Je suis étonnée de n’avoir aucun commentaire immédiat de la part d’Alex sur mon comportement envers ma famille ou plutôt sur mon comportement dans la vie de tous les jours. Je m’attendais à ce qu’elle critique mon choix de vie parce qu’elle a des discours de fille droite dans ses baskets qui se refuse à faire le moindre pas de travers. Malheureusement, il s’avère que j’aime mon métier et que j’assume parfaitement la voie que j’ai choisi pour gagner l’argent qui me permet de payer mes goûts de luxe. C’est pour ça que je n’avais rien à faire à ce groupe de parole, parce que je n’ai pas envie de changer, je n’ai pas envie de renier celle que je suis, je suis à l’aise avec ma vie et mon métier et rien ni personne ne parviendra à m’en faire démordre. Malgré tout, je suis soulagée de voir qu’Alex ne m’incendie pas. J’ai beau la connaitre depuis peu de temps, je sais qu’elle est capable de me donner avec une logique incapable, des arguments qui pourraient remettre en question mes choix. Je n’ai pas envie que ça arrive, pas maintenant, pas alors que je ne suis pas prête à un changement de vie radical. Alors je retourne la conversation vers elle, une fois de plus, sans avoir vraiment de scrupule et sans prendre de gants ni utiliser des filtres inutiles. Mon attitude ne semble pas la surprendre et je suis une fois de plus extrêmement étonnée mais aussi touchée par l’honnêteté dont elle fait preuve envers moi. « Oh… » Voilà le seul mot que je suis capable de prononcer dans un premier temps, parce que je sens bien qu’Alex s’est mise à nue, a révélé une blessure profonde et ne parvient pas vraiment à passer au-dessus de cet événement. Elle a plongé dans ce qu’elle reprochait à sa mère, elle a reproduit les erreurs de celle qu’elle avait pourtant fuit. Il doit être très difficile pour elle de l’accepter désormais et je ne peux que comprendre son envie d’avancer et de se sortir de cette sombre période. « Quand tu as craqué… Il n’y avait personne que tu pouvais appeler à l’aide ? » J’ignore où elle en était dans sa vie à l’heure actuelle, mais je me demande comment une adolescente ou une jeune adulte, peut foutre sa vie en l’air sans que ça n’alerte un minimum ses proches. Elle était peut-être loin de sa famille, mais elle devait bien avoir des amis, quelqu’un sur qui compter. Il me parait essentiel de pouvoir se rattacher aux personnes que l’on aime dans des moments comme ceux-là, Alex n’a visiblement pas eu cette chance et j’en suis désolée pour elle. « Et ton père ? » Faisait-il même parti du décor ? J’imagine que s’il est la seule personne à l’appeler Alexandra alors qu’elle estime que c’est quelque chose qui crée une distance, c’est que ce ne doit pas être quelqu’un dont elle est très proche.
Evidemment, son absence de réaction quant à mon métier et à mes choix de vie ne pouvait pas durer et le sujet revient sur le tapis, me demandant de faire une introspection que je ne suis pas vraiment prête à mener. Cependant, Alex s’est livrée à moi, avec ce que j’estime être une réelle sincérité, alors je ne voudrais pas la laisser tomber en ne faisait pas l’effort de répondre à ses questions aussi difficiles soient-elles. « Je comprends pourquoi ça les dérange, c’est une question d’image, ils ne veulent pas que leur fille-chérie offre son corps au premier venu, c’est quelque chose qui est mal vu par la société, c’est tout. » En tout cas, c’est comme ça que je le comprends, à tort ou à raison et je ne suis pas prête d’en démordre. Mon métier est une profession, aussi mal-vue soit-elle, j’exerce un travail contre rémunération, je ne vois pas ce qu’il y a de mal à ça. Peut-être que mon corps est devenu mon outil de travail et oui ça peut donner une mauvaise image de celle que je suis, mais je fais très bien la distinction entre les rapports que je peux avoir avec tous ces hommes dans le cadre de mon travail et ce que je peux faire de ma vie privée. Evidement, ça ne veut pas dire que mon intimité hors travail est beaucoup mieux, mais je fais mes propres choix et je les assume parfaitement. J’aimerais qu’à défaut de les comprendre, ils fassent preuve de plus de tolérance. « J’évite de leur en parler, j’ai l’impression d’être dans un tribunal pendant mon procès à chaque fois que je m’y risque. » Et autant dire que ça finit par sérieusement m’irriter de voir tout le monde contre moi alors que j’estime que leur jugement hâtif n’est pas du tout mérité. « Bien sûr… Je pourrais travailler dans un bar mais déjà je ne gagnerais pas aussi bien ma vie et en plus c’est… » Je ne sais pas comment expliquer ça mais il va bien falloir que j’aille au bout de ce que j’ai à dire. « Un monde à part, comme une vie parallèle. » Le monde de la nuit est très particulier. Dangereux. Inquiétant. Les risques sont énormes et plus je côtoie les grands de ce monde et plus ils deviennent importants. « J’aime ce que je fais. » Et je crois que c’est ça qui déplait autant à ma famille, je me suis fait entrainer dans ce monde un peu obscur où les jeux d’argent, de sexe et de pouvoir règnent en maitre. Non seulement je suis incapable de m’en sortir à cause du chantage et des engagements qui me tiennent enchainé mais en plus, et c’est vraiment ça qu’ils n’acceptent pas, je n’en ai pas réellement envie. « Je n’ai pas envie de plaire à ma famille. » Ce n’est pas tout à fait vrai. « Je les aime… Plus que tout au monde, mais c’est ce que je suis, je voudrais qu’ils le comprennent et qu’on puisse… Que tout soit comme avant. » J’ai l’impression d’être une petite fille en train d’avouer que son papa et sa maman lui manquent et c’est exactement l’effet que ça me fait. « Je fais un Master spécialisé en droit familial… Je termine cette année mais je pense que je vais faire une thèse, je n’ai pas envie d’entrer dans la vie active dès maintenant. » Alex ne comprend pas vraiment que si je suis là c’est par envie et non pas par devoir. Je ne l’en blâme pas, du moins, pas encore, mais j’y viendrais, c’est une certitude.
« Quand tu as craqué… Il n’y avait personne que tu pouvais appeler à l’aide ? » Comment lui expliquer que c'était justement l'absence des gens que j'avais laissé derrière moi qui m'avait fait plonger ? Comment lui expliquer que ma souffrance venait de mon choix d'abandonner sans donner de nouvelles mes amis proches et cet enfant qui aurait du être son neveu ? Il m'est impossible d'entrer dans plus de détails avec elle, je considère que j'ai déjà été au bout de l’honnêteté que je peux lui accorder. Heureusement pour moi, elle enchaîne les questionnements et me parle de mon père. Enfin, elle me questionne à savoir s'il avait pu être là pour moi, pour m'aider et ça me ferait presque rire cette pensée. « Mon père pense que l'argent peut tout résoudre. Les problèmes il les règle à coup de billets, ou il les enterre et fais comme s'ils n'existaient pas parce que ça le gêne lui et son image. En gros il est riche mais il n'a jamais été un père pour moi. Il a remplit mon compte et c'est à peu près tout ce à quoi il m'a servit. » Enfaîte mon père c'est l'inverse total de son père à elle ou presque. Mon père a de l'argent, mon père vit dans le luxe, le paraître, il a de l'influence. Mais c'est pas un père, ça ne l'a jamais été pour moi. Il ne s'est jamais intéressé à moi pour ce que je suis, il n'a jamais comprit l’intérêt d'avoir une fille, ni le sens de son rôle de père. Il n'a jamais rien fait pour moi, jamais été fière de moi et même si son argent m'avait rendu la fille facile par moment, son statut et sa mentalité m'avait bien plus abîmée. Mais allez expliquer ça à une jeune femme qui est attirée par le luxe et qui se vends pour satisfaire ses désirs ? Allez lui expliquer que l'argent de mon père m'avait fallu bien des soucis et que j'enviais une partie de son enfance. Modeste mais dans une famille qui l'a aimé pour elle, qui s'est donné jour après jour pour elle. « J'aurais vraiment aimé avoir un père simple, avec moins d'argent mais plus d'amour. Il y a des choses qui ne s'achète pas.» C'est la seule chose que je peux dire. Impossible pour moi de lui avouer que je lui enviais ses parents alors je me contente d'essayer de faire passer le message autrement.
Sa famille justement nous en parlons. Elle m'explique comprendre ce qui dérange sa famille et pourtant je ne suis pas en accord avec ce qu'elle me réponds. J'ai comme l'impression qu'elle se voile la face, ou du moins qu'elle minimise l'impact que peut avoir sa vie sur ses proches et surtout sur ses parents. « A t'entendre on dirait que tu penses que si tes parents ne tolèrent pas ton choix de vie, c'est uniquement pour une question d'image. Je ne connais pas tes parents. » Mensonge Alex ! « Mais tu n'envisages pas l'idée que ce qui les dérange réellement c'est que tu te mets dans des situations à risques et qu'ils ont peur pour toi ? Peur d'une mauvaise rencontre, peur de ce milieu de la nuit avec les fréquentations douteuses et les pratiques illégales ? » Le milieu de la nuit, l'alcool, la drogue, le sexe, la violence … C'est tout ce que je connais de ce milieu avec ma petite expérience de fêtarde et de barmaid et j'imagine sans difficulté que ce n'est pas le pire que j'ai côtoyé. Je n'ai pas idée de ce qu'elle vit au quotidien et de la dangerosité de son monde. Mais ce que j'en sais me suffit à trouver cela dangereux pour une femme seule. « Tu es jeune, je ne sais pas si tu as des enfants, mais voudrais-tu d'une telle vie pour eux ? Ne voudrais-tu pas les voir s'épanouir sans se mettre en danger ? Essayes de penser un peu comme une mère tu pourras peut être comprendre ce que ressente tes parents. » Facile comme remarque … Mais tellement déplacée venant de moi que même moi je me trouve pathétique de sortir un tel commentaire. Mais je me sens prise d'une mission et peut importe que je crois ou non en ce que je lui dis. Peut importe si je suis la mieux placée pour lui donner des conseils, je me dois d'essayer au moins parce que c'est peut être par elle que passera la première partie de ma rédemption. « J’aime ce que je fais. » Cette fille a décidé de ne pas me faciliter la tâche. Putain Prim tu aimes ce que tu fais mais acceptes l'idée que c'est pas quelque chose de tout à fait normal. Aucun parents aussi tolérants et compréhensifs soient-ils n'a pour espérances de voir sa fille finir escort et vendre son corps. Elle continue de me répéter qu'elle aime ce qu'elle fait, qu'elle l'a choisit et je l'entends mais comment comprendre ce qui ne semble pas être un comportement logique. Je connais son frère, je connais leur histoire, la difficulté financière de cette famille modeste, et je ne peux pas arrêter de ressentir ce sentiment de gâchis en voyant ce qu'elle fait de sa vie, par choix! Mais je ne peux rien lui dire et ça me frustre. Je cache l'énervement qui monte en moi en jouant avec mon verre. J'occupe mes mains, je concentre mon regard sur ce verre que je fais tourner avec délicatesse sur la table tout en buvant quelques gorgées par moment. « Je n’ai pas envie de plaire à ma famille. Je les aime… Plus que tout au monde, mais c’est ce que je suis, je voudrais qu’ils le comprennent et qu’on puisse… Que tout soit comme avant. » Je sens une certaine fragilité émaner de Primrose quand elle me parle de sa famille, je sens que cette situation lui pèse et peut être plus qu'elle ne veut bien se l'avouer. L'instant d'avant elle m'agaçait, cette fois elle me touche. Je n'arrive décidément pas à rester insensible à Primrose et je prends les choses un peu trop à cœur visiblement. Je repose mon verre pour pouvoir me concentrer sur elle. Je plonge mon regard dans le sien.« Il y a des choix et des événements qu'il faut assumer, et parfois il faut le faire seule parce que personne ne peut le faire à ta place. » Et c'est pas simple ! Je l'ai appris à mes dépends et je subis encore les conséquences de mes choix. « Tu voudrais que tes parents acceptent ce que tu as choisis de faire, mais même si tu assumes totalement ce que tu fais, tu ne peux pas imposer tes choix à ta famille. Tu veux que tout soit comme avant, mais tu vas devoir accepter l'idée qu'ils ne pourront peut être jamais vivre avec ça. Que tu n'es plus comme avant, que vous n'êtes plus comme avant. C'est ton choix, pas le leur et ils ne font que subir tes choix. Tu as pris la décision de vivre cette vie au risque de te confronter au rejet de ta famille, et parfois dans la vie, tu dois faire des choix compliqués. Des choix qu'ils ne pourront jamais comprendre, jamais accepter. Et tu devras vivre avec, l'idée de te dire que tu as tout gâché.» Plus je parle et plus j'ai l'impression de m'égarer. Je ne sais plus si je parle d'elle et de ses choix ou de moi et de ma vie. Je réalise au moment ou je parle des répercussions de ses choix, et de la possibilité que sa famille ne les accepte jamais. Que j'ai aussi ce risque, que cette même famille, que ce frère ne puisse jamais comprendre mon choix, ne puisse jamais me pardonner. Je soupire, un peu trop bruyamment par cette prise de conscience. Je finis mon verre avant de reprendre et de me concentrer uniquement sur elle et sur sa vie. « J'ai bien l'impression qu'un jour ou l'autre, tu seras confrontée au moment fatidique ou tu devras choisir. Choisir entre ta famille ou ton rôle d'escort, parce que les deux ne semblent pas compatible. Et si tu en arrives à cette extrémité, qu'est-ce que tu choisiras ? » Coup de bluff, ou réel questionnement ? Je crains qu'elle me réponde sans hésitation « escort » et alors je saurais que je ne pourrais rien faire pour l'aider et cette pensée m'inquiète réellement. Mais j’espère pouvoir toucher sa sensibilité, la faire réagir et lui montrer la réalité de la situation. Lui montrer qu'elle peut perdre sa famille, lui montrer qu'elle peut se retrouver seule. Primrose continue de dire qu'elle ne veut pas changer, qu'elle assume ce qu'elle fait. Mais elle accepte quand même de venir à un groupe de parole, alors je vois là un espoir. Je dois croire que je peux l'aider, que je peux aider sa famille.
Je tente de calmer un peu la discussion et de partir sur des bases moins sujettes à tension et je la questionne sur ses études. « Je fais un Master spécialisé en droit familial… Je termine cette année mais je pense que je vais faire une thèse, je n’ai pas envie d’entrer dans la vie active dès maintenant. » Master spécialisé en droit familial, ok ça parle. La je reconnais un petit peu plus la petite sœur de Caleb. Celle dont il me vantait les capacités à l'époque. Celle dont il était si fier, sa petite sœur partie trop tôt de la maison pour lui permettre de développer toutes ses capacités. Alors apprendre qu'elle n'a finalement pas gâché tout son potentiel et les efforts de sa famille, c'est un peu rassurant. Cette fille est quand même pleines de surprises. « Master, mais comme je comprends tes parents d'un coup, un tel potentiel tu peux pas laisser ça de coté. Tu dis que tu veux pas entrer dans la vie active et pourtant, la vie active visiblement tu y es depuis un petit moment non ? Et si je peux me permettre encore un conseil Prim, tu sais que les activités que tu fais par choix, ne sont pas toutes légales ou du moins pas hyper morales. Alors tu as déjà pensé aux conséquences sur ta vie futur ? Dans ta carrière, ou pour ta famille ? Tout finit par se savoir, et ce serait dommage que tu gâches ton futur avec des polémiques ou des scandales. »
AVENGEDINCHAINS
Spoiler:
Il y a beaucoup de passage de dialogues si tu vois un soucis ou si tu veux que je change un truc n'hésite pas. ^^
J’écoute Alex parler de son passé et de son présent avec un silence religieux, hochant la tête à chacune de ses paroles sans être certaine de la manière dont je la perçois réellement en fin de compte. A certains moments, elle me fait de la peine et j’ai envie de la réconforter, à d’autres, je trouve son attitude irritante et j’ai envie de la remettre à sa place. Malgré mes sentiments fluctuants, je reste tout de même admirative de son parcours, elle a eu à surmonter de nombreux obstacles et si elle est devant moi aujourd’hui, j’imagine que c’est parce qu’elle a su faire preuve de courage, chose dont je suis incapable. « Je vois. » Je souffle simplement alors qu’elle décrit presque le père que j’aurais rêvé d’avoir. Je me fiche que mon géniteur m’aime, j’aurais trouvé bien plus pratique qu’il puisse satisfaire mes goûts de luxe. Au contraire, la fortune inexistante de mes parents m’a poussée à adopter un chemin de vie peu recommandable pour assouvir mes envies qui s’apparentent davantage à des besoins, d’ailleurs. « J’imagine que c’est toujours plus simple d’envier ce que l’on n’a pas que de profiter de ce que l’on a. » Moi, l’amour, je l’ai eu, le cocon familial dans lequel j’ai grandi était parfait, je n’avais rien à redire à ce sujet, mais ça ne m’a jamais paru vraiment nécessaire ou suffisant. Bien sûr, je les aime, ils ont été à une époque ce que j’avais de plus cher au monde et j’aimerais renouer ce lien si fort, mais je sais que ce serait au détriment de mes choix de vie. Ils m’ont mise au pied du mur et poussée à choisir entre ma carrière et ma famille, ma carrière l’a emporté, fin de l’histoire. Est-ce que j’éprouve des regrets ? Bien sûr, il n’y a pas un jour qui passe sans que je ressente ce manque d’amour mais si ça devait se reproduire, je crois que je ne ferais pas un choix différent.
J’essaie à mon tour de m’ouvrir davantage, de lui expliquer mes problèmes familiaux et de lui faire comprendre ma façon de penser. Je ne sais pas à quoi je m’attends, à ce qu’elle soit contente de mes choix ? A ce qu’elle prenne mon parti ? Il est pourtant évident que ça ne va pas se passer comme ça. Je crois que je commence à connaitre le fonctionnement d’Alex, elle va chercher à me remettre sur le droit chemin parce que c’est ce qu’elle fait de mieux, se rediriger vers ce qu’elle croit être la voie de la sagesse. Il faudrait que quelqu’un lui dise qu’il n’y a pas qu’une seule vérité et que ce sont nos différences et nos divergences d’opinion qui font notre force et seule l’intolérance est une faiblesse. « Personne ne peut préserver ses enfants des éventuels dangers qu’il aura à affronter dans la vie, ce n’est pas en les empêchant de la vivre, que les choses s’arrangeront. Si on évitait de faire des choix à cause de la peur, alors on ne ferait pas grand-chose. Je peux très bien mourir en sortant de ce café en me faisant renverser par une voiture. Et alors ? Est-ce qu’on en conclurait pour autant que je n’aurais pas dû boire un verre avec toi parce que c’était trop dangereux ? » Evidemment, j’ai bien conscience que certaines situations sont plus à risque que d’autres et que les probabilités qu’il m’arrive des trucs pas cool dans un club de striptease sont nettement plus élevées que celle de me faire renverser par une voiture. Cependant, ce n’est pas pour autant que je suis convaincue par l’argument d’Alex et le suivant ne me plait pas non plus. Je n’ai pas d’enfant et je ne peux pas me mettre à la place d’une maman parce que je n’en suis pas une. « Non. J’en ai pas, je peux pas me projeter là-dedans, c’est pas fait pour moi. » Ce n’est pas un mensonge, ma vie est un bordel monstre, m’envisager mère est au-dessus de mes forces alors je ne peux pas me mettre dans la peau d’une maman. « Mais toi, t’as l’air de t’y connaitre. » Aussi moralisatrice qu’une maman, je ne vois pas pourquoi je n’y ai pas pensé plus tôt.
Malheureusement pour moi, Alex n’a pas fini d’être contre moi, chaque propos est prétexte à donner une opinion qui ne va pas dans mon sens et je serre les dents, tâchant de rester impassible alors qu’elle commence à me donner envie de partir et de claquer la porte derrière moi. « C’est bien ce que je fais, je suis toute seule et j’assume mes choix. Ça doit te parler, non ? Entre solitaires, on se comprend. » Je n’ai aucun scrupule à lui renvoyer son argument dans les dents, comme si le fait de la piquer pourrait enlever la véracité de ses propos. Elle sait toucher où ça fait mal. J’ai beau être entourée, je me sens seule dans mes choix de vie parce que je n’ai pas trouvé le soutien nécessaire et parfois, je me demande même si j’arrive à me persuader moi-même que ce que je fais est juste. « Je n’ai jamais reproché à mes parents ou à mes frères et sœurs leurs choix de vie, alors que ce ne sont pourtant pas des choix que j’aurais nécessairement faits, je ne vois pas pourquoi ils ne peuvent pas faire la même chose pour moi, c’est tout. » J’écoute Alex, je l’écoute réellement, mais je ne l’entends pas parce que ses justifications ne parviennent pas à me convaincre. Elle pense connaitre assez ma famille pour se permettre de juger la manière dont cette dernière réagit, mais elle ignore tout de notre situation. « Tout le monde subit les choix des autres, c’est la vie, et c’est à nous d’être capable de les accepter, tu vas me faire croire que tu n’as jamais fait un choix seule parce que c’était le mieux pour toi sans prendre en compte l’opinion des autres ? Et quand tu l’as fait, tu n’as pas espéré que ton choix soit accepté par tes proches pour les garder auprès de toi ? Ou est-ce que tu n’as pas eu le courage d’assumer devant eux parce que tu savais que tu allais les décevoir ? J’ai peut-être fait exploser ma famille, mais j’assume ce que je suis et je n’ai pas l’intention de revenir en arrière. » Elle a l’air tellement sûre d’elle, à croire qu’elle n’a jamais été confrontée à cette situation et je doute que ce soit possible, nous le sommes tous à un moment ou à un autre. « J’ai déjà choisi. » J’essaie de recoller les morceaux, certes, donc on peut considérer que je n’ai pas encore coupé définitivement la corde qui nous lie, mais notre équilibre est fragile et à tout moment je peux me retrouver sans famille, je le sais. « T’emballes pas, je fais ça pour gagner de l’argent, rien de plus. » Ce n’est pas vrai, mais c’est comme si avouer que j’aime mes études serait une preuve de faiblesse, je n’ai pas envie qu’elle sache que je me bats contre deux chemins de vie contraire mais que je sais que j’appartiens au monde de la nuit et que ce dernier ne me laissera pas partir. « La morale, c’est subjectif, si tu veux faire partie de tous ces coincés du cul qui pensent que toutes les personnes qui font ce que je fais n’ont pas de respect pour leur corps, libre à toi, je suis à l’aise avec mon choix. » Ce n’est pas le cas tous les jours, ça dépend sur qui je tombe et ce que je dois me résoudre à faire, mais la plupart des jours, j’arrive à vivre avec. « Je suis dans le métier depuis un moment, ne t’en fais pas pour moi. » J’ai laissé le piège de toutes ces activités illégales se refermer sur moi et si pour le moment je n’en ai pas subi les conséquences, je sais que ça viendra.
« Non je ne suis pas mère. » C'est sorti avec un peu trop d'agressivité. Le sujet des enfants, sujet délicat mais pourquoi j'ai pris la décision de lancer ça sur la discussion ? Je reprends mon calme et j'essaye de faire abstraction des souvenirs qui me reviennent et des doutes concernant ce sujet bien précis. C'est fou comme la simple évocation d'un enfant peut être un sujet compliqué qui me renvoie à ce choix que j'ai fais il y a quelques années. Un choix définitif avec lequel je dois vivre. Un choix que j'ai fais seule et que je dois assumer seule. Le choix et les conséquences de celui ci. Je dois apprendre à vivre avec et mon passé suffit à démontrer toute ma difficulté à assumer ce choix. Et comme si les souvenirs n'étaient pas assez remués par cette discussion, voilà que Primrose semble prendre plaisir à me provoquer. « C’est bien ce que je fais, je suis toute seule et j’assume mes choix. Ça doit te parler, non ? Entre solitaires, on se comprend. » Je prends sa remarque sans broncher, après tout elle a raison même si sa façon de me le rappeler n'est guère sympathique. J'accepte parce que je sens que c'est un moyen de défense aussi pour elle, ou du moins c'est ce que je perçois. Alors oui ça ne fait pas plaisir, surtout qu'elle commence à toucher des choses sensibles. Je sens une partie de moi qui voudrait fuir cette discussion, mais je ne peux pas faire machine arrière, j'en sais trop et en même temps tellement peu. Alors j'encaisse et je me tais laissant la parole à Primrose. Elle me parle de sa famille, j'ai l'impression qu'elle cherche à se rassurer, à mettre en avant sa propre tolérance pour reprocher l'intolérance de ses proches. Mais ça ne fonctionne pas comme ça. Plus les actes sont éloignés de ce que nous sommes, plus ça demande un effort d'acceptation, et nous n'avons pas tous le même degrés d'acceptation. « Si ton frère avait décidé de devenir tueur à gage ou terroriste tu aurais accepté ? Ou violeur d'enfant tu n'aurais pas reproché ? C'est facile de faire preuve de tolérance quand on a un mode de vie particulier. Mais ce que tu tolères chez eux et sans doute bien moins sujet à polémique que ce que tu leur demande de tolérer. » La démesure Alex, la démesure … Bien sur c'est facile de partir dans les extrêmes mais elle a commencé avec son coup du ''je peux mourir en sortant du café.'' Alors je me permets le droit d'utiliser aussi l'exagération après tout, la discussion semble désormais un peu moins neutre et elle ne se prive pas pour tenter de me vexer ou me blesser, consciemment ou inconsciemment. « tu n’as jamais fait un choix seule parce que c’était le mieux pour toi sans prendre en compte l’opinion des autres ? Et quand tu l’as fait, tu n’as pas espéré que ton choix soit accepté par tes proches pour les garder auprès de toi ? Ou est-ce que tu n’as pas eu le courage d’assumer devant eux parce que tu savais que tu allais les décevoir ? » J'encaisse à nouveau silencieusement ses propos et ça tourne en boucle dans ma tête. Si elle savait la vérité, elle pourrait me traiter d'hypocrite et ce serait totalement justifié. Heureusement pour moi, Primrose ne sait pas qui je suis, ne connaît pas mon histoire et ne peut pas se douter qu'elle vient à l'instant de résumer une grande partie de ma vie. J'ai fais un choix seule, j'ai pas assumé et désormais je cherche à rattraper mon erreur, sauf que moi j'ai déjà quelques années de retard et un choix qui est inéluctable. « J’ai déjà choisi. » Si elle pouvait comprendre que parfois quand les choses sont cassées, elles le sont pour toujours … Sa réponse fait monter la colère en moi. J'ai envie de lui hurler dessus, de lui dire à quel point perdre son frère, enfin quitter son frère, fut l'une des pires erreurs de ma vie. Lui dire qu'elle n'a pas le droit de ne penser qu'à elle alors qu'elle a autour d'elle une famille formidable. Lui dire qu'elle peut vraiment tout perdre et que la solitude, les regrets et la culpabilité c'est clairement pas de bonne compagnie … Mais je ne peux pas, parce que c'est elle, c'est Primrose et que même si je veux vraiment l'aider, je tiens à mon secret peut être encore un peu plus. Égoïste Alex le retour. « C'est bien d'assumer Primrose, je te souhaite en tout cas d'assumer encore dans quelques années et de ne jamais regretter, parce qu'un jour tu te réveilleras et tu réaliseras tout ce que tu as perdu, c'est à ce moment là qu'il faudra être capable d'assumer tes choix, et j'espère réellement que tu en seras capable. » Je suis petit à petit en train de perdre mes nerfs, je le sens, je le sais mais je tente de me contenir. Ses petites provocations volontaires, et surtout les références involontaires à des éléments de mon passé ont sans doute contribué à me pousser un peu dans mes limites. Et, sa façon de me répondre sans réellement de remords qu'elle a choisi sa vie au détriment de sa famille ne m'a pas aidé à rester calme. Je sens que je suis de moins en moins perspicace, que je n'arrive pas ne serait-ce qu'à ouvrir une petite porte dans laquelle elle pourrait évaluer les risques et la dangerosité de son choix. Et surtout d'être honnête avec moi. Primrose, tellement bornée à l'idée de montrer à tout le monde qu'elle assume, que ça lui plaît, qu'elle est grande et qu'elle décide pour elle. Je me sens de plus en plus inutile et je finis pas craquer quand elle me renvoie à une coincée du cul quand j'ose lui faire remarquer que le monde dans lequel elle a décidé de travailler n'est pas très morale. Le ''coincée du cul'' n'est en soit pas le problème, mais son niveau de déni en revanche me pousse à quitter mon attitude posée que je tente d'adopter depuis le début avec plus ou moins de réussite, pour passer à quelque chose de plus direct. C'est pas encore la manière forte, mais on s'en approche doucement. « Alors pour commencer, je n'ai jamais dis ou sous-entendues que tu n'avais pas de respect pour ton corps, c'est toi qui interprète cela mais si tu n'es pas capable d'entendre que ce que tu fais n'es pas considéré comme étant quelque chose de morale dans la société, donc pour une grande partie des gens, alors tu es dans le déni. On a tous notre propre code morale, mais certaines choses sont considérées comme morales ou non par nos sociétés et inscrites en nous. Et même quand on est ultra tolérant il y a des choses qui par notre culture sont considérées comme immorales. Et si je te dis que je considères l'inceste comme quelque chose d'immorale, tu vas aussi me répondre que je suis une coincée du cul ? Tu as choisis une activité qui a une représentation négative et si tu n'es pas capable d'accepter ça, alors peut être que tu n'as pas conscience de la réalité du monde dans lequel tu vis. » Je la regarde, cherchant à capter des signes de réactions chez elle. J'ai conscience que je peux la faire fuir à tout moment, alors je continue de parler ne lui laissant pas de place pour me répondre ou pour réagir. J'ai besoin qu'elle entende ce que j'ai à dire, j'ai besoin d'essayer une dernière fois, une autre méthode. « Que tu sois à l'aise avec ça tant mieux, après tout c'est toi qui fais ce que tu fais, mais aies conscience que tout le monde ne peut pas être à l'aise avec ça et même si tu t'en fous, sois honnête et avoues que ça pourrait avoir un impact sur ta vie. Si dans 15 ans, tu es une avocate reconnue, qu'est-ce qui pourrait arriver à ta carrière si des photos compromettantes ou si ton passé venait à être public ? Tu as pensé aux nombreux clients que tu pourrais choquer, à la réputation que tu pourrais avoir ? À ta carrière que tu pourrais perdre ? Alors tu vas me dire que tu t'en fous de ta réputation mais si tu te fais arrêter et condamner tu peux mettre toute ta carrière et ta vie en l'air et te retrouver à te vendre toute ta vie ? C'est vraiment ça que tu veux comme vie ? C'est vraiment ton plan de carrière, tu es prête à perdre tes proches, tes parents, ton frère, tes sœurs pour ça ? Pour quelque chose ou tu n'es vu que comme une vulgaire marchandise que l'on achète pour quelques heures ? C'est réellement ce que tu veux, ce dont tu rêves pour toi ? » J'ai les yeux rivés sur elle, je sens que je vais trop loin, mais je ne peux me taire, je suis lancée et je parle, encore et encore. Je la fixe et je ressens de l'affection pour elle malgré qu'elle m'énerve réellement. Je vois cette fille qui pourrait être ma petite sœur, enfin belle-sœur et je me sens concernée par sa situation mais ça elle ne peut pas le comprendre. Et, tout ce qu'elle doit voir, c'est une pauvre fille qui lui gueule à moitié dessus. Je souffle un coup, mais je reprends très vite tout en tentant de me radoucir. « Primrose, je suis bien la dernière personne à pouvoir juger quelqu'un sur ses choix de vies, et je ne veux pas que tu penses que je te juges sur tes activités. Tu es majeure et tu n'as pas de compte à me rendre à moi, alors tu es libre de faire ce que tu veux. Mais visiblement tu te voiles encore la face sur pas mal de choses, tout ça pour te rassurer et ne pas réaliser que ce que tu fais pourrait détruire ta vie. Je t'écoute depuis tout à l'heure, et je pense que je m'y suis mal prise, trop moralisatrice, hypocrite par moment, mais je voulais juste t'aider. Et je le veux toujours, mais je dois te dire les choses comme je les penses, avec honnêteté et par respect pour toi, parce que tu as demandé à être franche avant d'accepter de venir boire ce verre avec moi. Alors je suis directe, tu apprécieras ou pas. On devrait tous avoir quelqu'un qui peut tout entendre et tout nous dire, surtout quand les choses deviennent compliquées. Et si un jour tu as besoin, je peux être cette personne pour toi, que tu sois prête ou non à changer de vie, je peux être là pour t'épauler ou t'écouter. Mais tu as voulu de l’honnêteté, alors commence par être honnête avec toi même. Tu le dois à ta famille mais surtout à toi même. J'ai fais un choix un jour, un choix que je pensais être le bon ou en tout cas le moins pire. Je pensais être honnête avec moi même mais je ne faisais que me convaincre d'une chose fausse parce que c'était plus simple à vivre comme ça. Mais ensuite j'ai réalisé mon mensonge et je n'ai jamais réussi à vivre avec ce choix, à me pardonner d'avoir tout gâché et je le paye encore aujourd'hui. Je veux juste que tu réalises que tu peux tout perdre. Alors avant de choisir ce monde, sois honnête avec toi même sur ce que ce monde t'apporte mais aussi sur ce qu'il pourrait te coûter. » Je me tais enfin et je sais qu'elle a désormais la possibilité de fuir loin de moi et alors j'aurais raté ma chance d'obtenir sa confiance et de l'aider. J'espère juste que mes paroles pourront l'atteindre un peu, pourront ouvrir un questionnement en elle. Parfois pour réaliser les choses il faut être confronté au pire, et je veux juste qu'elle puisse avouer qu'il existe des risques pour elle, bien plus grand que les risques habituelles, quotidiens d'un autre mode de vie. Qu'elle soit prête à faire face quand elle sera face à ces risques, et qu'elle comprenne que je ne cherche pas à la blesser ou à la juger, mais uniquement à être honnête, juste et qu'elle sache que je peux être une épaule pour elle. Et au fond j'espère avoir une réaction de sa part, une réaction positive ou négative mais une vraie réaction. Et désormais silencieuse je la regarde craignant au fond de moi qu'elle se lève et qu'elle me laisse en plan dans ce bar.
La froideur dont Alex fait preuve alors qu’elle me relève qu’elle n’est pas mère me pousse à ne pas en demander plus sur le sujet qui est vraisemblablement une zone sensible. Je ne sais pas si elle est stérile, si elle a perdu un enfant ou toute autre tragédie en rapport avec la maternité, mais je ne veux pas être dans cette position désagréable qui me demandera de faire preuve d’une compassion que je ne saurais pas vraiment gérer face à un quasi-inconnue que je n’ai pas du tout envie de devoir consoler. Malgré tout, j’aurais peut-être dû insister sur sa vie à elle plutôt que de la laisser s’intéresser à la mienne parce que plus la conversation évolue et moins j’aime ce qu’elle a à me dire. Je serre les dents alors qu’elle se permet de comparer mon métier aux activités des pires détraqués, ne pouvant tout de même pas m’empêcher de répliquer, quasiment du tac au tac, blessée par les paroles qu’elle a osé prononcer. « Tu mets les stripteaseuses au même niveau que des meurtriers ? » Cette question ne demande pas vraiment de réponse tant ça me parait stupide. Moi, au moins, je ne fais de mal à personne, c’est mon corps que j’utilise et que j’offre aux hommes qui viennent à ma rencontre contre de l’argent, je ne vois pas en quoi mon activité est comparable à celles de personnes qui ont pour seul et unique objectif d’ôter la vie et s’en délectent même. « Tu ne comprends vraiment rien. » Façon détournée de lui faire comprendre qu’à mes yeux, elle est probablement la dernière des connes. Je trouve ça amusant qu’une fille telle qu’Alex se permette de me juger de la sorte alors qu’elle n’a manifestement pas du tout conscience des réalités. Qu’est-ce qu’elle pense ? Que les gens sont ou tout noir ou tout blanc et qu’il n’y a pas de juste milieu ? Pour quelqu’un qui n’a pas su résister à une substance addictive, elle est quand même sacrément dans le jugement. « Tu ne connais pas ma famille et tu ne me connais pas non plus, j’apprécie tes conseils mais je ne suis pas d’accord avec ton avis. » Je n’en reviens pas d’avoir réussi à dire ça aussi poliment. Elle a intérêt à faire un peu attention à ce qu’elle dit, parce que ma capacité à encaisser des critiques aussi infondées et avec des bases aussi peu solides est relativement faible. Le pire, c’est qu’elle continue, m’obligeant à repousser mes limites pour ne pas me laisser envahir par la colère alors qu’elle me balance des vérités qui ne sont vraies que pour elle. « Ce n’est pas parce que tu as tout perdu que ce sera mon cas aussi, tu es peut-être devenue une sainte parce que tu as réussi à décrocher, ça ne fait pas de toi une personne mieux que les autres pour autant. » Comme d’habitude, j’estime que mon meilleur moyen de défense est l’attaque et c’est par ce moyen que j’essaie de m’en sortir, en lui rappelant qu’elle est tombée bas elle aussi. « Mais si jouer les donneuses de leçon te permet de te sentir mieux, alors vas-y, ne te gêne pas. » Elle est sur la voie de la rédemption, parait-il, mais manifestement la tolérance ne fait pas partie des valeurs qu’elle tente d’acquérir et c’est vraiment dommage pour elle.
Notre conversation est clairement en train de dégénérer, ses piques m’atteignent plus que je ne le voudrais et elle reste braquée, campée sur ses positions, comme si son opinion était la seule acceptable. Il est impossible de débattre avec quelqu’un qui n’envisage pas un seul instant d’avoir tort et qui ne sait pas faire preuve d’ouverture d’esprit. C’est malheureusement le cas d’Alex et plus elle parle, plus je me sens irritée par ses propos. « Bien sûr que mon métier a une image négative et ce n’est pas du tout ce que je critique, je trouve juste dommage que ce soit la seule étiquette qu’on me colle et qu’on ne soit pas capable de passer au-delà de cette image pour apprendre à me connaitre. » Je suis la première à être guidée par les dictats de la société, après tout, si je n’étais pas moi aussi sensible à ça, je ne serais pas en train de crouler sous les dettes à l’heure actuelle. Je fais attention à mon apparence et à l’image que je renvoie, mais tout cela n’est que du vent. « Et je n’ai rien contre les relations incestueuses, je rêverais de coucher avec mon frère. » Pas du tout. C’est de la simple provocation, parce que quitte à ce qu’elle ait une mauvaise image de moi, autant qu’elle l’ait jusqu’au bout. Evidemment, je n’ai absolument aucune envie de me retrouver dans le lit de Caleb, cette simple idée me donne envie de vomir, mais ça, elle ne sait pas et l’idée qu’elle puisse imaginer ne serait-ce qu’une seule seconde que c’est vrai me comble de joie. « Je ne sais pas de quoi mon avenir sera fait et tu ne le sais pas non plus, si je dois devenir une avocate reconnue, alors j’aviserais, personne n’a un passé tout blanc et ça n’empêche pas pour autant de réussir. Je devrais faire quoi ? M’inscrire dans une association de protection de la cause animale ? Aller à l’église tous les dimanches ? Défendre la veuve et l’orphelin ? » Si c’est la vie que je dois mener juste parce que je peux envisager que plus tard j’aurais peut-être une position qui mériterait que je préserve l’image que je peux avoir dès à présent sans être sûre que ça arrivera un jour, alors je préfère que ça n’arrive jamais. « Je ne serais ni la première ni la dernière à être rattrapée par les fantômes du passé et si ça doit m’arriver un jour, je le gèrerais à ma manière. » Je n’ai pas peur de l’avenir même si je sais qu’abandonner le milieu de la nuit sera vraiment très compliqué pour moi. Je ne sais pas pourquoi je perds mon temps à essayer de me justifier auprès de quelqu’un qui m’a de toute façon déjà cataloguée. Lorsqu’elle dit être la dernière personne à pouvoir juger quelqu'un sur ses choix de vies, je ne peux pas empêcher un rire moqueur de s’échapper. Je ne crois pas du tout en sa sincérité, bien sûr qu’elle juge mes activités, elle a tout de suite pensé qu’il était normal que ma famille n’accepte pas mon métier et que c’était moi qui avais tort de faire de tels choix. Elle agit comme si elle me connaissait parfaitement bien alors qu’il n’en est rien et j’ai juste envie de me lever de cette chaise et de la planter là avec ses grands airs et ses leçons de morale qui ne valent absolument rien à mes yeux. « Tu as tort, tu ne peux pas être cette personne parce que tu es incapable de faire preuve de la moindre ouverture d’esprit, tout ce que tu voudrais, c’est que je marche sur tes traces pour devenir la parfaite jeune fille sans défaut qui fait toujours les bons choix. Tu as l’air de penser que je suis une sorte de miroir de ton passé et que tu peux me pousser à ne pas reproduire les erreurs que toi, tu as commises. Je suis désolée que tu n’arrives pas à digérer ton passé, mais nous ne sommes pas pareilles toi et moi et si j’arrive mieux que toi à accepter mes choix de vie, je ne peux rien y faire à part éventuellement t’apporter ma compassion. » Nous ne sommes pas des amies et je ne vois pas comment nous pourrons le devenir un jour. « Et encore, je vais avoir du mal. » Parce quelle ne mérite pas que j’éprouve la moindre pitié pour elle, je préfère que nous en restions là, tout simplement. « Tu veux de l’honnêteté ? Je pense que tu veux tellement te racheter que tu tombes dans l’extrême inverse, tu passes de la junkie à côté de ses pompes à une sorte de pseudo sainte à la morale irréprochable. J’espère qu’un jour tu arriveras à trouver un juste milieu parce que tu si tu comptes faire chier tous tes proches autant que tu viens de le faire avec moi, bientôt tu n’auras plus personne à convaincre que tu es devenue quelqu’un de bien. » Et ce verre qui devait sans doute nous aider à tisser des liens tourne soudainement au drame.
« Tu ne connais pas ma famille et tu ne me connais pas non plus, j’apprécie tes conseils mais je ne suis pas d’accord avec ton avis. » J'ai comme la sensation désagréable de me jouer d'elle, de lui mentir. L'impression coupable de la trahir. Mais je ne dis rien, j'ai fais le choix de lui cacher cette part de vérité et je me sens de moins en moins à l'aise avec cette idée, alors que la discussion prends une tournure inattendue. J'ai l'impression d'avoir complètement échoué avec elle, quelque soit la méthode employée, elle ne semble pas réceptive à mes paroles. Et pire, je la sens de plus en plus sur la défensive et de mon coté, je sens la nervosité gagner mon corps. Elle pense que je suis devenue une sainte … Une déprimée, une paumée, sans doute. Mais je suis loin d'être une sainte, et ce malgré mon envie de me racheter auprès des gens que j'ai pu faire souffrir. Je ne relève pas ce détail, ni le suivant. Je la laisse s'exprimer malgré le ton froid qu'elle emploie. J'étais consciente du risque élevée de voir la conversation déraper en échange froid et c'est exactement ce qui semble se passer. Je perçois l'agacement dans son attitude et la colère qu'elle semble chercher à dissimuler. Mais le mal est fait. J'ai trop parlé, j'ai perdu l'unique possibilité qui m'était offerte pour tenter d'aider Primrose et la famille Anderson. Mais elle ne semble pas vouloir l'aide, elle ne semble même pas consciente d'en avoir besoin. Et je me sens tellement inutile. J'ai échoué encore une fois et la frustration que je ressens ne laisse aucune place au doute. Je suis vraiment douée pour rien, à part peut être pour fuir et cacher la vérité. Je tente de dissimuler toutes les émotions pour garder un contrôle sur la situation mais plus la discussion avance, plus ses mots me déstabilise et me contrarie. Je l'ai cherché. Sans doute. Et pourtant, j'arrive encore à me retrouver démuni par moment. Comme lorsqu'elle me parle de Caleb. « Et je n’ai rien contre les relations incestueuses, je rêverais de coucher avec mon frère. » A l'entente de ces mots, je ressens un dégoût certain que je peine à cacher. Pas que rêver de coucher avec Caleb soit une pensée répugnante, bien au contraire. J'en sais quelque chose... Mais c'est son frère et c'est vraiment trop étrange, voir même totalement malsain… Et, je commence à réaliser que finalement je me suis peut être totalement trompée sur Primrose ? Et si les années ont changé irrémédiablement la jeune femme ? Je n'ai pas pris en compte cet élément quand j'ai fais le lien entre cette femme au groupe de parole et Primrose la petite sœur de Caleb. Quand j'ai entendu parler d'elle pour la première fois, elle n'était qu'une adolescente. Désormais c'est une femme et ce que je découvre peu à peu, ne me rassure pas. Elle et Caleb ? Caleb et sa petite sœur ? Non, impossible. Et je me mets à penser à Caleb. Je pense à la souffrance qu'il a du ressentir le jour ou il a découvert les activités de sa petite sœur. A la difficulté que ça doit être pour lui d'imaginer, chaque jour, sa petite sœur avec d'autres hommes pour de l'argent. De vivre en se demandant ou est sa petite sœur, avec qui et ce qu'elle peut bien faire ou subir … Et je ne peux m'empêcher de penser à lui, et puis je vois Primrose et l'effet de ces quelques années sur elle et sur son parcourt. Et, je me demande ce que lui est devenu et comment il a évolué. S'il a changé ? Je me sens un peu déstabilisée. Voir totalement déstabilisée enfaîte. Immobile, incapable de lui répondre le moindre mot. Caleb, le sujet sensible. Caleb, ma faiblesse. Je la regarde continuer à me répondre, et même à se moquer de moi par moment. « Tu as tort, tu ne peux pas être cette personne parce que tu es incapable de faire preuve de la moindre ouverture d’esprit, tout ce que tu voudrais, c’est que je marche sur tes traces pour devenir la parfaite jeune fille sans défaut qui fait toujours les bons choix. » Visiblement, les bons choix je suis toujours incapable de les faire. La preuve encore avec cette discussion. Elle se trompe sur moi, autant que je semble mettre trompée sur elle finalement. Sauf que moi, je suis trompée par mes souvenirs, par les dires de Caleb au sujet de sa sœur, par l'image que je m'étais faite d'elle et par l'envie de venir en aide à cette famille. Je me laisse avoir par un désir totalement absurde, celui de vouloir soulager ma culpabilité en aidant Primrose, ça n'a rien d'un geste altruiste. Ça n'a rien de moralement saint … Elle ne sait pas qui je suis, et c'est ma seule réussite finalement. Avoir gardé secret mon lien avec son frère, avec sa famille. Et je l'écoute me balancer ses dernières phrases, ses derniers mots. « J’espère qu’un jour tu arriveras à trouver un juste milieu parce que tu si tu comptes faire chier tous tes proches autant que tu viens de le faire avec moi, bientôt tu n’auras plus personne à convaincre que tu es devenue quelqu’un de bien. » Et ça me fait mal, plus que ça ne le devrait. Parce qu'elle a raison ou parce qu'elle a tord ? Au final ce qu'elle dit, je devrais m'en moquer, mais il y a une part de vérité dans ce qu'elle m’envoie. Je réalise que je suis seule. J'ai voulu un nouveau départ à Brisbane, j'ai voulu repartir à zéro, mais c'est impossible. Je suis seule et je dois faire avec ça et avec mon passif. Je me suis coupée de tout le monde, de Caleb, de Rachel, de Sami, de ma famille, de mes amis. J'ai tout perdu et je réalise que quoique je puisse faire à présent, je ne pourrais jamais changé mon passé. C'est dur de le réaliser, c'est dur de voir Primrose me balancer cette vérité. Et je me sens prise au dépourvue, face à l'arrogance et l'assurance de Primrose. « Si te défouler verbalement sur moi t'aide à te sentir mieux, alors va s'y ça ne m'atteint pas. » Mensonge. Je prends de plein fouet ses mots. La réalité de ce qu'elle me dit. Je ne suis pas quelqu'un de bien, et de toute façon je n'aurais personne à convaincre que je suis quelqu'un de bien. Je suis seule et ça fait mal de le réaliser. Mais ce qui fait vraiment mal, c'est de réaliser que j'avais tout pour être heureuse et que j'avais tout gâché. Et que j'étais devenue une ancienne droguée, incapable d'avancer, de se pardonner ses choix. J'ai tout perdu et c'est uniquement ma faute, mon choix. Et je réalise que je n'ai vraiment plus rien à perdre. « Mais ce n'est pas moi qui risque de perdre mes proches parce que je vends mon corps au plus offrant. » Elle veut être dure avec moi, être sévère, me faire mal ? Je me sens attaquée et cette fois, plus question d'être gentille, compréhensive ou dur. Elle ose me juger, elle ose me critiquer, elle ose me prendre de haut sans jamais se remettre en question. Elle a raison sur moi parfois, mais elle est tellement loin de la vérité sur pleins d'autres choses et je ne peux m'empêcher de l'ouvrir. Je n'ai plus du tout en tête l'idée de l'aider ou de la comprendre, je veux juste la blesser comme elle m'a blessé. Puérile ? Sans doute. Mais je dois la remettre en place, à défaut de réussir à l'aider. « Depuis notre rencontre, tu te crois au dessus des autres. Mieux que les autres, mieux que ces gens au groupe de soutien. Mieux que ta famille que tu fais passer pour des intolérants. Mieux que moi. Tout ça parce que tu as peur de la réalité. Tu peux te convaincre autant que tu veux que ce que tu fais est bien, que ce que tu fais te plaît. Mais un jour tu vas voir les conséquences de ton mode de vie, et à ce moment on verra si tu te sens toujours au dessus des autres. Si tu n'as besoin de personne et si tu revendiques avec autant d'entrain ton mode de vie. Tu n'es qu'une gamine qui veut jouer à la femme. Tu revendiques ton mode de vie, tu critiques l'intolérance et le manque d'ouverture d'esprit des autres, de moi même. Tu te plains que l'on te juges pour l'image que ton ''métier'' renvoie, que l'on ne cherche pas à te connaître autrement. Mais laisse moi te dire que tu es toi aussi une belle hypocrite. Parce que tout chez toi n'est que dans le paraître. Il n'y a rien de vrai, ni dans ce que tu dis, ni dans ce que tu fais, ni dans ce que tu es. Tu vends ton corps pour t'acheter une image de fille riche. Tu aimes que les gens te juges pour ce que tu portes et non ce que tu es, parce qu'au fond tu es qui ? Tu es quoi ? Je suis sûre que tu dois avoir un pseudo pour ne pas associer ton nom à ton activité. Tu n'assumes rien. Tu n'assumes pas celle que tu es, tu n'es que l'image d'une fille superficielle, et tu voudrais qu'on dépasse les apparences pour te connaître ? Mais connaître qui ? Connaître quoi ? » Ça me soulage un peu de lui dire ce que je pense de son raisonnement, de sa façon de parler et de penser. Ça me soulage d'être honnête. Fini Alex la gentille qui veut soulager sa conscience. J'ai bien compris que je ne pourrais pas avec elle et que c'était bien idiot d'imaginer pouvoir me racheter de mes erreurs auprès de Caleb en aidant la petite sœur. C'était peine perdue avec elle, en l'état. Place maintenant aux vérités. Elle veut qu'on regarde au delà des apparences ? Mais les apparences c'est tout ce qui font son choix de vie. Elle se moque de tout et de tout le monde et je me fais un petit plaisir de la ramener sur tête. Parce qu'au fond, je considère que c'est tout ce qu'elle mérite. Elle croit que je ne la connais pas ? Elle croit que je ne connais pas sa famille et que je juge sans savoir. Mais finalement, ce qu'elle me reproche peut aussi aller pour elle. Elle ne me connaît pas et contrairement à elle, j'ai en ma possession des éléments que je peux utiliser contre elle. « Tu voudrais qu'on passe par dessus l'image d'escort ? Puis ensuite par dessus l'image de fausse riche ? Tu veux qu'on apprenne à te connaître ? Mais tu ne te connais pas toi même. Tu n'es qu'un tas d'images que tu donnes aux autres parce que tu as honte de celle que tu es ? Parce que tu n'es qu'une fille d'agriculteurs et ça te fait peur. Alors, dis moi quelle image tu veux montrer ? Quelle image tu es prête à assumer ? Et quelle image tu veux renvoyer ? Parce que je sais d’où tu viens Prim'. Et je sais que ta famille ne t'a pas transmis des valeurs aussi pourries. » Je m'emporte totalement, son attitude, ses mots m'ont touché et je laisse tomber mes tabous. Pas parce qu'enfin je veux être honnête avec elle, non. Je lui dévoile une partie de moi au risque de mettre à mal certains de mes secrets et ce uniquement dans l'espoir de la déstabiliser à son tour. De faire taire son arrogance et lui mettre sous les yeux ses incohérences et son hypocrisie. Je suis vexée par ses mots, et je veux la voir mal à l'aise à son tour. C'est un mécanisme de défense minable, mais c'est le seul qui lui vient sur l'instant. J'ai essayé d'être avenante, d'être tolérante, d'être dur aussi. Mais rien ne semble pouvoir éveiller un semblant de retour positif chez Primrose qui reste dans sa position de la fille qui assume tout et que de toute façon, le problème c'est les autres. Alors, cette fois, j'abats ma carte joker et je risque le conflit définitif. J'ai de toute façon compris qu'elle ne peut pas entendre un autre point de vue, et après ses mots blessants, c'est à mon tour de la ramener sur terre sans la ménager. Et je peux lui faire part de ma colère. « Alors tu vois, tu peux continuer à te défouler sur moi, tu peux continuer à penser que c'est le reste du monde qui a un problème contre toi. Mais, dis toi que tu ne sais pas tout Primrose. Que tu as peut être toujours été vue comme quelqu'un de très intelligente, mais tu ne sais pas tout. Et surtout tu ne comprends pas tout. Tu n'as pas compris par exemple que je connaissais ta famille. Que je sais qui tu es Primrose Anderson. Tu n'as vu en moi qu'une femme qui cherche à prêcher la bonne parole à tout âme errante, mais je ne suis pas cette femme. Et je ne le serais jamais. Mais je voulais aider une personne qui a compté à mes yeux. Je ne voulais pas t'aider toi, de toute façon tu n'as pas envie d'être aidé. Tu sais Primrose, pour moi que tu sois escort ou non, que tu sois riche ou non, je m'en moque totalement mais tu as dis que tes choix faisaient souffrir ta famille, et j'ai été sensible à ça. Parce que ta famille ne mérite pas ça. Maintenant, je ne voudrais pas te faire perdre plus de temps, parce que le temps c'est de l'argent et visiblement il n'y a que ça qui compte désormais à tes yeux. Et dire que tes parents se sont sacrifiés pour te payer ton école, tout ça pour que tu finisses par vendre ton corps et que tu les fasses passer pour des intolérants. Et après ça, tu veux qu'on te respecte ? Alors que tu ne respectes rien, à part toi même et encore. » Je la regarde ne détournant pas le regard. Je la dévisage, espérant avoir réussi à calmer son arrogance et son assurance. Espérant aussi, au fond de moi, de l'avoir fait taire. Parce qu'elle a réponse à tout, parce qu'elle croit tout savoir. Mais elle ne sait que ce qu'elle veut, elle ne retient et ne voit que ce qui l'arrange. Ses parents ont trimé pour elle, pour payer ses études. Son frère a trimé pour réussir, pour réaliser son rêve. Et elle, elle ose les critiquer et dire que c'est eux qui ont un problème. Que c'est normal de choisir son activité illégale plutôt que sa famille. Je lui ai dis ce que je pensais, sans vraiment réfléchir. Juste pour me soulager et pour avoir le dessus. Sans penser aux conséquences. Je la regarde, fière de moi, silencieuse. Un demi-sourire aux lèvres. J'hésite à me lever et à partir, mais je ressens le besoin de la regarder et de voir sa réaction face à moi.
Je perds mon temps. Alex perd son temps. La conversation qui avait commencé dans une atmosphère relativement sereine a désormais complètement plombé l’ambiance et les tensions entre nous sont palpables. La jeune fille a beau dire qu’elle encaisse mes paroles sans problème, je vois bien qu’elle est davantage sur la défensive et c’est exactement pareil pour moi. Je n’arrive pas à accepter ses mots, ce jugement qu’elle se permet d’émettre à mon sujet alors qu’elle ne me connait même pas et toutes les horreurs qu’elle balance qui sont basées sur des préjugés ancrés dans notre société. Je ne sais pas pourquoi j’ai cru qu’elle valait mieux que les autres, qu’elle serait tolérante, qu’elle essaierait de comprendre. Après tout, elle a été plongée dans le côté sombre de l’humanité à un moment donné, elle aussi, elle devrait comprendre mieux que quiconque ce que je traverse et à quel point c’est difficile. J’imagine que les facultés d’oubli des personnes qui retournent dans le droit chemin sont fabuleuses, mais en un sens, ça me rassure pour la suite, peut-être que j’oublierais un jour ce que j’ai traversé. Ou peut-être pas. J’ose espérer que si un jour Poppy ne fait plus partie de ma vie, je pourrais effacer les souvenirs qui sont associés à elles car ne sont pas ceux qui m’aident à trouver le sommeil le soir. « Si je les perds pour ça c’est qu’ils ne tenaient pas vraiment à moi. » Il parait que l’on se rend compte des personnes qui tiennent réellement à nous lorsqu’on traverse de mauvais moments. Certes, j’ai choisi ce métier et oui je l’assume pleinement, mais s’ils pensent à ce point que je fais quelque chose de dégradants, ils devraient sans doute m’aider à trouver une meilleure solution plutôt que de me tourner le dos, non ? Je sais que c’est injuste de ma part, que je n’ai pas le droit de penser une telle chose parce que c’est horrible de leur demander de me soutenir dans un choix qu’ils ne comprennent pas, mais c’est plus fort que moi, j’aimerais que ce soit facile et que toutes mes décisions ne soient pas remises systématiquement en question.
Je crois qu’on aurait dû s’arrêter lorsque les choses ont dérapé, nous savions toutes les deux que nos divergences d’opinion n’allaient pas s’arranger et qu’au lieu de laisser les choses s’envenimer, il aurait été tellement simple de tout simplement éviter ce massacre. Malheureusement, nous avions toutes les deux des arguments et une opinion à donner et alors qu’Alex reprend la parole une énième fois la parole, irritée, elle frappe nettement plus juste que les fois précédentes et au fur et à mesure qu’elle parle, je me recroqueville sur mon siège, touchée et blessée par des paroles qui sont en réalité une description très fidèle de ce que je suis. Je suis devenue cette fille superficielle avec une double identité parce que je me sentais trop creuse pour qu’on s’intéresse vraiment à moi, ou plutôt parce qu’on m’a montré que j’étais trop creuse pour être intéressante. Je me suis juste adaptée à ce qu’on attendait de moi, j’ai fait en sorte de devenir cette fille sur lesquels les regards se tournaient et je ne vois pas ce qu’il y a de mal à ça. Peut-être que ça fait de moi une personne superficielle, sûrement même, mais au moins je me sens vivante et je crois qu’Alex ne peut pas en dire autant. « Je n’ai pas envie que tu fasses l’effort de me connaitre mais simplement que ceux qui savent déjà qui je suis, ne l’oublient pas. » Pour ne pas me laisser l’oublier aussi. Est-ce que c’est ça qui l’énerve autant ? Le fait de ne pas réussir à me cerner parce que je ne laisse rien transparaitre ? Pourtant, je lui ai dit plus que ce que j’aurais pu révéler à n’importe quelle personne lambda, parce que je sais qu’elle est une goutte d’eau dans l’océan, que je ne la reverrais jamais et que je me fiche des révélations que je pourrais bien lui faire. Malheureusement, la tournure que prend la conversation me prouve simplement que j’aurais dû me taire, une fois de plus. « Je suis supérieure aux autres, c’est un fait, mais ce n’est pas de ma faute s’ils ne sont pas à la hauteur, je ne devrais pas avoir à m’excuser pour ça. » Ce qui fait de moi la pire connasse au monde, mais je m’en fous, je n’ai rien à lui prouver et si je peux lui mettre les nerfs autant qu’elle me les met, alors je n’aurais pas complètement perdu mon temps.
C’est à ce moment-là très précisément que j’aurais dû me lever et partir, avant qu’elle ne lâche sa bombe, avant qu’elle me parle un peu trop précisément de mes valeurs familiales et avant qu’elle m’avoue connaitre ma famille. Je me décompose instantanément, il a suffi de quelques mots pour qu’elle fissure ma carapace et je me décompose. Je n’écoute pas le reste de ses paroles, je reste scotchée, comme étourdie, comprenant parfaitement que je me suis mis dans la merde en me confiant à elle. Je lui ai donné un pouvoir qu’elle n’aurait jamais dû avoir, celui d’aller vers ma famille pour leur avouer ce qu’ils ne savent pas, de faire ressurgir des vérités qu’ils ne doivent pas connaitre. Je déteste l’idée qu’elle puisse avoir quoi que ce soit contre moi, que je sois obligée de la prendre en compte et de devoir écouter son opinion. « Bien joué, tu n’es peut-être pas une sainte, finalement. » J’admets dans un souffle, alors qu’elle achève de parler sans que j’ai saisi la moitié de ses paroles. Je me sens trompée et utilisée mais pire que tout, je me sens stupide. Comment ai-je pu ne pas voir qu’elle en savait plus sur moi que ce qu’elle voulait bien dire ? Comment ai-je pu être aussi stupide ? J’aurais dû faire plus attention, je sais pourtant mieux que personne que les apparences sont trompeuses et que la petite miss perfection cachait forcément quelque chose. J’aimerais revenir en arrière, refuser d’aller boire un verre, ou mieux encore, ne jamais être venue à ce groupe de parole. Maintenant, je n’ai plus le choix, je vais devoir assumer parce que le passé ne s’efface jamais, malheureusement. « Comment tu la connais ? » Elle s’est jouée de moi, certes, alors j’estime avoir le droit d’obtenir des réponses à mes questions désormais et surtout, je veux savoir à quel point elle peut s’avérer dangereuse pour l’équilibre déjà précaire de ma vie. Je n’avais vraiment pas besoin de ça.
« Je suis supérieure aux autres, c’est un fait, mais ce n’est pas de ma faute s’ils ne sont pas à la hauteur, je ne devrais pas avoir à m’excuser pour ça. » Putain d'arrogance. Il faut que quelqu'un lui remette les idées en place à cette fille. On est loin de la femme que j'imaginais un peu perdue, mal à l'aise dans un groupe de parole parce qu'elle n'assumait pas ses problèmes ou l'idée de demander de l'aide. Non, Primrose est juste trop orgueilleuse, trop insolente et trop fière pour avouer qu'elle a peut être un problème. Et pour ne pas avoir à assumer cette réalité, elle se dédouane et place le reste du monde en fautif qui ne peuvent pas la comprendre puisque trop con. Et s'il y a une chose sur laquelle elle n'a pas tord, c'est qu'elle est supérieure aux autres mais dans la connerie sans doute. Alors je me lâche face à elle. Elle ne veut avoir à s'excuser parce qu'elle est meilleur que les autres ? Je ne vais pas avoir à m'excuser de lui montrer ce qu'elle est vraiment. Une fille fausse et qui se cache derrière des mensonges pour se construire une vie. « Bien joué, tu n’es peut-être pas une sainte, finalement. » En temps normal, j'aurais sans doute été vexée par son exclamation mais pas aujourd'hui. Je suis plutôt heureuse de voir que mes paroles ont provoqué une réaction chez elle. Je l'ai vu se décomposer, je l'ai vu encaisser ma révélation avec difficulté et ça me soulage presque. Je ne devrais pas être soulagée, puisque je viens de me mettre, moi aussi, dans une situation délicate en lui révélant la vérité. Mais la voir silencieuse, ne pas me répondre avec ses grands airs, c'est assez jubilatoire en faite. Sur le moment du moins. « Comment tu la connais ? » C'est tout de suite un peu moins marrant, même si j'essaye de garder à l'esprit que, de nous deux, c'est elle qui semble la plus mal à l'aise. Alors je garde cette pensée dans un coin de ma tête et je prends une assurance faussement surjouée pour m'adresser à elle. « Pas de ton hautain ? Pas de 'moi je sais mieux que tout le monde' ? Pas d'arrogance dans ta voix. Aurais-tu peur de moi Primrose ? Aurais-tu peur de te montrer telle que tu es vraiment ? Ou aurais-tu encore plus à cacher ? » C'est sans doute pas très fair-play de ma part de provoquer une personne déjà affaiblie, mais je sens le besoin de lui donner une leçon. La petite fille sûre d'elle, meilleur que tout le monde. Elle n'est pas parfaite et j'ai réussi à ébranler sa confiance, à faire vaciller ses convictions et je ne compte pas m'arrêter en si bon chemin. Surtout que continuer à la provoquer, me protège aussi en partie. « J'ai vécu à Brisbane il y a quelques années, et j'ai croisé la route de certains membres de ta si intolérante famille. Tes parents dont j'ai entendu que du bien. Ton frère ambitieux, se donnant à fond pour ses rêves, tes sœurs les petites dernières de la famille chouchouter par tout le monde, et d'autres membres de ta famille telle que ta cousine. » Je parle des membres de sa famille, ceux dont j'avais le plus entendu parler à l'époque. Que j'ai pu les rencontrer ou non, je m'embête pas avec ce détail. Je vais chercher dans mes souvenirs pour me rappeler, pour brouiller les pistes. Et, la laisser se questionner encore un peu. « Et puis il y avait toi, la petite prodige, la fierté de la famille c'est marrant de repenser à ça maintenant enfaîte. Tu vois le coté ironique de la situation ? » Je la regarde, je serais presque sur le point de jubiler mais la situation ne s'y prête pas. J'ai envie de la blesser parce qu'elle m'a énervé, mais je me sens presque coupable de l'enfoncer. Et pourtant, je ne m'arrête plus. S'il lui fallait une nouvelle preuve, en voici une autre, je ne suis pas une sainte Primrose et je peux moi aussi être méchante si l'occasion s'y prête. « La fille dont tout le monde voulait être fière et dont on prédisait un avenir brillant ? Devenu la risée de la famille. » J'insiste sur la situation, sur sa situation pour mettre en avant toute l'ironie de sa condition. Elle avait tout pour réussir, elle avait une famille qui l'aimait et qui avait prit un risque pour elle. Une famille qui l'estimait. Mais elle voulait tout gâcher pour une histoire d'argent, pour être quelqu'un d'autre ? « Je connaissais ton frère à l'époque et je doute qu'il te juge, c'est pas son genre, il est plutôt du genre à s’inquiéter pour toi et à vouloir le meilleur. » Je laisse tomber le voile et fais volontairement le choix d'évoquer Caleb, je sais qu'il existe un risque que je me trahisse, mais vu les circonstances de notre rencontre. Je n'imagine pas la petite Prim courir tout raconter à son grand frère. Elle semble vraiment perturbée que je puisse connaître sa famille, alors je l'imagine difficilement aller se vanter de m'avoir vu. Je reste sur mes gardes quand même, mais c'est autant pour la provoquer que pour me renseigner personnellement que j'évoque son frère. Je tente une légère approche, pas pour rattraper notre lien, mais plutôt pour en obtenir quelque chose de positif pour moi. Par cette affirmation, je cherche par une porte dérobée, de découvrir si Caleb est toujours le même, et si sa tolérance a été malmenée au fil des années. « Mais trop arrogante que tu es, tu dois prendre ça pour quelque chose de négatif. Tu sembles tellement peu sure de toi, que tu te convaincs que rien ne peut arriver et si quelqu'un ose penser autrement, tu le prends de haut non ?» Je remets sa situation sur le tapis très rapidement, essayant de la perdre au milieu de trop d'informations pour que certains sujets abordés ne passent inaperçu et qu'elle n'insiste pas trop dessus. C'est elle la cible, c'est elle qui a besoin de réponse dans l'immédiat parce que j'ai sorti mon joker et qu'elle n'a rien en retour pour me déstabiliser. Alors je compte bien ne pas la laisser prendre le jeu à son compte. « Et puis quel bel exemple pour tes petites sœurs. Je suis persuadée qu'elles sont tellement fières de toi. Et quand tu seras trop vieille et que ton physique ne plaira plus, peut être qu'une d'elle pourra prendre la relève ? Tu as pensé à créer une entreprise familiale ? Je suis sure que ça peut plaire à Warwick, y'a rien à y faire mais y'a pleins de mecs en manque de compagnie. Tes parents pourraient être les comptables, ils ont géré une ferme déjà après le bétail, les femmes, c'est pas si différents non ? Quoique je suis sûre qu'ils avaient plus de respect et d'amour pour la plupart des animaux de votre ferme, que les hommes n'ont de respect pour toi. » Oui je viens littéralement de lui dire que les animaux de la ferme étaient mieux traité et mieux respecté qu'elle. Est-ce que je peux me permettre un tel jugement ? En temps normal, je ne l'aurais pas fais. Mais je ne suis plus à ce détail près. Je n'obtiendrais pas la sympathie de Primrose, j'ai compris cela il y a plusieurs minutes maintenant. Mais si à défaut d'être la personne de confiance dont elle aura besoin quand elle sera prêt à accepter la réalité de sa situation. Je peux être la méchante qui la malmène pour lui faire ouvrir les yeux ou au moins la bousculer un peu pour qu'elle se questionne. Ça marchera ou pas, mais j'aurais essayé et ça aura au moins le mérite de me soulager. Après tout, je voulais faire ça pour Caleb, ou pour moi mais pas pour Prim non ? Alors que ça marche ou non, j'aurais essayé et ma conscience devrait se contenter de l'idée que j'ai essayé et que c'est déjà bien … On ne peut pas aider une personne qui ne veut pas être aidé.
Alex a pris le dessus, c’est indéniable et alors que je menais fièrement la conversation jusque-là je perds de ma superbe et elle le ressent. Elle en profite, se joue de moi, insiste, essaie de me mettre plus bas que terre comme pour se prouver qu’elle peut avoir l’avantage. Je ne comprends pas son attitude, il y a un instant, elle jouait les bonnes samaritaines, prétendait vouloir m’aider, que j’avais de l’importance, que je valais mieux que ça. Maintenant, les cartes ont été redistribuées et c’est un autre visage que je vois. « Je n’ai pas peur de toi. » J’affirme, poings serrés, alors que je pense évidemment le contraire. Bien sûr qu’elle me fait peur, son lien avec ma famille est un danger que je ne suis pas prête à affronter, pas tout de suite. Ils n’ont pas encore réussi à accepter que je sois stripteaseuse, si mes activités annexes doivent leur parvenir, ça va être un véritable carnage. Elle a du pouvoir, beaucoup trop de pouvoir, et c’est quelque chose que j’ai du mal à encaisser. Comme quoi, je n’ai pas perdu les bonnes habitudes, je suis capable de me mettre encore plus dans la merde quelles que soient les circonstances et alors que je participais à un groupe de parole pour tenter de trouver une porte de sortie au bordel de ma vie, je viens de m’enfoncer encore davantage. Je déteste cette sensation de perdre le contrôle, de me sentir vulnérable, de ne plus savoir quoi dire ou quoi faire pour me tirer de ce mauvais pas et la laisser fanfaronner devant mon apparent désarroi. Honnêtement, je croyais qu’elle valait mieux que ça, elle est donc la preuve que l’image renvoyée par une personne peut s’avérer trompeuse et c’est bien dommage pour moi qui en subis les conséquences.
Je la questionne sur ses relations avec sa famille parce que c’est tout ce que je peux faire dans la position dans laquelle je suis. Sa réponse est vague, trop vague, mais en même temps très précise et elle me laisse une impression vraiment très désagréable. Je trouve bizarre qu’elle connaisse tous les membres de ma famille, qu’elle ait l’air de les avoir côtoyés même et que pourtant je n’ai jamais entendu parler d’elle et que je ne l’ai jamais aperçu. A dire vrai, elle commence même à me foutre les jetons parce qu’elle les connait trop bien, trop précisément, trop dans les détails. « On t’a déjà dit que tu étais inquiétante ? » Dis-je alors qu’elle termine sa description des Anderson en terminant par un portrait assez fidèle de l’image que je renvoyais lorsque j’étais enfant. « T’es un genre de stalkeuse qui observes les familles par les fenêtres pour vivre leur vie par procuration, c’est ça ? » J’enchaîne, inquiète et agacée de ne pas comprendre comment elle en sait autant sur nous sans pour autant avoir fait partie des proches connues de mes parents ou de mes frères et sœurs. Je la détestais déjà avant mais là, on arrive à un point de non-retour. « Ce n’est pas parce que tu n’as pas de famille et que ta génitrice était une ivrogne dépressive qui n’avait rien d’une mère que tu peux trouver ailleurs ce que tu n’as pas eu dans ton enfance. » Je ne veux certainement pas de ça comme sœur adoptive, mon dieu, j’aurais trop peur de me réveiller en pleine nuit pour la voir à mon chevet, un couteau braqué au-dessus de mon cœur. D’ailleurs, je ne serais pas surprise qu’elle tente de me séquestrer et de m’enfermer à la cave en quittant cet endroit.
Elle n’en a pas fini avec moi, me descendre plus bas que terre semble être devenue son objectif de la journée. Et j’encaisse encore, parce qu’après tout, elle ne me connait pas, ne sait rien de moi et que même si elle vise plutôt juste, c’est l’opinion que j’ai eue de moi-même à une époque et si j’ai réussi à l’enfouir au fond de moi pour ne pas être blessée par l’image que me renvoie le miroir, ce n’est pas pour qu’une connasse moralisatrice parvienne à me faire douter. « Alors c’est ça, tu t’es tapé mon frère, il t’a donné l’orgasme de ta vie et ça a suffi pour que tu t’imagines mariée avec quatre gamins, un chien et une jolie voiture ? » Je balance, contente de pouvoir rebondir sur quelque chose d’autre que la piètre opinion de ma famille à mon égard parce qu’elle est beaucoup trop contente d’insister là-dessus. Les relations amoureuses de Caleb ne sont pas forcément quelque chose que je maitrise bien mais il n’a jamais été non plus si secret que ça avec moi et je sais qu’il ne m’a jamais parlé de cette fille. « C’est bizarre, il ne m’a jamais parlé de toi, peut-être que tu ne valais pas le coup qu’il mentionne ton prénom, et puis pour ça, encore faudrait-il qu’il l’ait retenu. » Mon frère, le gentil Caleb qui fait toujours les bons choix et a une ligne de conduite irréprochable est certainement incapable de faire ça à une fille, mais parce qu’elle me sort par les yeux, ça me fait vraiment plaisir de l’imaginer. Je veux croire qu’il l’a jetée comme une merde et qu’elle se raccroche à des chimères parce qu’elle n’arrive pas à passer à autre chose. « Tu peux parler de ma famille autant que tu veux, de mes sœurs, de mers ambitions, de ce qu’ils pensent de moi, mais la vérité, c’est que tu t’es accrochée à moi en espérant pouvoir être l’ange gardien qui me remettrait sur le droit chemin, tu voulais te rapprocher de mon frère, voire même de ma famille en montrant que tu es une bonne personne et comme ça ne marche pas, tu t’énerves, tu montres celle que tu es vraiment. » Elle a tellement changé depuis le début de la conversation, je pourrais sûrement l’appeler Alex aux deux visages. J’ai peut-être plein de défauts mais au moins je ne m’amuse pas à montrer des personnalités multiples sans aucune corrélation entre elles. « Je crois que je préfère cette version, parce qu’au fond, tu n’as pas vraiment de quoi me juger, tu es bien pire que moi. » Je veux partir, qu’elle la ferme et qu’elle me foute la paix mais je veux aussi continuer à en apprendre plus et savoir ce qu’elle peut avoir contre moi et si elle a encore des contacts avec ma famille.
« Tu crois que si j'étais une stalkeuse, j'aurais choisi ta famille ou même toi ? Tu crois vraiment que le monde tourne autour de toi Primrose. Tu intéresses peut être les mecs, mais tu es très banale à coté de ça. » Enfaîte j'en sais rien, je ne sais pas quelle genre de vie, elle vit. Mais je ne peux pas lui donner l'importance qu'elle espère ou dont elle a besoin. Elle semble clairement en manque de reconnaissance. Elle a besoin d'être le centre de l'attention et pour combler ce besoin, elle a choisit de vendre son corps, pour se sentir désirée et pour qu'on la regarde. C'est en tout cas comme ça que je le perçois. Elle rentre dans la joute verbale. Utiliser mes aveux pour me les envoyer en pleine face, c'est violent mais je l'ai sans doute un peu mérité. Je la bouscule sur sa famille, elle cherche à en faire de même. Elle cherche à me déstabiliser à son tour et elle réussi, un peu. Sa remarque me pousse un peu plus dans mes retranchements. Elle teste mes limites et parler de mes parents et de ma mère est clairement l'un des meilleurs moyens pour me faire dégoupiller. « Ne fais pas semblant de me connaître, tu ne sais de moi que ce que j'ai bien voulu dire et tu as bien vu que je ne dis pas tout. Tu ne connais pas ma famille, tu ne me connais pas, et tu ne connais pas ma mère. Alors évite de parler d'elle, la mienne était pas parfaite ça c'est sur, mais au moins elle comptait assez à mes yeux pour que je sois prête à me faire aider pour elle. Toi tu as si peu de respect pour eux, que lorsqu'une inconnue te demande entre ta famille et ton métier ce que tu choisis, tu réponds sans hésiter que tu préfères faire la pute. Alors oui j'ai plus de famille, mais t'inquiète ton tour viendra. » Je prends un peu trop de plaisir à lui balancer cette dernière phrase. Mais quitte à se dire des choses qui fâches autant le faire avec un peu de punch. Elle et moi avons dit des choses qui ont d'or et déjà fait sauter les limites du respect, et de la cordialité. Alors maintenant la forme et le contenu sont libres, et visiblement elle a bien comprit le concept du ''no-limit'' en rebondissant sur le sujet de Caleb. « C'est pas parce que tu ne te rappelles plus de tout les noms des mecs que tu baisses que ton frère est comme toi. Mais puisque ça semble t'intéresser un peu trop, je peux te dire que tu passes à coté de quelque chose, ton frère est un sacré coup, orgasme assuré et je l'ai testé assez de fois pour pouvoir juger. Mais sois pas jalouse. Après, tu peux toujours tenter ta chance toi qui semblais attirer par Caleb, j'espère juste que tu ne le feras pas payer. Ça reste la famille quand même.» Rien qu'à m'entendre prononcer ces phrases, j'ai honte. Mais si j'ai réussi à la déstabiliser un peu. Elle, elle a clairement réussi à me faire sortir de toute ma retenue. Et je ne comprends même plus mes propres réactions. Peut-être qu'au fond ça me blesse qu'elle ne sache pas qui je suis. Peut-être qu'elle réussit à me faire douter un peu de mon histoire avec Caleb. Pourquoi il m'avait parlé de sa famille, sans parler de nous à sa sœur ? Je me laisse atteindre par les paroles de Primrose, par les paroles d'une petite conne. J'évacue les doutes qu'elle a réussi à faire naître en moi. Elle ne sait rien de la vie, de l'amour et visiblement elle ne sait rien de sa famille non plus.« Mais si tu ne t'intéressais pas uniquement à ta petite personne tu en saurais plus sur les gens de ton entourage. Pour ça faudrait faire un effort pour trouver de l’intérêt dans les vies insignifiantes des autres. Et ça semble être un peu trop compliqué pour toi. »
Elle réagit à mes intentions, elle prétends les comprendre et elle voit juste sur certaines choses. Oui ça m'énerve mais ce n'est pas d'avoir échouée qui m'énerve, mais c'est bien elle et ses remarques décalées de la vérité. Ou plutôt, elle qui défends SA vérité, fermée à toute vision différente de la sienne. Je ne cherchais pas à me rapprocher de sa famille, mais plutôt à soulager ma propre culpabilité. A compenser un acte passé, par une bonne action maintenant. Et plus la discussion avance et plus je me rends compte que la fissure est grande entre nous, et que j'en deviens méchante avec celle pour qui je ressentais réellement de la sympathie quelques minutes plus tôt. Elle se pense meilleure que moi, et bien qu'il en soit ainsi. La raisonner semble impossible, la provoquer et la blesser avec mes vérités, semble en revanche bien plus abordable. « Tu sais entre nous je n'ai jamais prétendu être meilleure que toi, contrairement à toi qui te pense supérieur à tout le monde. C'est ça la différence entre toi et moi. Je suis comme je suis avec mes qualités et mes défauts. Je ne me surestime pas et je ne dévalorise pas les autres pour flatter mon égo. Toi tu es une gamine encore Prim, une putain de gamine qui ne voit la vie que dans le prisme de sa vérité, celle qui l'arrange et qui la rassure. Tu as besoin d'être aimée, d'être désirée, d'être enviée et tu supportes pas qu'on te tienne tête ou qu'on te dise des choses blessantes. Tu n'aimes pas qu'on te bouscule un peu. Tu penses avoir toujours raison, tu penses avoir le dernier mot tout le temps. Tu penses pouvoir critiquer le monde entier, être blessante sans rencontrer de répondant face à toi. Parce qu'on ne touche pas à Primrose Anderson ? Je m'en tape de ce que tu peux penser de moi. Si tu veux penser que je suis pire que toi, alors va s'y. » Au fond c'est faux, même totalement faux. Je n'aime pas celle que je suis, celle qu'elle me pousse à être, celle qu'elle a réveillé en moi. Et ça me dérange qu'elle puisse me voir ainsi. Je ne suis pas cette connasse habituellement. Je fais des erreurs, des mauvais choix, mais je ne suis pas une connasse qui prends du plaisir à rabaisser les autres, mais son comportement m'irrite, me pousse à bout et mon coté méchante ressort avec un peu trop de vigueur. Et dire que j'ai voulu l'aider, que j'ai eu de la sympathie pour elle. J'en oublies mes ambitions de départ, j'ai complètement mis de côté mon envie d'aider cette famille, désolé Caleb. Ils vont devoir cravacher pour la récupérer, et ça ne sera certainement pas grâce à moi, et bien tant pis ! Qu'il en soit ainsi, je me résous à ne rien avoir à lui apporter. Mais puisque je suis lancée, autant me lâcher et continuer à lui balancer les quelques pensées que j'ai à son sujet.« Je voulais vraiment t'aider parce que j'avais été touchée par la fille que j'ai vu au groupe de parole. Quand je suis venue te parler en premier lieu je ne savais même pas qui tu étais. Mais oui après quand j'ai découvert qui tu étais vraiment j'ai été touchée par ta situation peut être un peu plus. Parce que j'ai du respect pour les gens, pour ta famille. C'est difficile à comprendre pour toi ça hein ? Mais tu ne veux pas être aider et tu ne mérites même pas qu'on prenne le temps d'essayer. Pas parce que tu es escort ou parce que tu te prostitues ou pour tes choix de vie. Mais parce que tu es arrogante, trop orgueilleuse et tellement bornée que j'aurais du comprendre depuis longtemps que tu es vouée à rester dans ta condition actuelle jusqu'à ce qu'un drame te ramène à la réalité. Parce que pour toi arrêter ce que tu fais c'est donné raison aux autres, à ceux qui sont moins bien que toi et dont l'avis vaut rien. C'est leur accorder de l'importance, c'est les laisser gagner et ça c'est impossible pour toi. Alors tant que tu n'auras rien vécu qui t'oblige à renoncer tu ne le feras pas, par fierté, par égo, par débilité. » Je joue la carte de l’honnêteté avec elle, juste pour pouvoir lui balancer ce que je ressens pour elle, et c'est pas bien gentil. Oui, pour moi elle se comporte comme une gamine a qui on aurait répété un interdit et qui prendrait plaisir à le braver juste pour prouver qu'elle peut le faire, qu'elle a raison et que les autres ont tords. « Personne ne sera en mesure de t'aider et tu finiras seule avec comme unique compagnie les dernières personnes qui accepte de payer pour passer du temps avec toi. Et quand les gens se seront lassés de toi, parce que oui ça arrivera. Quand ton corps si jeune ne le sera plus vraiment, tu finiras totalement seule. Et tout ça pour te prouver que tu valais quelque chose aux yeux de gens pour lesquels tu n'as absolument aucune estime. Tout ça pour quelques billets, quelques robes, pour combler un manque. Tout ça pour rien enfaîte. Tes ambitions sont pathétiques, tout comme ta fin sera pathétique. Si tu veux vraiment de l'argent, je t'en donne mais ça te permettra pas de t'acheter une bonne estime de toi même, ça ne t'aidera pas à effacer tes erreurs et le dégoût que tu auras pour toi même. Et ça ne réparera pas le mal que tu fais à ta famille. Ni même le dégoût que tu pourras lire dans leurs yeux à ton égard et ce pour le reste de ta vie. Parce que dans la vraie vie, tu ne peux pas acheter les gens, tu ne peux pas acheter leur amour, leur respect tu sais. » C'est sûrement facile pour moi de lui balancer tout ça, et même un peu hypocrite tant je sais que l'argent permet beaucoup de choses. Je l'ai vu avec mon père... Mais l'argent ne fait pas tout, j'ai de l'argent et je sais que certaines choses ne se règle pas à coups de billets … « Alors je suis peut être pire que toi, sur bien des points si tu veux, si ça te plaît de le penser, mais moi au moins les hommes que je fréquente connaisse mon visage, il me connaisse moi pour ce que je suis et pas uniquement pour l'intérieur de mes cuisses.» Celle là, elle est totalement gratuite, totalement lâche aussi mais on est plus à une méchanceté prêt. « Et tu me diras combien je te dois pour l'heure, vu que tout se marchande avec toi. » Je sors de l'argent que je glisse sur la table. A la fois pour payer nos consommations et pour la provoquer un peu aussi. Je la regarde tout en déposant les billets, voulant voir jusqu’où elle est prête à s'abaisser pour de l'argent.
La haine qui transparait dans les propos d’Alex à mon égard est désormais palpable, si je pensais qu’elle était capable de contrôler ses émotions et ses sentiments pour passer pour la parfaite petite none qu’elle pense être devenue, je me trompais lourdement, il n’en faut pas beaucoup pour la faire vriller et que ses vieux démons refassent surface. Je mentirais si je disais que j’apprécie ce revirement de situation. C’est douloureux, très douloureux, chacune de ses phrases me heurte de plein fouet, m’atteint et me blesse, parce qu’elle vise beaucoup trop juste et qu’elle y va fort, m’assenant chacun de ses coups avec une violence que je n’avais jamais connu jusqu’à maintenant. Je ne craque pas, malgré tout, et je ne compte pas le faire. Je lui rends chaque coup avec autant d’intensité, la poussant dans ses retranchements, alimentant sa colère et sa méchanceté par des propos que je ne pense pas vraiment mais qui suffisent à la dégoûter encore plus de mon attitude. J’ai tort d’agir de la sorte, de la repousser alors qu’elle voulait mon bien, mais c’est plus fort que moi, je me sens jugée et je me suis automatiquement sur la défensive, prête à me battre pour défendre des convictions que je n’ai pourtant jamais eues. Je n’ai aucune estime pour le métier que je fais, mais parce que je le pratique depuis longtemps et parce que j’ai besoin de réussir à m’accepter moi-même, je me suis convaincue que c’était ce que je voulais et que je m’en sortais très bien. Grave erreur. « Tu penses vraiment que te plaire fait partie de mes priorités ? J’en ai rien à foutre que tu me trouves banale ou exceptionnelle, ça n’a absolument aucune importance à mes yeux, j’avais pas prévu que tu finisses dans mon lit. » Je rétorque, employant le même temps qu’elle, avant de me radoucir, un sourire moqueur sur le visage. « Enfin, à moins que tu en aies envie et que tu le demandes gentiment. » Jouer les trainées, c’est mon rôle, n’est-ce pas ? Alors autant le jouer jusqu’au bout, et si ça peut la faire sortir de ses gonds par la même occasion, tant mieux, j’en profite à fond. Elle n’a pas tort quand elle prétend que je fais semblant de la connaitre, c’est le cas, je me sers de sa famille comme elle se sert de la mienne, pour la pousser à bout et utiliser ses faiblesses contre elle, sauf que contrairement à elle, je ne sais rien de ses proches. Nous ne sommes pas à égalité à ce niveau-là, elle a fréquenté les miens, elle les connait, elle peut analyser mon passé en fonction de ce qu’ils lui ont raconté sur moi. Malgré cela, il en faut plus pour m’arrêter et alors qu’elle se vante de tenir assez à sa mère pour être prête à se faire aider, elle m’ouvre une brèche dans laquelle je m’engouffre sans plus attendre. « Quelle jeune fille merveilleuse, maman avait de quoi être fière, dommage que elle, elle ne t’aimait pas assez pour se faire aider pour toi. » Peut-être qu’un jour, comme elle le prétend, je n’aurais plus de famille non plus, c’est d’ailleurs ce qui me fait peur, mais pour ne pas avoir à y réfléchir davantage, je préfère l’attaquer encore et encore, utilisant tout ce que je peux trouver contre elle en espérant l’atteindre. Mon attitude est monstrueuse et en temps normal, je ne pense pas être aussi méchante et cruelle, il faut que ça s’arrête mais ni elle ni moi ne paraissons capable de mettre un terme à tout ça.
Plus le temps passe et plus la situation s’envenime, Alex devient même vulgaire, se servant des performances sexuelles de mon frère pour me piquer, encore une fois. Je ne parle pas de ses rapports intimes avec Caleb et je ne crois pas avoir envie d’en entendre parler, mais parce que je n’accorde pas beaucoup de crédits à ses propos, il m’est assez facile de m’en détacher, n’éprouvant évidemment aucune jalousie pour celle qui a partagé son lit pendant un furtif instant. « Je ne suis pas étonnée, dans la famille, on est plutôt doués pour le sexe, j’ai juste décidé d’être assez altruiste pour en faire profiter davantage de personnes. » Je lui lance, cherchant une fois de plus à lui montrer que je prends mon métier à la rigolade, que tout cela est un jeu pour moi et que je ne me sens pas dégradée pour mon activité. C’est ce qui l’énerve depuis le début, que je me montre aussi tolérante envers un acte qui devrait me répugner, et je ne compte pas m’arrêter-là. Elle me prétend égoïste et superficielle et c’est ce que je suis en réalité, la plupart du temps, je ne pense qu’à moi, je sacrifie les autres pour obtenir ce que je veux, même si ce sont des personnes que j’aime ou même s’il s’agit de ma propre famille. J’ai toujours agi ainsi et évidemment, j’ai toujours culpabilisé de choisir mon propre bonheur au détriment de mes proches, mais je n’ai pas l’intention de montrer cette culpabilité à Alex. Je lui ai déjà fait entrevoir mes faiblesses sans le vouloir, en participant à ce stupide groupe de parole. Je ne ferais pas la même erreur deux fois. « Je ne pense pas que tu es pire que moi, Alex, je pense simplement que tu n’as pas de leçon à me donner, on a tous notre propre parcours de vie, aucun ne vaut mieux que l’autre, on fait tous des choix et c’est à nous de les assumer. Je n’ai pas de compte à te rendre et ce n’est pas parce que tu connais ma fille ou que tu t’es fait sauter par mon frère que les choses sont différentes. Le fait qu’on ne partage pas mon opinion ne me dérange pas, je crois qu’il y a largement plus de personnes qui désapprouvent la manière dont je mène ma vie que de personnes qui l’acceptent, mais le problème, c’est que ton opinion, je ne te l’ai jamais demandée. Tu t’es imposée en parfaite petite fille sage parce que tu te croyais capable d’être la petite lumière qui me guiderait à travers la tempête sans savoir que j’allais cracher sur la main que tu me tendais et c’est pour ça que tu ne me supportes pas. Je te l’ai déjà dit et je te le redis encore, ce que tu penses de moi et de m’en choix, je n’en ai rien à foutre, tu aurais dû économiser tes mots. » Elle voulait m’aider, elle me le dit elle-même, mais je ne lui ai pas demandé son aide et son soutien. Elle s’est montrée maladroite dès le départ en portant un jugement sur ma vie qu’elle ne connait pas. Ça ne passe pas, et ça ne passera jamais. Si elle ne supporte pas s’être trompée en pensant qu’elle adoptait la bonne attitude en voulant me porter secours, ce n’est pas mon problème. « Si jamais tu as vraiment envie d’aider quelqu’un, commence par t’assurer que la personne ait envie d’être aidée. Je te conseille de t’inscrire dans une association ou de recueillir un chaton errant, à mon avis tu auras bien plus de succès. » Elle a raison, personne n’est en mesure de m’aider mais c’est surtout parce que je n’ai pas envie qu’on m’aide, je veux continuer à accepter ma situation et conserver ma ligne de conduite, tout simplement. Comme plein d’autres personnes, elle n’est pas capable de l’entendre et elle préfère tenter de me sauver alors que j’estime que je n’ai pas besoin de l’être. Je la dégoûte peut-être, mais ça n’a plus aucune importance. Je me fous que les hommes qui viennent dans mon lit se souviennent plus de mes cuisses que de mon visage, obtenir de la reconnaissance n’a jamais été ce que je cherchais auprès de ces hommes, ce que je veux c’est leur argent. Alex me prouve, une fois de plus, qu’elle n’a vraiment rien compris et alors qu’elle pose de l’argent sur la table, c’est encore un sourire vaguement moqueur qui se dessine sur mon visage. « Je mérite au moins le triple pour avoir écouté toutes tes conneries. » Je balance, sans toucher à la somme qu’elle vient de mettre sur la table. C’est fini, dans quelques minutes, j’aurais retrouvé ma liberté et avec un peu de chance, nous ne nous recroiserons jamais.
Elle ne connaît plus de limites la jeune Anderson et moi, je suis face à elle, luttant contre mes nerfs qui sont prêts à exploser. Alors quand elle me propose ses services, je n'ai qu'à fermer les yeux et respirer un bon coup pour ne pas exploser littéralement devant son insolence et son irrespect. Au fond de moi, je sens que mon corps réagit, signe d'une intense colère. Je sens mon rythme cardiaque qui tape de plus en plus fort contre mes tempes, et je serre les dents pour ne pas provoquer une scène dans ce bar. Elle veut me provoquer avec son sourire moqueur et son jeu de salope, mais elle ne fait que me pousser encore et encore dans mes limites déjà minces. Primrose pense pouvoir jouer avec moi, elle pense pouvoir gagner face à moi en me montrant son pire visage, son visage de prostituée. Je prends sur moi, j'inspire un grand coup et je tente de lui rendre son sourire, moqueur et impertinent. « Désolé j'ai pas besoin de payer pour coucher, ni de me faire payer. Et puis tu n'es clairement pas mon genre, beaucoup trop banal. » Dans ma tête, les insultes fussent mais je les garde pour moi. Primrose veut jouer à la pute, Primrose veut se comporter comme une pute, et bien qu'il en soit ainsi. C'est son corps, sa vie, ses problèmes. Elle n'aura pas ce qu'elle cherche, je ne rentrerais pas dans sa provocation, pas dans celle là. Mais peut être dans la suivante... Mes nerfs ont déjà été bien mit à rude épreuve et quand elle continue à évoquer ma mère même après un rappel à l'ordre de ma part à ce sujet, je sens que le coup de grâce vient peut-être d'être donné par Primrose. C'est en tout cas, à ce moment que je comprends et que j'accepte qu'à partir de maintenant, définitivement tout semble permis entre nous. TOUT. Et c'est pas les allusions concernant Caleb qui vont ramener un peu de calme entre nous, bien au contraire. Ce qui aurait pu nous lier, nous éloignes. On se fait du mal mutuellement, on se blesse volontairement, alors qu'on était juste deux personnes toutes les deux un peu perdues. Deux inconnues qui se croissent dans un groupe de parole. Deux inconnues qui se rencontrent et se dévoilent par leurs faiblesses. Je lui ais dévoilé mes failles, mes échecs aussi. Ce qu'il y a de plus sombre en moi, ou presque. Elle en a fait de même. Et je me retrouve aussi vulnérable qu'elle, à exploiter ses confidences autant qu'elle exploite les miennes. Et, au fond de moi je me sens coupable d'être cette conne, celle qui juge, celle qui blesse alors que je devrais être plus mature, avoir plus de recul et faire preuve de plus de tolérance. Mais je n'y arrive pas. Et on se blesse, se fragilise et on se défends avec ce que l'on peut. J'ai peur d'elle, autant qu'elle doit avoir peur de moi, parce qu'on a peur des gens qui connaissent nos faiblesses, qui savent comment nous atteindre. Et au lieu de se soutenir, comme on aurait du le faire, comme on voulait le faire en allant dans un groupe de parole. On se retrouve dans ce bar, à se lancer des atrocités et à se provoquer l'une et l'autre pour voir laquelle de nous deux allaient craquer en première. Et visiblement c'est moi la première à lâcher mes nerfs et à plier face à son insolence et à ses provocations. Je lui dis des choses indignes. Je rentre dans le jeu des provocations, et le pire c'est que je prends plaisir à la rabaisser, ou du moins, ça me soulage. « Je ne suis pas étonnée, dans la famille, on est plutôt doués pour le sexe, j’ai juste décidé d’être assez altruiste pour en faire profiter davantage de personnes. » Je ne supporte plus son coté désinvolte, son coté « je m'en foutisme ». Elle ne vit clairement pas dans le même monde que nous, du moins que moi. Et elle se fait un plaisir de me montrer qu'elle semble heureuse de cracher sur l'aide que je lui ai tendu. Elle ne veut pas être aidé, elle ne veut pas entendre parler de changement de vie. Je le comprends, même si l'accepter ce serait lui donner raison. J'ai perdu mon temps, elle aussi. Mais en plus de mon temps, elle a fait perdre celui de tout les gens au groupe de parole. Elle a manqué de respect à tout le monde, et à tout les gens qui cherchent réellement de l'aide. « Tu ne comprends rien, tu ne respectes rien, ni personne. Tu aurais besoin que quelqu'un te remette à ta place un jour. » Et s'il faut vraiment que quelqu'un se dévoue pour lui apporter une leçon, je peux en être. « Je mérite au moins le triple pour avoir écouté toutes tes conneries.» Toujours son sourire moqueur sur le visage, une énième provocation de sa part. Une dernière provocation alors que je lui balance une poignet de billets que je laisse sur la table au moment ou je me lève, prête à quitter ce bar. Comme une petite provocation de ma part. « On va se revoir Primrose, sois-en sûre. » Cette fois, c'est moi qui sourit. Et je me retourne, la laissant dans ce bar seule.
AVENGEDINCHAINS
Spoiler:
@Primrose Anderson J'ai essayé de faire court pour conclure ce rp et ne pas relancer encore la discussion
Cette conversation ne rime à rien, on se pique, on se blesse, on surenchérit à chaque nouvelle attaque de l’autre, mais quel est le but de tout ça, au fond ? Se faire du mal ? Prouver une supériorité que nous n’avons pas, ni elle, ni moi ? C’est pathétique, et même je ne l’avouerais jamais, nous nous faisons réellement du mal. Pourtant, il est m’est impossible de ne pas rétorquer à chaque fois qu’elle me juge, qu’elle prononce une phrase totalement erronée ou qu’elle tente de me blesser parce qu’en le faisant, elle me tend des perches pour que je la déstabilise à mon tour. Mon sourire ne me quitte pas mais c’est un sourire factice, vaguement moqueur, qui n’a pas lieu d’être dans une telle conversation. Elle semble penser que je fais ce métier parce que j’ai besoin de me faire payer pour coucher. Si elle savait à quel point le sexe n’est pas un plaisir dans une telle profession, elle ne dirait pas une telle chose, mais je ne peux pas lui apporter cette justification sans dénigrer mon propre métier, raison pour laquelle je m’abstiens de faire le moindre commentaire sur le plaisir que nous prenons. Je doute fort qu’une de mes collègues puisse se vanter de prendre son pied avec un de ses clients, même si certains sont moins désagréables que d’autres, je n’éprouve pas la moindre envie de les avoir dans mon lit, je le fais par devoir, me souvenant qu’il s’agit du prix à payer pour pouvoir empocher le gain qui en découlera. Quelle importance qu’Alex sache ce que je ressens vraiment ? Qu’elle ait conscience de la considération que j’ai pour mon propre métier ? Le principal, c’est qu’elle croit que j’assume parfaitement mes actes, qu’ils sont parfaitement contrôlés, justifiés et volontaires. C’est ce que j’essaie de faire croire à tout le monde, parce que je me suis rendu compte qu’il était plus facile d’affronter les gens lorsqu’on ne s’écœurait pas soi-même. J’ai appris à dépasser le dégoût que j’éprouvais pour ma propre personne parce que c’est tout simplement plus facile et plus vivable de cette manière. « Je t’aurais bien laissé une carte de visite, au cas-où tu changerais d’avis, mais c’est dommage, je n’en ai plus. » Je me garde bien de préciser que dans le pire des cas, elle sait où me trouver, j’espère sincèrement qu’elle évitera d’aller trouver le reste de ma famille pour mettre la main sur moi dans un futur proche comme lointain.
Cette fille représente un véritable danger pour moi, j’en ai parfaitement conscience, j’aurais certainement dû la ménager et essayer d’apaiser les tentions pour me protéger mais devant le venin qu’elle continuait à cracher, je n’ai pas pu mettre ma trop grande fierté de côté pour renverser la tendance. Elle a tort en prétendant que je ne respecte rien ni personne, j’ai énormément de respect pour mon frère, pour ma meilleure amie, et un certain nombre de grands pontes de l’université, sans compter les diverses personnes qui ont accepté de me donner une chance dans le cadre d’un stage ou d’un entretien. En revanche, c’est vrai, je n’éprouve pas le moindre respect pour elle, parce qu’elle a tenté de me mettre au pied du mur, de me faire croire qu’elle valait mieux que moi et que sa volonté de me tendre le main s’est métamorphosée en une envie de me rabaisser plus bas que terre dès qu’elle a compris que ça allait être plus compliqué que ce qu’elle s’était imaginé. Je ne peux pas respecter une femme qui ne sait pas faire preuve de douceur, de persévérance et qui est incapable de prendre du recul sur une situation. « Dommage que tu n’y sois pas parvenu. » Je rétorque, me demandant si quelqu’un arriverait un jour à me remettre à cette place qu’elle semble penser que je mérite. J’ai l’impression d’être à ma place, à l’heure actuelle, tiraillée entre deux mondes que tout oppose, évoluant dans des univers si différents que je ne risque pas de les confondre, appréhendant le choix qui se présentera à moi tôt ou tard. Elle capitule, Alex, devant mon air victorieux, lâchant quelques billets sur la table avant de tourner les talons non sans une dernière provocation qui a le don de m’angoisser. Je ne veux plus retomber sur elle, plus jamais, j’ignore de quoi elle est capable mais je n’ai pas la moindre envie de le découvrir. Je laisse sur la table assez d’argent pour payer nos consommations, glissant ce qui reste dans la poche de ma veste sans le moindre scrupule avant de me diriger vers la sortie. Le vent tiède me fait du bien et je marche lentement vers l’arrêt de bus qui me ramènera chez moi. Ce n’est que lorsque je m’installe au fond du bus, visage posé contre la vitre, que je me rends compte que mes larmes roulent d’elles-mêmes sur mes joues et je ferme les yeux pour les empêcher d’en sortir. Touchée.