc. Je suis navré, je vais devoir vous laisser. D'autres personnes arrivent encore. Retournez voir l'interne pour lui donner votre nom, il vous donnera un passe pour accéder à une salle d'attente réservée aux familles qui ont des patients admis en chirurgie. Je repasse vous voir à la sortie du bloc d'Ethan.
L'interne invita Delilah à le suivre jusqu'à une pièce moins bruyante et bondé que le couloir de l'accueil, avec tout ce qu'il faut quand on doit attendre, des toilettes privées, un téléphone et une machine à café. Quelques personnes tout aussi anxieuses que Delilah patientaient eux-aussi dans des fauteuils de la salle. L'interne l'informa qu'il viendrait la prévenir dès qu'Ethan serait conduit dans une chambre où elle pourra le retrouver, la prévenant qu'il ne serait surement pas immédiatement réveillé.
Est-ce qu'elle suffoque ? Est-ce qu'elle est en hyperventilation ? Non. Pas vraiment. Mais si elle lève sa main, sans doute qu'elle aurait quelques tremblements. Elle est inquiète. Elle ne s'est jamais retrouvée dans cette situation. A craindre qu'il n'arrive quelque chose à Ethan. Et pourtant, l'un comme l'autre, ils ont toujours eu des jobs ... compliqués. L'un comme l'autre, ils ont risqué leur vie. Sans doute à de nombreuses reprises. Sans forcément s'en rendre compte. Delilah est déjà passée par la case hôpital. Et il est fort possible que Ethan, quand bien même il n'était pas forcément dans les parages, se soit inquiété comme elle est en train de le faire. Elle ne sait pas comment réagir. Elle ne sait pas ce qu'elle doit faire. La blonde aime le contrôle. Elle aime que les choses soient bien faites. Elle aime quand ... Et bien, quand tout va bien. Elle n'aime pas perdre le contrôle. Et là, c'est ce qu'il se passe. Elle ne sait pas ce qui se passe, elle ne sait pas si Ethan va bien. Elle s'inquiète. Elle a peur. Et même si elle est en compagie du médecin, elle n'est pas rassurée pour autant. Elle n'y arrive pas. Non. Elle a besoin de le voir. Mais apparemment, ça ne sera pas pour tout de suite. Non. Pour le moment, Ethan est en chirurgie. Il est entre des mains expertes. Enfin, elle espère que ça soit le cas. Peut-être qu'il est entre les mains d'un interne. D'un petit jeune qui se fait la main ... Non. Elle ne doit pas penser à cela. Elle doit se dire qu'il est entre les mains qu'il faut. Qu'il est en sécurité. Et qu'on va lui rendre ... Ethan en forme. Elle reprend sa respiration. Elle essaie de se calmer un peu. Le médecin ne peut pas faire plus. Et il ne peut pas rester avec elle. Il a d'autres patients à s'occuper. Elle hoche silencieusement de la tête. Que dire de plus ? Elle ne peut pas l'empêcher d'aller voir ses patients. Delilah le regarde s'éloigner. Elle finit par se lever. Pour aller voir justement l'interne. Il finit par l'emmener dans la salle d'attente. Celles où d'autres attendent, également, que leurs proches sortent de chirurgie. Ca ne l'enchante guère d'être là. Mais en fait, elle ne voit pas où elle pourrait aller. Si. Elle sait ce qu'elle doit faire. Elle s'éloigne un peu. Elle sait très bien que le personnel médical n'est pas fan des téléphones. Mais elle doit prévenir son patron qu'elle ne sait pas, pour le moment, combien de temps elle sera absente. Et elle doit s'organiser avec la mère d'Ethan pour qu'elle récupère Noëllie. Et d'ailleurs, elle ne sait pas comment elle va lui annoncer. Delilah soupire. C'est tellement plus simple quand ... quand il ne s'agit pas d'elle. Ou bien de ses proches. Quand elle annonce une mauvaise nouvelle à une famille, c'est jamais un moment très agréable. Et Delilah voit la tristesse dans certains visages. Ou bien une incompréhension certaine. Et là, elle va le vivre. Et elle va devoir l'annoncer à des personnes qui comptent. Elle passe une nouvelle fois sa main dans ses cheveux, fortement ennuyée par la situation. "T'as pas le choix ma grande." Elle soupire à nouveau. Elle attrape son téléphone. Elle appelle d'abord son patron. La sonnerie retentit. A quelques reprises. Avant qu'une voix rauque ne finisse par décrocher. "C'est Delilah." Sans doute qu'il le savait. Il a vu le numéro s'afficher sur son téléphone après tout. "Ethan ... a eu un accident." Elle poursuit. Lui annonce qu'il est actuellement en chirurgie. Et qu'elle ne sait pas combien de temps ça va prendre réellement. Et qu'elle va devoir poser quelques congés non prévus mais qu'elle n'a pas forcément le choix. Son patron est compréhensible et lui demande de le tenir au courant. "Bien sûr. Bonne journée." Avoir cette conversation avec son boss, c'est facile. Avoir la même conversation avec la mère d'Ethan, ça, c'est pas pareil. C'est clairement pas la même chose. "Allez Delilah ..." Elle se rend dans ses contacts. Elle met un peu de temps avant de finir par appuyer sur le contact en question. Une sonnerie. Deux sonneries. Le temps lui semble long. Malheureusement pour elle, elle tombe sur la messagerie vocale. Elle ne peut pas annoncer que Ethan a eu un accident. Par sur la boîte vocale. "Bonjour, c'est Delilah. Merci de bien vouloir me rappeler dès que tu as ce message. C'est urgent. Et important." Après quoi, elle range le téléphone. Et elle finit par s'asseoir. Attendre. C'est la seule chose qu'elle peut faire pour le moment.
Ouais, mon pote, c'est Ethan. Bon, tu dois encore être dans l'avion. Je sors du centre ville là, j'arriverais à l'aéroport dans quinze minutes si ça roule pas trop mal. Rappelle-moi dès que tu peux. Tchao ! Ethan coupe l'appel à l'aide des commandes du volant et s'engage sur l'autoroute. Il remonte le son de la radio et écoute les infos. Il est content d'avoir pris un jour pour récupérer un de ses collègues et amis. Il pense rester un peu avec lui, que ce dernier lui raconte ses petites vacances en Europe. Ethan se dit qu'il aimerait bien voyager à nouveau, les rares fois où il a quitté le pays, c'était avec l'armée. Et pour une fois partir juste pour des vacances avec si possible, Delilah et Noëllie avec lui, ça serait vraiment génial. Juste voyager et visiter en famille.
Il sourit, la route est dégagée. Bien que le trafic soit intense, la circulation est fluide, il devrait être à l'heure. Aux abords d'une bretelle, une ombre passe sur la route et masque la lumière du soleil, un poids lourds passe à sa droite à toute vitesse et traverse la voie d'autoroute à pleine vitesse. Le camion fauche deux véhicules sur le passage et se renverse sur le côté. Les deux voitures qui séparent Ethan du camion n'ont pas le temps de réagir, la première s'écrase littéralement dans le toit du poids lourds. La seconde réussit à entamer un freinage avant de percuter violemment l'arrière de la première voiture.
Ethan a plus de chance, il obtient quelques secondes de plus pour réagir. Plutôt que freiner il vire sur le côté. Son côté gauche cogne fortement sur le véhicule en face. Il sent une légère douleur à la poitrine. Mais sa course ne s'arrête pas là, il traverse la voie d'arrêt d'urgence et passe au milieu de la rambarde de sécurité éventrée par le passage du camion. Il heurte violemment le fossé en contre-bas. La dernière chose dont il prend conscience est le déclenchement de l'airbag. Le choc fut violent, mais il est parvenu à s’extraire du flot de véhicules qui continuent à s'emboutir derrière lui...
... Près d'une heure s'écoule pendant qu'Ethan se trouve dans le bloc opératoire. A la suite de cela, il est conduit dans une chambre privée. Bien qu'il vient d'être opéré aux poumons, il n'a pas d'assistance respiratoire, son visage est complètement dégagée à l'exception d'un bandage sur le côté droit du front. Il semble dormir tout simplement. L'interne vient prévenir Delilah qu'elle peut le rejoindre dans sa chambre, lui préconisant seulement de ne rien faire pour essayer de le réveiller, que cela doit se faire naturellement. Enfin il lui informe que le médecin va venir rapidement la voir pour lui expliquer comment s'est passée l'intervention.
Elle soupire. Elle stresse. D'aussi loin qu'elle se souvienne, elle n'a jamais eu à se retrouver dans cette situation. Et bien sûr, ça lui fait peur. Bien sûr, ça ne lui plaît pas. CLairement pas. Elle n'aime pas la situation. Mais alors pas du tout. Elle ne sait pas quoi faire. Elle ne sait pas ce qu'elle pourrait faire pour l'aider. Elle sait très bien qu'elle ne peut, malheureusement, rien faire. Elle n'est pas médecin. Ce n'est que la faute à pas de chance. Une sacrée faute à pas de chance d'ailleurs. Mais elle ne peut pas ... Elle ne veut pas désespérer ou quoi que ce soit dans le genre. Elle veut se dire que ça va aller. Elle veut penser qu'il va s'en sortir. Que c'est rien. Qu'il va s'en sortir et qu'il sera plus fort après ça. Mais elle reste inquiète. Et si c'était plus grave ? Et si jamais ... Si jamais il y avait quelque chose d'autre ? Et si jamais le médecin avait déguisé la vérité, ou quelque chose dans le genre ? Oui, bon, sans doute qu'elle psychote. Carrément. C'est sans doute le cas, d'ailleurs, mais elle ne peut pas ... Elle ne voit pas comment le faire. Elle veut garder espoir. Mais là, tout de suite, elle a besoin de le voir. Elle a besoin de constater par elle-même l'étendue des dégâts. Elle a déjà vu des victimes d'accident. De part son boulot. Elle sait que ce n'est pas toujours très joli à voir. Et surtout, elle sait, parfois, que c'est grave. Ils ne s'en sortent pas tous. Et c'est sans doute ça qui l'effraie le plus. Elle n'arrête pas d'avoir de mauvaises pensées. Delilah n'a jamais été comme ça. A s'inquiéter de la sorte. A avoir peur. Et elle n'aime pas.
Elle fait les cent pas dans la salle d'attente. Elle attend que l'interne se pointe et qu'il vienne la chercher. Elle ne veut que ça d'ailleurs. Qu'on lui dise qu'elle peut aller le voir. Elle veut le voir. Elle veut le toucher. Elle souffle. Elle respire lentement. Elle passe une main dans ses cheveux. Se rassoit. Se lève. Elle fait un peu tourner les gens en bourrique qui sont présents. Parce qu'elle n'est pas la seule après tout. A attendre. Il y a d'autres familles, ici. Qui attendent également qu'une chirurgie se termine, ou que les soins se finissent. Et tout ça. Elle penche la tête sur le côté. Cette attente est infernale pour Delilah. Est-ce qu'elle voudrait être ailleurs, là, en ce moment ? Disons surtout qu'elle voudrait ... Et bien, qu'elle voudrait que Ethan aille bien. Et qu'il ne soit pas dans cet hôpital. Elle finit par redresser la tête quand elle entend une voix. Elle se lève tout de suite. Ou presque. "Vous pouvez aller le voir." Il lui explique quelques petites choses. Et surtout, le fait qu'il a besoin de repos. Et qu'elle ne doit pas trop le brusquer. Elle doit ... Elle doit attendre. Elle doit prendre son mal en patience. Il se réveillera. Quand il sera prêt. Et elle ne doit pas le brusquer. "D'accord." Elle avale sa salive. Elle ne sait pas trop dans quel état elle va le trouver en passant le pas de la porte. Sa main se pose sur la poignée. Elle prend une lente respiration. La blonde finit par rentrer dans la chambre d'hôpital. Il est là. Allongé sur son lit. Ca lui serre le coeur. Carrément. Personne n'aime voir un proche sur un lit. Personne n'aime se retrouver dans une telle situation. Elle se pince les lèvres. Et elle finit par s'installer, en silence, dans le fauteuil qui est juste à côté du lit. Elle n'a rien d'autre à faire. Elle ne peut rien faire d'autre de toute manière. Elle attend toujours le rappel de la mère d'Ethan mais elle est peut-être occupée. Peut-être qu'elle a tout un tas de choses à faire. Est-ce que Delilah doit prévenir ses soeurs et son frère également ? Elle n'en sait rien. "Oh Ethan ... Qu'est-ce qui s'est passé ?" Elle sait très bien qu'il ne va pas lui répondre mais elle ne peut pas s'en empêcher. Pas vraiment.
L'alarme retentit dans toute la pièce, résonnant contre les murs de béton, renforçant le vacarme déjà assourdissant du signal sonore. Ethan se redressa d'un bond, réveillé douloureusement par le bruit et l'agitation autour de lui. Que se passe-t-il ? tenta-t-il à l'attention d'un camarade de chambre, qui ne pris pas la peine de lui répondre, préférant courir en dehors de la pièce après avoir enfiler ses bottes. Ethan l'imita donc, s'habillant rapidement. Plutôt vite fait, son treillis déjà sur lui, il ne lui manquait plus que la chemise assortit au bas. Puis il sortit à son tour.
La base militaire était agitée dans tous les sens, il reconnut la voix d'un homme qui venait d'un nuage de sable balayé au travers de la cour. Il s'y dirigea et rapidement son supérieur vint à lui. Les talibans attaquent la base, nous allons les repousser au site B. Prenez ça ! dit l'officier en lui tendant un fusil. Attendez ! Je ne suis pas un soldat. Le militaire sembla lui jeter un regard noir. Aujourd'hui mon garçon, vous êtes tous des soldats ! cracha-t-il comme tout bon cliché d'officier militaire américain d'un film d'action. Ethan tenta de répliquer qu'il n'était qu'un négociateur, (ce qui n'avait peu de sens, Ethan n'étant devenu négociateur qu'à son retour d'Afghanistan), mais le soldat disparut à son tour dans un nuage de sable.
Ethan se retrouva vite mêler aux combats. A l'extérieur de la base, les militaires internationaux avaient pris place derrière des protections faîtes de sacs de sable, une chose qui ne manquait pas dans le désert qui s'étalait devant lui. Au loin, on voyait les soldats qui se ruaient vers leur position, très vites les balles fusèrent, Ethan tenta lui aussi de faire feu, mais tous ses projectiles ne semblaient jamais atteindre leurs cibles, disparaissant avant de faire mouche.
Soudain, au travers de la fumée, du sable et du sang, il distingua une silhouette qui marchait plus lentement que toutes autres personnes. Ethan remarqua rapidement qu'il s'agissait d'un enfant, son enfant. Noëllie ? se demanda-t-il (ce qui constituait une nouvelle incohérence, sa fille devait être soit encore dans le ventre de sa mère à cette époque, ou bien même pas encore procréée). Quoiqu'il en soit, Ethan sauta par dessus les sacs de sable et se rua au milieu du champs de bataille en direction de sa fille. Abandonna son arme pour courir plus vite, il esquiva plusieurs balles. Mais arrivé à seulement quelques mètres de son objectif un obus explosa près d'Ethan, le repoussant violemment en arrière.
Il ouvrit les yeux, le plafond était blanc, éclairé par des néons à vous décoller la rétine, ses yeux le brûlaient ainsi que sa gorge. Il regarda autour de lui lentement, il se trouvait dans une chambre d'hôpital et venait d'être tiré violemment du cauchemar dont il n'avait aucun souvenir. Ses bronches le piquèrent violemment, l'obligeant à tousser fortement. Qu'est ce qu'il donnerait pas pour boire un peu d'eau. Il avait dormi comme ça durant toute la fin de journée. La nuit commençant à tomber. Son corps et son esprit se réparant lentement de l'accident et de l'opération, il restait encore beaucoup à faire pour se rétablir, mais il était enfin conscient.
Au cours de ses heures de sommeil, le médecin accompagné du chirurgien étaient passés. Expliquant à qui était là qu'Ethan avaient bien supportés l'opération, que ses poumons étaient très solides et que les séquelles ne devraient pas l'empêcher de reprendre une vie normale. Ils voulaient juste le garder en observation durant quelques jours, déjà en attendant son réveil évidemment, mais aussi pour surveiller son état ultérieurement. Delilah avait été invitée à soit rentrer chez elle ou soit attendre ici, le fait qu'elle reste avec lui dans sa chambre ne dérangeait pas l'avis des médecins.
Après leur départ, la mère d'Ethan finit par contacter Delilah. Elle écouta la nouvelle silencieusement et après quelques secondes de silence, elle lui expliqua qu'elle prenait le premier train le lendemain, n'étant pas sur place pour le moment. Elle lui indiqua aussi qu'elle se chargerait elle-même de prévenir la famille d'Ethan et tous ceux qui étaient nécessaire d'être prévenus, préférant que la jeune femme se concentre uniquement de rester aux côtés de son fils en son absence.
Elle lui parle. Elle ne sait pas pourquoi parce qu'elle n'est pas certaine qu'il l'entende. Mais elle lui parle quand même. Oui. Elle n'a pas envie ... qu'il baisse les bras. Elle a envie qu'il se batte. Qu'il se batte pour s'en sortir. Elle a envie qu'il aille mieux. Elle a envie qu'il aille bien. Delilah ne dira pas qu'elle est terrorisée. Elle a l'espoir qu'il aille bien. Après tout, les médecins lui ont dit qu'il n'avait pas eu une chirurgie trop invasive. Que ça allait encore. Mais elle reste inquiète, tout de même. Car tout peut arriver si rapidement. Et si, d'un seul coup, un de ses organes lâche ? Ou bien qu'il a une hémorragie ? En fait, elle se pose tellement de question que là, pour le coup, elle se déteste. C'est une scientifique. Elle travaille avec des preuves. Mais elle aimerait tant avoir quelques notions de médecine. Ou du moins, des notions un peu plus poussées. Juste pour s'assurer que les médecins ne lui racontent pas des conneries simplement pour la rassurer. Certes, ça fait son effet. Ca rassure. Mais la blonde n'a pas envie d'avoir de mauvaises surprises. Delilah pousse un soupir. Penche la tête légèrement sur le côté. Elle le regarde. "J'te jure ... T'as pas intérêt à me lâcher." Elle secoue la tête. "Tu peux pas nous faire ça. A Noëllie. A moi. A ta famille." Elle pense surtout à leur fille. La pauvre petite serait dévastée si jamais elle perdait son père. "J'vais te hanter jusqu'à la fin des temps si tu nous laisses." Malgré tout ce qui s'est passé entre eux, Delilah reste très attachée à Ethan. Plus qu'elle ne le devrait ? Peut-être bien. Difficile de dire. En tout cas, elle n'a pas forcément envie que ça se termine maintenant. Elle n'a pas envie qu'il lâche l'affaire. Qu'il abandonne. Elle ne l'avouera sans doute pas à haute voix, bien qu'il ne puisse réellement l'entendre.
Elle bascule sa tête en arrière. Elle bouge les jambes. Elle ronchonne. A un moment, même, elle finit par s'assoupir. Ok, le fauteuil, c'est pas forcément le meilleur endroit pour dormir. Non. Mais elle est fatiguée. Elle lutte. Contre elle. Contre ses sentiments. Contre le fait qu'elle n'aime pas voir Ethan dans une telle situation. Elle a envie de hurler. Elle a envie de le secouer. Elle a envie ... De tout un tas de choses. Elle se réveille quand elle entend du bruit. Elle n'avait pas le sommeil tranquille en même temps. Léger. Vraiment léger. Elle le voit ouvrir les yeux. Lentement. "Hey toi ..." Elle a un sourire. Elle se redresse quelque peu. "Tu m'as foutu une peur bleue, tu sais ça ?" Elle a toujours ce regard inquiet d'ailleurs. Ok, il est réveillé. Mais ça ne veut pas dire pour autant qu'il est complètement sorti d'affaires. "Essaie de pas trop bouger." Parce qu'il ne doit pas être totalement en forme. "Tu te sens comment ?" Ils n'ont pas réellement le temps de papoter. A cause des médecins qui passent. C'est normal. Il a été opéré. Il a subi une chirurgie. Il a subi un accident. C'est tout à fait normal qu'il y ait un suivi et qu'ils vérifient que tout va bien. Elle a l'impression d'être de trop quand les médecins sont là. Pour autant, elle ne peut pas s'en aller. Ou plutôt, elle ne veut pas s'en aller. Elle veut rester. Autant que possible. Ils veulent le garder pour quelques jours. Pour s'assurer que tout va bien. Elle ne peut pas aller à l'encontre de ce que les médecins veulent. Et elle va s'assurer, aussi, que Ethan ne fasse rien de stupide et qu'il reste.
Un peu de blabla. Un rappel de la mère d'Ethan. Et Delilah finit par raccrocher. "J'envie pas vraiment les victimes quand je dois les appeler ou leur annoncer une mauvaise nouvelle." Elle secoue la tête et finit par se rasseoir. Elle n'a pas mangé. Pas depuis le petit déjeuner. Mais en fait, elle n'a pas forcément bien faim. Sans doute à cause de tout ce qui vient de se passer. A cause que ... Et bien, qu'elle se soit carrément inquiétée. "Comment tu te sens ?" finit-elle par lui demander.
Bon sang, comment tout ça été arrivé. Le voilà cloué dans un lit d'hôpital, le corps endolori et l'esprit embrumé. Il lui fallait remettre les événements dans l'ordre, il était conscient, mais une partie de lui était encore dans le noir complet. Sans avoir trop le temps de remettre de l'ordre, une présence vint à ses côtés, Delilah, elle l'avait entendu tousser à son réveil. Ce feu à l'intérieur de sa gorge repris de la vigueur, il lui fallait boire tout de suite avant de faire quoique ce soit d'autre. Il saisit aisément le verre correctement disposé sur la table près de lui et en pris une gorgée. Il reporta son attention sur la jeune femme, dans ce substitut d'obscurité, l'avoir à ses côtés lui apportait beaucoup d'aide.
Elle en vint à lui parler et lui, il accompagna son sourire par un autre. Elle semblait inquiète, le formulant même oralement. Il s'en voulait de l'avoir mise dans cet état, bien qu'il ne se souvenait toujours pas de son arrivée ici. Il espéra y être arrivé par lui même, sans avoir entraîné d'autres personnes avec lui. Il voulu parler, il avait tellement de choses à lui dire. La rassurer et lui demander ce qu'il s'était passé avant toute autre chose. Il se redressa dans son lit, malgré les recommandations de Delilah. Il observa encore et ne réalisa que maintenant que tout autour d'elle baignait un léger flou lumineux. Elle seul restait parfaitement nette à son regard, et même si lui n'arrivait pas à sortir aucun mot, son discours à elle lui parvenait avec une parfaite clarté.
Il continua à lui sourire, essayant de la garder la plus rassurée possible, si elle se mettait à vaciller, à craindre le pire, alors lui ne pourrait jamais s'en sortir. Il imaginait que chacun maintenait l'autre dans un état positif. Il allait réussir à formuler cela à haute voix quand les médecins débarquèrent dans la chambre. Delilah semblait les avoir déjà rencontrés, l'un avait une blouse de docteur et l'autre devait être un espèce de chirurgien. Ils commencèrent un examen, suivi un questionnaire succinct auquel il répondit par des oui ou des non de la tête. Puis ils expliquèrent plusieurs choses auquel Ethan ne prêta que peu d'attention, il restait plus concentré sur Delilah que sur eux, lui jetant des coups d'oeils régulièrement Il espérait qu'elle enregistrait les informations donnés par le corps médical, parce que lui n'écoutait qu'à moitié. Puis de toute façon l'autre moitié des paroles lui parvenait étouffés.
Il leur fit un grand sourire quand il discerna le moment où les docteurs prirent congés. De nouveau seul avec elle, il pouffe du nez par compassion quand elle explique qu'elle n'aime annoncer de mauvaises nouvelles aux autres. Elle revient près de lui et Ethan en profite pour se rallonger dans le lit, il n'aime pas devoir rester au lit, mais son corps ne lui laisse aucunement le choix. Je vais bien. finit-il par dire après avoir bu un verre d'eau complet. Je suis désolé. dit-il en tendant une main vers elle.
Elle est soulagée. La blonde est véritablement soulagée. C'est certain. Elle a eu peur. Elle a craint qu'il ne se passe quelque chose. Elle avait peur que ... Et bien, qu'Ethan ne rouvre pas les yeux. Et qu'elle ne sache pas comment expliquer à leur fille, à leur mignonne petite fille, que son père ne reviendrait pas. Oui. Ca lui a foutu un coup. Et pas qu'un peu. Elle est rassurée. Il va mieux. Ou du moins, il semble aller bien. Après, ce genre de choses, on ne peut jamais être certain. Non. Elle a déjà vu des victimes qui allaient mieux. Et du jour au lendemain, ou plutôt, dans les heures qui suivent, bam, un problème. Elle espère que ça n'arrivera pas. Elle espère que tout va bien aller pour Ethan. Qu'il ne va pas faire une rechute. Et qu'ils vont pouvoir laisser ça derrière eux. Que ça sera rapidement un mauvais souvenir. C'est tout ce qu'elle demande, d'ailleurs. Oublier ça rapidement. Et en revenir à ce qu'ils font habituellement. Seulement, ça sera pas pour ce soir. Ethan va rester encore un peu à l'hôpital. Ils ne sont pas prêts à le lâcher tout de suite. Ce qui, et bien, ce n'est pas forcément une mauvaise chose. Dans le sens où c'est mieux de le surveiller et de s'assurer qu'il ira bien. Imaginons que les médecins le laissent partir et qu'en plein milieu de la route, il fait une attaque. Ou pire encore. Oui, bon, Delilah est habituée à imaginer le pire. Elle a vu tellement de mauvaises choses dans la vie que ... Et bien, qu'elle ne peut pas vraiment s'en empêcher. Mais passons. Elle ne veut pas penser à cela. Elle veut ... Elle veut être rassurante. Elle veut croire que tout ira bien.
D'ailleurs, la blonde n'hésite pas à lui demander comment il se sent. Bien qu'elle connaisse la réponse. Après un accident de ce genre, ce n'est jamais ... ce n'est jamais quelque chose de bon. Non. Faut s'en remettre. Elle sait à peu près ce qu'il va lui répondre. Qu'il va bien. D'ailleurs, il ne tarde pas à lui dire. Elle a envie de rouler des yeux. Parce qu'elle sait qu'il n'est pas bien. Il sort d'une opération. Il doit être un peu dans le coltard. Beaucoup même. "Tu peux l'dire... Que c'est pas la forme." Elle a un hochement de la tête. Ca veut pas dire qu'il est faible ou quoi que ce soit dans le genre. Il est humain. Après, elle se doute qu'il a répondu cela simplement pour .. Et bien, simplement pour la rassurer. C'est appréciable. Mais ça ne veut pas dire pour autant qu'elle apprécie. Il lui présente des excuses. Elle fronce des sourcils en tournant la tête vers lui tandis qu'il tend une main vers elle. Elle s'en saisit. "Pourquoi ?" Elle ne comprend pas réellement pourquoi il lui dit qu'il est désolé. "C'est un accident. Ca peut ... arriver à tout le monde." Elle-même aurait pu avoir un accident. Delilah s'est retrouvée quelques fois à l'hôpital, aussi. Et Ethan n'était pas forcément dans les parages. Non. "C'est pas comme si t'avais fait exprès de te planter." Elle a un léger sourire. Elle se veut rassurante. Dans la mesure du possible. C'est pas de sa faute. Non, c'est clairement pas de sa faute. "Tu pouvais pas vraiment prévoir que tu allais te planter." Il n'est pas devin après tout. "Tu te rappelles un peu de ce qui s'est passé ?" finit-elle par lui demander. Pas que les détails ont une quelconque importance. Mais ça serait bien de savoir un peu ce qui a pu se produire.
Difficile pour Ethan de se retrouver dans cet état là. C'est une personne qui aime garder un certain contrôle sur sa vie. Toute sa vie il s'est battu pour garder ce contrôle. Dans son travail de négociateur, il fallait toujours être la personne qui menait les échanges, avoir toujours un coup d'avance sur tout le monde. Comme aux échecs. Inconsciemment, il avait choisi de jouer une partie contre la vie. Son esprit d'analyse et d'anticipation lui permettait d'être surpris que rarement de fois dans sa vie. Il y avait bien quelques éléments de sa vie personnelle qu'il n'avait pas vu venir, le premier de tous étant la naissance de sa fille. C'est Delilah qui lui avait fait baisser sa garde, l'ancrant un peu plus dans l'instant présent et non dans l'anticipation de ce qui pourrait lui arriver. Durant ces moments-là, la vie avait pris sur lui une petite avance, et il en avait été très heureux pour le coup.
Seulement aujourd'hui c'était différent, l'accident, l’hospitalisation, tout ce qui s'était passé dans son dos quand il était inconscient, le rendait un peu désemparé. Il ne contrôlait plus rien, pris en charge par des personnes (le personnel de l'hôpital) qu'il ne connaissait absolument pas. Pire que tout, il avait été incapable de voir cela venir et c'est à peine si son corps voulait lui obéir. Il allait devoir attendre qu'on l'autorise à sortir de son lit. Alors pour la première fois de sa vie, il ne saurait savoir ce qu'il adviendrait de lui dans les prochaines heures. Incapable de se projeter dans l'avenir, il se laissa submerger dans le passé. Aurait-il vraiment du revenir dans la vie de Noëllie et de Delilah pour finir ainsi dans ce lit, à voir cette dernière être inquiète ainsi pour lui ? Lui qui lui avait promis qu'il ne repartirait plus de sa vie, à nouveau, il se trouvait incapable de tenir cette promesse. Voilà ce qui justifiait ces excuses..
Il aurait du voir cet accident arrivé, lui plus que quiconque autre personne. Certes c'était un ego mal placé, ce n'est pas comme s'il avait des supers-pouvoirs. Mais surtout il s'excusait d'être revenu et surtout d'être resté pour finir comme ça. Je suis désolé, parce que tout le monde doit s’inquiéter et j'ai pas l'habitude. S'il m'arrivait quelque chose quand j'étais dans l'armée, je savais que vous en sauriez jamais rien avant d'être hors de danger ou au contraire tu vois... bah mort. Et je sais maintenant que j'aime pas te voir comme ça. De plus, il savait que s'il était mort, elle aurait toutes les raisons précitées de le détester, et c'était pas quelque chose de réjouissant pour lui. Il garda cependant cela pour lui. Je sais que cela était un accident, répondit-il simplement. Et Delilah qui remuait le couteau dans la plaie, lui disant qu'il ne pouvait pas le prévoir. Je vais pas être un bon témoin tu sais, je crois que ma mémoire me joue des tours. Il me semble qu'un camion était impliqué. Il n'avait pas vraiment envie de parler de l'accident, parce que c'est vrai, il ne se souvenait de presque rien. Où est Noëllie ?
Elle est ravie qu'il soit réveillé. Qu'il semble aller bien. Elle reste inquiète toutefois. Pourquoi ? Et bien, parce qu'il a eu un accident. Et que même si les médecins sont optimistes à son égard, elle, elle ne peut pas s'empêcher de s'inquiéter. Et c'est normal après tout. Il lui est arrivé quelque chose. Il est sorti d'affaires, normalement. Mais ça ne veut pas dire pour autant que ... Et bien, que tout va bien. Non. Elle espère ... Elle va croiser les doigts pour qu'il ne fasse pas une rechute ou quoi que ce soit dans le genre. Non. Bien sûr, Delilah veut croire qu'il est sorti d'affaire. Elle veut croire que tout va aller bien. Qu'ils le gardent juste pour s'assurer que ... Et bien, que ça ira. Tout simplement.Elle va ... oui. Tout va bien se passer. Elle doit arrêter de s'inquiéter. Si les médecins avaient un quelconque doute, ils auraient mis Ethan sous surveillance encore plus qu'il ne l'est déjà. Et les médecins l'auraient également empêché de le voir. Enfin, peut-être qu'elle se trompe. La blonde n'en sait rien. Après tout, elle n'est pas médecin. Et elle s'est rarement trouvée dans ce genre de situation. Alors, oui, elle ne sait pas trop quoi faire. Elle ne sait pas trop comment prendre la chose. Non. Quoi qu'il en soit, il s'excuse alors qu'il n'a pas à le faire. Du moins, selon elle. C'était pas comme s'il avait voulu avoir l'accident. Non. C'est pas de sa faute. Elle a un léger sourire tandis que Ethan lui avoue ne pas aimer la situation. Ni voir Delilah comme ça. "J'te mentirais si j'te disais que la situation ne m'inquiète pas." Elle secoue la tête. "Mais t'as l'air d'aller bien. Et les médecins sont optimistes." Donc, y'a pas de raison de s'inquiéter plus. Même si ... Même si ça va sans doute rester un moment dans un coin de sa tête et qu'elle ne va pas oublier les choses de sitôt. Est-ce qu'il aura des séquelles ? C'est une question qu'elle est en droit de se poser. Mais peut-être que Delilah s'inquiète trop et qu'elle devrait arrêter de s'en faire. C'est pas évident.
Elle cherche à savoir ce qu'il ... ce dont il se souvient. Oui. Il lui parle d'un accident. Mais il n'a pas l'air de se souvenir réellement de ce qui s'est passé. "Ca arrive parfois. Qu'après un choc, la mémoire immédiate soit altérée." Elle a un hochement de la tête. "T'es pas le premier à qui ça arrive. Et je me doute que tu ne sera pas le dernier non plus." Clairement pas. Ca arrive à tout le monde. Oui. Elle-même, il y a quelques années, quand elle a été prise par l'explosion dans laquelle elle a perdu des collègues, a perdu quelques fragments de mémoire. "Ca reviendra plus tard." Ou pas. Elle, c'était revenu. Elle avait fini par s'en souvenir. Elle avait fini par se rappeler les quelques minutes avant l'explosion. Mais ce n'est pas donné à tout le monde. Non. Certaines personnes ... Ca s'envole. Et ça ne revient pas. Jamais. Ou alors, il faut un déclencheur. Ca ne veut pas dire pour autant qu'on ne peut pas vivre. "J'pense que les collègues doivent être au courant." Elle a un hochement de la tête. "J'leur demanderais ce qu'ils peuvent m'en dire." Et ça permettra de savoir ce qui s'est réellement passé. Si jamais Ethan n'arrive pas à s'en souvenir. Pas que ça soit important qu'il s'en souvienne ou non. Ca ne changera pas grand chose, à dire vrai, qu'il s'en souvienne ou pas. Ca n'aura pas d'incidence sur sa santé. Et ça ne l'aidera pas à aller mieux. Du tout. Il demande où est Noëllie. "Avec tes parents." Elle hoche la tête. "J'ai appelé ta mère. Elle se charge de la petite pour la nuit." Oui, c'est certain. "D'ailleurs, il va falloir que je la rappelle. Au moins pour lui dire que t'es réveillé." Parce qu'elle lui a dit, après tout, qu'elle la tenait au courant. Donc, oui, Delilah va l'appeler. Mais au moins, ça sera mieux que le précédent appel. Puisqu'elle n'a pas pu lui dire grand chose tout au départ. Là, au moins, elle va pouvoir rassurer la famille d'Ethan. Et leur faire comprendre qu'il n'y a pas à s'inquiéter.
Lors d'un accident, on a tendance à beaucoup penser aux victimes, à raison évidemment, ceux sont les premiers touchés, mais il faut aussi beaucoup penser aux proches. Ceux sont eux qui sont dans l'angoisse et l'attente, eux qui peuvent s'imaginer toujours le pire. Et ça Ethan en a bien conscience. Il a perdu quelques camarades d'armes dans le désert et il avait toujours tenu à assister aux différentes commémorations et aux enterrements. Il avait pleinement en face de lui toute la détresse et le chagrin provoqués par la disparition d'un être cher. Comment réussir à être indifférent à la peine qu'on pourrait provoqués à ceux qu'on aime si on venait à disparaître, comment après avoir vécu ces moments-là. Ethan n'y était pas parvenu. Certains peut-être même beaucoup auraient gardé la tête froide, se serait dit que ces proches savaient qu'il y avait toujours un risque. Mais pas Ethan, quand on est négociateur, on doit rentrer dans la tête des gens et pour ça il faut réussir à les comprendre, alors on en devient forcément plus empathique envers les autres. Cela en devient même un outil, quand on fait son métier.
Il n'avait pas souhaité faire de peine à sa famille, mais ça avait fini par arriver, il allait bien devoir faire avec. Delilah le rassurait comme toujours, c'est vrai qu'il allait bien, les médecins l'avaient dit, ça irait surement mieux d'heures en heures. Bien sûr que je vais bien, j'ai juste besoin de repos. Cela tombe bien je voulais glander un peu au lit cette semaine, dit-il avec un sourire sentant qu'il fallait commencer à détendre l'ambiance pesante de l'hôpital. Delilah montrait qu'elle ne voulait pas plonger dans l'inquiétude malgré son réveil, il aurait voulu lui dire que si elle désirait parler de ses angoisses, elle pourrait le faire devant lui, mais il trouvait ça inutile de la plonger là-dedans. Il tenta de lui faire comprendre cette pensée en resserrant sa main un peu sur la sienne, lui faire comprendre qu'il était là autant qu'elle pour lui.
il écouta ensuite Delilah expliquer que la mémoire peut être temporairement perdu après un accident. Là-dessus au moins il n'était pas du tout inquiet, il le savait aussi très bien que ce genre de chose pouvait arriver. Et puis ce n'était qu'un accident, il n'avait pas besoin de retrouver la mémoire, il n'avait pas de témoignage à faire, le mystère entourant l'accident se résoudrait surement tout seul sans son aide. Que ça revienne ou pas n'était pas un problème, il avait toujours tous ses bons souvenirs en tête, c'était l'important. Que ça revienne ou pas, oui, demande leur à tout hasard ce qu'ils savent. J'aimerais quand même comprendre ce qui a pu se passer. Se rappeler était une chose, comprendre en était une autre. Il voulait savoir, pour qu'à l'avenir cette accident ne se reproduise plus pour d'autres.
Noëllie était chez ses parents, tant mieux. Elle avait évité les heures interminables à l'hôpital, sans doute que l'angoisse n'avait pas été moins forte, mais ça suffisait à rassurer un peu Ethan. Bien. Je crois qu'il serait préférable d'attendre avant de la faire venir. Inutile de l'inquiéter davantage en me voyant comme ça. C'est qu'il avait encore beaucoup de mal à bouger, même se redresser. Il voyait pas l'utilité de la faire venir s'il ne pouvait même pas la prendre contre lui. Et puis pour Noëllie, ça lui semblait être mieux pour elle. Elle ne verrait pas son père presque incapable de bouger. Pareil pour les autres, j'imagine. Attendons de savoir quand je pourrais sortir de ce lit, non ? demanda-t-il l'avis de Delilah.