Archie, tais-toi. Franchement. Ne dis rien, si c’est pour lui cracher des horreurs au visage. « Si ça arrivait... j’sais pas c’que je ferais. » qu’elle te dit, les larmes au bord des yeux. Bien joué. Pourquoi est-ce que tu essaies de tout gâcher ? Pourquoi est-ce que tu cherches à tout ruiner ? Ton cerveau hurle sous les signaux d’alerte. A croire que toutes les petites diodes ont viré au rouge, symbole d’un crash imminent. Tu as besoin de la prévenir, tu as envie de l’alerter, de lui laisser l’occasion de prendre ses jambes à son cou, plutôt que de la dévaster. Et toi ? Et pour toi ? Ce ne serait qu’un moment de plus face à la réalité. Ce ne serait qu’une occasion de plus que tu aurais convenablement gâchée. Tu aurais préféré quoi ? Qu’elle ne revienne jamais ? Que tu continues de te noyer dans cette détresse ? « J’devrais pas … dire tout ça, pardon. J’flippe à mort à l’idée d’te faire du mal, t’sais. » Plus que tous les autres. Est-ce que ça voulait dire quelque chose ? Est-ce que ça voulait dire que tu pouvais peut-être être différent, juste pour elle ? Un peu moins volage, un peu plus fidèle, un peu plus constant ? C’était presque comme une déclaration, venant de toi. C’est déjà quelque chose, et t’étais mort de trouille à l’idée de la blesser ne serait-ce qu’une seule fois.
« J’partirais pas. » qu’elle te souffle, alors que tu te perds au creux de son cou. Tu savoures ses doigts qui appuient contre ton dos. Elle est là. Elle est là, contre toi, elle te promet qu’elle ne partira pas. Respire. Inspire profondément. Expire. Arrête de faire de la merde et réfléchis cinq minutes. Pourquoi tu fais ça ? Pourquoi est-ce que ses lèvres te manquent déjà ?
« Des sottises amoureuses hein ? » qu’elle te lance, alors que sa bouche vient retrouver la tienne. Tu souffles, tandis que tu te colles un peu plus à elle. Tu essaies de savourer. Tu essaies d’imprimer, de construire des souvenirs, parce que tu restais persuadé que ça allait mal se terminer. Est-ce que ça se sent dans ta façon d’embrasser ? Est-ce qu’elle sent le désespoir qui te noue la gorge ? Tu aimerais rire un peu, plutôt qu’angoisser alors que rien n’a commencé. Tu secoues la tête, alors que tu te recules, l’espace d’un temps. Tu chasses les mauvaises idées, tu essaies de résister à l’assaut des démons, avant de déglutir péniblement. Tic étrange et stupide, qui ne devait pas tant t’arranger. Tes doigts sont venus se perdre dans ses cheveux, alors que tu te plongeais dans ses yeux. « Ouais. Genre t’appeler mon petit caneton devant tout le monde. » lâches-tu, avec un léger sourire. Tu étais capable d’instaurer un peu de malaise avec vos potes, juste pour te marrer. Tu étais probablement plus gamin qu’elle. C’était probablement toi qui avais cette gueule de chiot paumé, mais bon. Tu voulais juste illustrer tes propos. Mais la seule illustration que tu arrives réellement à faire, c’est celle où ton estomac gargouille bruyamment, au milieu d’un instant de silence. Tu lèves les yeux au ciel, avant de te laisser retomber à côté d’elle, quittant ainsi le confort de ses cuisses. « J’ai pas pris de goûûteeeer. » brailles-tu, alors que tu viens te blottir contre elle. Tu n’avais finalement pas pris ta weed non plus, mais tu pouvais probablement t’en passer. Tu soupires, lentement, alors que tu lui offres un sourire. « J’te proposerais bien d’commander une pizza pour ce soir mais … ça me semble tellement décalé. » Tellement à côté de tout. Tellement inadapté, alors que vous veniez tout juste de vous retrouver. « T’veux quoi ? On fait quoi ... petit canard ? »
En vrai t’es complètement perdue. T’aimerais pouvoir tout effacer, toi qui part du jour au lendemain, t’aimerais pouvoir te dire que rien de tout ça n’est jamais arrivé. Tout comme ces foutus sentiments qui un jour vont clairement vous exploser à la gueule. Vous êtes pas faits pour ça. Lui et toi, c’est pas censé devenir de l’amour, lui et toi, vous êtes censés simplement être les meilleurs amis du monde, deux colocs, comme avant. Parce que tu l’sais, que toute cette histoire elle va vous faire mal. Genre vraiment, tu t’doutes qu’un jour ou un autre, vous allez souffrir. Tu l’connais, il papillonne trop à droite à gauche, avant que t’aies des sentiments pour lui, tu t’en fichais, t’étais contente qu’il soit heureux peu importe avec qui. Là, t’as juste la trouille qu’il ne le soit pas avec toi. Qu’il se sente prisonnier, enchaîné à toi alors que c’pas c’que tu veux pour lui.
T’aurais dû réfléchir à tout ça avant de lui balancer à la tronche que tu l’aimais. Tu pouvais pas tomber amoureuse d’un autre non ? Il a fallu que ça tombe sur lui, ton meilleur ami. L’amitié quand ça devient de l’amour, c’est écrit partout qu’un moment ou un autre ça foire.
T’essaies de pas y penser, mais c’qu’il te dit, ça te rassure pas des masses. T’essaies d’penser aux sottises amoureuses que vous pourriez vous dire bientôt. «Mon petit canard ?» t’as retenu un rire, franchement, c’est trop cheesy comme on dit. Trop dégoulinant, mais ça t’fait sourire comme une idiote. «J’vais t’appeler mon sucre d’orge tiens.» rire moqueur avant d’l’embrasser sur la joue juste avant que son ventre se mette à gargouiller. «On va manger alors ! T’as des trucs dans le frigo que j’te prépare quelque chose ?» mais quand il te parle de pizzas, tu peux pas refuser ça.
«Pizzas, ça fait une éternité que j’en ai pas mangé. Quand j’étais en Suisse... j’mangeais pas trop, même très rarement en fait... pardon, j’devrais pas te parler de ça.» tu veux pas plomber l’ambiance. «J’commande quoi ?» tu lui demandes, en te levant pour attraper ton portable dans la poche de ton jean. «Mon sucre d’orge ?» ça sonne quand même tellement faux. Mais ça t’fait marrer au fond, t’es pas encore habituée c’est tout.
Tu essaies de plaisanter. Tu essaies de déconner, juste pour retirer les mauvaises paroles que tu avais pu lui souffler. Juste pour essayer d’effacer le fait que tu étais incapable de changer. Incapable d’être mieux, même pour une fille qui te détruisait. Même pour celle qui t’avait aidé à devenir un peu mieux que ce que tu étais. « Mon petit canard ? » Tu hoches la tête. Tu hoches la tête doucement, plutôt fier de ta connerie. Quitte à y aller, autant i aller vraiment. Autant vous damner pour de bon. « J’vais t’appeler mon sucre d’orge tiens. » qu’elle réplique, alors que tu lèves les yeux au ciel. Okay, deal. Tu étais capable de tenir le coup. Tu étais capable de relever le défi, surtout si ça pouvait l’agacer. « J’te mets au défi. » que tu lances, alors qu’un baiser d’elle vient se coller sur ta joue. Mais tu tues le charme, t’as la dalle. Tu as besoin de bouffer, à toujours te torturer dans tes idées. « On va manger alors ! T’as des trucs dans le frigo que j’te prépare quelque chose ? » Quasi-directement, tu lui as proposée de plutôt acheter des pizzas. « Puis … On va pas faire le truc en mode c’est la nana qui cuisine dès que j’ai la dalle, eh. » Parce qu’elle passerait son temps derrière les cuisines, autrement. Parce que, certes, tu étais doué pour entretenir des relations un peu atypiques – ou juste le fait que tu étais un connard – mais tu rêvais d’autre chose en guise de stabilité et de normalité. « Pizzas, ça fait une éternité que j’en ai pas mangé. Quand j’étais en Suisse... j’mangeais pas trop, même très rarement en fait... pardon, j’devrais pas te parler de ça. » dit-elle, alors que tu la fixes, l’espace d’un instant. Tu sens comme un pincement au cœur. Comme une légère douleur, alors qu’elle te confie ça.
« J’commande quoi ? » dit-elle, en te ramenant à la réalité. « Mon sucre d’orge ? » ajoute-t-elle, alors que tu t’esclaffes. « Je prendrais … genre une paysanne, c’est bien … mon petit canard. » souffles-tu, alors que tu viens l’attraper par les hanches. C’était niais, ça en était affligeant. Mais au fond, est-ce que ça ne faisait pas du bien ? Est-ce que ce n’était pas reposant, de juste pouvoir la tenir dans tes bras ? « C’est tellement bizarre. » ris-tu doucement, avant qu’elle ne passe commande.
« Tu étais … en Suisse, alors ? » demandes-tu enfin, presque timidement. « Si … si tu veux en parler. » Si ça lui faisait du bien. SI ça pouvait t’aider à un peu mieux comprendre où est-ce qu’elle était passée, ce qu’elle était devenue. « T’as même pas eu l’occasion de manger du chocolat … ou d’en ramener un peu pour moi ? » tentes-tu, pour essayer de détendre un peu l’atmosphère.
Retrouver Archie, ça t’fait vraiment un drôle d’effet . Y’a tellement plein de souvenirs qui reviennent. Cette première fois où vous vous êtes tombés dessus, quand t’étais cette ado qui a fuit l’orphelinat. Quand t’étais cette ado complètement paumée, le cœur en miettes après avoir disparu de la vie de Logan... C’est ça en fait ta signature. Disparaître du jour au lendemain quand tu tiens trop à quelqu’un, quand tu aimes trop quelqu’un à en crever. Et si ça recommençait avec Archie, et si t’étais pas stable au fond, si tu disparaissais encore, qu’est-ce qui se passera cette fois ? Tu peux être sûre de devoir faire une croix sur lui. Il t’as pardonné une fois, il le fera pas une deuxième fois.
T’as peur. Peur de c’qui pourra se passer entre vous. Ça te terrorise, c’est horrible.
Y’a des petits surnoms qui sortent. Tu pourrais t’y habituer, genre maintenant, tu pourrais y prendre goût, d’être avec lui. Ses lèvres te manquent déjà. C’est fou.
Tableau parfait. Vous deux dans la cuisine, à commander des pizzas. Tableau que tu connais par cœur, comme si y’avait jamais eu ces huit mois d’absence de ta part. Ton cœur il est encore en train de faire le petite fou dans ta cage thoracique, t’as quand même l’impression de revivre un peu depuis que t’as remis les pieds à Brisbane. Il choisi une paysanne, t’as pris une hawaïenne, c’était ça qui t’manquait. D’commander des pizzas avec lui.
La Suisse revient dans la conversation, ta gorge se noue, tu sens que les larmes seront pas loin. «C’était...dépaysant. Éprouvant aussi, au début...ça allait et j’ai sombré après. C’était pour ça que je ne voulais pas que tu m’vois. Tu m’as toujours vue en mode guerrière, là... c’était tout le contraire.» t’arrives à te confier facilement. C’est fou l’effet qu’il a sur toi. C’est trop agréable. «Mince, le chocolat !» tu t’es exclamée avant de filer dans l’salon, près de tes valises, t’as fouillé dans ton sac pour revenir avec trois grosses tablettes. «J’y ai pensé. J’ai pas arrêté de penser à toi tu sais... à la façon dont j’voulais t’dire que j’suis raide dingue de toi... J’voulais pas t’dire ça comme ça, pas dans ce contexte de nos retrouvailles un peu explosives..» t’as murmuré alors que t’es venue chercher ses bras pour qu’il te serre contre lui.
Est-ce que tu pourrais t’y réhabituer ? Est-ce que tu pourrais te refaire à toutes ces choses ? Tu l’entends commander une Hawaïenne, ça te fait sourire. Loin de toi le jugement : tu finirais probablement par lui piquer des bouts, comme un gamin. Tu essaies de la faire parler, un peu. Tu ramènes le sujet de son départ dans la conversation – peut-être était-ce maladroit de ta part. « C’était...dépaysant. Éprouvant aussi, au début...ça allait et j’ai sombré après. C’était pour ça que je ne voulais pas que tu m’vois. Tu m’as toujours vue en mode guerrière, là... c’était tout le contraire. » Tu grimaces, légèrement. Tu grimaces, alors que tu viens l’attraper doucement dans tes bras. « Tu sais que … genre c’est pas grave ? Genre … Combien de fois tu m’as récupéré en petits morceaux ? Combien de fois tu t’es occupé de moi, pour me rebooster, pour me forcer à sortir de ma chambre, et pas juste merder, hein ? » Tu marques un temps de pause. « C’est .. peut-être pas comparable à ce que tu as vécu là-bas, mais … J’pense qu’on aurait pu s’en tirer, tu sais. T’as le droit de pas être une guerrière tout le temps, t’as le droit d’avoir besoin des autres, Nept’. » Tout comme toi tu avais eu besoin d’elle. Est-ce que c’était égoïste ? Tu ne voulais pas qu’elle se flagelle pour ce qu’elle avait fait – mais au moins qu’elle reconsidère ses choix à deux fois si la situation venait à se représenter. Au moins ça.
« Mince, le chocolat ! » s’exclame-t-elle soudain, avant de filer dans le salon. Tu es resté là, un peu con, un peu surpris que ta blague n’en soit pas une. Elle est revenue presque aussi vite qu’elle était partie, avec quelques tablettes de chocolat. Tu as poussé un cri d’exclamation, tel un gosse devant un trésor. Okay, tu avais une bonne raison pour aller courir comme un demeuré après des disques, à présent. « J’y ai pensé. J’ai pas arrêté de penser à toi tu sais... à la façon dont j’voulais t’dire que j’suis raide dingue de toi... J’voulais pas t’dire ça comme ça, pas dans ce contexte de nos retrouvailles un peu explosives.. » Tu souffles, doucement. Tu souris, un peu, finalement, avant de l’attraper dans tes bras, encore une fois. Tu la serres contre toi. Tu la serres contre toi, tel un gamin. « Miiiih. » que tu piailles, un peu, alors que tu la fais tournoyer. « J’ai le droit de t’embrasser, alors ? » demandes-tu, avant de lui voler ses lèvres à l’instant même où ses pieds ont retrouvés le sol. « C’est bien parce que y’a du chocolat que je fais tout ça, hein. » essaies-tu de te justifier, après avoir mis fin au baiser. Comme si tu avais besoin d’une raison. Comme si tu n’étais pas déjà en train de devenir accro à ses lèvres. Drogué presque sevré, devant lequel on agitait soudainement la came adulée. C’était de la torture, n’est-ce pas ? C’était comme du foutage de gueule, et peut-être que tu ferais mieux de te méfier.
Tu souffles, doucement. « On goûte ? » demandes-tu. D’ici que la pizza arrive, tu imaginais que les arômes auraient eu le temps de s’en aller. Tu t’en foutais, d’avoir du goût sucré-salé. Royalement. Tant que tu pouvais partager un peu de temps avec elle, ça te suffisait. « J’ai pensé à toi, tu sais … ? Genre beaucoup, aussi. J’ai essayé de tuer ton absence. J’ai essayé de faire tourner mon monde autour d’autre chose que nous deux, que ce qu’on avait vécu. » Tu as essayé, longtemps. Tu as essayé de ne plus espérer la voir à chaque fois que Douglas déboulait dans la cuisine. Tu as essayé de cesser d’espérer entendre sa voix en rentrant chez toi. Tu avais cessé d’envoyer des messages – qui restaient sans réponse. Tu avais arrêté d’envoyer des mails. Peut-être que c’était le seul progrès que tu avais fait. Peut-être que c’était la seule bataille que tu avais réussie, dans ta guerre perdue d’avance pour l’oublier. « J’ai pas voulu penser à mes sentiments. J’ai jamais voulu me confronter à ce que je ressentais pour toi parce que … parce que l’admettre, avec cette quasi-certitude de t’avoir perdue, c’était comme abandonner. Se battre pour une cause perdue. J’ai essayé, tu sais. De me perdre ailleurs, en brisant quelques cœurs au passage, mais j’ai jamais eu l’impression d’être complet. Jamais eu autant l’impression d’être compris que quand t’es là. » Alors qu’est-ce que ça voulait dire, tout ça ? « J’suis peut-être nul pour les relations mais ce que je sais c’est que … sans toi, j’suis rien. »
Combien d’fois t’as essayé d’trouver un peu de courage pour lui répondre, pour lui écrire, pour l’appeler pour qu’il puisse entendre ta voix, pour le rassurer. Juste quelques minutes, ça aurait suffit non ? T’en sais rien. T’étais paumée et quand t’es partie du jour au lendemain sans même lui laisser un mot en expliquant le pourquoi du comment, t’as regretté. T’avais même hésité à monter dans l’avion. Tu t’étais dit que tu ferais demi-tour ou que t’aurais pu l’appeler pour le supplier de venir te récupérer à l’aéroport. Tu serais pas partie. Ouais tu t’serais battue avec lui. Mais ça t’as foutu la trouille, tu t’es laissée démonter par la mauvaise nouvelle annoncée par ton docteur, tu savais qu’un truc clochait, tu savais que t’étais pas bien et tu voulais pas encaisser ça. T’étais pas préparée à ça.
Toi qui est capable d’affronter des vagues énormes, toi qui pouvait passer des heures à rire avec Archie, à vous caler sur le canapé et ne rien glander, ça t’en es capable. Mais affronter une foutue maladie, un foutu cancer... t’es juste partie. Pouf disparue.
Quand tu lui dis que t’as jamais arrêté d’penser à lui, c’était la vérité. Pas un jour tu n’as cessé de vous imaginer ensemble, là, sur ce même canapé. Si tout ça n’était pas arrivé, si t’étais pas tombée malade, vous auriez pas perdus huit mois de votre vie à espérer se revoir l’un et l’autre. Chaque jour qui est passé, t’as pas arrêté de regretter. Au tout début ça allait, puis ça s’est empiré.
Chocolat offert, il t’fait tournoyer dans ses bras et vient voler tes lèvres. Moment trop tendre qui fait fondre ton cœur encore plus. Moment qui t’donne plus envie d’partir. Moment que tu vivre éternellement. Juste te lover dans ses bras et ne plus en partir. Est-ce que ce sera possible ? Est-ce que ça va vraiment fonctionner entre vous ? Et si cette saloperie revenait ? Qu’est-ce qui se passera hein ? Est-ce qu’il sera là avec toi pour supporter la douleur, pour que vous vous battiez ensemble cette fois ?
Tu veux pas y penser. Pas maintenant.
«On goûte.» tu lui souris, mais t’as pas vraiment le temps d’attraper un morceau de chocolat qu’il se lance. Qu’il te dit qu’il n’a jamais arrêté d’penser à toi lui aussi. Y’a ton cœur qui s’emballe. Y’a ton cœur qui est pas vraiment prêt pour c’qu’il va te dire après. Quand il te dit que sans toi il n’est rien, tu t’rends compte à quel point t’as été conne d’être partie, à quel point t’as été horrible, égoïste. «Dis pas ça. T’as pas l’droit d’dire ça. J’suis pas préparée pour ça. J’veux... j’veux juste rester avec toi, j’veux réussir à t’faire oublier que j’suis partie, j’sais que ça va être tumultueux entre nous, j’sais qu’on risque d’souffrir, mais j’veux prendre ce risque. J’veux pouvoir t’aimer librement.» t’es venue te lover dans ses bras, encore. T’es venue chercher ses lèvres encore.
T’as le cœur nerveux. Le cœur à l’envers, en vrac. Mais tu sais pas s’il est prêt lui à aimer inconditionnellement cet homme là en face de toi. Tu sais pas non plus s’il est prêt à se faire briser si jamais un jour ça vire au cauchemar entre vous deux.
Tu l’as embrassé pour oublier tes doutes, pour oublier un peu l’temps qui défile sous vos yeux. Pour oublier ces huit mois qui sont passés, ces huit mois où t’étais pas là auprès d’lui.
« On goûte. » Mais toi, tu parles. Tu ne t’arrêtes pas, et tu lâches finalement les mots qui t’empêchaient de respirer. Est-ce que ça te fait du bien ? Est-ce que tu te sens mieux ? Tu ne sais pas vraiment. Tu ne sais pas vraiment, mais en quelque sorte, c’est différent. Tu avais besoin de ça, tu imagines. Tu avais besoin de lui prouver que non, tu n’étais pas juste un monstre abruti par tes défauts. Okay, tu avais du mal avec tes sentiments. Okay, tu n’osais pas toujours trop les confier, parce que tu commençais à avoir l’habitude des dégâts qu’ils causaient autour de toi. Cependant, tu n’en étais pas dénué. Peut-être que Neptune ne ferait pas exception, d’ailleurs. Peut-être qu’elle en prendrait pour son grade, à t’aimer comme ça, de cette façon-là. Mais, au fond, lequel de vous deux ne le savait pas ?
« Dis pas ça. T’as pas l’droit d’dire ça. J’suis pas préparée pour ça. J’veux... j’veux juste rester avec toi, j’veux réussir à t’faire oublier que j’suis partie, j’sais que ça va être tumultueux entre nous, j’sais qu’on risque d’souffrir, mais j’veux prendre ce risque. J’veux pouvoir t’aimer librement. » Tes bras se retrouvent autour de son corps, alors qu’elle vient chercher tes lèvres. Tu essaies de crever la boule au fond de ta gorge. Tu essaies d’inspirer un peu, ne serait-ce que pour te sentir mieux. « Bien sûr que si, que j’ai le droit de dire ça. » lâches-tu doucement, le regard un peu perdu. « J’étais pas préparé à ce que tu reviennes, et j’t’ai pas dit que tu n’avais pas le droit de le faire. » Tu laisses quatre secondes de silence. Quatre secondes, avant d’afficher ton plus beau sourire d’abruti heureux. Tu ris, doucement, alors que tes doigts viennent la chatouiller doucement. Tu essaies de détourner ta connerie, tu essaies de faire changer un peu le sujet. Alors, tu uses l’une de tes seules armes. Ta connerie.
Et puis ça a sonné à la porte. Tu as bondi comme un idiot, sautant par-dessus le canapé. Tes doigts ont attrapé ton portefeuille, alors que tu te dirigeais vers la porte d’entrée. « La bouuuuuffe. » Tu t’es débrouillé pour payer le livreur, récupérer ce qui semblait être des cartons de pizza – ils n’avaient rien de différents de tous ceux que vous aviez commandés jusque-là – avant de revenir un peu plus tranquillement dans le salon. « Tant pis pour le chocolat, ça sera pour le dessert … J’ai trop la dalle, là. » lâches-tu, alors que tu viens déposer les cartons sur la table basse du salon. « S’tu veux mettre une connerie sur Netflix ou de la musique, tu sais comment faire, hein. Ça a pas changé. » ajoutes-tu, en désignant la télécommande, coincée entre deux coussins du canapé. « De l’eau ou une bière ? » demandes-tu encore, alors que tu te dandines vers la cuisine.
T’vas essayer de t’y habituer à tout ça, encore. D’te laisser apprivoiser par lui, comme au début, comme quand il est entré dans ta vie comme ça sans te prévenir. Il a été là pour toi dans l’pire moment de ta vie, quand t’as lâché l’orphelinat, quand t’as changé d’prénom. Quand t’as fui cette vie un peu trop chaotique, quand t’as aussi brisé le cœur de Logan. Petit pincement d’ailleurs en y repensant, t’as été horrible avec lui et tu t’étais jurée d’plus jamais de t’attacher à qui que ce soit. Tu t’étais jurée...d’plus laisser qui que ce soit s’approcher de toi. T’es trop toxique. La preuve est là juste devant toi, Archie. Relation tumultueuse, toxique, trop douloureuse. Et pourtant, t’es prête à t’lancer dedans corps et âme, pour attraper le taureau par les cornes et tout faire pour que ça s’passe bien. T’as peur, hein, on va pas s’mentir. Et au fond tu t’doutes que lui aussi ça lui fait peur tout ça, parce que c’est tout nouveau pour vous deux.
Il t’sourit, te sors son sourire d’imbécile heureux et c’est contagieux, parce que tu peux pas t’empêcher d’lui rendre le même sourire. Alors c’est ça le bonheur hein ? T’allais lui dire un truc quand ça a sonné à la porte. DAMN ! Puis tu l’vois détaler comme un lapin, alors ça t’fait marrer, tu retiens quand même un fou rire quand il revient avec les deux cartons de pizzas. «Gourmand va. Mais ouais, le chocolat ça sera en dessert, si j’ai encore de la place.» tu t’décales pour lui laisser une place sur le canapé quand même. T’as attrapé son portable pour demander à Google de mettre une playlist chill pour pas que vos oreilles soient trop agressées non plus. «Bière, je meurs d’envie d’boire une bière, ça fait trop longtemps que j’en ai pas bu.» t’as pas hésité entre la bière ou l’eau, de l’eau, t’as bu que d’ça pendant ces huit derniers mois donc bon...
«Tu sais... y’a un truc que j’t’ai jamais dit.» t’as sorti juste après qu’il ne soit revenu de la cuisine avec vos bières. Après toutes ces années, tu lui as jamais dit ton vrai prénom. «Quand j’suis partie de l’orphelinat, j’ai changé de prénom, pour pas garder en tête que ma mère m’avait lâchement virée d’sa vie... Te moque pas hein mais... elle m’avait appelée Rose. J’vois un seul sourire et j’te fais bouffer cet oreiller.»
« Gourmand va. Mais ouais, le chocolat ça sera en dessert, si j’ai encore de la place. » Tes yeux ont roulé dans leur orbite, alors que tu laissais échapper un léger sourire. Est-ce que tu craignais de ne plus avoir de place ? Absolument pas. Tu avais besoin de bouffer. Tu avais besoin de bouffer pour vivre, et parfois, on pouvait presque penser que tu vivais pour manger. Heureusement que tu bougeais au sport. Heureusement que tu étais assez stupide pour courir comme un demeuré derrière des disques. « Bière, je meurs d’envie d’boire une bière, ça fait trop longtemps que j’en ai pas bu. » demande-t-elle, lorsque tu lui proposes de boire un truc avec vos pizzas. Tu as hoché la tête, avant de te ramener avec des bières et de quoi vous essuyer les mains. A nouveau, tu te vautres un peu dans le canapé, avant de te redresser pour commencer à sérieusement considérer d’engloutir une part de pizza.
« Tu sais... y’a un truc que j’t’ai jamais dit. » lâche-t-elle, alors que tu t’arrêtes subitement dans ton mouvement. Tu t’es tourné vers elle, sans savoir vraiment ce qu’elle allait te raconter. Sans savoir si ça la tracassait. « Quand j’suis partie de l’orphelinat, j’ai changé de prénom, pour pas garder en tête que ma mère m’avait lâchement virée d’sa vie... Te moque pas hein mais... elle m’avait appelée Rose. J’vois un seul sourire et j’te fais bouffer cet oreiller. » Ton sourire, tu ne le retiens même pas. Rose. Putain, ça ne lui allait tellement pas. Trop sauvage, trop agressive, trop imprévisible, trop piquante pour être comparée à une fleur de jardin. Et peut-être que si, justement. Peut-être que ça lui allait bien. Tu souffles. Tu souffles, sans savoir si Neptune méritait d’être réduite à une fleur du genre. Tu l’imagines tailladée au sécateur, tordue par des tuteurs, et tu te demandes l’intérêt de donner à sa fille le nom d’une fleur. Alors, tu la laisses t’abattre. Tu la laisses t’attaquer avec l’oreiller autant qu’elle veut : tu sais que tu as échoué. Tu sais qu’elle ne te fera pas vraiment de mal. Tu sais qu’elle s’arrêtera après une dose de rire. Après t’avoir torturé autant que tu le méritais – peut-être pas tant, finalement, quand on considérait les huit mois passés à broyer du noir sans espoir de t’en tirer.
« … Tu préfères lequel ? » demandes-tu finalement, prudent. Tu n’étais pas certain de t’habituer à l’idée de l’appeler Rose tout de suite, mais tu n’étais pas un abruti fini, et tu voulais bien essayer de respecter quelques-unes de ses volontés. « Puis … Pourquoi Neptune, alors ? Qu’est-ce que ça représente ? » ajoutes-tu, avant de finalement te décider à attraper une part de pizza – pas que tu t’en foutais, mais il ne fallait pas non plus oublier ton estomac qui criait famine.
Archie, tu l’connais depuis presque toujours. Archie, c’est ton meilleur ami. Archie, c’est l’mec pour qui t’as craqué. Bravo Neptune, tu pouvais pas choisir quelqu’un d’autre ? Tu pouvais pas juste l’aimer simplement comme un meilleur ami et c’est tout ? Archie... c’est l’seul qui sait tout d’toi, c’est le premier que tu viens voir quand y’a d’l’orage la nuit, le premier pour qui tu craques vraiment. Et ça t’fait vraiment tout drôle. Au fond, ça te tue. Ça te tue d’imaginer qu’il pourrait aller voir ailleurs même si lui aussi il est fou d’toi.
Archie, tu lui avoue qu’à la base tu t’appelais Rose, et tu lui as juré aussi d’lui balancer un coussin à la tronche si tu voyais ne serait-ce qu’un début de sourire venant de lui. Mais son sourire, ce sourire, il t’fait craquer. Beaucoup trop, c’trop dangereux tout ça. T’aurais jamais dû revenir. Parce que tu l’as perdu une fois, il t’as perdue une fois, alors qui dit que ça risque pas d’recommencer ?
«Je t’avais prévenu !» et paf, coussin à la tronche, fous rires jusqu’à c’que vous retrouviez un certain calme. Tout ça, lui, se balancer des coussins au visage, ça t’avait manqué, genre, beaucoup trop. Pizza en main, il te demande quel prénom tu préfères, tu prends même pas la peine de réfléchir. «Neptune. Sans aucun doute. Parce que ça représente deux trucs, une planète insaisissable et un dieu des océans indomptables. C’est con hein ?» t’attrapes ta bière et t’en bois une gorgée un peu longue. Ça fait du bien. Ça t’manquait ça aussi.
«Puis...je préfère quand tu m’appelles Neptune, tu m’as toujours connue avec ce prénom, j’veux pas que ça change. J’tenais juste à t’le dire, c’est tout.»
T’es paumé. T’es un gamin égaré. Elle est là, avec ses lèvres qui te rendent addict. Elle est là, avec ses grands yeux qui te rendent fou. Elle t’a manqué, putain. Tu t’en rends compte, maintenant. Tu t’en rends compte, quand tu penses à tous ces moments où elle était absente. Variable égarée, oubliée, inconnue tordue d’une équation trop compliquée. Est-ce que, avec Neptune à tes côtés, tu comprendrais comment bien fonctionner ? Est-ce que, si Neptune s’en allait, tu réussirais à réapprendre à respirer ?
Elle te raconte des trucs qui semblent importants. Elle te donne son vrai prénom, et toi, comme un idiot, tu laisses échapper un sourire. « Je t’avais prévenu ! » qu’elle te gueule, alors qu’elle te lance un coussin en pleine figure. Tu te saisis, toi aussi, d’un coussin à proximité, histoire de pouvoir convenablement répliquer. Tu ris. Tes épaules se secouent, ton estomac et tes joues te font souffrir, mais t’es bien. Bordel, qu’est-ce que t’es bien, à juste faire le con. A jouer l’idiot, sans chercher à être quelqu’un. Juste toi. Juste toi, et c’est déjà quelque chose de bien. Toi, qui se calme doucement. Toi qui finis par abandonner la bataille des coussins, avant de te jeter sur une part de pizza. Mais tu demandes, quand même. Tu demandes quel prénom tu dois adopter, pour désormais l’interpeller. « Neptune. Sans aucun doute. Parce que ça représente deux trucs, une planète insaisissable et un dieu des océans indomptables. C’est con hein ? » Insaisissable. Indomptable. Tu hausses les épaules, doucement. Tu hausses les épaules, avec un léger sourire sur les lèvres. « Ça te va bien, tu sais. » Mieux que Rose, probablement. Ou peut-être que c’était juste toi. Peut-être que c’était juste que, pour toi, Neptune représentait quelque chose. Peut-être que tu l’associais à la jeune femme en face de toi bien plus que Rose. Absolument. « Puis...je préfère quand tu m’appelles Neptune, tu m’as toujours connue avec ce prénom, j’veux pas que ça change. J’tenais juste à t’le dire, c’est tout. » Tu souris, doucement. Tu souris, alors que tu t’approches doucement. « Puis c’est plus joli, quand je le souffle, non ? » murmures-tu, doucement. « Neptune … » ajoutes-tu, toujours dans un soupir. Tu t’es reculé. Tu t’es reculé en riant doucement, avant de croquer à nouveau dans ta pizza. Charme rompu. Charme qui s’éteint doucement, alors que tu redeviens cet idiot d’adolescent. Incapable de gérer convenablement tes sentiments. Incapable de les dompter, incapable de correctement les domestiquer. Qu’est-ce que tu pouvais ajouter, si ce n’est répéter qu’elle t’avait manqué ? Qu’est-ce que tu pouvais ajouter, si ce n’était que dire que tu l’aimais ?